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FEUILLE FÉDÉRALE 88 année Berne, le 1 juillet 1936 Volume n e

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui du projet de loi sur le désendettement d'entreprises agricoles.

(Du 23 juin 1936.)

Monsieur le Président et Messieurs, En nous fondant sur les explications qui suivent, nous avons l'honneur de vous soumettre le projet de loi sur le désendettement d'entreprises agricoles.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES INTRODUCTION La situation de l'agriculture suisse inquiète sérieusement depuis nombre d'années non seulement les autorités fédérales et cantonales, mais encore, dans toutes les couches de la population, les citoyens soucieux du bienêtre public. A réitérées fois, nous avons eu l'occasion de vous exposer les conséquences de la crise et de vous faire rapport sur les mesures prises pour remédier à la détresse de notre économie rurale. Nous nous référons notamment à nos messages du 26 février 1932 concernant la prolongation de l'aide aux producteurs de lait, du 25 août 1932 concernant la prolongation de l'aide financière en faveur des agriculteurs dans la gêne, du 22 décembre 1933 concernant la prolongation et le développement de l'aide financière en faveur des agriculteurs dans la gêne, du 22 février 1935 concernant une nouvelle prolongation de l'aide aux producteurs de lait et l'atténuation de la crise agricole et du 10 mars 1936 concernant la prolongation de l'aide aux producteurs de lait et des mesures prises pour atténuer la crise agricole. Ces messages sont fondés sur une statistique étendue et éclairent la situation de tous côtés. Aussi croyons-nous pouvoir nous dispenser de répéter ce qui a déjà été dit et nous borner à exposer Feuille fédérale. 88e armés. Vol. II.

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quelques faits caractéristiques, propres à montrer le développement et l'état actuel de l'endettement agricole; la nécessité de prendre les mesures législatives déjà ordonnées et celles que nous proposons dans notre projet vous apparaîtra alors.

C'est un fait généralement connu que, depuis le milieu du siècle passé, l'endettement de la terre est allé sans cesse en augmentant. Et cela est vrai non seulement pour la Suisse, mais aussi pour les autres Etats européens, placés aujourd'hui devant les mêmes problèmes que nous. En ce qui concerne notre pays, la commission d'experts chargée d'étudier le taux de l'intérêt du crédit agricole a constaté que, par hectare de terrain rural utilisé, l'endettement était de 675 francs en 1856, de 1760 francs en 1914 et de 2250 francs en 1928. Les dettes ont ainsi triplé au cours de ces sept décennies. Au sujet du développement durant le XXe siècle, nous relevons ce qui suit dans le rapport du secrétariat des paysans relatif au surendettement et au désendettement de l'agriculture (publication n° 109): En 1911, l'actif de l'agriculture représentait un capital de 8853 millions de francs auquel s'opposait au passif un capital de 3779 millions (dont 3324 millions de dettes garanties par gages immobiliers et 455 millions de dettes chirographaires). Pour l'année 1931, le rapport est estimé comme il suit: actif 11,396 millions, passif 4788 millions (dont 4189 millions de dettes garanties par gages immobiliers et 599 millions de dettes chirographaires). D'où il appert que pendant ces deux décennies les dettes ont augmenté annuellement de 50 millions en moyenne. Pour 1931 et 1932 le secrétariat des paysans admet une augmentation de 100 millions par an. Depuis lors, il a dû toutefois y avoir eu un ralentissement très notable, surtout ces dernières années. La charge hypothécaire a été évaluée par le professeur Pauli en 1933 de la manière suivante: 65 pour cent des hypothèques grevant les immeubles agricoles représentent une charge de 70 pour cent de la taxe de la valeur de rendement fixée dans la dernière période de l'impôt de guerre, 15,6 pour cent frappent les biens-fonds dans la proportion de 70 à 100 pour cent de la valeur de rendement et 19,4 pour cent dépassent cette valeur (v. Pauli, Die Lage der Landwirtschaft, Schweiz. Finanz-Jahrbuch, 1933, p. 44). Pour se faire une
idée exacte du degré de l'endettement, il importe en outre de connaître la charge hypothécaire par hectare. Diverses recherches ont été faites à cet égard.

Le bureau de statistique du canton de Berne s'est enquêté dans 19 communes (comptant 1631 exploitations agricoles). Il a constaté l'endettement suivant par hectare: 0 à 1000 fr. 40,9% de toutes les exploitations 1001 à 2000 ». 15)5% » » » » 2001 à 3000 » 12,2% » » » » 3001 à 4000 » 12,8% » » » » 4001 à 5000 » 5,8% » » » »

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5001 à 6000 fr.

4,4% de toutes les exploitations 6001 à 7000 » 2,6% » » » » plus de 7000 » 5,8% » » » » Le secrétariat suisse des paysans, de son côté, a établi pour 1932, d'après 507 comptabilités d'entreprises agricoles, l'endettement total (dettes hypothécaires et autres dettes). Le résultat par hectare est le suivant: 0 à 1000 fr. 14,59% de toutes les exploitations 1001 à 2000 » 11)24% » » » » 2001 à 3000 » 12,03% » » » » 3001 à 4000 » 15,19% » » » » 4001 à 5000 » 15,19% » » » » 5001 à 6000 » 10,45% » » » » 6001 à 7000 » 6,90% » » » » plus de 7000 » 14,41% » » » » Ces chiffres peuvent donner tout au moins une idée de la charge qui pèse sur nos entreprises agricoles. Il faut cependant considérer que l'endettement est des plus différents suivant les contrées du pays, qu'il y a des régions où la crise sévit et d'autres où il ne peut être question d'une gêne. Le poids des dettes varie de même sensiblement selon les systèmes d'exploitation adoptés. Il en résulte qu'on ne doit pas procéder d'une manière rigide et tenir par exemple pour menacées ou obérées les entreprises grevées d'une charge dépassant un certain chiffre par hectar.e.

D'après les calculs du bureau fédéral de statistique, la limite à partir de laquelle l'endettement constitue une menace est: pour les contrées d'entreprises herbagères et laitières avec arboriculture fruitière 6000 fr. par ha pour les contrées d'exploitations herbagères et laitières avec les meilleurs vergers 8000 » » » pour les contrées de prairies de trèfle (culture des champs combinée avec une forte production laitière) . . . . 5000 » » » pour les contrées à cultures de céréales 6000 » » » pour les zones intermédiaires 4000 » » » pour le vignoble 10,000 » » » Mais ces chiffres n'ont pas davantage une valeur absolue. Même la question de la possibilité de maintenir une entreprise n'est pas résolue par le seul facteur de l'endettement. Les conditions familiales ont également une très grande importance. Une industrie accessoire peut aussi jouer un rôle favorable ou défavorable. Le législateur doit donc se garder d'édicter des règles rigides et ne jamais perdre de vue la diversité des circonstances concrètes. Il y a là pour nous un motif important de n'envisager que le désendettement individuel.

Cette esquisse de la situation suffit pour montrer -- ce que personne ne conteste d'ailleurs sérieusement -- que la gêne est venue s'asseoir au

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foyer de mainte maison paysanne en Suisse. Par suite de la disproportion notable entre les prix fortement diminués des producteurs et le montant des dettes, les chefs d'entreprises agricoles ne disposent plus des ressources nécessaires au service des intérêts de leurs dettes et encore moins peuvent-ils songer à les amortir. Si on laissait les choses suivre leur libre cours, on ne voit pas à quelles extrémités on aboutirait. Les réalisations forcées atteindraient dans certaines régions un nombre dont on avait jusqu'ici de la peine à se faire une idée. Des familles paysannes tombées dans le besoin sans qu'il y eût de leur faute se verraient chassées de leurs domaines, sans espoir de se refaire ailleurs une autre existence. Les créanciers de leur côté subiraient des pertes que beaucoup d'entre eux ne pourraient guère supporter. Le produit des réalisations de gages serait en effet minime.

Et la grandeur de la perte immatérielle et matérielle que subirait le pays apparaît clairement à chacun.

I. MESURES DÉJÀ PRISES Les autorités fédérales n'ont pas assisté passives à ces événements.

Outre les actions destinées à soutenir les prix, outre les restrictions imposées aux importations, les réductions des tarifs de transports, etc. --mesures étendues auxquelles il n'y a pas lieu de s'arrêter ici -- des mesures ont été prises pour atténuer la gêne provoquée par l'endettement. Ces mesures sont les unes financières, les autres juridiques.

1. Mesures financières.

Le point de départ est constitué par Varrete fédéral du 28 septembre 1928 accordant une aide provisoire en vue d'atténuer la crise agricole. A cette fin, la Confédération a destiné une somme de 18 millions. L'arrête' fédéral du 30 septembre 1932 a prolongé l'aide financière organisée en vertu de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1928, et il l'a en même temps étendue, une somme de trois millions étant inscrite aux budgets des années 1933, 1934, 1935 et 1936 (au total 12 millions). Enfin, l'arrêté fédéral du 28 mars 1934 développe encore l'oeuvre de secours. Un crédit de neuf millions par année est ouvert au Conseil fédéral pour 1934 et 1935. En vue de l'exécution des mesures d'aide financière, on a créé tout d'abord en 1923 à Brougg un fonds de secours pour les petits paysans et les paysans endettés, ainsi que pour les ouvriers agricoles. On a ensuite
institué en vertu de l'arrêté du 30 septembre 1932 dans la plupart des cantons des caisses de secours agricoles qui accordent à des familles de paysans honorables des secours sous forme de prêts à intérêts ou sans intérêts, de contributions aux intérêts ou d'autres subsides non remboursables. L'intervention suppose en général que les créanciers et les cautions consentent également à faire des sacrifices adéquats. L'oeuvre de secours ne doit pas servir à

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maintenir artificiellement une situation désespérée; elle ne se justifie que pour produire un effet durable lorsqu'on peut s'attendre que la famille secourue continuera de trouver dans une exploitation agricole de quoi subvenir à ses besoins. Les subventions et les prêts doivent donc être subordonnés à des conditions qui permettent de prévoir un assainissement durable de l'entreprise (obligation de solliciter une autorisation avant de contracter de nouvelles dettes, interdiction de cautionner, organisation d'un conseil entendu pour l'exploitation, etc.). L'arrêté fédéral ordonnant des mesures juridiques pour la protection des agriculteurs dans la gêne attribue des fonctions spéciales aux institutions de secours agricoles.

2. Mesures juridiques.

L'agriculture, de même que l'industrie hôtelière et l'industrie de la broderie, offre cette particularité que les dettes sont principalement des dettes garanties par gages immobiliers. Ainsi, le secrétariat des paysans a constaté qu'en 1911 la dette chirographaire de 455 millions au total accompagnait une dette totale de 3324 millions garantie par gages; en 1931, les dettes chirographaires se sont montées à 599 millions et les dettes hypothécaires à 4189 millions; les dettes sans garantie représentaient en 1911 12,04 pour cent et en 1931 le 12,B1 pour cent de la totalité de l'endettement. Ces chiffres sont significatifs. Ils montrent que le concordat réglé aux articles 293 et suivants de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite ne permet pas de sortir le paysan de la gêne : cette mesure ne vise que les dettes chirographaires; par conséquent, les créanciers gagistes peuvent intenter des poursuites en réalisation de gage aussitôt que l'autorité a homologué le concordat et faire vendre le gage aux enchères (art. 311 LP).

Il a donc fallu prendre des mesures particulières afin de protéger le paysan dans la gêne contre ses créanciers gagistes. Ces mesures sont prévues par 1. l'arrêté fédéral du 13 avril 1933 instituant des mesures juridiques temporaires pour la. protection des agriculteurs dans la gêne. Cet acte législatif fait bénéficier l'agriculture de certaines règles instituées pour l'assainissement de l'industrie hôtelière. Le propriétaire peut obtenir un sursis de quatre ans au maximum pour les créances en capital garanties par un immeuble
dépendant de l'exploitation agricole du débiteur (gage immobilier), ou par une créance grevant cet immeuble (nantissement), ou encore par un engagement de bétail. Afin de libérer le débiteur d'une charge excessive d'intérêts, l'arrêté prévoit la réduction ou la suppression des intérêts pour quatre ans au maximum pour les capitaux non couverts d'après l'estimation. Pour la partie non couverte des créances, l'arrêté donne aux créanciers le choix ou bien de garder cette partie en capital, quoiqu'elle périclite par la force même des choses, ou bien de renoncer au gage et de liquider la créance en participant au concordat des créanciers chirographaires et en se contentant du dividende concordataire. Pour permettre au débiteur de payer des intérêts échus couverts, l'arrêté prévoit

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la constitution d'un droit de gage de rang immédiatement postérieur au capital couvert, en faveur de l'institution de secours ou du tiers qui a prêté la somme nécessaire pour ce paiement. Ces diverses mesures concernant les créanciers gagistes seront prises, en règle générale, en même temps qu'on instruira la procédure de concordat chirographaire ; les sommes nécessaires pour payer le dividende concordataire seront procurées en totalité ou en partie au moyen de l'aide financière accordée aux agriculteurs dans la gêne. Peu de temps après son entrée en vigueur, l'arrêté du 13 avril 1933 s'est révélé insuffisant. L'Assemblée fédérale l'a donc modifié et complété par 2. Varrete du 28 septembre 1934 instituant des mesures juridiques temporaires pour la protection des. agriculteurs dans la gêne. Cet arrêté demande aussi des sacrifices aux créanciers gagistes couverts. On ne saurait évidemment leur imposer la renonciation à leur droit en capital. Mais ils doivent souffrir une réduction des intérêts, l'autorité de concordat ayant le droit de ramener à 4% pour cent l'intérêt qui serait supérieur à ce taux et d'interdire qu'un intérêt inférieur soit porté à un taux supérieur à 4% pour cent, pour la durée du sursis au remboursement du capital. Lorsque, dans un concordat général, les créanciers chirographaires perdent 50 pour cent ou plus de leurs créances, le débiteur peut se libérer complètement des intérêts échus couverts par le gage, en en payant 75 à 90 pour cent. C'est l'autorité concordataire qui fixe le pour-cent. Afin de permettre au débiteur d'emprunter de quoi payer les intérêts couverts, l'arrêté autorise le bailleur de fonds à faire inscrire au registre foncier un droit de gage prenant rang après le capital couvert. Le droit à une hypothèque est aussi conféré à l'institution de secours agricole pour le prêt consenti au débiteur ; cette garantie a toutefois un rang postérieur à toutes les charges inscrites.

Les dispositions de l'article 34 sont nouvelles; elles ont pour but d'empêcher un réendettement (en obligeant, le cas échéant, le débiteur à tenir une comptabilité -- en soumettant son entreprise à la surveillance d'un représentant de l'institution de secours agricole ou d'une autre personne qualifiée -- en l'astreignant à solliciter le consentement de l'institution de secours pour aliéner ou
grever des immeubles, pour engager du bétail et constituer d'autres gages -- en lui interdisant de cautionner).

3. Efficacité des mesures prises.

Notre message du 22 décembre 1933 concernant la prolongation et l'extension de l'aide financière aux agriculteurs dans la gêne vous a renseignés sur les effets des mesures prises jusqu'ici, notamment sur ceux de l'aide financière et sur l'activité des caisses de secours agricoles. Nous complétons notre rapport en nous fondant sur les constatations faites depuis lors par le bureau fédéral de statistique.

Le tableau suivant renseigne sur l'état et le mouvement des demandes de secours.

Etat et mouvement des demandes présentées aux caisses de secours agricoles.

Demandes Cantons

Berne Lucerne Uri Schwyz Unterwald-le-Haut . .

Unterwald-le-Bas Glaris Zoufit Fribourg Soleure Baie-Campagne Schaffhouse Appenzell Rh.-Ext Appenzell Rh.-Int St-Gall Grisons

. . .

. .

Thurgovie Vaud

1933

1934

I93S

Total à la fin de 1935

479 1,666(2) 696 302 154 74

278 783 380 6 168 38 29 100 35 131 117 60 45 80 177 254 206 290 116

238 613 220 36 50 39 39 68 14 234 100 45 50 66 56 316 231 247 121

262 537 140 4232

70 598 54

995 3,062(3) 1,296 344 372 151 68 243 103 2,118 518 252 178 371 233 1,898 1,818 1,005 767 790(4) 1,672 1,860 463 20,577 19,787(6)

75 54 l,753(a) 301 147(2) 83 225

1,328 1,381 468 530 1,340 725 269

Neuchâtel Total Sans Tessin

12,050

(') La différence entre le total, des demandes présentées et le total des demandes rejetées ou admises correspond au nombre des cas pas encore résolus.

(") 1932 et 1933.

(a) Dont 238 fermiers.

3505

Demandes rejetées ou retirées 413 981 346 94 201 69 24 44 25 806 221 58 63 112 32 974 581 577 289 278( 6 ) 395 445 158 7186

Entreprises secourues 406( J ) 1627 720 230 171 73 35 123 63 815 201 136 105 228 201 701 1237 172 292 512 769 603 289 9709

( 4 ) Nombre en avril 1035 (première et deuxième parties de l'oeuvre).

(B6)) Chiffres provisoires.

( Y compris environ 1000 demandes renouvelées: les cantons urbains Bâle-Ville et Genève n'ont pas d'Institution de secours agricole.

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Les données suivantes permettent de se rendre compte de l'efficacité des mesures prises. Nous faisons cependant observer que jusqu'à présent l'étude statistique n'a porté que sur 2792 cas (c'est-à-dire environ un tiers des demandes admises). Ces 2792oeuvres de secours ont absorbé 6,322,041 francs des caisses agricoles. 17,778,710 francs de dettes ont pu être liquidés, ce qui représente, par cas, un appoint de 2265 francs en moyenne fait par la caisse et une dette de 6367 francs qui se trouve éteinte. Les exemples ci-après montrent la situation dans différents cantons: Cantons

Prestations de la caisse de secours

Zurich 902,780 Berne 1,350,390(*) Unterwald-le-Haut. . . .

106,900 Fribourg 190,788 Baie-Campagne 115,433 Appenzell Rh.-Ext. . . .

220,771 St-Gall 1,298,144 Grisons 40^,907 Argovie 109,350 Thurgovie 835,127 Vaud 788,451 Total 6,322,041

Réduction des dettes

2,368,359 4,905,451 309,480 402,489 480,697 336,550 3,525,456 609,156 307,968 1,848,287 2,684,817 17,778,710

Pour apprécier sainement l'activité des institutions de secours agricoles, comme aussi l'application des nouvelles règles juridiques de désendettement, il convient de considérer les conséquences de l'ordre instauré pour les différentes catégories de dettes. Le tableau suivant renseigne à ce sujet :

(*) Une partie de ce montant a servi à éteindre des cautionnements de paysans dans la gêne.

Amortissement de dettes en francs par l'assainissement agricole.

Nombre des Créances demandes garanties par étudiées par gage immole bureau bilier sans statistique intérêts

Cantons

Intérêts

Créances garanties par engagement de bétail

Autres créances consolidées

451,651

114,173

575,251

V

Zurich Berne Unterwald-le-Haut Frîbourg( 3 ) .

Baie-Campagne . . .

Appenzell Rh.-Ext. .

St-Gall . . .

Grisons Argovie(5) Vaud

.

Total

245 env. 600(!)

56 83 37(4) 195 535 539 47 250 205 2792

692,015 712,691 9,588 64,165 15,301 11,220 740,173 100,224(6) 454,387 40,469 2,840,233

1,015,191 35,001 86,924 108,167 86,587 685,706

395,745 552,906 3,417,878

Autres créances chirographaires (principalement des créances de fournisseurs) 535,269

2,368,359

264,891 17,982 171,075 170,676 833,210

4,905,451(2) 309,480 402,489 480,699 336,550 3,525,456

3,177,569 15,589 57,439 4,760 41,402 609,156 8,150 51,790 3,591 296,894

217,829 128,717 63,307 1,224,965

609,156

199, 594 355,611 590,754 2,014,490 73,361

307,968 1,848,287 2,684,817

4,580,170 2,657,218 7,436,982

13,792,393

10,911,445 17,778,712 f1) (2) . (3) (4) (5) (6)

Total de la réduction des dettes

Demandes de secours réglées jusc u'à la fin de 1934.

En outre, on a été nt pour 3,903 217 francs de cautionnements contractés par les requérants.

Deux districts seul 3ment.

Seulement en 1933 Une année seulement.

Intérêts compris.

13,991,987 17,169,556 17,778,712

222 Par rapport à l'ensemble du passif, la fraction de dette éteinte a été dans le canton de Zurich de 22,6 pour cent, dans le canton de Baie-Ville de 19,6 pour cent, dans le canton de St-Gall de 17,4 pour cent, dans le canton de Thurgovie de 13,8 pour cent. Cette libération n'est toutefois nullement égale pour toutes les catégories de dettes. Les créances garanties par gage immobilier sont restées presque intactes quant au capital (excepté le canton de Zurich où les créances des banques ont été réduites de 2,7 pour cent et les créances de particuliers de 26,8 pour cent) ; les réductions varient entre 0,9 et 4,4 pour cent. En revanche, on a réussi à exonérer l'agriculteur des intérêts hypothécaires arriérés ; à Zurich la proportion a atteint 96 pour cent, à Baie-Campagne 100 pour cent, à St-Gall et en Thurgovie 98,3 pour cent. Un allégement appréciable a pu être obtenu aussi pour les dettes chirographaires, soit: Cantons

Zurich .

Baie-Campagne St-Gall Thurgovie

Dettes consolidées Autres dettes chirographaires

79,7% 57 % 69,9% 48 %

'

96,9% 100 % 94,7% 94,8%

Pour les créances garanties par engagement de bétail, la situation varie d'un canton à l'autre. Dans le canton de Zurich la réduction atteint 44,3 pour cent, dans le canton de Baie-Campagne 79 pour cent, dans le canton de St-Gall 21,4 pour cent et dans le canton de Thurgovie 11,8 pour cent.

II. NÉCESSITÉ DE PRENDRE DE NOUVELLES MESURES 1. Le problème.

1. Les mesures prises ont eu en tout cas pour effet d'empêcher une augmentation notable du nombre des réalisations forcées. Et encore davantage.

Dans presque tous les cas d'assainissement, on. a réussi à éteindre les dettes chirographaires et les intérêts arriérés garantis par gage. Les créances en capital garanties par gage sont en revanche demeurées telles quelles ou n'ont pu être diminuées que dans une très faible proportion. Cela s'explique par tout le système de l'oeuvre de secours réglé dans les arrêtés du 13 avril 1933 et du 28 septembre 1934. Leur but n'était point le désendettement de la terre, au sens propre du terme. Ils visaient uniquement à libérer plus ou moins complètement l'agriculteur de ses dettes chirographaires et des intérêts arriérés, à le mettre à l'abri des conséquences de l'échéance de créances garanties par gage, comme aussi à réduire la charge trop lourde des intérêts à payer -- cela pendant quatre années au maximum. De même que pour l'assainissement de l'industrie hôtelière (ordonnance du 18 décembre 1920), ces mesures eussent suffi pour l'assai-

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nissement agricole si la crise n'avait été qu'une crise passagère, comme on l'a supposé et pu le supposer il y a encore quelques années. Cet espoir a été déçu. La situation de l'agriculture est, au mieux, restée stationnaire. Les paysans qui bénéficient aujourd'hui des secours se trouveront à l'expiration du délai de protection de quatre ans en face des mêmes difficultés qu'au début de l'oeuvre d'assainissement, en ce qui concerne leur charge hypothécaire. Aussi, le directeur de la caisse zurichoise de secours agricole a déclaré, il y a un an, que si les conditions de l'agriculture ne s'amélioraient pas sensiblement, une grande partie des bénéficiaires de mesures juridiques de protection devraient être aidés après l'expiration du délai de quatre ans, parce qu'il n'avait pas été possible dans beaucoup de cas d'éteindre les dettes hypothécaires non couvertes par le gage; on estime que dans le canton de Zurich -- où la situation est bien plus favorable que dans nombre d'autres cantons -- une nouvelle oeuvre de désendettement est nécessaire pour l'assainissement d'un tiers ou d'un quart des entreprises secourues.

2. Tels sont les termes du problème que doit résoudre le projet qui vous est soumis. On ne peut plus se borner aujourd'hui à accorder des sursis au remboursement du capital et réduire temporairement les intérêts; il faut procéder à un véritable désendettement en capital. Il va sans dire qu'on ne peut supprimer les dettes hypothécaires -- et personne n'y songe d'ailleurs -- mais il faut les ramener à un montant supportable. En d'autres termes : après l'oeuvre de désendettement, la charge hypothécaire ne devrait pas dépasser la somme qui permet au débiteur de faire le service des intérêts tout en percevant un rendement raisonnable du capital placé dans son entreprise et en touchant une rémunération convenable de son travail.

Il faut donc trouver d'abord la limite à laquelle les dettes doivent s'arrêter.

Cette limite une fois fixée, il s'agit de chercher les voies et moyens conduisant au but qu'on se propose. La chose est difficile. On doit prendre garde de ne pas se jeter dans une aventure financière et juridique et surtout veiller à ne point ruiner le crédit hypothécaire et à ne pas dépasser dans l'emploi des deniers publics la mesure supportable pour la Confédération et les cantons. Dans
l'accomplissement de cette oeuvre, on se demandera en premier lieu si le désendettement sera général ou individuel, c'est-à-dire si la procédure de désendettement englobera, sans examen du cas particulier, toutes les hypothèques dépassant la limite fixée ou si l'intervention ne pourra s'opérer que sur demande et après que l'enquête aura établi que le débiteur est tombé dans le besoin sans sa faute et qu'il est digne de bénéficier de .l'oeuvre de secours. Quant aux modalités du désendettement, il ne saurait évidemment être question d'une pure et simple exonération du débiteur aux dépens du créancier, car on provoquerait ainsi l'insolvabilité de beaucoup de créanciers hypothécaires. On ne peut davantage songer à endosser les dettes en souffrance à la collectivité ; ni la Confédération ni les cantons ne pourraient porter un pareil fardeau. La solution

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ne pourra être trouvée que dans une répartition aussi juste que possible des sacrifices nécessités par l'oeuvre de désendettement : tous ceux qui y sont directement intéressés (créanciers, débiteurs, cautions) et la communauté doivent prendre leur part. -- Que faut-il entendre par juste répartition ?

Les opinions divergeront évidemment. Quant à nous, nous sommes convaincus qu'il est possible de trouver une solution acceptable pour tous.

Le problème, d'une importance vitale pour l'ensemble du pays, sera résolu si chacun montre de la bonne volonté et si tous se tendent la main dans une mutuelle entente, faisant non seulement des sacrifices d'argent mais sachant aussi parfois renoncer à des désirs et des espoirs irréalisables.

2. Recommandations et propositions.

L'importance de la tâche qui nous incombait explique la durée des échanges de vues sur la voie à suivre. Les chambres se sont occupées à plusieurs reprises du désendettement. Rappelons notamment les délibérations suscitées par les motions Müller (Grosshöchstetten), du 11 mars 1932, Abt, du 25 septembre 1933, Nobs, du 13 mars 1934, par les postulats Studer, du 14 mars 1934, et Stähli (Berne), du 7 décembre 1933, ainsi que par nos projets concernant l'aide financière et les mesures juridiques de protection. Mais le problème a été en outre vivement commenté en dehors de l'enceinte du parlement, et c'est ainsi qu'un bon nombre de propositions, n'émanant pas seulement des milieux intéressés, furent jetées dans le débat (voir leur récapitulation dans le numéro 109 des communications du secrétariat des paysans, pages 94 s.). Comme il ne nous est évidemment pas possible d'exposer ici toutes ces idées, nous nous contenterons d'en choisir quelques-unes parmi les plus caractéristiques, afin de préciser les différences de principe des divers projets.

1. Le désendettement général est préconisé par une première catégorie de programmes de désendettement. Le projet de M. J. B. Busch, rédacteur, en est le prototype. Dans un délai de six mois, la valeur de rendement de tous les immeubles ruraux devrait être l'objet d'une estimation fondée sur l'échelle des prix de l'année 1900. Les créances garanties par gages ne subiraient aucune atteinte, en tant que l'estimation révélerait qu'elles sont couvertes. En revanche, les hypothèques non couvertes seraient
reprises par la Confédération et remplacées par une « hypothèque fédérale » qui, en principe, ne porterait pas intérêt et ne serait pas dénonçable, mais qui profiterait des cases libres et, dans la mesure où elle serait ainsi couverte, bénéficierait d'un intérêt de 3% pour cent. L'amortissement de cette hypothèque s'effectuerait de la manière suivante: en cas de décès, par le versement obligatoire du montant correspondant à la fortune nette, selon l'inventaire officiel; lors de transferts ultérieurs, par la cession, à la Confédération, du produit qui dépasserait la valeur d'estimation; enfin, le propriétaire lui-même aurait la faculté de purger l'hypothèque fédérale,

225

et il y trouverait un intérêt, puisqu'il ne lui serait pas possible de grever son domaine tant que subsisterait cette charge. Les créanciers d'hypothèques non couvertes recevraient, jusqu'à concurrence du montant nominal de leur créance, des obligations fédérales qui porteraient intérêt fixe à 2 pour cent pendant 25 ans puis un intérêt progressif jusqu'à 3*4 pour cent. Ces titres seraient remboursables par tirage au sort dans un délai de 70 ans.

De l'avis de son auteur, ce projet de désendettement ne grèverait pas les finances de la Confédération, puisque les obligations destinées aux créanciers auraient leur entière contre-valeur dans les hypothèques fédérales. -- Le projet du professeur Marbach est né de principes analogues. Il prévoit la purge de toutes les hypothèques (estimées à 770 millions) qui dépasseraient 75 pour cent de la valeur d'estimation. Les fonds nécessaires seraient fournis pour 450 millions par un impôt de 1,5 pour cent sur la fortune, à percevoir une seule fois, et pour 320 millions par un emprunt à taux réduit.

2. Les programmes de la seconde catégorie se proposent de résoudre le problème par le désendettement individuel. A cet égard, le projet que la « ligue pour le peuple et la patrie » a adressé au Conseil fédéral le 13 février 1934 est caractéristique: Le désendettement ne sera entrepris qu'après examen du cas particulier, si l'enquête établit que le requérant est digne de l'oeuvre de secours et qu'il en a réellement besoin. Quant aux modalités du désendettement, les hypothèques couvertes par la valeur de rendement (sauf sursis ou réduction d'intérêts) devront.rester hors de cause. En revanche, les créances garanties par gage immobilier mais non couvertes seront transformées en hypothèques amortissables, non dénonçables et ne portant pas intérêt. Le service des annuités incombera au débiteur (2 à 3%) et aux cautions (1%). Si le débiteur est incapable de verser l'amortissement minimum de 2 pour cent, le montant correspondant sera payé au créancier par un office fiduciaire, au moyen de fonds publics. Les dettes chirographaires seront, elles aussi, l'objet d'un amortissement. Dans l'intérêt des créanciers, l'office fiduciaire précité reprendra les créances à amortir ou procédera aux avances des fonds nécessaires au paiement des annuités. Le projet en question ne se borne
pas au problème du désendettement. Pour parer à l'endettement lui-même, il préconise en outre de subordonner l'achat et la vente de biens ruraux à l'octroi d'une concession; de décréter obligatoire une durée d'exploitation de cinq ans au minimum; d'interdire les opérations d'engagement du bétail; d'interdire la création de charges hypothécaires grevant les terrains agricoles au delà de leur valeur de rendement ; de décréter obligatoire l'application du droit succcessoral paysan; de réduire les estimations cadastrales à la valeur de rendement; enfin, de réformer les dispositions légales sur les cautionnements. -- Dans une requête du 20 mars 1934, le gouvernement bernois s'est arrêté à un système analogue en ce qui concerne le désendettement. Il entend laisser hors de cause les hypothèques couvertes par la valeur de rendement,

226

tandis que les hypothèques dites douteuses (celles dont le montant est intermédiaire entre la valeur de rendement et la valeur vénale) seraient l'objet d'un amortissement, auquel participeraient le débiteur à raison de 3 pour cent par an, les cautions à raison de 1 pour cent et l'institution de secours agricole à raison de 3 pour cent. Les hypothèques entièrement découvertes seraient traitées comme des créances chirographaires. Afin d'éviter le réendettement, les immeubles du débiteur pourraient être grevés d'un droit de gage immobilier en faveur de l'institution de secours agricole.

3. Il est dans la nature des choses que les propositions de l'union suisse des paysans suscitent un intérêt particulier. En 1934, sous la plume de son secrétariat, l'union a publié (communications, n° 109) un rapport traitant du surendettement et du désendettement de l'agriculture suisse, et elle l'a soumis aux délibérations d'une commission d'experts. Puis, en se fondant sur les travaux de cette commission et de ses propres services, l'union suisse des paysans a adressé au Conseil fédéral plusieurs mémoires accompagnés de projets de lois.

a. Dans un premier projet d'arrêté fédéral sur l'amortissement des créances hypothécaires dans la procédure d'assainissement agricole, l'union des paysans propose d'étendre les mesures juridiques de protection en introduisant un amortissement des créances hypothécaires qui grèvent les immeubles au delà de leur valeur de rendement normale.

L'amortissement de ces charges sera effectué par une caisse cantonale d'amortissement qui reprendra les créances à amortir et, pour le total de leurs montants, fera inscrire au registre foncier, sous la forme d'une hypothèque ne portant pas intérêt, un droit de gage sur les immeubles du débiteur. En lieu et place de la créance garantie par gage qu'il possédait contre son débiteur, le créancier recevra un titre de créance sur la caisse d'amortissement. Ce titre, qui ne pourra pas être dénoncé et ne portera pas intérêt, donnera droit au paiement des annuités dues par le débiteur et les cautions, ainsi qu'aux prestations publiques, le tout pour une durée de 18 ans. L'annuité due par le débiteur devra atteindre en moyenne 2 pour cent, celle des cautions 1 à 2 pour cent. Elles seront complétées par la caisse d'amortissement, qui versera une contribution
annuelle de 3 pour cent de la créance à amortir (au maximum 450 fr.). La somme de 6 millions nécessaire chaque année, pendant 18 ans, pour assurer ces prestations publiques, devra être fournie par la Confédération. L'arrêté fédéral projeté doit constituer une simple mesure provisoire.

o. En revanche, le projet de loi fédérale sur le désendettement de l'agriculture suisse tend à réaliser le « programme intégral » de l'union des paysans. Ce projet est aussi fondé sur le principe du désendettement individuel. La procédure ne sera introduite que si le débiteur, propriétaire d'une entreprise agricole qu'il exploite lui-même ou qu'il a remise à ferme et dont il tire ses moyens d'existence, en est jugé digne, après examen dé-

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taillé des conditions d'exploitation et des facteurs d'ordre financier. En vue du désendettement, les hypothèques seront classées en trois catégories, bénéficiant chacune de mesures particulières. Les créances garanties par des gages immobiliers qui ne dépassent pas la limite de la valeur de rendement seront touchées seulement en ce sens que les créanciers devront verser, à titre de participation unique, 2 pour cent du montant nominal de la créance. Quant aux créanciers dont les créances hypothécaires grèvent l'immeuble d'un montant intermédiaire entre la limite de la valeur dé rendement et celle de la valeur vénale (la valeur vénale sera fixée dans le doute aux 5/4 de la valeur de rendement), ils recevront pour le montant nominal de leurs créances des obligations fédérales portant intérêt à 3 pour cent. Chaque année, 3 pour cent de ces obligations seront tirées au sort en vue de leur remboursement. En lieu et place de ces obligations, le créancier pourr.a choisir, pour la liquidation de sa créance, une hypothèque d'amortissement dont les annuités devront se monter à 3 pour cent et les intérêts à un taux égal. Enfin, les hypothèques dépassant la valeur vénale seront remplacées par des créances ne portant pas intérêt, mais sujettes au remboursement par des annuités de 4 pour cent ou par le paiement de leur valeur capitalisée. En ce qui concerne les prestations du débiteur, celui-ci devra, bien entendu, employer la totalité de sa fortune à éteindre partiellement ses dettes. Pour le surplus, ses obligations consisteront uniquement dans le paiement, pendant 25 ans, d'une participation de 2 pour cent de la valeur nominale des créances dont le montant est intermédiaire entre la valeur de rendement et la valeur vénale. L'union des paysans estime que les hypothèques à liquider en application de cette loi sur le désendettement représenteront un total de 800 millions, dont 600 environ de la deuxième catégorie et 200 de la troisième catégorie. Cinquante millions par an (y compris les amortissements des dettes garanties par gage immobilier et les autres contributions aux institutions de secours agricoles) seront nécessaires pendant 25 ans pour poursuivre l'oeuvre de désendettement. Les prestations des débiteurs, estimées à 12 millions, seront déduites du total de 50 millions ; il en sera de même des participations
imposées aux créanciers couverts. Quant aux prestations publiques nécessaires pour parfaire le total, elles seront à la charge exclusive de la Confédération, qui sera ainsi dans l'obligation de rechercher de nouvelles sources de revenus. Le projet prévoit en conséquence un « impôt de désendettement » et un « impôt sur les rentes ». Le premier frappera d'une taxe de 1 franc par 100 kg l'importation de matières premières agricoles et de certains produits alimentaires ou autres, ainsi que les produits agricoles indigènes. Le second consistera dans une taxe de 20 pour cent de ce qui dépasserait, pour les entreprises établies en Suisse et astreintes à l'inscription, un revenu de 3% pour cent.

c. Le projet d'une loi fédérale destinée à empêcher le surendettement de l'agriculture et à affermir la propriété rurale touche sur plusieurs points au

.228 droit civil et au droit de poursuite. On propose tout d'abord de fixer une limite au delà de laquelle les biens ruraux ne pourront pas être grevés; à cet effet, on se fondera sur la valeur de rendement normale, soit celle qui, dans une exploitation normale, aurait pu porter intérêt à 4 pour cent pendant une certaine période avant l'estimation. Puis on propose de modifier les dispositions du code civil sur le droit successoral paysan (art. 620 s.)

et sur la situation des enfants majeurs faisant ménage commun avec leurs parents agriculteurs (art. 334 et 633). Les dispositions légales sur les asiles de famille, qui, jusqu'à présent, n'ont donné aucun des résultats pratiques qu'on en escomptait, sont aussi l'objet de propositions. L'union des paysans attache d'autre part une grande importance aux mesures qui permettraient de restreindre les aliénations en matière d'immeubles ruraux, et c'est pourquoi elle propose d'introduire dans la loi projetée les dispositions que contenait l'arrêté du Conseil fédéral du 23 septembre 1918 (abrogé à fin 1922) sur la prohibition de revendre les domaines avant un certain délai ou la concession obligatoire en ce qui concerne le commerce des entreprises agricoles. Quant aux règles sur l'affermage, elles devraient être élargies en faveur du fermier. Enfin, dans le domaine des voies d'exécution, deux propositions sont présentées. La première tend à faire déclarer insaisissables au sens de l'article 92, chiffre 4, de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite d'une part tout le cheptel mort nécessaire à l'exploitation rationnelle de 3 ha en champs et prairies, d'autre part trois vaches (ou le petit bétail correspondant) ainsi que les fourrages et la litière pour six mois. La seconde proposition vise à instituer un mode de poursuite tendant à l'administration d'office. On considère en effet que si le créancier, en raison de la nature de sa créance (intérêts hypothécaires et annuités), peut obtenir son dû par la réalisation des fruits, la substance même des biens qui sont l'objet de la poursuite devrait rester intacte. L'union des paysans ne fait pas de propositions précises en matière de législation sur le cautionnement; elle se borne à préconiser une revision générale et, notamment, la création d'un registre des cautionnements.

3. Genèse du projet.

Dans notre
message du 11 mai 1934 concernant l'extension des mesures juridiques temporaires pour la protection des agriculteurs dans la gêne, nous avions proposé l'amortissement des créances non couvertes selon l'estimation (projet, art. 17 à 23). Les chambres, toutefois, considérant que le problème n'était pas suffisamment élucidé pour donner matière à une réglementation légale, ont biffé ces dispositions et se sont contentées de modifier l'arrêté fédéral du 13 avril 1933 comme nous l'avons exposé ci-dessus. Mais, à la même époque, le Conseil des Etats nous a invités à examiner s'il ne conviendrait pas de prendre à bref délai des mesures radicales pour obvier au surendettement hypothécaire de la propriété rurale, notamment par une procédure d'amortissement. Nous nous sommes

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immédiatement conformés à ce postulat et, l'été dernier, le département de justice et police a établi un premier projet, qui a été soumis ultérieurement à une commission d'experts composée de MM. R. Abt, député au Conseil national, Wohlen; W. Amstalden, député au Conseil des Etats, Sarnen ; W. Bäggli, chef statisticien au bureau fédéral de statistique, Berne ; H. Blanc, président de la fondation vaudoise en faveur des agriculteurs, vignerons et montagnards obérés, Lausanne; J. Fischbacher, directeur de la banque cantonale de Zurich; W. Gasser, directeur de la caisse de secours agricole de St-Gall; R. Haab, professeur à Baie; J. Heuberger, directeur de l'union suisse des caisses de crédit mutuel système Raiffeisen, St-Gall; 0. Howald, vice-directeur de l'union suisse des paysans, Brougg; C. Jaeger, juge fédéral, Lausanne; J. Käppeli, directeur de la division de l'agriculture, Berne ; E. Kellenberger, département fédéral des finances et des douanes, Berne ; E. Laur, directeur de l'union suisse des paysans, Brougg; J. Meili, député au Conseil national, membre du comité de l'union suisse des paysans, Pfyn; H.Müller, député au Conseil national, Grosshöchstetten; H. Peter, administrateur de la caisse d'épargne d'Aarberg ; F. Porchet, conseiller d'Etat, président de l'union suisse des paysans, Lausanne ; R. Reichling, député au Conseil national, Stäfa; L. Reymond, directeur du crédit foncier vaudois, Lausanne ; J. B. Rusch, rédacteur, Ragaz; H. Stahli, conseiller d'Etat, député au Conseil national, Berne; Max Vischer, 1er secrétaire de l'association suisse des banquiers, Baie; J. Vonmoss, député au Conseil national, Remus ; A. Wolf, directeur de l'office central de l'union suisse de banques régionales, caisses d'épargne et de prêts, Zurich.

Cette commission, qui a examiné le projet au cours d'une session de deux jours, a dû naturellement se limiter aux questions de principe, tandis que les problèmes de technique juridique furent traités par une souscommission composée de MM. H. Kühn, chef de la division de justice ; J. Fischbacher, directeur de la banque cantonale de Zurich ; W. Gasser, directeur de la caisse de secours agricole de St-Gall; R. Haab, professeur à Baie; 0. Howald, professeur à Brougg; C. Jaeger, juge fédéral, Lausanne; H, Peter, avocat à Aarberg; F. Jenny, adjoint à la division de justice. --
Les difficultés à résoudre ont dépassé les prévisions. La sous-commission a été d'autre part amenée à formuler de nouvelles propositions sur plusieurs Feuille fédérale. 88e année. Vol. II.

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questions fondamentales. C'est pourquoi ce projet a dû être remanié à diverses reprises et ne peut vous être présenté qu'aujourd'hui.

III. PRINCIPES FONDAMENTAUX DU PROJET 1. Désendettement limité aux créances hypothécaires non couvertes.

Comme la plupart des projets de désendettement dont nous avons eu connaissance, le nôtre est fondé sur le principe que seules doivent être touchées par la procédure de désendettement les créances hypothécaires que l'estimation révèle non couvertes. L'estimation doit se faire sur la base de la valeur de rendement, qui, dans une exploitation normale, aurait, avant l'estimation, porté un intérêt moyen de 4 pour cent au cours d'une période d'une certaine durée. Cette valeur de rendement, augmentée au maximum de 20 pour cent, donne la valeur d'estimation. En ce qui concerne les créances hypothécaires qui ne dépassent pas la valeur d'estimation, nous n'avons prévu que le sursis au remboursement des capitaux et la réduction du taux de l'intérêt à 4% pour cent, le tout pour huit ans au plus. Nous considérons que les capitaux couverts doivent produire des intérêts de 4% pour cent.

2. Désendettement individuel.

1. Quant au système, nous n'avons pas hésité à choisir celui du désendettement individuel. Comme sous l'empire de l'arrêté fédéral instituant des mesures juridiques de protection, une décision devra être rendue dans chaque cas particulier. La procédure de désendettement ne sera introduite que si le débiteur établit d'une part que, même en mettant à contribution toute sa fortune, il est hors d'état d'acquitter les intérêts des charges hypothécaires grevant ses immeubles agricoles, et d'autre part qu'il n'est pas lui-même responsable de sa gêne, mais qu'il paraît au contraire digne d'aide. L'idée d'un désendettement général se heurte tout d'abord au principe que l'Etat ne doit pas s'immiscer sans nécessité dans les rapports de droit entre créancier et débiteur et qu'il convient en tout cas de ne pas intervenir si et tant que le débiteur est à même de remplir ses obligations.

L'abandon de ce principe, qui répond au bon sens de notre peuple, provoquerait dans tous les domaines du droit les répercussions les plus graves.

En outre, du moment que le désendettement n'est possible que grâce à une large contribution des deniers publics, un examen approfondi de chaque cas,
quant aux circonstances de personne et de fait, s'impose de manière impérieuse. Pour notre part, nous ne saurions admettre que l'argent des contribuables fût gaspillé pour soutenir artificiellement des personnes indignes de bénéficier d'un assainissement ou incapables d'exploiter une entreprise agricole. Nous ne pourrions pas davantage nous prêter à une solution qui permettrait à quelqu'un de jouir de l'aide de la communauté alors que, étant donnée sa situation de fortune, il n'en aurait

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nullement besoin. Toute personne au courant de la question sait qu'un agriculteur dont les dettes hypothécaires dépassent la valeur de rendement de son entreprise n'est pas nécessairement dans la gêne. Selon les enquêtes du secrétariat des paysans, les entreprises à bon rendement -- celles qui, dans la règle, donnent aussi des revenus plus importants que les autres -- sont d'une manière générale notablement plus obérées que les exploitations moyennes. C'est précisément dans des circonstances de ce genre qu'un désendettement effectué à l'aide des deniers publics ne sera souvent pas nécessaire. En outre, on n'ignore pas que les charges inscrites au registre foncier sont fréquemment loin de correspondre aux charges réelles. Indépendamment des cas où l'on a omis de radier des hypothèques remboursées, il n'est pas du tout rare que des charges hypothécaires aient été créées non pour les besoins du crédit, mais à d'autres fins.

Conviendrait-il vraiment de « désendetter », au moyen des deniers publics, un agriculteur qui aurait fait auprès d'une banque A un emprunt de 10,000 francs garanti par hypothèque et qui disposerait à la banque B d'un avoir de 10,000 francs ? En présence de pareils exemples, le choix du système de désendettement ne peut faire l'objet d'aucune hésitation.

2. D'ailleurs, des difficultés d'ordre technique s'opposeraient à un désendettement général tel que le préconise le projet Rusch, si les délais proposés pour l'exécution de la procédure sont trop courts. Il est impossible, en outre, de prévoir les conséquences d'ordre financier qu'entraînerait un désendettement général d'après ce projet. On ne conçoit pas comment le total des hypothèques agricoles dites douteuses (que la Confédération devrait reprendre) trouverait son équivalent dans les obligations qu'il faudrait émettre pour le montant nominal de ces hypothèques. Si ce calcul était juste, il ne serait pas nécessaire de procéder à un désendettement.

Au contraire, il y a lieu de considérer comme certain que la Confédération subirait de lourdes pertes sur ces « hypothèques fédérales » : l'équivalent fondrait (il n'y a pas de raisons pour qu'une hypothèque non couverte devienne meilleure dans les mains de l'Etat), alors que la dette de la Confédération resterait la même. Et sans pouvoir déterminer exactement à l'avance à combien
se monteraient les pertes, on peut être en tout cas sûr que de grosses sommes y seraient englouties. Quant au projet Marbach, la communauté ne saurait supporter les charges qu'il lui imposerait.

Les moyens proposés pour trouver les fonds nécessaires (impôt sur la fortune, emprunt à taux réduit) sont impraticables, aussi bien à cause des charges fiscales qui pèsent déjà sur les contribuables qu'eu égard aux finances fédérales.

3. Répartition des sacrifices imposés par le désendettement.

Dans le système à la base du projet, les sacrifices nécessités par l'oeuvre de désendettement doivent être répartis de manière équitable entre les intéressés et la collectivité. Le débiteur qui a assumé une obligation doit être tenu de

232 l'exécuter dans la mesure où il peut le faire sans mettre son existence en péril. C'est également dans la mesure de ce qu'on peut raisonnablement exiger d'eux que les créanciers seront appelés à prendre leur part. Les sacrifices qu'entraîné un désendettement efficace sont cependant si étendus qu'on ne peut songer à en charger uniquement les personnes qui y sont directement intéressées. C'est pourquoi la collectivité doit, elle aussi, contribuer à l'oeuvre de secours, afin que le but visé puisse être atteint.

Les sacrifices de la communauté ne doivent toutefois pas non plus dépasser les limites de ce qui est supportable. Le désendettement ne doit pas aboutir à sauver le paysan de la ruine en y précipitant son créancier; et s'il est donc juste, assurément, de protéger celui-ci, il convient toutefois de ne pas aller trop loin. Nous ne pouvons donc accueillir la recommandation de l'union des paysans, qui, aux termes de son programme intégral, voudrait faire remettre aux créanciers des obligations fédérales pour le montant nominal de leur créance. Il ne serait en effet pas admissible qu'en lieu et place d'un avoir compromis, le créancier reçût pour le même montant une créance assurée. D'autre part, nous ne pourrions jamais prêter la main à une libération complète des cautions. Ainsi, la collectivité ne pourra assumer qu'une part des charges du désendettement. Etant donnée la structure de notre Etat fédératif, il est normal que cette contribution se répartisse de manière égale entre la Confédération et les cantons. Nous aurons l'occasion de revenir ultérieurement à la question de l'étendue des charges imposées à la collectivité. Il suffira de dire ici que, d'après nos estimations, l'oeuvre de désendettement coûtera au total à la Confédération et aux cantons 10 millions de francs par an durant vingt ans.

4. Principe de l'amortissement.

Le projet tend à décharger les paysans obérés des dettes garanties par gage, mais non couvertes: le créancier renoncera à une portion de sa créance, le reste devant être acquitté par le débiteur et par la communauté, à parts égales. Mais comme ni le débiteur, ni la collectivité ne seraient en mesure de liquider ce solde en un seul paiement, leurs prestations devront se répartir sur une période d'une certaine durée. La seule solution consiste donc en un amortissement. Le
débiteur et la collectivité -- celle-ci par l'intermédiaire des caisses cantonales d'amortissement, alimentées par les contributions de la Confédération et des cantons -- seront tenus de verser des annuités pendant une période déterminée. Le créancier sera désintéressé par un « titre de rachat », c'est-à-dire un titre de créance, transmissible, opposable à la caisse d'amortissement, d'un montant équivalent à la valeur actuelle des annuités, productif d'intérêts à 4 pour cent et bénéficiant de la garantie du canton. Pour le solde non couvert, le créancier recevra un acte de défaut de biens, qu'il pourra faire valoir à l'égard de cautions éventuelles et qui, à certaines conditions, lui conférera des droits contre le débiteur lui-même, spécialement en cas de retour à meilleure

233

fortune. Nous avons fixé le délai d'amortissement à vingt ans. On ne pourrait guère aller plus bas, au risque de voir les annuités devenir trop élevées.

Pour répondre d'avance aux propositions qui viseraient à faire diminuer ce délai, nous rappellerons ici que, précédemment, le dégrèvement des terres n'a pas non plus été opéré d'un jour à l'autre, mais qu'il s'est étendu sur des dizaines d'années, bien que les difficultés à résoudre aient été infiniment moins grandes.

5. Application de la loi aux créanciers chirographaires.

Bien que notre projet cherche surtout à décharger le propriétaire des dettes garanties par gage, mais non couvertes, la procédure ne peut se limiter à ces dettes-là. Pour des motifs juridiques et économiques, il convient au contraire qu'elle s'étende à l'ensemble de la situation financière du débiteur.

En droit, elle est nécessaire à cause du principe de l'égalité qui domine les règles de la poursuite et du concordat et qui veut que, à rang égal, les créanciers bénéficient du même régime. Il ne convient donc pas d'exiger qu'un créancier gagiste renonce à son droit si les créanciers ordinaires ne sont pas appelés à faire à leur tour des sacrifices d'autant plus importants que leur position juridique est plus défavorable. Du point de vue économique, cette solution s'impose également. En effet, le but auquel vise l'oeuvre de désendettement, à savoir de conserver au propriétaire la possession de son domaine, ne peut être atteint que si ledit propriétaire peut aussi s'entendre avec ses créanciers chirographaires et si, le cas échéant, les créanciers gagistes couverts peuvent eux-mêmes être contraints à consentir au sursis et à la réduction des intérêts, sans toutefois que la substance de leurs droits soit entamée. Ce qui précède est décisif pour fixer la procédure.

Celle-ci doit prendre la forme d'un concordat spécial, adapté aux conditions particulières du désendettement hypothécaire. Ce régime permet seul d'apprécier à fond l'ensemble des circonstances de fortune du débiteur -- l'actif et le passif -- et de rendre une décision conforme; seul aussi il présente les garanties qui sont indispensables aussi bien du point de vue de la collectivité que de celui des créanciers. Une procédure sommaire n'est concevable que si le propriétaire se borne à requérir un sursis au remboursement
des capitaux et qu'il n'ait pas de dettes chirographaires importantes ou s'il demande la procédure de désendettement dans un délai relativement court -- le projet le fixe à un an -- après avoir bénéficié d'une procédure d'assainissement et en avoir rempli les conditions.

6. Mesures contre le réendettement.

On comprendra aisément qu'il n'est pas possible d'abandonner à son propre sort le paysan dont on assainit définitivement la situation matérielle grâce aux sacrifices importants de ses créanciers, de ses cautions et de la collectivité. Il convient au contraire d'édicter des mesures pour parer

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à un réendettement. C'est la raison des dispositions qui instituent la surveillance de l'agriculteur désendetté et, à certains égards, une restriction de sa liberté de disposer. Ces prescriptions, reprises en partie de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934, forment un complément indispensable de l'oeuvre de désendettement. Personne ne pourrait, en effet, admettre qu'au moment où l'on procède à un désendettement, on omette de prendre les précautions nécessaires pour empêcher un réendettement.

7. Mesures générales pour éviter le surendettement.

Notre projet vise encore plus loin. Les difficultés présentes, qui ne pourront être vaincues qu'au prix de sacrifices étendus, sont dues pour une bonne part à la trop grande facilité avec laquelle, dans le régime des législations modernes, on peut constituer des gages. Notre code civil n'a fait que suivre le courant. Il est vrai qu'en droit fédéral, en ce qui concerne les lettres de rente, on a mis un frein à la liberté de grever les terres, mais on l'a fait pour augmenter et assurer le crédit agricole et non pas pour lutter contre l'endettement excessif.

Pour les cédules hypothécaires, les cantons peuvent fixer une charge maximale (art. 843). Mais en matière d'hypothèque, en revanche, chacun reste entièrement libre de grever ses immeubles, sous la seule réserve de l'article 32 du titre final, qui n'est mis en pratique que dans les demicantons d'Appenzell Rh.-Int. et d'Unterwald-le-Haut. Or, chacun reconnaîtra que la situation de notre agriculture serait différente aujourd'hui si l'on avait tracé une limite à l'engagement des terres. Pour tirer une leçon de cette expérience, nous vous proposons en conséquence d'introduire une limite des prêts sur les immeubles ruraux. Cette mesure nécessite naturellement une procédure d'assujettissement et un organisme préposé à l'estimation. Nous nous attendons certes à ce que notre proposition se heurte à quelque résistance. Mais nous pensons que, dans l'intérêt bien compris de la collectivité et des intéressés eux-mêmes, il faut tout faire pour éviter de retomber dans un état analogue à celui dont nous souffrons actuellement. Un autre moyen d'éviter le surendettement et de consolider la propriété rurale est de modifier les dispositions du droit successoral paysan en accroissant l'importance de cette bienfaisante institution.

Ce résumé des idées fondamentales qui nous ont guidés dans l'élaboration de notre projet aura démontré que celui-ci, loin d'être hétérogène, comme pourrait le faire croire un examen superficiel, constitue un tout dont on ne saurait séparer telle partie sous peine de compromettre le résultat final que nous voulons obtenir. D'ailleurs, comme nous avons eu l'occasion de l'exposer dans le chapitre précédent, l'union des paysans avait recommandé encore d'autres mesures pour consolider la propriété rurale. Mais, pour éviter de nouveaux retards et ne pas alourdir notre projet par des problèmes qu'il n'est pas indispensable de résoudre conjointement à celui

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du désendettement, nous nous sommes bornés à préconiser la limite des prêts et la réforme du droit successoral paysan. Néanmoins, nous considérons que les idées émises par l'union des paysans méritent d'être approfondies, et nous nous réservons de vous présenter, le moment venu, un projet à leur égard. En ce qui concerne spécialement la réforme des dispositions légales sur le cautionnement, il s'agit d'un problème qui n'intéresse pas seulement les milieux agricoles; de ce fait, il ne doit pas être résolu dans le cadre restreint du droit paysan, mais par une réglementation générale.

IV. FORME A DONNER AUX DISPOSITIONS RÉGLANT LE DÉSENDETTEMENT Quant à la forme, nous vous proposons celle d'une loi. A notre avis, cela va de soi. Il ne s'agit plus actuellement d'instituer des mesures temporaires, mais bien une réglementation durable. En outre, le projet apporte de sensibles modifications au code civil et à la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, ce qui est une raison de plus d'édicter une loi. Du reste, il n'y a pas urgence au sens de la constitution fédérale. D'ici à la fin de l'année 1938, l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934 instituant des mesures juridiques de protection garde sa force. Toutes précautions sont donc prises pour que, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi sur le désendettement, l'agriculteur dans la gêne puisse conserver son exploitation, s'il en est digne. Nous savons cependant que, dans certains cas, les sursis au remboursement du capital accordés, pour quatre ans au maximum, en vertu de l'arrêté fédéral du 13 avril 1933 (art. 20) expirent déjà cette année ou les années prochaines. Pour éviter des réalisations forcées avant qu'on sache si notre projet acquerra ou non force de loi, l'article 14 de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934 devra être revisé. A cet effet, nous vous soumettrons à la session d'automne un projet spécial.

EXPOSÉ DBS MOTIFS DU PROJET TITRE Le titre du projet est un peu trop étroit. En effet, la loi ne tend pas seulement à régler provisoirement le désendettement au sens strict, mais elle va plus loin (voir les art. 1 à 8, 76 s., 85, 103 à 105). Or il ne serait pas facile de condenser les différentes matières traitées en un titre concis et aisé à citer. Nous avons trouvé lourd et imprécis un intitulé tel que « loi fédérale sur le désendettement d'entreprises agricoles, la prévention d'un nouvel endettement et la consolidation de la propriété foncière paysanne ».

Aussi s'est-on contenté d'indiquer l'élément essentiel, comme on l'a d'ailleurs fait pour d'autres lois fédérales (p. ex. la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite) sans que des confusions se soient jamais produites en pratique.

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L'expression « entreprises agricoles » indique que la loi envisage l'exécution individuelle du désendettement. Un titre comme « loi fédérale sur le désendettement de l'agriculture » n'aurait pas été approprié.

Quant à la base constitutionnelle, il faut la chercher dans l'article 64 de la constitution. Le projet apporte des modifications en effet avant tout au droit privé, ainsi qu'aux dispositions sur la poursuite pour dettes et le concordat. Or la Confédération a le pouvoir de légiférer dans ces domaines.

PREMIÈRE

PARTIE

BIENS-FONDS AGRICOLES ; DÉFINITION ET ESTIMATION I. NOTION ET DÉTERMINATION Le champ d'application de la loi est circonscrit par une définition précisant ce qu'il faut entendre par entreprises agricoles. La notion de « bien-fonds » est courante dans le code civil (art. 655, ch. 1er, 943, ch. 1er) et se trouve décrite à l'article 1er, 2e alinéa, de l'ordonnance sur le registre foncier. Mieux vaut s'en tenir à cette notion qu'user du terme purement économique d'entreprise. En effet, la loi empiète essentiellement sur le droit applicable en matière de gage immobilier. Or un droit de gage immobilier ne peut être constitué que sur des immeubles (art. 796 CC), ce qui justifie de partir de la notion du bien-fonds. Quant aux deux autres catégories d'immeubles (droits distincts et permanents immatriculés au registre foncier et mines), ils sont ainsi exclus du désendettement, le besoin de les soumettre à la loi n'étant pas établi.

1. Seuls peuvent être désendettés les biens-fonds affectés exclusivement ou principalement à l'agriculture. Cette affectation sera facile à constater en pratique, mais des doutes pourront surgir dans tel ou tel caslimite, comme la réunion de biens-fonds agricoles à une exploitation industrielle. Les immeubles situés dans la zone d'extension ou à la périphérie des villes ne rentrent généralement pas dans la catégorie des biens-fonds agricoles, leur destination n'étant pas principalement agricole. En effet, leur valeur ne dépend plus essentiellement de l'utilisation des ressources naturelles du sol. Quant à savoir si, par exemple, les biens-fonds des jardiniers sont régis par la loi, la pratique tranchera la question. Ces biensfonds se distinguent des immeubles agricoles proprement dits par les plantations et la culture, différence qui ne paraît pas suffisante pour les soustraire nécessairement à l'empire de la loi (voir Laur: Grundlagen und Methoden der Bewertung, Buchhaltung und Kalkulation in der Landwirtschaft, 3e édit., p. 4; Tanner: Agrarökonomische Untersuchungen zum Schweiz. Zivilrecht, dans l'Annuaire agricole de la Suisse, 28e année [1914], p. 564 s.).

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2. Le caractère agricole d'un bien-fonds n'est pas la seule condition objective de l'application de la loi. Le bien-fonds ci-dessus défini doit en outre constituer lui-même une entreprise agricole ou en former une partie.

On voit ainsi intervenir un élément économique. Une entreprise agricole ne comprend pas seulement les immeubles affectés à l'agriculture, mais aussi les installations et constructions qui sont généralement considérées comme parties intégrantes du sol sur lequel elles sont établies (art. 642, 667 CC) ou qui ont la qualité d'accessoires (art. 644/45 CC). Le bétail fait aussi partie de l'entreprise agricole, quoiqu'on puisse concevoir des exceptions d'ordre temporaire. L'exécution du désendettement présuppose l'existence d'une entreprise agricole, tandis que les articles 76 et suivants s'appliquent à tout bien-fonds agricole, qu'il soit ou non rattaché à une entreprise agricole (voir ci-après p. 298s.).

Dans quelle mesure faut-il tenir compte d'une industrie accessoire telle qu'une auberge, un moulin, une scierie de campagne ou autre ? La question dépend de savoir si les deux entreprises forment ou non un tout et laquelle des deux est prédominante. Si l'entreprise non agricole a le caractère d'un accessoire, elle partage le sort de l'exploitation principale, sa raison d'être étant uniquement de développer cette exploitation et d'en augmenter le rendement. Lorsqu'un seul et même propriétaire réunit dans ses mains une entreprise agricole et une entreprise industrielle indépendantes l'une de l'autre, le désendettement ne pourra s'opérer que s'il permet de sauvegarder la situation matérielle de l'intéressé. En effet, si cette condition n'était pas remplie, à cause des dettes hypothécaires grevant l'entreprise non agricole, l'exécution du désendettement limitée à l'entreprise agricole ne conduirait pas au but poursuivi par le législateur.

En ce qui concerne la surface, on ne peut, sans doute, parler d'une entreprise agricole que si les biens-fonds qui en dépendent ont une étendue suffisante pour permettre une exploitation rationnelle et entretenir l'intéressé et sa famille. Nous ne pouvons pas indiquer de chiffres, car la surface nécessaire dépend de la qualité du sol, des conditions d'exploitation et des débouchés dans les différentes régions.

3. Alors que l'article 1er circonscrit
en général le champ d'application de la loi, l'article 2 en règle les différents cas d'application par rapport à un immeuble déterminé. A cet effet, il est indispensable que l'autorité constate le caractère agricole des biens-fonds. Cette constatation a une importance juridique considérable. Non seulement elle permet d'introduire la procédure de désendettement ou d'appliquer le droit successoral paysan, mais elle a des conséquences importantes quant à l'engagement des immeubles. Les biens-fonds déclarés agricoles seront à l'avenir soumis à un régime spécial, qui se justifie objectivement, en particulier d'après les expériences les plus récentes. Etant donné la portée juridique de la décision relative au caractère agricole des biens-fonds, il est indiqué de prévoir la possibilité d'un recours jusqu'au Tribunal fédéral (art. 3).

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Pour éviter des requêtes ou des procédures inutiles, l'article 2, 3e alinéa, autorise les cantons à désigner dans certains arrondissements du registre foncier les régions dans lesquelles la procédure servant à déterminer les biensfonds agricoles ne doit pas être appliquée. On usera de cette possibilité surtout dans les villes. Celles-ci sont généralement l'objet d'un plan, en sorte que la délimitation des régions en cause ne présentera pas de difficultés spéciales. Les régions circonscrites en vertu de l'article 2, 3e alinéa, seront présumées dépourvues de biens-fonds agricoles, ce qui est surtout pratique pour le conservateur du registre foncier en cas d'application de l'article 82. Néanmoins, le propriétaire qui croit réunies les conditions requises pour le désendettement de son entreprise située dans l'une de ces régions, ou l'héritier qui estime applicable le droit successoral paysan, peut demander à l'autorité compétente de constater le caractère agricole de ses biens-fonds. Si l'autorité fait droit à la requête, les immeubles sont alors assujettis à toutes les restrictions prévues par la loi.

La qualité pour agir et recourir ne peut pas être reconnue seulement au propriétaire; elle doit aussi être attribuée à toute personne intéressée au désendettement ou à la constitution de nouveaux droits de gage et à tout héritier dans le cas de l'article 83, ces personnes pouvant avoir un intérêt à ce que le caractère agricole soit reconnu ou dénié à un bien-fonds.

Par « propriétaire », il faut aussi entendre chaque copropriétaire et propriétaire commun, pris isolément.

4. La reconnaissance du caractère agricole des biens-fonds a une portée durable, mais le législateur doit tenir compte des faits nouveaux qui peuvent survenir dans la suite et modifier la situation (art. 4). C'est ainsi que des biens-fonds agricoles peuvent devenir avec le temps des places à bâtir, du fait de leur morcellement ou de leur incorporation dans les terrains à bâtir.

IL ESTIMATION Dès qu'un bien-fonds a été soumis à la loi, la procédure d'estimation doit être introduite. Elle est provoquée par l'autorité qui constate en première instance le caractère agricole des biens-fonds, ce qui permet de déterminer sans délai la valeur d'estimation, décisive et importante à plusieurs égards, et de prévenir toute négligence du propriétaire
foncier, par exemple dans le cas de l'article 82, 5e alinéa. Lorsqu'un recours a été exercé contre la décision constatant le caractère agricole d'un bien-fonds, l'autorité de recours est tenue de notifier d'office la décision définitive à l'autorité de première instance, de manière que celle-ci procède à l'esti: mation.

1. L'estimation des biens-fonds agricoles est l'une des pierres d'angle de la loi. Celle-ci part de la valeur de rendement sur laquelle doit reposer l'estimation. Le législateur entend, en effet, ramener l'endettement à un ni-

239 veau compatible avec le rendement réduit de la terre et assurant de nouveau des revenus suffisants aux paysans obérés par suite de la chute des prix, ainsi qu'à leurs familles. Or le paysan indépendant ne peut servir l'intérêt des dettes hypothécaires grevant son entreprise que dans la mesure où il peut tirer de celle-ci des revenus convertissables en argent, à moins qu'il ne dispose encore d'autres ressources, ce qu'on ne peut guère supposer (voir l'art. 11, lettre a). Dès que les intérêts annuels afférents aux dettes hypothécaires excèdent le rendement obtenu après déduction des sommes indispensables à l'exploitant et à sa famille, l'intéressé est en déficit, ses dettes augmentent, et il court inévitablement à sa ruine.

La valeur de rendement correspond à la somme qui permet de tirer, en moyenne, un intérêt de quatre pour cent du rendement net de l'entreprise pendant une série prolongée d'années. Nous avons affaire ici à une notion .qui s'est peu à peu implantée et qui est devenue usuelle. Pour déterminer la valeur de rendement, il faut considérer une exploitation normale, conforme aux conditions locales, sans tenir compte des capacités individuelles plus ou moins grandes. Il s'agit donc d'une valeur de rendement non pas subjective, mais objective, qui se fonde sur l'expérience et sur les constatations faites dans ce domaine par le secrétariat des paysans. Si la loi envisage une période assez prolongée, c'est pour compenser tant les bonnes et les mauvaises années que les effets d'une exploitation rationnelle ou insuffisante. Pour ce qui est des dispositions de détail sur l'exécution pratique de l'estimation fondée sur la valeur de rendement, nous renvoyons au règlement visé à l'article 6, 2e alinéa. Dans l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934, la valeur de rendement est calculée d'après le produit moyen des vingt dernières années (art. 24, 3e al.). Il faudra examiner s'il ne serait pas plus juste de se fonder, dans la nouvelle réglementation, sur la valeur moyenne de rendement pendant les trente années antérieures à l'estimation.

(Ce mode de calcul serait encore plus juste, le rendement exceptionnel des années de guerre et d'après-guerre étant compensé par celui, considéré comme normal, de dix autres années.) Un mode de calcul appliqué à une période aussi prolongée n'offre pas de difficultés
techniques, les éléments nécessaires étant fournis par les données du secrétariat des paysans et par les comptabilités agricoles.

2. Quoique le projet se fonde en principe sur la valeur de rendement, on ne peut pas négliger, pour des considérations pratiques, que les entreprises agricoles offrent parfois des propriétés qui ne se manifestent pas ou pas directement dans le rendement, mais qui représentent cependant une valeur considérable pour les relations d'affaires et peuvent justifier la constitution de gages plus importants sur le domaine ou l'attribution de celui-ci à une valeur plus élevée. Ces qualités particulières consistent souvent dans l'état des constructions ou dans les possibilités de développement de la capacité de rendement du sol, éléments dont on ne peut tenir

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suffisamment compte en usant du mode de calcul objectif indiqué plus haut. C'est pourquoi le projet ne se fonde pas, d'une manière rigide, sur la seule valeur de rendement, mais autorise une majoration de vingt pour cent au maximum, la valeur d'estimation devant être déterminée sur la base de la valeur de rendement et de la majoration. Comme la loi doit nécessairement entamer la substance des gages immobiliers pour aboutir à une solution durable, une prudence toute particulière s'impose dans la détermination de la valeur d'estimation, si l'on veut sauvegarder le crédit hypothécaire rural. C'est pourquoi l'on doit exiger du débiteur qu'il mette en jeu tout ce qui est en son pouvoir pour tenir ses engagements.

Tant que cette condition n'est pas remplie, on ne saurait imposer au créancier gagiste un sacrifice sur son droit de gage lui-même. Les majorations susmentionnées permettent de prendre en considération les circonstances personnelles, telles que l'importance de la famille et les capacités du débiteur, ainsi que certains éléments objectifs comme l'état des bâtiments, le cheptel mort, les débouchés des produits agricoles. Elles impliquent en outre une certaine concession à ce qu'on appelle le minimum d'existence.

En effet, une valeur d'estimation permettant à l'agriculteur de tirer du rendement tout juste les frais nécessaires à son entretien et à celui de sa famille ne servirait à rien dans une loi qui oblige le débiteur non seulement à servir l'intérêt du capital couvert, mais encore à verser des annuités pour amortir les créances hypothécaires non couvertes. De plus, comme le minimum d'existence dépend par trop des circonstances personnelles (train de vie de la famille, nombre de travailleurs qu'elle comprend), il ne peut servir de mesure objective pour l'estimation.

Fonder l'estimation sur la valeur vénale serait de même inconciliable avec le but du désendettement. En effet, la possibilité de désintéresser plus ou moins les créanciers dépend en définitive de ce que le débiteur peut tirer de son entreprise agricole en l'exploitant rationnellement. La valeur vénale découle des prix payés en moyenne pendant une certaine période pour les entreprises de même catégorie. Si l'on considère le présent ou le passé immédiat, les éléments de l'estimation sont trop peu nombreux et paraissent souvent
subjectifs, en sorte qu'une mesure objective manque.

Quant à la valeur vénale moyenne dans le passé ou à la valeur dite comptable, elles n'offrent aucune base sûre de ce que le débiteur pourra probablement tirer de l'entreprise agricole pendant les années à venir. Ici aussi, les circonstances personnelles, particulières aux propriétaires actuels jouent un rôle plus considérable que pour l'estimation sur la base de la valeur de rendement. Cependant, la loi protège l'intérêt que les créanciers gagistes pourraient avoir à la valeur vénale. En cas d'aliénation de l'entreprise désendettée, la valeur vénale est réservée en faveur des créanciers (art. 70 s.). Il serait ainsi erroné d'objecter que la loi enlève au créancier gagiste la sûreté en vertu de laquelle il a consenti un prêt.

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3. Pour assurer le succès de l'oeuvre de désendettement, il faut que la valeur d'estimation des entreprises à désendetter ne dépasse pas, dans chaque cas particulier, la somme dont le paysan pourra servir l'intérêt. Si cette règle n'était pas observée, la réalisation forcée de l'entreprise interviendrait inévitablement, tôt ou tard. A supposer que leur valeur capitalisée ne soit pas couverte, les annuités encore dues par le propriétaire devraient être reprises par la caisse d'amortissement, ce qui obligerait le canton à verser de nouvelles sommes. Inversement, l'estimation ne doit pas non plus être trop basse, de manière que les deniers publics ne soient pas mis à contribution au delà de ce qui est absolument nécessaire. Aussi les estimations devront-elles être effectuées avec toute l'attention requise, et l'on ne voit pas la possibilité d'éviter une procédure conforme à ces exigences. Quant aux estimations fiscales, elles ne seraient pas appropriées, car elles reposent sur des bases différentes et poursuivent d'autres buts.

Le soin d'exécuter les estimations est confié à des autorités cantonales, qui seront formées d'experts ; il en sera de même, le cas écbéant, des autorités de recours. Pour simplifier la procédure, nous avons fait abstraction d'une autorité fédérale de recours. Cette solution se justifie, le canton ayant tout intérêt, du fait de sa responsabilité subsidiaire en vertu de l'article 40, 2e alinéa, à ce que les estimations soient effectuées avec soin et par des personnes qualifiées. Cette responsabilité garantit à la Confédération que les crédits par elle ouverts ne seront pas employés inutilement, que le désendettement sera accompli dans les limites de ce que tous les intéressés pourront supporter et qu'il s'en tiendra au juste milieu. A cet égard, l'article 40, 2e alinéa, constitue une conséquence nécessaire de la réglementation prévue à l'article 7 quant à la compétence en matière d'estimation. Pour assurer l'exécution consciencieuse des estimations, les cantons sont libres d'édicter des dispositions sur la responsabilité des estimateurs; de telles dispositions s'imposent même, car les estimations serviront désormais aussi à calculer la charge maximale des lettres de rente (art. 83 du projet et 849 CC).

La mention de la valeur d'estimation au registre foncier se justifie sans
autre par les effets que cette valeur exerce comme limite de l'endettement (art. 76 s. et ci-dessous p. 293 s.). Quant à la possibilité de reviser l'estimation, il paraît superflu de la motiver.

DEUXIÈME PARTIE DÉ SENDETTEMENT Chapitre premier.

CONDITIONS ET ÉTENDUE DU DÉSENDETTEMENT La deuxième partie, qui comprend les articles 9 à 75, forme le noeud du projet, en ce sens qu'elle règle le désendettement quant au fond et à la forme. En particulier, le chapitre premier traite des conditions du dés-

242 endettement et détermine les mesures à prendre et les créances à englober dans la procédure.

I. Conditions du désendettement.

1. Le projet suppose d'abord qu'une caisse d'amortissement au sens de l'article 40 ait été créée par les cantons dans lesquels la procédure doit être appliquée (art. 9, 2e al.). En effet, le désendettement est exécuté avec le concours financier de la Confédération et des cantons, et le projet prévoit que leurs subventions seront versées non pas directement, mais par l'entremise des caisses d'amortissement, qui sont ainsi des organes de la procédure. Par conséquent, le désendettement ne peut pas être commencé avant que les cantons aient institué leur caisse d'amortissement. La loi pose en outre comme condition que les immeubles à désendetter dépendent d'une entreprise agricole (art. 9, 1er al.). La question de savoir si cette condition est remplie n'est pas tranchée dans la procédure de désendettement, mais par l'autorité compétente pour constater le caractère agricole des biens-fonds, conformément à la procédure réglée aux articles 2 et suivants ; la décision ainsi rendue lie les autorités qui exécutent le désendettement (art. 3, 5e al.; art. 7, 4e al.).

2. Le désendettement ne peut être requis que par le propriétaire d'une entreprise agricole ; quant aux fermiers, des mesures spéciales sont prévues en leur faveur (art. 86 s.). Le propriétaire doit réunir les conditions personnelles que voici: a. Malgré la mise à contribution de toutes ses ressources, le propriétaire doit être hors d'état de servir intégralement l'intérêt des créances hypothécaires qui grèvent ses biens-fonds agricoles (art. 11, lettre a). Le projet part de l'idée que si le propriétaire n'est plus en mesure de servir l'intérêt de ses hypothèques, il ne peut pas, a fortiori, rembourser le capital. D'ailleurs, l'agriculteur qui ne peut pas payer les intérêts voit aussi sa situation menacée puisque le créancier peut le poursuivre en réalisation du gage immobilier pour les intérêts garantis par le gage (art. 41 LP). Toutefois, il importe de le dire expressément, le désendettement ne peut pas déjà avoir lieu lorsque le produit de l'entreprise ne suffit pas pour servir l'intérêt des hypothèques; il faut au contraire que le propriétaire ait épuisé toutes les ressources dont il dispose. A notre avis, cela va
de soi. De même, les dettes d'exploitation doivent être éteintes au moyen non seulement du capital d'exploitation, mais encore de tout le patrimoine du propriétaire, aucun sacrifice ne pouvant être exigé des créanciers et de la collectivité tant que subsistent des ressources non encore placées dans l'entreprise (obligations, dépôts d'épargne, autres créances, immeubles non agricoles, etc.).

D'autres solutions ont aussi été proposées, mais nous ne pouvons en aucun cas y adhérer. En rapport avec ce qui précède, l'article 11, 3e alinéa, prévoit que la demande de désendettement sera seulement prise en con-

243 sidération si le débiteur donne l'autorisation de recueillir tous renseignements utiles sur sa situation financière. Les autorités de désendettement doivent avoir la possibilité de découvrir toutes les sources de revenus du débiteur. Comme l'obligation d'indiquer ses dettes à l'autorité ne peut pas être prescrite à titre général, nous ne voyons pas d'autre solution que celle du projet; on ne saurait guère en contester la nécessité ni l'opportunité.

b. Le propriétaire ne peut pas être lui-même responsable de sa situation et doit être digne de l'aide qu'il sollicite (art. 11, lettre 6). L'absence de faute est une condition évidente et répond aux principes généraux qui régissent le concordat. Quant à la dignité, elle constitue actuellement déjà une condition à l'octroi de crédits par les caisses de secours agricoles (arrêté fédéral du 30 septembre 1932, art. 6). Les dispositions légales applicables aux assainissements hôteliers prévoient expressément que le concordat ne peut être homologué que si le débiteur paraît digne d'une aide (art. 41, lettre a, de l'arrêté fédéral du 21 juin 1935). Le désendettement agricole doit aussi être subordonné à la dignité du requérant, car le peuple ne comprendrait pas que les deniers publics nécessaires à l'exécution de cette oeuvre servent à venir en aide à des personnes indignes. Contrairement à l'opinion .

exprimée dans les commissions d'experts qui ont siégé avant l'élaboration du projet, constatons que l'absence de faute ne se confond pas avec la dignité. On ne saurait parler de faute lorsque le requérant a été victime de l'évolution économique générale et qu'il n'a pas lui-même causé sa gêne par son activité. En revanche, la dignité se rapporte aux circonstances personnelles, en particulier au train de vie et aux qualités morales de l'intéressé (voir l'arrêt rendu le 9 novembre 1935 par le Tribunal fédéral en matière d'assainissement hôtelier: AT3T 61, III, n° 50). Il est donc parfaitement possible que l'on ne puisse parler de faute dans un cas déterminé et que la procédure de désendettement soit néanmoins inexécutable à cause de l'indignité du requérant. Supposons par exemple que le débiteur fasse des dépenses disproportionnées à ses moyens (ivrognerie), mais que sa situation serait quand même devenue critique s'il avait évité toutes dépenses inutiles. Le
débiteur est aussi indigne lorsqu'il a fourni de fausses indications à ses créanciers, lorsqu'il s'est adressé à l'institution de secours agricole en alléguant des faits inexacts, etc.

c. Le propriétaire qui est lui-même l'exploitant doit paraître capable d'exploiter rationnellement l'entreprise (art. 11, 2e al.). Cette condition est aussi indispensable. On ne saurait, en effet, justifier l'emploi des deniers publics en faveur de personnes qui ont réussi à se rendre indépendantes grâce uniquement à l'argent liquide dont elles disposaient momentanément, mais qui sont dépourvues des qualités, intellectuelles ou morales, requises pour diriger une entreprise agricole. L'intérêt général s'opposerait d'ailleurs à ce qu'on maintienne artificiellement de telles situations, et il paraît au contraire souhaitable que les entreprises ici envisagées puissent être reprises par de jeunes paysans consciencieux. Cette idée se trouve

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déjà exprimée dans les dispositions relatives à l'aide financière, et les caisses de secours agricoles les ont interprétées correctement en n'accordant leur appui qu'à des paysans capables. Des règles spéciales s'appliquent lorsque le propriétaire n'exploite pas lui-même l'entreprise mais l'a donnée à ferme. Dans ce cas, le désendettement est subordonné à la condition que le propriétaire tire du fermage ses moyens d'existence.

3. Enfin, une double condition de temps a paru nécessaire. D'une part, la procédure de désendettement ne peut être requise que dans le délai de cinq ans dès l'entrée en vigueur de la loi (art. 9, 2e al.), seuls devant être désendettés les agriculteurs tombés dans la gêne par suite de la crise actuelle. L'autre condition est beaucoup plus importante: la procédure de désendettement ne peut en tout cas être ouverte que si le requérant ou son auteur a été propriétaire de l'entreprise agricole au moins depuis le 1er avril 1932 (art. 11, 4e al.). Cette règle comporte une seule exception.

En effet, le propriétaire qui a acquis l'entreprise postérieurement à cette date peut néanmoins être désendetté lorsqu'il la tient de son auteur et que celui-ci ou son ascendant en était propriétaire au jour critique. Peu importe que le requérant soit devenu propriétaire le jour du décès de son auteur ou déjà du vivant de celui-ci en vertu d'une liquidation anticipée des droits héréditaires ou d'une autre opération. Il se justifie d'assimiler cette liquidation anticipée à un règlement successoral proprement dit, car cette solution incitera des agriculteurs qui ne pourraient pas être désendettés parce qu'incapables ou indignes, à céder de leur vivant le domaine à un enfant qualifié, alors que par entêtement ils ne s'y résoudraient peutêtre pas sans cela. Prévoir d'autres exceptions reviendrait à ouvrir la porte à la spéculation, danger contre lequel nous mettons sérieusement en garde.

II. Créances touchées par le désendettement et mesures prévues en général.

1. Il importe de distinguer d'abord entre créances chirograpliaires et créances garanties. Les premières sont éteintes par un dividende concordataire; pour les secondes en revanche, le projet prévoit des mesures spéciales. Quant aux créances garanties, elles comprennent elles-mêmes les créances hypothécaires et les créances garanties par
gage mobilier.

a. Les créances hypothécaires doivent être examinées de deux points de vue.

aa. Par rapport aux mesures envisagées dans le projet, les créances hypothécaires rentrent dans trois catégories. En ce qui concerne d'abord les créances couvertes par la valeur d'estimation de l'hypothèque (art. 6), les seules mesures applicables sont le sursis au remboursement du capital (art. 28 s.)

et la réduction du taux de l'intérêt (art. 38). Pour le calcul de la couverture, toutes les hypothèques dont le montant global est inférieur à la valeur ·d'estimation doivent évidemment être prises en considération. Théorique-

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ment, toutes les charges foncières couvertes devraient aussi être portées en compte pour leur valeur, car elles ont aussi la qualité de droits pécuniaires puisqu'elles peuvent être l'objet de poursuite enréalisation de gage immobilier (art. 37 LP). Cependant, comme la charge effective est souvent inférieure à sa valeur, nous croyons devoir renoncer à poser une règle stricte et laisser à l'autorité concordataire le soin de décider dans quelle mesure les charges foncières doivent être prises en considération (art. 12, 1er et 2e al.). La deuxième catégorie est celle des créances hypothécaires comprises entre la valeur d'estimation du gage et le double de cette valeur. Par rapport à ces créances, la mesure la plus importante est l'amortissement. Un sursis peut être accordé si l'amortissement ne paraît pas nécessaire d'après les circonstances (art. 29). Enfin, les créances qui excèdent le double de la valeur d'estimation du gage ne sont plus garanties par le gage et sont traitées comme créances chirographaires, c'est-à-dire qu'elles sont éteintes par le dividende concordataire (art. 14, 1er al.). Certes, cette mesure va très loin, mais en cas de réalisation forcée, ces créances seraient très probablement perdues, en sorte que la solution proposée répond aux circonstances de fait. D'ailleurs, une règle analogue existe déjà dans l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934, dont l'article 37 permet aux porteurs de créances non couvertes de participer au concordat des créanciers chirographaires. Nous nous bornons donc à transformer cette faculté en une obligation (limitée aux créances excédant le double de la valeur d'estimation), la solution adoptée étant ainsi beaucoup moins radicale qu'elle ne paraît au premier abord.

Contrairement à CB que prévoit l'article 25, 1er alinéa, de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934, les autres gages qui concourent à garantir les créances hypothécaires n'entrent pas en ligne de compte dans le calcul de la couverture. Dans la procédure d'assainissement, ces garanties supplémentaires devaient être prise en considération; en effet, l'arrêté fédéral prévoit seulement un sursis pour le capital couvert et la suppression des intérêts pour le capital non couvert, en sorte qu'à l'égard des créances couvertes le créancier doit consentir au sursis et le débiteur continuer à servir
l'intérêt. En revanche, le projet tend à désendetter les biens-fonds jusqu'à concurrence de leur ovaleur d'estimation, toute créance hypothécaire étant englobée dans la procédure de désendettement en tant qu'elle n'est pas couverte.

06. Les créances hypothécaires sont comptées pour leur montant à l'ouverture de la procédure, sous réserve toutefois d'une exception importante. On sait qu'en pratique des créances hypothécaires sont souvent acquises, aux enchères ou de gré à gré, à un prix sensiblement inférieur à leur valeur nominale. Or on a toujours estimé anormal que, dans ce cas, l'acquéreur puisse réclamer la créance entière. Mais abstraction faite de l'exception de mauvaise foi qui intervient tout au plus dans les cas graves (art. 2 CC), le droit commun n'offre guère le moyen de sévir contre l'abus Feuille fédérale. 88" aimée. Vol. II.

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signalé. La possibilité d'exiger dans la procédure de désendettement le remboursement des dites créances à leur valeur nominale serait en contradiction flagrante avec de saines conceptions juridiques. Celui qui a acquis avec 50 pour cent de réduction une hypothèque comprise entre 100 et 125 pour cent de la valeur d'estimation doit-il vraiment recevoir, au moyen des deniers publics, un titre de rachat au montant de 68,5 pour cent ?

Non, évidemment, et c'est pourquoi nous avons introduit dans le projet la disposition aux termes de laquelle les créances hypothécaires acquises à un prix inférieur à la valeur nominale ne peuvent être comprises dans le désendettement et éteintes par titre de rachat que pour le prix d'achat (art. 13). Par conséquent, lorsqu'une hypothèque comprise dans la valeur d'estimation a été acquise à prix réduit, elle est comptée pour sa valeur nominale; en revanche, si elle est comprise entre la valeur d'estimation et le double de cette valeur, elle n'est prise en considération que pour le prix d'achat. En ce qui concerne la procédure, la caisse d'amortissement ou les créanciers hypothécaires contesteront conformément à l'article 53 le montant de la créance.

b. Les créances garanties par gage mobilier ne sont pas non plus toutes traitées de la même manière. Celles qui sont garanties par une créance hypothécaire grevant un immeuble agricole du requérant sont assimilées, quant à la procédure, aux créances hypothécaires. Cette solution est conforme aux dispositions adoptées en matière de concordat hypothécaire.

Pour le désendettement, une disposition complémentaire a cependant dû être prévue à l'effet de déterminer le montant pour lequel ces créances doivent être comptées. Le projet s'inspire sur ce point de la règle applicable en matière de faillite, c'est-à-dire que la créance nantie n'est réputée garantie que pour le montant au maximum de la créance hypothécaire donnée en nantissement. Si la créance nantie est inférieure à la créance hypothécaire, la somme la plus basse est déterminante. En pratique, lorsqu'un titre hypothécaire ayant une valeur nominale de 10,000 francs est donné en nantissement pour une créance de 12,000 francs, celle-ci est traitée comme créance garantie pour le montant de 10,000 francs et comme créance chirographaire pour le solde. En revanche, ,,si la
créance nantie atteint 8000 francs, seule est comptée dans la procédure de désendettement une créance de ce montant. Quant aux créances garanties par engagement de bétail, le projet prévoit la possibilité d'un sursis au remboursement du capital (art. 30). Quant aux autres créances garanties par gage mobilier, des mesures spéciales n'ont pas paru nécessaires, les règles générales du concordat étant par conséquent applicables (art. 311 LP).

2. La question des créances d'intérêts offre des difficultés particulières.

Si les intérêts ne sont plus garantis par le gage, la situation juridique est claire ; ces intérêts constituent une créance chirographaire et sont éteints par le dividende concordataire. Mais comment traiter les intérêts garantis par le gage ?

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a. S'inspirant des dispositions légales concernant les assainissements hôteliers, l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934 prévoit la possibilité d'éteindre ces intérêts en effectuant au comptant, pour chaque créance, un versement partiel de ,75 à 90 pour cent (art. 19/20). L'avant-projet de la loi avait repris cette solution. Mais un examen plus approfondi du problème a démontré qu'en matière de désendettement ces intérêts doivent être traités différemment. Il nous paraît d'abord que dans la procédure de désendettement l'extinction d'intérêts aurait une portée tout à fait secondaire pour le motif bien simple qu'en règle générale le débiteur ne disposera pas de l'argent liquide nécessaire. Les institutions de secours agricoles ne sauraient, selon nous, être mises à contribution à cet effet, les fonds dont elles disposent devant être réservés pour augmenter le dividende concordataire des créanciers chirographaires, pour améliorer l'exploitation, etc. Le débiteur ne pourra guère obtenir de tierces personnes la somme nécessaire pour éteindre les intérêts. Et s'il trouvait par hasard un parent disposé à la lui avancer, nous estimons qu'elle devrait être employée non à éteindre les intérêts couverts, mais en faveur des créanciers chirographaires. Des raisons pratiques s'opposent en outre à ce que les articles 19 et 20 de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934 soient insérés dans la loi. A l'ouverture de la procédure, c'est-à-dire au moment où il s'agit de déterminer les créances couvertes en vue d'établir le plan de désendettement, on ne sait pas encore avec certitude si les intérêts peuvent être ou non éteints. Par conséquent, le plan de désendettement (détermination des créances couvertes et des créances à amortir) ne pourrait être dressé qu'après qu'on aura résolu la question de l'extinction immédiate des intérêts et trouvé l'argent liquide nécessaire, ce qui prolongerait et compliquerait la procédure d'une manière inadmissible.

6. Tenant compte de ces difficultés, nous avons cherché et trouvé une nouvelle solution d'après laquelle les intérêts échus couverts par le gage sont ajoutés au capital, les cases hypothécaires correspondantes étant élargies en conséquence (art. 12, 3e al.). Supposons une hypothèque en premier rang de 50,000 francs, à 4% pour cent, avec deux intérêts annuels échus (4500 fr.),
et une hypothèque en second rang de 20,000 francs à 5 pour cent, avec trois intérêts annuels échus (3000 fr.), la valeur d'estimation du gage étant de 60,000 francs. Dans ce cas, le montant de la première hypothèque serait porté à 54,500 francs et celui de la seconde à 23,000 francs. En outre, la première subsisterait pour le montant indiqué; quant à la seconde, elle subsisterait également pour une somme de 5500 francs, tandis que le solde (17,500 fr.) serait compris dans l'amortissement.

Dans la procédure de désendettement, le créancier en second rang ne subira aucune perte puisque les intérêts sont capitalisés; d'après l'article 818 du code civil, il devrait, dans le cas le plus défavorable, compter avec une créance de rang préférable au montant de 60,000 francs environ (capital, plus trois intérêts annuels échus et les intérêts courants à 5 pour cent).

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La capitalisation des intérêts, comme on l'a vu, a pour effet d'élargir la case hypothécaire, mais cet effet ne se manifestera que plus tard, soit au moment où des intérêts afférents au nouveau capital seront à leur tour échus. A ce moment toutefois, aucun particulier ne se trouvera plus en possession de créances hypothécaires postérieures excédant la valeur d'estimation, toutes ces créances ayant été reprises par la caisse d'amortissement par suite du désendettement. Seule la caisse d'amortissement sera donc sensiblement touchée par l'élargissement des cases hypothécaires, du fait de l'hypothèque constituée en sa faveur en vertu de l'article 15, 2e alinéa. Mais cela n'a pas d'importance pratique car, normalement, cette hypothèque ne sera pas réalisée. Considérée à la lumière de ce qui précède, l'atteinte portée aux droits des créanciers hypothécaires de rang postérieur par la capitalisation des intérêts est donc beaucoup moins grave qu'elle ne paraît à première vue. De plus, notre projet présente l'avantage très important d'éviter tout payement comptant pour les intérêts échus au moment du désendettement, l'argent liquide disponible et avancé au débiteur par des tiers (institution de secours agricole, parents) pouvant être attribué entièrement aux créanciers chirographaires. Les créanciers d'intérêts n'ont pas non plus de motif de se plaindre de cette solution. Dans la mesure où les intérêts sont couverts, leur créance demeure intacte et produit intérêt; si elle excède en revanche la valeur d'estimation, elle est éteinte par un titre de rachat tout comme une créance en capital.

Chapitre II.

EXÉCUTION DU DÉSENDETTEMENT I. Amortissement de créances non couvertes.

Cette mesure affecte les créances hypothécaires comprises entre 100 et 200 pour cent de la valeur d'estimation déterminée conformément à l'article 6. Les hypothèques qui excèdent 200 pour cent de cette valeur sont radiées, les créanciers étant désintéressés par le dividende concordataire (art. 14).

1. Principe.

1. Le projet part du principe que les créances hypothécaires comprises entre la valeur d'estimation du gage et le double de cette valeur doivent être éteintes par amortissements s'étendant à une période de vingt ans. Sous réserve des dispositions spéciales applicables aux régions particulièrement endettées (art. 42), les annuités
sont versées à parts égales tant par le débiteur que par la caisse d'amortissement'(art. 17/18). Nous avons renoncé intentionnellement à un intérêt, pour créer un rapport juridique aussi simple que possible. Le débiteur doit savoir d'emblée ce qu'il aura à verser, si les circonstances demeurent inchangées (art. 63) pendant la durée de l'amortissement. Quant à l'application de ce principe aux cas particuliers, relevons ce qui suit:

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a. En ce qui concerne le montant des annuités, nous envisageons un échelonnement, suivant que les créances hypothécaires à amortir sont plus ou moins couvertes. Alors que les hypothèques dont le montant dépasse immédiatement la valeur d'estimation seraient très souvent couvertes en cas de réalisation forcée, la couverture de celles qui suivent devient toujours plus problématique. En conséquence, le projet prévoit quatre degrés (art. 17, 1er al.). Pour les créances hypothécaires du premier degré (100 à 125% de la valeur d'estimation), le propriétaire et la caisse d'amortissement verseront chacun une annuité de 2,5 pour cent, l'annuité étant de 2 pour cent pour les créances du deuxième degré (125 à 150%), de 1,5 pour cent pour celles du troisième degré (150 à 175%) et de un pour cent pour celles du quatrième degré (175 à 200%). Calculée à 4 pour cent, la valeur capitalisée des prestations du propriétaire et de la caisse se monte à 67,96 pour cent au premier degré, à 54,36 pour cent au deuxième, à 40,78 pour cent au troisième et à 27,18 pour cent au quatrième.

Le créancier subit donc une perte de 32,04 pour cent dans le premier degré, de 45,64 pour cent dans le deuxième, de 59,2a pour cent dans le troisième et de 72,82 pour cent dans le quatrième. Comme on le démontrera plus tard, les cautions répondent de cette perte (sauf deux exceptions), sans pouvoir se retourner contre le débiteur principal.

b. Quant au rapport entre créancier et débiteur, celui-ci n'est pas entièrement libéré envers celui-là. Une divergence importante existe donc à l'égard du concordat des créanciers chirographaires, puisque, dans le concordat, la créance est éteinte pour la différence entre la valeur nominale et le dividende. Dans le projet, le créancier conserve en revanche le droit de réclamer le découvert, mais ce droit est soumis à des restrictions sérieuses. Il ne peut en effet l'exercer que si le propriétaire est revenu à meilleure fortune (art. 64) ou s'il a pu aliéner l'immeuble à un prix qui dépasse les hypothèques couvertes et la valeur capitalisée des annuités dont il est encore débiteur et de toutes les prestations de la caisse d'amortissement (art. 71 s.). La responsabilité du propriétaire est donc limitée à sa nouvelle fortune dans le premier cas et, dans le second, à ce qxii reste après paiement des sommes
indiquées.

c. Cette réglementation doit être complétée sur un point. Comme nous l'avons exposé plus haut, le désendettement s'opère conjointement avec un concordat des créanciers chirographaires. Aussi faut-il veiller à ce que le sacrifice des créanciers gagistes concorde avec celui des créanciers chirographaires, en ce sens que les premiers, dont la situation juridique est meilleure, reçoivent quelque chose de plus que les titulaires d'une créance ordinaire. C'est pourquoi le projet dispose que si le dividende concordataire des créanciers chirographaires excède la valeur capitalisée des prestations dont bénéficie le créancier gagiste, celui-ci reçoit axi comptant cet excédent (art. 19, 3e al.). Par conséquent, lorsqu'un dividende concordataire de 30 pour cent peut être payé, le créancier gagiste du

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quatrième degré a droit à un versement au comptant de 5,08 pour cent (dividende de 30% moins valeur capitalisée de 24,92%). A cela s'ajoutent les droits que les articles 64 et 71 et suivants confèrent au créancier gagiste en raison de son découvert. C'est ainsi que la loi prend en considération la différence existant entre la situation juridique du créancier gagiste et celle du créancier ordinaire. Comme la prétention du créancier chirographaire est éteinte pour la somme qui dépasse le dividende, l'excédent qui doit être attribué au créancier gagiste est compris dans les droits découlant de l'acte de défaut de biens au sens des articles 64, 71 et suivants.

2. Dans ses effets, le régime proposé soulagera le propriétaire dans une très grande mesure. Supposons qu'un bien-fonds estimé 40,000 francs soit grevé d'une première hypothèque de 40,000 francs à 4% pour cent et de quatre autres de 10,000 francs chacune, l'intérêt étant de 4% pour cent pour les deux premières et de 5 pour cent pour les deux dernières. Avant le désendettement, le propriétaire est tenu de rembourser 80,000 francs et doit en outre payer annuellement 3750 francs d'intérêts. Après le désendettement, la somme à rembourser ne se montera plus qu'à 40,000 francs.

Les intérêts annuels atteindront 1800 francs seulement et les annuités d'amortissement représenteront 700 francs, ce qui fait au total 2500 francs.

Les charges courantes sont donc réduites d'un tiers. De plus, le débiteur est libéré du lourd souci de voir les créanciers dénoncer les hypothèques.

Toutefois, l'hypothèque en premier rang est dénonçable, à moins qu'un sursis au remboursement du capital n'ait été accordé au propriétaire, mais celui-ci réussira généralement à la placer ailleurs. A l'expiration de la période d'amortissement de vingt ans, les prestations courantes se réduiront de 700 francs, soit à 1800 francs. Quant au capital, il aura diminué de moitié, puisque l'hypothèque de 40,000 francs constituée en faveur de la caisse d'amortissement sera radiée et que la charge inscrite au registre foncier n'atteindra plus que 40,000 francs. Quiconque apprécie ce résultat sans idée préconçue doit avouer qu'on peut maintenant parler à juste titre du « désendettement » de l'agriculteur.

2. Application.

1. En pratique, le principe ci-dessus exposé soulève avant tout la
question de savoir si le rapport juridique entre le créancier et le débiteur doit être maintenu, quoique son objet soit entièrement différent puisque la créance en capital primitive (portant généralement intérêt) sera remplacée par une créance en paiement des annuités pendant vingt ans. Cette solution serait théoriquement possible, mais nous la tenons pour impraticable, d'autant plus qu'au rapport existant entre le débiteur et le créancier devrait s'en ajouter un nouveau entre celui-ci et la caisse d'amortissement pour le versement des annuités nécessaires à l'exécution du désendettement. A la place d'une seule créance en capital, le créancier recevrait deux créances impliquant des prestations périodiques pendant vingt ans.

251

La valeur de ces créances diminuerait chaque année, ce qui les rendrait irréalisables. Qui voudrait en effet acquérir ou prendre en gage une telle créance ? Et pourtant, il arrivera souvent que le créancier soit obligé, pour se procurer de l'argent liquide, de faire fructifier les droits qu'il a acquis du débiteur par suite du désendettement, soit en les aliénant, soit en les constituant en gage. Aussi faut-il chercher et trouver une autre solution.

2. A notre avis, la seule solution satisfaisante pratiquement consiste à faire intervenir la caisse d'amortissement entre le créancier et le débiteur.

D'après le projet, les hypothèques à amortir sont radiées sitôt entrée en force la décision prononçant le désendettement. Le débiteur n'a plus à rembourser ses dettes hypothécaires primitives, ni à servir les intérêts qui s'y rapportent. A la place, il est tenu de verser les annuités d'amortissement à la caisse d'amortissement. Pour garantir cette créance de la caisse contre le débiteur, nous prévoyons l'inscription d'une hypothèque maximale remplaçant les droits de gage primitifs (art. 15). Cette hypothèque maximale, dont la somme est égale au montant des créances à désendetter et des intérêts capitalisés (art. 12, 3e al.), grève en qualité de droit de gage collectif (art. 798, 1er al., CC) les immeubles précédemment hypothéqués, son rang suivant immédiatement celui du capital couvert.

Le propriétaire peut exiger la radiation de ce droit de gage collectif dès qu'il a accompli ses obligations envers la caisse d'amortissement, ce qui normalement interviendra à l'expiration des vingt ans. Toutefois, le projet permet au propriétaire de se libérer en une fois, en payant la valeur capitalisée des annuités d'amortissement (sous réserve cependant des art. 64, 71, 2e al., 72 et 73), l'hypothèque maximale étant alors radiée (art. 17, 4e al.). Cette libération par versement de la valeur capitalisée n'aura sans doute pas grande portée pratique, mais nous ne croyons pas devoir en refuser la possibilité au propriétaire. Quant au créancier, sa créance hypothécaire contre le débiteur est remplacée par une créance contre la caisse d'amortissement. On pourrait être tenté de traiter cette créance comme si elle donnait droit à vingt prestations périodiques pour le montant des annuités d'amortissement à verser par le
débiteur et par la caisse, en sorte que le créancier d'une hypothèque du premier degré au capital de 10,000 francs devrait réclamer 500 francs par an et pendant vingt ans.

Pour les motifs indiqués plus haut, nous avons cependant écarté cette solution. Conformément au projet, le créancier sera désintéressé au moyen d'une créance en capital garantie par le canton et équivalente à la valeur capitalisée des annuités d'amortissement qui lui sont dues. Cette créance portant intérêt à quatre pour cent sera incorporée à un titre au porteur (titre de rachat) muni de coupons semestriels, les titres de rachat étant remboursables par tirages au sort annuels pour le vingtième des titres émis annuellement par la caisse d'amortissement (art. 19). Pour la différence entre le montant en capital de la créance primitive et la valeur

252 nominale du titre de rachat (y compris, le cas échéant, les versements comptants en vertu de l'art. 19, 3e al.), le créancier reçoit une attestation de découvert qui lui confère les droits mentionnés aux articles 21, 64, 71, 2e alinéa, 72 et 73 (art. 20). Pour citer un cas concret, le créancier d'une hypothèque du 1er degré au capital de 10,000 francs sera désintéressé au moyen de papiers-valeur à quatre pour cent, garantis par le canton et équivalents à la valeur capitalisée des amortissements. Dans le présent exemple, cette valeur capitalisée se monte à 6796 francs. Pour des raisons pratiques, les titres de rachat doivent être établis en chiffres ronds (p. ex. 100 fr.), les différences étant payées en espèces. Dans le cas particulier, le créancier recevra (contre payement de 4 fr.) 68 titres de rachat à 4 pour cent, valeur nominale 100 francs, et une attestation de découvert au montant de 3200 francs.

3. Les avantages de cette solution sont aisément concevables. En leur qualité de billets au porteur à 4 pour cent, remboursables par tirages au sort et garantis par l'Etat, les titres de rachat sont des papiers-valeurs qui auront très rapidement un marché, en sorte que le débiteur n'aura aucune peine à se procurer de l'argent liquide en les aliénant ou en les donnant en nantissement. Nous attachons une importance décisive à cette circonstance. Lorsque le législateur impose au créancier, dans l'intérêt du débiteur, des sacrifices d'une telle importance, il a l'obligation de faire tout ce qui est en son pouvoir pour rendre ces sacrifices aussi supportables que possible. Certes, nos propositions auront pour effet de rompre le lien qui unissait créancier et débiteur. Nous ne pouvons cependant pas partager les objections soulevées contre elles par le gouvernement du canton de Berne, aux yeux duquel ce serait porter atteinte à l'obligation générale de payer les dettes que de remplacer l'engagement du débiteur envers son créancier par un engagement tout à fait impersonnel envers une institution de l'Etat. En effet, le rapport juridique entre caisse d'amortissement et propriétaire aura aussi un caractère personnel, puisqu'il incombera à la caisse, agissant le plus souvent comme commissaire, d'établir le plan de désendettement et de surveiller le propriétaire après la clôture de la procédure. Et même
si les objections susdites étaient fondées, on devrait passer outre, car les avantages de la solution envisagée dopassent de beaucoup ses inconvénients. D'ailleurs, le désendettement effectué d'après le « programme intégral » de l'union suisse des paysans impliquerait aussi la rupture des rapports juridiques entre le débiteur et le créancier, celui-ci devant être désintéressé au moyen d'obligations.

3. Cautionnements.

1. Il est incontesté que la question des cautionnements doive être réglée. Divers projets de désendettement prévoient l'extinction des cautionnements souscrits en garantie d'hypothèques non couvertes. Pour notre part, nous ne pourrions jamais prêter la main à une telle solution.

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Si l'Etat se permettait de supprimer d'un trait de plume des cautionnements valablement conclus, la confiance dans l'ordre juridique subirait une atteinte aux conséquences incalculables. Tant que la caution est solvable, nous ne voyons pas le moindre motif de la décharger aux frais du créancier ou de la collectivité. Seule se justifie une certaine atténuation de son obligation. En effet, l'intervention de l'Etat, soit la procédure de désendettement, éteindrait le cautionnement alors qu'on ne sait pas si et quand, sans cela, la caution aurait dû s'exécuter, ni dans quelle mesure.

2. Le projet tient compte de cette idée en couvertissant tous les cautionnements en cautionnements pour le cas de perte. La caution ne répond plus, envers le créancier, que pour le montant constaté dans l'attestation de découvert. Elle ne peut plus exercer d'action récursoire contre le débiteur principal, mais dans la mesure où elle a désintéressé le créancier elle est en revanche subrogée aux droits qui découlent pour le débiteur des articles 64, 71, 2e alinéa, 72 et 73. L'action récursoire doit être éliminée, car elle aurait pour effet d'obérer à nouveau le débiteur et pourrait par conséquent compromettre le résultat du désendettement. En pratique, d'après le régime envisagé dans le projet, le créancier s'en prendra à la caution après que le désendettement du débiteur principal aura acquis force exécutoire. Quant aux modalités de l'extinction du cautionnement, le créancier et la caution devront ensuite se mettre d'accord. Si la caution est insolvable, elle peut demander la procédure concordataire. La loi a donc pour conséquence d'imposer cette procédure à la caution insolvable, ce qui nous paraît juste et utile. Car la caution a intérêt à cet assainissement obligatoire de sa situation pécuniaire lorsqu'elle n'est plus en mesure de tenir ses engagements. Nous avons étudié à fond la question des cautionnements et, après avoir examiné toutes les possibilités, nous sommes convaincus qu'il n'y a pas d'autre solution si l'on entend conserver au droit sa signification.

4. Gages garantissant la créance d'autrui.

Enfin, le projet doit aussi prévoir un régime particulier en faveur d'un rapport juridique dont le droit applicable aux assainissements n'a pas suffisamment tenu compte. Nous voulons parler du droit de gage garantissant
la créance d'autrui, droit dont la caractéristique réside dans le fait que la propriété du gage et la dette personnelle ne coïncident pas, c'est-à-dire que le gage répond pour la dette d'autrui. Cette situation se présente notamment lorsque l'acquéreur du gage se charge de la dette, mais que le créancier gagiste déclare à l'aliénateur (débiteur primitif), conformément à l'article 832 du code civil, qu'il entend ne pas renoncer à ses droits contre lui. Quant aux effets du désendettement par rapport aux droits de gage garantissant la créance d'autrui, il faut distinguer deux éléments de fait : 1. L'agriculteur compris dans la procédure de désendettement est débiteur, mais le gage appartient à un tiers. Conformément aux principes

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du droit applicable en matière de concordat, le créancier participe dans ce cas au concordat des créanciers chirographaires pour le montant total de sa créance (art. 22).

2. L'agriculteiw compris dans la procédure de désendettement est propriétaire du gage, mais non débiteur de la créance hypothécaire (art. 23 à 27). Dans cette éventualité, il est grevé non pas d'une dette, mais d'une simple responsabilité qui implique cependant pour lui un sérieux danger.

Quoiqu'il ne soit pas tenu de payer, il court le risque de voir son immeuble réalisé pour la dette d'autrui. Et ce risque est d'autant plus grand que le droit en vigueur met le débiteur au bénéfice de l'exécution réelle, c'est-à-dire qu'il ne peut être lui-même recherché qu'après la réalisation du gage (art. 41 LP; art. 85 ORI). Bien que le propriétaire ne soit pas débiteur, le droit de gage doit donc être englobé dans la procédure de désendettement, ce qui n'est toutefois pas possible sans que soit modifié, à certains égards, le rapport juridique. Après avoir examiné toutes les modalités entrant en considération, nous vous proposons la solution que voici : a. Le gage garantissant la créance d'autrui est d'abord traité comme si le propriétaire était débiteur. Le droit de gage immobilier du tiers créancier est radié et remplacé par l'hypothèque de la caisse d'amortissement.

Le propriétaire et la caisse paient leurs annuités d'amortissement. Cependant, le titre de rachat n'est pas délivré au créancier, mais celui-ci possède sur le titre un droit de gage légal, valable sans nantissement. La conversion du droit de gage immobilier en un droit de gage mobilier sur le titre de rachat pare au danger d'une réalisation de l'immeuble pour la dette d'autrui.

Quant au fonctionnement du rapport de droit en cause, plusieurs possibilités existent: Normalement, le débiteur personnellement tenu paiera à l'échéance. Dans ce cas, la caisse d'amortissement annulera le titre de rachat et remboursera au propriétaire les annuités versées avec quatre pour cent d'intérêt. En revanche, si le débiteur ne paie pas, le créancier devra introduire une poursuite contre le débiteur et le propriétaire. Cette poursuite ne sera pas une poursuite en réalisation de gage immobilier, puisque le droit de gage immobilier a été radié, mais une poursuite en réalisation de gage mobilier. Elle
présente deux particularités: D'abord, la vente ne pourra être requise au plus tôt que six mois après la notification du commandement de payer, cette mesure visant à protéger le débiteur personnellement tenu. En effet, si le désendettement n'avait pas eu lieu, le débiteur n'aurait pu être recherché pour la perte subie par le créancier qu'une fois exécutée la poursuite en réalisation de gage immobilier, poursuite dans laquelle la vente ne peut être requise qu'à l'expiration d'un délai de six mois (art. 154 LP). Le débiteur ne doit pas souffrir du fait que le propriétaire du gage a dû introduire la procédure de désendettement. La deuxième particularité consiste en ce que, dans cette poursuite

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en réalisation de gage mobilier, le gage -- soit le titre de rachat -- n'est pas vendu aux enchères, une telle vente n'étant ni nécessaire ni opportune.

La solution appropriée paraît être celle-ci: Dès que la vente a été requise, la caisse d'amortissement délivre le titre de rachat à l'office des poursuites à l'intention du créancier; de son côté, l'office dresse le certificat d'insuffisance de gage (art. 158 LP) pour la partie de la créance qui n'est pas couverte par la valeur nominale du titre et remet les deux documents au créancier. Par suite de la remise du titre de rachat au créancier, le propriétaire et la caisse d'amortissement ont contre le débiteur une action récursoire qui est réglée à l'article 27. -- Qu'en est-il lorsque le créancier introduit une poursuite non pour le capital, mais seulement pour les intérêts échus ? Dans ce cas également, la poursuite tend à la réalisation du gage mobilier, mais elle a uniquement pour but de désintéresser le créancier quant aux intérêts échus. Dès que la vente a été requise, la caisse d'amortissement remet à cet effet à l'office des poursuites, à l'intention du créancier, les coupons d'intérêts du titre de rachat qui se rapportent aux intérêts touchés par la poursuite.

6. Pour établir une réglementation judicieuse, une autre disposition s'impose, qui empiète également sur le droit civil. La doctrine et la jurisprudence admettent que le tiers propriétaire du gage ne peut pas dénoncer la créance hypothécaire, mais qu'il a seulement le droit de dégrever son immeuble (art. 827 CC) lorsque le créancier ou le débiteur a dénoncé le remboursement ou que la créance est exigible pour un autre motif. Cette solution paraît inopportune lorsque le propriétaire du gage doit être désendetté. En cas de gage garantissant la créance d'autrui, les annuités de la caisse d'amortissement tendent en effet à éteindre une dette non du propriétaire compris dans la procédure -de désendettement, mais du débiteur personnellement tenu, à l'effet, il est vrai, d'empêcher la réalisation du gage. Aussi faut-il veiller à ce que la caisse puisse autant que possible récupérer les deniers publics qu'elle a employés. Pour sauvegarder ses droits de recours, elle doit pouvoir déterminer le moment de la dissolution du rapport juridique, et c'est pourquoi l'article 26 lui confère le droit
de dénoncer la créance aux mêmes conditions que celles qui sont faites au débiteur. Elle usera de cette faculté lorsque le débiteur personnellement tenu est encore solvable mais court le danger' de tomber lui-même dans des difficultés financières. En pareil cas, il ne faut pas que la caisse doive attendre qu'il convienne au créancier de dénoncer la créance; elle doit avoir elle-même le droit de provoquer l'exigibilité.

II. Sursis au remboursement du capital.

1. Pour que la loi atteigne son but, qui est de maintenir les paysans méritants sur leur domaine, on ne peut pas s'en tenir à l'amortissement des créances hypothécaires non couvertes. Il faut aussi veiller à ce que le propriétaire ne soit pas contraint d'abandonner son entreprise du fait

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de la réalisation forcée d'une hypothèque couverte exigible, ce qui rendrait le désendettement illusoire. Il faut de même empêcher que, par suite de la réalisation d'engagements de bétail, le débiteur se voie enlever le bétail nécessaire à l'exploitation de son entreprise. Aussi le projet prévoit-il qu'un sursis au remboursement des hypothèques couvertes peut être octroyé conjointement avec l'amortissement du capital non couvert. Par rapport au sursis, nous assimilons également aux créances hypothécaires les créances garanties par le nantissement d'une créance hypothécaire couverte grevant un immeuble agricole du requérant. En outre, le sursis peut aussi être accordé pour les créances garanties par engagement de bétail. Quant à la durée du sursis, le projet distingue. Pour les créances hypothécaires et les créances garanties par gage mobilier, le sursis est de quatre ans et peut être porté à huit ans ; pour les créances garanties par engagement de bétail, il n'est en revanche que de deux ans et peut être porté à quatre ans (art. 28, 3e et 4e al., art. 30). Cette distinction se justifie du fait que l'engagement de bétail est destiné à garantir un crédit à court terme.

Quant à ces sursis, deux situations peuvent se présenter: a. Lorsque le sursis doit être octroyé dans la décision d'homologation au sens des articles 55 et suivants, le requérant est tenu de prouver que l'hypothèque est exigible et qu'il n'est pas en mesure de lui trouver un nouvel acquéreur (art. 28, 1er al,). Cette règle repose sur l'idée que, suivant les circonstances, le créancier d'une hypothèque en premier rang peut être obligé de la dénoncer pour être en état de tenir ses propres engagements. Faudrait-il opposer à ce créancier un sursis pouvant le mettre aux prises avec les pires difficultés, alors que le débiteur aurait la faculté de placer l'hypothèque auprès d'un autre créancier ? Cette solution étant injustifiable, nous imposons au débiteur qui sollicite le sursis l'obligation de s'adresser aux établissements financiers entrant en considération et de prouver à l'autorité de concordat qu'il a frappé en vain à leur porte. Sous cette seule condition, l'hypothèque couverte doit pouvoir être l'objet d'un sursis lorsqu'elle est exigible à l'ouverture de la procédure et que l'autorité de concordat a prononcé l'amortissement des
créances hypothécaires non couvertes. Mais il ne suffit pas d'envisager cette seule situation : o. La loi doit aussi prévoir le cas où les hypothèques couvertes ne sont pas exigibles au moment de la décision relative au désendettement, mais sont cependant dénoncées plus tard, pendant la période d'amortissement de vingt ans, sans que le propriétaire puisse leur trouver un nouvel acquéreur; le gage serait alors vendu aux enchères et le débiteur perdrait sa situation, malgré le désendettement dont il avait été reconnu digne. Conformément au but de la loi, un sursis doit donc aussi pouvoir être accordé en pareil cas. Il sera cependant refusé lorsque les intérêts de trois années sont échus ou que l'ayant droit a dénoncé la créance pour le motif que le propriétaire a diminué la valeur du gage (art. 28, 2e al.).

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e. La différence de traitement prévue pour ces deux situations se justifie par les motifs ci-après. Que des intérêts hypothécaires soient échus au moment de l'ouverture de la procédure de désendettement, cela est parfaitement normal; le désendettement présuppose, en effet, que le propriétaire n'est plus en état de servir l'intérêt de ses dettes hypothécaires.

Comme on l'a vu, la loi prévoit que ces intérêts doivent être consolidés (art. 12, 3e al.), de manière qu'il n'y ait plus d'arriéré au moment où la décision relative au désendettement acquiert force exécutoire. Plus grave est en revanche la situation lorsque le propriétaire, après le désendettement et malgré le soulagement considérable qu'il en retire, ne réussit pas à servir l'intérêt des hypothèques couvertes. C'est un indice que le désendettement, tant que l'immeuble se trouve entre les mains du propriétaire actuel, a manqué son but et que la liquidation s'impose. Quant à la diminution de la valeur du gage par le propriétaire, pas n'est besoin d'en parler par rapport aux sursis à accorder dans la décision relative au désendettement elle-même. En effet, si la procédure de désendettement révèle que le propriétaire a diminué la valeur du gage, le désendettement ne pourra, en règle générale, pas être opéré, à cause de l'indignité ou de l'incapacité (art. 11) du débiteur. Pour ce qui est des sursis au remboursement du capital à accorder ultérieurement, cette condition doit, en revanche, être posée, car si le propriétaire provoque une dépréciation du gage, il n'est plus digne d'aide. Partant de la même idée, l'article 36, lettre b, dispose explicitement que le sursis doit être révoqué quand le propriétaire a diminué la valeur du gage par dol ou négligence grave.

2. Le projet ne prévoit pas le sursis au remboursement du capital dans les seuls cas d'amortissement des hypothèques non couvertes; un sursis au remboursement des créances hypothécaires -- couvertes ou non -- doit aussi être octroyé lorsque l'amortissement n'a pas lieu. Il va sans dire que ce sursis indépendant doit, lui aussi, être accordé seulement si les conditions des alinéas 1er, lettre 6, et 2 de l'article 11 sont remplies (absence de faute, dignité, capacité) ; de même, il doit être refusé pour le même motif que le sursis au sens de l'article 28. Conformément à l'article 29,
lettre a, l'autorité de concordat doit aussi refuser le sursis lorsqu'il paraît probable, d'après les circonstances, que la réalisation forcée ne pourra pas être évitée, malgré le sursis. Cet élément a dû être négligé à l'égard des sursis au sens de l'article 28, étant donné qu'en cas d'amortissement des hypothèques non couvertes, le danger de la réalisation forcée disparaît ipso jure. La situation est toute différente par rapport au sursis indépendant qui est prévu à l'article 29. Ce sursis ne doit pas être accordé abusivement pour maintenir artificiellement tme position désespérée, et c'est pourquoi il faut insister sur l'application stricte de l'article 29, 2e alinéa, lettre a. Le sursis indépendant de l'amortissement sera seulement accordé lorsque, l'amortissement du capital non couvert paraissant superflu, le débiteur se trouve cependant hors d'état,

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par suite de circonstances dont il n'est pas responsable (circonstances de famille, malchance avec le bétail, mauvaises récoltes), de rembourser une hypothèque exigible ou d'effectuer des amortissements prévus par des titres de créances, tout en ayant la perspective de pouvoir tenir ses engagements si un délai lui est accordé. Comme l'amortissement, le sursis indépendant ne peut être octroyé, en règle générale, que conjointement avec un concordat des créanciers chirographaires, sous réserve toutefois du cas où des dettes chirographaires importantes n'existeraient pas. Nous tenons à ajouter que l'autorité de concordat ne peut jamais accorder le sursis en vertu de l'article 29 dans le dessein de soulager le débiteur auquel le désendettement aurait été refusé en raison de sa faute, de son indignité ou de son incapacité.

3. Par rapport aux effets du sursis, le projet prévoit: a. A l'article 31 que pendant la durée du sursis auoun acte de poursuite ne peut être exercé quant aux sommes qui en sont l'objet et que la prescription ou la péremption qui pourrait être interrompue par un acte de poursuite reste suspendue. Sur ce point, le projet concorde avec le droit commun (art. 297 LP; art. 15, lre phrase, de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934). Quant à la règle posée par la deuxième phrase de l'article 15 dudit arrêté, règle suivant laquelle le sursis fait tomber, avec tous leurs effets, les poursuites intentées antérieurement, un nouvel examen a permis de constater qu'elle ne peut pas être maintenue intégralement. Par l'introduction de la poursuite en réalisation de gage immobilier, le créancier acquiert en effet, d'une part, un privilège par rapport aux fruits naturels du gage (art. 94, 3e al., LP) et, d'autre part, un droit de gage sur les loyers et fermages (art. 806 CC). Le créancier ne peut pas être frustré de ces droits, ce qui explique l'article 31, 2e alinéa, du projet. En appliquant par analogie la règle établie par le Tribunal fédéral (ATF 60, III, n° 39) pour le sursis concordataire, on exigera toutefois non seulement que la poursuite ait été requise, mais encore que le commandement de payer ait été notifié au moment où le sursis est octroyé.

6. En outre, il a paru indiqué de prendre en considération aussi les gages garantissant la créance d'autrui dans la réglementation du sursis au
remboursement du capital (art. 32). Aucune règle spéciale n'est nécessaire lorsque le paysan compris dans la procédure de désendettement n'est que tenu personnellement de la créance, le gage appartenant à un tiers; dans ce cas en effet, la prétention du créancier hypothécaire est traitée, par rapport au désendettement, comme créance chirographaire. La situation est différente lorsque l'agriculteur à désendetter est seulement propriétaire du gage sans être personnellement tenu de la dette et que son immeuble répond donc pour la dette d'autrui. Dans cette éventualité, le sursis doit pouvoir être accordé, attendu que le propriétaire court le danger d'une réalisation forcée, ce qui compromettrait le but du désendettement. Par conséquent,

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dès que les conditions d'un sursis au remboursement du capital sont données, il faut empêcher le créancier de s'en prendre au gage qui répond de la dette d'autrui. Mais cette solution rendrait impossible toute poursuite puisque le débiteur, qui n'est pas propriétaire du gage, jouit du bénéfice de l'exécution réelle et empiéterait par conséquent de manière inadmissible sur les droits du créancier. Les circonstances particulières inhérentes à la personne du propriétaire du gage ne sauraient permettre de refuser au créancier la faculté de poursuivre le débiteur solvable proprement dit, par crainte que celui-ci ne se trouve aux prises avec des difficultés de paiement à l'expiration de quatre ou même huit ans ; le créancier devrait ainsi supporter lui-même la perte provoquée par le sursis et l'aggravation de la situation du débiteur, alors que s'il avait pu s'en prendre immédiatement au gage, il lui serait loisible de rechercher pour cette perte le débiteur. Aussi ne reste-t-il qu'à priver le débiteur proprement dit du bénéfice de l'exécution réelle si l'on entend accorder le sursis au propriétaire du gage. Tant que la réalisation du gage immobilier est prohibée, le créancier peut donc poursuivre le débiteur par voie de saisie ou de faillite. Pour les motifs indiqués au sujet de l'article 24, 3e alinéa, il importe de modifier, par rapport à cette poursuite, les délais prescrits, en ce sens que la continuation de la poursuite peut être requise au plus tôt six mois après la notification du commandement de payer. Si le débiteur paie, il peut, à l'expiration du sursis, se retourner contre le propriétaire au moyen d'une poursuite en réalisation de gage immobilier, à moins que le contrat ne s'oppose à cette action récursoire.

c. Quant aux effets du sursis sur les cautions, le projet reprend la solution de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934, solution qui corrrespond ellemême au régime établi pour les assainissements hôteliers (voir ATF 59, III, n° 45). Comme seule innovation, l'article 22 de l'arrêté fédéral susdit a été scindé en trois articles, la rédaction étant en outre améliorée. Ce n'est pas sans hésitation que nous avons repris les dispositions étendant le sursis aux cautions. Outre qu'elles portent une grave atteinte au principe du cautionnement solidaire, il paraît inéquitable de soumettre au
sursis une seule dette de la caution solidaire, soit celle qui est garantie par le cautionnement, en sorte que le créancier en vertu du cautionnement doit voir, les bras croisés, les autres créanciers saisir les biens de la caution solidaire. Normalement, la caution solidaire qui n'est plus en état de tenir ses engagements relève de la faillite ou du concordat. En outre, on se plaint sérieusement qu'en pratique le sursis soit étendu beaucoup trop facilement à la caution solidaire. Si nous avons inséré dans le projet les articles 34 et 35 malgré ces scrupules, c'est simplement pour ne pas revenir en arrière et parce que nous tenons pour inéquitable de refuser à la caution solidaire de l'agriculteur ce dont bénéficie celle de l'hôtelier. Mais nous espérons fermement que les autorités se montreront à l'avenir plus réservées, qu'elles accorderont l'extension du sursis à la caution solidaire seule-

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ment après un examen approfondi de la situation et la subordonneront plus souvent à la fourniture d'une sûreté.

4. Comme l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934, le projet prévoit aussi la révocation du sursis sous certaines conditions. Ces conditions, posées par l'article 36 du projet, concordent avec celles de l'article 16 de l'arrêté, sauf toutefois les dérogations suivantes: Nous n'avons pas adopté de disposition comparable à l'article 16, lettre », pour le motif que le propriétaire mis au bénéfice du désendettement est soumis à une surveillance.

Contrairement à ce que prescrit l'article 16, lettre d, de l'arrêté, l'aliénation ne constitue pas un motif de révocation. En effet, le sursis est accordé à la personne mentionnée dans la décision, et à elle seule, de sorte que l'acquéreur n'en bénéficie pas et que le créancier peut, sitôt l'aliénation effectuée, s'en prendre au gage malgré le sursis octroyé à l'aliénateur (art. 29, 4e al.). En pareil cas, le droit de gage est éteint, ou bien l'acquéreur se charge de la dette. Pratiquement, cette situation n'engendrera pas de gage garantissant la créance d'autrui, car si le droit de gage n'est pas éteint l'acquéreur se charge de la dette, le créancier ayant tout intérêt à acquiescer à la reprise de dette qui améliore sa situation. Les rapports juridiques se régleront donc automatiquement, sans que le législateur .ait à intervenir. Ce qui précède explique aussi la dérogation adoptée pour le cas de succession. D'après le projet, le sursis est frappé de caducité par le décès de celui auquel il a été accordé; cette solution s'impose, étant donné que, suivant les circonstances, l'héritier n'a peut-être pas besoin du sursis. Si tel n'est pas le cas, les héritiers peuvent demander que le bénéfice du sursis leur soit étendu (art. 36, 2e al.).

III. Réduction du taux de l'intérêt pour les créances en capital couvertes.

L'arrêté fédéral du 28 septembre 1934 prescrit à l'article 17 que pour la période comprise entre l'échéance immédiatement antérieure à l'ouverture de la procédure et, au plus tard, à l'expiration du sursis au remboursement des capitaux, l'intérêt des créances hypothécaires couvertes peut être réduit à quatre et demi pour cent, compte tenu des commissions et autres suppléments de ce genre, s'il est supérieur à ce taux ; s'il lui est inférieur,
l'autorité de concordat est en droit de décider que pendant la même période il ne peut pas être élevé à plus de quatre et demi pour cent. Les cautions ne répondent pas, envers les créanciers, des pertes que ceux-ci subissent du fait de la réduction du taux des intérêts (art. 23, 1er al.). Le projet reprend ce système et l'étend en outre aux créances couvertes garanties par engagement de bétail, en ce sens toutefois que pour ces créances le taux de l'intérêt peut être réduit à cinq pour cent ou ne doit pas être porté à plus de cinq pour cent. Cette solution est entièrement justifiée. Comme le créancier conserve ses droits intacts, on peut

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sans doute exiger qu'il contribue pour sa part à assainir la situation du débiteur en consentant à une réduction du taux de l'intérêt ou en renonçant à une augmentation de ce taux, d'autant plus que, calculé pour une longue période, l'intérêt de 4% pour cent des hypothèques en premier rang paraît absolument équitable. La réduction du taux de l'intérêt ne peut jamais être ordonnée pour elle seule, mais doit être combinée avec un sursis au remboursement du capital ou avec l'amortissement des créances hypothécaires non couvertes. Dans le premier cas, la réduction ne peut pas excéder la durée du sursis. Dans le second, en revanche, elle s'étend au plus à la période pendant laquelle le propriétaire doit verser des annuités. Comme les annuités sont payables pendant vingt ans, il faut naturellement tenir compte des faits nouveaux qui pourraient se produire. Aussi le 3e alinéa confère-t-il au créancier le droit de demander, à l'expiration de chaque période de quatre ans, la révocation de la réduction du taux de l'intérêt.

L'autorité de concordat statuera sur cette demande après avoir entendu le débiteur et la caisse d'amortissement, en tenant compte des circonstances.

IV. Droit de gage en faveur des prêts de secours.

Conjointement avec les mesures de désendettement, le projet traite aussi le droit de gage en faveur des prêts de secours (art. 39). Comme nous l'exposerons dans le prochain chapitre, les institutions de secours agricoles doivent, sous l'empire de la nouvelle loi, poursuivre leur activité en faveur des créanciers chirographaires en accordant au débiteur des prêts qui leur permettent de payer le dividende concordataire de ces créanciers. S'inspirant de l'article 41 de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934, le projet garantit ces prêts par une hypothèque prenant rang immédiatement après celle de la caisse d'amortissement. Cette garantie est naturellement précaire, mais on ne saurait lui refuser une certaine valeur morale, comme nous l'avons exposé dans notre message du 6 février 1933. Par rapport au régime actuel, la situation des institutions de secours agricoles est améliorée, c'est-à-dire qu'en cas d'aliénation d'une entreprise désendettée, elles peuvent exercer leurs droits avant que le prix de vente soit affecté au remboursement intégral de toutes les hypothèques antérieures au droit de
gage constitué en faveur des prêts de secours. D'après l'article 71 du projet, l'excédent qui reste après le paiement de la valeur capitalisée tant des annuités encore dues par le débiteur que des prestations de la caisse d'amortissement sert, en effet, à rembourser proportionnellement le découvert des créanciers hypothécaires primitifs et le prêt de l'institution de secours. Quant à la forme du droit de gage à constituer en faveur de ces prêts, le projet s'écarte de l'arrêté fédéral, en ce sens que l'institution de secours n'a plus le choix entre une hypothèque ou une cédule hypothécaire. Cette innovation s'explique du fait que d'après nos propositions relatives à la charge maximale, la Feuille fédérale. 88e année. Vol. II.

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forme de l'hypothèque est seule licite pour les droits de gage qui dépassent exceptionnellement la dite charge (art. 77, 78).

Chapitre III.

CAISSES D'AMORTISSEMENT ET CONTRIBUTIONS PUBLIQUES AU DÉSENDETTEMENT I. Caisses d'amortissement.

1. Le projet confie aux caisses d'amortissement des tâches très importantes, puisque c'est par leur entremise que la Confédération et les cantons participent au désendettement des entreprises obérées.

a. La caisse d'amortissement exerce d'abord d'importantes fonctions de droit matériel. Par suite du désendettement, le rapport juridique existant entre débiteur et créanciers d'hypothèques non couvertes est dissous et remplacé par deux nouveaux rapports de droit qui lient tous deux la caisse d'amortissement. Celle-ci est d'une part créancière du débiteur, c'est-à-dire qu'elle a le droit, garanti par une hypothèque, d'exiger de lui paiement des annuités. La caisse est d'autre part débitrice des créanciers primitifs d'hypothèques non couvertes; elle est, en effet, tenue de servir les intérêts et d'éteindre les titres de rachat au moyen desquels ces créanciers sont désintéressés pour la valeur capitalisée des annuités d'amortissement fournies par le débiteur et par les deniers publics. Quant aux ressources nécessaires à l'accomplissement de cette obligation, la caisse les tire des annuités à verser par le propriétaire et des contributions mises à sa disposition par la Confédération et le canton.

6. La caisse d'amortissement est en outre un organe de la procédure de désendettement. Conformément à l'article 44, 1er alinéa, les fonctions du commissaire peuvent lui être attribuées. Même sans cela, il lui incombe de dresser le plan de désendettement (art. 54). Elle est nécessairement représentée aux débats relatifs à l'homologation et elle a le droit de faire des propositions. En outre, l'article 60, 2e alinéa, lui confère le droit de recourir à l'autorité supérieure de concordat contre la décision rendue dans la procédure d'homologation. La caisse participe ensuite à l'exécution de la décision relative au désendettement (art. 61, 1er al.) et exerce la surveillance sur l'agriculteur désendetté (art. 65 et s.).

c. Enfin, certaines fonctions fiduciaires sont confiées à la caisse. En matière de gage garantissant la créance d'autrui, elle a la situation d'un dépositaire (art. 23). De plus, elle est appelée à sauvegarder les droits découlant de créances inscrites au registre foncier et dont les
titulaires sont inconnus (art. 49).

2. Les caisses d'amortissement sont organisées par les cantons, sous cette réserve toutefois qu'elles doivent être des « caisses officielles d'amortis-

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sèment » (art. 40, 1er al.). Par conséquent, les cantons ne peuvent pas désigner comme caisse un sujet de droit privé; ils doivent au contraire créer une personne morale du droit public, à moins qu'ils n'aiment mieux faire de la caisse un organe de l'Etat. Les cantons règlent donc les conditions d'engagement et de salaire du personnel de la caisse, les contributions de la Confédération ne pouvant pas être affectées à la rémunération des fonctionnaires et employés, ni à d'autres dépenses. En vertu d'une prescription de droit fédéral, les caisses d'amortissement sont exonérées de tous impôts et redevances de la Confédération, des cantons et communes (art. 40, 3e al.). Il est loisible aux cantons de confier à la caisse d'amortissement l'administration de l'institution .de secours agricole, mesure qui paraîtra généralement opportune pour éviter tout dualisme (art. 102; voir ci-après p. 307/308).

3. En ce qui concerne la gestion financière de la caisse, il faut considérer que celle-ci est débitrice des titres de rachat par elle émis en vue de désintéresser les créanciers, puisqu'elle doit les éteindre et servir un intérêt de 4 pour cent. La loi prévoit en particulier que l'extinction se fera par tirages au sort annuels pour un montant égal au vingtième de la somme des titres émis chaque année (art. 19, 2e al.). Il va donc de soi que la caisse doit établir un plan d'amortissement qui renseignera chaque année, pour la période comprise entre le début de l'activité et le remboursement du dernier titre de rachat, sur les ressources mises à la disposition de la caisse (annuités du débiteur, contributions publiques au désendettement) et sur le service d'intérêts et de remboursements.

La caisse pourra ainsi contrôler si ses disponibilités actuelles et futures suffiront pour assurer le service des intérêts et des remboursements de capital. Dès qu'elle constate que tel n'est plus le cas, on ne peut lui demander de participer à de nouveaux désendettements en versant des annuités au sens de l'article 18, ni d'émettre des titres de rachat non couverts par les recettes. Aussi la caisse est-elle tenue, dans ce cas, de s'adresser sans retard au gouvernement cantonal, qui avise de son côté l'autorité de concordat du canton, celle-ci devant provisoirement rejeter toutes les requêtes déposées dès lors (art. 40, 4e al.,
art. 44, 2e al.). Il appartient ensuite au gouvernement cantonal de demander aux autorités compétentes de verser des contributions supplémentaires, de manière que la caisse puisse entreprendre de nouveaux désendettements.

4. D'après l'article 40, 2e alinéa, le canton est responsable, à titre subsidiaire de tous les engagements qui découlent, pour la caisse, de la procédure de désendettement, c'est-à-dire du service des intérêts et de l'extinction des titres de rachat émis par la caisse. Nous prévoyons que cette disposition soulèvera des objections. Aussi tenons-nous d'emblée à exprimer clairement notre avis, en déclarant que la suppression de l'article 40, 2e alinéa, compromettrait sérieusement le projet dans son ensemble. Nous

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tenons pour indispensable la responsabilité subsidiaire du canton. Il est impossible, selon nous, de résoudre le problème du désendettement sans désintéresser les créanciers par des titres de créance. Or, si l'on choisit cette voie, la seule praticable, il faut que les titres de créances soient garantis par l'Etat. Comme la Confédération ne peut pas se charger de cette garantie, il ne reste qu'à l'imposer aux cantons. Les explications ci-après démontrent qu'aucune autre solution n'est possible. Théoriquement, la responsabilité de l'Etat peut entrer en jeu lorsque la caisse d'amortissement n'établit pas de plan de désendettement exact -- ce qui ne devrait pas arriver -- ou lorsque, ses ressources étant épuisées, elle participe à de nouveaux désendettements en négligeant la possibilité que lui offre l'article 40, 4e alinéa. Dans ce cas, la responsabilité de la Confédération ne se discute même pas, car si le canton confie la direction de la caisse d'amortissement à des personnes incapables, il doit en supporter les conséquences. En outre, la responsabilité de l'Etat peut jouer lorsque les recettes effectives sont inférieures aux prévisions budgétaires du plan d'amortissement, du fait que certains débiteurs ne sont pas en mesure de verser leurs annuités et que la caisse subit des pertes dans la réalisation forcée.

Ces pertes seront toujours dues au fait que les estimations n'ont pas été effectuées avec tout le soin voulu ou que les autorités de concordat ont accordé le bénéfice du désendettement à des débiteurs indignes ou incapables. Dans ce domaine, la Confédération n'a aucune possibilité d'intervenir, puisque la procédure d'estimation et de désendettement est et devait être entièrement confiée aux cantons. Il est évident que l'on ne saurait rendre la Confédération responsable de l'application défectueuse de la loiîpar les autorités cantonales, mais qu'il appartient au contraire à chaque canton de répondre de l'activité de ses propres autorités. C'est ainsi que personne n'a eu l'idée d'engager la responsabilité de la Confédération pour les dommages résultant de la tenue du registre foncier.

On a estimé tout naturel que les cantons se chargent de cette responsabilité puisque la tenue du registre foncier est confiée à leurs organes (art. 955 CC).

La situation est ici pareille. Nous attendons même
les meilleurs résultats de cette solution, étant persuadés que, grâce à la responsabilité subsidiaire du canton, les deniers publics affectés au désendettement seront employés avec beaucoup plus de discernement. Si les dispositions de la loi sont scrupuleusement observées, les cantons ne courront en pratique aucun risque, d'autant moins que les caisses d'amortissement ont la faculté d'accumuler des réserves. Dans le cas où la situation du débiteur s'améliore progressivement, la caisse pourra exiger que les contributions du débiteur soient doublées, ce qui la déchargera en conséquence (art. 63).

Si le débiteur revient subitement à meilleure fortune, la caisse aura le droit de s'en prendre à lui jusqu'à concui'rence de la valeur capitalisée de ses contributions (art. 64). De même en cas d'aliénation de l'immeuble à un prix supérieur à la valeur d'estimation, il faudra veiller à ce que

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l'excédent serve à couvrir la valeur capitalisée des contributions de la caisse (art. 71). Nous répétons que l'article 40, 2e alinéa, constitue l'un des pivots du projet et que de lui dépend le sort de la loi. Nous nous opposerions donc énergiquement à ce que cette disposition fût supprimée ou modifiée de façon à rendre la Confédération responsable.

II. Contributions publiques et fonds de désendettement.

1. Dans la partie générale du message, nous nous sommes expliqués sur le principe de la participation des pouvoirs publics aux désendettements.

Il ressort du chapitre II de la partie spéciale que cette participation consiste à fournir les annuités à verser par les caisses d'amortissement en vertu de l'article 18. D'après le projet, la corporation publique s'acquitte de cette obligation non par un versement unique, mais en ouvrant des crédits pendant vingt ans. Comme nous le démontrerons sous chiffre III, nous estimons qu'une subvention annuelle de dix millions de francs environ sera nécessaire et suffisante pour désendetter les entreprises obérées.

Cette contribution publique aux désendettements ne saurait être imposée à la Confédération seule, mais doit être supportée à parts égales par elle et les cantons. Sans poser cette fois un principe rigide, nous nous bornons à prévoir que les versements de la Confédération doivent être subordonnés à l'octroi de contributions cantonales. Des considérations d'ordre général justifient de répartir entre la Confédération et les cantons la charge des désendettements; cette solution est aussi imposée par l'état des finances fédérales, sans compter que la mise à contribution des cantons garantit une meilleure application de la loi. Les cantons ont évidemment la faculté d'obliger les communes à verser des contributions (art. 41, al. 1 à 3).

2. Il convient de prendre en considération que l'endettement de l'agriculture est très différent suivant les régions et que certaines d'entre elles sont particulièrement obérées. Aussi le Conseil fédéral est-il autorisé à prélever vingt pour cent au maximum sur le subside fédéral pour l'affecter à des régions particulièrement endettées et exactement circonscrites. Ces contributions supplémentaires de la Confédération, qui peuvent être subordonnées à la condition que le canton intéressé augmente ses propres prestations,
servent à dégrever le débiteur d'une manière plus considérable. En effet, les sommes nécessaires à l'amortissement ne seront pas fournies à parts égales par la caisse et le débiteur; celui-ci fournira, par exemple, le quart de ces sommes et la caisse les trois quarts (art. 42; 17, 3e al.).

3. Nous envisageons comme il suit l'application de ces principes. Pendant vingt ans, la Confédération inscrit chaque année cinq millions au budget. Un million est réservé pour les régions particulièrement obérées, les quatre autres étant répartis entre les cantons d'après une règle à établir.

Traitant la question du point de vue financier, nous proposons la solution ci-après. La Confédération verse ses subsides annuels dans un fonds de désendettement, un million étant immédiatement placé chaque année dans

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un fonds spécial destiné aux régions particulièrement obérées. Ce fonda de désendettement servira à verser des subventions fédérales aux cantons, dans la mesure des disponibilités et suivant une proportion à déterminer.

Chaque canton est tenu d'instituer, lui aussi, un fonds de désendettement qui sera alimenté par les subventions fédérales et par les contributions du canton et, le cas échéant, des communes; ce fonds constituera le réservoir où les caisses cantonales d'amortissement puiseront ensuite les ressources nécessaires à l'exécution du désendettement (art. 41, al. 2 à 4; art. 42, 2e al.). Les détails seront réglés dans l'ordonnance d'exécution.

Il va de soi que les versements au fonds fédéral de désendettement ne produisent pas intérêt.

III. Portée financière du projet.

Le projet oblige la Confédération et les cantons à participer aux désendettements en versant des subventions. Pour sa part, la Confédération devra effectuer pendant vingt ans des versements annuels de cinq millions de francs (art. 41, 2e al.). Aux termes de l'article 41, 3e alinéa, ces versements sont subordonnés à ceux des cantons. Comme nous le démontrerons plus loin, ces ressources suffiront pour atteindre les buts visés par le projet.

Il est naturellement impossible de déterminer avec une précision mathématique quelle sera la charge incombant aux pouvoirs publics. Force nous est de procéder à des évaluations sujettes à erreurs et particulièrement défectueuses en l'espèce, du fait que nous ne disposons d'aucune statistique générale. La documentation existante permet toutefois de faire des calculs d'une exactitude suffisante.

1. Il s'agit de déterminer d'abord le nombre des entreprises à désendetter.

Dans sa publication sur « le surendettement et le désendettement dans l'agriculture suisse» (p. 30), le secrétariat des paysans a constaté que quelque vingt mille entreprises agricoles proprement dites doivent être considérées comme obérées. Cette évaluation est confirmée par le bureau fédéral de statistique. Cette concordance est d'autant plus significative que les deux enquêtes ont été faites indépendamment l'une de l'autre et suivant dea méthodes différentes. Le bureau fédéral de statistique prend comme point de départ les 238,000 entreprises agricoles recensées en 1929. Il a soustrait de ce nombre environ 52,000
entreprises (dont 40,000 de moins de 3 ha) dont les exploitants ne sont pas des agriculteurs proprement dits et auxquelles par conséquent la loi ne s'applique pas. Des 186,000 entreprises restantes, les quelque 11,000 entreprises du canton du Tessin peuvent être aussi déduites, leur charge hypothécaire globale se montant seulement à dix millions de francs environ par suite du morcellement excessif de la propriété foncière. Ont de même été négligées en partie les petites entreprises (au nombre de 47,300 environ) dont la surface n'excède pas trois hectares. Ce nombre comprend d'une part les exploitations ne nécessitant pas le désendettement et d'autre part les entreprises trop petites pour

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nourrir l'exploitant et sa famille (voir p. 25). Le désendettement hypothécaire n'apporterait aucun soulagement suffisant à beaucoup de ces entreprises minuscules, qui, comme par le passé, relèveront souvent pour finir de l'assistance publique si leur capacité de rendement ne peut pas être améliorée d'une autre manière. Dans la mesure où elles intéressent le désendettement, les entreprises de cette catégorie sont comprises dans le tableau ci-dessous. Enfin, il importe d'éliminer la plupart des quelque 15,000 entreprises affermées les plus importantes, étant donné que le tiers au maximum appartiennent à des agriculteurs et que la loi ne s'appliquerait qu'à une fraction de ce tiers. Après toutes ces déductions, il reste environ 150,000 entreprises. En tenant compte des différents systèmes d'exploitation, la proportion des entreprises désendettées dans chaque catégorie se présente comme il suit: Nombre des Entreprises à entreprises désendetter

Groupe d'exploitation Exploitations exclusivement herbagères et laitières Exploitations herbagères et laitières avec arboriculture fruitière Exploitations herbagères et laitières dans les meilleures régions fruitières Eleveurs du Simmental Autres éleveurs Exploitations alpestres des vallées peu obérées Exploitations laitières avec champs: a. Régions très obérées b. Autres régions Exploitations avec importantes cultures de céréales Exploitations des zones intermédiaires . .

Exploitations viticoles Exploitations spéciales de cultures maraîchères et d'arboriculture fruitière . . . .

Exploitations du Valais, en tant qu'elles ne rentrent pas dans d'autres catégories . .

Exploitations du Jura, dans les régions défavorables Total

9,000

2,400

20,000

2,000

8,000 3,000 20,000 4,000

400 1,000 4,000 400

15,000 25,000

2,500 2,000

15000 12,000 5000

1 200 1,800 250

3,000

100

6,000

900

7 000 151,000

1 400 20,350

Ce résultat, établissant que le nombre des entreprises à désendetter dépasse 20,000, est corroboré par une autre enquête. D'après certains

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calculs provisoires de la statistique des transferts de propriété en 1934, vingt pour cent environ de toutes les entreprises ont été acquises de gré à gré depuis l'année 1920 ; cela représente 30,000 entreprises, si l'on estime à 150,000 le nombre de toutes celles qui entrent en considération. Les constatations faites dans le canton de Zurich révèlent que la moitié de tous les biens-fonds acquis depuis 1920 sont obérés; appliquée à toute la Suisse, cette proportion représente 15,000 entreprises surendettées.

Cette comparaison est précieuse, car elle permet d'admettre que le nombre des entreprises à désendetter ne dépasse en tout cas pas 20,000.

2. Pour déterminer quel sera l'effort imposé aux finances publiques par le désendettement, il faut en outre connaître la surface, la valeur d'estimation, ainsi que la charge, hypothécaire et la couverture des entreprises à désendetter. Pour ce qui est de la surface, nous admettons pour l'ensemble de la Suisse une moyenne de 8,4 hectares, ce qui est une évaluation prudente, étant donné que les entreprises à désendetter seront plutôt audessous de la moyenne. Quant à la valeur d'estimation, il faut admettre que la valeur moyenne de rendement par hectare représente 4000 à 4500 francs; avec 4250 francs à l'hectare, la valeur de rendement d'une entreprise de 8,4 hectares serait de 35,700 francs. Or l'article 6, 1er alinéa, du projet prévoit que la valeur d'estimation équivaut à la valeur de rendement augmentée d'un supplément de vingt pour cent au maximum; si, par hypothèse, la valeur de rendement est majorée en moyenne de dix pour cent, soit de 3570 francs, la valeur d'estimation se monte à 39,270 francs ou, en nombre rond, à 40,000 francs. Il est beaucoup plus difficile de déterminer la couverture, c'est-à-dire le rapport entre la valeur d'estimation au sens de l'article 6, 1er alinéa, et la charge hypothécaire. Nous ne disposons sur ce point que d'indications relatives à quelques cantons, indications qui permettent toutefois une évaluation satisfaisante. Dans le canton de Zurich, on a constaté que pour 786 cas d'assainissement agricole la charge hypothécaire atteignait 150,89 pour cent de la valeur de rendement ; dans le canton de Lucerne (931 cas), elle atteignait 147,62 pour cent de cette valeur et dans le canton de St-Gall (518 cas) 136,05 pour cent. Pour
le canton de Berne (500 cas), on a constaté que la charge hypothécaire représentait 128,02 pour cent de l'estimation effectuée d'après l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934 (estimation qui constitue à peu près la moyenne entre la valeur de rendement et la valeur vénale). En partant de ces données, nous présumons que la charge hypothécaire des entreprises en cause atteint en moyenne 150 pour cent de la valeur d'estimation au sens de l'article 6, 1er alinéa, et nous tenons cette évaluation pour prudente.

3. En ce qui concerne la portée financière du projet, nous aboutissons donc au résultat suivant: D'après nos suppositions, chaque entreprise a une valeur d'estimation de 40,000 francs et se trouve grevée pour 150 pour cent de cette valeur. Par conséquent, chaque entreprise est grevée pour

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20,000 francs d'hypothèques non couvertes qui doivent être amorties.

Sur cette somme, 10,000 francs appartiennent au premier degré et 10,000 au second. La valeur capitalisée des annuités à payer par la caisse d'amortissement au moyen des deniers publics se monte à 3400 francs pour le premier degré et à 2700 francs pour le second, soit à 6100 francs au total. Pour 20,000 entreprises, cela représente une somme de 122 millions de francs (valeur capitalisée). Répartis sur vingt ans (durée de l'amortissement), ces 122 millions équivalent à une somme annuelle de 9 millions, que la Confédération et les cantons devront supporter à parts égales. La valeur d'estimation globale des 20,000 entreprises à désendetter atteint donc 800 millions de francs, et leur charge hypothécaire 1200 millions.

Par conséquent, une dépense annuelle de 9 millions de francs pendant vingt ans (valeur capitalisée: 122 millions) permet de, réduire la charge hypothécaire de ces 20,000 entreprises de 1200 à 800 millions, soit de 400 millions. Par mesure de précaution et pour tenir compte d'erreurs possibles dans le nombre des entreprises, la valeur d'estimation et la charge hypothécaire, nous comptons avec une dépense annuelle de 10 millions de francs (valeur capitalisée pour vingt ans 135,5 millions). En d'autres termes, la Confédération et les cantons doivent l'une et les autres affecter annuellement 5 millions au désendettement pendant vingt ans. Cette évaluation se fonde sur le niveau des prix des produits agricoles en 1934 et 1935.

4. Ces contributions publiques sont indispensables pour assurer le désendettement hypothécaire et sont affectées exclusivement à ce but. Mais l'amortissement des créances hypothécaires non couvertes sera généralement combiné avec un concordat des créanciers chirographaires. Or un dividende concordataire doit évidemment pouvoir être offert à ces créanciers, et le débiteur ne disposera que très rarement des ressources nécessaires à cet effet. Aussi, pour cette raison déjà, l'aide financière en faveur des agriculteurs dans la gêne doit-elle être continuée, à notre avis pendant sept ans dès l'entrée en vigueur de la loi. Les demandes de désendettement pouvant être faites pendant cinq ans, il faut admettre que les dernières d'entre elles ne seront réglées que sept ou, au plus tard, huit ans après l'entrée
en vigueur de la loi. Les sommes annuellement nécessaires à cette aide financière ne peuvent déjà être, calculées par le simple fait que ladite aide ne sert pas seulement à payer les dividendes concordataires, mais poursuit essentiellement des intérêts agraires, comme nous l'avons expliqué dans notre message du 22 décembre 1933. Les dépenses annuelles subiront cependant en tout cas une diminution du fait que les sommes actuellement requises par l'extinction des intérêts échus couverts pourront être épargnées puisque le projet prescrit la capitalisation de ces intérêts. Pour le calcul et la répartition des subventions fédérales indispensables à l'aide financière, il faudra aussi veiller à garantir une compensation équitable aux cantons dont l'agriculture a besoin d'être secourue, mais qui, parce que leur endette-

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ment hypothécaire est minime, ne mettront pas ou que peu à contribution le fonds de désendettement. Cette compensation devra servir essentiellement aux assainissements, à une aide productive, à l'amélioration des débouchés, à la création ou au 'développement de sources de gain accessoires pour l'exploitant et sa famille. Songeons, par exemple, aux régions montagneuses des cantons d'Unterwald, des Grisons et du Tessin. Comme on le voit, l'aide financière en faveur des agriculteurs dans la gêne doit donc être continuée. A cet effet, nous vous soumettrons en temps utile un message et un projet d'arrêté fédéral, pour que l'exécution du désendettement ne soit pas entravée du fait que les ressources découlant de l'aide financière ne sont pas encore disponibles. Quant au rapport entre le désendettement et l'aide financière, on peut se demander si celle-ci n'aurait pas dû être englobée aussi dans le projet. Nous répondons négativement à cette question. En effet, il faut considérer d'abord que nous n'avons pas actuellement de base suffisante pour évaluer utilement les sommes requises par l'aide financière. En outre, cette aide sort à plusieurs égards du cadre du désendettement. Nous tenons à distinguer le désendettement hypothécaire, mesure juridique, de l'aide financière, qui a nettement le caractère d'une mesure de politique économique. Les subsides fédéraux de 5 millions de francs par année doivent être uniquement réservés à l'oeuvre de désendettement hypothécaire et légalement affectés à ce but. Si l'aide financière était incorporée au projet, des confusions pourraient facilement se produire, ce qui compromettrait le succès de notre tentative. Les subventions fédérales destinées atix désendettements doivent enfin être soumises à une comptabilité et à une administration séparées, qui seront confiées à l'autorité chargée d'appliquer la loi. Ce système permet seul d'avoir une vue d'ensemble sur l'oeuvre de désendettement et garantit l'emploi rationnel et judicieux des ressources disponibles.

En bref, nous constatons que les pouvoirs publics doivent mettre à disposition 200 millions de francs environ pour l'exécution de l'oeuvre de désendettement hypothécaire. Les frais des caisses d'amortissement et la rétribution de leur personnel ne sont pas compris dans ce montant, pas plus que les sommes requises par les concordats, sommes qui continueront d'être fournies par l'aide financière en faveur des agriculteurs dans la gêne.

Chapitre IV.

PROCÉDURE I. Remarques générales.

1. Par sa structure juridique, la procédure d'assainissement est une procédure de concordat. Cependant les articles 293 et suivants de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite ne peuvent pas s'appliquer, car la procédure qu'ils prévoient ne touche que les créanciers chirographaires. Au contraire, la procédure instituée par notre projet intéresse aussi les créan-

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ciers hypothécaires et même, exceptionnellement, n'intéresse que ces derniers (art. 48, 2e al.). Il a donc fallu introduire dans le projet des dispositions spéciales pour permettre à la procédure de répondre au but et aux besoins du désendettement. Sauf disposition contraire du projet, le droit ordinaire en matière de concordat doit s'appliquer à titre subsidiaire.

2. Avant de passer à l'étude détaillée du projet, examinons-en les traits 'principaux.

a. Les organes chargés de la procédure sont, comme pour le concordat ordinaire, le commissaire et l'autorité de concordat ; celle-ci est soumise aux dispositions de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite. Les cantons peuvent donc instituer une ou deux instances (art. 23, ch. 3, LP).

S'ils usent de cette dernière faculté les décisions peuvent être déférées à l'autorité supérieure de concordat conformément aux articles 44, 47 et 60. Le projet ne prévoit pas un recours au Tribunal fédéral. Quant au commissaire, sa gestion est soumise aux articles 8, 11 et 17 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite. Alors que dans la procédure de concordat ordinaire ces deux organes suffisent, il en intervient un troisième dans la procédure de désendettement: la caisse d'amortissement. C'est elle qui est chargée de négocier avec les créanciers et les cautions, puis de dresser le plan de désendettement. Cette innovation aura, nous l'espérons, d'heureux effets lors de l'exécution du désendettement. En effet, on doit admettre que les caisses d'amortissement disposeront rapidement d'un personnel expérimenté et compétent, ce qui nous donne l'assurance que les plans de désendettement seront adaptés à la situation de fait. Le projet donne aux autorités de concordat la possibilité de confier aussi les fonctions de commissaire à la caisse d'amortissement. Nous espérons que cette solution sera souvent adoptée; cependant, nous n'avons pas voulu faire de ce cumul une obligation, car la situation se présente trop différemment d'un canton à l'autre.

b. La procédure de désendettement se distingue par son organisation de celle du concordat ordinaire et de celle de l'assainissement agricole, (arrêté fédéral du 28 septembre 1934). Le premier stade de la procédure de désendettement comprend les' opérations nécessaires pour obtenir l'ouverture de cette procédure. Après
quoi, on détermine l'actif et le passif ; ils sont à la base du plan de désendettement, sur lequel se fonde la décision d'homologation de l'autorité de concordat.

aa. La détermination du passif nécessite une importante innovation.

Comme on le sait, les créances ne sont pas colloquées lors d'un concordat (sous réserve du concordat par abandon d'actif). Le débiteur peut, certes, contester les créances, mais le procès se fera après l'homologation et en dehors du concordat (art. 310 LP). Les créanciers n'ont pas le droit de contester les créances; ils peuvent tout au plus faire valoir, comme moyen d'opposition lors de la séance d'homologation, le fait que le débiteur a admis

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une créance douteuse. Ces règles ne sauraient être maintenues pour le désendettement, car les intérêts de droit matériel en jeu sont trop considérables. Si, par exemple, le débiteur admet à tort l'existence d'une créance garantie par un gage, tous les créanciers postérieurs reculent d'un rang et subissent une perte plus importante. Les cautions doivent couvrir un plus grand découvert; la caisse d'amortissement est aussi tenue de verser des annuités plus fortes. C'est pourquoi les créanciers, les cautions et la caisse d'amortissement doivent pouvoir contester, et, s'ils ont gain de cause, éliminer de telles créances. Mais par leur nature même, ces contestations ne peuvent être tranchées que par les tribunaux ; il en résulte que les litiges que peuvent soulever les créances garanties par gage appellent nécessairement une procédure de, collocation.

bb. Puisque les procédures de désendettement et de concordat se combinent, la situation des créanciers chirographaires doit nécessairement se modifier. La loi sur la poursuite pour dettes et la faillite prévoit que le concordat ne peut être homologué que s'il a été accepté au moins par 2/3 des créanciers représentant au minimum 2/3 des sommes dues (art. 305 LP).

Cette adhésion par les créanciers chirographaires ne peut pas être introduite dans la procédure de désendettement. Le concordat des créanciers chirographaires et le désendettement hypothécaire forment un tout.

Dès lors, on ne saurait admettre que les créanciers chirographaires fassent échouer le désendettement en refusant le concordat. Il est logique d'éliminer cette procédure d'adhésion et de se contenter d'accorder aux créanciers chirographaires le droit de faire valoir leurs griefs lors des débats sur l'homologation. Cette solution a déjà été adoptée dans la procédure de concordat hypothécaire pour l'industrie hôtelière et dans la procédure officielle d'assainissement de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934.

ce. Dérogeant en cela au droit usuel en matière de concordat, le projet règle enfin la procédure d'exécution de la décision d'homologation. Le fait que les concordats ordinaires ne sont pas exécutés par la voie officielle s'est déjà révélé très inopportun. On ne peut pas se passer entièrement du concours des autorités pour exécuter les décisions relatives au désendettement. Celui-ci
entraîne en effet, parmi les inscriptions du registre foncier, nombre de modifications et il faut donc avoir l'assurance que les réquisitions seront effectuées avec le plus grand soin.

H. Introduction et clôture de la procédure.

1. La procédure de désendettement est introduite par une requête écrite du propriétaire de l'entreprise. L'article 43 donne des instructions détaillées sur le contenu de cette requête et de ses annexes. Mentionnons en particulier que le requérant peut conclure simplement à l'ouverture de la procédure de désendettement; il n'est donc pas même tenu de faire des propositions ferines ou de présenter un plan de désendettement. En effet, la question de savoir quelles sont les mesures à prendre ne se résoudra

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qu'en cours de procédure, d'après les constatations du commissaire et de la caisse d'amortissement et ensuite de la décision de l'institution de secours agricole. Selon que cette dernière accorde ou refuse un secours, la situation des créanciers chirographaires se présente tout différemment. Il est aussi important que le requérant ait soumis le bien-fonds à la procédure de détermination et d'estimation, avant de saisir l'autorité de concordat; en effet, pour simplifier et abréger la procédure de désendettement, le projet part du principe qu'au moment où cette procédure est introduite, une décision définitive a déjà reconnu le caractère de bien-fonds agricole de l'immeuble à désendetter et que celui-ci a été estimé. L'autorité doit examiner la requête -- sans consulter les créanciers -- à la forme et au fond. Pour le fond, il lui suffit de considérer si la requête paraît vaine de prime abord. Tel est le cas si un examen sommaire révèle que les conditions de l'article 11 ne sont pas remplies et que l'homologation n'entre pas en considération, en vertu de l'article 57. La décision de l'autorité de concordat doit donc prononcer soit l'ouverture de la procédure, soit le rejet de la requête -- abstraction faite des requêtes déclarées irrecevables.

La décision n'est sujette à recours que si la requête est rejetée ou déclarée irrecevable. L'autorité supérieure de concordat ne peut pas être saisie d'un recours lorsque l'ouverture de la procédure est prononcée. En effet, seuls les créanciers auraient un intérêt légitime à recourir; or ils ne participent pas aux opérations relatives à l'ouverture de la procédure. Ils auront plus tard l'occasion de sauvegarder leurs droits (art. 44).

2. La procédure de désendettement se termine par la décision de l'autorité de concordat prononcée conformément aux articles 55 et suivants. Elle ne peut qu'exceptionnellement se terminer plus tôt -- sous réserve des cas où la requête est retirée, ou devient sans objet par suite du décès du requérant. L'article 47 prévoit ainsi la révocation de la procédure. Elle est prononcée sur la proposition de la caisse d'amortissement, du commissaire ou d'un créancier lésé, lorsque le débiteur procède à des actes qui lui sont interdits (art. 45), en particulier lorsqu'il ne suit pas les instructions du commissaire, ou qu'il lèse gravement
les intérêts des créanciers ou qu'il favorise certains d'entre eux aux dépens des autres.

Le débiteur doit, naturellement, être entendu (art. 298, 2e al., LP). Dans les cantons où il existe une autorité supérieure de concordat, le débiteur peut recourir contre la révocation.

3. L'article 44, 2e alinéa, qui est en rapport étroit avec l'article 40, e 4 alinéa, doit être commenté. Comme il est dit plus haut (v. p. 263), si les ressources dont dispose la caisse d'amortissement sont épuisées, cette institution doit en informer le gouvernement cantonal. Celui-ci avise les autorités de concordat, qui écarteront provisoirement toutes les requêtes reçues après cet avis. Cependant, il est évident que les débiteur« qui ont réellement besoin et méritent d'être désendettés ne doivent pas subir de préjudice du fait que la caisse ne dispose plus de fonds suf-

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usants pour procéder à de nouveaux désendettements. L'autorité de concordat peut donc, si la requête est provisoirement écartée -- à moins qu'elle ne paraisse vaine de prime abord -- nommer un commissaire et accorder en même temps un sursis, afin de protéger le débiteur contre les poursuites qui l'assaillent. Les articles 45, 46, alinéas 2 à 4, et 47 s'appliquent à ce sursis. Nous en avons fixé la durée à un an au maximum, considérant que la caisse d'amortissement parviendra à se procurer pendant ce temps des contributions publiques, qui lui permettront d'entreprendre de nouveaux désendettements. Dès que ce sera le cas, le gouvernement cantonal en informera les autorités de concordat, qui examineront les requêtes provisoirement écartées. Le projet ne le dit pas, car cela va de soi.

III. Situation du débiteur pendant la procédure.

1. Comme le désendettement est destiné à assainir l'entreprise agricole, celle-ci doit continuer à être exploitée rationnellement durant la procédure (art. 45, 1er al.). Le débiteur est soumis à la surveillance du commissaire, dont il doit suivre les instructions (art. 298, 1er al., LP), notamment au sujet de la conduite technique et financière de l'entreprise et même dans certains cas au sujet de sa vie privée. Dans la procédure de désendettement, comme dans le concordat ordinaire, le pouvoir de disposer qui appartient au débiteur est restreint. Cependant, nous vous proposons de déroger cette fois aux règles de l'article 298, 1er alinéa, de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite. Le droit ordinaire en matière de concordat interdit au débiteur, sous peine de nullité, d'aliéner ou d'hypothéquer un immeuble, de constituer un gage, de se porter caution ou de disposer à titre gratuit en cours de procédure. L'opération conclue en contravention à cette règle est absolument nulle et ne peut être validée par ratification du commissaire et des créanciers (ATF 51, III, n° 20). Depuis longtemps déjà, cette réglementation s'est révélée défectueuse; bien plus, elle serait inutilisable dans la procédure de désendettement agricole. On peut fort bien supposer que le débiteur ait des amateurs pour un immeuble dont il est propriétaire et qui n'est pas nécessaire à l'exploitation de l'entreprise. Si cet immeuble peut se vendre avantageusement, il faut favoriser la conclusion
de l'affaire, afin d'obtenir de quoi payer le dividende concordataire. C'est pourquoi l'article 45, 2e alinéa, prévoit que la ratification du commissaire rend valables les actes interdits au débiteur, au sens de l'article 298 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (nous y assimilons les paiements se rapportant à des dettes contractées avant l'ouverture de la procédure).

2. Dès qu'une demande de concordat ordinaire a été prise en considération, il ne peut être procédé à aucun acte de poursuite contre, le débiteur, car l'autorité compétente lui accorde aussitôt un sursis concordataire (art. 295, 1er al., LP). Dans la procédure de désendettement, point n'est besoin de protéger automatiquement le débiteur contre des mesures d'exécution; c'est en particulier le cas lorsque la situation du débiteur est déjà

275 assainie conformément à l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934. Le sursis, d'obligatoire qu'il était, est donc devenu facultatif. Si elle le juge nécessaire, l'autorité de concordat peut -- au vu des poursuites introduites -- accorder un sursis au débiteur, soit lors de l'ouverture de la procédure, soit plus tard seulement. Le sursis est de 6 mois au maximum; il peut cependant être prolongé exceptionnellement de 4 mois. Un délai plus long ne peut être accordé que si des procès en collocation (art. 53) ralentissent la marche de la procédure. Quant SMS. effets du sursis, l'article 46, 2e alinéa, reproduit les dispositions de l'article 297 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite. Ces dispositions doivent cependant être complétées.

En effet, les privilèges des employés, pupilles et médecins, la faculté d'introduire l'action révocatoire (art. 285 s. LP) et le droit de gage afférent aux intérêts hypothécaires doivent être sauvegardés si l'échec de la procédure de désendettement provoque la réalisation forcée des biens. C'est pourquoi, de même que la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, en son article 317(7, 2e alinéa, relatif au sursis extraordinaire, l'article 46, 3e alinéa, du projet prolonge de la durée du sursis les délais prévus à l'article 219 de la susdite loi pour les créances de lre, 2e et 3e classe, ainsi que les délais de 6 mois des articles 286 et 287 de cette même loi; la durée du droit de gage pour les intérêts hypothécaires (art. 818 CC) est étendue d'autant.

IV. Décision de l'autorité do concordat. Sa préparation.

Le but des opérations qui s'effectuent une fois la procédure ouverte, est de préparer la décision qui sera rendue en application des articles 55 et suivants. Il faut pour cela déterminer l'actif et le passif, fixer dans quelle proportion les créances sont couvertes et formuler, pour le désendettement, les propositions applicables en l'espèce.

1. Détermination de l'actif.

La détermination de l'actif incombe au commissaire. Celui-ci doit, comme dans la procédure de concordat ordinaire, inventorier, dès sa nomination, tous les biens du débiteur (art. 51, 1er al.). L'article 299 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite impose en outre au commissaire le devoir d'estimer les actifs inventoriés. Dans la procédure de désendettement, cette
tâche se simplifie dans une certaine mesure, car on se fonde, pour les biens-fonds agricoles, sur l'estimation exécutée en vertu des articles 5 et suivants. Le commissaire n'aura qu'à indiquer cette estimation dans son inventaire. Si du bétail est engagé, le commissaire n'a pas non plus à l'évaluer lui-même, mais il se fonde sur l'estimation de la caisse d'assurance du bétail, ou, à défaut, sur celle d'un expert qu'il a désigné (art. 51, 2e al.).

2. Détermination du, passif.

Le commissaire est aussi chargé de déterminer le passif. Pour établir les obligations du débiteur:

276

1. On publiera un appel aux créanciers (art. 48). Nous prévoyons que cette proposition rencontrera des résistances. Nous répondons, dès à présent, que le désendettement n'est exécutable que si le passif est déterminé au plus près ; l'appel au créancier est le seul moyen qui permette d'y arriver. Les expériences des institutions de secours agricoles sont des plus éloquentes. Un rapport sur l'activité de ces institutions, qui nous a été présenté, déclare que les obligations du débiteur ne peuvent presque jamais être établies sans appel aux créanciers. Il arrive souvent, même pour les entreprises de moindre importance, que les dettes annoncées par le débiteur diffèrent de quelques milliers de francs des obligations que révèle l'appel aux créanciers; pour les cautionnements, la différence est encore plus considérable. Ce phénomène provient souvent du fait que les débiteurs ignorent la portée de leurs engagements, mais très souvent aussi du fait qu'ils s'efforcent de celer leurs dettes et des combinaisons douteuses.

Ceci démontre suffisamment que l'appel aux créanciers est indispensable.

Le projet ne prévoit d'exceptions que dans les cas suivants: Lorsque la procédure de désendettement envisagée se borne à un sursis au remboursement du capital et qu'un concordat n'intervient pas en même temps pour les dettes chirographaires ; Lorsque le débiteur a été l'objet d'une procédure d'assainissement une année au plus avant le dépôt de la requête et qu'il prouve avoir rempli les conditions de cette procédure.

2. Toutes les créances existant contre le débiteur doivent être annoncées, qu'elles soient garanties par des cautions ou non, qu'elles soient inconditionnelles ou conditionnelles, exigibles ou prorogées. Le commissaire doit envoyer un exemplaire de la publication à tous les créanciers connus, afin qu'ils puissent sauvegarder leurs droits plus aisément. Les créanciers connus sont ceux qu'indiquent les registres publics (registre foncier, registre de l'engagement du bétail), l'état des créanciers déposé en vertu de l'article 43, chiffre 1, et les déclarations écrites ou verbales du débiteur.

Le fait de ne pas révéler une dette peut constituer pour le débiteur un acte déloyal, au sens de l'article 306 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, ce qui peut, le cas échéant, entraîner le refus
de l'homologation.

De son côté, le commissaire doit scrupuleusement rechercher et aviser les créanciers, car s'il viole cette obligation, il est passible de dommagesintérêts conformément aux articles 41 et suivants du code des obligations.

Dans la procédure de désendettement, la non - production des créances n'a pas pour conséquence de faire déchoir le créancier de ses droits en matière de procédure seulement; en effet, dans les cas de concordat ordinaire (art. 293 s. LP), le défaut de production ne cause que la perte du droit de vote (ce qui n'entre pas en considération dans la procédure de désendettement, car celle-ci ne comprend pas d'adhésion par les créanciers). Au contraire, la non-production doit avoir pour sanction la déchéance des droits matériels. Quelles que soient les appréhensions que

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ce procédé puisse engendrer, toute autre solution se révèle irréalisable.

Tout d'abord, il sera souvent très difficile de trouver de quoi payer le dividende concordataire afférent aux créances chirographaires ; dans la plupart des cas, il sera impossible de s'en tirer sans l'aide de l'institution de secours agricole. Si des créanciers pouvaient faire valoir, après la clôture de la procédure, des créances chirographaires dont on n'avait pas tenu compte en établissant le plan de désendettement, parce qu'on les ignorait, le débiteur serait souvent hors d'état de payer le dividende concordataire.

Les titulaires de ces créances pourraient donc demander la révocation du concordat (art. 315 LP) ; le débiteur serait poursuivi, son matériel d'exploitation et ses immeubles saisis et réalisés. Le but du désendettement, qui est de maintenir le débiteur sur son domaine, ne serait donc pas atteint.

D'autre part, si les créances garanties par gages pouvaient être annoncées tardivement, le plan de désendettement serait anéanti. Les créances de rang postérieur reculeraient d'une case, les titres de rachat devraient être retirés et remplacés -- ce qui ne serait souvent plus possible, car ils auraient déjà changé de mains --; le découvert s'accroîtrait d'autant, etc. Il suffit de se représenter ces conséquences pour se convaincre que les effets de forclusion sont décidément inévitables.

3. Nous vous proposons de régler ces effets de forclusion comme il suit, en distinguant selon que les créances sont chirographaires, hypothécaires ou garanties par nantissement.

a. Les créances chirographaires annoncées au commissaire dans le délai de production par le débiteur ou par un créancier doivent être considérées lors de l'établissement du plan de désendettement, c'est-à-dire que les créanciers doivent dans tous les cas recevoir le dividende en entier. Au 'contraire, les créances qui n'ont pas été produites, mais dont le commissaire a cependant eu connaissance en cours de procédure, donnent droit au dividende pourvu que des fonds soient disponibles à cet effet. En tant qu'un dividende ne peut pas être versé, le créancier reçoit un acte de défaut de biens; celui-ci produit les effets de l'acte de défaut de biens ensuite de faillite (art. 265 LP). On ne peut donc le faire valoir que si le débiteur est revenu à meilleure
fortune. L'acte de défaut de biens indique le montant du dividende auquel le créancier a droit, sous déduction de l'acompte payé au moyen des fonds disponibles (art. 45, 1er al,).

b. Les créances hypothécaires inscrites dans les registres publics sont considérées d'office. Le créancier hypothécaire n'est donc dispensé que de la production de sa créance en capital; au contraire, il doit annoncer les intérêts qui lui sont dus, car le registre foncier ne les indique pas. Les intérêts échus non annoncés ne peuvent pas être ajoutés au capital (art. 12, 3e al.); le créancier perd donc sa créance pour les intérêts, si le débiteur ne l'a pas annoncée au commissaire. Il a fallu déterminer la marche à suivre lorsqu'un droit de gage serait inscrit, mais que le créancier resterait inconnu (cf. l'art. 49, 2e à 4e al.), ce qui n'a pas pu se faire sans déroger Feuille fédérale. 88e année. Vol. II.

19

278 à l'article 807 du code civil (imprescriptibilité des créances garanties par l'inscription d'un gage). D'autre part, pour les hypothèques légales non inscrites au registre foncier (art. 836, 808, 810, 819 CC), le défaut de production -dans le délai fixé entraîne la perte de la créance et du droit de gage (art. 49, 1er al.). Le projet pouvait attribuer de telles conséquences à ce défaut, car il s'agit avant tout de droits de gage garantissant. des prétentions issues du droit public (art. 836), dont la sauvegarde incombe aux autorités ; celles-ci, on peut le présumer sans autre, feront valoir leurs droits à temps. Cette règle s'applique aussi aux charges foncières de droit public non inscrites, telles que les contributions du périmètre (art. 784 CC).

c. Pour les créances garanties par nantissement, les règles ci-dessus exposées sont combinées. Comme le gage est entre les mains du créancier ou que le droit de gage est inscrit dans un registre public (engagement du bétail), le droit réel ne peut pas disparaître à défaut de production. Mais il en va autrement en cas d'insuffisance du gage. Aux termes du projet, le créancier perd le droit d'actionner le débiteur pour le montant du découvert, lorsque la créance n'a été ni annoncée par le débiteur, ni produite par le créancier (art. 50, 2e al.).

4. Comme dans la procédure de concordat ordinaire, le commissaire dresse un état des créances sur la base de l'appel aux créanciers et des indications du débiteur (art. 51, 3e al.). Le débiteur doit se prononcer sur chaque créance; ses explications sont portées au procès-verbal (cf. l'art. 301 LP). De son côté, le commissaire n'a pas à décider s'il admet ou conteste les créances indiquées. Cependant, cela ne signifie pas qu'il puisse se dispenser de les examiner. Si le commissaire constate en particulier que le débiteur ne conteste pas des créances manifestement mal fondées, il peut soupçonner le débiteur de s'être entendu avec l'un des créanciers ; le commissaire doit l'indiquer dans son rapport à l'autorité de concordat (art. 54, 3e al.) et peut même conclure au refus de l'homologation. Le fait que le débiteur conteste une prétention entraîne des conséquences différentes suivant les cas. Si l'opposition porte sur une créance chirographaire, le litige sera exclu de la procédure de désendettement et réglé
selon la procédure ordinaire (art. 57, 3e al. du projet, art. 310 LP). Au contraire, si le débiteur conteste une créance garantie par gage, la caisse d'amortissement se verra peut-être obligée d'introduire contre le créancier une action en collocation selon la procédure prévue par l'article 53. Si le débiteur veut lui-même conserver sa qualité pour agir dans la procédure de collocation, il doit faire opposition auprès de l'autorité de concordat, dans les dix jours dès la notification de l'ordonnance relative à la couverture.

3. Ordonnance relative à la couverture.

1. Aux termes de l'article 52, le commissaire rend une ordonnance relative à la couverture ; elle se fonde sur l'inventaire et l'état des créances.

Cette ordonnance présente des analogies avec l'état de collocation (art. 244 s.

279 LP), mais elle en diffère sur certains points. Tout d'abord, elle ne vise que les créances garanties par gage ; en cela, elle peut se comparer à l'état des charges annexé à l'état de collocation en vertu de l'article 125 de l'ordonnance sur la réalisation forcée des immeubles. Ensuite, le commissaire n'a pas à se prononcer comme l'administration de la masse sur l'admissibilité, le rang et le montant de chaque créance, car il n'y a pas de masse dans la procédure de désendettement. C'est au contraire l'état des créances qui détermine la façon dont celles-ci doivent être considérées. L'ordonnance relative à la couverture doit constater avant tout les gages. On doit ensuite examiner pour chaque créance les éléments qui la garantissent et la proportion de la couverture. Il faut déterminer en particulier les créances couvertes par la valeur d'estimation et le montant de cette couverture.

D'autre part, les créances non couvertes doivent être réparties dans les différentes classes de l'article 17, ou versées dans les créances chirographaires si elles dépassent le double de la valeur d'estimation. Lorsqu'il rend l'ordonnance relative à la couverture, le commissaire doit ajouter au capital les intérêts hypothécaires indiqués par le créancier ou annoncés par le débiteur; quant aux créances garanties par nantissement, il faut en particulier considérer l'article 13. A fin d'opposition éventuelle, la décision relative à la couverture est communiquée par écrit au débiteur, aux créanciers gagistes, aux cautions des créances garanties par gage, ainsi qu'à la caisse d'amortissement (si elle ne fonctionne pas comme commissaire).

2. L;'ordonnance peut être attaquée de deux façons: a. Elle peut être l'objet d'un recours auprès de l'autorité de concordat.

Ce recours vise les questions relatives à la couverture (art. 52, 2e al.).

On peut aussi y soulever toutes les exceptions qui ne concernent pas l'existence, le rang et le montant d'une créance ou du droit de gage d'un autre créancier. Le recours à l'autorité de concordat -- de même que l'action contre la collocation en cas de faillite -- permet de faire valoir tous les griefs relatifs à la procédure. Un créancier doit aussi pouvoir recourir quand la proportion de la couverture a été mal calculée, ou lorsque sa créance a simplement été passée sous silence,
ou qu'elle n'est pas indiquée pour le montant ou au rang mentionné dans la production ou dans l'état des créances. Le recours est régi, quant à la procédure, par les dispositions correspondantes de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, appliquées par analogie.

b. L'ordonnance peut être attaquée par une action:^ aa. Qui a pour objet l'existence et le montant d'une créance ou l'existence et le rang d'un droit de gage (art. 53). Une action est aussi possible lorsque, par exemple, un créancier prétend que plusieurs immeubles garantissent sa créance et qu'un autre dénie au gage cette portée. Au sujet de l'application de l'article 53, il faut remarquer que le créancier -- comme en cas de saisie (art. 146 à 148 LP) -- ne peut attaquer la collocation de

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sa propre créance qu'en interjetant le recours prévu à l'article 52. Il ne peut introduire une action que s'il veut contester la collocation d'une autre créance. La caution peut, au contraire, attaquer non seulement les créances des tiers, mais aussi la collocation de celles qu'il a garanties; ainsi, par exemple, lorsque le montant primitif de la créance a été annoncé et porté dans l'ordonnance relative à la couverture, la caution peut introduire action si elle soutient qu'un acompte a été payé. La caisse d'amortissement et le débiteur peuvent librement attaquer l'ordonnance. Nous avons déjà exposé dans les remarques générales sur la procédure de désendettement, la nécessité de cette procédure de collocation. Ajoutons seulement : 66. Au sujet de la 'procédure, que la personne qui a l'intention d'attaquer l'ordonnance relative à la couverture doit remettre dans le délai prévu pour le recours une déclaration d'opposition à l'autorité de concordat.

Celle-ci fixe alors un délai de dix jours pour introduire l'action. L'action fondée sur l'article 53 est une action en collocation; elle doit donc être instruite en la forme accélérée et portée devant le tribunal compétent dans l'arrondissement de l'autorité de concordat (et non pas au for du domicile du défendeur) ; l'article 250 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite institue aussi la compétence du juge qui a prononcé la faillite. Le jugement ne produit ses effets que dans la procédure de désendettement, comme le jugement sur action en contestation de l'état de collocation.

ce. Les effets de l'admission totale ou partielle de la demande diffèrent selon que celle-ci émanait soit d'un créancier ou d'une caution, soit du débiteur ou de la caisse d'amortissement. Si, dans ce dernier cas, la demande est admise, le défendeur est exclu et les créanciers postérieurs avancent.

Dans la première hypothèse, l'article 250, 3e alinéa, de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite s'applique par analogie, c'est-à-dire que l'issue favorable du procès profite au créancier ou à la caution. Si, par exemple, un créancier prétend que sa créance doit être admise au 1er degré, l'ordonnance relative à la couverture doit faire droit à cette prétention. Si cette collocation est contestée avec succès par un créancier du 3e degré, celui-ci est subrogé pour
le montant de sa créance aux droits du défendeur.

A supposer que le créancier d'une hypothèque de 10,000 francs admise au 3e degré arrive à évincer une hypothèque de 10,000 francs au 1er degré, il reçoit des titres de rachat pour 6800 francs et une attestation de découvert de 3200 francs, tandis que s'il n'avait pas actionné, il n'aurait obtenu des titres de rachat que pour 4000 francs ; son découvert aurait été de 6000 francs. Admettons que ce demandeur soit créancier de 5000 francs, il reçoit, s'il gagne le procès, des titres de rachat pour un montant de 3400 francs ; le défendeur est maintenu au 1er degré pour 5000 francs et recevra pour cette part de sa créance des titres de rachat pour 3400 francs (au lieu de 6800 fr.). L'autre part de 5000 francs passe au 3e degré à la place

281 de la créance du demandeur; le défendeur obtient pour cette fraction un titre de rachat de 2000 francs. Si la créance du défendeur (1er degré) se monte à 10,000 francs et celle du demandeur à 20,000, ce dernier aura droit, si son action est admise pour le tout, à des titres de rachat d'une valeur nominale de 6800 plus 4000 francs, soit 10,800 francs ; en cas d'échec, il aurait dû se contenter de 8000 francs, en titres de rachat ; son découvert aurait donc atteint 12,000 francs. Les mêmes principes s'appliquent lorsque c'est une caution et non pas un créancier qui attaque avec succès l'ordonnance relative à la couverture.

4. Plan de désendettement.

L'ordonnance relative à la couverture dans sa forme définitive et l'état des créances chirographaires indiquées par le débiteur ou produites en temps opportun forment la base du plan de désendettement (art. 54).

La caisse d'amortissement est chargée de l'établir. Elle examine tout d'abord s'il serait nécessaire de prendre certaines mesures relativement aux créances en capital couvertes (sursis au remboursement du capital, réduction du taux de l'intérêt). Elle détermine ensuite le montant des titres de rachat afférents à chaque créance, ainsi que celui des attestations de découvert; se fondant sur ces calculs, elle fixe les annuités que le débiteur et elle-même devront payer. Enfin, la caisse d'amortissement élabore un projet de concordat pour les créanciers chirographaires. Celui-ci doit indiquer entre autres le montant du dividende, les modalités du payement et les moyens auxquels on recourra pour recueillir les fonds nécessaires. A cet effet, la caisse se mettra en rapport avec l'institution de secours agricole à moins qu'elle n'en remplisse elle-même les fonctions. Dans ce cas, elle doit décider le montant et la forme du secours qu'elle peut allouer en l'espèce (prêt ou autre). Il va de soi que le débiteur doit se tenir en tout temps à disposition de la caisse d'amortissement et que celle-ci est autorisée à traiter avec sa famille, ses créanciers et ses cautions. Nous nous sommes abstenus de toutes dispositions à ce sujet, de crainte de restreindre la liberté d'action de la caisse. Une fois le plan de désendettement dressé par la caisse d'amortissement, le commissaire le transmet avec ses propositions motivées à l'autorité de concordat. La
procédure d'homologation est prête à commencer (art. 304, 1" al., LP).

Chapitre V.

DÉCISION DE L'AUTORITÉ DE CONCORDAT I. Procédure d'homologation.

La décision relative au désendettement n'est définitive qu'après l'homologation du plan de désendettement et du concordat des créanciers chirographaires par l'autorité de concordat. De même que pour le concordat ordinaire, une procédure d'homologation est nécessaire. Nous nous permettrons de faire remarquer d'ores et déjà que nous avons rédigé aussi briève-

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ment que possible les dispositions relatives à cette procédure, afin de ne pas lier inutilement les autorités compétentes.

1. L'autorité de concordat compétente est celle qui a ouvert la procédure de désendettement. La procédure d'homologation s'ouvre lorsque le commissaire remet le plan de désendettement à l'autorité de concordat, avec ses propositions. Celles-ci doivent être motivées par écrit et indiquer si les conditions de l'homologation sont remplies. Pour le surplus, la procédure est orale en vertu du droit fédéral (art. 55, 1er al.) ; la décision ne doit pas être prononcée au vu du dossier seulement, mais ensuite de débats contradictoires, ce qui n'empêche pas les créanciers de proposer par écrit des amendements à l'autorité de concordat. Le débiteur prend naturellement part aux débats. Il doit fournir à l'autorité de concordat tous les renseignements nécessaires. D'autre part, il peut proposer lui-même des amendements. Bien entendu, on doit lui donner la possibilité de s'expliquer sur les moyens d'opposition invoqués par le commissaire, la caisse d'amortissement et les créanciers. Le commissaire et la caisse d'amortissement (par son représentant) participent aux débats ; le projet leur accorde aux deux le droit de proposer des amendements, mais leur impose le devpir de fournir à l'autorité de concordat les renseignements qu'elle juge nécessaires. Ont le droit de participer aux débats tous les créanciers qui font un sacrifice. C'est pourquoi les créanciers gagistes couverts ne peuvent y prendre part qu'en cas de sursis au remboursement du capital ou de réduction du taux de l'intérêt. D'autre part, les créanciers chirographaires ne peuvent participer aux débats que si le désendettement est accompagné d'un concordat des créanciers chirographaires -- ce qui se passera d'ailleurs en général. Il va de soi que tous les créanciers intéressés (et leurs cautions) doivent être autorisés à prendre part aux débats sur l'homologation; en effet ils n'ont jamais eu jusque là l'occasion de sauvegarder leurs droits (art. 55, 2e al., lettre 6). Le plan de désendettement, les propositions du commissaire et le reste du dossier seront tenus pendant dix jours à la disposition des créanciers, pour qu'ils puissent se renseigner (art. 55, 2e al., lettre a). Lors des débats sur l'homologation les créanciers peuvent
faire opposition ou proposer des amendements au plan de désendettement ; la décision relative à la couverture étant devenue définitive, elle reste, bien entendu, hors de cause. Les créanciers sont aussi en droit de s'opposer à l'homologation s'ils démontrent que les conditions de l'article 306 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite ne sont pas remplies.

2. La possibilité d'un recours dépend du droit cantonal. Si celui-ci institue une autorité supérieure de concordat, un recours est possible en vertu du droit fédéral. Peuvent recourir: la caisse d'amortissement, le débiteur, ainsi que les créanciers et cautions dont les propositions ont été écartées en première instance. La qualité pour agir est ainsi restreinte parce que la personne qui est demeurée passive au cours des débats devant la première instance ne mérite pas d'être protégée. Le délai de recours

283

est uniformément fixé à vingt jours. Le droit cantonal régit au surplus la procédure de seconde instance (art. 60), IL Conditions de l'homologation.

1. L'homologation ne peut être prononcée que si les conditions de l'article 11 sont remplies; elles ont été exposées ailleurs très à fond (art. 57).

Ce n'est qu'à ce point de la procédure que cette question peut être définitivement tranchée. En d'autres termes, l'ouverture de la procédure de désendettement ne préjuge en rien la décision sur l'homologation; en effet, dans la procédure préliminaire, l'autorité de concordat n'avait qu'à juger si la requête paraissait vaine de prime abord. Il est donc très possible que la procédure soit ouverte, mais que l'homologation soit refusée parce que les conditions de l'article 11 ne sont pas remplies. Si choquant qu'il puisse paraître, ce résultat est inévitable. Lorsque s'ouvre la procédure, il est vraiment impossible de connaître tous les faits sur lesquels on se fondera en dernier ressort pour savoir si le débiteur mérite d'être soutenu, s'il n'est pas responsable de sa gêne et s'il paraît capable d'administrer rationnellement l'entreprise, etc. Ces questions ne pourront se résoudre que lorsque le commissaire aura procédé à son enquête. D'ailleurs, en règle générale, la situation pécuniaire du débiteur n'apparaît pas clairement avant l'appel aux créanciers.

2. Si les créanciers chirographaires ont participé à la procédure, ce qui sera le cas en général, l'homologation ne peut être prononcée que si les conditions de l'article 306 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite sont remplies et que l'entreprise du débiteur est sauvegardée (art. 57, 1er al.) ; en effet, il serait tout à fait illogique d'obliger les créanciers à faire un sacrifice, si l'on devait escompter que, malgré les facilités accordées, le débiteur n'arriverait bientôt plus à faire face aux engagements qui lui restent. En pareil cas, le destin a le dernier mot. Il a faUu apporter ici une précision à l'article 306 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite.

Aux termes du chiffre 2 de cet article, l'homologation du concordat n'est admissible que si la somme offerte est proportionnée aux ressources du débiteur. Nous avons appris que, pour interpréter cet article, on a souvent invoqué l'article 92 de la loi sur la poursuite
pour dettes et la faillite et soutenu que, pour apprécier si le dividende concordataire est approprié, on doit prendre en considération la valeur du bétail du débiteur à l'exception d'une vache (3 chèvres, 3 moutons). Cette interprétation est déjà insoutenable en cas de concordat ordinaire. Elle serait en contradiction flagrante avec la procédure de désendettement. En effet, comment un paysan pourrait-il continuer à exploiter son domaine s'il ne pouvait conserver en fait de bétail que le minimum nécessaire à son existence ou s'il devait engager tout son troupeau, afin d'obtenir à des conditions onéreuses les fonds nécessaires pour payer le dividende concordataire ?

Le but du désendettement est d'assurer au propriétaire la possibilité de

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conserver son entreprise. Pour atteindre ce but, il faut naturellement laisser au débiteur le bétail indispensable à l'exploitation rationnelle de l'entreprise. C'est là la raison d'être de l'article 57, 2e alinéa.

3. Enfin, l'homologation doit être refusée quand le plan de désendettement est contraire à des dispositions imperatives de la loi. Ce principe est si naturel que le projet ne l'exprime pas.

III. Décision : son contenu, ses effets, son exécution.

1. La décision de l'autorité de concordat doit porter tant sur le désendettement que sur le concordat des créanciers chirographaires. Pour le désendettement, l'autorité de concordat doit en particulier fixer le taux des annuités dues par le débiteur et la caisse d'amortissement, ainsi que le montant des titres de rachat à remettre aux créanciers. Elle doit aussi prendre les mesures indiquées pour compenser les différences (versement en espèces du débiteur ou du créancier ; voir p. 252) ; elle doit en outre déterminer le découvert afférent à chaque créance. La décision est, en effet, la base légale de toutes les modifications juridiques provoquées par le désendettement. L'autorité de concordat doit également prendre, en vertu des articles 65 à 67, les mesures nécessaires à la consolidation des entreprises endettées.

2. A propos des effets de la décision, les dispositions sur les cautionnements méritent d'être soulignées. Distinguons selon que: a. Le débiteur a cautionné. L'article 58 du projet règle la question de la même façon que l'article 21, 1er et 2e alinéas, de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934. Le 3e alinéa de ce dernier article n'est pas repris; il ne faisait d'ailleurs pas partie de notre projet du 11 mai 1934. Aux termes de cet alinéa, l'autorité de concordat peut laisser subsister un cautionnement s'il est improbable que la caution eût dû s'exécuter à défaut de procédure d'assainissement. On ne peut découvrir pourquoi ces cautionnements doivent être traités différemment des autres; de plus, il est souvent très difficile de savoir s'il est oui ou non probable que la caution devra s'exécuter. Ces cautionnements peuvent mettre le débiteur dans une situation très difficile, lorsque, contrairement aux prévisions de l'autorité de concordat, le débiteur principal ne peut tout de même pas payer. C'est pourquoi il faut, lors de l'homologation,
faire table rase de tous les cautionnements.

b. Les dettes du débiteur sont cautionnées. Les articles 33 à 35 et 38 déterminent la situation des cautions répondant de créances garanties et couvertes par le gage, en cas de sursis au remboursement ou de réduction du taux de l'intérêt du capital couvert. L'article 21 régit la responsabilité des cautions garantissant les créances non couvertes qui ne dépassent pas le double de la valeur d'estimation du gage. Il ne reste donc plus qu'à régler les effets de l'homologation à l'égard des cautions des créances

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chirographaires et des créances hypothécaires qui excèdent le double de la valeur d'estimation du gage (art. 59) -- le projet assimile l'une à l'autre ces deux sortes de créances --. Les cautions doivent naturellement être rendues responsables. Un droit de recours contre le débiteur ne peut pas leur être accordé; sans quoi, on courrait le danger que les poursuites introduites par les cautions pour exercer ce droit n'amènent la réalisation forcée du domaine; le désendettement ne pourrait donc pas atteindre son but. Restent réservés les cas où le débiteur revient à meilleure fortune. Les cautions des créances hypothécaires excédant le double de la valeur d'estimation du gage peuvent en outre exercer certaines prétentions dans les cas prévus aux articles 71, 2e alinéa, 72 et 73.

3. Comme nous l'avons dit plus haut, la décision de l'autorité de concordat doit s'exécuter avec beaucoup de soins et de précautions (établissement des titres de rachat et des attestations de découvert, retrait des titres de gage touchés par le désendettement, modifications et radiations à effectuer au registre foncier, payement du dividende concordataire). Les articles 61 et 62 règlent toutes ces mesures d'exécution. Comme ces questions intéressent avant tout la procédure et la technique du registre foncier, il est inutile d'en étudier les détails.

IV. Modification subséquente de la décision.

La décision de l'autorité de concordat se fonde sur l'état de fait constaté lors de la procédure. Les effets du désendettement portent au contraire sur une période de vingt ans. La situation peut se modifier du tout au tout durant ce laps de temps. Il va de soi qu'il faut pouvoir tenir compte de telles modifications; en effet, dans la procédure de désendettement, la décision d'homologation est soumise à la clausula rébus sic stantibus, c'està-dire qu'elle est subordonnée au maintien de la situation actuelle.

1. Lorsque la situation du débiteur s'améliore, il faut distinguer 2 cas: a. Il peut y avoir une amélioration progressive en raison de l'accroissement du rendement ou pour d'autres causes analogues. Si tel est le cas, le débiteur peut, aux termes du projet, être astreint par l'autorité de concordat, sur la proposition de la caisse d'amortissement, à verser des annuités plus élevées; le subside de la caisse est diminué d'autant (art. 63). L'autorité de concordat détermine librement le taux de l'augmentation; il est de 100 pour cent au maximum, ce qui va de soi car la caisse d'amortissement ne doit pas faire de gain. Les créanciers ne bénéficieront donc d'aucun droit en cas d'amélioration progressive de la situation du débiteur; seule la caisse d'amortissement, et par cela même la communauté, sera déchargée.

Cette solution nous paraît judicieuse. Il serait contraire au but du désendettement que le débiteur puisse être assailli par ses anciens créanciers dès qu'il arrive à tirer de son domaine un rendement un peu meilleur.

Mais il est parfaitement logique de réduire les prestations de l'Etat. Cette

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disposition s'appliquera naturellement avec doigté; une augmentation passagère du rendement due simplement à une année particulièrement bonne ne suffit pas pour modifier la décision de l'autorité de concordat.

Celle-ci trouvera d'ailleurs un juste milieu, nous n'en doutons pas; en effet, la caisse d'amortissement, qui surveille le débiteur, connaît exactement la situation de celui-ci, de sorte qu'elle peut aussi juger s'il supporterait une charge plus lourde.

o. La situation est différente lorsque le débiteur revient à meilleure fortune à la suite d'une succession ou d'une donation. Les créanciers chirographaires ne peuvent invoquer aucun droit de ce chef. Ils ont reçu le dividende concordataire pour solde de tout compte. Notre législation ordinaire en matière de concordat applique le même principe; en effet, elle n'accorde pas aux créanciers la faculté de faire valoir à nouveau leurs droits (sous réserve des dispositions d'espèce des concordats); il n'y a aucun motif de déroger à cette règle pour les concordats connexes aux désendettements hypothécaires au sens de la présente loi. Tout autre est la situation des créanciers gagistes qui n'ont reçu que des titres de rachat ou qui ont été classés parmi les créanciers chirographaires. Ces créanciers ont perdu leur droit de gage, ils ont dû renoncer en partie à leur créance; on ne peut pas exiger d'eux qu'ils ne réagissent pas à la vue des ressources nouvelles consommées par le débiteur, ou agrippées par les créanciers nouveaux. C'est pourquoi l'article 64 accorde aux créanciers gagistes non couverts le droit de faire valoir derechef leurs prétentions et de séquestrer les biens nouveaux du débiteur. L'attestation de découvert (art. 14, 2e al., et 20 du projet) confère aussi (mais pendant 20 ans seulement) les droits découlant d'un acte de défaut de biens ensuite de f aillite au sens de l'article 265 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite. La caution est subrogée aux droits du créancier jusqu'à concurrence de ce qu'elle a payé (art. 21, 59).

Le projet confère à la caisse d'amortissement pour la valeur capitalisée de ses prestations et à l'institution de secours agricole pour les sommes versées au débiteur les droits découlant de tels actes de défaut de biens.

Afin de protéger l'intérêt public, les offices de poursuites sont tenus de
communiquer aux caisses d'amortissement tout séquestre exécuté sur les biens d'un agriculteur désendetté.

2. Si sa situation s'aggrave, le débiteur ne pourra plus verser les annuités qu'il doit. La caisse d'amortissement peut le poursuivre s'il est en demeure pour deux annuités (art. 69). En général, la réalisation forcée sera alors inévitable. Il n'y a pas d'autre solution ; en particulier la caisse d'amortissement ne peut pas être astreinte à verser les annuités dues par le débiteur, sans quoi l'administration financière de la caisse serait dépourvue de toute stabilité. Cette solution ne s'applique, bien entendu, qu'aux cas d'aggravation isolés. Si la situation générale devait encore s'aggraver à tel point que la plupart des paysans endettés n'arriveraient plus à payer les annuités, il faudrait leur venir en aide par de nouvelles mesures législatives.

287

L'objet de ce projet n'est certes pas de prendre d'ores et déjà des dispositions pour un avenir imprévisible, alors qu'il y a lieu d'espérer que le point le plus bas de la crise agricole est dépassé.

Chapitre VI.

CONSOLIDATION D'ENTREPRISES DÉSENDETTÉES 1. Si l'on veut, comme l'exige l'intérêt général, que les opérations de désendettement soient efficaces, il est nécessaire de prévoir certaines mesures de sûreté, d'autant plus justifiées qu'on impose des sacrifices aux créanciers hypothécaires. Le débiteur doit exploiter son entreprise de manière à pouvoir suffire à son entretien et satisfaire à ses obligations envers les titulaires de créances hypothécaires couvertes; il faut qu'il puisse en outre remplir les engagements qu'il a assumés à l'égard de la caisse d'amortissement du fait du désendettement. Cette obligation concerne essentiellement l'exploitation de l'entreprise. Les institutions de secours agricoles ont constaté que, sur ce point, certaines mesures étaient utiles et même nécessaires. Chez un grand nombre d'agriculteurs dans la gêne, on a relevé, soit dans la direction de l'entreprise, soit dans les méthodes d'exploitation, certaines déficiences qui avaient contribué à réduire considérablement le rendement de l'exploitation et à accroître les difficultés de l'exploitant. Tant la caisse d'amortissement que les créanciers hypothécaires ont le droit d'exiger que l'assainissement résultant du désendettement ne soit pas compromis. Mais il n'est pas toujours certain que le propriétaire désendetté exploite l'entreprise selon les règles de la technique agricole moderne. Le résultat final serait également mauvais, que la cause en puisse être attribuée à des méthodes surannées ou à l'incurie du propriétaire. L'effet que le législateur attend du désendettement serait .manqué et la collaboration du propriétaire s'en trouverait compromise, ce qui augmenterait encore les dépenses imposées à la collectivité. Si le rendement de l'exploitation ne permettait pas de payer, outre les annuités, les intérêts des créances hypothécaires couvertes, la réalisation forcée deviendrait inéluctable à la longue. Si seuls ces intérêts étaient servis, à l'exclusion des annuités (art. 17), le canton devrait assumer le paiement de ces dernières. La collectivité a donc un intérêt indéniable à ce que l'entreprise désendettée soit exploitée rationnellement. On a tenu compte partiellement, en rédigeant les dispositions de ce chapitre, des expériences faites sous le régime des arrêtés fédéraux instituant des mesures
juridiques temporaires pour la protection des agriculteurs obérés. Toutefois, étant donnée la portée du présent projet, il était nécessaire de compléter ces mesures, tout en en fixant plus exactement la nature.

2. Nous avons attaché la plus grande importance à la surveillance de l'exploitation agricole. Les institutions de secours ont constaté jusqu'à

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maintenant que cette mesure était excellente. En effet, elle a un caractère positif et constructif, à condition toutefois d'être complétée par les conseils techniques du surveillant. Ainsi organisée, cette surveillance a généralement constitué un stimulant pour les débiteurs consciencieux. Elle est prévue pour tous les cas de désendettement, sans exception. Les conseils dont elle s'accompagne en constituent l'élément essentiel, auquel on voue communément, dans le domaine agricole, une attention toujours plus grande. Son but est d'accroître la qualité de la production, d'augmenter le rendement du domaine et, partant, d'améliorer la situation matérielle du paysan. L'amélioration des conditions de production sera le plus sûrement obtenue si le rendement brut augmente sans accroissement notable des frais ou si les recettes brutes se maintiennent et que les frais de production diminuent. Il appartient au conseiller d'indiquer au débiteur les moyens d'y parvenir; c'est là, à notre avis, l'élément positif d'un désendettement durable et du raffermissement de la classe paysanne. Par ce moyen, on habituera l'agriculteur à se tirer d'affaire lui-même et à se garder de tout mauvais placement; on lui procurera une existence sûre et libre, indépendante de l'aide de l'Etat. Considérée sous cet angle, la surveillance n'a rien de vexatoire.

3. S'il le faut, la surveillance peut être renforcée, et s'étendre au train de vie du débiteur et de sa famille. Ce sera notamment le cas lorsque les dépenses de ménage sont hors de proportion avec les recettes brutes. Cette surveillance exige du tact de la personne qui en est chargée. Parfois aussi, elle aura pour effet d'accroître l'autorité du chef de famille. Un conseil bienveillant, une exhortation fondée aboutiront certainement à d'excellents résultats.

Le conseil légal, que la caisse d'amortissement a le droit de proposer à l'autorité compétente, constitue la forme la plus rigoureuse de cette surveillance. Si une privation partielle de l'exercice des droits civils est justifiée d'après l'article 395, 1er alinéa, du code civil, la caisse d'amortissement doit pouvoir requérir l'autorité compétente d'instituer un conseil légal. Cette disposition a été empruntée à l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934 (art. 34, 1er al.). Mais nous n'avons maintenu dans notre projet que le
conseil légal et renoncé à la curatelle, ainsi qu'à la privation de l'administration des biens, telle que la prévoit le 2e alinéa de l'article 395 susmentionné. En général, les conditions prévues pour l'institution d'une curatelle ne sont pas remplies; d'ailleurs, cette institution n'est pas faite pour durer longtemps et n'est pas suffisamment développée. D'autre part, la privation de l'administration des biens paraît ici insuffisante, car, dans ce cas, l'interdit conserve la libre disposition de ses revenus. Parfois, l'expérience l'apprend, les circonstances sont telles que seule une privation partielle de l'exercice des droits civils permet d'assurer le désendettement. Lorsque les conditions nécessaires sont déjà remplies au moment où la procédure est introduite, la caisse d'amortissement demandera im-

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médiatement l'institution d'un conseil légal, afin de rendre efficace le désendettement. Dans les cas graves, elle pourra même subordonner sa collaboration à la condition que le débiteur demande sa mise sous tutelle.

Toutefois, elle ne recourra à cette mesure extrême que si les conditions énoncées à l'article 372 du code civil sont remplies. Le débiteur a un droit de recours auprès de l'autorité de concordat.

4. L'obligation de, tenir une comptabilité est un moyen particulièrement propre à renforcer la surveillance exercée sur la gestion du débiteur. La comptabilité doit permettre à la personne chargée de cette surveillance de contrôler exactement les revenus bruts et les dépenses du débiteur et de se former ainsi un jugement sur leur rapport réciproque, sur l'importance de la production et les possibilités d'amélioration. Elle constitue en outre une certaine garantie pour le débiteur lui-même. La comptabilité sera aussi simple que possible, et, avant tout, adaptée à la nature et à l'importance de l'entreprise. On peut, par conséquent, fort bien exiger que le débiteur s'astreigne à cette obligation, sans rien lui demander qui soit au-dessus de ses capacités. La caisse d'amortissement remettra au débiteur des formules spéciales et lui donnera des instructions sur la manière de tenir sa comptabilité. Au besoin, la personne chargée de la surveillance fournira au débiteur des indications complémentaires.

5. Outre les mesures déjà énumérées et celles qui sont prévues au chapitre VII et dans la IIIe partie, notre projet prévoit, pour le débiteur, une restriction générale de la liberté de disposer. Pour empêcher le débiteur d'effectuer des constructions ou de grosses réparations inutiles, on a prescrit qu'il devrait requérir l'assentiment de la personne chargée de la surveillance. Celle-ci est, mieux que quiconque, en mesure d'examiner si ces travaux sont utiles ou nécessaires. Bien que le projet ne le prévoie pas expressément ,,le débiteur peut, en cas de refus, recourir à la caisse d'amortissement. Ce droit de recours nous paraît implicite, puisque la personne chargée de la surveillance est subordonnée à la caisse d'amortissement.

Pour constituer des droits de gage, notamment des gages mobiliers, l'approbation de la caisse d'amortissement est nécessaire. C'est ainsi que le législateur entend empêcher
le débiteur de contracter à la légère de nouvelles dettes et de se dépouiller des objets nécessaires à l'exploitation du domaine. Il est interdit au débiteur de contracter des cautionnements, à peine de nullité. Ces deux dispositions ont été empruntées à l'arrêté fédéral actuellement en vigueur.

6. Il n'a pas été aisé de trouver des sanctions vraiment efficaces pour assurer la stricte application de ces prescriptions. Pour la constitution d'un droit de gage, la sanction réside dans l'effet juridique attaché à l'autorisation de la caisse d'amortissement: si cette autorisation n'a pas été accordée, le droit de gage est non seulement contestable, mais il est nul au même titre que les actes juridiques mentionnés à l'article 177, 3e alinéa,

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du code civil (ATF 40, II, 319; 59, II, 31/32). Pour les cautionnements, le projet les déclare nuls et non avenus. Quant aux autres mesures, nous n'en garantissons l'exécution que par la menace d'une poursuite par voie de saisie ou en réalisation de gage, lorsque le débiteur est en demeure pour deux annuités. La caisse d'amortissement peut en outre déclarer que toutes les annuités à venir seront exigibles à la prochaine échéance pour leur valeur capitalisée et, à défaut de paiement, introduire la poursuite en réalisation de gage. Elle recourra à cette mesure rigoureuse notamment lorsque le débiteur a cherché à plusieurs reprises à se soustraire aux mesures de sûreté, ou lorsqu'il oppose une résistance passive aux instructions de l'autorité de concordat ou de la caisse d'amortissement. En pareil cas, on peut se demander si le débiteur mérite encore de bénéficier de la procédure de désendettement. Comme il est impossible de révoquer le désendettement après la remise des titres de rachat (à la différence des dispositions contenues à l'art. 12 de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934, qui, en revanche, ne prévoit pas l'amortissement du capital non couvert), il ne restait plus que cette mesure extrême.

Nous n'avons pas prévu d'autres sanctions. Des amendes légères n'auraient eu aucun effet; fortes, elles n'eussent fait que grever davantage la caisse d'amortissement et les créanciers. La conversion d'une amende en une peine privative de liberté eût été contraire au sens et à l'esprit de l'article 59, 3e alinéa, de la constitution fédérale, comme aussi à notre sentiment du droit. D'autre part, de nombreuses objections avaient été soulevées contre le système de l'administration d'office, lors de l'examen du projet d'arrêté fédéral du 11 mai 1934 concernant l'extension des mesures juridiques temporaires pour la protection des agriculteurs dans la gêne. De même, la commission d'experts s'opposa à l'affermage obligatoire.

On fit remarquer, non sans raison, que lorsqu'une telle mesure paraissait justifiée, le cas était désespéré et qu'il valait mieux alors ne pas empêcher une réalisation forcée, plutôt que d'en différer l'échéance par des moyens artificiels.

7. La durée des mesures de surveillance est limitée. Ces mesures tombent d'elles-mêmes lorsque le débiteur a payé toutes les annuités, puisqu'elles
sont la conséquence directe des obligations imposées à celui-ci en raison du désendettement.

Chapitre VII.

MESURES DE SÛRETÉ EN CAS D'ALIÉNATION D'ENTREPRISES DÉSENDETTÉES I. Un transfert de propriété de l'entreprise désendettée, qu'il soit légal ou contractuel, ne peut être prohibé pendant la période où le débiteur est tenu au paiement des annuités. Du point de vue économique, une pareille restriction du droit de disposer serait excessive. En revanche, il serait

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également dangereux de ne limiter en rien la liberté d'aliéner une entreprise désendettée. On ne peut prévoir quelles seront les fluctuations de la valeur des terres. Abstraction faite de ce facteur, on peut vraisemblablement espérer tirer de la vente de l'immeuble, au moins dans la deuxième moitié de la période d'amortissement, un prix dépassant le montant des créances hypothécaires couvertes et la valeur capitalisée des annuités encore dues. Si le débiteur pouvait encaisser sans plus la différence entre le produit de la vente et les charges susmentionnées, la caisse d'amortissement et les titulaires de créances hypothécaires non couvertes seraient définitivement frustrés, la première de ses versements, les seconds du montant non couvert de leur créance. Dans l'intérêt des finances publiques et du crédit hypothécaire, le législateur se doit de prévenir de tels abus.

II. Il est extrêmement difficile de trouver une solution permettant d'empêcher définitivement que le débiteur ne fasse un bénéfice illicite lors de la vente de son domaine. Le projet s'applique avant tout aux cas normaux d'aliénation. Un débiteur malhonnête réussira peut-être, en recourant à des opérations simulées, à se soustraire aux prétentions de la caisse d'amortissement et des créanciers hypothécaires ayant droit à une part de l'excédent pour le découvert de leur créance. En pareil cas, il appartiendra au juge de réprimer ces abus, en tenant compte des intentions du législateur.

1. La durée, des mesures de sûreté est limitée à vingt ans. Ce délai est le même que celui de l'article 17, 2e alinéa, pour le paiement des annuités.

Il nous paraît normal, étant données les restrictions édictées dans ce chapitre; il ne conviendrait toutefois pas que ce délai fût plus long. Après vingt ans, les créanciers ou les cautions devront renoncer à récupérer la perte subie, ce qui d'ailleurs ne les touchera plus guère. Le propriétaire d'une entreprise désendettée peut, en tout temps, recouvrer intégralement son droit de disposer: il lui suffira de désintéresser la caisse d'amortissement et les titulaires de créances hypothécaires non couvertes (art. 75).

2. Le projet énumère, d'autre part, les cas d'aliénation. Tant que le débiteur n'a pas satisfait aux exigences de la caisse d'amortissement et des créanciers hypothécaires, ainsi qu'il est
prescrit aux articles 70,1er alinéa, et 71, 1er et 2e alinéas, ou que le délai de vingt ans n'est pas échu, la caisse d'amortissement et les créanciers hypothécaires ayant subi une perte ont droit non seulement à l'excédent du produit de la première vente effectuée après le désendettement, mais encore à tout excédent provenant d'une vente ultérieure du domaine ou d'une partie de celui-ci. L'acquéreur doit donc tenir compte de ces prétentions. Si l'on avait voulu limiter celles-ci à la première aliénation de l'immeuble seulement, elles n'auraient eu en réalité plus aucune signification. Il suffirait au débiteur désireux de se soustraire à ses obligations de procéder à une .vente fictive de son domaine en recourant à un homme de paille. Or les ayants droit ne doivent

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pas être contraints de compter sur le succès de l'action révocatoire. Il serait également injuste qu'un tiers acquéreur fît un gros bénéfice en revendant le domaine dans le délai prévu, alors que la caisse d'amortissement et les créanciers hypothécaires non couverts n'auraient peut-être rien retiré de la première vente après le désendettement. Grâce à l'annotation prévue à l'article 74, 5e alinéa, l'acquéreur d'une entreprise agricole désendettée connaîtra les droits de la caisse d'amortissement et des créanciers. Sans doute, l'extension des droits à l'excédent entravera-t-elle, jusqu'à l'expiration du délai, les transactions; mais cela n'en est que plus favorable à la consolidation de la propriété foncière paysanne. Du point de vue juridique, ce droit à l'excédent a le caractère d'une charge grevant pendant vingt ans tout propriétaire actuel de l'immeuble désendetté.

3. Au premier abord, il pourrait paraître choquant que, pendant les vingt années qui suivent le désendettement, la validité de tout contrat portant sur l'aliénation de l'entreprise désendettée fût subordonnée au consentement de la caisse d'amortissement (art. 74). Sans cette réserve, les droits à un excédent éventuel qui appartiennent à celle-ci et aux créanciers hypothécaires seraient parfaitement illusoires, et tout le chapitre VII de notre projet pourrait être supprimé. La rigueur de cette prescription est toutefois atténuée sur plus d'un point. La caisse d'amortissement, par son caractère officiel, offre toute garantie pour une appréciation impartiale des faits. D'autre part, le projet énumère limitativement les cas où elle peut refuser son consentement. Enfin, les intéressés ont un droit de recours, en cas de refus, à une autorité qui sera désignée par le canton et contrôlera ainsi l'application de ces prescriptions.

Citons les motifs de refus les plus importants: Afin de rendre impossibles ou, pour le moins, très difficiles les subterfuges, analogues à ceux qui ont pour but d'éluder le paiement de l'impôt sur le bénéfice ou les mutations, la caisse d'amortissement examinera le contrat de vente et, si le prix de vente est manifestement disproportionné à la valeur vénale de l'immeuble, elle refusera son consentement. Le législateur a prévu un autre motif de refus, afin de soutenir, ne serait-ce que dans une faible mesure, les
efforts louables entrepris par certains milieux en vue d'assainir notre économie rurale. Depuis quelque temps, on voit se multiplier les cas où des citadins acquièrent des entreprises agricoles uniquement pour placer leurs capitaux. La plupart de ces acheteurs ne possèdent pas d'aptitudes suffisantes pour gérer rationnellement ces domaines. Ils les donnent à ferme et augmentent ainsi le nombre des agriculteurs fermiers. Or, le pays a un intérêt vital à ce que notre agriculture soit aux mains d'une classe saine et forte de paysans indépendants et possédant en propre le sol qu'ils cultivent. D'autre part, il ne faut pas fermer définitivement à la jeune génération agricole l'accès à la propriété foncière. Etant données les charges imposées à la collectivité, il est juste que l'Etat se réserve un droit d'inter·vention. On retrouve la même intention à l'article 70, 2e alinéa.

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Les contrats relatifs à des droits d'emption et de réméré à annoter au registre foncier tombent également sous le coup de l'article 74, sinon le débiteur pourrait encore, par ce moyen, trouver un faux-fuyant. Aux mesures de sûreté édictées dans ce chapitre s'ajoute également l'hypothèque prévue à l'article 15, 2e alinéa (cf. p. 251).

Ainsi qu'il ressort clairement du texte même de la loi, l'annotation de la restriction du droit d'aliéner, prescrite par l'article 74, 5e alinéa, a pour effet de bloquer le registre foncier, ce qui n'est pas le cas des annotations mentionnées à l'article 960 du code civil. Sous réserve du cas prévu à l'article 75, cette annotation ne peut être radiée que vingt ans après la décision relative au désendettement, car elle est d'une importance considérable pour tout acquéreur de l'immeuble, du fait même des obligations qui incombent à celui-ci, conformément à l'article 71.

4. Les articles 70 à 73 déterminent comment, pour quel montant et dans quel ordre la caisse d'amortissement et les créanciers hypothécaires des articles 14, 2e alinéa, et 20 peuvent exercer leurs droits à un excédent. La règle concernant la répartition pourra être facilement observée du fait que le produit de la vente doit être versé à la caisse d'amortissement de droit public, en tant qu'il excède le montant des créances hypothécaires couvertes.

Pour simplifier, nous avons également renoncé à prévoir des intérêts (art. 71, al. 1 et 2), ce qui n'imposera qu'un sacrifice peu important.

L'article 72, 3e alinéa, prévoit une dérogation aux règles du droit civil.

Elle tend à empêcher que, par le moyen prévu à l'article 833, 2e alinéa, du code civil, le désendettement ne soit entièrement compromis et que le canton ne doive augmenter ses prestations si la valeur capitalisée des annuités encore dues par le propriétaire n'est pas couverte en cas de réalisation forcée. Le but de cette disposition est le même que celui de l'article 28 (cf. p. 256 s.). Si la créance grève la partie de l'immeuble qui reste la propriété du débiteur, le créancier ne subit aucun préjudice. Sur ce point, l'article 74, 3e alinéa, lui accorde une certaine garantie. En revanche, si la créance grève la parcelle vendue, le créancier est avantagé, puisque, en général, son nouveau débiteur sera dans une meilleure situation financière que le précédent..

TROISIÈME

PARTIE

MESURES APPLICABLES A TITRE GÉNÉRAL POUR PRÉVENIR UN NOUVEL ENDETTEMENT I. PRINCIPES 1. Les dispositions contenues dans la troisième partie de notre projet constituent la suite logique et nécessaire de la deuxième partie. Il serait incompréhensible que l'Etat, contraint de mettre à contribution dans une mesure aussi large les deniers publics, afin de ramener à un niveau normal Feuille fédérale. 88e année. Vol. II.

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l'endettement excessif de nombreux agriculteurs, permette que ceux-ci retombent, après quelques décennies, dans une situation aussi précaire que celle dont on vient de les tirer. Tout désendettement effectué avec le secours financier de l'Etat serait injustifiable, s'il n'était complété par des mesures préventives efficaces. Une aide officielle aussi importante que celle que nous projetons aurait pour seul effet de compromettre dangereusement la force de résistance et l'esprit d'initiative des citoyens si l'on n'avisait en même temps à certaines mesures indispensables. D'autres classes de la population ne manqueraient pas de réclamer pour elles le bénéfice de semblables secours. Les conséquences en seraient incalculables. C'est pourquoi il faut parer à ce danger en prenant des mesures énergiques.

2. La recherche des mesures destinées à prévenir l'endettement du paysan constitue certainement l'un des problèmes les plus complexes et les plus difficiles. Le législateur ne peut le résoudre que sous son aspect politique et juridique, non sans tenir compte, toutefois, des répercussions d'ordre économique et agraire que ses décisions peuvent avoir.

Il n'est pas téméraire d'espérer que celles-ci provoqueront l'étude d'autres mesures apportant une solution saine et judicieuse tant du point de vue économique que financier, au problème de l'endettement agricole.

Comparé à celui de l'étranger, le taux de l'intérêt hypothécaire suisse est relativement bas. Même si le montant des dettes joue pour le paysan un rôle moins important que le rapport entre la charge des intérêts annuels et le rendement de son entreprise, il n'en reste pas moins qu'un taux d'intérêt peu élevé n'empêche nullement le surendettement. D'une part, ce ne sont pas des interventions officielles qui peuvent prévenir une augmentation de ce taux. D'autre part, un agriculteur peut s'endetter à l'excès, même lorsque le taux de l'intérêt reste invariable ou a tendance à baisser, notamment lorsque le rendement de l'entreprise diminue. Il est impossible de remédier à cet état de choses en faisant varier le taux d'intérêt suivant le rendement de l'entreprise, parce que le taux hypothécaire dépend de la situation générale du marché des capitaux. Or l'Etat ne peut exercer qu'une influence très restreinte sur ce marché. D'un autre côté, il ne dispose
pas de moyens lui permettant d'assurer un certain rendement aux entreprises agricoles. Il est d'ailleurs impossible de mettre le paysan entièrement à l'abri des conséquences de toute dépression économique. Par conséquent, les mesures destinées à prévenir un nouvel endettement devront s'appliquer avant tout aux créances en capital garanties par hypothèque.

3. Il ne nous appartient pas d'examiner ici en détail les causes de l'endettement excessif dont souffre l'agriculture. Cela nous conduirait trop loin. Bornons-nous à citer les causes principales, telles que les partages successoraux, les prix d'achat excessifs payés par des acquéreurs disposant de capitaux insuffisants, les frais de construction élevés, les emprunts

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destinés à couvrir les pertes dues à la diminution du rendement, les accidents, les mauvaises récoltes, parfois aussi une mauvaise gestion, les spéculations foncières, l'incurie, un train de vie déraisonnable et des dépenses excessives. Mais toutes ces causes d'endettement ne peuvent produire leurs effets néfastes et provoquer une surcapitalisation de l'entreprise que si elles ont trouvé un terrain propice à leur développement au moment de l'abondance des capitaux. L'octroi de crédits trop larges, avec ou sans cautionnement, n'est certes pas étranger à l'endettement de l'agriculture suisse. D'autre part, sous l'influence du régime appliqué à l'hypothèque en droit moderne et grâce aux perfectionnements apportés au registre foncier, la valeur du sol s'est transformée en quelque sorte en une valeur mobilière, principalement sous forme de titres hypothécaires, de sorte que les placements immobiliers se sont multipliés.

Mais ces causes, principales ou concomitantes, n'auraient pu, à elles seules, provoquer un endettement excessif de l'agriculture si le paysan n'avait pas abusé de la liberté de s'endetter. Les faits montrent les dangers et les graves conséquences résultant de l'application de ce principe. C'est pourquoi il sera nécessaire de faire.marche arrière dans ce domaine.

II. LES MOYENS PRÉVENTIFS Voici, dans le domaine du droit rural, les moyens propres à prévenuun nouvel endettement: 1. Comme moyens indirects, citons la réforme de la procédure d'estimation des biens-fonds agricoles, de la lettre de rente et du droit successoral paysan. Nous avons étudié attentivement cet aspect du problème et introduit dans notre projet plusieurs dispositions modifiant ou complétant la législation actuelle (cf. les art. 5 à 8, 84 et 85). Ces moyens seront toutefois insuffisants aussi longtemps qu'à côté de la lettre de rente, d'autres droits de gage immobilier subsisteront sans aucune restriction. Il y aura toujours des gens qui, sans égard à une taxation exacte de l'immeuble, seront disposés à consentir au paysan un prêt hypothécaire pour un montant excédant la valeur d'estimation des biens-fonds, moyennant paiement d'une prime correspondant au risque encouru.

2. Le moyen direct le plus propre à mettre un frein à un endettement hypothécaire excessif consiste à fixer une limite maximum aux charges pouvant grever un immeuble agricole. Du point de vue technique, il est parfaitement possible, grâce au registre foncier, d'empêcher la constitution de gages immobiliers excédant la limite imposée.

La question n'est pas nouvelle. En 1898 déjà, le professeur A. Krsemer, de Zurich, proposait l'introduction d'une disposition légale limitant l'endettement à un certain montant (cf. Annuaire agricole de la Suisse, 12,

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p. 349/50). Le professeur Ruhland, de Fribourg, a présenté une proposition identique. Le 26 septembre 1916, le conseiller national Abt déposa une motion dans ce sens; mais elle ne fut jamais développée. On trouve des idées analogues dans les motions des conseillers nationaux Mülle/r (Grosshöchstetten) et Abt, des 11 mars 1932 et 25 septembre 1933, et de M. Savoy, député au Conseil des Etats, du 29 mars 1933. Enfin, dans des mémoires datés du 13 février 1934 et du 7 janvier 1935, la « ligue pour le peuple et la patrie » et le secrétariat des paysans suisses ont réclamé l'interdiction de toute charge hypothécaire excédant la valeur de rendement de l'entreprise agricole.

La doctrine économique a condamné, récemment encore, une limitation obligatoire et générale de l'endettement. De même, en 1897, le congrès du « Deutscher Landwirtschaftsrat » s'est prononcé contre une telle mesure.

Le professeur Friedrich Areboe blâme énergiquement les efforts tendant à l'introduction de cette limitation, qu'il considère irrationnelle et condamnable (cf. Agrarpolitik 1928, p. 506). Lors du 27e congrès des juristes allemands, les avis étaient partagés. Le professeur Carl Johannes Fuchs, de Tubingue, déclare, dans son traité intitulé Deutsche Agrarpolitik vor und nach dem Kriege (Stuttgart, 1927, p. 66 et 26), qu'il faut se hâter d'adopter la limitation obligatoire des charges hypothécaires; il la rejetait dans les deux premières éditions de son ouvrage. Enfin, l'article 34, 2e alinéa, de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934 restreint le droit de grever l'immeuble; mais cette restriction est limitée dans le temps et à certains cas particuliers.

a. Voici les objections que les économistes opposent à la limitation des charges hypothécaires grevant les biens-fonds: aa. Cette limitation nuit, dit-on, aux intérêts du propriétaire, car elle diminue la valeur vénale de l'immeuble. En fait, cette conséquence indirecte de la limitation des charges hypothécaires n'est nullement contraire à l'intérêt général. Le législateur n'a pas à prendre égard à celui qui a acquis un domaine agricole uniquement dans l'intention de faire une bonne affaire en le revendant. En revanche, la limitation n'affecte en rien les propriétaires qui veulent exploiter leurs biens-fonds d'une manière durable, puisqu'ils continuent à jouir de la rente
du sol.

bb. Une objection plus sérieuse est celle que font certains économistes qui voient dans la limitation de l'endettement une entrave aux possibilités de développement des agriculteurs. Faute de capitaux suffisants, disent-ils, certains paysans particulièrement méritants auraient ainsi beaucoup de difficulté à acquérir un domaine et à améliorer leur situation. Il est incontestable que plusieurs agriculteurs ont réussi à amasser une belle fortune, bien qu'ils eussent acheté un domaine lourdement grevé. Mais il resterait à examiner si, à côté des circonstances favorables dont ces agriculteurs ont profité, la rente du sol et, partant, la valeur du domaine n'ont pas

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augmenté par suite de l'évolution générale de la situation économique.

A ces quelques exceptions, on peut d'ailleurs opposer le nombre beaucoup plus considérable des paysans qui, en achetant des domaines grevés à l'excès, sont tombés dans la gêne et la misère, sans qu'il y ait toujours de leur faute. Un échec, une maladie, une lourde perte de bétail auront peut-être marqué le début d'une ruine inéluctable. La diminution de la valeur vénale résultant de la limitation imposée aux charges hypothécaires grevant les biens-fonds ruraux sera donc un bienfait pour le jeune agriculteur qui désire se rendre indépendant.

ce. En troisième lieu, on a prétendu que cette limitation avait pour effet de substituer au crédit hypothécaire à bon marché le système coûteux du crédit garanti par caution ou par gage mobilier. De ce fait, seul le jeune paysan aisé serait en mesure d'acheter un domaine. Or, il n'est pas prouvé, disent les adversaires de la limitation des charges hypothécaires, que ce jeune paysan soit plus méritant qu'un autre.

Le bien-fondé des objections mentionnées sous lettres bb et ce dépend entièrement du montant auquel sera fixée la limite des charges. Si cette limite est telle qu'un paysan capable, travailleur et économe puisse faire face à ses engagements lors même que les charges grevant son domaine ont atteint le maximum fixé et qu'il doit en servir les intérêts, la rentabilité de l'entreprise n'est pas compromise. Sans doute, il est nécessaire, pour cela, d'estimer objectivement et exactement la valeur du gage immobilier, et la nouvelle loi vise précisément à établir les bases de cette estimation.

En effet, jusqu'à maintenant, l'absence de toute règle était considérée comme l'obstacle principal à l'introduction d'une limite des charges hypothécaires. D'autre part, le législateur doit prévoir certaines exceptions pour permettre au jeune agriculteur qualifié de devenir propriétaire à son tour. Mais un dépassement de la limite des charges ne doit être permis que sous certaines conditions (cf. p. 298 s.). Nou sn'ignorons pas que ces limitations pourront entraîner, dans une faible mesure sans doute, une réorganisation du crédit agricole. On devra ainsi subordonner la constitution des dernières hypothèques plus à l'intérêt général qu'à l'intérêt des bailleurs de fonds. D'ailleurs, cette conséquence
serait fort heureuse.

b. Malgré tous les avantages théoriques que nous venons de signaler, cette limitation des charges hypothécaires n'aurait pu être adoptée sans hésitation si elle n'avait déjà donné de bons résultats. En effet, deux cantons appliquent cette mesure depuis longtemps et ont pu en contrôler les effets.

Les cantons d'Unterwald-le-Haut et d'Appenzell Rh.-Int. ont maintenu, dans leur loi d'introduction du code civil, la limitation des charges hypothécaires existant dès avant 1912 pour les biens-fonds ruraux (Unterwaldle-Haut, art. 146; Appenzell Rh.-Int., art. 197). C'est grâce à ces dispositions que ces deux cantons ont échappé à l'endettement excessif des entreprises agricoles. Dans son rapport de 1934, la caisse de secours pour

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les paysans obérés du canton d'Unterwald-le-Haut déclare, à ce propos, ce qui suit: « Nous avons fait un tableau des demandes de secours qui nous ont été adressées en 1933. Ce tableau montre que notre canton ignore l'endettement excessif des biens-fonds. Dans soixante-dix cas de demandes de secours, le montant des charges hypothécaires atteint en moyenne 83,9 pour cent de la valeur des immeubles, telle qu'elle ressort de l'estimation officielle. Compte tenu des intérêts arriérés dus sur le capital, la charge totale s'élève à 89,7 pour cent.

Ces constatations montrent combien le législateur a eu raison de maintenir, dans la loi d'introduction du code civil, les dispositions de l'ancien droit cantonal concernant la limitation des charges hypothécaires. Cette limitation à 80 pour cent de la valeur d'estimation officielle est particulièrement heureuse, étant donnée la baisse générale des valeurs. On a longtemps reproché au canton cette disposition, que certains trouvaient surannée. Maintenant, on la déclare excellente et on loue notre prévoyance. Certes, nous pouvons nous estimer heureux que, dans notre canton, les biens-fonds ne soient pas hypothéqués à l'excès. Aussi devons-nous veiller que notre marché des capitaux ne soit pas bouleversé par des expériences sur le taux de l'intérêt, la suppression de la charge maximum ou des manoeuvres tendant à éluder les prescriptions y relatives. »

En 1931, le Grand conseil du canton d'Appenzell Rh.-Int. a rejeté, presque à l'unanimité, une motion demandant l'abolition de l'article 197 de la loi d'introduction au code civil. Or on ne saurait prétendre que, dans ces deux cantons, la voie du progrès soit fermée aux agriculteurs méritants.

Il faut reconnaître que la limitation des charges hypothécaires ne peut empêcher tout endettement. L'agriculteur aura la faculté, comme par le passé, de contracter des dettes chirographaires et d'engager autre chose que ses biens-fonds. Mais s'il en résulte un endettement excessif, le remède est fourni par le droit ordinaire (concordat; poursuite en réalisation de gage). Dans ce cas, une poursuite en réalisation de gage n'entraîne pas, pour le débiteur, des conséquences aussi graves qu'une poursuite en réalisation de ses immeubles agricoles, laquelle le prive, le plus souvent, de ses moyens d'existence.

III. APPLICATION 1. Le projet prévoit l'introduction d'une limitation générale des charges hypothécaires, applicable à tous les biens-fonds agricoles. Pour des raisons d'ordre juridique et économique, il ne serait pas recommandable de n'appliquer cette mesure qu'aux entreprises désendettées. L'existence de deux catégories d'entreprises agricoles, soumises chacune à un régime entièrement différent, compliquerait singulièrement les rapports juridiques.

D'autre part, la valeur vénale des entreprises désendettées s'en trouverait diminuée par rapport à celle des autres domaines agricoles, ce qui nuirait indûment aux droits garantis par les articles 70 à 73. Par voie de conséquence, la limitation devrait être abolie à l'expiration du délai de vingt ans, ce qui ouvrirait le chemin à un nouvel endettement hypothécaire; ce serait d'ailleurs le cas de toutes les autres entreprises qui n'auraient été

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soumises à aucune restriction. On réclamerait alors, tôt ou tard, une nouvelle intervention de l'Etat. Tels sont les inconvénients auxquels la charge maximum entend parer à titre général.

Pour des raisons analogues, on ne pourrait laisser aux cantons le soin de légiférer dans ce domaine. A première vue, la diversité même des circonstances plaiderait en faveur d'une telle solution. En fait, cela porterait atteinte à l'unité de la législation en matière de droits réels, ce qui serait inadmissible. Dans les contrées où l'endettement n'est pas excessif, cette limitation ne se heurtera à aucune difficulté ; ailleurs, elle sera précisément nécessaire pour empêcher le rétablissement d'une situation analogue à celle que la présente loi tend à faire disparaître.

2. Les dispositions régissant la charge maximale se divisent en trois groupes ; l'article 76 en expose le principe, les articles 77 à 79 règlent les exceptions et l'amortissement, tandis que les articles 80 à 82 déterminent la procédure.

a. La limitation des charges hypothécaires est applicable à tous les biens-fonds agricoles. Contrairement à l'article premier, 1er alinéa, le projet ne se fonde pas ici sur la notion d'entreprise agricole. Cela se justifie par la définition légale de l'objet du gage immobilier, comme aussi par le principe de la spécialité posé à l'article 797 du code civil. Si la limite des charges ne s'appliquait pas à l'immeuble pris isolément, le propriétaire tenterait d'éluder la restriction que la loi lui impose en séparant de l'entreprise agricole proprement dite les biens-fonds qui, par la nature même des choses, doivent être considérés comme des biens-fonds agricoles; cela permettrait alors au propriétaire de constituer des gages immobiliers sur ces immeubles-là, sans égard à la limitation imposée par la loi. Il ressort clairement du texte du projet que ces prescriptions ne sont pas applicables à des maisons d'habitation à la ville ou à la campagne, ni aux terrains à bâtir.

D'autre part, l'article 76 prévoit expressément que la limitation affectera non seulement les droits de gage immobilier, mais aussi les chargea foncières. En effet, ces dernières ont une valeur pécuniaire au même titre que les droits de gage immobilier (cf. art. 37, 1er al., LP).

En revanche, cette réglementation ne modifie en rien la constitution
de charges foncières ou d'hypothèques légales de droit public (art. 784 et 836 CC), ainsi que des droits de gage prévus aux articles 808, 3e alinéa, et 810, 2e alinéa, du code civil.

b. Les exceptions sont de deux sortes: celles qui ont trait à la constitution de charges hypothécaires sans le consentement de l'autorité cantonale et celles où ce consentement est nécessaire.

«a. Les hypothèques constituées en vertu des articles 15, 2e alinéa, et 39 du projet et qui peuvent être inscrites sans autorisation, ont un caractère provisoire (cf. art. 75) ; elles ne garantissent pas seulement une créance,

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mais elles empêchent aussi la constitution de nouvelles charges. Les droits de gage constitués par suite d'une amélioration du sol, au sens des articles 820 et 821 du code civil, priment toutes les autres charges inscrites sur le fonds; d'ailleurs, leur inscription n'entraîne pas la constitution d'une nouvelle case hypothécaire. C'est pourquoi on peut renoncer à soumettre à l'amortissement obligatoire prévu à l'article 79, pour le montant du gage constitué à la suite d'une amélioration foncière, les créances qui sont garanties par un droit de gage inscrit immédiatement au-dessous de la charge maximale. L'amélioration foncière entraîne une plus-value de l'immeuble, laquelle permettra le plus souvent d'augmenter la valeur d'estimation servant au calcul de la charge maximale (cf. art. 8, 2e al.).

Les hypothèques légales de l'article 837 du code civil ne sont pas mises au bénéfice des exceptions prévues par notre projet. Si tel était le cas, la limitation des charges serait parfaitement illusoire. En effet, les hypothèques légales du vendeur et des cohéritiers constituent précisément les causes principales de l'endettement agricole. Quant à l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs prévue à l'article 837, chiffre 3, du code civil, l'article 78, 1er alinéa, lettre 6, de notre projet apporte une solution nouvelle, applicable à certains cas où cette hypothèque paraît justifiée.

66. Des hypothèques dépassant la charge maximale peuvent être constituées avec le consentement de l'autorité cantonale pour garantir la créance de la femme, du chef de ses apports, et les prêts que des institutions d'utilité publique accordent à des agriculteurs pour des buts bien déterminés.

On veut, avant tout, permettre ainsi au paysan méritant de se rendre indépendant en acquérant une entreprise agricole. Il en est de même du débiteur qui veut agrandir rationnellement son domaine. Quant au dernier cas envisagé, la disposition est destinée à remplacer l'article 837, chiffre 3, du code civil, lorsque la charge maximale est déjà atteinte avant l'exécution des travaux projetés. Lorsque de grosses réparations et des transformations sont nécessaires, le propriétaire doit avoir la possibilité de les faire exécuter, dans l'intérêt même de l'immeuble. S'il ne peut payer lui-même les artisans, il obtiendra un prêt d'une
institution d'utilité publique ou d'un tiers, sous la caution de ladite institution. D'une part, cette réglementation met un frein au goût de la construction parfois assez répandu à la campagne et qui n'est pas toujours sans danger. D'autre part, elle donne aux artisans des garanties plus grandes que celles de l'article 837, chiffre 3, du code civil. En effet, ils sont payés comptant au lieu de ne recevoir qu'une garantie hypothécaire qui est souvent plus ou moins illusoire. A cet égard, la nouvelle réglementation est donc préférable au régime actuel.

On pourrait se demander s'il ne faudrait pas mettre également au bénéfice de l'article 78, 1er alinéa, lettre 6, les caisses d'épargne et de prêts agricoles, en tant que bailleurs de fonds. On serait tenté de faire valoir que, grâce à leur situation et à leurs relations, ces établissements seraient en

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mesure, mieux qu'une institution centrale, d'apprécier l'état des affaires d'un paysan. Mais si l'on voulait les mettre au bénéfice de l'article 78, il faudrait exiger qu'ils requièrent du Conseil fédéral une autorisation qui devrait être subordonnée à certaines conditions. Ce système permettrait seul d'exercer un contrôle efficace sur leur activité.

c. La forme des droits de gage immobilier excédant la charge maximale est uniquement celle de l'hypothèque. Il n'est pas question de négocier de semblables créances. Celles-ci doivent être amorties ; cette obligation d'amortissement est renforcée par la réduction successive de la garantie hypothécaire (art. 78, 2e al.). Cette solution, couramment appliquée par l'ancien droit cantonal, est parfaitement conforme au but de la limitation des charges hypothécaires.

En ce qui concerne l'inscription au registre foncier, les dispositions des articles 80 et 82 sont particulièrement importantes. Pour prévenir tout dépassement de la charge maximale, il est nécessaire de requérir le concours du conservateur du registre foncier. Pour simplifier, le caractère agricole des biens-fonds est constaté dans chaque cas (art. 2). Ainsi, lorsqu'on requiert l'inscription de droits réels à l'égard desquels il y a une limite de charge et que la décision prévue à l'article 3 n'a pas encore été rendue, le conservateur du registre foncier doit examiner tout d'abord si les conditions indiquées à l'article 1er sont remplies. Cela exige de la part de ce fonctionnaire des aptitudes spéciales, mais qui, toutefois, n'excèdent pas ce que le législateur attend de lui. Les intéressés ont le droit de recourir contre la décision du conservateur. Celui-ci est responsable si, par complaisance envers le propriétaire, il a inscrit sans autorisation, sur un fonds manifestement agricole, une hypothèque dépassant la charge maximale.

IV. MODIFICATIONS RELATIVES A LA LETTRE DE RENTE Les dispositions des articles 83 et 84 complètent les mesures tendant à raffermir le crédit hypothécaire, grâce à une réforme partielle des droits de gage grevant des immeubles agricoles. Puisque le projet exige que la valeur de rendement de ces biens-fonds soit estimée avec soin, il est indiqué de se fonder aussi sur cette valeur de rendement pour fixer la charge maximale de la lettre de rente (art. 848 CC). Mais
toute réforme restera inefficace tant que l'emploi de la lettre de rente ne sera pas plus généralisé. C'est à cette généralisation que vise l'article 84. Malgré les garanties fournies par les articles 848 et 849 du code civil, la lettre de rente n'a pas pris le développement qu'on pouvait espérer, ce qui est dû principalement au fait que le créancier ne peut la dénoncer ; il nous a donc paru nécessaire d'atténuer quelque peu la rigueur de ce principe. En effet, notre projet permet au créancier d'exiger le remboursement de la lettre de rente à la fin de chaque période de quinze ans. La lettre de rente con-

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serverà néanmoins son caractère d'instrument de crédit à long terme, qualité qui lui permet de répondre particulièrement aux besoins de l'agriculture. Si l'on admet la constitution de lettres de rente sur des droits distincts et permanents, inscrits au registre foncier, la charge maximale doit être déterminée conformément aux prescriptions applicables aux immeubles ruraux.

QUATRIÈME PARTIE DBOIT SUCCESSORAL I. Cette partie du projet contient uniquement des dispositions modifiant le droit successoral et principalement le droit successoral paysan du code civil. Le législateur a estimé que ce droit successoral ne devait pas seulement viser à empêcher que les domaines agricoles ne fussent attribués à un prix excessif à l'un des héritiers et que celui-ci ne s'endettât ; ce droit doit, en outre, être conçu de manière à prévenir le morcellement de la propriété paysanne et contribuer ainsi au maintien et à la consolidation de la situation matérielle de la classe agricole. On a pu constater, depuis 1912, que, par suite de leur caractère facultatif, les dispositions des articles 620 et suivants du code civil, concernant le partage successoral des exploitations agricoles, n'ont été appliquées qu'assez exceptionnellement. Les raisons en sont diverses; il importe peu de se demander aujourd'hui si cela est dû au fait que les cohéritiers défendent unilatéralement leurs intérêts ou à l'attitude des autorités. En tout cas, cet état de choses est regrettable.

Si le législateur est contraint de rechercher aujourd'hui les moyens propres à désendetter les entreprises agricoles ou à prévenir cet endettement, il ne peut négliger la solution consistant à déclarer obligatoire l'application du droit successoral paysan. On comprendra la portée de cette innovation si l'on considère que la majorité des entreprises agricoles changent de propriétaire par voie successorale. C'est également à cette réforme que tendent les efforts des milieux agricoles qui souhaitent l'instauration d'une économie agraire saine, adaptée à nos besoins et à nos conceptions. Dans leurs mémoires du 7 janvier 1935 et du 13 février 1934 l'union suisse des paysans et la « ligue pour le peuple et la patrie » réclament notamment la revision du droit successoral paysan. Quant à nous, nous désirons limiter cette revision au strict nécessaire, afin de ne pas provoquer de nouvelles .demandes de modifications.

II. La réforme la plus importante prévue par notre projet consiste dans l'application obligatoire des prescriptions du droit successoral paysan, sanctionnée par l'article 620 modifié du code civil. Ces prescriptions ayant un caractère impératif lorsque certaines conditions sont remplies, leur application ne pourra plus être exclue par les dispositions testamentaires du de cujus ou par un accord des héritiers, comme c'est si souvent le cas actuellement.

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L'application du droit successoral paysan ne peut toutefois être imposée d'une manière rigide, sans égard aux circonstances. Nous avons tenu compte de cette nécessité, avant tout par une rédaction plus précise des prescriptions et aussi par une définition plus stricte des conditions dans lesquelles celles-ci seront appliquées. Nous nous bornerons à exposer ci-dessous les points sur lesquels nous avons innové.

1. Tandis que jusqu'à maintenant on se contentait d'exiger que l'exploitation agricole constituât une unité économique, le projet prévoit en outre que cette exploitation doit offrir des moyens d'existence suffisants. Cette disposition mettra un terme aux reproches adressés, non sans raison, à la réglementation actuelle qu'on accuse de contribuer à la dépopulation des régions de montagne par le fait qu'elle favorise l'établissement exclusif de quelques familles isolées, ce qui oblige une grande partie de la population à émigrer. Si l'entreprise agricole n'offre pas, en soi, des moyens d'existence suffisants, et que le propriétaire doive pratiquer en même temps une profession accessoire, comme cela est fréquemment le cas dans les vallées des Alpes ou dans les régions où la propriété foncière est très morcelée, il ne faut pas vouloir appliquer à tout prix le droit exceptionnel.

Dans l'intérêt même de la classe paysanne, il importe de se garder d'encourager un nouveau morcellement de la propriété foncière. Toute exploitation offrant des moyens d'existence suffisants doit être maintenue dans son intégralité. En revanche, si l'entreprise se prête à un parcellement en plusieurs exploitations viables, les héritiers peuvent en demander le partage, conformément à l'article 621bis.

2. Puisque le projet prescrit la manière d'estimer la valeur de rendement, c'est celle-ci qui servira au calcul de la valeur d'attribution.

3. L'article 621, 1er alinéa, traite le cas où le défunt laisse comme héritiers des enfants mineurs et où l'époux survivant paraît capable de se charger de l'exploitation. En pareil cas, ce dernier a le droit de réclamer que l'exploitation lui soit attribuée pour le tout, afin de pouvoir élever les enfants sur le domaine agricole. Cela est particulièrement important lorsque, l'époux survivant étant personnellement sans fortune, l'exploitation est grevée d'hypothèques pour un montant
égal à la valeur de rendement et constitue toute la fortune du défunt. Si l'exploitation était attribuée à l'un des enfants, les autres héritiers tomberaient, le cas échéant, à la charge de l'assistance publique. Or l'expérience montre que, tant du point de vue social que du point de vue économique, il est préférable, en pareil cas, que le domaine soit exploité en famille. D'autre part, il nous a paru impossible d'imposer au fils auquel l'exploitation aura été attribuée l'obligation de pourvoir à l'entretien, à l'éducation et, plus tard, à l'établissement de ses frères et soeurs., Comme l'entreprise lui est attribuée à la valeur de rendement, il ne pourrait guère faire face à une semblable obligation.

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4. Les modifications introduites à l'article 625 concernent le sort des exploitations accessoires et sont au nombre de quatre. Le projet exige un rapport beaucoup plus étroit que l'ancien article 625 entre l'entreprise agricole constituant l'exploitation principale et l'industrie accessoire. Elles doivent être inséparablement liées l'une à l'autre. L'industrie accessoire est attribuée à la valeur vénale et l'entreprise principale à la valeur de rendement. Selon la législation en vigueur, l'attribution de ces deux entreprises se fait à la valeur vénale, ce qui est contraire au but du droit sucessoral paysan. En cas de contestation entre les héritiers au sujet de l'attribution, de la vente ou de la séparation de l'industrie accessoire, l'autorité compétente décidera, en tenant compte non seulement de la situation personnelle des héritiers, comme c'était le cas jusqu'à maintenant, mais aussi des moyens d'existence offerts par les deux entreprises précédemment réunies.

Un nouvel alinéa désigne l'autorité compétente pour fixer la valeur vénale de l'industrie accessoire.

5. L'article Q25bis comble une lacune de la législation actuelle, concernant le cas où les dispositions du droit successoral paysan ne peuvent être appliquées à l'entreprise agricole. Cet article règle en détail la procédure à suivre lors du parcellement de celle-ci en plusieurs exploitations viables et lors de la séparation de l'industrie accessoire. Le 3e alinéa réglemente la vente des immeubles, lorsque les héritiers ne peuvent se mettre d'accord.

Ces règles sont les mêmes que celles qui sont prévues par l'article 651, 2e alinéa, du code civil pour la suppression de la copropriété.

III. La seule modification introduite à l'article. 619 concerne la durée du délai pendant lequel les cohéritiers ont le droit, en cas de vente de l'immeuble, de réclamer leur quote-part du gain. Ce délai a été porté de dix à quinze ans, ce qui paraît mieux adapté aux circonstances qui se présentent dans le domaine des transactions immobilières et favorise indirectement la stabilisation de la propriété foncière.

CINQUIÈME

PARTIE

MESURES EN FAVEUR DES FERMIERS Une loi dont l'objet est de jeter les bases juridiques d'une amélioration durable de la situation de l'agriculture et d'assurer le sort du paysan ne saurait s'appliquer qu'aux seuls propriétaires d'entreprises agricoles.

Les fermiers, dont beaucoup sont tombés dans la gêne, appartiennent également à la classe paysanne. Nous reconnaissons qu'en consacrant par la loi les mesures en faveur des fermiers, on suscite des craintes fondées.

Néanmoins, nous n'avons pas cru pouvoir renoncer à des dispositions dans ce sens. A l'heure qu'il est, les fermiers menacés de la ruine ne pourraient plus se tirer d'affaire s'ils ne bénéficiaient d'une protection juridique, au moins partielle. Après avoir introduit, mutatis mutandis, dans la nou-

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velie loi les dispositions de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934 instituant des mesures juridiques temporaires pour la protection des agriculteurs dans la gêne, on ne pourrait laisser subsister, isolément, les mesures en faveur des fermiers prévues dans la deuxième partie de l'arrêté et abroger les autres dispositions. Considérée par rapport au but du projet, l'introduction de dispositions protégeant les fermiers se justifie fort bien. En faisant passer ces dispositions dans la loi, il a fallu, naturellement, tenir compte de tout le droit nouvellement créé. Ce sont surtout les règles du chapitre II qui ont dû être remaniées. Comme on ne voit pas encore quand se terminera la crise, il n'a pas été possible de fixer une durée de validité, ce qui n'a d'ailleurs pas grande importance. Lorsque la crise aura pris fin, les dispositions sur le sursis cesseront d'elles-mêmes d'être applicables. A l'avenir, une réduction du fermage, telle que la prévoit le chapitre II, ne pourra être demandée que si l'entreprise a été désendettée au préalable. Or le désendettement est limité dans le temps par l'article 9, 2e alinéa. Considérées quant à leur objet, les dispositions dont il s'agit ne s'appliquent, comme c'est déjà le cas actuellement, qu'à des entreprises entières, ainsi que le montrent clairement les articles 86, 1er alinéa, et 91, 1er alinéa.

I. Les dispositions du chapitre Ier sur le sursis correspondent aux articles 43 à 47 de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934. Seul l'article 90, 2e alinéa, présente une différence matérielle, d'ailleurs sans grande portée pratique, qui consiste en ce que la disposition ne déroge plus à l'article 317, lettre i, de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (cf. l'art. 47, 2e al. combiné avec l'art. 28, lettre b, de l'arrêté fédéral).

II. Les dispositions du chapitre II sur la. réduction du fermage ont subi de plus grands remaniements, dictés par le droit nouveau concernant le désendettement des entreprises agricoles. Dans la commission d'experts, on a fait ressortir, avec raison, qu'il ne serait pas équitable de désendetter le propriétaire d'une entreprise sans faire bénéficier également de cette mesure, d'une façon ou d'une autre, son fermier. Le nombre des exploitations que l'on offre à donner à ferme est inférieur à la demande. C'est pourquoi les fermages
s'élèvent dans bien des cas à un chiffre excessif.

Si, malgré le soulagement procuré au propriétaire par le désendettement, le fermier devait continuer à payer un fermage élevé qui ne se justifierait même plus par les charges du propriétaire, il en résulterait pour celui-ci un avantage purement pécuniaire qui ne serait pas compatible avec le but de la loi. Nous n'avons pu contester la valeur de pareils arguments.

C'est pourquoi, tenant compte de ces considérations, nous avons établi un rapport étroit entre le désendettement et la réduction à titre durable du fermage. Voici quelles en sont les conséquences: 1. Jusqu'à présent, pour agréer une demande en réduction du fermage, on exigeait non seulement que certaines conditions objectives fussent

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remplies, mais encore que le fermier se trouvât personnellement dans des circonstances particulières. Désormais, la réduction ne dépendra plus que de conditions objectives. Ainsi, l'article 91 oblige le propriétaire d'une entreprise désendettée à accorder au fermier une réduction du fermage proportionnelle à la décharge dont il bénéficie lui-même. Cette réduction n'est toutefois pas déterminée d'une façon uniforme par une formule arithmétique. L'autorité de concordat jouira d'une certaine latitude qui lui permettra de tenir compte des circonstances particulières à l'espèce. Conformément au droit issu des dispositions nouvelles, l'application des prescriptions dont il s'agit ici ne sera plus limitée aux seuls territoires ou parties de territoire auxquels une décision cantonale a déclaré lesdites prescriptions applicables.

2. La procédure a été simplifiée autant que possible. Le chapitre II ne prévoit plus d'appel aux créanciers. On a pu aussi renoncer à prévoir l'application de l'article 87, chiffres 2 et 3, puisque la réduction du fermage n'est subordonnée qu'au désendettement de l'entreprise. L'article 92, 4e alinéa, vise aussi le cas où une poursuite ordinaire est introduite (sans que soit appliqué l'article 293 CO).

3. L'article 50 de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934 donne au fermier la faculté d'exiger la prorogation du bail. Nous avons supprimé cette faculté, car elle n'avait plus sa raison d'être. La disposition dont il s'agit est peu appliquée en pratique. D'ailleurs, il n'est guère probable qu'un propriétaire qui a été désendetté et qui, par conséquent, est tenu légalement de réduire le fermage, dénonce à brève échéance le bail de façon à ne pas devoir accorder au fermier un allégement proportionnel.

Dans le cas où l'on craindrait de tels procédés, on pourrait, ce qui serait d'ailleurs plus simple, prendre ses précautions en introduisant à l'article 68 une disposition appropriée.

SIXIÈME PARTIE FRAIS ET ÉMOLUMENTS Seul l'article 98 demande une explication. Etant données les circonstances, nous sommes d'avis qu'il ne saurait être question de percevoir un émolument pour les opérations à effectuer au registre foncier en exécution des mesures de désendettement (inscriptions, modifications, radiations). Le débiteur n'est pas en état de payer ces émoluments. Quant au créancier gagiste,
auquel on a déjà demandé de grands sacrifices, il serait injuste de se récupérer sur lui. Par ces motifs, nous avons prévu qu'il ne sera perçu d'émolument du registre foncier pour aucune des opérations à effectuer en exécution des mesures de désendettement. L'interdiction de percevoir un émolument ne vaut pas à l'égard des mentions prévues aux articles 3, 4e alinéa, et 7, 3e alinéa, lorsqu'elles ne dérivent pas des mesures de désendettement.

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SEPTIÈME

PARTIE

DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES L'établissement d'un droit nouveau en vue de désendetter les entreprises agricoles, l'extension des mesures prises dans ce domaine, l'introduction d'une limite de charge hypothécaire et la modification de quelques articles du code civil.exigent que l'on adopte certaines dispositions pour régler l'application de la loi dans le temps. On remarquera peut-être que nous n'avons introduit aucune disposition transitoire réglant les rapports entre les droits de gage constitués suivant les articles 20 et 41 de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934 et l'hypothèque instituée par l'article 15, 2e alinéa, en faveur de la caisse d'amortissement. La raison en est qu'un désendettement radical exige, nous semble-t-il, que lesdites créances garanties par gage, qui représentent généralement, toutes deux, des créances non couvertes au sens de l'article 15, soient aussi amorties conformément aux articles 15 et suivants. Il est peu probable que l'institution de secours agricole ne prenne pas son parti de voir traiter de cette façon ses créances garanties par gage. Dans le cas où cette simplification ne serait pas acceptée, il conviendrait d'établir une règle analogue à celle qui est prévue à l'article 56 de l'arrêté fédéral du 21 juin 1935 instituant des mesures juridiques temporaires en faveur de l'industrie hôtelière et de la broderie et de déterminer de la manière ap'propriée le rang des créances en question. Comme les créanciers ne sont pas les mêmes, on ne pourrait toutefois prescrire la fusion du droit de gage constitué en vertu de l'article 20 de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934 avec celui que prévoit l'article 15, 2e alinéa, du projet.

Certaines dispositions de notre projet appellent quelques explications particulières.

1. L'article 101 contient une prescription assurant un calcul uniforme de la valeur capitalisée. Celle-ci sera calculée sur la base d'un intére t de 4 pour cent. Eu égard aux conditions du marché hypothécaire, nous n'avons pas cru devoir fixer un chiffre inférieur. Le taux de 4 pour cent correspond à celui qui a été pratiqué habituellement, il y a peu de temps encore, pour les hypothèques en premier rang. Comme le canton répond subsidiairement des titres de rachat et que ceux-ci seront par conséquent facilement acceptés en nantissement, le taux de 4
pour cent représente le maximum de ce que le créancier peut raisonnablement exiger. Nous espérons, grâce à cette disposition, arriver à généraliser l'usage de ce taux, qui est un taux équitable pour des opérations hypothécaires sûres.

2. L'article 102 définit la situation qui sera, sous le nouveau régime, celle de l'institution de secours agricole. Le concours de cette institution demeurera indispensable. Lorsqu'il existe des créances chirographaires, les opérations de désendettement prévues à l'article 10 devront être com-

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binées avec une procédure de concordat. Sans l'intervention de l'institution de secours, un concordat serait, semble-t-il, le plus souvent impossible, faute de recources. Dans bien des cas, il est vrai, le débiteur a reçu une aide de sa parenté. Il ne s'agissait cependant guère que d'un appoint complétant les prestations de l'institution de secours, qui, à cause de la modicité des ressources disponibles, ne peut accorder à un débiteur des secours dépassant un certain maximum. Pour le reste, nous nous référons aux explications données aux pages 269 et suivantes.

Comme les concordats demeurent subordonnés à une aide financière, il paraît indiqué de laisser à l'institution de secours le soin d'accorder cette aide. Quand bien même des raisons de simplification organique militent sérieusement en faveur d'une fusion des institutions de secours avec les caisses d'amortissement, on doit constater, à l'examen, qu'une telle fusion est impossible. Les institutions de secours sont généralement des personnes morales, créées sous la forme de sociétés coopératives ou de fondations.

Les caisses d'amortissement doivent, par contre, être des organismes de droit public, à caractère officiel. Matériellement et psychologiquement, il paraît préférable de confier à une personne de droit privé, et non pas à une autorité, les fonctions ressortissant à l'institution de secours. Cependant, c'est surtout l'article 40, 2e alinéa, qui s'oppose à une fusion complète. Les institutions de secours possèdent des fonds qui sont parfois assez considérables. Elles ont des créances dérivant des prêts consentis, elles ont aussi des engagements, résultant, par exemple, des emprunts qu'elles ont contractés ou de cautionnements. Les cantons refuseraient d'assumer une responsabilité subsidiaire pour les engagements de ces institutions.

Il semble toutefois qu'aucun obstacle d'ordre juridique ou pratique n'empêche de confier l'administration de l'institution de secours à la caisse d'amortissement. Si un canton décidait une telle mesure, l'institution de secours demeurerait, le cas échéant, une personne morale du droit privé.

Seules les fonctions administratives seraient transmises aux organes de la caisse d'amortissement. Du point de vue du droit, l'opération impliquerait une simple modification des statuts, tant pour les sociétés coopératives
que pour les fondations. Pour empêcher des malentendus, nous avons inséré dans le projet une disposition prévoyant expressément que la responsabilité subsidiaire du canton ne s'étend pas aux engagements de l'institution de secours.

3. Les articles 103 et 104 sont des dispositions transitoires concernant la nouvelle charge maximale. Il se produira des cas où la limite en question sera dépassée par des droits de gage sans que des mesures de désendettement soient exécutées. Dans ces cas, les droits en excédent subsisteront intacts tant qu'ils n'auront pas été radiés. Par contre, en cas de radiation, la case hypothécaire ne devient pas libre (art. 814, 1er et 2e al., ,CC et art. 63 de l'ordonnance sur le registre foncier), car la constitution

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d'un nouveau droit de gage ne doit pas permettre au propriétaire du gage de disposer de la case et d'éluder la disposition fixant la charge maximale.

Nous avons jugé utile d'insérer un article 104 donnant aux cantons la faculté de ramener dans les limites de la charge maximale le montant des créances garanties par des droits de gage constitués sur des immeubles agricoles qui ne sont pas désendettés conformément aux nouvelles dispositions. Il appartiendra aux autorités cantonales de décider s'il y a lieu de faire usage de cette compétence. Si elles en décident ainsi, elles devront édicter des dispositions régissant l'amortissement. Ces dispositions ne seront pas nécessairement conformes à l'article 78, 2e alinéa. -- Les limites de charge prévues actuellement par le droit cantonal (voir plus haut, p. 297 s.) demeureront entièrement valables en tant qu'elles demeurent inférieures à la nouvelle limite instituée par l'article 76.

4. L'introduction du droit successoral paysan, imposé par l'article 85, appelle également l'insertion d'une disposition transitoire. L'esprit de cet article exige que les nouvelles dispositions s'appliquent aux successions comprenant une exploitation agricole dans tous les cas où le partage n'était pas encore clos lors de l'entrée en vigueur de la loi et où le défunt n'a pas disposé autrement.

Les articles 850, 2e alinéa, et 619 du code civil peuvent être modifiés sans qu'il soit nécessaire d'instituer un régime transitoire. Pour les lettres de rente comme pour les droits déjà annotés qui appartiennent aux cohéritiers du fait d'une plus-value, il conviendra d'appliquer, à défaut de disposition légale, le principe général qui vaut pour les régimes de transition.

Ce principe est le suivant : Les effets juridiques de faits antérieurs à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi continuent à être régis par les dispositions du droit antérieur (cf. l'art. 1er du titre final du code civil).

5. Comme nombre de dispositions sont absolument nouvelles et que la matière est complexe, il sera nécessaire d'arrêter, en vue de l'application de la loi, des ordonnances d'exécution et des instructions. Puisque la Confédération versera, au cours des années, des sommes considérables pour permettre le désendettement, il est compréhensible qu'elle se réserve d'exercer la surveillance sur l'exécution
de la loi. Cette surveillance lui permettra d'ailleurs d'assurer une application uniforme de la législation.

Telles sont les raisons qui nous ont fait insérer un article 107.

6. La rédaction choisie pour l'article 108, 2e alinéa, qui concerne le moment où l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934 cessera d'être applicable, permet de faire subsister certaines mesures sans insérer une disposition transitoire spéciale (ce sera, par exemple, le cas des mesures prévues aux articles 12 et 16, 1er alinéa, lettre a, de l'arrêté fédéral).

feuille fédérale. 88e année. Vol. II.

.

21

310

Nous sommes pleinement conscients de la portée du projet qui vous est soumis. Nous voyons surtout clairement que la loi sur le désendettement, tout en exigeant de grands sacrifices des intéressés, se traduira par une lourde charge pour les finances de la Confédération et des cantons.

Cette charge est d'autant moins négligeable que les dépenses de la Confédération en faveur de l'agriculture ont augmenté d'une manière constante au cours de ces cinq dernières années, comme le démontrent les comptes d'Etat de la Confédération. L'oeuvre de désendettement instituée par la loi obligera pendant vingt ans la Confédération et les cantons à consacrer, en plus des sacrifices consentis jusqu'ici, une somme annuelle de 10 millions au total, à laquelle s'ajouteront, pendant les premières années, les versements à faire aux institutions de secours agricoles. Malgré l'ampleur de ces sommes, nous vous recommandons instamment d'adopter notre projet.

Le désendettement des entreprises agricoles obérées est une nécessité de l'heure. Comme l'histoire ne cesse de l'enseigner, aucun peuple ne peut prospérer s'il n'a pas une classe paysanne saine. L'intérêt de toutes les couches de la population exige que nous fassions notre possible pour sauver la situation des agriculteurs dans la détresse. Si, grâce aux mesures de désendettement envisagées, on réussit à préserver de la ruine vingt mille familles paysannes et à leur assurer une existence supportable, les sacrifices faits n'auront pas été vains.

Nous vous proposons d'adopter le projet de loi ci-annexé et saisissons cette occasion pour vous prier d'agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 23 juin 1936.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le, président de la Confédération, MEYER.

Le chancelier de la Confédération, G. BOVET.

311

(Projet.)

Loi fédérale sur

le désendettement d'entreprises agricoles.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu l'article 64 de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 23 juin 1936, arrête : PREMIÈRE

PARTIE

BIENS-FONDS AGRICOLES. DÉFINITION ET ESTIMATION Article premier.

1

La présente loi s'applique aux entreprises agricoles.

A. Notion du bienVif ^ ^ .

fonds agricole.

2 Sont compris dans une entreprise agricole tous les biens-fonds affectés exclusivement ou principalement à l'agriculture.

3 Les forêts en font partie en tant qu'elles servent à l'entreprise agricole et ne constituent pas une source de revenus indépendante.

Art. 2.

L'application de la présente loi à un immeuble déterminé est B. Détermination subordonnée à la condition que son caractère de bien-fonds agricole agricoles, ait été constaté par une décision de l'autorité.

'· Requête.

2 La décision peut être requise: a. Par le propriétaire et tout créancier gagiste ou caution intéressé, lorsqu'il s'agit du désendettement ou de la constitution d'une nouvelle charge; 6. Par tout héritier intéressé, lorsque l'application du droit successoral paysan entre en ligne de compte.

1

312 3

Les cantons peuvent désigner dans chaque arrondissement du registre foncier les régions où il n'y a pas lieu d'appliquer la procédure servant à déterminer les biens-fonds agricoles.

Art. 3.

II. Procédure et décision.

III. Faits non» veaux.

C. Estimation des biens-fonds agricoles.

I. Ordonnance.

II. Base.

1

Les cantons désignent l'autorité compétente pour prendre la décision visée à l'article 2. S'ils ne désignent pas une seule autorité, une instance cantonale de recours doit être instituée. Les cantons règlent la procédure.

2 La décision rendue dans la dernière instance cantonale peut être déférée dans les trente jours au Tribunal fédéral par un recours de droit administratif.

3 Les personnes désignées à l'article 2, 2e alinéa, ont qualité pour exercer le recours à l'instance cantonale et au Tribunal fédéral.

4 La décision définitive est communiquée d'office au conservateur du registre foncier, qui la mentionne au registre.

5 Elle fait règle pour toutes les autorités appelées à agir en vertu de la présente loi.

Art. 4.

1

Si les choses se modifient de manière qu'un bien-fonds ne peut plus être considéré comme bien-fonds agricole, le propriétaire peut demander à l'autorité compétente de révoquer le caractère de bienfonds agricole attribué à l'immeuble et de radier la mention au registre foncier. L'article 3 est applicable par analogie.

2 La révocation du caractère de bien-fonds agricole n'exerce aucun effet sur une procédure de désendettement déjà close:

Art. 5.

La valeur des entreprises agricoles qui fait règle, d'après la présente loi, pour le désendettement et la constitution de nouvelles charges, ainsi que pour l'application du droit successoral paysan, se détermine par une estimation spéciale.

2 Sitôt rendue la décision définitive attribuant à l'immeuble le caractère de bien-fonds agricole, l'autorité de première instance visée à l'article 2 ordonne d'office cette estimation aux frais du propriétaire.

Art. 6.

1 Les biens-fonds agricoles sont estimés sur la base de la valeur de rendement, soit de la somme qui, l'intérêt étant de quatre pour cent et l'exploitation conforme aux conditions locales, a pu être tirée en moyenne du bien-fonds pendant une période économique x

313

d'une certaine durée avant l'estimation. La valeur d'estimation équivaut à la valeur de rendement, augmentée d'un supplément de vingt pour cent au maximum.

2 Le Conseil fédéral rend les ordonnances nécessaires sur la manière de procéder à l'estimation.

Art. 7.

Les cantons désignent l'autorité compétente pour procéder à l'estimation. S'ils ne désignent pas une seule autorité, ils sont tenus d'instituer une instance cantonale de recours qui statue à titre définitif. Les cantons règlent la procédure.

2 Le droit de recours appartient tant au propriétaire qu'aux créanciers hypothécaires touchés, aux créanciers nantis de créances hypothécaires et aux cautions de créances hypothécaires; le débiteur est tenu de communiquer à ces cautions la valeur de l'estimation effectuée en première instance.

8 La valeur d'estimation définitive est communiquée d'office au conservateur du registre foncier qui la mentionne au registre pour chaque immeuble.

4 L'estimation fait règle pour toutes les autorités appelées à agir en vertu de la présente loi.

Art. 8.

1 Après chaque période de cinq ans, les intéressés peuvent requérir une revision de l'estimation; cette revision se fait à leurs frais.

2 Lorsque la valeur de l'immeuble subit des modifications essentielles par suite d'améliorations du sol, de constructions ou de transformations importantes ou de dépréciations durables dues à des phénomènes naturels, une nouvelle estimation peut aussi être requise dans l'intervalle.

3 Les alinéas 2, 3 et 4 de l'article 7 sont applicables.

1

DEUXIÈME

III. Procédure et décision.

IV. Revision de l'estimation.

PARTIE

DÉSENDETTEMENT CHAPITRE

PREMIER

CONDITIONS ET ÉTENDUE DU DÉSENDETTEMENT

Art. 9.

Des entreprises agricoles peuvent, conformément aux dispositions ci-après, être désendettées par décision de l'autorité de concordat, avec l'aide de la Confédération et des cantons.

1

A. Condition» générales.

314 2

Le désendettement peut être requis dans chaque canton sitôt instituée une caisse d'amortissement, mais seulement dans les cinq ans dès l'entrée en vigueur de la présente loi.

B. Mesures.

C. Conditions (Tespéce.

D. Créances touchées.

I. En général.

Art. 10.

Dans la procédure de désendettement peuvent être prises les mesures suivantes: 1° Amortissement ou extinction de créances hypothécaires non couvertes (art. 14 à 27); 2° Sursis au remboursement de créances en capital couvertes (art. 28 à 37) ; 3° Réduction du taux de l'intérêt afférent aux capitaux couverts (art. 38) ; 4° Extinction des créances chirographaires par un dividende concordataire.

2 L'autorité de concordat décide lesquelles de ces mesures il y a lieu de prendre dans chaque cas.

1

Art. 11.

L'ouverture de la procédure de désendettement peut seulement être accordée si le propriétaire: a. Est hors d'état, malgré la mise à contribution de toutes ses ressources, de servir intégralement l'intérêt des créances garanties par ses biens-fonds agricoles, 6. N'est pas lui-même responsable de sa gêne et paraît digne d'aide.

2 Lorsque le propriétaire est lui-même l'exploitant, la procédure n'est ouverte que s'il paraît capable d'administrer rationnellement l'entreprise ; si le propriétaire a donné son domaine à ferme, le désendettement est subordonné à la condition qu'il tire du fermage ses moyens d'existence.

3 La demande de désendettement est prise en considération seulement si le débiteur donne l'autorisation de recueillir tous renseignements utiles sur son patrimoine.

4 Dans tous les cas, la procédure n'est ouverte que si le requérant ou son auteur a été propriétaire de l'entreprise agricole au moins à partir du 1er avril 1932. Demeure réservé l'article 29.

1

Art. 12.

Le désendettement s'étend à toutes les créances hypothécaires non couvertes qui grèvent les immeubles du propriétaire, même si elles sont constituées en gage.

1

315 2

Une créance est réputée non couverte dans la mesure où, compte tenu des charges de rang préférable, elle excède la valeur d'estimation du gage immobilier ; l'autorité de concordat décide dans quelle mesure il faut tenir compte des charges foncières.

3 Les intérêts échus garantis par le gage sont ajoutés au capital, et les cases hypothécaires élargies en conséquence.

Art. 13.

o

Lorsque le désendettement s'applique à une créance hypothécaire que le créancier a acquise aux enchères ou de gré à gré pour un prix inférieur à la valeur nominale, elle n'est reconnue comme créance à désendetter que pour le prix d'achat. Il en est de même lorsqu'une créance garantie par nantissement est inférieure à la créance hypothécaire constituée en gage.

CHAPITRE

II. Créances acquises à prix réduit et créances constituées en gage.

II

EXÉCUTION DU DÉSENDETTEMENT

Art. 14.

1

Dans la mesure où une créance excède le double de la valeur d'estimation du gage, elle est traitée, avec les intérêts échus et les frais de poursuite qui s'y rapportent, comme créance chirographaire et éteinte par un dividende concordataire, le droit de gage étant radié.

2 Pour la différence par rapport à sa créance primitive, le créancier reçoit une attestation qui lui confère les droits mentionnés aux articles 64, 71, 2e alinéa, 72 et 73.

3 Les articles 15 à 27 ne s'appliquent pas à ces créances.

A. Amortissement de créances hypothécaires non couvertes.

I. Créances excédant le double de la valeur d'estimation.

Art. 15.

1

Lorsqu'une créance non couverte n'excède pas le double de la valeur d'estimation du gage, le droit de gage est radié dans la mesure où elle dépasse cette valeur et le créancier reçoit à sa place une créance sur la caisse d'amortissement pour un montant qui est fixé dans chaque cas par l'autorité de concordat conformément à l'article 19.

2 Pour le montant global de ces créances et des intérêts échus garantis, une hypothèque prenant rang immédiatement après les créances en capital couvertes est constituée, en faveur de la caisse d'amortissement, sur tous les immeubles jusqu'ici grevés.

II. Autres créances non couvertes.

1. Principe de l'amortissement.

a. Conversion des créances.

316

Art. 16.

b. Ressources nécessaires pour amortir les créances.

Les ressources nécessaires au service de l'intérêt et à l'amortissement des nouvelles créances créées en vertu de l'article 16 sont fournies par des annuités que le débiteur verse à la caisse d'amortissement (art. 17) et par des prestations de la caisse (art. 18).

Art. 17.

2. Annuités du débiteur.

3. Prestations de la caisse d'amortissement.

4. Droit da ereander.

a. Titre de rachat.

1

Pour les créances non couvertes n'excédant pas le double de la valeur d'estimation du gage, le débiteur verse à la caisse d'amortissement des annuités invariables, qui sont graduées par rapport à la couverture et atteignent dans la règle les montants suivants: 1er degré: 100 à 125% de la valeur d'estimation = annuité de 2>B% 2« » 125 à 150% » » » » = » » 2 % 3e » 150 à 175% » » » » = » » 1,5% 4« » 175 à 200% » » » » = » » 1 % 2 Les annuités doivent être versées pendant vingt ans.

3 Demeure réservée la réduction des prestations du débiteur conformément à l'article 42, 3e alinéa.

4 Si le débiteur est en mesure de verser au comptant la valeur capitalisée de ses propres annuités et des prestations de la caisse d'amortissement au sens de l'article 18, il est complètement libéré, sous réserve des articles 64, 71, 2e alinéa, 72 et 73.

Art. 18.

La caisse d'amortissement verse, également pendant vingt ans, la différence, prélevée sur ses propres ressources, entre les annuités du débiteur et le double du montant prévu pour chaque degré à l'article 17, 1er alinéa.

2 Demeure réservée l'augmentation des prestations conformément à l'article 42, 3e alinéa.

1

Art. 19.

Pour sa créance envers la caisse d'amortissement, le titulaire de la créance primitive reçoit un titre de rachat au porteur, muni de coupons semestriels et dont le montant équivaut à la valeur capitalisée des prestations du débiteur et de la caisse d'amortissement.

2 Cette créance porte intérêt à quatre pour cent et elle est exigible au plus tard après vingt ans. Le remboursement a lieu par tirages au sort annuels, pour un montant égal au vingtième de la somme des titres de rachat émis annuellement.

1

317 8

Le créancier gagiste a cependant droit dans tous les cas à une prestation équivalente au montant du dividende concordataire versé aux créanciers chirographaires. 'Si la valeur en capital du titre de rachat est inférieure à cette prestation minimum, le débiteur est tenu de payer au comptant la différence au créancier.

Art. 20.

Pour la différence entre le montant du titre de rachat, complété, le cas échéant, par la prestation supplémentaire au sens de l'article 19, 3e alinéa, et sa créance primitive, le créancier reçoit une attestation qui lui confère les droits mentionnés aux articles 21, 64, 71, 2e alinéa, 72 et 73.

Art. 21.

1 Si la créance à amortir est en outre garantie par cautionnement, la caution ne répond plus envers le créancier que pour la différence constatée dans l'attestation de l'article 20.

2 Pour cette différence, la caution ne peut pas exercer de recours contre le débiteur ; demeurent réservés les cas visés aux articles 64, 71, 2« alinéa, 72 et 73.

Art. 22.

Lorsque le propriétaire est débiteur d'une créance garantie par le gage d'un tiers, le créancier participe pour le montant total de cette créance au concordat des créanciers chirographaires.

Art. 23.

Si le propriétaire n'est pas débiteur d'une créance qui grève son immeuble et qui est comprise entre la valeur d'estimation et le double de cette valeur, les prestations prévues aux articles 17 et 18 doivent être néanmoins versées ; toutefois, le titre de rachat est provisoirement conservé par la caisse d'amortissement. Le créancier possède sur le titre un droit de gage légal, valable sans nantissement.

Art. 24.

Si la créance est exigible, le créancier peut poursuivre le propriétaire et le débiteur en réalisation de gage mobilier. Sitôt présentée la réquisition de vente, la caisse d'amortissement délivre à l'office des poursuites le titre de rachat avec les coupons afférents aux intérêts à échoir après l'introduction de la poursuite; l'office établit immédiatement le certificat d'insuffisance de gage pour le montant de la créance qui n'est pas couvert par la valeur nominale du titre de rachat et il remet les deux documents au créancier. Si la poursuite 1

b. Attestation de découvert.

5. Responsabilité des cautions.

III. Gage garantissant la créance d'autrul.

1. Le propriétaire étant débiteur.

2. Le propriétaire n'étant pas débiteur, a. En général.

b. Poursuite.

318

s'étend non seulement au capital, mais aussi aux intérêts, le 2e alinéa est en outre applicable.

2 Si la poursuite en réalisation de gage mobilier se rapporte à des intérêts échus, la caisse d'amortissement, sitôt présentée la réquisition de vente, remet au créancier, par l'entremise de l'office des poursuites, les coupons d'intérêts du titre de rachat qui correspondent à la créance en intérêts faisant l'objet de la poursuite.

3 Dans les poursuites en réalisation de gage mobilier visées aux alinéas 1 et 2, la vente peut être requise au plus tôt six mois après la notification du commandement de payer.

c. Paiement par le tiers débiteur.

d. Droit de dénonciation de la caisse d'amortissement.

e. Action récursoire de la caisse d'amortissement.

Art. 25.

Lorsque le propriétaire prouve que le débiteur a éteint la créance, la caisse d'amortissement lui rembourse les annuités qu'il a versées en lui bonifiant un intérêt de quatre pour cent et annule le titre de rachat; dans ce cas, le propriétaire peut exiger que l'hypothèque inscrite en faveur de la caisse d'amortissement soit réduite du montant garanti par son immeuble. Si le débiteur s'acquitte partiellement, l'article 27, 3e alinéa, est applicable par analogie.

Art. 26.

La caisse d'amortissement a le droit de dénoncer la créance aux mêmes conditions que celles faites au débiteur. La dénonciation peut intervenir déjà en cours de procédure; toutefois, elle s'éteint avec tous ses effets si le désendettement n'aboutit pas.

2 A l'échéance, la caisse d'amortissement délivre au créancier le titre de rachat et l'attestation de découvert. Le créancier peut réclamer au débiteur le montant constaté dans cette attestation.

1

Art. 27.

Lorsque le titre de rachat a été délivré au créancier en vertu de l'article 24, 1er alinéa, ou de l'article 26, la caisse d'amortissement est tenue de se retourner contre le débiteur pour l'inviter à payer les annuités déjà versées par elle et par le propriétaire, l'intérêt étant de quatre pour cent, ainsi que la valeur capitalisée des prestations qu'ils ont encore à effectuer.

2 Si le débiteur s'acquitte intégralement, le propriétaire est libéré de l'obligation de verser d'autres annuités, celles qui ont déjà été payées lui étant remboursées avec quatre pour cent d'intérêt. Dans ce cas, la caisse d'amortissement veille à ce que l'hypothèque inscrite en sa faveur soit réduite du montant garanti par l'immeuble du propriétaire.

1

319 3

Si le débiteur n'acquitte que partiellement les paiements mentionnés à l'alinéa 1er, la somme obtenue est imputée à parts égales sur les prestations incombant au propriétaire et à la caisse d'amortissement. Celle-ci fixe les annuités que le propriétaire doit encore verser; en cas de contestation, l'autorité de concordat prononce, à la requête du propriétaire.

4 Si la poursuite ne se rapportait qu'à des intérêts échus, la caisse d'amortissement a une action récursoire contre le débiteur, jusqu'à concurrence de la valeur nominale des coupons d'intérêts remis au créancier conformément à l'article 24, 2e alinéa.

Art. 28.

1

Si l'autorité de concordat accorde l'amortissement de créances hypothécaires non couvertes, elle peut octroyer conjointement un sursis au remboursement tant des créances hypothécaires couvertes qui grèvent un bien-fonds agricole du débiteur que des créances garanties par une telle créance hypothécaire donnée en nantissement, pourvu que le débiteur paraisse hors d'état de trouver un nouvel acquéreur pour ces créances.

2 A la requête du débiteur et après avoir entendu le créancier, l'autorité de concordat peut aussi, dans les mêmes conditions, accorder ultérieurement le sursis au remboursement desdites créances; dans ces cas, le sursis doit cependant être refusé lorsque les intérêts de trois armées sont échus ou que l'ayant droit a dénoncé sa créance pour le motif que le propriétaire a diminué la valeur du gage.

3 Le sursis est accordé pour quatre ans ; si la créance est amortissable, il peut être obtenu par la réduction de l'annuité, par l'augmentation du nombre des remboursements partiels ou par la suspension temporaire de ces prestations; toutefois ces mesures ne peuvent pas avoir pour effet de prolonger de plus de quatre ans le délai prévu pour l'amortissement.

4 Sur requête motivée du propriétaire, l'autorité de concordat peut, après avoir entendu le créancier, proroger le sursis exceptionnellement de quatre ans.

B. Sursis au remboursement du capital.

I. Différents cas: 1. Sursis avec amortissement.

Art. 29.

1

Même si le désendettement par amortissement des créances hypothécaires non couvertes n'a pas lieu, l'autorité de concordat, à la requête du propriétaire et après avoir entendu les créanciers touchés, peut, dans les conditions posées à l'article 11, 1er alinéa, lettre b, et 2e alinéa, accorder un sursis de quatre ans au maximum pour' les créances hypothécaires couvertes et non couvertes qui

2. Sursis sans amortissement.

320

grèvent un bien-fonds agricole du propriétaire ou que celui-ci a constituées en gage. L'article 28, 3e alinéa, est applicable.

2 Le sursis doit être toutefois refusé: a. Lorsqu'il paraît probable, d'après les circonstances, que la réalisation forcée ne pourra pas être évitée, malgré le sursis; 6. Lorsque les intérêts afférents à plus de trois années sont échus, ou c. Lorsque l'ayant droit a dénoncé sa créance pour le motif que le propriétaire a diminué la valeur du gage.

3 En règle générale, le sursis ne peut être accordé que conjointement avec un concordat des créanciers chirographaires.

*En cas d'aliénation du bien-fonds grevé, ce sursis devient caduc.

Art. 30.

Si elle le juge nécessaire pour sauver l'entreprise du débiteur, l'autorité de concordat peut accorder pour le remboursement de créances échues garanties par engagement de bétail un sursis de deux ans, pouvant être porté à quatre ans au maximum.

3. Sursis au remboursement de cré- ' onces ganta- i tles par engagement de ' bétail.

Art. 31.

II. Effets dit sur«I«.

IH. Qage garantissant la créance d'autrul.

1

Pendant la durée du sursis au remboursement du capital, aucun acte de poursuite ne peut être exercé contre le propriétaire quant aux sommes faisant l'objet du sursis, et la prescription ou la péremption qui pourrait être interrompue par un acte de poursuite reste suspendue.

a Si le créancier a requis, avant l'octroi du sursis, la poursuite ien réalisation de gage, les droits découlant des articles 94 de la loi Isur la poursuite pour dettes et la faillite et 806 du code civil lui idemeurent acquis pendant la durée du sursis.

Art. 32.

Si l'immeuble garantit une créance qui est couverte par la valeur 'd'estimation et dont le propriétaire n'est pas débiteur, l'article 31 s'applique aux rapports entre le créancier et le propriétaire. En revanche, dès que la créance est échue, le créancier peut l'invoquer contre le débiteur au moyen d'une poursuite par voie de saisie ou de faulite. Dans cette poursuite, la vente peut seulement être requise six mois après la notification du commandement de payer.

2 Si le débiteur désintéresse partiellement le créancier, le propriétaire peut exiger une réduction correspondante de la somme garantie et l'inscription d'une case hypothécaire libre. A l'expiration du sursis 1

321 au remboursement du capital, le créancier a le droit de requérir contre le propriétaire, pour la perte subie, la poursuite en réalisation de gage immobilier.

Art. 33.

1 Le créancier ne peut exercer qu'après l'expiration du sursis au remboursement du capital les droits qu'il a contre la caution simple en vertu de l'article 495 du code des obligations.

2 Pendant le sursis au remboursement du capital, les droits conférés aux cautions par les articles 502 et 503 du code des obligations demeurent suspendus.

8 Pendant ledit sursis, la caution n'a pas le droit de requérir du débiteur principal, conformément à l'article 512 du code des obligations, des sûretés ou, à ce défaut, sa libération.

Art. 34.

Les cautions et codébiteurs solidaires ne peuvent, à l'égard du créancier, exciper du sursis que si l'autorité de concordat les a expressément mis au bénéfice de cette mesure.

2 Elle ne peut le faire que si la caution apporte la preuve que sans le sursis sa situation serait compromise; le sursis peut d'ailleurs être restreint à une partie de la créance et subordonné à la prestation de sûretés.

Art. 35.

1 Lorsqu'un coobligé solidaire est poursuivi avant le débiteur principal pour une créance en capital, il peut, en avisant immédiatement le débiteur, demander à l'autorité de concordat compétente pour celui-ci de suspendre la poursuite pour deux mois.

2 Si, durant ce délai, le débiteur sollicite l'ouverture de la procédure de désendettement ou un sursis au remboursement du capital, la poursuite contre le coobligé solidaire reste suspendue jusqu'à ce qu'une décision ait été prise sur la demande du débiteur, et le coobligé solidaire conserve le droit de réclamer le bénéfice du sursis.

3 Si le débiteur principal ne présente pas de requête dans le délai, aucun sursis ne peut plus être accordé, même pour l'action récursoire du coobligé solidaire.

· · 4 Si le sursis est accordé et que les coobligés solidaires exercent une action récursoire contre le débiteur, celui-ci peut leur opposer l'exception de sursis.

Art. 36.

1 A la requête d'un créancier gagiste, d'une caution ou de la caisse d'amortissement, le sursis au remboursement du capital peut être 1

IV. Situation des cautions.

1. En général.

2. Extension du sursis aux cautions.

3. Poursuite de la caution.

V. Révocation du sursis.

322

révoqué par l'autorité de concordat pour toutes les créances qui en sont l'objet, s'il est prouvé: a. Que le débiteur peut se passer du sursis sans que l'existence de son entreprise soit compromise, ou b. Que depuis l'octroi du sursis le débiteur s'est rendu coupable d'actes déloyaux ou imprudents au préjudice du créancier gagiste, notamment en diminuant la valeur du gage par dol ou négligence grave; ou c. Que le débiteur a donné à ferme son entreprise agricole, à moins qu'il ne tire du fermage ses moyens d'existence; ou d. Que le débiteur a aliéné des animaux engagés ou s'en est défait de quelque autre manière.

2 En cas de succession, les héritiers qui reprennent l'entreprise peuvent demander à l'autorité de concordat de leur étendre le bénéfice du sursis, pourvu qu'ils réunissent les conditions auxquelles en est subordonné l'octroi.

3 Lorsque le sursis a été étendu à une caution solidaire, il est révocable envers elle, si elle peut s'en passer sans que sa situation soit compromise.

4 Dans les cas visés au 1er alinéa, lettre a, et au 3e alinéa, la révocation peut être requise au plus tôt deux ans après l'octroi du sursis ou le rejet d'une demande de révocation.

VI. Exécution.

C. Intérêts couverts. Réduction du taux de l'intérêt.

Art. 37.

L'octroi du sursis est communiqué à l'office des poursuites et aux conservateurs du registre foncier et du registre pour l'engagement du bétail. Le sursis au remboursement de créances hypothécaires est inscrit au registre foncier et mentionné sur les titres de gage.

2 L'autorité de concordat communique la révocation du sursis aux créanciers gagistes et à l'office des poursuites, ainsi qu'aux conservateurs du registre foncier et du registre pour l'engagement du bétail, en vue des radiations à effectuer.

3 L'autorité de concordat fait radier au registre foncier les mentions relatives au sursis et modifier en conséquence les modalités de l'amortissement sur les titres de gage; si la réalisation forcée du gage rend le sursis caduc, cette obligation incombe à l'office qui procède à la réalisation.

1

Art, 38.

Pour les créances en capital garanties par gage et couvertes par le gage, l'autorité de concordat peut, avec effet à partir de 1

323

la dernière échéance antérieure à l'ouverture de la procédure, réduire l'intérêt à quatre et demi pour cent, compte tenu des commissions et autres suppléments de ce genre, s'il est supérieur à ce taux et, si un intérêt inférieur a été convenu, ordonner qu'il ne peut pas être élevé à plus de quatre et demi pour cent.

2 Cette réduction du taux de l'intérêt est valable au plus pour la période dans laquelle le propriétaire doit verser des annuités; si l'autorité de concordat n'a accordé qu'un sursis au remboursement du capital, la durée de cette réduction ne peut pas dépasser celle du sursis.

3 A l'expiration de chaque période de quatre ans, le créancier peut demander à l'autorité de concordat de révoquer la réduction du taux de l'intérêt. L'autorité statue sur cette demande après avoir entendu le débiteur et la caisse d'amortissement, en tenant compte de la situation du créancier et du débiteur.

4 Les cautions, codébiteur» et garants ne répondent pas, envers le créancier, de la perte d'intérêt résultant de la réduction du taux.

5 Les alinéas 1 à 3 s'appliquent également aux créances garanties et couvertes par un engagement de bétail, à condition que le bétail soit assuré; dans ce cas, le taux d'intérêt est de cinq pour cent.

Art. 39.

Pour garantir les prêts qu'elle accorde au débiteur à l'effet d'éteindre les créances chirographaires dans le concordat, l'institution de secours agricole peut requérir la constitution d'une hypothèque prenant rang immédiatement après celle de la caisse d'amortissement (art. 15, 2e al.).

CHAPITRE III CAISSES D'AMORTISSEMENT ET CONTRIBUTIONS PUBLIQUES AU DÉSENDETTEMENT Art. 40.

1 Pour l'exécution du désendettement, les cantons créent des caisses officielles d'amortissement.

2 Ils répondent à titre subsidiaire de tous les engagements qui découlent, pour la .caisse d'amortissement, de la procédure de désendettement.

3 Les caisses d'amortissement sont exonérées de tous impôts et redevances des cantons et communes, ainsi que des impôts directs de la Confédération. Les titres de rachat émis par les caisses d'amortissement ne sont pas assujettis au droit de timbre fédéral sur les émissions.

O. Droit de gage en faveur des prêts de secours.

A. Les caisses cantonales d'amortissement.

324 4

B. Contributions publiques et fonds de désendettement.

I. En général.

II. Régions spécialement endettées.

Si, provisoirement, la caisse d'amortissement ne dispose plus de ressources suffisantes pour faire face à de nouvelles demandes de désendettement, elle en informe le gouvernement cantonal.

Celui-ci avise immédiatement les autorités de concordat de son canton.

Art. 4L 1 La Confédération et les cantons procurent les sommes que les caisses d'amortissement doivent affecter aux désendettements, conformément à la présente loi.

2 La Confédération institue un fonds de désendettement qui est alimenté par des subsides annuels de cinq millions de francs et qui sert à verser chaque année, dans la mesure des ressources disponibles, des contributions destinées aux fonds cantonaux de désendettement.

3 Les versements de la Confédération sont subordonnés à l'octroi de contributions cantonales.

* Chaque canton institue de son côté un fonds de désendettement, alimenté par ses propres contributions et par celles de la Confédération, sur lequel sont prélevées les ressources nécessaires à la caisse cantonale d'amortissement.

Art. 42.

Le Conseil fédéral est autorisé à prélever chaque année vingt pour cent au maximum sur le subside fédéral pour l'affecter à des régions particulièrement endettées et exactement circonscrites.

2 Ces prélèvements alimentent un fonds spécial qui sert à verser des contributions supplémentaires aux cantons comprenant de telles régions. Le Conseil fédéral peut subordonner ces versements à la condition que le canton augmente ses propres subventions.

3 Ces contributions supplémentaires doivent permettre à la caisse d'amortissement de décharger le débiteur dans lesdites régions en affectant aux désendettements des sommes plus importantes.

x

CHAPITRE IV PROCÉDURE A. Ouverture de la procédure.

I. Requête.

Art. 43.

Le débiteur qui entend invoquer l'une des mesures prévues à l'article 10 doit adresser une requête écrite à l'autorité de concordat et y joindre: 1° Une liste de ses créanciers, avec la nature et le montant de leurs prétentions, les modalités de l'intérêt, les échéances et les sûretés existantes (droits de gage, cautionnements);

325

2° Un extrait du registre foncier relatif aux immeubles agricoles qui lui appartiennent, avec indication de leur surface; 3° La décision constatant le caractère agricole des immeubles conformément aux articles 2 et 3 et, s'il y a lieu, la pièce justificative de l'estimation effectuée d'après l'article 5; 4° Un état de son bétail et de ses machines agricoles d'une certaine valeur, indiquant s'il y a lieu la somme assurée; 5° Des renseignements sur tous ses autres biens (notamment les immeubles autres qu'agricoles, les créances et autres droits), à l'exclusion de son mobilier et du matériel servant à l'exploitation agricole.

Art. 44.

1 A moins que la requête ne paraisse de prime abord vaine, l'autorité de concordât décide d'ouvrir la procédure et nomme immédiatement un commissaire; elle peut aussi désigner comme tel la caisse d'amortissement.

2 Si le gouvernement cantonal a fait parvenir à l'autorité de concordat un avis au sens de l'article 40, 4e alinéa, la requête est provisoirement écartée. Dans ce cas, l'autorité de concordat peut nommer un commissaire et accorder en même temps au requérant un sursis d'une année au maximum. Les articles 45, 46, alinéas 2 à 4, et 47 sont applicables.

3 Si la requête est écartée, le débiteur peut, dans les cantons où il existe une autorité supérieure de concordat, lui déférer la décision dans les dix jours.

Art. 45.

1 Même après l'ouverture de la procédure, le débiteur est tenu de continuer l'exploitation rationnelle de l'entreprise.

2 Dès l'ouverture de la procédure, il ne peut plus, sans l'assentiment du commissaire, aliéner ou grever des immeubles, constituer des gages, assumer des cautionnements, disposer à titre gratuit ni effectuer des paiements se rapportant à des dettes contractées antérieurement.

3 L'ouverture de la procédure est communiquée au conservateur du registre foncier, qui annote une restriction du droit d'aliéner conformément à l'article 960, chiffre 2, du code civil.

H. Détermination de l'autorité de concordat et nomination du commissaire.

III. Situation du débiteur pendant la procédure.

Art. 46.

Si elle le juge nécessaire, l'autorité de concordat accorde au B. sursis, débiteur un sursis de six mois au maximum. Exceptionnellement le sursis peut être prolongé de quatre mois au plus.

1

Feuille fédérale. 88« année. Vol. II.

22

326 2

Pendant la durée du sursis, aucune poursuite ne peut être exercée contre le débiteur, et la prescription ou la péremption qui pourrait être interrompue par un acte de poursuite reste suspendue.

3 Les délais prévus à l'article 219 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite pour les créances de la première à la troisième classe, ainsi que les délais de six mois prescrits 'aux articles 286 et 287 de la même loi, sont prolongés de la durée du sursis. Est de même prorogée de la durée du sursis la garantie des intérêts par le droit de gage immobilier (art. 818, ch. 3, du code civil).

4 L'octroi du sursis est communiqué à l'office des poursuites et publié, s'il y a lieu, conjointement avec l'appel aux créanciers au sens de l'article 48, 1er alinéa.

C. Révocation de la procédure.

D. Appel aux créanciers.

I. Publication et contenu.

II. Créances non produites.

1. Créances hypothécaires.

Art. 47.

Lorsque le débiteur procède à des actes qui lui sont interdits ou lèse gravement d'une autre manière les intérêts des créanciers ou favorise certains d'entre eux, l'ouverture de la procédure est révoquée à la requête de la caisse d'amortissement, du commissaire ou d'un créancier lésé.

2 L'article 44, 3e alinéa, est applicable.

1

Art. 48.

Par publication dans la feuille officielle cantonale et, si l'autorité de concordat le juge utile, dans d'autres feuilles, le commissaire invite les créanciers à produire dans les vingt jours leurs créances garanties ou cbirographaires, en indiquant s'il y a lieu les cautions et autres sûretés. La publication indique quelles sont, d'après les articles 49 et 50, les conséquences du défaut de production. Un exemplaire de la publication est notifié aux créanciers connus.

2 Le commissaire peut se dispenser de faire appel aux créanciers: a. Lorsque le débiteur a été l'objet d'une procédure d'assainissement une année au plus avant le dépôt de la requête et qu'il prouve avoir rempli les conditions de cette procédure; 6. Lorsque la procédure de désendettement envisagée se borne à un sursis au remboursement du capital et qu'un concordat n'intervient pas en même temps pour les dettes cbirographaires.

1

Art. 49.

Lorsque des hypothèques légales non inscrites au registre foncier n'ont pas été produites, les ayants droit perdent tant leur créance que le droit de gage. La même règle s'applique aux charges foncières de droit public non inscrites.

1

327 2

La caisse d'amortissement sauvegarde les droits découlant de créances inscrites au registre foncier et dont les titulaires ne peuvent pas être découverts.

3 Quant aux créances couvertes constatées par des titres de gage, la caisse d'amortissement peut demander à l'autorité de concordat de requérir par sommation publique leur production dans un délai convenable, qui ne sera pas inférieur à six mois, faute de quoi le titre sera annulé et le droit de gage éteint. Si la créance est garantie par une hypothèque, elle se prescrit par dix ans dès l'expiration d'un sursis au remboursement du capital et, à défaut de sursis, dès l'entrée en force de la décision relative au désendettement. Le propriétaire peut ensuite exiger la radiation de l'hypothèque au registre foncier.

4 La caisse d'amortissement conserve les titres de rachat afférents à des créances hypothécaires non couvertes lorsque les titulaires sont inconnus. A l'expiration d'un délai de dix ans dès la décision relative au désendettement, elle peut demander à l'autorité de concordat de sommer publiquement, en vertu des dispositions concernant la déclaration d'absence, le créancier de s'annoncer, faute de quoi le titre sera annulé. Si le créancier ne s'annonce pas, le titre de rachat est annulé; l'article 25 est applicable par analogie.

Art. 50.

Lorsque l'existence d'une créance chirographaire non annoncée par le débiteur ni produite à la suite de l'appel aux créanciers est toutefois connue encore au cours de la procédure, le créancier reçoit le dividende concordataire afférent aux créances chirographaires, pourvu que des fonds soient disponibles à cet effet. En tant qu'un dividende ne peut pas être versé, le créancier reçoit pour le montant auquel il a droit un acte de défaut de biens qui produit les effets décrits à l'article 265 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite.

2 Lorsqu'une créance garantie par gage mobilier n'est pas annoncée par le débiteur ni produite par le créancier, celui-ci perd le droit d'actionner le débiteur pour le montant du découvert. Demeurent réservés les alinéas 3 et 4 de l'article 49.

1

Art. 51.

Le commissaire inventorie les biens du débiteur et les estime, à l'exception des immeubles, qui doivent être estimés en vertu de l'article 5.

2 Pour les créances garanties par engagement de bétail, la couverture est déterminée par une estimation des animaux engagés qu'effectuent la caisse d'assurance du bétail ou, à défaut, des experts.

1. Autres créances.

1

E. Commissaire.

I. Obligations.

1. Inventaire et état des créances.

328 3

Le commissaire dresse un état des créances sur la base des productions et des indications du débiteur et invite celui-ci à se prononcer sur chaque créance.

2. Ordonnance relative à la couverture.

a. Couverture des créances.

b. Existence et rang.

F. Plan de désendettement.

Art. 52.

Le commissaire rend ensuite une ordonnance indiquant les créances couvertes et celles qui ne le sont pas.

2 Cette ordonnance est communiquée par écrit au débiteur, à la caisse d'amortissement, aux créanciers gagistes et cautions intéressés, qui peuvent la déférer dans les dix jours à l'autorité de concordat, en ce qui concerne la couverture.

1

Art. 53.

Dans les dix jours dès la réception de la communication mentionnée à l'article 52, 2e alinéa, le débiteur, les créanciers gagistes, les cautions et la caisse d'amortissement peuvent former opposition auprès de l'autorité de concordat quant à l'existence et au montant d'une créance produite, ainsi qu'à l'existence et au rang du droit de gage qui la garantit.

2 L'autorité de concordat impartit à l'opposant un délai de dix jours pour introduire une action contre le créancier dont la prétention ou le droit de gage a été contesté. L'action doit être portée devant le tribunal compétent dans l'arrondissement de l'autorité de concordat. Le procès est instruit en la forme accélérée.

3 Si ces délais ne sont pas observés, l'opposition est non avenue.

En cas d'action, le commissaire suspend la procédure jusqu'à droit connu.

4 Le créancier qui obtient gain de cause est subrogé pour le montant de sa créance aux droits de la partie qui succombe; la même règle s'applique à la créance garantie par cautionnement, lorsqu'une caution obtient gain de cause. Si l'action est introduite par le débiteur ou la caisse d'amortissement, les créanciers postérieurs avancent, le cas échéant, dans les cases devenues libres.

x

Art. 54.

Une fois les créances hypothécaires et leur couverture constatées à titre définitif, le commissaire transmet le dossier à la caisse d'amortissement.

2 Celle-ci dresse un plan de désendettement qui désigne les créances à amortir et indique ses propres prestations et celles du débiteur.

Le cas échéant, elle se prononce aussi sur les modalités du concordat et sur le moyen de recueillir les fonds nécessaires au paiement du dividende concordataire des créanciers chirographaires.

1

329 3

Le commissaire transmet à l'autorité de concordat le plan de désendettement de la caisse d'amortissement, accompagné de ses propres propositions et de son préavis.

4 Si le plan de désendettement prévoit un sursis au remboursement du capital, le commissaire attire l'attention des cautions et codébiteurs sur les droits que leur confèrent les articles 33 à 35.

CHAPITRE V DÉCISION DE L'AUTORITÉ DE CONCORDAT

Art. 55.

L'autorité de concordat statue sur la requête du débiteur à la suite de débats oraux auxquels elle convoque par publication; il n'y a pas d'assemblée des créanciers.

2 La publication communique: a. Que le plan de désendettement de la caisse d'amortissement est déposé avec le dossier auprès de l'autorité de concordat, à la disposition des intéressés, pendant dix jours avant les débats ; 6. Que le débiteur, le commissaire, les créanciers, les cautions et un représentant de la caisse d'amortissement pourront, dans les débats, proposer des amendements au plan de désendettement et faire opposition à l'homologation du désendettement et du concordat.

Art. 56.

*La décision de l'autorité de concordat englobe toutes les mesures prévues par la présente loi; s'il n'existe pas de créances chirographaires, la procédure se borne aux mesures visées à l'article 10, 1er alinéa, chiffres 1 à 3.

2 Dans le cas de l'amortissement de créances hypothécaires non couvertes, l'autorité de concordat fixe les annuités du débiteur et les contributions de la caisse d'amortissement, ainsi que le montant des titres de rachat à établir pour chaque créancier, et détermine le découvert afférent à chaque créance.

3 Elle ordonne en même temps les mesures jugées- nécessaires pour consolider d'après les articles 65 à 67 l'entreprise désendettée.

1

Art. 57.

Le plan de désendettement et le concordat sont homologués pourvu que les conditions des articles 11 de la présente loi et 306 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite soient remplies et 1

A. Convocation aux débats.

B. Décision.

I. Contenu.

II. Conditions de l'homologation.

330

III. Cautionnements.

1. Fournis par le débiteur.

2. Garantissant des créances non couvertes.

C. Recours contre la décision.

que les mesures prises paraissent de nature à sauvegarder l'entreprise du débiteur.

2 Pour apprécier si le dividende concordataire est approprié, l'autorité de concordat ne prend en considération le bétail du débiteur que dans la mesure où il n'est pas nécessaire au maintien de l'exploitation normale de l'entreprise désendettée.

3 Le dividende concordataire afférent aux créances chirographaires contestées par le débiteur est consigné et un délai imparti aux créanciers conformément à l'article 310 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite.

Art. 58.

1 Les cautionnements fournis par le débiteur sont éteints par l'attribution du dividende concordataire afférent aux créances chirographaires.

2 L'autorité de concordat peut cependant attribuer à un cautionnement un dividende réduit ou le déclarer éteint sans dividende.

Elle tient compte dans ce cas des circonstances, en particulier des répercussions auxquelles sont exposés le débiteur principal et les cautions conjointes, ainsi que de l'origine du cautionnement.

Art. 59.

Les cautions répondent du découvert des créances chirographaires et des créances hypothécaires qui excèdent le double de la valeur d'estimation du gage; elles n'ont pas de recours contre le débiteur.

Demeurent réservés l'article 64 et en outre, quant au cas visé en second lieu, les articles 71, 2e alinéa, 72 et 73.

Art.'60.

La décision de l'autorité de concordat est communiquée par écrit, au débiteur et à la caisse d'amortissement intégralement, à chaque créancier et caution qui a proposé des amendements, dans la mesure où elle les concerne.

2 Dans les cantons où il existe une autorité supérieure de concordat, le débiteur, la caisse d'amortissement, ainsi que les créanciers et cautions dont les propositions ont été écartées en première instance, peuvent lui déférer la décision dans les vingt jours dès sa communication.

s La décision définitive est publiée dans la feuille officielle du canton et, si l'autorité de concordat le juge utile, dans d'autres feuilles.

4 Dans les cas où un sursis avait été accordé, l'autorité de concordat en publie la caducité et la communique au conservateur du registre 1

331

foncier, à l'office des poursuites et, s'il y a lieu, au préposé au registre pour l'engagement du bétail.

Art. 61.

Au vu de la décision exécutoire de l'autorité de concordat, la caisse d'amortissement requiert du conservateur du registre foncier l'inscription de l'hypothèque à constituer en vertu de l'article 15, 2e alinéa, la radiation des droits de gage non couverts et, s'il y a lieu, la réduction de ceux qui ne sont couverts que partiellement, ainsi que l'annotation d'une restriction du droit d'aliéner conformément à l'article 74, 5e alinéa; elle établit en outre les titres de rachat pour les créanciers à désintéresser (art. 19) et les attestations de découvert au sens de l'article 20: 2 II incombe au commissaire : a. De payer le dividende concordataire aux créanciers chirographaires et, le cas échéant, d'établir les attestations de découvert d'après l'article 14, 2e alinéa, et les actes de défaut de biens au sens de l'article 50; b. De requérir du conservateur du registre foncier les modifications et radiations que la décision a rendues nécessaires à l'égard des droits de gage, en tant que cela n'a pas été fait en vertu de l'alinéa 1er; c. De faire annuler les titres de gage non couverts et, le cas échéant, annoter sur les titres de gage couverts les modifications de la créance garantie, du rang, du taux de l'intérêt et le sursis au remboursement du capital; d. De faire inscrire au registre foncier l'hypothèque à constituer en vertu de l'article 39; e. Pour les créances garanties par engagement de bétail, de communiquer les modifications1 et radiations correspondantes à l'office compétent, en vue de leur inscription sur le registre des engagements.

3 Dans tous les cas, une copie de la décision de l'autorité de concordat sert de pièce justificative pour les inscriptions, modifications et radiations au registre foncier.

1

·Art. 62.

Le commissaire doit exiger la production tant des titres de créances hypothécaires entièrement ou partiellement découvertes que des titres de gage couverts, sur lesquels il y a lieu de modifier la somme garantie, le rang, le taux de l'intérêt ou de mentionner le sursis au remboursement du capital. S'ils ne sont pas produits, la caisse d'amortissement ou le commissaire pourvoit néanmoins aux radiations et modifications nécessaires au registre foncier; la caisse x

D. Exécution de la décision.

I. Paiement du dividende concordataire et réquisitions d'inscriptions, de radiations et de modifications.

II. Titres de gage non produits.

332

d'amortissement retient les sommes afférentes à ces créances, ainsi que les titres de rachat et les attestations de découvert.

2 Ces radiations ou modifications doivent, dans ce cas, être publiées une fois dans la feuille officielle et en outre communiquées par lettres recommandées aux créanciers dont le nom et le domicile sont connus ; ces avis indiquent que les créanciers seraient punissables pour escroquerie si, sans aviser les tiers-acquéreurs, ils aliénaient ou engageaient un titre entièrement découvert, aliénaient ou engageaient pour une somme supérieure au montant couvert un titre partiellement découvert ou disposaient ainsi d'un titre couvert dont la créance est au bénéfice d'un sursis ou dont le rang ou le taux de l'intérêt ont été modifiés.

3 Si le détenteur du titre est inconnu, le commissaire fera publier la radiation ou modification en mentionnant les conséquences, indiquées au 2e alinéa, d'une aliénation ou d'un engagement du titre.

E. Modification subséquente de la décision.

I. Amélioration progressive de la situation du débiteur.

II. Retour à meilleure fortune.

Art. 63.

Si pendant l'amortissement des créances hypothécaires non couvertes, la situation du débiteur s'améliore en raison de l'accroissement du rendement ou pour d'autres causes analogues, les annuités peuvent être augmentées jusqu'au double, les contributions de la caisse d'amortissement étant réduites en conséquence.

2 A cet effet, la caisse d'amortissement doit faire une proposition en ce sens à l'autorité de concordat; celle-ci statue à la suite de débats oraux auxquels elle convoque le débiteur et la caisse d'amortissement. Les intéressés peuvent recourir contre sa décision dans les conditions prescrites à l'article 60, 2e alinéa.

3 Si la proposition est rejetée, elle ne peut pas être renouvelée avant l'expiration d'un délai de deux ans: 1

Art. 64.

Si pendant l'amortissement des créances hypothécaires non couvertes, le débiteur revient à meilleure fortune à la suite d'une succession, d'une donation ou d'une autre cause semblable, les droits découlant d'un acte de défaut de biens peuvent être exercés, dans les conditions prescrites à l'article 149, 2e et 4e alinéas, de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, par la caisse d'amortissement jusqu'à concurrence de la valeur capitalisée de ses contributions, par chaque créancier gagiste jusqu'à concurrence de son découvert, par les cautions pour leurs prestations et par l'institution de secours agricole pour les sommes versées au débiteur dans le concordat.

Si le débiteur conteste être revenu à meilleure fortune, le juge statue à la suite d'une procédure accélérée.

1

333 2

L'office des poursuites est tenu de communiquer à la caisse d'amortissement toute autorisation de séquestre sur les biens d'un débiteur désendetté.

CHAPITRE

VI

CONSOLIDATION D'ENTREPRISES DÉSENDETTÉES ,

Art. 65.

1

Dans la décision relative au désendettement, l'autorité de concordat arrête, conformément aux dispositions ci-après, les mesures propres à en assurer l'exécution et à consolider l'entreprise désendettée.

2 L'autorité de concordat fixe la période pendant laquelle ces mesures demeureront en vigueur; elles ne peuvent s'appliquer au delà de la période pendant laquelle le débiteur paie ses annuités.

A. Mesures de sûreté dans la décision de l'autorité de concordat.

Art. 66.

x

Si l'autorité de concordat ordonne le désendettement, le débiteur est soumis à une surveillance qui est exercée par un représentant de la caisse d'amortissement ou par une autre personne qualifiée; il doit ouvrir en tout temps l'accès de son domaine à la personne chargée de la surveillance et lui donner les renseignements qu'elle sollicite.

2 Cette personne surveille la gestion du domaine et aide aussi le débiteur de ses conseils; au besoin, la surveillance peut s'étendre au train de vie du débiteur et de sa famille.

3 Si la caisse d'amortissement estime remplies les conditions énoncées à l'article 395, 1er alinéa, du code civil, elle peut proposer à l'autorité compétente d'instituer un conseil légal ; en cas de refus, elle a un droit de recours.

4 Les frais de surveillance sont supportés par la caisse d'amortissement.

Art. 67.

x Tant que la surveillance dure, le débiteur a l'obligation de tenir une comptabilité adaptée à la nature et à l'importance de l'entreprise.

2 ÏÏ doit permettre en tout temps à la personne chargée de la surveillance de consulter la comptabilité et les pièces justificatives.

8 La caisse d'amortissement établit les formules relatives à la comptabilité et peut édicter des instructions de détail.

B. Mesures.

I. Surveillance.

II. Comptabilité.

334

C. Restrictions de la liberté de disposer.

D. Demeure du débiteur quant à ses annuités.

Art. 68.

Pour les constructions et réparations importantes, le débiteur est tenu de requérir l'assentiment de la personne chargée de la surveillance.

2 Pour engager valablement du bétail ou pour constituer d'autres droits de gage, l'assentiment de la caisse d'amortissement est nécessaire; demeurent en outre réservées les mesures prescrites pour l'aliénation d'entreprises désendettées et pour prévenir un nouvel endettement.

3 Le débiteur ne peut, à peine de nullité, contracter des cautionnements.

Art. 69.

Lorsque le débiteur est en demeure pour deux annuités, la caisse d'amortissement peut requérir la poursuite, à son choix, en réalisation de gage ou par voie de saisie. Elle peut en outre déclarer que toutes les annuités à venir seront exigibles à la prochaine échéance pour leur valeur capitalisée et, à défaut de paiement, introduire la poursuite en réalisation de gage.

1

CHAPITRE

VII

MESURES DE SÛRETÉ EN CAS D'ALIÉNATION D'ENTREPRISES DÉSENDETTÉES A. Aliénation d'entreprises désendettées.

I. Aliénation totale.

1. Purge des annuités.

Art. 70.

Lorsqu'une entreprise désendettée est aliénée volontairement, la caisse d'amortissement exige en règle générale le paiement de la valeur capitalisée des annuités encore dues par le propriétaire.

Une fois ce paiement effectué, l'hypothèque constituée d'après l'article 15, 2e alinéa, en faveur de la caisse d'amortissement est radiée.

2 Exceptionnellement, la caisse d'amortissement peut consentir à la reprise de. cette dette par l'acquéreur, pourvu que celui-ci offre la garantie de pouvoir exploiter rationnellement le domaine et payer les annuités.

3 En cas. de réalisation forcée, la valeur capitalisée des annuités encore dues par le propriétaire est portée à l'état des charges comme créance hypothécaire. Si cette créance est couverte par le prix d'adjudication, les annuités peuvent être purgées par le paiement comptant de la valeur capitalisée ou être mises à la charge de l'acquéreur pour être payées ultérieurement. Si la créance n'est pas entièrement couverte, elle doit être payée au comptant.

.

; 1

335

Art. 71.

a

Pour toute aliénation intervenant dans les vingt ans dès la décision relative au désendettement, l'acquéreur est tenu de verser au comptant le prix effectif à la caisse d'amortissement en tant que ce prix excède le montant des créances hypothécaires couvertes et la valeur capitalisée des annuités encore dues par le propriétaire débiteur (art. 17) ; ce prix sert d'abord à couvrir les contributions que la caisse a déjà payées, intérêts non compris, et la valeur capitalisée de celles qui restent à verser (art. 18).

2 L'excédent sert à rembourser proportionnellement le découvert des créances hypothécaires non couvertes et, s'il y a lieu, le prêt accordé par l'institution de secours agricole en vertu de l'article 39, jusqu'à concurrence de ces sommes, intérêts non compris. Ces prétentions ont le même rang.

3 Quant au solde restant après le règlement de toutes les prétentions indiquées, la caisse d'amortissement le délivre à l'aliénateur, à moins qu'un droit de gage (art. 78) ou une annotation ne soit inscrit au registre foncier en vertu des articles 619, 960 et 961 du code civil.

2. Répartition d'un excédent.

Art. 72.

1

Lorsque l'aliénation ne porte que sur une partie d'un bien-fonds ou sur un immeuble d'une entreprise comprenant plusieurs biensfonds, l'acquéreur est tenu de remettre le prix d'achat à la caisse d'amortissement, en tant que ce prix est supérieur au montant des créances hypothécaires qui priment le droit de gage de la caisse et qui, conformément à l'article 833 du code civil, sont réparties sur la parcelle aliénée. La caisse d'amortissement emploie en premier lieu cette somme pour payer les annuités que le propriétaire n'a pas encore versées (art. 70, 1er al.).

2 L'excédent sert, le cas échéant, à éteindre les prétentions déterminées d'après l'article 71, celles que vise le 1er alinéa ayant la priorité sur celles du 2e alinéa.

3 Si les annuités du propriétaire ne sont pas'entièrement payées, le créancier ne peut pas exercer le droit au remboursement prévu à l'article 833, 2e alinéa, du code civil.

II. En cas d'aliénation partielle.

Art. 73.

En cas d'expropriation totale ou partielle d'entreprises désendettées, les articles 70 à 72 s'appliquent par analogie.

III. En cas d'expropriation.

336

B. Consentement requis pour aliéner.

C. Levée des restrictions.

Art. 74.

Pendant les vingt ans qui suivent la décision relative au désendettement, aucun contrat stipulant le transfert total ou partiel de la propriété d'immeubles désendettés ne peut être valablement conclu sans le consentement de la caisse d'amortissement.

2 Ce consentement peut être refusé lorsque les montants arriérés et ceux qui sont exigibles en vertu des articles 70, 1er alinéa, 71 et 72 ne sont pas payés ou garantis, lorsqu'il existe une disproportion évidente entre le prix indiqué pour l'aliénation et la valeur vénale ou lorsque l'acquéreur, en cas d'aliénation totale, n'offre pas la garantie de pouvoir exploiter rationnellement le domaine.

8 S'il s'agit de l'aliénation d'une parcelle, le consentement peut en outre être refusé lorsque la partie restante de l'entreprise n'offrirait plus des moyens d'existence suffisants.

4 Les intéressés peuvent déférer le refus du consentement dans les trente jours à une autorité qui sera désignée par le canton.

5 Pour garantir les droits de la caisse d'amortissement et des ayants droit conformément à l'article 71, 2e alinéa, une annotation est inscrite au registre foncier sur tous les immeubles touchés. Le conservateur du registre ne peut inscrire aucun transfert de propriété relatif à ces immeubles tant que la caisse d'amortissement ne lui a pas donné son' consentement écrit.

Art. 75.

Tout propriétaire d'une entreprise désendettée peut se libérer de la restriction du droit d'aliéner visée à l'article 74 en acquittant les prestations prévues aux articles 70, 1er alinéa, et ,71, 1er et 2e alinéas, et demander à la caisse d'autoriser la radiation de l'annotation et de l'hypothèque constituée en vertu de l'article 15, 2e alinéa.

Pour obtenir la radiation de l'hypothèque inscrite conformément à l'article 39, il faut produire l'autorisation de l'institution de secours agricole.

1

TROISIÈME

PARTIE

MESURES APPLICABLES A TITRE GÉNÉRAL POUR PRÉVENIR UN NOUVEL ENDETTEMENT

Art. 76.

Sous réserve des charges foncières légales (art. 784 du code civil) et des hypothèques de droit public (art. 836 du code civil), ainsi que des cas visés aux articles 808, 3e alinéa, et 810, 2e alinéa, du code civil et des exceptions prévues par les articles 77 et 78, les biens-fonds agricoles ne peuvent être grevés de nouveaux droits

A. Charge maximale des biensfonds agricoles.

' I. Règle.

i

1

337

de gage immobilier ni de nouvelles charges foncières qu'à concurrence de leur valeur d'estimation au sens des articles 5 et 6 de la présente loi.

2 A cet égard, les droits de gage immobilier sont comptés pour la créance en capital qu'ils garantissent, et les charges foncières pour la somme inscrite comme valeur de la charge.

Art. 77.

Les hypothèques constituées en vertu des articles 15, 2e alinéa, et 39 de la présente loi peuvent être inscrites sans égard à la charge maximale.

2 Les droits de gage constitués par suite d'une amélioration du sol au sens des articles 820 et 821 du code civil peuvent être inscrits même si par là les droits de gage et charges foncières déjà existants dépassent la charge maximale.

1

Art. 78.

Abstraction faite des cas visés à l'article 77, des hypothèques dépassant la charge maximale peuvent être constituées avec le consentement de l'autorité cantonale compétente: a. Pour garantir la créance de la femme du chef de ses apports; b. Pour garantir les prêts que des institutions d'utilité publique accordent à des agriculteurs ou cautionnent en leur faveur, pour leur permettre d'acquérir ou d'agrandir une entreprise agricole ou de procéder à de grosses réparations ou transformations nécessaires.

2 Dans les cas visés à l'alinéa 1er, lettre 6, les créances doivent être amorties par des annuités équivalentes au moins à la vingtcinquième partie du capital, ces annuités étant fixées dans chaque cas par l'autorité compétente pour donner le consentement et inscrites au registre foncier. Le droit de gage s'éteint, pour chaque annuité, deux ans après qu'elle est devenue exigible.

1

Art. 79.

Si, à la suite d'une nouvelle estimation effectuée conformément à l'article 8, des créances hypothécaires couvertes se révèlent entièrement ou partiellement découvertes, le découvert doit être amorti en quinze annuités égales. L'article 78, dernière phrase, est applicable.

2 Demeure réservé le cas visé à l'article 78, 1er alinéa, lettre a.

1

II. Exceptions: 1. Sans conseil« tement.

2. Avec le consentement de l'autorité.

B. Amortissement en cas de réduction de la charge maximale.

338

C. Case hypothécaire.

D. Autorités compétentes pour autoriser des dépassements.

E. Opérations à effectuer au registre foncier.

II. Charge maxi* maie.

Art. 80.

Lorsqu'un droit de gage dépassant la charge maximale s'éteint pour un motif quelconque, la case hypothécaire ne devient pas libre de ce fait.

Art. 81.

Les cantons désignent les autorités compétentes pour autoriser les dépassements de la charge maximale conformément à l'article 78 et règlent la procédure, us sont tenus de prévoir une instance de recours.

Art. 82.

1 L'inscription d'un droit de gage sur un immeuble ayant déjà été désigné et estimé comme bien-fonds agricole doit être refusée par le conservateur du registre foncier si le droit à constituer est contraire aux dispositions des articles 76 à 78.

2 Lorsqu'il s'agit d'un immeuble n'ayant pas encore été désigné ni estimé comme bien-fonds agricole, le conservateur procède à l'inscription au journal s'il estime réunies les conditions de l'article 1er ou doute de leur applicabilité, mais il invite en même temps le propriétaire à demander, dans le délai de dix jours, une décision de l'autorité compétente assujettissant l'immeuble à la loi et, s'il y a lieu, à faire estimer l'immeuble.

8 Si le délai n'est pas observé, le conservateur refuse l'inscription.

Si l'autorité compétente déclare la présente loi inapplicable, le droit de gage est immédiatement inscrit au registre foncier.

4 Ces dispositions s'appliquent également à la constitution de charges foncières.

8 Le conservateur qui inscrit provisoirement une hypothèque légale d'artisan ou d'entrepreneur invite le créancier à introduire, dans le même délai, la procédure d'assujettissement à la loi, à défaut de quoi l'inscription provisoire sera radiée. Le propriétaire est tenu de rembourser au créancier les frais qui en résultent.

Art. 83.

L'article 848 du code civil est abrogé et remplacé par la disposition que voici: Le capital de la lettre de rente grevant des biens-fonds compris dans une entreprise agricole au sens de l'article 1er de la loi sur le désendettement d'entreprises agricoles ne peut excéder les trois quarts de la valeur de rendement déterminée conformément aux prescriptions de cette loi.

Le capital de la lettre de rente grevant d'autres fonds ruraux

339

ne peut excéder les deux tiers de la valeur de rendement du sol, plus là-moitié de la valeur des bâtiments.

Si la lettre de rente grève des immeubles urbains, son capital ne peut excéder les trois cinquièmes de la moyenne entre leur valeur de rendement et la valeur du sol et des bâtiments.

Pour les immeubles visés aux 2e et 3e alinéas, l'estimation a lieu suivant une procédure officielle réglée par la législation cantonale.

Art. 84.

L'article 850, 2e alinéa, du code civil est abrogé et remplacé par la disposition que voici: Abstraction faite des cas déterminés par la loi, le créancier ne peut exiger le remboursement qu'à la fin de chaque période de quinze ans et après avis donné une année à l'avance.

QUATRIÈME

PARTIE

DROIT SUCCESSORAL

Art. 85.

Les articles 619, 620, 621 et 625 du code civil sont abrogés et remplacés par les dispositions que voici: Art. 619. Lorsque tout ou partie d'un immeuble attribué à un héritier pour un prix inférieur à sa valeur vénale est vendu dans les quinze années à compter du partage, les cohéritiers ont le droit de réclamer leur quote-part du gain, si ce droit a été annoté au registre foncier lors du partage.

Ils ne peuvent toutefois rien recevoir au delà de ce qu'ils auraient obtenu dans le partage si l'immeuble avait été attribué pour un prix égal à sa valeur vénale.

Les cohéritiers n'ont aucun droit sur la plus-value résultant d'améliorations, de constructions, de la crue des bois et d'autres causes semblables.

Art. 620. S'il existe parmi les biens une exploitation agricole constituant une unité économique et offrant des moyens d'existence suffisants, elle doit être attribuée entièrement à celui des héritiers qui le demande et qui paraît capable de se charger de l'entreprise; le prix en est fixé à la valeur de rendement et s'impute sur la part de l'héritier.

En pareil cas, le prix d'attribution est fixé conformément aux prescriptions de la loi sur le désendettement d'entreprises agricoles.

3. Part des héritiers au gain.

V. Exploitations agricoles.

I. Exclusion du partage, a. Conditions.

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L'héritier peut exiger que le bétail, le matériel et les approvisionnements servant à l'exploitation lui soient également attribués.

b. Désignation de l'héritier auquel l'exploitation est attribuée.

2. Possibilité du partage.

5. Sort des exploitations accessoires.

6. Aliénation.

Art. 621. En cas d'opposition d'un héritier ou si des compétitions se produisent, l'autorité compétente décide de l'attribution. Lorsque le défunt laisse comme héritiers des enfants mineurs, l'époux survivant a le droit de réclamer par préférence que l'exploitation lui soit attribuée pour le tout, s'il paraît capable de s en charger. Si ces conditions ne sont pas remplies, l'autorité décide de l'attribution en tenant compte des usages locaux et, à défaut d'usages, de la situation personnelle des héritiers.

Les héritiers qui entendent exploiter l'entreprise eux-mêmes ont le droit de réclamer par préférence qu'elle leur soit attribuée pour le tout.

Si aucun des fils ne veut se charger personnellement de l'exploitation, les filles ou leurs maris qui seraient capables de la diriger peuvent demander qu'elle leur soit attribuée.

Art. 621bis. Lorsque plusieurs héritiers capables sont en compétition et que l'entreprise agricole se prête, en raison de son étendue et de sa nature, à un parcellement en plusieurs exploitations viables, un partage peut être opéré à la requête des compétiteurs.

En cas de contestation, l'autorité compétente statue.

Art. 625. Lorsqu'une industrie accessoire est inséparablement liée à l'entreprise agricole constituant l'exploitation principale, elle est assignée à l'attributaire de l'entreprise agricole qui le demande et paraît capable de se charger du tout ; le prix de l'industrie accessoire est fixé à la valeur vénale, tandis que l'entreprise principale est attribuée à la valeur de rendement; les deux valeurs s'imputent sur la part de l'héritier.

Si l'attributaire de l'entreprise principale conteste que l'industrie accessoire soit séparable ou si l'un des héritiers s'oppose à l'attribution globale ou si des compétitions se produisent, l'autorité compétente décide de l'attribution, de la vente ou de la séparation de l'industrie accessoire, en tenant compte des moyens d'existence économique offerts par les deux éléments précédemment réunis et de la situation personnelle des héritiers.

En cas de contestation, la même autorité fixe la valeur pour laquelle l'industrie accessoire est imputée sur la part de l'héritier, Art. 625bis. S'il se révèle impossible d'attribuer une entreprise agricole dans son entier à un ou plusieurs héritiers conformément aux dispositions qui précèdent, chaque héritier peut exiger la vente du tout et le partage du prix de vente.

341

Lorsque l'entreprise agricole se prête, en raison de son étendue et de sa nature, à un parcellement en plusieurs exploitations viables ou que l'industrie accessoire qui y est rattachée peut en être séparée sans que la situation de l'entreprise principale et de l'industrie accessoire soit compromise, l'un des héritiers peut exiger sous les mêmes conditions le partage de l'exploitation et la vente des parcelles.

La vente se fait aux enchères si l'un des héritiers le demande; faute par ces derniers de s'entendre, l'autorité compétente décide si les enchères seront publiques ou si elles n'auront lieu qu'entre héritiers.

CINQUIÈME

PARTIE

MESUBES EN FAVEUR DES FERMIERS CHAPITRE

PREMIER

SURSIS

Art. 86.

Lorsque, par suite de la crise économique, le fermier d'une entre- A. Conditions et prise agricole se trouve, sans sa* faute, hors d'état de remplir ses étendue.

engagements, il peut demander à l'autorité de concordat: a. De porter à six mois au maximum le délai à lui assigné par le bailleur conformément à l'article 293 du code des obligations ; 6. De lui accorder un sursis de six mois au maximum pour ses autres engagements.

Art. 87.

Le requérant est tenu de remettre à l'autorité de concordat: B. Requête du débiteur.

1° Le contrat de bail à ferme ou d'autres pièces indiquant le montant et l'échéance du fermage, ainsi que la durée du bail; 2° Une liste de ses autres créanciers, mentionnant leurs prétentions et les échéances; 3° Les pièces concernant les poursuites qui seraient en cours contre lui.

Art. 88.

1 L'autorité de concordat apprécie la situation financière du débi- C. Procédure.

teur et les causes de sa demeure; elle examine, en particulier, si le fermage est adapté aux circonstances.

2 Elle communique la requête du débiteur au bailleur et aux autres créanciers et la soumet à l'appréciation de l'institution de secours Feuille fédérale. 88e année. Vol. II.

23

342

D. Décision.

E. Communication et effets de la décision.

agricole. Elle peut publier un appel aux créanciers et prendre, si elle le juge nécessaire, encore d'autres mesures.

3 Lorsque le fermier sollicite seulement une prorogation de délai conformément à l'article 86, lettre a, le bailleur peut proposer de lui accorder en outre le sursis prévu à l'article 86, lettre b, pour les autres créances.

4 Si l'état des poursuites l'exige, l'autorité de concordat peut, après avoir avisé l'office des poursuites, suspendre provisoirement les réalisations.

Art. 89.

1 L'autorité de concordat statue à titre définitif, à la suite de débats oraux auxquels elle convoque le fermier, le bailleur, les autres créanciers touchés par le sursis et, le cas échéant, les cautions.

2 Elle peut soumettre au débiteur et aux créanciers des propositions de réduction volontaire des créances, notamment lorsque l'institution de secours agricole accorde une aide au débiteur et que la réduction des créances rend le sursis superflu ou permet de l'abréger.

3 Si elle estime que le fermage est exagéré, elle peut subordonner toute mesure destinée à décharger le débiteur à la condition que le bailleur réduise convenablement le fermage.

4 Lorsqu'elle accorde un sursis, l'autorité de concordat peut, pour sauvegarder les intérêts des créanciers, ordonner que l'exploitation du fermier soit surveillée par un homme de confiance de l'institution de secours agricole ou par une autre personne qualifiée.

Art. 90.

L'autorité de concordat communique à l'office des poursuites et au bailleur la prorogation du délai pour le paiement du fermage.

2 Le sursis concernant les autres créances est publié; il produit les effets indiqués aux articles 317 g à 317 le de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, sauf qu'il se rapporte aussi aux créances inférieures à cinquante francs.

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CHAPITRE II EFFETS DU DÉSENDETTEMENT SUR LE BAIL A FERME A. Réduction du fermage.

Art. 91.

Lorsqu'une entreprise donnée à ferme a été désendettée conformément à l'article 10, chiffre 1er, le propriétaire est tenu d'accorder au fermier une réduction de fermage proportionnelle à la décharge dont il bénéficie lui-même.

2 En cas de contestation, l'autorité de concordat décide.

1

343

Art. 92.

L'autorité de concordat communique la requête au bailleur, aux B. Procédure.

cautions et à l'institution de secours agricole, et elle les convoque aux débats.

2 Le fermier est tenu de produire le bail ou d'autres pièces indiquant le montant et l'échéance du fermage, ainsi que la durée du contrat; quant au bailleur, il doit produire la décision relative au désendettement.

3 L'autorité de concordat apprécie la situation financière du fermier et les causes de sa demeure; elle examine, en particulier, si le fermage est approprié aux circonstances. Elle prend les mesures qui lui paraissent nécessaires.

4 Si le bailleur a introduit une poursuite contre le fermier en demeure ou lui a déjà imparti le délai prévu à l'article 293 du code des obligations en le menaçant de la résiliation du bail, l'autorité de concordat peut suspendre provisoirement la poursuite ou l'effet de cette sommation.

Art. 93.

1 L'autorité de concordat statue sur la base de débats oraux. C. Décision.

2 La réduction peut s'appliquer à des fermages déjà échus.

3 La décision est notifiée par écrit aux parties.

4 Dans les cantons où il existe une autorité supérieure de concordat, la décision peut lui être déférée dans les dix jours dès la notification.

1

SIXIÈME

PARTIE

FRAIS ET ÉMOLUMENTS

Art. 94.

1

Pour toutes les dispositions prises dans la procédure de désendettement, l'autorité de concordat perçoit un émolument unique de cent francs au maximum.

2 Elle peut en mettre une partie à la charge de la caution qui a demandé le bénéfice du sursis au remboursement du capital, conformément à l'article 34.

3 Pour la procédure et la décision concernant l'augmentation des annuités du débiteur en vertu de l'article 63 ou la révocation du sursis au remboursement du capital d'après l'article 36, l'autorité de concordat perçoit de la partie qui succombe un émolument de cinquante francs au maximum.

A. Autorité de concordat.

I. Procédure de désendettement.

344 4

Le débiteur avance à l'autorité de concordat les dépens de la procédure de désendettement; dans les cas visés au 3e alinéa, l'avance est faite par la partie requérante.

Art. 95.

II. Mesures en faveur des fermiers.

Pour la procédure et la décision concernant les mesures en faveur des fermiers (art. 89 et 93), l'autorité de concordat perçoit du requérant un émolument de cinquante francs au maximum, sans préjudice de ses dépens.

Art. 96.

III. Procédure de recours.

En cas de recours, l'autorité cantonale supérieure de concordat perçoit de la partie qui succombe un émolument de cinquante francs au maximum, sans préjudice de ses dépens.

Art. 97.

B. Institutions de secours agricole.

C. Emoluments du registre foncier.

D. Commissaire.

Dans la mesure où les institutions de secours agricole existantes exercent leur activité en vertu de la présente loi, les prescriptions qui les régissent déterminent si le débiteur doit leur payer des dépenou émoluments; ceux-ci seront aussi modérés que possible.

Art. 98.

Aucun émolument ne peut être perçu pour les inscriptions, mentions, modifications et radiations à effectuer au registre foncier et sur les titres de gage en exécution de mesures de désendettement prévues par la présente loi.

Art. 99.

L'autorité de concordat fixe l'indemnité que le débiteur doit allouer au commissaire dans la procédure de désendettement.

3 Toutefois, aucun émolument ne pourra être calculé plus haut que ne le prévoit le tarif des frais applicable à la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite.

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Art. 100.

E. Autres autorités cantonales.

Les cantons règlent la perception des émoluments et le remboursement des dépens à l'égard des autorités cantonales à désigner d'après la présente loi pour reconnaître le caractère agricole des biens-fonds (art. 3), pour procéder aux estimations et les reviser (art. 7 et 8), ainsi que pour autoriser le dépassement de la charge maximale (art. 81).

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SEPTIÈME PASTI E DISPOSITIONS TBANSITOIRES ET FINALES

Art. 101.

Au sens de la présente loi, la valeur capitalisée des annuités se calcule sur la base d'un intérêt de quatre pour cent.

Art. 102.

Pour l'application du concordat compris dans le désendettement, la collaboration de l'institution de secours agricole existante demeure réservée.

2 Les cantons peuvent confier à la caisse d'amortissement l'administration de l'institution de secours agricole. Toutefois, la responsabilité subsidiaire du canton (art. 40, 2e al.) ne s'étend pas aux engagements de cette institution.

1

Art. 103.

Pour les droits de gage qui, à l'entrée en vigueur de la présente loi, grèvent des immeubles agricoles, la charge maximale visée à l'article 76 est inapplicable aussi longtemps que ces immeubles ne sont pas l'objet d'une procédure de désendettement.

2 Si ces droits de gage excèdent la charge maximale, la case hypothécaire ne devient pas libre du fait de leur radiation.

1

Art. 104.

Les cantons ont la faculté de légiférer sur l'amortissement des créances existantes qui excèdent la charge maximale au sens de la présente loi et sont garanties par des droits de gage constitués sur des immeubles agricoles non désendettés.

Art. 105.

Le droit successoral paysan prévu par la présente loi s'applique à toutes les successions comprenant une exploitation agricole, pourvu qu'à l'entrée en vigueur de la loi le partage ne soit pas encore clos et que le défunt n'ait pas disposé autrement sur l'imputation ou l'attribution de l'exploitation.

Art. 106.

Les dispositions d'application prises par les cantons sont soumises à l'approbation du Conseil fédéral.

A. Calcul de la valeur capitalisée.

B. Situation de l'institution de secours agricole.

C. Charge maximale.

I. Droits de gage grevant des Immeubles non désendettés.

II. Amortissement de droits de gage excédant la charge maximale.

D. Droit successoral.

E. Dispositions cantonales d'application.

346

P. Surveillance du Conseil fédéral.

0. Entrée en vigueur.

Art. 107.

iLe Conseil fédéral est autorisé à édicter par voie d'ordonnance les prescriptions nécessaires à l'exécution de la présente loi et à arrêter les instructions propres à en assurer l'application uniforme.

2 II peut demander aux autorités cantonales des rapports annuels et contrôler par des inspections l'application de la loi.

Art. 108.

iLe Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

2 A partir de cette date, les mesures juridiques prévues par l'arrêté fédéral du 28 septembre 1934 ne pourront plus être requises.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui du projet de loi sur le désendettement d'entreprises agricoles. (Du 23 juin 1936.)

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