11.2.2

Message concernant les accords de promotion et de protection réciproque des investissements avec le Kenya et la Syrie du 16 janvier 2008

11.2.2.1 11.2.2.1.1

Partie générale Contexte

Depuis novembre 2006, la Suisse a signé, sous réserve de ratification, deux nouveaux accords bilatéraux de promotion et de protection réciproque des investissements (APPI). Il s'agit des accords avec le Kenya et la Syrie.

Les APPI ont pour but d'assurer aux investissements effectués dans les pays partenaires par des personnes privées et des entreprises suisses, comme à ceux effectués en Suisse par des investisseurs du pays partenaire, une protection contractuelle contre les risques non commerciaux. Sont notamment visées les discriminations étatiques par rapport aux investisseurs nationaux, les expropriations illicites ou les restrictions aux transferts des revenus et autres montants afférents à l'investissement.

Des procédures de règlement des différends permettent, si nécessaire, de recourir à l'arbitrage international pour assurer l'application des normes contractuelles. En concluant des APPI, les parties peuvent améliorer les conditions-cadres de leur site économique et donc l'attrait de celui-ci pour les investissements internationaux.

Pour la Suisse, l'investissement international joue depuis longtemps un rôle de premier plan. Le stock d'investissements directs suisses à l'étranger (560 milliards de francs à la fin de 2005) et le nombre de places de travail offertes hors de Suisse par les entreprises suisses (2 millions) affichent, en comparaison internationale, un niveau exceptionnel. Quant aux investissements directs étrangers en Suisse, ils atteignaient, la même année, 220 milliards de francs et offraient du travail à plus de 320 000 personnes.

La mondialisation croissante de l'économie montre que l'investissement international est un facteur déterminant de croissance et de développement pour la plupart des économies nationales. Pourtant, il n'existe toujours pas d'ordre universel dans ce domaine, comparable à l'OMC pour le commerce international. Tendant à combler cette lacune, les APPI constituent, à l'égard des pays non membres de l'OCDE, un instrument indispensable de la politique économique extérieure suisse.

Le fait que l'initiative de négocier de tels accords vienne aujourd'hui souvent des pays en développement ou en transition eux-mêmes illustre l'intérêt réciproque de cette démarche.

Depuis 1961, la Suisse a conclu 122 APPI, dont 108 sont en vigueur. Jusqu'en 2004, la conclusion
de tels accords relevait du Conseil fédéral en vertu d'une délégation de compétence. Renonçant à demander le renouvellement de celle-ci compte tenu de l'importance croissante des APPI, le Conseil fédéral soumettait en 2006 un message

2007-2873

903

au Parlement, l'invitant à approuver cinq nouveaux APPI1; cet aval fut obtenu en juin 2007. Simultanément, le Parlement prenait acte, en l'approuvant, de l'intention du Conseil fédéral de soumettre, dans la règle, les APPI à son approbation dans le cadre du rapport annuel sur la politique économique extérieure. Les deux présents APPI sont donc les premiers à être présentés au Parlement selon cette procédure.

11.2.2.1.2

Situation économique des deux pays et relations d'investissement avec la Suisse

Kenya Le Kenya possède une population de 35 millions d'habitants, pour un PIB annuel de 600 dollars par tête. Le pays n'est pas seulement un pôle de stabilité régionale, mais aussi le centre commercial et financier de l'Afrique de l'Est. En particulier sa capitale, Nairobi, a vu s'installer de nombreuses entreprises étrangères opérant dans la région. Le secteur privé est le moteur d'une croissance d'environ 6 % en moyenne ces trois dernières années et anime une structure économique bien diversifiée.

L'agriculture et la pêche atteignent presque 30 % du PIB, le secteur industriel, près de 17 %. Les services tiennent une place prépondérante avec plus de 50 % de la création de valeur, le commerce, les transports, les télécommunications et le tourisme occupant les premiers rangs. Le gouvernement kényan s'efforce d'attirer davantage les investisseurs étrangers en ouvrant l'économie du pays. Le Kenya est la sixième destination des investissements suisses en Afrique, surtout présents dans l'agroalimentaire, les fleurs, le tourisme et les services d'inspection. Les investissements directs kényans en Suisse sont encore négligeables.

Syrie Les 20 millions d'habitants de la Syrie disposent chacun d'un revenu annuel moyen de 1600 dollars. La croissance du PIB a connu une accélération proche de 5 % ces trois dernières années. L'économie syrienne continue à être fortement centrée sur les secteurs du pétrole et du gaz, qui représentent près de 30 % du PIB et 70 % des revenus des exportations. Le secteur agricole conserve également un poids substantiel (30 % du PIB). Les services et l'industrie restent moins développés, bien que le secteur des textiles constitue 10 % des exportations syriennes. Malgré des améliorations récemment apportées au climat d'investissement ­ en matière d'imposition des entreprises privées, par exemple ­, la Syrie n'attirent jusqu'ici que relativement peu les investissements étrangers. Hors des secteurs du pétrole et du gaz, le groupe de produits alimentaires Nestlé est aujourd'hui l'investisseur étranger le plus important en Syrie. En revanche, les investissements syriens en Suisse sont encore très modestes.

1

904

Message du Conseil fédéral du 22 septembre 2006 (FF 2006 8023).

11.2.2.2 11.2.2.2.1

Commentaire Déroulement des négociations

Kenya Pour le Kenya, cet APPI avec la Suisse constituera l'un des premiers accords de ce type. Un cycle initial de négociation s'est tenu à Nairobi en 2003, un second à Berne, en mars 2006, à l'issue duquel l'accord a pu être paraphé. Sa signature a eu lieu à Nairobi le 14 novembre 2006.

Syrie En 1977, la Suisse et la Syrie avait conclu un premier APPI, entré en vigueur en 19782. Cet accord ne répondant plus aux exigences d'aujourd'hui, notamment en raison de l'absence d'un mécanisme d'arbitrage international permettant à l'investisseur de régler un différend directement avec l'Etat hôte (règlement des différends investisseur-Etat), des négociations en vue d'un nouvel APPI ont été lancées en août 2004, à l'occasion de la visite à Berne du ministre syrien de l'économie et du commerce. Elles se sont poursuivies par la voie diplomatique, pour aboutir au paraphe de l'accord en février 2007. Celui-ci a été signé à Damas le 9 mai 2007.

11.2.2.2.2

Contenu des accords

Les accords concernant la promotion et la protection des investissements conclus ces quinze dernières années par la Suisse concordent dans une large mesure quant à leur contenu. Les textes conventionnels négociés avec le Kenya et la Syrie contiennent les principes fondamentaux défendus par notre pays dans ce domaine3. En outre, ils ne portent pas préjudice ou ne contiennent pas de dispositions qui remettraient en question les obligations internationales existantes en matière sociale et environnementale. Les normes internationales retenues apporteront un surcroît de sécurité juridique aux investisseurs suisses déjà présents dans ces pays ou qui désirent y investir.

Préambule Le préambule des accords énonce le but assigné à ceux-ci et relève expressément (Syrie) que les objectifs fixés doivent pouvoir être atteints sans abaisser les normes relatives à la santé, à la sécurité et à l'environnement.

Définitions L'art. 1 des deux APPI contient les définitions des principaux termes utilisés, en particulier les notions d'investisseur, qu'il s'agisse d'une personne physique ou d'une entité juridique, ainsi que celles d'investissement et de revenus.

Champ d'application Selon l'art. 2 de chacun des accords, ceux-ci sont applicables aux investissements réalisés avant ou après leur entrée en vigueur, mais ne le sont pas aux différends antérieurs à celle-ci. Dans l'APPI avec la Syrie, le principe du contrôle de l'inves2 3

Accord entre la Confédération suisse et la République arabe syrienne concernant l'encouragement et la protection réciproques des investissements (RS 0.975.272.7).

Cf. message du Conseil fédéral du 22 septembre 2006 (FF 2006 8023).

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tissement par un investisseur de l'autre partie prend aussi place dans la disposition sur le champ d'application, alors que dans l'APPI avec le Kenya, il se trouve rattaché à la notion d'investisseur (art. 1, al. 1, let. c).

Promotion, admission Les art. 3 soulignent, d'une part, la volonté de chaque partie de promouvoir, dans la mesure du possible, les investissements des investisseurs de l'autre partie sur son territoire. D'autre part, ils contiennent l'engagement des parties de délivrer, conformément à leurs législations respectives, les autorisations requises en relation avec les investissements, une fois ceux-ci admis. Cela concerne surtout les permis requis pour l'emploi du personnel clé choisi par l'investisseur. Enfin, l'APPI avec la Syrie ajoute ici une obligation relative à l'accessibilité et à la transparence des textes réglementaires nationaux pouvant affecter les investissements des investisseurs de l'autre partie.

Protection et traitement général Cette disposition (Kenya: art. 4, al. 1; Syrie: art. 4) octroie aux investissements des investisseurs de l'autre partie les standards du «traitement juste et équitable» et «de la garantie d'une protection et d'une sécurité constantes», tous deux ancrés dans le droit international coutumier.

Traitement national et traitement de la nation la plus favorisée L'assurance du traitement national ou de celui de la nation la plus favorisée complète ce dispositif (Kenya: art. 4, al. 2 et 3; Syrie: art. 5, al. 1 et 2). Le second traitement ne s'étend toutefois pas aux privilèges consentis à un Etat tiers dans le cadre d'une zone de libre-échange, d'une union douanière ou d'un marché commun, ou en vertu d'un accord pour éviter la double imposition (Kenya: art. 4, al. 5; Syrie: art. 5, al. 3). De plus, à la demande du Kenya, chaque partie conserve le droit d'accorder des incitations spéciales à ses propres nationaux et sociétés afin de stimuler la création d'industries locales, mais à condition de ne pas affecter de façon significative les investissements des investisseurs de l'autre partie (al. 4).

Transfert des montants afférents à l'investissement Aux termes des art. 5 (Kenya) et 6 (Syrie) est garanti le libre transfert des montants afférents à l'investissement, c.-à-d. leur transfert, dans le territoire de l'autre partie et hors de celui-ci,
sans restriction ni retard, et dans une monnaie librement convertible.

Expropriation, indemnisation Des mesures de dépossession directe et indirecte (Kenya: art. 6; Syrie: art. 7) ne sont possibles que si les parties en respectent les conditions, strictes, comme l'existence d'un intérêt public, la non-discrimination, le versement d'une indemnité à l'investisseur et le respect des garanties prévues par la loi.

Indemnisation des pertes En cas de pertes provoquées par des conflits armés ou des troubles civils (Kenya: art. 7; Syrie: art. 8), l'investisseur ne pourra pas être discriminé: il se verra accorder le traitement national ou celui de la nation la plus favorisée, le plus favorable l'emportant.

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Subrogation La subrogation dans les droits de l'investisseur (Kenya: art. 8; Syrie: art. 10) vise le cas du paiement effectué par une partie en vertu d'une garantie ou d'une assurance contre des risques non commerciaux octroyée par elle à l'un de ses investisseurs.

Autres obligations En vertu de ces dispositions (Kenya: art. 11; Syrie: art. 9), toutes les autres obligations du pays hôte plus favorables aux investissements des investisseurs de l'autre partie ­ que celles-ci découlent d'engagements spécifiques passés avec un investisseur, de la législation nationale ou du droit international ­ seront respectées.

Règlement des différends entre une partie et un investisseur de l'autre partie Selon ce volet du dispositif de règlement des litiges (Kenya: art. 9; Syrie: art. 11), l'investisseur et l'Etat hôte doivent s'efforcer, dans un premier temps, de régler celui-ci à l'amiable. En cas d'insuccès, l'investisseur a le choix entre la juridiction nationale compétente du pays d'accueil et l'arbitrage international selon les règles du CIRDI4, ou dans le cadre d'un arbitrage ad hoc.

Règlement des différends entre les parties Ce second volet du dispositif (Kenya: art. 10; Syrie: art. 12) traite des différends entre les parties contractantes concernant l'interprétation ou l'application de l'accord. Deux étapes sont également prévues pour les litiges de cette nature: la conduite de consultations et, en l'absence de solution amiable, la soumission du différend à un tribunal arbitral.

Clauses finales Les accords (Kenya: art. 12; Syrie: art. 13) sont valables pour une durée initiale de dix ans, puis seront reconduits tacitement (indéfiniment: Kenya; pour des périodes successives de deux ans: Syrie), à moins qu'ils ne soient dénoncés avec un préavis de douze (Kenya) ou de six mois (Syrie). En cas de dénonciation, leurs dispositions continueront de s'appliquer pendant une période supplémentaire de dix ans aux investissements effectués avant leur expiration. Le nouvel accord avec la Syrie remplacera celui de 1977 (art. 13, al. 3).

11.2.2.3 11.2.2.3.1

Conséquences Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes

La conclusion des présents accords n'a pas de conséquences sur les finances et sur l'état du personnel de la Confédération, des cantons et des communes. Il n'est cependant pas exclu que la Suisse soit un jour impliquée ­ par une partie contractante ou un investisseur étranger ­ dans une procédure de règlement des différends (cf. ci-dessus: Règlement des différends entre une partie et un investisseur de l'autre partie et Règlement des différends entre les parties) ou appelée à intervenir dans le cadre d'une procédure formelle de règlement des différends afin d'assurer le respect de l'un des accords, ce qui pourrait, selon le cas, avoir certaines répercussions finan4

Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (RS 0.975.2)

907

cières. Dans cette hypothèse, il appartiendrait au Conseil fédéral de régler la question de leur prise en charge et, le cas échéant, de demander un crédit spécifique au Parlement.5

11.2.2.3.2

Conséquences économiques

L'impact économique des accords de protection des investissements ne peut être estimé sur le modèle des évaluations conduites lors de la conclusion de conventions de double imposition ou d'accords de libre-échange, dans le cadre desquelles les prévisions de gains ont pour corollaire celles de pertes de recettes fiscales ou douanières.

L'importance économique des APPI réside dans le fait qu'ils fournissent une base de droit international public à nos relations d'investissement avec les pays partenaires, y renforçant alors considérablement la sécurité juridique de nos investisseurs et réduisant les risques de voir ceux-ci discriminés ou lésés d'une autre façon.

Déjà soulignée par la mondialisation, la pertinence économique de tels accords prend une dimension particulière pour la Suisse vu la taille réduite de son marché intérieur. Par le soutien apporté à nos entreprises ­ spécialement les PME ­ qui affrontent la concurrence internationale en investissant à l'étranger, les APPI renforcent également la place économique suisse.

11.2.2.4

Liens avec le programme de la législature

Le projet n'est pas annoncé dans le Rapport sur le Programme de la législature 2003 à 20076.

11.2.2.5

Constitutionnalité

Aux termes de l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)7, les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération. La compétence de l'Assemblée fédérale d'approuver les traités internationaux découle de l'art. 166, al. 2, Cst.

Selon l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., sont sujets au référendum facultatif en matière de traités internationaux les accords qui sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables (ch. 1), qui prévoient l'adhésion à une organisation internationale (ch. 2), qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales (ch. 3).

Les présents accords peuvent être dénoncés dès la fin de leur période initiale de validité, puis au terme de chaque période ultérieure (Syrie) ou à tout moment (Kenya), moyennant un préavis de six ou douze mois (cf. ci-dessus: ch. 2.2, Clauses finales). Ils n'impliquent pas d'adhésion à une organisation internationale.

5 6 7

908

Cf. message du Conseil fédéral du 22 septembre 2006, note de bas de page 10 (FF 2006 8023).

FF 2004 1035 RS 101

Ces accords contiennent des dispositions fixant des règles de droit au sens de l'art. 22, al. 4, de la loi sur le Parlement8. Pour ce qui est de leur importance, les Chambres fédérales ont clairement admis, lors des délibérations9 sur le message du Conseil fédéral du 22 septembre 200610, que les APPI dont le contenu est similaire à celui d'autres APPI conclus antérieurement et qui n'entraînent pas de nouveaux engagements importants échappent au référendum facultatif en matière de traités internationaux. Les deux accords en cause sont d'une portée économique, juridique et politique n'allant pas au-delà de celle des APPI déjà conclus ces quinze dernières années par la Suisse. Ils n'entraînent pas de nouveaux engagements importants pour la Suisse. Comme c'est le cas des APPI déjà conclus par la Suisse, la mise en oeuvre des présents accords n'exige pas l'adoption de lois fédérales.

Pour ces motifs, le Conseil fédéral propose que les arrêtés fédéraux d'approbation relatifs à ces accords ne soient pas sujets au référendum facultatif en matière de traités internationaux au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

8 9 10

RS 171.10 BO 2006 E 1169; BO 2007 N 837 FF 2006 8023

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