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FEUILLE FÉDÉRALE 110* année

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Berne, le 29 mai 1958

Volume I

MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la prorogation temporaire des mesures complémentaires propres à financer le placement de produits laitiers (Du 16 mai 1958)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous présenter un message et un projet d'arrêté fédéral concernant la prorogation jusqu'au 31 octobre 1959 des mesures complémentaires propres à financer le placement de produits laitiers.

I. La réglementation actuelle.

L'arrêté fédéral du 20 décembre 1957 Le 25 octobre 1957, nous avons relevé le prix de base du lait de 2 centimes par kilo/litre pour la période allant du 1er novembre 1957 au 31 octobre 1958. Nous l'avons ainsi fixé à 43 centimes, renonçant toutefois à reporter cette augmentation sur les prix du fromage, du beurre et des produits laitiers de conservation, car nous craignions alors une diminution du chiffre des ventes. Aussi avions-nous demandé à l'Assemblée fédérale, par message du 15 novembre 1957, l'autorisation d'affecter des fonds supplémentaires à la couverture des frais de placement de produits laitiers durant cette même période. Nous considérions en effet comme insuffisants les fonds disponibles en vertu de l'article 26 de la loi sur l'agriculture, combiné avec l'article 19 de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1956 instituant les dispositions applicables au maintien d'un contrôle des prix réduit. Notre intention était dès lors de mettre à contribution le produit des suppléments de prix perçus sur les denrées fourragères importées et, au besoin, les ressources générales de la Confédération.

Feuille fédérale. 110e année. Vol. I.

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Pour donner une vue plus claire des choses, nous avons traité en détail, dans ledit message, de la situation économique de l'agriculture suisse, des conditions de production et d'écoulement dans le secteur laitier, ainsi que des dépenses liées à la solution envisagée. Le montant prévu dans le budget de novembre 1957 pour l'utilisation des produits laitiers du 1er novembre 1957 au 31 octobre 1958 ne permettait pas, faute de base légale, de couvrir l'excédent de 11,85 millions de francs.

Les chambres approuvèrent notre projet le 20 décembre 1957. Le délai référendaire expira le 26 mars 1958 sans qu'il en ait été fait usage.

IL L'élaboration d'un projet en vue de l'utilisation du lait et des produits laitière à partir du 1er novembre 1958 Dans notre message du 15 novembre 1957, nous relevions déjà que l'on ne pourrait s'abstenir de préparer les mesures spéciales propres à garantir le prix du lait à partir du 1er novembre 1958. Noue nous fondions sur le fait qu'il n'y avait lieu de s'attendre à aucun changement fondamental de la situation. Il était d'autre part nécessaire de tenir compte de l'importance de la production laitière, la vente du lait entrant pour environ 35 pour cent dans le rendement brut épuré de l'agriculture. Nous annoncions dès lors une révision générale des bases juridiques en vue des mesures à prendre pour le 1er novembre 1958. Nous signalions en même temps certains problèmes délicats qu'il importait d'élucider à cette occasion.

Enfii, nous exprimions l'intention de vous soumettre -- si possible pour la session de mars 1958 -- un rapport et un projet sur ces questions. Cette intention ne put cependant se réaliser.

Le 19 novembre 1957, soit quatre jours seulement après la publication de notre message, le département de l'économie publique institua un groupe de travail qui fut chargé d'élaborer, en étroite collaboration avec les autorités reponsables, toute proposition concernant le futur régime des prix du lait et des produits laitiers, l'organisation du placement, ainsi que le financement. Ce groupe de travail a déjà traité, au cours de huit séances, qui eurent lieu du 3 décembre 1957 au 11 février 1958, les questions dont il a été saisi. Les problèmes et les difficultés inhérentes à une solution adéquate seront esquissés ci-après.

Le groupe de travail a étudié avec tout le
soin voulu les possibilités de stimuler la vente du lait et des produits laitiers (amélioration de la qualité, fabrication d'un fromage de tout premier choix, publicité, etc.).

Pour cela, il a non seulement procédé à des enquêtes sur la situation du marché indigène, mais s'est encore penché sur la question de l'exportation de produits laitiers, notamment de fromage. Il a dû ainsi examiner, de concert avec la division du commerce, un, grand nombre de problèmes de

1055 politique commerciale. L'accroissement constant des arrivages de produits laitiers dont parle déjà notre message du 15 novembre 1957 a donné lieu à des échanges de vue approfondis.

Le groupe de travail s'est également penché sur les questions suivantes : report partiel de l'augmentation du prix de base du lait sur les prix des produits laitiers, relèvement des taxes existantes et institution de nouvelles, affectation accrue des ressources générales de la Confédération.

Ce dernier point a provoqué des divergences d'opinions au sein du groupe.

Une partie des membres formulèrent de fortes réserves quant à une mise à contribution massive de ces fonds. Les autres défendirent l'idée que la participation financière de l'Etat serait inévitable ou qu'il serait même souhaitable d'y recourir dans une plus forte mesure.

Le groupe a discuté le problème des marges commerciales. La question de la garantie du prix du lait à la production et celle de l'amélioration des marges, quoiqu'il n,'existe aucun rapport direct entre elles, se touchent d'assez près pour que la seconde soit examinée, en tant que les frais justifient une amélioration. Celle-ci entraînerait soit une hausse généralisée du prix du lait de consommation (ou seulement de celui qui est livré à domicile) soit des prestations accrues de la caisse de compensation des prix du lait et des produits laitiers, d'où nécessité d'un ajustement des taxes perçues sur le lait et la crème de consommation. La question de la réduction du prix du lait de consommation à l'aide des fonds publics a également été étudiée.

Portant son attention sur les mesures à prendre pour diriger la production, le groupe de travail a débattu le problème du relèvement des suppléments de prix frappant les denrées fourragères importées. H examina si ces taxes, qui servent à régulariser la production, ne devraient désormais être que partiellement ou même pas du tout prises en considération dans le calcul des frais agricoles, à défaut de quoi leut but ne serait pas atteint.

Le groupe de travail se vit placé devant de délicates questions d'ordre juridique. Certaines, que le groupe ne put résoudre, durent être soumises à la division de la justice du département de justice et police.

La complexité du problème a empêché le groupe de présenter dans le délai voulu au département de
l'économie publique des propositions fermes quant à la façon de procéder. Ses délibérations ont toutefois permis de mieux connaître l'avis des représentants des différents milieux économiques.

La question du paiement de prix différentiels dans l'agriculture, notamment pour le lait, a été confiée à la commission, instituée par le département de l'économie publique, pour l'étude de l'abaissement du prix de revient et l'amélioration de la productivité dans l'agriculture. De la mi-novembre 1957 à la mi-mars 1958, la commission y consacra six séances.

1056 Nous avions l'intention de présenter un projet déjà pour la session de mars 1958. Les circonstances indiquées nous en empêchent cependant.

Une réglementation de plus longue durée ne pourra être élaborée que pour la période partant du 1er novembre 1959, ce qui oblige de proroger jusqu'à cette date les mesures complémentaires propres à financer le placement de produits laitiers (1er novembre 1958 au 31 octobre 1959). Les raisons en sont exposées au chapitre suivant.

III. La nécessité de proroger temporairement les mesures complémentaires propres à financer le placement de produits laitiers Dans notre message du 15 novembre 1957, nous avions analysé les conditions de production et la situation du marché dans le secteur laitier telles qu'elles se présentaient à l'époque. Nous désirons compléter ci-après la partie de notre exposé qui tendait à démontrer la nécessité de proroger les mesures complémentaires propres à financer le placement de produits laitiers.

Ces dernières années, les fournitures de lait ont augmenté de 1,5 pour cent en moyenne par an. En raison de la bonne récolte de fourrage sec de 1957 et de l'accroissement des livraisons de lait de mai à septembre de la même année, cette augmentation a été supputée dans le dit message, pour la période du 1er novembre 1957 au 31 octobre 1958, à 2,5 pour cent par rapport à l'année laitière 1956/1957 (1" mai 1956 au 30 avril 1957). En avril 1958, il a fallu toutefois l'évaluer, pour la même période, à environ 6 pour cent. Cet accroissement imprévisible des fournitures de lait dans les derniers mois de 1957 et au début de 1958 est dû à un concours de facteurs, tels que l'excellente récolte de fourrage sec et la longue période d'affouragement en vert. Ce surplus est venu s'ajouter à celui qui se produit normalement chaque année par suite des efforts déployés par les agriculteurs pour augmenter la productivité. Tout cela a contribué à freiner l'élimination, en automne 1957, des vieilles vaches, de sorte que le troupeau des vaches laitière compte approximativement 10 000 têtes de plus, au printemps de cette année, qu'un an plus tôt (890 000). D'autre part, les cours mondiaux des denrées fourragères ayant baissé, les agriculteurs en ont acheté de plus grandes quantités pour leur bétail bovin et substituent de plus en plus ces produits, dont les prix
sont avantageux, au lait entier pour l'élevage et l'engraissement des veaux.

Cette évolution inattendue se traduit par des dépenses beaucoup plus élevées pour la couverture des frais d'utilisation des produits laitiers dans le pays. Ces frais ne peuvent plus être couverts par les ressources disponibles en vertu de l'article 26 de la loi sur l'agriculture, combiné avec l'article 19 de l'arrêté fédéral sur le maintien d'un contrôle des prix réduit.

D'après les évaluations de fin avril, les dépenses atteindront vraisemblablement 36 millions de francs pour la période du 1er novembre 1957 au 31 oc-

1057 tobre 1958 (durée de validité de l'arrêté fédéral du 20 décembre 1957), et excéderont ainsi sensiblement le montant de 11,85 millions indiqué dans notre message. Pour plus de détails, nous renvoyons au tableau ci-annexé.

Selon les données disponibles, ce déficit pourra vraisemblablement être comblé pour environ 17 millions de francs à l'aide du produit des suppléments de prix perçus sur les denrées fourragères importées. Pour la différence, soit environ 19 millions, il sera nécessaire de recourir aux ressources générales de la Confédération. Le surcroît de dépenses, qui ne sera définitivemen établi qu'après le 31 octobre 1958, dépendra des apports de lait, des importations de produits laitiers qui entrent en compétition avec les nôtres, ainsi que des ventes à l'étranger de ceux que nous fabriquons.

D'autre part, la charge de la Confédération diminuera dans la mesure où la retenue décrétée par le Conseil fédéral pour le semestre d'été de 1958 ne sera pas ou ne sera que partiellement rétrocédée.

Nous avons déjà parlé du problème de l'importation et de l'exportation dans le secteur laitier. Les moyens de freiner le mouvement des importations sont cependant très limités, et il ne faut pas oublier que notre agriculture a également profité, en ce qui concerne l'exportation de produits laitiers, surtout de fromage, des mesures de libération consenties par les membres de l'OECE. A quelques exceptions près (dont la France), la plupart de ces pays ont levé les restrictions dont était frappée l'exportation de nos produits laitiers. Nos ventes à l'étranger ont ainsi dépassé le volume d'avantguerre tant en chiffre absolu qu'en pour-cent de la production laitière totale de la Suisse, Quoi qu'il en soit, le volume des ventes à l'étranger de 1956 n'a plus pu être dépassé en 1957, alors que nos achats de produits laitiers entrant en compétition avec les nôtres -- abstraction faite du beurre -- ont augmenté. Pour plus de détails, veuillez consulter le tableau annexé.

Dans cet ordre d'idées, nous tenons à signaler que la situation est la même à l'étranger. Les plus récentes informations montrent que, dans la moyenne de tous les Etats membres de l'OECE, la production laitière de l'exercice de 1957/1958 dépasse d'environ 3 pour cent celle de l'exercice précédent, pour atteindre environ 90 millions de tonnes. Cela
représente une augmentation de quelque 24 pour cent par rapport à la période d'avantguerre. Durant ce même laps de temps, la population ne s'est accrue que de 19 pour cent. La consommation totale de lait et de produits laitiers par tête de population est malheureusement demeurée stationnaire ces dernières années, alors que l'offre de boissons et de denrées alimentaires est de plus en plus abondante. Dans la plupart des pays où l'on boit beaucoup de lait, la consommation de lait frais est plutôt en baisse, si l'on tient compte d'un standard de vie qui s'améliore constamment. En maints endroits, la margarine fait une forte concurrence au beurre; seul le chiffre de la consommation de fromage par tête de population dépasse sensiblement le niveau d'avant-guerre (environ 21% en moyenne).

1058 Les conditions de production et de vente dans la plupart des pays européens s'expliquent de la même façon. A l'exception dû Danemark, qui a fait intervenir les organisations agricoles, les gouvernements ont toujours veillé avec le plus grand soin à assurer le revenu des exploitations productrices de lait et de viande, exploitations qui sont en majorité familiales. Les progrès de la sélection et l'assainissement des troupeaux ont fait augmenter sensiblement le rendement laitier par vache, favorisé encore, en 1957, par un été propice à la croissance de l'herbe et un hiver clément.

La production de beurre grossit encore du fait que l'on pratique, sauf en Norvège, en Angleterre et en Suisse, l'écrémage du lait en vue d'obtenir un taux butyreux déterminé (standardisation). En maints endroits, la consommation de cette denrée ne peut guère s'accroître en raison de l'écart sensible entre son prix et celui de la margarine.

Nombre d'Etats se sont vus contraints de transformer en beurre l'abondante production laitière de ces derniers mois. Divers pays réputés importateurs, tels que la Belgique, l'Allemagne et la Suisse, ont dû réduire leurs achats à l'étranger ou même les suspendre. D'autres, comme la Norvège, la France et l'Autriche, qui importaient encore du beurre jusqu'à présent, sont apparus récemment sur le marché anglais, le seul encore accessible. L'abondance de l'offre sur les marchés européens -- renforcée par les arrivages d'outre-mer -- a provoqué un avilissement des prix, qui incita de nouveau certains pays à augmenter leurs subsides à l'exportation pour maintenir leurs débouchés traditionnels. Sur le marché londonien, les cours du beurre étaient en février 1958 environ 35 pour cent inférieurs à ceux du même mois de 1956, ce qui porta un coup particulièrement sensible à l'agriculture danoise, dont 70 pour cent de la production laitière est transformé en beurre destiné en majeure partie à l'exportation; le produit des ventes à l'étranger détermine directement le prix du lait.

Pour vaincre les difficultés résultant des apports de lait et de leur mise en valeur, la plupart des pays ont pris ces derniers temps des mesures spéciales ou en projettent l'application. Ils cherchent à restreindre la production par une diminution du troupeau laitier (par exemple en liaison avec la lutte contre la
tuberculose). Nombre d'Etats ont relevé les suppléments de prix perçus sur les aliments pour animaux à l'effet d'adapter le cheptel aux ressources fourragères de la ferme, qui sont plus avantageuses. Pour mieux régler la production, maints gouvernements ont déjà dû intervenir dans le domaine des prix: ils ont réduit le prix de base du lait ou le taux de suppléments spéciaux, limité la garantie de prix à un volume déterminé ou fait dépendre cette garantie de la réduction du nombre des vaches.

Ils cherchent à stimuler la consommation par une publicité plus poussée en faveur du lait et des produits laitiers, en multipliant les campagnes de distribution du lait frais à prix réduit dans les écoles, aux personnes de condition modeste, etc., en mettant en vente à des prix particulièrement favorables du beurre stocké, en obligeant les producteurs à reprendre des

1059 produits laitiers, en relevant le taux butyreux du lait de consommation et, enfin, en améliorant par différents moyens la qualité du lait et des produits laitiers.

L'évolution de la situation au cours de l'hiver dernier nous a incités à prendre, ce printemps déjà, des mesures pratiques pour freiner les apports de lait que l'on ne prévoyait pas si abondants, et pour surmonter ces difficultés de placement. En mars, nous avons relevé les primes de culture pour les céréales fourragères indigènes et les suppléments de prix perçus sur les importations d'aliments pour animaux, afin d'encourager la culture des céréales fourragères, d'endiguer l'utilisation de concentrés, et par là même de provoquer indirectement un certain décongestionnement du marché laitier. Nous avons en outre ordonné qu'une retenue conditionnelle, liée au volume des livraisons, soit opérée sur le prix de base du lait au cours du semestre d'été (1er mai au 31 octobre 1958). Si les apports n'excèdent pas ceux de l'été précédent (11 620 000 q), la retenue sera rétrocédée intégralement; s'ils varient entre 11 620000 quintaux et 12 millions de quintaux, la moitié seulement sera restituée; les producteurs ne recevront en revanche rien en retour si ce dernier chiffre est dépassé. Cette mesure s'est révélée indispensable par suite de l'abondance de la production laitière, de l'accroissement des fournitures et des difficultés de placement qui en découlent. Elle a pour but d'engager les agriculteurs à adapter leur production et leurs livraisons aux débouchés. Pour restreindre les importations de poudre de lait écrémé et dégager ainsi le marché intérieur, un supplément de prix est perçu sur ces entrées depuis le 1er mai. Enfin, par décision du 22 avril 1958, l'union centrale des producteurs suisses de lait a obligé ses membres à reprendre, dès le 1er mai également, au lieu de 200 grammes de fromage, 300 grammes par 100 kilos de lait livré, et porté la quantité de fromage ou de beurre de 3 à 4 pour cent de l'argent du lait.

Depuis la fin de l'année dernière, époque à laquelle a été élaboré et pris l'arrêté fédéral du 20 décembre 1957, la situation s'est aggravée dans le secteur laitier. H ne faut dès lors pas s'attendre qu'au 1er novembre 1958, elle diffère essentiellement de ce qu'elle est aujourd'hui. Aussi une base juridique s'imposera-t-elle
encore davantage si l'on veut assurer dès cette date le financement complémentaire du placement de produits laitiers.

Si cette base juridique ne pouvait être instituée, nous n'aurions d'autre ressource, à en juger d'après les conditions actuelles de production et de vente, que de relever le prix de détail du lait et des produits laitiers ou de réduire sensiblement le prix du lait à la production.

En dépit des difficultés de placement devant lesquelles nous nous trouvons et qui ne cesseront vraisemblablement pas de sitôt, le but indiqué à l'article 29 de la loi sur l'agriculture -- obtenir des prix couvrant les frais de production moyens d'entreprises rationnellement gérées et reprises

1060 à des conditions normales -- garde toute son importance. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté sur le statut du lait, le prix de base du lait doit être fixé compte tenu également des conditions de production .et de vente.

Ainsi, cette disposition, qui découle en particulier des articles 18 et 29, 2e alinéa, de ladite loi, ne garantit pas, dans tous les cas, un prix couvrant les frais de production; elle autorise le Conseil fédéral, lorsque les circonstances l'exigent, à fixer ce pris en tenant compte des mesures prises pour diriger ou orienter la production et en faciliter le placement. Tel est le sens de la retenue décrétée le 25 avril 1958, comme aussi de celle qui avait été prévue pour la période postérieure au 1er mai 1956.

IV. La couverture des frais d'utilisation du lait et des produits laitiers pour la période du 1er novembre 1958 au 31 octobre 1959 Les mesures complémentaires de financement qu'il s'agit de proroger sont en principe celles que prévoit l'arrêté du 20 décembre 1957. Il convient cependant d'innover sur deux points. D'abord, il ne sera pas possible de reprendre le prix du lait à la production tel qu'il figure dans l'arrêté, soit 43 centimes par kilo/litre, car on ne saurait prévoir, déjà maintenant, le prix qu'il faudra payer à partir du 1er novembre 1958. C'est la raison pour, laquelle le nouvel arrêté ne doit pas restreindre le droit du Conseil fédéral de fixer le prix de base selon les principes énoncés dans la loi sur l'agriculture et l'article 4 de l'arrêté sur le statut du lait. Il faudra d'autre part renoncer à reprendre les prix de détail du fromage, du beurre et des produits laitiers de conservation tels qu'ils furent fixés le 31 octobre 1957, ces prix pouvant être modifiés à partir du 1er novembre prochain suivant les circonstances. Aussi appartiendra-t-il au Conseil fédéral de désigner les produits laitiers dont la vente devra être encouragée et de fixer les subsides nécessaires à cet effet.

Il est difficile d'évaluer maintenant déjà les prestations supplémentaires qui seront nécessaires pour la période du 1er novembre 1958 au 31 octobre 1959. Les chiffres réels pourront s'écarter des estimations dans une mesure plus ou moins grande, selon l'ampleur des fournitures de lait, le niveau des prix, le volume des importations de produits laitiers et les conditions
de placement régnant sur les marchés suisse et étranger. Si le volume des livraisons de lait augmentait encore au point d'aggraver dans un proche avenir les difficultés d'écoulement et d'utilisation, il ne saurait être question pour la Confédération de prendre dans toute circonstance à sa charge le total des prestations supplémentaires nécessaires à la couverture des frais de placement. Si une intervention financière de l'Etat se justifie jusqu'à un certain point, les producteurs devront néanmoins contribuer, eux aussi, à surmonter les difficultés. Ils seront donc appelés à assumer une partie des frais de couverture, ce qui les incitera à adapter leur production aux débouchés; par voie de conséquence, cela permettra

1061 également de maintenir les dépenses de la Confédération dans des limites raisonnables.

Pour les motifs qui précèdent, nous avons prévu dans le projet d'arrêté que la Confédération prendrait d'abord à sa charge les premiers dix millions de francs des prestations supplémentaires. Le solde éventuel serait comblé à part égale par la Confédération et les producteurs de lait commercial (art. 2, 1er al., du projet).

Aux termes de l'arrêté fédéral du 20 décembre 1957 (art. 1er, 2e al.), les frais de placement des produits laitiers seront d'abord couverts au moyen des suppléments de prix perçus sur les importations de denrées fourragères, en tant que leur produit ne doit pas être affecté aux frais que précise la législation agricole. Ces frais sont, par exemple, le paiement de primes de culture et l'alimentation du fonds d'utilisation du colza (art. 20 de la loi sur l'agriculture), l'exportation de bestiaux de rente et d'élevage, ainsi que de produits carnés et laitiers (art. 24), l'octroi de prestations destinées à compenser les taxes prévues à l'article 26 et versées à la caisse de compensation des prix du lait et des produits laitiers (art. 19 de l'arrêté fédéral sur le maintien d'un contrôle des prix réduit) et l'encouragement de la vente, dans le pays, des bestiaux d'élevage et de rente, ainsi que de la laine de mouton (arrêté fédéral du 13 décembre 1957). Cette possibilité de financement n'entrera cependant pas en ligne de compte. D'après les plus récentes données, on doit s'attendre qu'aucune somme ne sera disponible pour la période qui commence le 1er novembre 1958.

L'apport des milieux agricoles sera fourni par une déduction opérée uniformément sur le prix du kilo ou litre de lait commercial (art. 2, 2e al., du projet); le montant de la déduction doit être établi en fonction des prestations de tous les producteurs.

Afin d'assurer cet apport, nous prévoyons dans notre projet (art. 2, 3e al.) soit le prélèvement d'une retenue, soit la perception d'une taxe conditionnelle de même importance. Il serait en effet très compliqué dans la pratique d'exiger des producteurs de lait un versement complémentaire après l'expiration de la validité de l'arrêté. Leur participation sera assurée au moyen d'une retenue, dans les cas où la Confédération accorde une subvention au titre de la réduction des prix,
ou par la perception d'une taxe conditionnelle, quand le prix de base du lait est intégralement reporté sur le prix de détail.

Dans notre projet d'arrêté, nous avons prévu pour assurer cet apport une limite maximum de 2 centimes au plus par kilo/litre. Cela n'implique toutefois pas que nous nous en tiendrons toujours à un montant si élevé; celui-ci sera fonction des prestations que les producteurs auront vraisemblablement à verser et qu'il s'agira de fixer en temps voulu. Si, par exemple, un centime n'est pas payé pendant toute la durée de validité de l'arrêté, le produit ainsi assuré en vertu de l'article 2, 2e alinéa, du projet atteindra quelque

1062 22 millions de francs, qui permettront, avec les prestations fédérales, de combler le découvert supplémentaire se montant à environ 54 millions de francs au total.

A propos du montant des prestations fédérales, nous désirons tout d'abord rappeler, par souci de précision, que des moyens financiers considérables sont disponibles pour encourager la vente et réduire les prix des produits laitiers sur le marché intérieur, conformément à l'article 26 de la loi sur l'agriculture (suppléments de prix perçus sur les huiles et les graisses comestibles, taxes prélevées sur les importations de beurre, ainsi que sur le lait et la crème de consommation). Aux termes de l'article 11 de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1956 instituant les mesures applicables au maintien d'un contrôle des prix réduit, une partie desdites taxes sont, à vrai dire, versées à la caisse de compensation des prix du lait et des produits laitiers; mais l'article 19 du même arrêté prévoit leur remplacement par des prestations équivalentes fourmes par le produit des suppléments de prix perçus sur les denrées fourragères (art. 19 de la loi sur l'agriculture).

Si ces moyens ne suffisent pas, des prélèvements seront opérés sur les ressources générales de la Confédération. L'article 24 de ladite loi permet à la Confédération d'encourager par des subsides l'exportation de produits laitiers; les sommes nécessaires à cet effet seront d'abord fournies par le produit des suppléments de prix et des taxes, et, au besoin, par une mise à contribution des ressources générales de la Confédération.

Les considérations émises plus haut démontrent combien il est difficile d'évaluer de façon certaine le nouvel excédent probable des dépenses liées au financement de la vente des produits laitiers. Sans indiquer à nouveau la cause de cette difficulté, nous chercherons à exprimer en chiffres l'évolution de la situation pendant la durée de validité prévue pour le projet d'arrêté, c'est-à-dire pour la période du 1er novembre 1958 au 31 octobre 1959. Nous donnons ces chiffres sous toute réserves, en les considérant comme une indication de l'ampleur que pourra prendre le découvert.

A la lumière des données disponibles en avril 1958, nous estimons que le total nécessaire au financement des mesures prises pour encourager le placement de produits laitiers dans le
pays et à l'étranger s'élèvera pour la période du 1er novembre 1957 au 31 octobre 1958 à environ 78 millions de francs. De cette somme, 42 millions de francs devront être couverts en vertu de la loi sur l'agriculture et quelque 36 millions, ainsi que nous l'avons déjà relevé, par des subsides alloués en vertu de l'arrêté fédéral du 20 décembre 1957. Si aucun changement notable n'intervient, il faut s'attendre que ces mesures occasionneront pour la période du 1er novembre 1958 au 31 octobre 1959 des frais pour le moins aussi élevés qu'actuellement et dont une partie (36 millions) serait couverte en conformité de l'arrêté ci-joint. Le chiffre des dépenses supplémentaires pourra varier sensiblement selon le volume des fournitures de lait et les possibilités d'utilisation dans le pays et à l'étranger. Il se peut par exemple que les revendications de

1063 l'union suisse des acheteurs de lait et de l'union centrale des producteurs suisses de lait tendant à annuler la décision, appliquée dès le 1«* novembre 1957, de réduire le prix de prise en charge du beurre, donnent également lieu à de nouvelles dépenses supplémentaires. Si la réduction devait être supprimée, intégralement ou en partie, il en résulterait un surcroît de frais de 4 millions de francs au maximum, surcroît de frais auquel les producteurs, en vertu de l'article 2, 2e alinéa, du projet d'arrêté, devraient vraisemblablement participer pour 2 millions de francs au maximum.

L'article 2 du projet d'arrêté prévoit que la Confédération devra, pour couvrir les excédents de dépenses, verser d'abord 10 millions de francs, puis contribuer à combler le solde à part égale avec les producteurs. Si nous acceptons le chiffre de 36 millions, la Confédération aurait donc à prélever quelque 23 millions de francs sur ses ressources générales, tandis que les producteurs verseraient environ 13 millions sous la forme indiquée plus haut.

Aux termes de l'article 32, 2e et 3e alinéas, de la constitution, les cantons et les groupements économiques intéressés doivent être consultés lors de l'élaboration des lois d'exécution. Le département de l'économie publique a renseigné à la mi-mars ces organismes sur la nécessité de proroger temporairement les mesures complémentaires de financement et leur a soumis le projet d'un nouvel arrêté. L'objet a été traité le 10 avril 1958 par la commission de spécialistes du lait et le 14 du même mois par la commission consultative pour l'exécution de la loi sur l'agriculture.

La nécessité de la mesure envisagée est reconnue par chacun. C'est également à une forte majorité que fut approuvé le projet de faire couvrir les frais supplémentaires par la Confédération et, au-delà d'un certain montant, par un apport des producteurs. De nombreux opinants ont exprimé l'espoir que la production pourrait être enfin adaptée à la situation du marché. Certains ont proposé à ce sujet diverses mesures qui feront l'objet d'un examen approfondi pour pouvoir, le cas échéant, être prises en considération lors de l'élaboration du projet d'arrêté pour la période commençant le 1er novembre 1959.

Nous fondant sur ce qui précède, nous vous proposons d'adopter le projet d'arrêté fédéral ci-annexé et vous présentons, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 16 mai 1958.

12080

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le 'président de la Confédération, Holenstein Le chancelier de la Confédération,

Ch. Oser

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(Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL concernant

la prorogation temporaire des mesures complémentaires propres à financer le placement de produits laitiers

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse,

vu les articles Zlbis, 3e alinéa, lettre b, et 32 de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 16 mai 1958, arrête:

Article premier Si les ressources que l'article 26 de la loi sur l'agriculture du 3 octobre 1951 (1) (combiné avec l'article 19 de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1956 (2) instituant les dispositions applicables au maintien d'un contrôle des prix réduit) met à disposition pour faciliter le placement de produits laitiers dans le pays ne suffisent pas, le Conseil fédéral est autorisé à verser des prestations supplémentaires.

Art. 2 Les contributions supplémentaires nécessaires seront fourmes jusqu'à concurrence de 10 millions de francs par les seules ressources de la Confédération, Le solde éventuel sera couvert pour 50 pour cent à l'aide de ces mêmes ressources et l'autre moitié par un apport des fournisseurs de lait commercial au titre de mesure propre à diriger ou à orienter la production.

2 Le cas échéant, l'apport des fournisseurs de lait sera perçu sous forme d'une déduction opérée uniformément sur le prix de base du lait.

3 Afin d'assurer provisoirement l'application de cette mesure, le Conseil fédéral peut prescrire la retenue de deux centimes au maximum par kilo ou litre ou la perception à titre conditionnel d'une taxe équivalente.

1

(i) KO 1953, 1095.

(!) KO 1956, 1723.

1065 Art. 3 Le présent arrêté entre en vigueur le 1er novembre 1958. Sa validité limitée au 31 octobre 1959.

Art. 4 Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution. H peut faire appel aux offices cantonaux du lait et aux associations compétentes de l'économie laitière.

1

2

Le Conseil fédéral est chargé de publier le présent arrêté conformément aux dispositions de la loi du 17 juin 1874 concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux.

12030

Evaluations sel ou message du 15 novembre 1957 (p. 11) Prévisions: Production de lait commercial de 2,5% supérieure à celle de l'exercice 1956/1957 = 21,0 millions de q (corrigé) Dépenses Couverture En millions de franca

Nouvelles évaluations d'avril 1958 Prévisions: Production de lait commercial: Environ 1,2 million de q (env. 6%) de plus que pour l'année laitière 1956/1957 = 21,7 millions de q Dépenees Couvertnre En millions de franta

Frais de placement du fromage

28,3

36,0

Frais de placement du beurre (compte tenu de la réduction du prix de prise en charge de la crème et du beurre en plaine)

26,4

40,8

Dépenses liées à l'utilisation des produits laitiers de conservation Taxe sur le beurre importé, selon l'article 26 de la loi sur l'agriculture Supplément de prix sur les huiles et les graisses comestibles, selon l'article 26 de la loi sur l'agriculture Remplacement, en conformité de l'article 19 de l'arrêté sur le maintien d'un contrôle des prix réduit, des fonds perçus en vertu de l'article 26 de la loi sur l'agriculture et versés à la caisse de compensation des prix du lait et des produits laitiers Prélèvement sur les suppléments sur les denrées fourragères, selon l'article 24 de la loi sur l'agriculture, en vue de faciliter l'exportation Différence à couvrir selon l'arrêté fédéral proposé

1,2

1,2

Budget établi au titre deerla réduction des prix des produits laitiers/1 novembre 19G7 à 31 octobre 1958

55,9

Remarques

Pertes sur les exportations, campagnes de liquidation, etc., pertes supplémentaires = 7, ? million* Pertes consécutives au déclassement (prévision: 300 w.), dépenses occasionnées par la réduction du prix des produits indigènes (forte production), frais de stockage. Pertes supplémentaires liées à l'utilisation du beurre = 14 millions

6,85

--

Importations suspendues

6,0

6,4

Léger accroissement des achats à l'étranger

11,7

6,6

Diminution des rentrées provenant des droits supplémentaires sur le beurre, etc. = 5,1 millions

20,5

29,0

Pertes supplémentaires liées à l'utilisation du fromage (à l'exportation) = 8,5 millions

11,85

36,0

Déficit: à couvrir selon ACF du 20 décembre 1957: dont 17 millions environ par le produit des suppléments de prix dont 19 millions à l'aide des ressources générales de la Confédération

55,9

78,0

78,0

1066

Couverture des frai« de placement de produits laitiers pour l'exercice s'étendant du 1er novembre 1957 an 31 octobre 1958

1067

Importation et exportation de produits laitiers Exportation Fromage en meule Fromage en boîtes Poudre de lait et farine pour enfants (n° 19) . .

. . .

Lait condensé (n° 92)

1954 Wag.

1955 Wag.

1956 Wag.

1957 WlÉf.

1602 353

1648 479

1519 566

1788 607

1748 602

128 619

346 481

383 451

518 500

572 455

2,51

2,82

2,77

3,25

3,23

174

247

345

339

150 131 149 201

107 143 206 593

196 167 294 612

232 176 325 686

7

13

18

1937/1939 Wag.

Total en millions de quintaux de

Importation

0,5 Poudre de lait et farine pour Fromage à pâte molle (n° 98 a/6) .

Fromage à pâte dure (n° 990/Ô1) Beurre (n° 93a) Crème, poudre de crème (n° 930) .

7 107 54 138 1,5

3,5

Total en millions de quintaux de

0,63

1,05

2,13

2,42

2,73

Idem, mais sans le beurre . . . .

0,28

0,55

0,65

0,89

1,01

Exportés en plus Total en millions de quintaux .

de lait frais

1,88

1,77

0,64

0,83

0,52

Idem, mais sans le beurre. . . ,

2,23

2,27

2,12

2,36

2,26

12080

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la prorogation temporaire des mesures complémentaires propres à financer le placement de produits laitiers (Du 16 mai 1958)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1958

Année Anno Band

1

Volume Volume Heft

21

Cahier Numero Geschäftsnummer

7591

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

29.05.1958

Date Data Seite

1053-1067

Page Pagina Ref. No

10 095 042

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