08.036 Message relatif à l'initiative populaire «Contre les mauvais traitements envers les animaux et pour une meilleure protection juridique de ces derniers (initiative pour l'institution d'un avocat de la protection des animaux)» du 14 mai 2008

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons le message relatif à l'initiative populaire «Contre les mauvais traitements envers les animaux et pour une meilleure protection juridique de ces derniers (initiative pour l'institution d'un avocat de la protection des animaux)» et vous proposons de la soumettre au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter.

Nous ne présentons aucun contre-projet.

Le projet d'arrêté fédéral est joint au message.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

14 mai 2008

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Pascal Couchepin La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2008-0498

3883

Condensé Le 26 juillet 2007, la Protection Suisse des Animaux PSA a déposé l'initiative populaire fédérale «Contre les mauvais traitements envers les animaux et pour une meilleure protection juridique de ces derniers (initiative pour l'institution d'un avocat de la protection des animaux)».

L'initiative prévoit de compléter l'art. 80 de la Constitution (Cst.) par deux nouveaux alinéas: ­

L'al. 4 vise à inscrire dans la Constitution le principe selon lequel la Confédération doit édicter des dispositions sur la protection des animaux en tant qu'êtres vivants doués de sensations.

­

L'al. 5, qui est l'essence même de l'initiative, oblige les cantons à prévoir que les animaux lésés puissent être représentés en justice, d'office, par des défenseurs adéquats. Autrement dit, l'initiative a pour but de conférer une position plus favorable aux animaux lésés sur le plan de la procédure en cas d'actions tendant à faire appliquer des dispositions les protégeant.

L'al. 4 proposé par les auteurs de l'initiative vise à régler le statut de l'animal dans l'ordre juridique suisse. Une telle disposition n'est pas nécessaire. En effet, la Confédération, se fondant sur les art. 122 et 123 Cst. a déjà légiféré sur le statut juridique de l'animal. Celui-ci a été amélioré par l'introduction de nouvelles dispositions législatives, notamment suite à l'initiative parlementaire Marty «Les animaux dans l'ordre juridique suisse».

Conformément au nouveau code de procédure pénale (CPP), adopté par le Parlement le 5 octobre 2007, les cantons qui entendent instituer un défenseur public des animaux en ont la possibilité. Force est de constater que jusqu'ici, seuls trois cantons ont aménagé une norme spéciale à cet effet. Dès lors, obliger les cantons à prévoir une telle institution constituerait une ingérence inutile dans leur liberté d'organisation.

Le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de soumettre au peuple et aux cantons l'initiative populaire «Pour l'institution d'un avocat de la protection des animaux» en leur recommandant de la rejeter.

3884

Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Forme de l'initiative

1.1.1

Teneur

Présentée sous la forme d'un projet rédigé, l'initiative populaire «Contre les mauvais traitements envers les animaux et pour une meilleure protection juridique de ces derniers (initiative pour l'institution d'un avocat de la protection des animaux)» a été examinée à titre préliminaire par la Chancellerie fédérale le 17 janvier 20061 et déposée le 26 juillet 2007 à la Chancellerie fédérale, munie de 144 844 signatures valables. Elle a la teneur suivante: La Constitution du 18 avril 1999 est modifiée comme suit: Art. 80, al. 4 et 5 (nouveaux) La Confédération édicte des dispositions sur la protection des animaux en tant qu'êtres vivants doués de sensations.

4

En cas de procédures pénales motivées par des mauvais traitements envers des animaux ou par d'autres violations de la législation sur la protection des animaux, un avocat de la protection des animaux défendra les intérêts des animaux maltraités.

Plusieurs cantons peuvent désigner un avocat de la protection des animaux commun.

5

1.1.2

Aboutissement

Le 13 août 2007, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative populaire «Contre les mauvais traitements envers les animaux et pour une meilleure protection juridique de ces derniers (initiative pour l'institution d'un avocat de la protection des animaux)» avait formellement abouti.2

1.1.3

Délai de traitement

Conformément à l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl; RS 171.10), le Conseil fédéral soumet à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message dans un délai d'un an à compter du dépôt de l'initiative populaire tendant à la révision partielle de la Constitution. Par conséquent, le Conseil fédéral a jusqu'au 26 juillet 2008 pour soumettre à l'Assemblée fédérale le présent message. En vertu de l'art. 100 de cette même loi, l'Assemblée fédérale dispose quant à elle d'un délai de 30 mois à compter du dépôt d'une initiative afin de décider si elle recommandera au peuple et aux cantons l'acceptation ou le rejet de l'initiative.

1 2

FF 2006 1041 FF 2007 5759

3885

1.2

Validité

1.2.1

Unité de la forme

Selon les art. 139 (ancien), al. 2 et 3, et 194, al. 3, Cst., une initiative populaire tendant à la révision partielle de la Constitution ne peut revêtir que la forme d'une proposition conçue en termes généraux ou celle d'un projet rédigé. Les formes hybrides ne sont pas autorisées. L'initiative «Pour l'institution d'un avocat de la protection des animaux» revêt, dans sa totalité, la forme d'un projet rédigé. Elle respecte donc le principe de l'unité de la forme.

1.2.2

Unité de la matière

Le principe de l'unité de la matière au sens des art. 139 (ancien), al. 3, et 194, al. 2, Cst. vise à garantir que le texte de l'initiative sur lequel le souverain sera appelé à voter ne porte pas sur plusieurs points n'ayant aucune relation objective les uns avec les autres. Il s'agit, en fait, de garantir l'expression libre et authentique de la volonté populaire lors des votations.

L'initiative «Pour l'institution d'un avocat de la protection des animaux» a pour seul thème la protection des animaux, et plus particulièrement, la défense en justice des intérêts des animaux lésés. Elle vise à ce que ces derniers soient défendus en justice par des avocats. L'initiative respecte donc le principe de l'unité de la matière.

1.2.3

Compatibilité avec le droit international

Les art. 139 (ancien), al. 3, et 194, al. 2, Cst. disposent que les initiatives populaires tendant à la révision partielle de la Constitution doivent respecter les règles impératives du droit international. En prescrivant aux cantons l'obligation de prévoir un avocat chargé de défendre en justice les intérêts des animaux lésés, l'initiative vise à réformer un aspect particulier du droit de la procédure pénale suisse. Elle ne viole donc en rien les normes impératives du droit international.

1.2.4

Praticabilité

Quand bien même la Constitution ne le prévoit pas expressément, la pratique constante commande d'examiner si les initiatives populaires sont concrètement réalisables3. A cet égard, la présente initiative demande l'institution obligatoire d'un avocat chargé de défendre, en justice, les intérêts des animaux lésés. Cet objectif est réalisable dans les faits. L'initiative est donc valable.

3

Cf. notamment FF 1998 210 et les références citées

3886

2

Contexte

Le but de l'initiative est principalement d'améliorer le statut de l'animal lorsqu'une procédure pénale a été ouverte pour infraction à la législation sur la protection des animaux.

Le régime juridique actuel ne considère pas les animaux comme des êtres inanimés, comme en témoigne l'art. 1 de la loi fédérale du 9 mars 1978 sur la protection des animaux (LPA)4, qui vise à assurer la protection et le bien-être de l'animal et par là, se réfère donc à celui-ci en tant qu'être vivant. Le statut juridique de l'animal a été amélioré, grâce notamment à l'initiative parlementaire Marty «Les animaux dans l'ordre juridique suisse» (99.467) et à l'adoption d'un nouvel art. 641a CC5, qui prévoit le principe selon lequel les animaux ne sont pas des choses (al. 1) et que sauf disposition contraire, les dispositions applicables aux choses sont également valables pour les animaux (al. 2).

Les infractions à la LPA sont poursuivies d'office (art. 27 à 29 LPA). Elles sont qualifiées de contraventions ou de délits. En vertu de l'art. 32, al. 1, LPA, la poursuite pénale et le jugement des actes punissables incombent aux cantons6. Les autorités cantonales sont donc responsables de la mise en oeuvre de ces dispositions pénales. Ainsi que le prévoient déjà les codes de procédure pénale des cantons et le nouveau code de procédure pénale suisse adopté par le Parlement le 5 octobre 20077, chacun a le droit de dénoncer les infractions à la LPA, s'il en a connaissance, à une autorité de poursuite pénale (art. 301, al. 1, CPP). Une dénonciation ne confère cependant aucun droit supplémentaire au dénonciateur, en particulier aucun droit de procédure proprement dit, s'il n'est ni lésé ni partie plaignante (art. 301, al. 3, CPP).

Le droit fédéral, qui définit la qualité pour agir en justice, n'autorise pas que l'on considère les animaux comme des parties ni les avocats des animaux comme les défenseurs d'une partie et donc n'habilite pas ces derniers à exercer les droits relatifs à ce statut, lorsqu'une infraction a été commise à l'encontre des animaux.

Les autorités chargées d'exécuter la législation sur la protection des animaux sont tenues de dénoncer toute violation de la LPA8. Les autorités pénales ont, elles, le devoir de poursuivre elles-mêmes ou de dénoncer aux autorités compétentes toutes les infractions qu'elles ont
constatées ou qui leur ont été annoncées dans leur activité officielle si elles ne sont pas elles-mêmes compétentes pour les poursuivre (art. 302 CPP). Lorsqu'il y a présomption de la commission d'une infraction à la LPA, le ministère public lui-même, ou sous sa conduite, la police (celle-ci agit aussi de sa propre initiative ou sur dénonciation de particuliers et d'autorités [art. 15, al. 2, CPP]) doit établir les faits constitutifs en procédant aux investigations nécessaires et à l'administration des preuves afin que la procédure préliminaire puisse être clôturée 4 5

6

7 8

RS 455 Pour de plus amples détails sur les autres dispositions, cf. le rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats du 25 janvier 2002, FF 2002 3885 ss, et l'avis du Conseil fédéral du 27 février sur ce rapport, FF 2002 5418 ss.

Il convient de mentionner une exception: l'Office vétérinaire fédéral est compétent pour l'instruction et le jugement des infractions en matière de commerce international (art. 28 LPA). Les procédures se fondent sur le droit pénal administratif. L'instruction est généralement conduite par l'administration des douanes.

FF 2007 6583; l'entrée en vigueur est prévue, au niveau des cantons, pour le 1er janvier 2010.

Cf. art. 24, al. 3, de la nouvelle loi fédérale du 16 décembre 2005 sur la protection des animaux, FF 2006 317.

3887

le plus rapidement possible par une ordonnance pénale, une mise en accusation ou un classement. En application du principe d'opportunité (art. 8 CPP) et aux conditions énoncées par cette disposition, le ministère public et les tribunaux peuvent toutefois renoncer à engager des poursuites pénales ou à punir l'auteur de l'infraction, en général, le détenteur de l'animal.

2.1

Généralités sur l'institution d'un avocat des animaux

2.1.1

Les réglementations existant en Suisse

Trois cantons connaissent à ce jour un défenseur des animaux, sous les formes suivantes: Le canton de Zurich prévoit au § 17 de la loi cantonale du 2 juin 1991 sur la protection des animaux9 que le département compétent (zuständige Direktion) et l'avocat chargé de défendre les intérêts des animaux en matière pénale sont dotés des droits reconnus au lésé. Ces deux entités ont donc, dans le cadre de procédures pénales, le statut de partie avec tous les droits y afférents. L'avocat zurichois chargé de la défense des intérêts des animaux est désigné par le Conseil d'Etat, sur proposition des organisations de protection des animaux. Il agit en toute indépendance, n'est intégré à aucune autorité ni ne dépend de l'une d'elles. Il n'est pas non plus lié aux directives et instructions du détenteur de l'animal lésé, des organisations de défense des animaux ou d'autres particuliers.

Le canton de Saint-Gall a instauré un défenseur des animaux, fonction exercée par le Département de l'économie publique, qui a le statut de partie plaignante (art. 50, al.

2, CPP-SG10) en cas de violation de dispositions de la loi sur la protection des animaux. Le canton a en outre institué un fonctionnaire spécialisé pour instruire les infractions commises au détriment des animaux et de l'environnement.

Le canton de Berne a une norme spéciale. En effet, l'organisation faîtière cantonale des organisations de protection des animaux dispose, en procédure pénale, des droits conférés à la partie plaignante. A ce titre, elle a donc qualité de partie lorsque des dispositions sur la protection des animaux ont été violées, sauf en matière d'expérimentation animale11.

2.1.2

Droit comparé

Aucun des pays voisins ne connaît le principe d'un défenseur des animaux, dans le cadre de procédures pénales, au sens où le préconise le texte de l'initiative.

S'il est vrai que l'Autriche prévoit, au § 41 de la loi fédérale sur la protection des animaux en vigueur depuis le 1er janvier 2005 (Tierschutzgesetz), un médiateur en matière de protection des animaux (Tierschutzombudsmann) chargé de défendre les intérêts des animaux, ce dernier n'a pas le statut de partie dans une procédure pénale. Au Liechtenstein, le préposé à la défense des animaux (Tierschutzbeauf9 10 11

RS-ZH 554.1 SGS 962.1 Art. 13, al. 2 et 3, de la loi cantonale BE sur l'agriculture (RSB 910.1) en liaison avec l'art. 47, al. 2, ch. 1, CPP-BE (RSB 321.1).

3888

tragter) ne se voit reconnaître qu'un droit d'information (droit d'être informé du dépôt d'une plainte pénale, de consulter les pièces [art. 18b, al. 4, de la loi sur la protection des animaux] et d'être informé de la clôture de la procédure pénale [art. 20a]) 12.

Si l'Allemagne prévoit au § 8b de sa loi sur la protection des animaux13 un préposé à la défense des intérêts des animaux (Tierschutzbeauftragter), ce dernier n'a aucune compétence en matière procédurale.

2.2

Les systèmes envisageables selon le CPP

Le CPP ne prévoit pas, pour les cantons, l'obligation d'instituer un avocat chargé de défendre en justice les intérêts des animaux lésés14. Les cantons ont toutefois la latitude de le faire, de la manière exposée ci-après:

2.2.1

Mise en place d'un ministère public spécialisé dans la poursuite d'infractions à la loi sur la protection des animaux (art. 14, al. 2 et 3, CPP)

L'art. 14, al. 2, CPP, dont l'importance est capitale, laisse aux cantons la latitude d'adopter des dispositions sur l'organisation et les compétences de leurs autorités pénales. Ils peuvent donc organiser librement leur ministère public, notamment en le structurant de manière hiérarchique ou en instituant un ministère public spécialisé dans la poursuite de certaines infractions. Tel pourrait être le cas en matière d'infractions à la loi sur la protection des animaux. Si cette option est prise, le ministère public fait rechercher et constater les infractions à la LPA et décide, au terme de l'instruction, de la suite à donner à l'affaire15. Le ministère public spécialisé n'a donc pas pour unique tâche de défendre les intérêts des animaux, mais bien de découvrir ­ à l'instar de tout procureur ­ la vérité matérielle, autrement dit, d'instruire les affaires pénales à charge et à décharge. La défense des intérêts des animaux serait donc exclusivement entre les mains des autorités pénales.

Il appartiendra aux cantons de trouver une solution praticable, adaptée à leurs besoins et à leurs ressources. En effet, les besoins des cantons varient en fonction de leur population (un ministère public spécialisé pour un demi-canton?) de leur superficie (déplacement du procureur spécialisé institué dans un grand canton) et de leur capacité financière (coût de l'institution d'une telle autorité pour un petit canton?).

Dans l'hypothèse où plusieurs cantons souhaiteraient faire usage de cette option, ils pourraient même créer des autorités communes, autrement dit instituer en commun un ministère public spécialisé qui interviendrait sur le territoire de plusieurs cantons (art. 14 CPP en liaison avec l'art. 191b, al. 2, Cst.).

12 13 14 15

Les deux pays reconnaissent au défenseur des animaux le statut de partie dans le cadre de procédures administratives.

Tierschutzgesetz; Bundesgesetzblatt 1998 I, p. 1105 FF 2006 1087 s.

Cf. supra ch. 2

3889

2.2.2

Création d'une autorité chargée de sauvegarder les intérêts publics (art. 104, al. 2, CPP)

Les cantons ont aussi la latitude, conformément à l'art. 104, al. 2, CPP, d'instituer des autorités qu'ils peuvent doter de tous les droits de partie ou de droits limités.

Ainsi, si un canton entend instituer un défenseur des intérêts des animaux lésés, il devrait prévoir de reconnaître la qualité de partie, avec tous les droits ou des droits limités, à une autorité, telle que l'Office vétérinaire cantonal. Le défenseur public doit être intégré à une autorité. Celle-ci ne devra pas défendre au premier chef les intérêts de l'animal concerné, mais sauvegarder l'intérêt public que représente la poursuite d'infractions à la loi sur la protection des animaux. En effet, sous l'angle du CPP, les cantons n'ont pas la liberté de prévoir un avocat des animaux «privé».

Les cantons restent libres quant à la dénomination qu'ils entendent adopter pour cette autorité, en vertu de l'art. 14, al. 1, CPP.

2.3

Lancement de l'initiative

La Protection Suisse des Animaux PSAa lancé la présente initiative suite au refus du Parlement d'introduire l'obligation pour les cantons d'instituer un défenseur des animaux lésés16 dans la révision de la loi sur la protection des animaux en décembre 2005.

Selon les auteurs de l'initiative, la liberté qu'ont les cantons de prévoir ou non de tels défenseurs ne permet pas d'assurer la poursuite efficace des infractions commises dans le domaine de la protection des animaux, mais revient à maintenir le statu quo: les infractions commises à l'encontre des animaux restent trop modérément punies, voire impunies. A leur sens, le montant de l'amende infligée au contrevenant (dans la majorité des cas, le détenteur de l'animal) n'a pas d'effet dissuasif. Les autorités de poursuite pénale ne s'engagent que de manière lacunaire dans le cadre de procédures pénales et administrent la preuve avec un soin insuffisant, puisqu'elles ne peuvent que se fonder sur les allégations du prévenu. Cette situation est due au fait que dans la majorité des cantons17, les animaux lésés ne diposent pas de défenseur, alors que le détenteur d'animal, en tant que prévenu, peut, quant à lui, exercer tous les droits que lui confère son statut de partie au procès.

2.4

Contexte politique

L'opportunité d'instituer des défenseurs des animaux fait l'objet de discussions depuis un certain temps déjà, notamment depuis l'initiative populaire fédérale du 16 novembre 2000 «Les animaux ne sont pas des choses!». En effet, celle-ci prévoyait un nouvel art. 79a Cst. dont l'al. 2 chargeait le législateur de prévoir que les animaux puissent être représentés en justice d'office par des défenseurs adéquats.

Dans le message relatif à l'initiative18, le Conseil fédéral a rappelé que le principe 16

17 18

Dans ce contexte précisément, l'initiative sera examinée à la lumière de la loi du 16 décembre 2005 sur la protection des animaux et non au sens de la LPA en vigueur.

Dès lors, nous nous référerons ci-après à la LPA révisée (nLPA).

Cf. supra ch. 2.1.1 FF 2001 2390, en particulier p. 2402

3890

selon lequel les normes doivent être établies au degré qu'il convient serait violé si l'on inscrivait dans la Constitution des dispositions réglant des questions de procédure les plus diverses. Par la suite, l'initiative a été retirée19.

L'initiative populaire «Pour une conception moderne de la protection des animaux (Oui à la protection des animaux!)», déposée le 23 juillet 2003 prévoyait notamment de compléter l'art. 80 Cst. par un nouvel al. 3, let. b, selon lequel les cantons devaient instaurer un avocat chargé de défendre les intérêts des animaux. Le Conseil fédéral avait alors soutenu l'idée qu'un «poste «d'avocat en matière de protection des animaux» pourrait constituer un signe de méfiance à l'égard des tribunaux cantonaux» 20. Cette initiative a aussi été retirée21.

Lors des débats parlementaires se rapportant à la révision du 16 décembre 2005 de la loi fédérale sur la protection des animaux, une minorité a proposé une disposition chargeant les cantons de prévoir un avocat spécialisé dans la défense des animaux lésés, proposition qui a été écartée au motif que l'institution d'un tel avocat relevait de la procédure pénale qui était alors de la compétence des cantons22.

Dans son message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, le Conseil fédéral a délibérément écarté l'instrument procédural de «l'avocat chargé de défendre les intérêts des animaux»23 tel que le connaît actuellement le canton de Zurich24.

au motif principalement qu'il ne serait pas opportun de prescrire aux cantons l'instauration d'un avocat des animaux selon le modèle zurichois alors que le CPP laisse aux cantons la possibilité de mettre en place divers mécanismes de défense en justice des animaux, dans le cadre de leur autonomie en matière d'exécution et d'organisation. Lors du suivi parlementaire de ce projet, le Conseil des Etats n'a pas abordé la problématique. Le Conseil national, en plenum, a examiné une proposition de la Commission des affaires juridiques prévoyant l'instauration obligatoire d'un défenseur public des animaux. Cette proposition a échoué, à une voix près25, par 79 voix contre 78.

3

Buts et contenu de l'initiative

Le nouvel al. 4 de l'art. 80 Cst. proposé par les auteurs de l'initiative charge la Confédération de légiférer sur la protection juridique des animaux.

Le nouvel al. 5 de l'art. 80 Cst. a pour but d'obliger les cantons à prévoir, dans le cadre de procédures pénales, un avocat chargé de défendre les intérêts des animaux lésés.

L'essence même de l'initiative (art. 80, al. 5, Cst.) est d'obliger les cantons à instituer un avocat chargé de défendre les intérêts des animaux lésés dans le cadre de procédures pénales. L'initiative mentionne les cas dans lesquels cet avocat pourrait être amené à intervenir. Par mauvais traitements envers les animaux, on entend ici des comportements punissables pénalement que l'art. 26, al. 1, let. a à e, nLPA 19 20 21 22 23 24 25

FF 2002 6639 FF 2004 3102 FF 2006 377 BO 2004 E 614, 2005 N 819 FF 2006 1087 Cf. supra ch. 2.2.1 BO 2007 N 951

3891

énumère exhaustivement. Les autres violations de la législation sur la protection des animaux font référence aux infractions prévues à l'art. 28 nLPA26.

3.1

Règle d'interprétation

L'interprétation du texte d'une initiative populaire se fonde sur la lettre et non sur la volonté subjective des auteurs de l'initiative. La volonté populaire, les opinions exprimées par les auteurs de l'initiative et les circonstances qui ont donné lieu à une initiative peuvent être prises en considération.

3.2

Appréciation des buts de l'initiative

Les objectifs de l'initiative ont été brièvement évoqués plus haut27. Il y a lieu à ce stade de les analyser plus précisément et de voir dans quelle mesure l'initiative permettrait de les réaliser.

Le nouvel al. 4 proposé par les auteurs de l'initiative donne mandat à la Confédération de légiférer dans le domaine de la protection juridique des animaux.

Cette disposition vise à régler le statut de l'animal dans l'ordre juridique suisse. Elle n'est pas nécessaire. En effet, la Confédération, se fondant sur les art. 122 et 123 Cst. a déjà légiféré sur le statut de l'animal, qui a été amélioré par de nouvelles dispositions législatives28, notamment dans le Code civil (CC)29 et dans le Code des obligations (CO)30.

Le nouvel al. 5 proposé par les auteurs de l'initiative vise à doter les cantons d'outils supplémentaires afin de réprimer plus efficacement les infractions à la LPA.

Il n'y a pas de jurisprudence du Tribunal fédéral concernant l'application des dispositions pénales des art. 27 ss LPA31. En effet, les derniers arrêts du Tribunal fédéral concernant des infractions à la protection des animaux ont été rendus avant l'entrée en vigueur de la LPA et se fondent dès lors sur l'ancien art. 264 du code pénal32, abrogé par la loi fédérale du 9 mars 1978 sur la protection des animaux.

Si l'on se réfère toutefois aux chiffres publiés en 2007, la pratique pénale dans le domaine de la protection des animaux varie beaucoup d'un canton à l'autre33.

26 27 28

29 30 31 32 33

Concernant la poursuite et le jugement des infractions en matière de commerce international, cf. la note no 6.

Cf. supra ch. 3 Cf. notamment à ce sujet l'initiative parlementaire Marty, « Les animaux dans l'ordre juridique suisse » (99.467), le rapport de la Commission des affaires juridiques, FF 2002 3885, en particulier, pp. 3886, 3887 et 3889, ainsi que l'avis du Conseil fédéral sur ce rapport, FF 2002 5418.

RS 210 RS 220 Il existe par contre une jurisprudence fédérale en matière de droit pénal administratif.

RS 311.0 Source: Fondation für das Tier im Recht, Schweizer Tierschutzstrafpraxis 2006, Berne/Zurich, 15 octobre 2007, pp. 11 à 13.

3892

Le Conseil fédéral peut se rallier à l'idée que ces disparités cantonales dans la poursuite des infractions à la législation sur la protection des animaux doivent être réduites. Il est cependant d'avis que l'application conséquente des instruments juridiques introduits par le CPP devrait permettre de réduire ces disparités34.

3.3

Commentaire

3.3.1

Le choix du niveau législatif

En matière de droit procédural, la Constitution se limite à arrêter des principes généraux et à régler des questions de compétences35. Dans le cadre des principes généraux du droit36 et du catalogue des droits fondamentaux37, la Constitution consacre toute une série de garanties de procédure38. Inscrire dans la Constitution l'obligation pour les cantons d'instaurer des défenseurs des animaux serait contraire au principe qui sous-tend sa systématique, selon lequel les objectifs inscrits dans la Constitution sont ­ dans chacune des matières réglées ­ de rang équivalent. En donnant suite à l'initiative, on donnerait une importance disproportionnée à un aspect du droit de la procédure pénale. La Constitution permet d'ores et déjà au législateur de mettre en oeuvre à l'échelon de la loi la réforme souhaitée par les auteurs de l'initiative. En effet, la Confédération a fait usage de la compétence que lui confère l'art. 123 Cst., entré en vigueur le 1er avril 2003: le Parlement a adopté, le 5 octobre 2007, le code de procédure pénale suisse.

3.3.2

Formulation problématique

La formulation de l'al. 5 est problématique à plus d'un titre. En effet, l'expression «avocat de la protection des animaux» donne aux cantons la latitude de prévoir des défenseurs publics ou privés.

En attribuant à des défenseurs publics la compétence de défendre les intérêts des animaux, les cantons pourraient désigner une autorité (par exemple l'Office vétérinaire ou le service spécialisé institué en vertu de l'art. 33 nLPA39) dotée notamment de la compétence de défendre en justice les intérêts des animaux lésés. Cette autorité ainsi désignée serait chargée de défendre l'intérêt public que représente la lutte contre la maltraitance des animaux40. Cette conception concorde parfaitement avec l'idée qui sous-tend la procédure pénale: la poursuite et la défense des intérêts publics doivent rester entre les mains de l'Etat.

34 35 36 37 38 39

40

Cf. infra ch. 4.1 Les art. 189 et 190 Cst. fixent les compétences du Tribunal fédéral et chargent le législateur d'en définir les modalités.

Art. 5, al. 2 et 3, Cst.

Art. 7 ss Cst.

Par exemple, les art. 29 (garanties générales de procédure), 30 (garanties de procédure judiciaire), 31 (privation de liberté) et 32 (procédure pénale).

La Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) avait proposé d'obliger les cantons à prévoir un défenseur des animaux public, en attribuant la qualité de partie avec tous les droits y afférents notamment au service cantonal chargé de la protection des animaux (art. 33 nLPA), cf. BO 2007 N 952.

Tel est le cas dans les cantons de SG et ZH, cf. supra ch. 2.1.1.

3893

L'institution de défenseurs privés est problématique pour les raisons exposées ciaprès: ­

Selon l'art. 104, al. 1, CPP, ont qualité de partie dans le cadre d'une procédure pénale, le prévenu, la partie plaignante et le ministère public lors des débats ou dans la procédure de recours. Or, les animaux lésés ne peuvent être considérés comme partie ­ plaignante ­ au procès pénal (cf. ch. 2). Par conséquent, leurs défenseurs non plus. En effet, selon l'art. 118 CPP, pour avoir la qualité de partie plaignante, il faut être lésé. Or, l'art. 115 CPP définit de manière exhaustive la notion de lésé. Est lésée toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. Selon cette définition, l'avocat des animaux ne peut pas être considéré comme un lésé puisque ses droits n'ont pas été touchés directement par une infraction. Le statut de partie ne peut pas être reconnu non plus à l'avocat des animaux privé agissant en tant que procureur. En effet, n'étant rattaché à aucune autorité, indépendant et soumis à aucune directive, il n'exerce pas les activités d'un procureur «spécialisé» en instruisant les affaires pénales à charge et à décharge. Dès lors, charger un avocat des animaux privé de la défense d'intérêts publics (lutte contre la maltraitance des animaux) reviendrait à introduire un corps étranger dans le code de procédure pénale.

­

Un avocat des animaux privé, agissant en toute indépendance et ne recevant de directives d'aucune autorité, pourrait déployer une activité excessive et, partant, générer des frais importants à la charge des cantons.

Les auteurs de l'initiative donnent à l'avocat de la protection des animaux le mandat de défendre les intérêts de ces derniers, sans préciser ses droits. Il appartiendra au législateur de déterminer les droits procéduraux dont jouit l'avocat des animaux.

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Avis du Conseil fédéral

4.1

Remarques générales

Aucun des pays qui nous entourent ne connaît l'avocat en matière de protection des animaux. En Suisse, le canton de Zurich a été le premier à l'inscrire dans sa loi de 1991 sur la protection des animaux. Pour l'heure, le canton de Saint-Gall lui a emboîté le pas, attribuant toutefois au seul département compétent la qualité de partie dans une procédure pénale41. Dans les cantons de Thurgovie et de Soleure, les projets dans ce sens ont échoué.

Lors de la consultation relative au CPP, seules deux organisations se sont exprimées et ont demandé que le code de procédure pénale unifiée prévoie un avocat des animaux42. Le canton de Zurich, pourtant intéressé au premier chef, ne s'est pas prononcé sur cette question, ni aucun autre canton.

Fidèle à l'avis exprimé dans le message relatif à l'initiative populaire fédérale «Pour une conception moderne de la protection des animaux (Oui à la protection des animaux!)», le Conseil fédéral est convaincu qu'une disposition obligeant les cantons à instituer un «poste «d'avocat en matière de protection des animaux» pourrait consti41 42

Cf. supra ch. 2.1.1 La protection suisse des animaux (PSA) et la Fondation Für das Tier im Recht

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tuer un signe de méfiance à l'égard des tribunaux cantonaux»43. Les infractions à la loi sur la protection des animaux devant être poursuivies d'office par les autorités cantonales compétentes, une telle institution mettrait en doute l'efficacité des autorités de poursuite pénale et des tribunaux. De plus, ces autorités sont soumises à une surveillance administrative et matérielle. Un avocat dans le domaine de la protection des animaux pourrait par ailleurs créer un précédent dont les représentants de milieux intéressés pourraient se prévaloir dans le cas d'infractions commises notamment au détriment de l'environnement, de la forêt et des cours d'eau.

Le Conseil fédéral peut se rallier au but de l'initiative, à savoir poursuivre plus efficacement les contrevenants à la loi sur la protection des animaux. La revendication des auteurs de l'initiative peut être considérée comme légitime dans l'état actuel des choses44, mais l'efficacité de la poursuite pénale sera améliorée dès l'entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale. En effet, en procédure ordinaire, l'abandon du principe du double examen, l'attribution au ministère public de l'entière responsabilité de l'instruction du début jusqu'au stade de la mise en accusation permet d'accélérer le déroulement de la procédure et d'éviter que l'infraction soit prescrite. Les procédures spéciales45 permettront également un désengorgement des tribunaux De plus, le CPP permet aux cantons de prévoir un défenseur public des animaux, soit en accordant les droits de partie à une autorité chargée de défendre l'intérêt public à lutter contre la maltraitance des animaux, soit en instituant des ministères publics spécialisés46. Les cantons peuvent prévoir d'instituer des ministères publics communs47 ou conclure des conventions intercantonales et créer des organisations et des institutions communes (art. 48, al. 1, Cst.). Rien ne les empêcherait donc de créer une autorité commune chargée de mettre en oeuvre le droit fédéral (art. 46, al. 1, Cst.), en l'espèce la loi sur la protection des animaux. Cette latitude correspond à la volonté des auteurs de l'initiative (art. 80, al. 5, 2e phrase, Cst.).

Enfin, et conformément à l'avis exprimé lors du suivi parlementaire du CPP, le Conseil fédéral pense qu'obliger les cantons à prévoir un tel mécanisme constituerait une ingérence inutile dans leur liberté d'organisation (art. 47, al. 2, Cst.).

4.2

Contre-projet

Le Conseil a examiné l'hypothèse d'un contre-projet à l'initiative. Le ch. 3.3.1 du présent message expose les raisons pour lesquelles on peut y renoncer.

Il a également examiné l'opportunité d'opposer un contre-projet indirect à l'initiative, en proposant une modification du CPP et est arrivé à la conclusion qu'il ne fallait pas y donner suite (ch. 4.1).

43 44 45 46 47

Cf. note no 20 Cf. infra ch. 3.2 Cf. art. 352 ss CPP Cf. supra ch. 2.2 Cf. supra ch. 2.2.1

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Conclusions

Au vu de ce qui précède, le Conseil fédéral estime que les cantons disposent des instruments nécessaires pour répondre aux revendications des auteurs de l'initiative.

Il propose donc de soumettre l'initiative sans contre-projet au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter.

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