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# S T #

d u

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant

le projet de loi complétant la loi fédérale sur la justice pénale pour les troupes fédérales du 27 août 1851.

(Du 8 décembre 1902.)

Monsieur le président et messieurs, A la date du 14 juin 1902, le Conseil national a pris en considération une motion de M. le conseiller national Brosi, tendante à la revision de la loi fédérale sur la justice pénale pour les troupes fédérales, motion de la teneur suivante : «Le Conseil fédéral est invité à soumettre aux chambres un rapport et des propositions tendant à compléter le code pénal militaire, du 27 août 1851, par une disposition autorisant en temps de paix le juge à descendre au-dessous du minimum ou à prononcer une peine d'une nature plus douce. » En développant sa motion, M. Brosi la motiva comme suit: «La loi fédérale de 1851 frappe certains délits do peines dont le minimum est très élevé, sans faire de différence entre les infractions commises en service actif et celles commises en service d'instruction. De la sorte, le juge se trouve dans l'impossibilité de tenir compte dans chaque cas du degré de culpabilité individuelle du prévenu, et de mesurer la peine en conséquence. »

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La loi fédérale sur l'organisation judiciaire pour l'armée fédérale du 28 juin 1889 a modifié les dispositions des articles er 1 à 3 de la loi fédérale sur la justice pénale pour les troupes fédérales, concernant l'empire de la juridiction pénale militaire.

De par cette loi, sont soumis à la juridiction militaire de la Confédération et à sa législation pénale militaire les citoyens au service militaire fédéral ou cantonal, et en particulier les fonctionnaires et les employés de l'administration militaire ou des corps de troupes, ainsi que les individus de condition civile, dans certains cas déterminés par la loi. Dans sa partie générale, la loi pénale même ne fait pas de distinction quant à l'application et à la mesure des peines, suivant le genre de service, fédéral ou cantonal, dans lequel l'infraction a été commise ; en revanche, des distinctions de ce genre sont faites dans les dispositions visant la punition de quelques-uns des délits purement militaires définis à l'article 88. Ainsi, la révolte et la mutinerie sont frappées d'une peine plus grave si la révolte, à main armée ou non, ou la mutinerie éclate à proximité de l'ennemi ; articles 51, 52 et 60.

L'irisubordination (articles 63 à 66) est punie plus sévèrement si elle se produit en présence de l'ennemi, et moins sévèrement si le l'ait a lieu hors du service ou dans un service d'instruction.

Pour la violation des devoirs du service (articles 69 et suivants), de même que pour la désertion et l'embauchage (articles 93 et su-.vants), la loi prévoit une réduction des peines lorsque le fait a eu lieu dans un service d'instruction, à distance de l'ennemi ou en activité de service dans l'intérieur.

Ces distinctions sont parfaitement justifiées, car les infractions commises par un militaire au service actif méritent indubitablement une peine plus sévère que celles commises dans de simples exercices de paix. La responsabilité d'un chacun est naturellement plus grande en service actif, lorsqu'il s'agit de la défense de la patrie contre l'étranger ou du maintien de l'ordre à l'intérieur; alors les articles de guerre deviennent applicables, tandis qu'en d'autres temps les articles de paix seuls rappellent les militaires à l'observation de leurs devoirs.

D'autre part, le code pénal militaire ne fait, dans sa partie spéciale, aucune distinction
entre les délits communs commis en service actif et ceux commis en service d'instruction. Pour la mesure des peines, il les place sur la même ligne, et les minima prévus sont souvent de beaucoup supérieurs à ceux

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fixés pour les mêmes délits par les lois pénales ordinaires. A la vérité, même pour les simples exercices de paix, il y a des raisons de frapper certains délits d'une peine plus sévère que s'ils étaient commis dans la vie civile. Tel est notamment le cas des délits contre la propriété, dont la vilenie s'accentue par le fait qu'ils sont commis au détriment des camarades dont le délinquant partage la chambre ou la tente, et avec, lesquels il entretient les rapports d'intimité et de confiance que crée la vie en commun.

Malgré ces facteurs aggravants, les motifs justifiant une réduction des peines pour les délits purement militaires commis en service d'instruction militent aussi pour que le jugo puisse également réduire la peine des délits communs, en dehors du service actif. A cet effet, il n'est pas nécessaire de reviser entièrement le code pénal militaire, car dans la plupart des cas il y a une marge suffisante entre le maximum et le minimum de la peine, et les minima fixés sont généralement assez bas pour permettre au juge de mesurer la peine avec une grande liberté d'appréciation, tout en appliquant la loi en vigueur. Un aperçu des condamnations prononcées par les tribunaux militaires dans les années 1897 à 1901, aperçu dressé par le Département militaire, donne le tableau suivant des délits commis et de leur fréquence : Délits.

Désertion Insubordination .

Violation des devoirs du service Homicide par imprudence .

Lésions corporelles Menaces Viol .

Vol Malversation Fraude Dommage à la_ propriété .

Total des condamnations .

.

1S97. 1898.

1899.

1900.

4 --

2 1

3(1) 3(1)

2 1

7 2

3

1

1

1

2

-- -- 1 2 6 5 -- 1 2 -- 2 -- 5 8 2(2) 2 2 2(2) 2(1) -- -- 1 -- --

-- -- -- -- 7 1(1) -- --

1901.

-- 2 2 --9(1) 2 --

20 26(1) 15 (ti) 12(1) 27(1)

( ). Grâce accordée.

Total clos conda:nnatione.

18(1) 7(1) 8 1 15 5 2 SI (3) 8(3) 4(1) 1

100(9)

Pour apprécier la question de savoir s'il y aurait lieu d'admettre dans la loi une réduction des minima trop élevés pour les délits commis en dehors du service actif, il faut d'emblée faire abstraction des délits purement militaires de désertion, d'insubordination et de violation des devoirs de service, car, comme nous l'avons vu plus haut, les dispositions y relatives font déjà la distinction entre le service actif et le service d'instruction, et les minima prévus pour le service d'instruction ne sont pas élevés.

De 1897 à 1901, il n'a pas été porté de jugement pour assassinat. Les peines prévues aux articles 99 à 107 pour les cas graves sont à la vérité assez élevées ; il en est de même de celles prévues aux articles 109 à 112 pour les lésions corporelles; cependant, elles ne sont pas exagérées au point qu'il soit absolument nécessaire de les adoucir. Pour l'homicide par imprudence et pour les lésions corporelles simples (articles 106 et 113), ainsi que pour l'homicide et lésions corporelles en duel régulier (articles 108 et 117) et pour les menaces (article 165), le juge peut descendre au minimum de la peine de l'emprisonnement ; on peut donc s'en tenir au statu quo. Enfin la peine prévue pour le viol, l'abus des personnes, le rapt et l'enlèvement (articles 119 à 121), le brigandage et l'exaction (articles 137 à 141) est, dans les cas non qualifiés, la réclusion pour une année au moins, soit celle prévue par la plupart des codes pénaux des cantons. Et si des militaires suisses en service d'instruction venaient à commettre des délits de cette nature avec les circonstances aggravantes prévues par le code et entraînant des peines particulièrement élevées, une punition sévère serait parfaitement justifiée; au surplus, le cas échéant, on pourrait abréger par voie de grâce une peine par trop longue.

Parmi les délits qui ont "donné lieu à des condamnations durant la période de 1897 à 1901 et probablement aussi durant la période précédente, il ne reste donc que celui de vol, à la vérité assez fréquent, ainsi que ceux de malversation, de fraude et de dommage à la propriété.

A teneur des articles 130, 152 et 154 du code pénal militaire, ces trois derniers délits sont punis comme le vol, c'està-dire d'après les dispositions suivantes des articles 132 à 136: Art. 132. Le vol est qualifié, dans l'un des
cas suivants: a. Lorsqu'il est commis avec effraction, c'est-à-dire par ouverture violente d'un bâtiment, d'un appartement, d'un meuble, ou au moyen d'escalade de murs ou toitures ou autres clôtures, ou en faisant usage de fausses clefs.

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b. Lorsqu'il est commis sur des objets confiés à la foi publique, qui, par leur nature, ne peuvent pas être renfermés, ou qui. d'après l'usage généra), ne le sont pas ordinairement d'une manière suffisante.

c. Lorsque le voleur est de service au moment du vol.

d. Lorsque le délit est commis sur des objets sauvés de la guerre, du feu ou de l'inondation.

e. Lorsque le coupable a volé son camarade, lorsqu'il a volé dans la maison où il était logé, ou enfin lorsqu'il a volé son maître.

/. Lorsque le coupable s'est armé pour exécuter le vol.

Art. 133. Le vol qualifié sera puni: o. D'un emprisonnement de six mois à un an ou (le la réclusion pendant quatre ans au plus, si la valeur de l'objet volé n'excède pas quarante francs.

6. De la réclusion pendant six ans au plus, si la valeur de l'objet volé est supérieure à quarante francs et n'excède pas deux cents francs.

c. De le réclusion pendant vingt ans au plus, si la valeur do l'objet volé excède deux cents francs. La réunion de plusieurs des circonstances qualificatives, énumérées dans les articles précédents, doit être considérée comme un motif d'aggravation de la peine.

Art. 134. Est réputé vol simple, celui qui ne présente aucune des circonstances mentionnées à l'article 132.

Art. 135. Le vol simple sera puni: a. D'un emprisonnement d'un an au plus ou de la réclusion pendant deux ans au plus, si la valeur de l'objet volé n'excède pas quarante francs.

6. De la réclusion pendant trois ans au plus, si la valeur de l'objet volé est supérieure à quarante francs et n'excède pas deux cents francs.

c. De la réclusion pendant deux ans au moins et dix ans au plus, si la valeur de l'objet volé excède deux cents francs.

Art. 136. Indépendamment des motifs généraux d'aggravation (art. 32), les circonstances suivantes seront considérées comme particulièrement aggravantes, aussi bien dans le vol qualifié que dans le vol simple: a. Lorsque le vol est commis par plusieurs personnes.

.b. Lorsqu'il a lieu de nuit.

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Les minima de peines prévus sont, quant à la durée ei au genre da peines, beaucoup plus élevés que ceux des codes pénaux ordinaires. Cette sévérité peut se justifier pour le cas où celui qui est soumis à la loi pénale militaire se trouve en service actif proprement dit, c'est-à-dire en un service auquel les troupes ont été appelées par la Confédération ou un canton pour défendre le sol du pays contre l'étranger ou rétablir l'ordre à l'intérieur. Mais les minima prévus sont certainement trop élevés si le délit a été commis dans un simple service d'instruction, préparation au service actif, surtout si l'on tient compte de la diminution considérable de la valeur de l'argent, qui a de beaucoup réduit l'importance des sommes sur lesquelles le code base son échelle des peines.

En vertu de ces considérations, nous concluons à ce qu'il soit donné suite à la motion de M. le conseille.'.1 national Brosi, par la promulgation d'une loi complétant les titres IX° et Xe du deuxième chapitre de la loi fédérale sur la justice pénale pour les troupes fédérales par une disposition permettant au juge d'appliquer au délit de vol et aux délits assimilés de dommage à la propriété, de fraude et de malversation, des peines inférieuces à celles prévues aux articles 133 et 135 de ladite loi, si les délits n'ont pas été commis en service actif. Vu les exigences spéciales du service militaire, même de simple instruction, il parait justifié de maintenir des minima plus élevés que ceux prévus par les codes pénaux ordinaires; cependant les minima prévus par la loi actuelle peuvent être réduits des deux tiers, avec une disposition permettant au juge de remplacer le cas échéant la réclusion .par l'emprisonnement.

En vous recommandant l'adoption du projet de loi ci-après* nous saisissons cette occasion, messieurs, pour vous renouveler l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 8 décembre 1902.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, ZEMP.

Le chancelier de la Confédération, RINGIER.

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Loi fédérale complétant

la loi fédérale sur la justice pénale pour les troupes fédérales du 27 août 1851.

L'ASSEMBLEE FEDERALE DE LA

CONFÉDÉRATION

SUISSE,

Vu le message du Conseil fédéral du 8 décembre 1902, décrète : Art. 1er. La loi fédérale sur la justice pénale pour les troupes fédérales du 27 août 1851 est complétée par un article 136bis, ainsi conçu: Article 136bis. Pour la répression du vol et des autres délits contre la propriété, assimilés au vol quant au genre et à la mesure des peines, le juge pourra réduire jusqu'au tiers le minimum légal de la peine privative de la liberté et au besoin remplacer la réclusion

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par l'emprisonnement (art. 7, alinéa 4), si le délit a été commis en service d'instruction.

Art. 2. Le Conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874, concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loi et de fixer l'époque où elle entrera en vigueur.

Feuille fédérale suisse. Année LIV. Vol. V.

52

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Message du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la votation populaire du 23 novembre 1902 (subvention de l'école primaire publique).

(Du 11 décembre 1902.)

Monsieur le président et messieurs, Par notre arrêté du 9 octobre dernier (F. féd. de 1902, IV. 571), nous avons fixé au 23 novembre suivant la votation populaire sur l'arrêté fédéral du 4 octobre 1902 concernant la subvention de l'école primaire publique par la Confédération (ibidem, 569).

D'après les états fournis par les gouvernements cantonaux, la votation a donné les résultats suivants.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant le projet de loi complétant la loi fédérale sur la justice pénale pour les troupes fédérales du 27 août 1851. (Du 8 décembre 1902.)

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Bundesblatt

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Jahr

1902

Année Anno Band

5

Volume Volume Heft

51

Cahier Numero Geschäftsnummer

---

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

17.12.1902

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