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LIVme année. Vol. V. N° 50

10 décembre 1902.

Abonnement par année (franco dans toute la Suisse) : 5 francs.

Prix d'insertion 15 centimes la ligne ou son espace. Les insertions doivent être transmises franco à l'expédition. -- Imprimerie et expédition de C.-J. Wyss, à Berne.

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Message du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant

le travail du samedi dans les fabriques.

(Du 14 novembre 1902.)

Monsieur le président et messieurs, Par arrêté du 26 juin 1902, vous avez invité le Conseil fédéral à présenter un projet de loi statuant que, « le samedi et la veille des jours fériés, il ne peut être travaillé que neuf heures au plus, > en tout cas pas au delà de 5. .heures après midi, les travaux de propreté étant compris dans les heures régulières de travail. Sont réservées les dispositions de l'article 12 de la loi fédérale concernant le travail dans les fabriques. » Au moment de mettre à exécution le mandat qui nous était ainsi confié, nous avons cherché à nous rendre compte, dans une certaine mesure, de la portée dé l'innovation projetée.

Celle-ci est d'autant.plus importante qu'elle ne fait aucune distinction entre les sexes et les âges divers, mais qu'elle embrasse également tous lés ouvriers de fabrique suisses, qui, d'après la dernière statistique, sont au nombre de 242,000. Certaines législations étrangères limitent, il est vrai, la durée du travail, les samedis, dans des bornes plus étroites encore que ne le fait le présent projet ; toutefois, dans quelques pays, les restrictions ne se rapportent qu'à certaines catégories d'ouvriers, Feuille fédérale suisse. Année L1V. Vol. V.

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par exemple à des femmes et à des enfants ; dans d'autres pays, des exceptions considérables sont accordées aux branches industrielles importantes; mais dans d'autres encore, la limitation n'est au fond pas plus grande que l'arrêté fédéral du 26 juin 1902 ne l'a en vue. Pour arriver à l'unification, votre arrêté va plus loin que souvent il ne paraît, en comparaison notamment de ce qui se passe à l'étranger ; en fait, il s'applique à la majeure partie des établissements soumis actuellement à la loi sur les fabriques. Il y a beaucoup de ces établissements qui, déjà maintenant, arrêtent le travail le samedi à r, heures, tandis que d'autres ne travaillent pas plus de 9 heures ce jour-là; mais ce n'est proportionnellement que dans un petit nombre de fabriques que les deux exigences de votre arrêté se trouvent, déjà aujourd'hui, réalisées à la fois. Ce dernier groupe de fabriques pourra seul conserver sans changement sa journée de travail ; une autre partie des établissements pourra recourir à un déplacement d'heures, c'est-à-dire qu'il leur suffira de reculer la cessation du travail jusqu'à 5 heures ; mais le grand nombre devra réduire d'une heure la durée du travail.

Cette réduction ne présente pas toujours un avantage ; elle constitue souvent aussi une diminution du salaire ; on comprend donc que les ouvriers ne soient pas tous portés en faveur de cette innovation et que beaucoup d'entre eux l'accueillent avec une certaine méfiance. L'enquête à laquelle on s'est livré sur la question du congé à accorder aux femmes le samedi n'a très souvent rencontré d'assentiment qu'à la condition qu'il n'y ait pas diminution de salaire.

Mais cette diminution ne pourra pas toujours être empêchée, car, faute de toute base constitutionnelle, le législateur n'a pas le droit d'édicter de prescription d'après laquelle les patrons devraient payer le même salaire pour une courte durée de travail que pour une plus longue. Toutefois, nous avons la confiance que beaucoup le feront, notamment ceux qui emploient les ouvriers à la journée. En cas de payement à l'heure, le préjudice sera fréquent, tandis que l'ouvrier à la pièce ou à la tâche obtiendra le même gain, en moyenne, dans le cours d'une semaine, même si le taux du salaire n'est pas augmenté. En ce qui touche la perte suMe par le patron, les avis sont très partagés,
suivant le mode et la nature de l'entreprise et suivant l'organisation et les ressources des fabriques. Une chose certaine, c'est que votre arrêté ne peut pas être introduit sans qu'il en résulte un dommage matériel aussi bien pour les ouvriers que pour les patrons. Il n'est pas possible

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d'évaluer ce dommage dans son ensemble avec quelque certitude ; mais on peut admettre qu'il sé réduira en peu de temps à un minimum, qui ne saurait être mis en balance avec les avantages moraux que la loi nouvelle est à même de créer pour la vie de famille.

Nous croyons devoir préciser votre arrêté sur un point et par là limiter quelque peu l'étendue de son application. Il s'agit de « la veille des joiirs fériés ». Par « jours fériés », il est .évident qu'on ne peut guère comprendre tous les jours de l'année pendant lesquels le travail est suspendu complètement ou en partie, à lïoccasion de n'importe quelle fête, mais seulement ceux qui sont déclarés tels conformément à l'article 14 de la loi sur les fabriques, c'est-à-dire, jusqu'à nouvel ordre, ceux qui sont indiqués dans la circulaire du Conseil fédéral aux gouvernements cantonaux, en date du 13 décembre 1897 (Commentaire de la loi fédérale sur les fabriques, page 247).

Nous proposons donc de dire: « . . . . la veille des jours fériés légaux ». Le terme « jours fériés » est celui qui figure dans l'article 11, 1er alinéa, de la loi sur les fabriques.

La double exigence stipulée en faveur du samedi, 9 heures de travail seulement et fermeture à 5 heures, n'exerce pas uniquement son influence sur la cessation du travail, mais encore, selon les cas, sur le commencement du travail, le matin, et sur la durée de la pause du milieu du jour. Celle-ci est fixée par la loi à une heure au minimum et à une heure et demie pour les femmes qui ont à soigner un ménage. Cette exigence répond parfaitement aux désirs et aux besoins de la population et elle est complètement entrée dans nos habitudes. Depuis bien des années, la pause de midi de plus d'une heure a de plus en plus gagné de terrain sur la pause d'une heure seulement ; dans plusieurs endroits, la pause est de 5/4 d'heure, de 1 1 / 2 heure ; dans les villes^ elle est même de 2 heures. On a essayé aussi d'introduire la journée anglaise avec une J / 2 heure seulement de repos à midi ; mais la prescription légale existante n'a pas permis de mettre ce projet à exécution. Nous ne pouvons pas recommander non plus d'appliquer la journée anglaise aux ouvriers de fabrique, aussi bien pour des motifs d'hygiène que parce qu'elle serait en désaccord avec les habitudes du reste de la population et avec L'horaire de
l'école ; ce désaccord entraînerait des troubles considérables et coûteux dans la tenue des ménages. De même, nous ne croyons pas opportun de prescrire une plus longue pause du milieu du jour que celle qui a lieu jusqu'ici ; il deviendrait en effet difficile d'obtenir, le samedi,

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un travail effectif de 9 heures. En conséquence, nous ne prévoyons aucun changement dans la pause de midi, et nous trouvons que le mieux est de conserver également pour le samedi les Dispositions de l'article 11, 5e alinéa, et de l'article 15, 2e alinéa, l re phrase, de la loi sur les fabriques.

Les circonstances sont plus complexes en ce qui concerne le commencement du travail le matin. La loi actuelle le fixe au plus tôt à 6 heures et, dans les mois de juin, juillet et août, à 5 heures. Mais il tombe sur des moments tout à fait différents entre 5 et 8 heures, soit d'après la saison et la contrée, soit d'après le genre d'industrie, les moeurs et les usages de la population. Il résulte de cette pratiqué et de l'exigence de votre arrêté deux situations différentes, relatives au samedi, que les exemples suivants éclairciront : a. Dans l'industrie textile, un grand nombre de fabriques commencent toute l'année à travailler le matin à 6 heures et font une pause de 1 à l1^ heure à midi; le soir, à 4 ou 4 '/·> heures, elles ont déjà terminé, par conséquent, les 9 heures réglementaires du samedi. Ces établissements ne peuvent pas travailler jusqu'à 5 heures sans dépasser la durée légale du travail. Consentiront-ils à cesser plus tôt le travail du samedi, c'est-à-dire à 4 ou 4 '/2 heures, ou bien devront-ils commencer d'autant plus tard le matin, de façon à compléter le soir, à 5 heures, les 9 heures prévues ? b. Dans certaines industries, et surtout dans les villes, le travail ne commence en hiver qu'à 8 heures ; il en résulte1 que le soir, à 5 heures, avec une pause de midi de 1 à 1 / 2 heure, on n'aurait travaillé que 8, soit 7 ì/ì heures ; pour atteindre les 9 heures permises, il est donc indispensable de commencer à travailler plus tôt. En conservant l'heure actuelle du commencement du travail et la pause de midi habituelle, les ouvriers arriveront doue, sous le régime de la nouvelle loi, à cesser encore avant 5 heures le travail du samedi dans le premier cas, et à obtenir une durée de travail de moins de 9 heures dans le second.

Le premier cas ne causera aucune espèce de difficultés.

Les ouvriers sont habitués à aller chaque jour de bonne heure au travail et ils considéreraient comme une chicane bureaucratique incompréhensible d'être obligés de venir travailler plus tard le samedi et d'être ainsi
empêchés, en se levant de bon matin, de quitter le travail plus tôt que ne leur commande l'heure réglementaire. Le législateur sera heureux d'obtenir ainsi, par surcroît, une cessation anticipée du travail. D'un autre

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côté, les patrons n'ont aucun intérêt à ne pas commencer le travail, le samedi, à la même heure que les autres jours ; au contraire, ils ont avantage à une cessation avancée du travail, parce qu'alors maintes réparations et autres travaux analogues, qui actuellement doivent encore être exécutés la nuit ou le dimanche, pourront l'être d'autant mieux le samedi, à la clarté du jour.

Le second cas paraît plus difficile à résoudre ; il comporte une réduction plus forte qu'on ne voudrait de la journée de travail, si l'on ne commence pas le travail plus tôt ou si l'on ne raccourcit pas la pause du milieu du jour. Dans les établissements qui accordent une plus longue pause de midi que la pause réglementaire, aucun empêchement légal ne s'opposera à la réduction de cette dernière à 1, soit à 1 '/·> heure; par contre, les ouvriers pourront trouver désagréable, en maints endroits, l'emploi do ce moyen et y résister. A notre avis, il n'est toutefois pas à craindre que de grands changements surviennent on ce qui concerne la pause de midi; mais il faut s'attendre à voir, cà et là, le travail commencer plus tôt le matin. Nous recommandons vivement, à cet égard, de ne pas permettre d'exceptions pour le samedi par rapport aux autres jours, parce qu'elles soulèveraient un mécontentement sans fin et d'innombrables querelles. Supposons, en effet, que la journée de travail commence une heure plus tôt le samedi seulement, quand le ménage et la marche de la fabrique sont réglés sur le commencement du travail à heure fixe ; ce système apporterait des contrariétés et des dérangements dont on ne saurait prévoir les conséquences. Il donnerait aux ouvriers l'impression qu'ils doivent racheter en entrant plus tôt à la fabrique le matin la permission d'en sortir de meilleure heure le soir, et qu'on leur retire d'une main ce qu'on leur donne de l'autre.

Nous proposons on conséquence de décider qii'il soit interdit, Je samedi et la veille des jours fériés légaux, de commencer le travail de fabrique plus tôt que les autres jours. D'un autre côté, nous ne pouvons pas recommander qu'il soit prescrit de commencer le travail plus tard le samedi que les autres jours.

Une telle mesure empêcherait, il est vrai, de dépasser la journée de travail de 9 heures, mais aussi elle réduirait la pause de midi, dont la longue durée est si souvent
désirable, ou bien rendrait impossible de cesser le travail avant l'heure légale de la fermeture.

Les travaux de nettoyage doivent être compris dans la durée de travail réduite du samedi. Nous voyons ici un avan-

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tage considérable de votre arrêté sur de -précédentes propositions, qui excluaient ces travaux de la journée maximum.

Mais pour ne laisser subsister aucun doute, nous ferons remarquer qu'il ne faut entendre par ces travaux de nettoyage, en tant qu'ils doivent être exécutés par les ouvriers de fabrique proprement dits, que les travaux journaliers ou hebdomadaires faits en vue d'entretenir la propreté des machines, des outils et des locaux, travaux qui ont été reportés jusqu'ici dans la durée du travail ordinaire. Dans le cas où des personnes spéciales, par exemple des nettoyeuses pour les planchers, les corridors, les escaliers, les lieux d'aisance, sont employées pour quelques-unes de ces opérations, comme cela se pratique souvent dans les grands établissements, ces personnes appartiennent à la catégorie des ouvriers auxiliaires. De même les grands travaux de nettoyage qui n'ont lieu qu'à de longs intervalles, comme le badigeonnage des plafonds et des murs, le lavage des planchers et des cloisons, l'époussetage des charpentes dans les fonderies et autres de ce genre, ne doivent pas plus maintenant que précédemment rentrer dans la journée maximum de travail.

Pendant que nous parlons de la réglementation générale, nous mentionnerons un certain procédé, destiné à en tourner les prescriptions, qui a déjà fait l'objet de nombreuses discussions et consiste à donner aux ouvriers chi travail à faire à domicile en dehors du temps passé à la fabrique. Il n'est sans doute pas nécessaire de démontrer que cette manière d'agir constitue une violation des dispositions ayant trait à la journée maximum légale et on s'est demandé souvent si une interdiction spéciale n'aurait pas dû être introduite à ce sujet, dès le .début, dans la loi sur les fabriques. Une interdiction serait d'autant plus justifiée que c'est surtout aux femmes que l'on donne du travail à domicile. De récentes lois cantonales sur la protection des ouvrières interdisent très catégoriquement de donner du travail à faire à la maison, par exemple celles de Zurich, de Lucerne, de Soleure, et nous profitons de l'occasion de combler, du moins en ce qui concerne le samedi, une lacune de la législation fédérale. Le contrôle des contraventions n'est, à la vérité, pas facile, mais l'interdiction permettrait cependant d'atteindre facilement les cas où les
ouvrières sont obligées de prendre à domicile du travail à terminer; ces ouvrières auraient un moyen de refuser le surcroît d'occupation qu'on prétend leur imposer. Aussi les dispositions des lois cantonales susmentionnées ont-elles obtenu, à notre connaissance, un certain succès.

Il n'est malheureusement, pas possible, aussi désirable que soit la chose, de déclarer généralement obligatoires les prescrip-

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lions demandées par votre arrêté. La variété des situations, la grande différence des besoins et les changements constants que réclame l'industrie rendent les exceptions absolument nécessaires. Votre arrêté en stipule déjà une, en réservant les dispositions de l'article 12 de la loi sur les fabriques, d'où il résulte que des hommes ou des femmes non mariés, âgés de plus de 18 ans, peuvent encore exécuter des ouvrages accessoires le samedi après 5 heures. Les divers arrêtés du Conseil fédéral et du Département concernant les travaux accessoires (Commentaire de la loi sur les fabriques, pages 211 à 222), de même que les autorisations accordées à diverses exploitations, restent ainsi en vigueur. Il n'est pas impossible que, par suite de la nouvelle diminution de la durée du travail, le samedi, certaines opérations, dans d'autres exploitations, et notamment les procédés chimiques, exigent un traitement spécial. Nous renvoyons dès maintenant, à cet égard, à l'arrêté du Conseil fédéral concernant les ouvrages accessoires dans les fabriques, du 3 juin 1891, chiffre 2 (Commentaire de la loi sur les fabriques, page 217), qui dit : « S'il est nécessaire de procéder, en dehors des heures régulières et légales, à d'autres travaux qui se présentent périodiquement et ne peuvent que sous certaines conditions être qualifiés d'ouvrages accessoires ou subsidiairement de travaux d'absolue nécessité, tout établissement en cause est tenu de demander à cet effet, en produisant des motifs circonstanciés à l'appui, une autorisation générale. » Un second groupe d'exploitations auxquelles la loi nouvelle ne pourra pas être appliquée sont celles qui doivent êire maintenues en activité la nuit et le dimanche sans interruption. Nous rappelons ici l'emploi d'un feu continu (dans les fabriques d'acide sulfurique, verreries, usines à gaz, fours annulaires des tuileries, hauts-fourneaux, etc.), et nous pouvons citer aussi la plupart des usines électriques, les stations de distribution d'eau et autres. Quand il n'est pas possible d'arrêter l'exploitation, il va sans dire qu'on ne peut pas exiger la cessation du travail de l'équipe de jour le samedi à 5 heures.

11 en est autrement des fabriques qui travaillent la nuit, mais non pas le dimanche, qui arrêtent donc le travail entre le samedi et le dimanche, a une heure quelconque. On
peut se demander, en ce qui les concerne, si elles ne peuvent pas renoncer au travail de nuit le samedi, si elles ne peuvent le suspendre à 5 heures comme les établissements qui ont une exploitation exclusivement diurne. Les circonstances ne sont pas es mêmes

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partout et la question ne peut pas être simplement affirmée ou niée. Les motifs qui ont conduit à accorder l'autorisation du travail de nuit aux boulangeries, à maintes imprimeries de journaux, à des fabriques chimiques, sont d'aussi grande importance pour le samedi que pour les autres jours, tandis que, par exemple, une scierie, un moulin à ciment ou une fabrique de gypse peuvent bien plus facilement, sans grand préjudice, renoncer à travailler dans la nuit du samedi. La question est, en revanche, plus difficile pour les fabriques de papier et n'est pas très simple non plus pour les moulins à blé. On devrait cependant pouvoir introduire l'innovation concernant la journée du samedi sinon dans toutes, du moins dans la plupart de ces exploitations et nous désirerions réaliser ce progrès. Nous ne nous dissimulons pas, il est vrai, les conséquences de la suppression du travail de nuit, le samedi. La plus certaine sera que partout les ouvriers n'auront plus que 5 équipes do nuit par semaine au lieu des 6 qu'ils ont maintenant.. Pour les établissements, la perte de la durée de travail serait très diverse et dépendrait de la manière dont le travail de nuit a été exécuté jusqu'ici. Les uns arrêtent à minuit, la majorité continue jusqu'au dimanche au petit jour : les premiers subiraient ainsi une perte de 7 heures, les derniers une perte pouvant s'élever jusqu'à 13 heures. Pour compenser celle-ci, un plus grand nombre d'exploitations reporteraient sur minuit la relève de l'équipe, afin de pouvoir reprendre le travail le lundi dès la première heure.

Tel propriétaire d'établissement cherchera à se récupérer sur le dimanche du travail de nuit qu'il a perdu le samedi ; il reprendra à cet effet l'exploitation le dimanche soir au lieu d'attendre le lundi matin. Les autorisations existantes pour le travail de nuit ne s'opposent pas expressément à ce dessein, attendu qu'elles n'exigent que les 24 heures de repos réservées au dimanche. Mais nous nous proposons, dans des cas de ce genre, d'empêcher, par une revision des autorisations pour le travail de nuit, qu'il soit travaillé pendant la nuit du dimanche au lundi ; nous nous appuierons à cet effet sur la considération que tout au moins le travail fait avant minuit doit encore être considéré comme travail du dimanche, lequel n'est pas compris dans les autorisations
touchant le travail de nuit, dans le sens de l'article 13 de la loi sur les fabriques.

Mais ne serait-il pas plus facile d'appliquer au 'moins à l'equipe de jour la loi nouvelle concernant le travail du samedi ?

Cette question, qui, au premier coup d'oeil, ne paraît pas difficile à

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résoudre, peut aussi être posée pour les établissements qui travaillent le dimanche. Mais comment la chose se présenterait-elle dans la pratique ? Si l'on veut continuel1 à permettre le travail de nuit, il faut qu'il commence dès que celui de l'équipe de jour prend fin; une interruption de 1 à 2 heures serait absolument inconcevable dans beaucoup d'exploitations, par exemple dans la fabrication du papier, dans les fabriques chimiques; elle serait partout extrêmement peu pratique.

L'ouvrier qui travaille de jour et qui se retire à 5 heures accomplirait probablement, en commençant à
Si les équipes ne se relèvent, pas matin et soir, mais chaque fois à minuit, il faudrait ou bien faire intervenir une équipe intermédiaire de 7 heures, pour le temps de samedi soir, à 5 heures, jusqu'à minuit, ou bien l'ouvrier régulier, qui serait obligé de se remettre à l'oeuvre à 5 heures, n'aurait que 5 heures consécutives de repos dans les 24 heures qui courent du vendredi soir, à minuit, jusqu'au samedi à la môme heure. Ce dernier système serait à son tour en contradiction avec l'article 13, 4e alinéa, mentionné ci-dessus, et aurait pour conséquence un surmenage vexatoire que personne ne voudra introduire ; le premier système sera reconnu comme inexécutable en pratique. Il n'existe évidemment aucun empêchement légal à ce que l'on déplace la relève des équipes de 6 heures ou de minuit sur 5 heures; mais tout d'abord la pratique s'oppose à une répartition semblable; en second lieu, le but de la loi nouvelle ne serait par là qu'à moitié atteint, car l'ouvrier qui doit suivre l'équipe, le samedi, de 5 heures du matin à 5 heures du soir, arrive à un service de plus de 9 heures, en tout cas de 10 heures. C'est ainsi qu'on se heurte partout à des difficultés. Ce n'est pas sans peine que la division du temps n été réglée pour l'exploitation de jour et de nuit et il
est à prévoir que tout changement du système actuel créera de nouveaux embarras. L'expédient ci-dessus ne nous paraît donc pas acceptable. A notre avis, on doit ou bien interdire le travail de nuit et suspendre toute l'exploitation à 5 heures, ou bien continuer à le permettre et conserver le système actuel des relèves de l'équipe. L'interdiction, comme nous l'avons déjà dit, est impossible dans plusieurs exploitations, tandis que

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d'autre part la conservation du travail de nuit, le samedi, n'est pas partout absolument nécessaire. Nous recommandons en conséquence d'appliquer, en principe, la loi nouvelle à toutes les exploitations qui travaillent la nuit, mais non pas le dimanche, et de donner pouvoir au Conseil fédéral d'autoriser des exceptions quand le besoin s'en fera sentir.

11 reste encore à parler des autorisations de travailler en dehors des heures légales, telles qu'elles ont été réglées jusqu'à présent par les gouvernements cantonaux et les autorités locales et de district, d'après les dispositions de l'article 11, 4e alinéa, et en partie de l'article 13, 2e alinéa, de la loi sur les fabriques. Nous voudrions volontiers déclarer, sans autre forme de procès, que ces autorisations ne peuvent absolument plus être délivrées le samedi; mais il n'est pas possible d'aller si loin. On a discuté la question de savoir si, d'après l'article 11 de la loi sur les fabriques, la prolongation du travail du samedi était au surplus admissible. Nous devons reconnaître que lee texte même de cet article n'exclut pas une prolongation. Le 4 alinéa crée certaines exceptions à la régie posée au 1er alinéa et s'il les admet pour les 11 heures de travail des cinq premiers jours de la semaine, elles sont aussi admissibles pour les 10 heures du samedi. L'intentione contraire du législateur aurait dû être exprimée dans ce 4 alinéa. En considération des circonstances qui peuvent se présenter, il n'a certainement pas voulu faire d'exception pour le samedi; nous avons la persuasion que, généralement, il ne peut pas en être fait non plus aujourd'hui, et que la possibilité d'être autorisé à travailler le samedi en dehors des heures légales doit être également réservée pour l'avenir. Quelques gouvernements cantonaux ont bien introduit des restrictions très remarquables; toutefois, les situations sont tellement variées qu'une interdiction absolue serait impraticable et que même les cantons qui peutêtre sont allés le plus loin dans cette direction se voient obligés de s'écarter de la règle adoptée. Mais les inspecteurs de fabrique signalent dans leurs rapports, relativement à la manière de traiter les demandes en autorisation de travailler en dehors des heures légales, les grandes divergences qui existent de canton à canton, comme aussi entre les
décisions des instances supérieures et inférieures chargées d'accorder l'autorisation. On dit notamment des instances inférieures qu'elles sont trop larges et qu'elles accordent toutes les demandes sans les avoir suffisamment examinées. C'est pourquoi on a eu l'idée de déférer au Conseil fédéral la compétence d'accorder les autorisations de travailler le samedi en dehors

675des heures légales. Nous ne pouvons pas recommander ce mode de procéder. Le Conseil fédéral n'est pas assez familiarisé avec les diverses situations locales qui se présentent; il est trop éloigné de la plupart des intéressés pour pouvoir juger en connaissance de cause, et souvent il ne serait pas possible d'accorder une demande dans le délai utile. Le droit d'accorder l'autorisation doit donc rester, au fond, aux autorités cantonales. Mais pour remédier aux inconvénients résultant de l'attribution de ce droit aux nombreuses autorités locales et de district et pour assurer sous ce. rapport une application aussi uniforme que possible de la loi nouvelle relative au samedi, nous recommandons, en ce qui concerne les autorisations de travailler en dehors des heures légales: a. de retirer la compétence aux instances inférieures et de l'accorder uniquement aux gouvernements cantonaux ;· o. de limiter, de par la Confédération, le domaine dans lequel les autorisations peuvent être accordées.

Le dernier point peut être atteint de deux manières : 1° par l'énumération des motifs pour lesquels l'autorisation peut exclusivement être accordée ; 2° par la désignation des industries qui ont le droit de faire usage de cette faveur.

La loi actuelle sur les fabriques ne parle pas des raisons en vertu desquelles le travail en dehors des heures légales peut être autorisé ; une instruction du Département des chemins de fer et du Département du commerce, en date du 22 août 1878 (Commentaire de la loi sur les fabriques, page 203), y fait seule allusion. 11 est incontestable que le travail en dehors des heures légales doit être autorisé en cas d'« absolue nécessité ». On ne peut nier, toutefois, que cette notion « en cas d'absolue nécessité » ne soit très incertaine et que, faute de définition légale, on ne puisse de bonne foi avoir une opinion différente sur sa signification et sa portée ; mais il faut avouer aussi que, malheureusement, elle peut conduire à des interprétations erronées. Nous nous sommes dès lors demandé si l'on ne devrait pas indiquer dans la loi certains motifs dont l'existence seule donnerait aux gouvernements cantonaux le droit d'autoriser, le samedi, le travail en dehors des heures légales, et cela pour toutes les exploitations pouvant justifier qu'elles se trouvent au bénéfice des motifs dont il
s'agit. La restriction recommandée ci-dessus serait par là réalisée en même temps. La loi zurichoise concernant la protection des ouvrières procède de cette façon; elle déclare que le travail en dehors des

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heures légales n'est admissible qu'en cas de retard dans le travail par suite de perturbation dans l'exploitation, en cas de surcroît de travail dans la saison ou de commandes à l'occasion d'événements déterminés et imprévus, ou bien encore lorsqu'il s'agit d'éviter des dommages importants, lorsque les matières premières sont menacées de se détériorer et lorsqu'il s'agit, d'empêcher que des tiers ne se trouvent sans travail.

Bien qu'un mode de procéder de ce genre puisse se justifier par diverses raisons, nous n'avons pas pu nous résoudre à vous le recommander. D'une part, il n'est pas possible d'énumérer tous les motifs qui peuvent mériter d'être pris on considération ; d'autre part, il y a quelque chose d'illogique à préciser des motifs pour les autorisations du samedi, et à ne pas le faire pour celles des autres jours. Nous croyons pouvoir atteindre plus sûrement le but par la seconde voie, c'est-à-dire en désignant certaines industries qui méritent des égards spéciaux. Nous répétons que toutes les industries sans exception doivent pouvoir « en cas d'absolue nécessité » obtenir xme autorisation. Pour le surplus, nous recommandons de donner pleins pouvoirs au Conseil fédéral à l'effet de désigner les industries auxquelles les gouvernements cantonaux peuvent pour d'autres motifs, en considération des conditions spéciales d'exploitation dans lesquelles elles se trouvent, accorder des autorisations de prolonger le travail du samedi. Cette liste devrait être modifiée et complétée suivant les besoins. Nous visons ici notamment certains travaux et affaires de saison et les exploitations qui ont souvent à répondre à des besoins locaux et occasionnels imprévus, ainsi que cela a lieu, par exemple, pour les maisons de denrées alimentaires, de confections, d'articles de mode, etc.

Par l'exposé qui précède, nous croyons avoir suffisamment expliqué le projet de loi ci-après, que nous recommandons à votre approbation.

Nous saisissons cette occasion pour vous présenter, monsieur le président et messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 14 novembre 1902.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, ZEMP. ' Le chancelier de la Confédération, RINGIER.

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(Projet).

Loi fédérale concernant le travail du samedi dans les fabriques.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION

SUISSE,

Vu l'article 34 de la constitution fédérale ; Vu le message du Conseil fédéral du 14 novembre 1902, arrête : Article 1er. Dans les établissements industriels soumis à la loi fédérale concernant le travail dans les fabriques, du 23 mars 1877, la journée de travail, le samedi et la veille des jours fériés légaux, ne devra pas, y compris le temps nécessaire pour les travaux de nettoyage, dépasser neuf heures, ni se prolonger, en aucun cas, après 5 heures du soir.

Ces jours-là, le travail ne devra pas commencer à une heure plus matinale que les autres jours. Il est interdit également de prolonger la durée du travail en donnant aux ouvriers de l'ouvrage à faire à domicile.

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Art. 2. Les dispositions de l'article 1er ci-dessus sont applicables aux exploitations qui doivent interrompre le travail les dimanches ec les jours fériés, mais qui sont autorisées à le continuer la nuit, conformément à l'article 18'de la loi sur les fabriques. Le Conseil fédéral a toutefois le droit d'établir une exception pour les. exploitations qui justifient de la nécessité du travail, de nuit la veille des dimanches et des jours fériés.

Art. 3. Les dispositions de l'article 1er ne sont pas applicables : a. aux ouvrages accessoires prévus par l'article 12 de la loi sur les fabriques ; 6. aux procédés de fabrication pour lesquels l'autorisation de travailler sans interruption est accordée à teneur des articles 13 et 14 de la loi sur les fabriques (travail de nuit et travail du dimanche).

Art. 4. Seuls les gouvernements cantonaux auront le droit d'accorder, dans le sens de l'article 11, alinéa 4, de la loi sur les fabriques, l'autorisation de prolonger la journée de travail le samedi et la veille des jours fériés légaux, et cela dans les cas suivants, savoir: a. dans les cas d'absolue nécessité, dont la nature doit être indiquée; 6. lorsque l'exploitation fait partie de l'une des industries en faveur desquelles le Conseil fédéral a reconnu comme admissibles, dans d'autres cas que les cas d'absolue nécessité, les autorisations mentionnées ci-dessus.

Art. 5. Les dispositions exécutoires et pénales (art. 17 à 19) de la loi sur les fabriques sont aussi valables pour la présente loi.

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Sont abrogées les dispositions de la loi sur les fabriques qui sont contraires à la présente loi.

Art. 6. Le Conseil fédéral est chargé, à teneur des dispositions de la loi fédérale, du 17 juin 1874, concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux, de faire publier la présente loi et de fixer i'époque à laquelle elle entrera en vigueur.

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Message du

Conseil fédéral à T'Assemblée fédérale concernant

la modification et le complément de la loi fédérale du 29 mars 1893 sur les transports par chemins de fer et bateaux à vapeur.

(Du 28 novembre 1902.)

Monsieur le président et messieurs, Par la convention additionnelle à la convention internationale sur le transport de marchandises par chemins de fer du 14 octobre 1890, -- ladite convention additionnelle conclue le 16 juin 1898 et entrée en vigueur le 10 octobre 1901 (Ree. off., nouv. série, XVIII, 651), -- diverses dispositions de la convention internationale ont été modifiées et complétées qui avaient été en leur temps admises telles quelles dans la loi fédérale du 29 mars 1893 sur les transports par chemins de fer et bateaux à vapeur (Bec. off., nouv. série, XIII, 637). Comme il est très désirable que la concordance ayant existé entre le droit international relatif aux transports et la loi fédérale sur les transports soit rétablie dans la mesure du possible, nous avons l'honneur de vous proposer de reviser cette dernière loi dans le sens du projet d'arrêté ci-après. Nous accompagnons ce projet des observations suivantes: Le complément de l'article 6, lettre l, de la convention internationale, complément prévu à l'article premier, chiffre 1,

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant le travail du samedi dans les fabriques. (Du 14 novembre 1902.)

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Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1902

Année Anno Band

5

Volume Volume Heft

50

Cahier Numero Geschäftsnummer

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Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

10.12.1902

Date Data Seite

665-680

Page Pagina Ref. No

10 075 243

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