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FEUILLE FEDERALE 110' année

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Berne, le 18 décembre 1958

Volume H

MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique et la protection contre les radiations (Du 8 décembre 1958) Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de voua soumettre, avec le présent message, un projet de loi sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique et la protection contre les radiations.

I. Introduction 1. Le 24 novembre 1957, le peuple et les cantons ont accepté l'àrticle 24quinguies de la constitution, qui est ainsi conçu: 1 La législation sur l'énergie atomique est du domaine de la Confédération.

»2 La Confédération édicté des prescriptions sur la protection.

contre les dangers des rayons ionisants.» Cette nouvelle disposition constitutionnelle confère à la Confédération la compétence d'édicter une loi sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique et la protection contre les radiations. Notre message relatif à l'article constitutionnel (FF 1957,1,1169) a déjà renseignél'Assemblée fédérale et le public sur l'opportunité de cette loi et sur les problèmes essentiels qu'elle doit résoudre.

2. Une loi sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique et la protection contre les radiations répond à un besoin urgent pour les raisons suivantes : Depuis quelques années, notre pays s'emploie activement à l'élaboration de plans et à la construction d'installations atomiques. Le premier réacteur de recherches acquis à l'étranger («Saphir») est en service à Würenlingeru Feuille fédérale, 110e année. Vol. H.

106,

1550 depuis le mois de mai 1957. Un. plus grand réacteur, destiné aux mêmes fins («Dioriti»), et dont la conception s'inspire de travaux accomplis en Suisse, est en voie de construction et pourra probablement être mis en exploitation au cours de l'an prochain. Deux petits réacteurs sont aménagés actuellement pour des universités cantonales en vue de l'enseignement et de la recherche; quelques autres suivront vraisemblablement bientôt. Les travaux préliminaires en vue de l'installation de trois réacteurs de puissance réduite qui permettront, pour la première fois, de faire en Suisse des expériences sur l'utilisation de l'énergie atomique pour la production de courant électrique, sont très avancés, de sorte qu'on peut s'attendre à une réalisation prochaine d'autres projets.

H est ainsi urgent de réglementer par une loi le domaine de l'énergie atomique. La Confédération ne dispose pas du moyen juridique, suffisamment adapté aux aspects particuliers de l'énergie atomique, qui lui permettrait d'intervenir dans l'intérêt de la sécurité et de la santé publiques.

Les dispositions de la loi sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents et celles de la loi sur les fabriques ne suffisent pas pour faire face aux exigences qui se font jour ici. La construction et l'exploitation d'installations atomiques nécessite des mesures de sécurité très étendues si l'on veut assurer la protection de la population et du personnel d'exploitation contre les radiations ionisantes. Pour avoir la garantie que toutes précautions seront prises, il est indispensable d'instituer un régime d'autorisation et de soumettre les exploitations à une surveillance constante.

La réglementation de la responsabilité civile des exploitants d'installations atomiques est l'un des problèmes fondamentaux de la nouvelle loi.

Selon le droit en vigueur, les exploitants répondent des dommages conformément aux principes généraux du code des obligations. Ce code ne les contraignant pas à fournir des garanties en vue de la couverture des dommages qui pourraient être causés à des tiers, il n'est pas'certain que ces exploitants soient à même de faire face à leur responsabilité en cas de grands sinistres. La nouvelle loi doit donc renforcer la protection de droit civil des lésés. On doit cependant prendre garde de ne pas entraver le développement de
l'industrie atomique en Suisse en imposant à celle-ci une responsabilité trop rigoureuse ; en d'autres termes, il faut veiller à ne pas paralyser l'initiative de l'industriel qui supporte déjà les gros risques financiers et techniques de cette activité nouvelle. Aussi les milieux économiques intéressés ont-ils laissé clairement entendre qu'ils ne pourraient se risquer à construire et exploiter des réacteurs atomiques si l'on n'apporte pas une solution au problème de la responsabilité civile et ne maintient pas celle-ci dans des limites supportables. En outre, nous ne pouvons compter sur les livraisons de l'étranger, qui nous sont encore indispensables à plus d'un égard en matière d'énergie atomique, que si la responsabilité des fournisseurs est également limitée. Le développement de l'industrie nucléaire en Suisse dépend ainsi de la nouvelle loi.

1551 Lors de la discussion relative au nouvel article constitutionnel, les chambres ont déjà constaté cet état de choses et exprimé le voeu que les dispositions d'exécution soient élaborées le plus rapidement possible (Bulletin sténogmphique du Conseil national, 1957, 646).

Le problème de la protection contre les radiations--faut-il le répéter ? -- gagne rapidement en importance à mesure que s'intensifie l'utilisation des radioisotopes, des rayons X et des accélérateurs de particules dans les sciences, la médecine, l'agriculture et l'industrie. Rappelons que l'urgence d'une réglementation légale de la protection contre les radiations a aussi été reconnue au cours du congrès que l'académie suisse des sciences médicales a consacré cette année, à Lausanne, aux effets nocifs des radiations à faible dose.

Le 1er septembre 1955 déjà, le service fédéral de l'hygiène publique a arrêté des «directives pour la protection contre les radiations ionisantes en médecine, dans les laboratoires, les arts et métiers et les fabriques»; ce texte contient l'essentiel des indications nécessaires pour protéger la population mais il n'a pas force de loi. A défaut de base légale, le Conseil fédéral est dans l'impossibilité de régler impérativement un domaine aussi important pour la santé publique. La loi sur l'énergie atomique devra lui fournir ce moyen. La Confédération arrêtera les dispositions d'exécution dès que la loi sera entrée en vigueur. La connaissance scientifique et technique des règles et des méthodes de protection est assez poussée pour permettre une réglementation satisfaisante. Des travaux préliminaires approfondis ont été effectués sur ce point par différentes organisations internationales.

La loi sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique et la protection contre les radiations doit compléter les dispositions pénales en vigueur.

Des sanctions devront en outre assurer le respect des engagements contenus dans des traités internationaux (accords de coopération pour l'utilisation pacifique de l'énergie atomique, conclus avec les Etats-Unis le 21 juin 1956, avec la France le 19 juillet 1957 et avec le Canada le 6 mars 1958).

Nos messages à l'appui de différentes demandes de crédits alloués par les chambres fédérales ont signalé l'urgence des mesures propres à encourager la recherche et la formation
de spécialistes dans le domaine de la science atomique. Notre retard par rapport aux puissances atomiques doit être comblé dans le plus bref délai. D'importantes contributions fédérales ont été affectées à ce but; d'autres encore seront nécessaires. Aussi paraît-il souhaitable que les principes réglant l'intervention de l'Etat en cette matière soient également fixés dans la loi.

3. La nouveauté des problèmes à résoudre exige, dans une certaine mesure, des solutions nouvelles. Depuis la première conférence internationale sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique, qui eut lieu à Genève en 1955 sous l'égide de l'ONU, l'élaboration du droit atomique a provoqué

1552 de vives discussions, qui ont contribué à élucider les problèmes les plus importants qui se posent en l'occurrence. Dans tous les pays, la législation sur l'énergie atomique est encore en voie de formation.

Sur le plan international, on s'emploie actuellement à uniformiser certains domaines du droit atomique. C'est ainsi que l'agence internationale de l'énergie atomique à Vienne a entrepris d'élaborer, à l'échelle mondiale, des prescriptions sur la protection contre les radiations, notamment en ce qui concerne l'emploi d'isotopes, de même que le transport de radioisotopes et d'éléments de combustibles radioactifs. L'agence européenne pour l'énergie nucléaire de l'OECE s'efforce pour sa part, non seulement d'établir des normes en matière de radiations, mais plus particulièrement d'harmoniser les réglementations de la responsabilité civile et de l'assurance.

Elle envisage la conclusion d'un accord multilatéral sur ce point. Les principes qui se dégagent de ces travaux préliminaires sont analogues à ceux dont s'inspire le projet de loi suisse.

N'y aurait-il pas lieu d'attendre l'achèvement des travaux préliminaires entrepris sur le plan international pour soumettre un projet de loi aux chambres ? Nous ne le croyons pas, le sort de ces conventions internationales demeurant incertain jusqu'au moment de leur signature, voire de leur ratification. Dans ces conditions, il nous semble sage de coordonner le plus possible la collaboration de la Suisse à l'établissement du projet de Convention internationale et l'élaboration du .présent projet de loi mais aussi de ne pas faire dépendre notre législation nationale du sort d'accords internationaux. Le Royaume-Uni et la République fédérale d'Allemagne procèdent de la même manière; le 24 et 29 octobre 1958, les gouvernements allemand et britannique ont soumis au parlement de leur pays un projet de loi sur l'énergie atomique.

4. Pour l'élaboration du présent projet de loi, le délégué aux questions atomiques a institué une commission d'experts composée de représentants des départements fédéraux, de l'économie privée, de la caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents et des milieux scientifiques.

La commission d'experts s'est trouvée placée devant des problèmes difficiles à résoudre, car elle avait à établir des normes juridiques dans un domaine
en pleine évolution tant en ce qui concerne les connaissances scientifiques et techniques que les possibilités d'utilisation pratique. Dans le passé, l'élaboration des lois suivait généralement l'évolution technique avec un certain retard pour en limiter les inconvénients sur la base des expériences acquises. Ici, au contraire, les normes juridiques devraient être fixées d'avance. Aucune temporisation n'est admissible vu les risques et les dangers inhérents à la mise en valeur de l'énergie atomique, encore qu'on ait tendance à en exagérer la portée par l'effet des utilisations militaires de cette nouvelle source d'énergie. En présence de problèmes suscitant souvent des opinions contradictoires, la commission s'est attachée à trouver

1553 des solutions qui répondent aux principes généraux de notre système juridique, sans pour autant entraver sérieusement l'évolution future de l'industrie atomique.

La matière étant complexe, des divergences de vues sur certains problèmes étaient inévitables. Tel a été le cas pour les questions touchant la responsabilité civile; nous y reviendrons. En ce qui concerne la position juridique de l'industrie atomique dans le cadre de l'économie, les avis exprimés au sein de la commission d'experts, de la commission consultative pour l'énergie atomique, de même que dans les rapports présentés par les gouvernements cantonaux et les associations économiques, ont été, en principe, unanimes.

II. La position juridique de l'industrie atomique dans le cadre de l'économie Le message relatif à l'article constitutionnel s'exprimait comme suit sur la position juridique de l'industrie atomique dans le cadre de l'économie (FF 1957,1,1190): En statuant que la législation touchant l'onorgie atomique est du domaine de la Confédération, la disposition que nous proposons laisse les mains entièrement libres au législateur fédéral...

Cela ne signifie nullement que la future loi sur les questions atomiques doive prévoir des interventions de l'Etat sur lo plan économique. Au contraire, dans l'état actuel des choses, on devrait pouvoir se passer de pareilles interventions. Le législateur devra en tout cas partir du point de vue que l'utilisation de l'énergie nucléaire est l'affaire de l'économie et s'inspirer du souci de préserver le libre jeu de la concurrence dans toute la mesure possible. Si une réglementation différente a été adoptée pour l'utilisation des forces hydrauliques, la cause en est à des circonstances particulières --· telles que la localisation étroite de ces sources d'énergie et l'existence de législations cantonales traditionnelles -- qui n'entrent pas en ligue de compte dans le cas de l'énergie atomique. Il faut précisément relever comme un des avantages de l'énergie nucléaire le fait qu'elle n'est pas liée par la nature à un endroit géographique donné ; BOUS ce rapport aussi, elle ouvrira de nouvelles perspectives et aiguillonnera la concurrence entre les différents producteurs d'énergie.

On peut en principe envisager les solutions suivantes : 1. Monopole d'Etat avec compétence exclusive de, la Confédération pour l'utilisation pacifique de l'énergie atomique; 2. Système de la concession, dans lequel, également, le droit d'exploiter l'énergie atomique serait réservé exclusivement à la Confédération, qui pourrait toutefois en déléguer l'exercice à certains concessionnaires, qu'elle aurait jugés suffisamment qualifiés; 3. Régime, de l'autorisation s'inspirant de considérations relevant de la politique économique: lors de l'octroi d'autorisations de construire ou d'exploiter des installations atomiques, la Confédération tiendra compte de la nécessité de telles installations et de leurs conséquences au

1554 point de vue économique. Elle pourrait, le cas échéant, déroger à la liberté de commerce et de l'industrie en refusant des autorisations pour des raisons de politique économique; 4. Simple autorisation de police: conformément au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, l'autorisation de construire et d'exploiter des installations atomiques ne pourrait être refusée ici que pour les motifs de police indiqués dans la loi, mais non pour des considérations de politique économique.

Ad 1: L'institution d'un monopole exclusif de la Confédération a été proposée au Conseil fédéral par M. Vincent (Genève), mais cette proposition a été repoussée par 92 contre 3 (Bulletin sténographique 1957, 648). Le texte de l'article constitutionnel adopté par le peuple et les cantons n'exclut toutefois pas la possibilité d'étatifier l'industrie atomique par la voie législative. Il n'existe pas de monopole fédéral dans le domaine des sources d'énergie traditionnelles et il n'y a pas de raison de penser que l'exclusion de l'initiative privée permettrait à l'industrie atomique de se développer de façon satisfaisante. Dans le domaine de la production d'électricité, la Confédération n'a fait construire des usines que pour les seuls besoins des chemins de fer fédéraux ; pour le reste, elle a laissé toute l'initiative aux cantons, aux communes et à l'économie privée; ce système a fait ses preuves.

Aux Etats-Unis d'Amérique et en Angleterre, l'industrie atomique s'est, il est vrai, développée entièrement dans un cadre étatique. Cela provient du fait que l'utilisation militaire de l'énergie atomique passait alors au premier plan; elle prédomine d'ailleurs encore aujourd'hui. Toutefois, depuis que l'utilisation pacifique de l'énergie atomique gagne de jour en jour de l'importance, les Etats-Unis comme l'Angleterre cherchent à faire bénéficier leur jeune industrie atomique des efforts de l'initiative privée et ils adaptent leur législation à ces nouvelles tendances. Aujourd'hui, un monopole d'Etat exclusif n'existe même plus dans les pays anglo-saxons. En Suisse, tout l'intérêt se concentre pour le moment sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique. C'est pourquoi le régime du monopole d'Etat exclusif, précédemment en vigueur dans les pays anglo-saxons, ne saurait servir d'exemple à notre pays.

Ad 2: Le
système de la concession ne répond pas non plus à la nature de la nouvelle industrie.

Lorsqu'il s'agit d'une activité soumise à concession, le législateur part de l'idée qu'elle constitue au premier chef une tâche de l'Etat, mais dont l'exécution peut être confiée au concessionnaire: celui-ci, par conséquent, dirige en son nom et pour son compte une entreprise publique (Ruck, Schweizerisches Verwaltungsrecht I, 104). Le droit du concessionnaire d'exploiter son entreprise découle non pas de la liberté du commerce et de l'industrie, mais de la concession elle-même. L'utilisation des forces hydrau-

1555 liques est soumise à concession, car la plupart des cours d'eau font partie du domaine public. La concession institue donc un droit spécial d'utilisation de ces eaux. La production d'énergie atomique ne nécessite toutefois pas l'utilisation des eaux du domaine public dans des conditions exceptionnelles.

Certes, le développement de l'industrie atomique est d'intérêt public, mais ce trait est commun à d'autres domaines de l'économie et il ne nécessite nullement le système de la concession. L'essentiel est de garantir et satisfaire le mieux possible les besoins en énergie et autres biens. Ce but peut être atteint aux meilleures conditions par le jeu de la concurrence, qui contraint l'offre à s'adapter sans cesse à la demande. Des inconvénients ne pourraient se manifester que s'il s'établissait un monopole de fait d'une ou de quelques entreprises privées, qui seraient alors en mesure de fixer souverainement les prix. Ce danger n'existe cependant pas, car l'énergie atomique doit se développer en concurrence avec les sources d'énergie classiques. En outre, la production suisse d'électricité pour la livraison de courant au public se trouve pour environ trois quarts en mains d'institutions de droit public. Les milieux qui commandent actuellement l'industrie électrique suisse seront, selon toutes probabilités, aussi les premiers propriétaires des futures centrales atomiques. C'est dire que les cantons et les communes participeront de manière déterminante à la production de l'énergie fournie par les installations atomiques. Depuis longtemps déjà, les cantons et les communes participent à des entreprises concurrentes dans différents secteurs importants de l'économie privée. Ce système d'économie mixte a fait ses preuves en temps de guerre et en temps de paix (cf. à ce propos les explications du Conseil fédéral dans son rapport sur l'initiative concernant la «réforme économique et les droits du travail», chapitre 4 «A propos de socialisation», FF 1946, IH, 830, et dans son rapport sur l'initiative concernant la participation des entreprises de droit public aux dépenses pour la défense nationale, FF 1950,1, 866).

Ainsi, même sans le système de la concession, l'économie énergétique suisse de l'ère atomique sera entre les mains d'entreprises mixtes.

On peut affirmer dès maintenant que le système de la
concession ne faciliterait aucunement l'incorporation harmonieuse de l'industrie atomique dans l'économie suisse traditionnelle de production d'énergie. Cette solution n'a du reste été proposée dans aucun des avis donnés par les cantons et les associations économiques.

Ad 3: Si l'on abandonne en principe la production d'énergie atomique à l'économie privée, il y a cependant lieu de se demander si, pour des raisons de politique économique, certaines limitations de la liberté du commerce et de l'industrie ne devraient pas, dans l'intérêt public, être imposées à la nouvelle industrie. Etant donné que le besoin d'énergie ira croissant pendant longtemps et que sa couverture par les moyens classiques est gênée et menacée par les tensions politiques, on ne peut que se réjouir du développe-

1556 ment de nouvelles sources d'énergie dont l'entrée en jeu sur le plan économique sera plutôt tardive que prématurée. Des experts pensent que nos tforces hydrauliques seront entièrement utilisées en 1975 et que les nouveaux besoins en électricité devront ensuite être couverts au moyen de l'énergie atomique. On doit donc se garder de freiner le développement de la nouvelle industrie en lui imposant des barrières de politique économique.

Cette situation et les particularités de la nouvelle source d'énergie ·incitent à contraindre les exploitants de centrales atomiques, au même ·titre que ceux des usines hydro-électriques, de fournir d'abord au marché indigène le courant qu'ils produisent. C'est pourquoi l'article 4, 1er alinéa, .lettre d, et l'article 5, 4e alinéa, du projet prévoient que l'exportation de d'énergie produite par des installations atomiques est soumise à autorisation, par analogie avec l'article 8 de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques.

Il n'est en revanche pas nécessaire d'accorder à la Confédération la ·compétence d'édicter des prescriptions sur les prix de l'énergie produite 'dans des centrales atomiques, pas plus que ce n'est le cas pour l'énergie ïprovenant de forces hydrauliques. L'électricité fournie par l'énergie atomique ·entre en concurrence avec celle qui est produite par les usines hydrauliques ou thermiques, ces dernières utilisant le charbon ou le mazout. La formation des prix dépendra donc en grande partie de la politique des prix adoptée par les entreprises d'électricité de droit public. La Confédération n'a aucun motif de s'immiscer dans cette question de prix en temps de paix.

Ad 4: Hous avons vu ci-dessus qu'il ne paraît pas nécessaire, ni judi·cieux, d'étatifier l'industrie atomique ou de la placer sous le contrôle de l'Etat pour des raisons relevant de la politique économique ; aussi le projet de loi prévoit-il en principe une solution d'économie privée, de façon à assurer le plus possible, dans ce domaine, le libre épanouissement de toutes les initiatives de notre économie. Ce régime s'impose d'autant plus qu'on ne peut encore prévoir toutes les possibilités d'application de l'énergie atomique.

"Une réglementation officielle entravant l'initiative privée ne manquerait pas d'avoir des répercussions préjudiciables dans ce secteur susceptible de
'.grands développements.

L'Etat ne peut cependant pas renoncer à exercer une surveillance en ·raison du danger des radiations inséparable de l'énergie atomique. Un 'contrôle de police rigoureux est indispensable. Les dommages atomiques ^peuvent dépasser considérablement les limites restreintes dans lesquelles ;se produisent d'ordinaire les accidents. A elle seule, cette constatation justifie une surveillance exercée par la Confédération; sans compter que ·le recrutement d'un personnel de surveillance approprié ne sera pas pour ·elle une tâche facile, étant donné le grand manque de spécialistes en matière atomique. Pour la plupart des cantons, ces difficultés seraient Insurmontables. Le projet trace des limites très larges aux attributions de ipolice de la Confédération vis-à-vis des propriétaires d'installations ato-

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miques et des autres possesseurs de combustible nucléaire et de résidus radioactifs car le législateur doit avoir pour premier et plus grand souci de protéger le public contre les dangers de la nouvelle industrie atomique.

Le danger de la radioactivité n'est pas limité aux installations atomiques ou aux cas de détention, par une personne, de combustibles nucléaires ou de résidus radioactifs; il provient pratiquement plus encore d'autres sources de radiations ionisantes, telles qu'appareils de rayons X ou matières lumineuses radioactives, etc. C'est pourquoi on a déjà attiré l'attention sur la nécessité d'édicter, le plus tôt possible après l'adoption du projet de loi ci-joint, des prescriptions sur la protection contre les radiations qui puissent également s'appliquer à d'autres domaines qu'à celui de l'industrie atomique. Pour que le Conseil fédéral soit en mesure de s'acquitter de cette tâche, il importe que la nouvelle loi lui accorde une compétence aussi large que possible (cf. chapitre III du projet de loi, «Protection contre les radiations», art. 10).

III. Limitation et couverture obligatoire de la responsabilité civile; contribution de la Confédération en cas de sinistres graves Les constructions les plus soignées et les meilleurs contrôles préventifs ne suffisent pas à garantir en toute circonstance une protection absolue contre les dommages qui peuvent être causés par une installation atomique. Ces dommages peuvent résulter de deux faits : il s'agira soit d'un événement de courte durée, tel que 1'«emballement» d'un réacteur, soit d'un fait durable, tel que la contamination d'une eau souterraine.

Si l'on doit éviter de sous-estimer les dangers qui résultent d'une installation atomique, on doit aussi se garder de reporter sur les installations servant à l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire la terreur qu'inspiré la bombe atomique. Du fait des grandes précautions prises et des multiples dispositifs de sécurité, automatiques et largement indépendants des erreurs humaines, du fait enfin des contrôles et de la surveillance exercés par la Confédération, le risque de voir une installation atomique causer un dommage grave peut être tenu pour extrêmement faible. Les expériences faites en Amérique ont démontré que la proportion des accidents survenus dans les installations atomiques est
nettement inférieure à ce qu'elle est dans les autres entreprises industrielles. S'agissant ici d'une nouvelle industrie, il faut pourtant s'attendre à des surprises que les plans les plus soigneux ne suffisent pas à prévenir. Quoi qu'il en soit, ces dangers sont incomparablement plus faibles que ceux auxquels chacun d'entre nous est exposé quotidiennement en raison du trafic moderne. Selon des estimations faites en Amérique, la probabilité de mourir dans un accident de la circulation est de 1 pour 5000 tandis que le risque de perdre la vie dans un accident

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causé par un réacteur atomique n'est que de 1 pour 500 millions (Report on thé Price-Anderson Âct, October 1957, p. 3).

Si la probabilité de sinistres entraînant des dommages sévères est ici extrêmement faible, ou doit néanmoins tenir compte que, suivant les circonstances, la survenance d'un tel sinistre peut provoquer des dommages considérables.

La nouvelle loi doit donc traiter du problème de la responsabilité pour les dommages causés par les installations atomiques (art. 11 du projet).

D'après le code des obligations, les propriétaires d'ime installation atomique sont soumis à une responsabilité illimitée pour tous les dommages causés, s'il peut être prouvé que l'installation présente un vice de construction ou un défaut d'entretien (art. 58, responsabilité du propriétaire d'ouvrage).

Cette responsabilité subsiste même si le vice de construction ou le défaut d'entretien ne sont pas imputables au propriétaire. La seule existence objective du vice ou défaut surfit (responsabilité causale ordinaire). En l'absence d'un vice de construction ou d'un défaut d'entretien, le propriétaire de l'entreprise répondra dans le seul cas où lui-même, ou, dans le cadre de la responsabilité pour les actes des agents (art. 55 CC), un dirigeant aura commis une faute ou si le dommage est le fait d'un auxiliaire que la direction de l'entreprise n'a pas choisi, instruit ou surveillé avec le soin nécessaire (responsabilité de l'employeur, art. 55 CO). Dans le cadre de cette réglementation, on peut imaginer des cas où l'entreprise causerait un dommage sans qu'aucune des dispositions relatives à la responsabilité civile mentionnées ci-dessus puisse être appliquée ; les lésés seraient alors dans l'impossibilité de faire valoir quelque prétention que ce soit.

En dehors de l'industrie atomique, le problème se pose également pour d'autres installations techniques dangereuses. Aussi, depuis longtemps déjà, le législateur suisse a-t-il renforcé la responsabilité dans certains cas exceptionnels en créant une responsabilité spéciale fondée sur la notion de mise en danger. Les entreprises de chemins de fer et de navigation à vapeur, de même que les autres entreprises concessionnaires de transports, sont soumises à une telle responsabilité causale renforcée (loi fédérale du 28 mars 1905 sur la responsabilité civile des entreprises
de chemins de fer et de bateaux à vapeur et des postes) ; il en va de même des détenteurs de véhicules à moteur et d'aéronefs (art. 37 s. de la loi sur la circulation des véhicules automobiles et des cycles et art. 64 de la loi sur la navigation aérienne) et des propriétaires d'installations électriques (art. 27 s. de la loi sur les installations électriques à faible et à fort courant). Dans ces cas le propriétaire de l'exploitation répond de tous les dommages causés, alors même que les installations sont parfaitement construites et entretenues et sans qu'il y ait lieu de prendre en considération si une faute a ou n'a pas été commise par la direction ou le personnel ; la responsabilité ne peut être exclue que pour les motifs d'exonération que constituent la force majeure, la faute detenni-

1559 nante du lésé ou d'un tiers (voir ci-dessous les remarques concernant l'art. 12 du projet). Cette responsabilité causale très stricte a été instituée avant tout pour les dommages aux personnes ; certaines lois retendent également dans une mesure variable aux dommages matériels.

H est clair que les installations atomiques doivent être soumises à une responsabilité sévère, de manière que l'exploitant ait à réparer en principe tout dommage causé par l'installation, sous réserve des exceptions qui seront discutées à propos de l'article 12 du projet. Pour trancher le problème de la responsabilité en cas de dommage, il ne devra pas être nécessaire d'examiner si l'installation atomique présentait ou non un défaut, et les lésés n'auront pas à prouver qu'une obligation de diligence a été violée. Ce principe fondamental de la responsabilité causale des exploitants d'installations atomiques est admis à l'unanimité aussi bien dans les milieux suisses consultés que dans la commission d'experts de l'OECE chargés d'harmoniser les règles de la responsabilité civile en matière atomique.

Une responsabilité aussi rigoureuse comporte des risques importants pour les entreprises atomiques en cas de sinistre grave. Les exploitants de ces installations s'assureront le plus souvent, du reste dans leur propre intérêt, contre les conséquences de leur responsabilité civile pour de tels dommages. Le public a, lui aussi, le plus grand intérêt à ce que toutes ces entreprises concluent une assurance suffisante de leur responsabilité civile ou qu'elles fournissent des sûretés d'un autre genre, de telle façon qu'une garantie soit offerte dans tous les cas aux lésés. C'est pourquoi le projet de loi, à l'instar de la loi sur la circulation des véhicules automobiles et des cycles ou de la nouvelle loi sur la circulation routière, prévoit une obligation d'assurance (art. 19 du projet) ou l'obligation de fournir des sûretés équivalentes (art. 23 du projet).

Du point de vue des lésés, il est souhaitable que l'assurance soit aussi élevée que possible. La capacité du marché suisse des assurances n'est toutefois pas illimitée. Certes, les assureurs qui, en Suisse, pratiquent l'assurance contre les dommages et la responsabilité civile se sont groupés en un «pool» pour l'assurance des risques atomiques, de manière à offrir des garanties
aussi fortes que possible et ils s'efforcent d'augmenter encore leur capacité en recourant au marché international de la réassurance. Il n'en demeure pas moins vrai que la responsabilité civile n'est pas assurable sans limite. En effet, les mêmes sociétés auront également à supporter des risques dans le cadre de l'assurance contre les dommages, de telle sorte que l'on doit s'attendre, en cas de sinistre à un cumul de risques, lies compagnies d'assurances doivent, en particulier, veiller à ce que la situation de leurs autres assurés ne soit pas menacée dans le cas d'un sinistre atteignant la limite de la garantie. Pour le moment, les sociétés d'assurance travaillant en Suisse déclarent ne pouvoir couvrir le risque responsabilité que jusqu'à concurrence de 30 millions de francs par installation.

1560 Une assurance de la responsabilité civile jusqu'à 30 millions de francs, telle qu'elle est prévue dans le projet de loi, est extraordinairement élevée, comparée avec toutes les autres assurances de la responsabilité civile. Dans la plupart des cas, elle devrait suffir à couvrir les dommages causés à des tiers du fait de l'exploitation d'une installation atomique. Cependant les experts se rendent parfaitement compte qu'en cas de concours de toute une série de circonstances extraordinaires, on ne peut exclure complètement l'éventualité de dommages par contamination d'une importance assez considérable (le coût extrêmement élevé des mesures de désinfection revêt une importance toute spéciale). La jeune industrie atomique se trouve ainsi placée en face d'un problème de risque inassurable qui préoccupe fortement les législateurs de tous les Etats. Certes, comme on l'a déjà relevé, la probabilité de survenance de tels dommages inassurables est incroyablement faible. Pourtant, la simple existence d'un tel risque ne manquera pas d'influencer sensiblement la décision des milieux auquel il appartiendra de financer la nouvelle industrie.

Dans tous les pays, les considérations qui précèdent ont amené à la conclusion que les entreprises atomiques devraient être déchargées de la part de risque pour laquelle il leur est impossible de s'assurer. En principe, il existe deux façons de résoudre ce problème : ou bien le législateur établit une responsabilité illimitée de l'entreprise, mais accorde à celle-ci un droit de recours contre l'Etat, si les prétentions dont elle est l'objet dépassent le montant assurable, ou bien il limite d'emblée la responsabilité des exploitants d'installations atomiques au montant assurable et libère ainsi l'entreprise de toute prétention qui dépasserait cette limite. Dans le cadre de cette seconde solution, la question reste ouverte de savoir si les lésés qui n'auraient pas été complètement indemnisés ne devraient pas être en mesure de faire valoir encore certains droits contre l'Etat.

Dans le Priez-Anderson Act de 1957, le législateur américain a choisi la première des deux solutions citées. Aux Etats-Unis, la responsabilité civile de l'entreprise atomique privée est réglée par la Comrnon Law ou les lois des différents Etats de l'Union; en ce domaine du droit privé, la législation
fédérale ne peut empiéter sur la souveraineté des Etats membres. Moyennant une contribution modeste, le gouvernement fédéral s'engage, en cas de dommages, à décharger, jusqu'à un montant de 500 millions de dollars, les exploitants d'installations atomiques de toute demande d'indemnité dépassant les montants do l'assurance obligatoire (actuellement 60 millions de dollars au maximum). La République fédérale d'Allemagne envisage une réglementation analogue où, sans que la limite de l'assurance soit fixée par la loi, la responsabilité subsidiaire de l'Etat irait jusqu'à 500 millions de marks.

La Suisse ne peut adopter purement et simplement la solution américaine ou allemande. On est en droit en effet de se demander s'il y aurait un sens à fixer, de manière nécessairement arbitraire, un quel conque montant

1561 d'indemnisation. Aussi les représentants de l'industrie atomique et de l'assurance ont-ils recommandé de choisir la seconde voie : limitation de la responsabilité civile des entreprises atomiques, plus une clause générale en vertu de laquelle la Confédération prendrait, le cas échéant, les mesures nécessaires dans l'intérêt des lésés qui ne pourraient plus bénéficier des garanties prescrites.

Toutefois, comme ce système ne garantit pas que tous les lésés seront toujours et entièrement indemnisés, il a été proposé, spécialement par des représentants éminents de la science juridique, que dans l'intérêt même des victimes, la Suisse soumette les exploitants d'installations atomiques à une responsabilité illimitée, contrairement à la tendance dominante dans la plupart des autres pays. De cette manière, les lésés auraient la faculté de faire valoir leurs prétentions non seulement sur l'indemnité versée par l'assureur de la responsabilité civile mais aussi sur les autres actifs de la société exploitant l'installation atomique, en tant qu'ils ne sont pas grevés de gage.

On a souligné qu'à l'exception du droit maritime (art. 49 de la loi sur la navigation maritime), la législation suisse ne connaît aucun cas de limitation de la responsabilité non contractuelle ; que, même dans la loi sur la navigation aérienne (art. 64 s.), la Suisse a adopté le système de la responsabilité illimitée des entreprises d'aviation à l'égard des tiers au sol, contrairement au principe consacré par la convention de Rome de 1933 pour l'unification de certaines règles relatives aux dommages causés par les aéronefs aux tiers à la surface ; que cette réglementation n'a pas entravé gravement le développement de l'aviation commerciale suisse. limiter la responsabilité civile au profit d'une branche isolée de l'économie telle que l'industrie atomique, c'est introduire un corps étranger dans le droit suisse de la responsabilité.

Avant d'exiger un sacrifice de la Confédération et des lésés, on devrait exiger que le responsable garantisse avec toute sa fortune la réparation des dommages non couverts par l'assurance.

Nous inspirant de ces considérations, nous avions d'abord soumis aux cantons et aux associations économiques un projet prévoyant une responsabilité illimitée. Cette solution s'est heurtée à l'opposition ferme de la
commission consultative pour l'énergie atomique. Elle n'a été défendue que dans quelques-uns des avis des cantons; en revanche elle a été combattue par les associations. On a expliqué qu'une telle réglementation légale menacerait gravement le développement de l'énergie atomique en Suisse.

L'association suisse des banquiers a écrit, par exemple, qu'il est certain que le public ne serait pas disposé, dans ces conditions, à assumer le risque d'une participation aux capitaux, que ce soit sous forme d'actions ou d'obligations. De leur côté, les entreprises d'électricité ont insisté sur le fait qu'avec un système de responsabilité illimitée, il leur serait impossible de commencer à construire des installations atomiques. Les représentants de l'industrie des machines se sont déclarés dans le même sens. On devrait craindre, dans ces conditions, un fort ralentissement du développement de

1562 l'industrie atomique en Suisse, ce qui serait à l'opposé même du but principal de la nouvelle loi. Compte tenu de ces réactions, la commission d'experts a remanié, en seconde lecture, le projet de loi en y introduisant le principe de la responsabilité limitée. Nous nous sommes nous-mêmes ralliés à cette solution (art. 11 du projet). On peut relever, à l'appui de cette décision, que la commission d'experts de l'OECE chargée d'harmoniser les législations dans le domaine atomique s'est déclarée à l'unanimité favorable au principe de la limitation de la responsabilité.

Si l'on adopte cette solution, il reste à examiner si la Confédération doit accorder aux lésés une protection supplémentaire, pour le cas où les sommes de garantie ne suffiraient pas à satisfaire toutes les demandes d'indemnité.

La même question se poserait d'ailleurs aussi dans le cas où l'exploitant de l'installation répondrait de manière illimitée, car, dans ce cas également, il n'est pas exclu que la liquidation par voie de faillite de tous les actifs de l'entreprise atomique ne suffise pas à indemniser pleinement les lésés. En effet, ceux-ci sont de simples créanciers chirographaires qui, dans le cas où l'installation aurait été mise en gage, n'obtiendraient comme dividende dans la faillite qu'une part modeste des actifs de l'entreprise.

Le problème de la contribution de la Confédération à la réparation des dommages non couverts a, lui aussi, suscité des divergences d'opinions au sein de la commission d'experts. On peut tenir pour incontestable que jusqu'ici, dans tous les cas de catastrophes, la Confédération a participé aux mesures destinées à atténuer la détresse des victimes. S'il devait jamais arriver qu'une installation atomique cause un grand dommage qui dépasse les limites de ce que l'on peut assurer, on serait en présence d'une catastrophe, et il est à prévoir que l'Assemblée fédérale déciderait, même sans base légale, des mesures de secours en faveur des victimes. On a toutefois objecté que cette référence à l'attitude de la Confédération lors de catastrophes ne constitue pas une garantie suffisante. Si l'on considère les obligations extrêmement étendues que d'autres Etats assument dans les cas de sinistres graves, on peut admettre que le droit suisse devrait prévoir une base légale expresse pour une contribution
de la Confédération à la couverture de tels dommages.

C'est pourquoi l'article 25 1er alinéa, 2e phrase, du projet précise que : «La Confédération peut verser des prestations pour le dommage non couvert.» Cette disposition n'impose pas à la Confédération une obligation formelle de réparer les dommages non couvert, par l'assurance, mais elle laisse entendre qu'en cas de dommages graves la Confédération doit examiner quelles contributions publiques seraient indiquées en faveur des victimes.

Si les organes dirigeants d'une entreprise atomique ont commis une faute, la Confédération peut exercer contre elle un recours jusqu'à concurrence du montant de ses propres prestations. Dans ce cas, malgré l'existence d'une responsabilité causale limitée, les exploitants d'installations atomiques

1563 doivent en définitive supporter la plus grande part possible des dommages réparés avec le concours de la Confédération (art. 25,4e alinéa).

Ce droit de recours de la Confédération en cas de faute du propriétaire déroge partiellement au principe de la limitation de la responsabilité. La limitation n'est pleinement effective que dans les rapports entre le lésé et le responsable. En revanche, à l'égard de la Confédération, il existe, en cas de faute, une obligation non assurable de rembourser totalement ou partiellement les contributions versées par elle. Cette disposition révèle très nettement son caractère de compromis. Elle satisfait au sens de l'équité dans la mesure où le responsable qui a commis une faute doit consentir un sacrifice personnel lorsque la Confédération est appelée à contribuer à la réparation du dommage. En outre, cette règle est plus facilement supportable pour l'entreprise que celle de la responsabilité illimitée. En effet, le projet parle simplement d'une faculté de la Confédération de se retourner contre le responsable jusqu'à concurrence de ses propres versements; les intéressés peuvent être certains que la Confédération en usera dans la mesure seulement où l'exercice du droit de recours paraîtra justifié au vu de l'ensemble des circonstances.

Déjà au sein de la commission d'experts, 011 a reproché au projet de ne pas aller assez loin dans le sens d'un engagement de la Confédération; de l'avis de certains, il aurait fallu instituer comme en Allemagne occidentale une véritable responsabilité de l'Etat. On a expliqué que, d'après les exigences de l'ordre juridique, la Confédération devrait intervenir pour réparer les dommages non couverts. Si, dans l'intérêt public, elle autorise en Suisse la construction d'installations aussi dangereuses que des réacteurs, elle, ou plutôt l'ensemble du peuple suisse, devrait intervenir dès l'instant où l'industrie atomique qui, de toute urgence nous est indispensable, devrait provoquer un sinistre dépassant les limites de l'assurance. Un dommage atomique diffère fondamentalement d'une catastrophe due aux forces de la nature, puisque le risque est créé par l'homme lui-même et que, dans le cadre de la nouvelle loi, la Confédération en autorise expressément la création. Aucune règle générale de l'ordre juridique ne dispose que l'Etat est
tenu d'intervenir lorsque les prestations d'un responsable ne suffisent pas à réparer entièrement le dommage causé par lui, et une telle règle ne serait pas non plus justifiée dans le cas présent. L'Etat n'a pas à intervenir lorsqu'une installation atomique privée cause un dommage, à moins toutefois que ce dommage ne soit la conséquence d'une faute de l'Etat au sens de la loi sur la responsabilité. En effet, ce n'est pas l'Etat qui crée le risque ; la procédure d'autorisation officielle et la surveillance exercée par lui contribuent plutôt à réduire les dangers. L'Etat n'est pas davantage responsable du fait que, dans certaines circonstances, les dommages causés dépassent la capacité financière des exploitants d'installations atomiques et de leurs assureurs. Aux Etats-Unis non plus, on n'a pas justifié la responsabilité de l'Etat en invoquant une prescription générale de l'ordre juridique; on y

1564 a simplement vu un moyen approprié d'éliminer l'obstacle que constituait pour le développement sur une base privée de l'industrie atomique travaillant à des fins pacifiques, le risque d'une responsabilité illimitée en vertu de la Common Law des Etats de l'Union, Pour la Suisse, qui connaît un droit civil unifié, la limitation de la responsabilité semble toutefois offrir une solution plus satisfaisante que la responsabilité de l'Etat sous forme de recours.

Le risque de sinistre grave est d'ailleurs si restreint qu'il serait impossible de justifier une réglementation légale stricte ou même la création d'un fonds étatique ou d'un règlement de financement. II est bien préférable de laisser ouvertes toutes les solutions et de permettre à l'Assemblée fédérale de choisir dans chaque cas particulier celle qui lui paraît la plus appropriée ; l'article 25 lui en donne la faculté.

IV. Les différentes dispositions du projet TITRE ET PRÉAMBULE Comme son titre l'indique, la nouvelle loi est exclusivement consacrée à l'utilisation pacifique de l'énergie atomique et à la protection contre les radiations. Tous les problèmes relatifs à l'utilisation militaire de l'énergie atomique doivent être réglés selon les principes de l'organisation militaire et les dispositions de l'arrêté du Conseil fédéral sur le matériel de guerre du 28 mars 1949/20 mai 1958 (RO 1949, 315; 1958, 276).

Les chapitres 1er à 3 et le chapitre 5 du projet sont, pour l'essentiel, du droit administratif, le chapitre 4 comprend surtout des dispositions de droit privé, le chapitre 6 principalement des normes de droit pénal. De ce fait, le préambule mentionne comme base les articles 64 et Gibis de la constitution en plus de l'article Z&quînquies.

CHAPITRE PREMIER Définitions et mesures d'encouragement Définitions (art. 1«) Une loi sur l'utilisation de l'énergie atomique doit recourir à de nombreuses notions qui ne sont pas encore définies avec précision dans le langage courant et dans la terminologie juridique. Dans ces circonstances, il convient d'observer une grande retenue quant à la définition légale des notions utilisées. Dans la mesure où l'explication de ces notions ne peut être laissée à la pratique, la solution la plus appropriée consiste à donner au Conseil fédéral la compétence de les définir d'une manière qui liera également le juge
(art. 1er, 3e al.). Avec la commission d'experts, nous avons cru toutefois devoir préciser dans la loi elle-même les notions d'<<énergie atomique» et d'«installation atomique».

La notion d'«énergie atomique» désigne l'énergie libérée aussi bien par la fission que par la fusion nucléaires. Au lieu d'«énergie atomique» on parle

1565 aujourd'hui fréquemment d'«énergie nucléaire»; toutefois l'usage international est plus favorable au premier terme, qui est aussi celui qui est employé dans la constitution fédérale.

De même, le terme d'«installation atomique» est pris dans un sens large.

Il désigne non seulement les réacteurs mais aussi toutes les installations servant à produire de l'énergie atomique ou à obtenir, traiter, entreposer ou rendre inoffensifs des combustibles nucléaires et des résidus radioactifs; cette notion englobe dono aussi de simples installations de recherche et des laboratoires travaillant des combustibles nucléaires et des résidus. Le Conseil fédéral peut toutefois, sur la base de l'article 1er, 4e alinéa, deuxième phrase, prévoir des exceptions concernant le régime de l'autorisation, de la responsabilité civile et de l'obligation d'assurance lorsqu'il s'agit de combustibles nucléaires et des résidus dont les radiations sont de faible intensité.

Une «installation atomique» comprend, suivant les cas, plusieurs installations et machines, voire plusieurs réacteurs. Ce qui est déterminant c'est le fait que ces divers éléments sont coordonnés, qu'ils font partie d'une seule et même exploitation, qu'ils sont soumis à une direction unique et que, par leur but aussi, ils constituent une unité. Citons à titre d'exemple l'installation de recherches de Réacteur S.A. à Wurenlingen: elle comprend deux réacteurs et d'autres installations de recherches qui, dans leur ensemble, constituent une seule installation atomique. La réunion d'une pluralité d'objets dans le concept d'installation atomique joue surtout un rôle du point de vue de la réglementation de l'assurance. Cela ressort de l'article 19, 3e alinéa, du projet, qui prévoit la possibilité d'obliger l'exploitant à conclure une assurance supérieure à la garantie habituelle lorsque l'installation comprend plusieurs réacteurs.

Les installations dans lesquelles onn'emploie que des isotopes radioactifs, c'est-à-dire des matières qui ne rentrent pas dans la définition du combustible nucléaire et du résidu, ne sont pas des installations atomiques au sens de la présente loi, H suffit par conséquent que ces isotopes radioactifs et ces installations soient régis par les dispositions relatives à la protection contre les radiations (art. 10 du projet) ; l'exploitant
n'a en revanche pas à être soumis à la responsabilité causale limitée de l'article 11 ni à l'obligation de s'assurer.

Par «combustible nucléaire», on entend de façon générale des matières par lesquelles une réaction en chaîne peut être provoquée et entretenue.

Rentrent dans cette notion l'uranium et le plutonium sous forme de métaux, d'alliages et de combinaisons chimiques, de même que tous autres matériaux que le Conseil fédéral désignera comme combustibles nucléaires conformément à l'article 1er, 3e alinéa.

Les matières brutes destinées à la production de combustibles nucléaires tels que le minerai d'uranium ne sont pas des combustibles nucléaires (art. 4, 2e al.). Elles sont généralement inoffensives. Le cas échéant, des presFeuute fédérale, 110e année. Vol. II.

107

1566 criptions contre les radiations peuvent néanmoins être édictées également pour certaines matières brutes sur la base de l'article 10.

Après l'utilisation des combustibles dans un réacteur, il demeure ce qu'on appelle un «résidu» fortement radioactif. Il suffît d'en détenir pour être soumis à la responsabilité causale limitée et à l'obligation de s'assurer.

En revanche, la détention de radioisotopes produits à l'aide des résidus, tels qu'ils sont employés de façon très diverse en médecine, en agriculture, dans l'industrie et les sciences, est régie, comme nous l'avons dit, uniquement par les dispositions relatives à la protection contre les radiations, mais non par celles qui établissent la responsabilité causale limitée et l'obligation de s'assurer. Enfin, les déchets non utilisables ne sont pas englobés dans la notion de «résidus» au sens delà loi.

: Subventions destinées à encourager les recherches (art. 2) Dans le domaine de la recherche atomique, il convient de distinguer entre la recherche théorique, la recherche appliquée et la recherche à des fins industrielles. La recherche à des fins industrielles doit être financée par les moyens propres de l'industrie; il est en revanche indispensable que la recherche théorique et la recherche appliquée soient encouragées par la Confédération. On voudra bien se reporter à cet égard à l'exposé contenu dans le message du Conseil fédéral du 11 juillet 1958 (FF 1958, II, 525) concernant de nouvelles mesures pour favoriser le développement de la recherche et de la formation dans le domaine de l'énergie atomique.

Faute d'une base juridique de portée générale, les subventions étaient, jusqu'à présent, prévues dans des arrêtés fédéraux spéciaux, Dès l'entrée en vigueur de la présente loi, l'article 2 fournira la base indispensable pour l'octroi de nouvelles subventions fédérales. Il y aura lieu de prévoir chaque année dans le budget de la Confédération les moyens nécessaires à cette fin ; quant au montant de chaque subvention, il sera fixé conformément à l'ordonnance du Conseil fédéral.

Il va de soi que les conditions de l'octroi de subventions et le montant de celles-ci ne peuvent être réglés en détail dans la loi même. Notons simplement que la formation de spécialistes prévue au 1er alinéa vise surtout le personnel scientifique.

Selon un principe
posé dans la loi fédérale du 30 septembre 1954 sur la préparation de mesures préparatoires en vue de combattre les crises et de procurer du travail, l'article 2, 2e alinéa, exclut l'octroi de subvention pour les recherches effectuées par des entreprises à des fins lucratives. Cette restriction n'exclut pas que des missions de recherche d'intérêt général puissent être confiées à des entreprises privées et soutenues par la Confédération.

Acquisition de combustibles nucléaires (art, 3) Pour le moment, les combustibles nucléaires ne peuvent être acquis sur un marché libre. L'industrie atomique suisse ne peut se procurer les quantités

1567 nécessaires que par l'intermédiaire de la Confédération, qui a passé à cette fin des conventions sur la collaboration dans le domaine de l'utilisation pacifique de l'énergie atomique avec les Etats-Unis, la France et le Canada (cf. les messages sur ces conventions du 31 juillet 1956 et du 22 avril 1958: FF 1956, II, 125, et 1958, I, 953), et qui a, en outre, adhéré à l'agence internationale de l'énergie atomique (voir à ce sujet notre message du 1er mars 1957, FF 1957, I, 853). L'évolution actuelle tend toutefois uniformément vers une libéralisation du marché qui laisserait subsister un contrôle de police sur l'utilisation pacifique du combustible nucléaire. Nous n'avons nullement l'intention d'inscrire dans la loi un monopole fédéral du commerce des combustibles nucléaires. La Confédération ne doit, par conséquent, faire usage de la compétence qui lui est accordée par l'article 3 d'acquérir des matières brutes et des combustibles nucléaires, que dans la mesure «où les besoins du pays l'exigent».

CHAPITRE DEUXIÈME Mesures administratives dans le domaine de l'énergie atomique Autorisation (art. 4 à 7) A l'article 4, la loi prévoit un régime d'autorisation qui s'étend aux installations atomiques, aux combustibles nucléaires et aux résidus, ainsi qu'à l'exportation d'énergie. Conformément aux dispositions relatives à la protection contre les radiations (art, 10), un régime d'autorisations peut aussi être institué dans d'autres cas par voie d'ordonnance ; il sera alors nécessaire d'aménager les rapports entre la loi et l'ordonnance.

L'article 5 indique ensuite les motifs pour lesquels une autorisation peut ou doit être refusée. Toutes ces dispositions sont dominées par le souci de protéger les personnes et les biens d'autrui contre les dommages provoqués par les radiations. Comme ces dommages peuvent ne pas provenir uniquement d'installations atomiques, toute forme de détention de combustibles nucléaires radioactifs et de résidus est déclarée soumise au régime de l'autorisation; toute détention non autorisée est punissable en vertu de l'article 34 du projet. Dans l'intérêt de la sécurité générale, des conditions ou charges appropriées doivent pouvoir être liées à l'autorisation, comme, par exemple, que l'exploitation de l'installation soit assumée par du personnel spécialisé. Comme nous en sommes
réduits à attendre les expériences que nous réserve l'avenir, il serait pour le moment erroné d'apporter en cette matière de plus grandes précisions dans la loi. On doit réserver au Conseil fédéral la faculté d'édicter les dispositions nécessaires par voie d'ordonnance ou suivant les cas.

La conclusion de contrats portant sur des installations atomiques, des combustibles nucléaires et des résidus n'est pas soumise à autorisation. En

1568 matière de transport, l'autorisation de transport peut se trouver indifféremment en mains du transporteur ou de l'expéditeur ou du destinataire ; toutefois, personne ne peut effectuer de transport sans qu'il existe d'autorisation de transport. L'autorisation d'exploiter une installation atomique implique l'autorisation de détenir les combustibles nucléaires nécessaires et les résidus qui en résultent; le cas échéant, l'autorisation de transport doit être demandée à part.

L'importation, le transit et l'exportation de combustibles nucléaires radioactifs et de déchets ne peuvent s'effectuer sans un transport ; toutefois, selon les circonstances, il faut tenir compte ici d'autres aspects du problème -- sauvegarde de la sûreté extérieure de la Suisse, respect de ses engagements internationaux, couverture des besoins du pays s'il s'agit d'exportation de combustible nucléaire (art. 5, 3e al.) --; c'est pourquoi il y a lieu, le cas échéant, de demander une autorisation conformément à l'article 4,1er alinéa, lettres b et c.

Les combustibles nucléaires et les résidus dont les radiations sont de faible intensité peuvent être exceptés du régime de l'autorisation (art. 1er, 4e al.). Cela peut, par exemple, faciliter la recherche scientifique.

Les matières premières qui servent à la production de combustibles nucléaires, de même que d'autres matières telles que les combustibles nucléaires eux-mêmes et les résidus qui sont utilisés dans l'industrie atomique, ne sont généralement pas radioactifs ou, du moins, pas dans une mesure dangereuse. C'est pourquoi la loi n'institue pas à leur sujet un régime d'autorisation mais elle abandonne au Conseil fédéral la faculté de soumettre l'importation, l'exportation et le transit de ces matières au régime de l'autorisation, s'il le juge nécessaire. Il se peut qu'en cas d'offre insuffisante de ces matières, ainsi que de combustibles nucléaires radioactifs, le refus d'octroyer des autorisations d'exportation se révèle nécessaire dans l'intérêt de l'approvisionnement du pays, mais qu'il ne soit pas possible d'arrêter ces mesures en vertu de la loi sur les réserves de guerre ou de l'arrêté fédéral sur les mesures économiques envers l'étranger; par conséquent, le refus d'exporter pour des motifs de politique économique est expressément prévu dans le présent projet de loi
(art. 5, 3e al.). Ce droit pourrait éventuellement être exercé dans le cas où du minerai d'uranium serait découvert en Suisse et où il y aurait intérêt à l'utiliser en Suisse.

Si un régime d'autorisation était instauré, l'importation, le transit et l'exportation d'équipements de production et d'appareils nécessaires à la technique nucléaire ne pourraient en revanche être interdits que pour les motifs cités à l'article 5, 1er et 2e alinéas, mais non pour des motifs de politique économique.

La surveillance de l'exportation d'électricité produite par l'énergie atomique (art. 4, 1er al., lettre d, et art. 5,4e al.) correspond à la réglementation actuelle en ce qui concerne l'énergie produite par la force hydrau-

1569 lique. Cette réglementation peut, le cas échéant, permettre d'empêcher la construction dans notre pays de centrales atomiques dans le seul dessein d'exporter l'énergie produite.

Les motifs de refuser l'autorisation ont été conçus à dessein d'une manière large pour satisfaire également des besoins futurs. Si le requérant remplit toutes les conditions fixées par la loi, il a toutefois droit à l'octroi de l'autorisation. En particulier, l'autorisation ne peut être refusée pour des motifs de politique économique à l'exception des cas visés à l'article 5, 3e et 4e alinéas. La compétence en cette matière est attribuée au Conseil fédéral, qui peut la déléguer à des offices subordonnés. Dans le cas d'installations importantes, il pourra arriver que le Conseil fédéral se réserve d'octroyer lui-même l'autorisation. Si la compétence est transférée à un office, le requérant à qui une autorisation aura été refusée pourra introduire un recours administratif jusque devant le Conseil fédéral (art. 6 du projet, en liaison avec l'art. 124 de la loi fédérale d'organisation judiciaire) et, à cette occasion, il peut invoquer non seulement une violation du droit mais également une appréciation incorrecte des faits (art. 127, 2e al. OJ). Ce moyen de droit donne aux requérants de meilleures possibilités de combattre une décision d'un département que ne le permettrait le recours de droit administratif au Tribunal fédéral, ouvert dans le seul cas de violation du droit fédéral (art. 104 OJ).

La solution prévue ici est aussi matériellement plus justifiée, car il appartient au Conseil fédéral et non à un tribunal de statuer sur les mesures qui concernent la sauvegarde de la sûreté extérieure de la Suisse, le respect d'engagements internationaux et la couverture des besoins du pays.

Les autorisations de construire et d'exploiter une installation atomique sont celles qui revêtent la plus grande portée. Bien qu'il aille de soi que les autorités puissent exiger, dans tous les cas, un rapport technique décrivant de manière détaillée la sécurité qu'offre l'installation (art. 7, 1er al.), il y a lieu de le dire expressément dans la loi. En revanche, il est impossible de réglementer en détail la méthode d'appréciation. Le Conseil fédéral doit avoir la liberté de s'orienter d'après des possibilités qui sont pour le moment encore
peu éclaircies. Selon les circonstances, des organisations internationales (l'agence internationale de l'énergie atomique à Vienne ou l'OECE) seront à disposition pour fournir des expertises, en collaboration avec des experts suisses. Il faudra veiller à ce que l'exécution des projets ne soit pas retardée plus que de raison du fait de ces expertises. L'office fédéral compétent pour octroyer les autorisations devra agir en accord avec les autres institutions qui sont chargées de la protection des personnes et des choses appartenant à des tiers, tout particulièrement de la prévention des accidents et de la lutte contre les maladies professionnelles. Pour les fabriques, par exemple, selon les articles 6 et 8 de la loi sur les fabriques, il est nécessaire de faire approuver les plans et de soumettre l'ouverture de l'exploitation

1570 à une autorisation du gouvernement cantonal. En ce qui concerne l'approbation des plans, il faut demander des expertises à l'inspectorat fédéral des fabriques et des instructions à la caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents. En outre, il faudra avoir recours d'une manière toute générale, au service fédéral de l'hygiène publique, notamment pour faire face aux exigences de la protection contre les radiations. Enfin les autorités fédérales devront agir en accord avec les autorités cantonales qui sont chargées de faire respecter les exigences cantonales en matière de police des constructions, des eaux et du feu.

Il va de soi que les cantons sont très intéressés aux installations atomiques que l'on projette de construire sur leur territoire. C'est pourquoi, avant d'octroyer une autorisation de construire et d'exploiter une installation, il conviendra de demander l'avis du canton dans lequel la dite installation doit être érigée (art. 7, 2e al.). Certains gouvernements cantonaux désiraient que cette faculté devînt en outre un véritable droit, valable également dans le cas où l'installation projetée devrait être construite dans un canton voisin. A notre avis, ces propositions vont trop loin. Le canton doit examiner si les conditions de droit cantonal sont réalisées; mais en ce qui concerne l'application du droit fédéral, seule l'autorité fédérale doit être compétente pour décider après avoir pris l'avis du canton. Les cas où la Confédération ne peut édicter certaines dispositions qu'«en accord avec les cantons» sont extrêmement rares et sont, au fond, une anomalie en droit public suisse.

Lors de la procédure de consultation, il a été proposé d'introduire une disposition de droit fédéral spéciale en matière de protection de la nature.

Dans le domaine de l'utilisation des forces hydrauliques, une telle disposition est sans doute indiquée (art. 22, 2e al., de la loi sur l'utilisation des forces hydrauliques) ; en ce qui concerne les installations atomiques, elles ne présentent, sous ce rapport, pas plus de dangers que d'autres installations industrielles, de sorte que les prescriptions actuelles du droit cantonal devraient suffire.

L'article 4, 3e alinéa, du projet contient une réserve d'une part en ce qui concerne les attributions de police de la Confédération et des cantons, y
compris celles qui concernent la surveillance, la fabrication, le commerce, l'importation, le transit et l'exportation du matériel de guerre, d'autre part en faveur des mesures prévues par d'autres dispositions en matière d'importation, d'exportation et de transit. La nouvelle loi ne devrait donc réduire en aucun cas les attributions déjà existantes de la Confédération ou des cantons. Les mesures envisagées dans le domaine de notre commerce extérieur (arrêté fédéral du 28 septembre 1956 sur les mesures de défense économique envers l'étranger, RO1966,1655) et de la constitution de réserves de guerre (LE du 30 septembre 1955 sur la préparation de la défense nationale économique) pourront revêtir une importance particulière. Le transport de

1571 matières radioactives par chemin de fer est régi par les prescriptions de l'annexe I à la convention internationale sur la circulation des marchandises par chemin de fer et au règlement suisse des transports sur les matières et objets exclus du transport ou admis conditionnellement (RO 1956, 161).

Les particularités de la procédure d'autorisation doivent être réglées par le Conseil fédéral sous forme d'ordonnance.

Surveillance exercée par la Confédération (art, 8) A l'heure actuelle, certaines branches économiques sont déjà soumises à une surveillance particulière de la Confédération. Il en est ainsi des entreprises privées en matière d'assurance, des banques, des caisses d'épargne et des agences d'émigration. L'objectif principal est de protéger le public qui entre en rapports contractuels avec ces entreprises. Pour les installations atomiques, la surveillance doit en revanche servir principalement à protéger les personnes et les biens d'autrui contre les dommages causés par les radiations et aussi à contrôler l'exécution des obligations relatives à l'utilisation pacifique de l'énergie atomique que, par conventions internationales, la Suisse a assumées, à charge de la nouvelle industrie. Enfin, ces installations ne doivent en aucune manière impliquer une mise en danger de la sûreté extérieure de la Suisse; des mesures doivent dès lors être prises, qui sont en corrélation étroite avec la surveillance de la fabrication et du commerce du matériel de guerre. L'exacte coordination de cette surveillance avec celle qui est exercée par d'autres offices --· comme l'office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail ainsi que la caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents -- revêt une importance particulièrement grande. Le canton de Zurich a proposé que les cantons soient renseignés dans chaque cas sur le résultat du contrôle périodique des installations atomiques situées sur leur territoire. On peut donner suite à ce voeu sans prescription légale expresse.

Incessibilité et révocation dee autorisations (art. 9) L'autorisation est une permission constatant que, moyennant certaines conditions fixées dans l'autorisation même, aucun obstacle ne s'oppose à la construction d'une installation ou à l'exercice d'une activité déterminée. L'autorisation ne crée aucun droit subjectif
par opposition à la concession; d'après les principes généraux du droit administratif, elle ne peut être transférée, ce qui exclut toute vente (ATF 80, I, 405). L'article 9, 1er alinéa, confirme ce principe admis en droit administratif. Si, pour l'examen d'une demande d'autorisation, il est prescrit de prendre en considération les aptitudes personnelles du requérant--pour les personnes morales les aptitudes personnelles des organes directeurs -- lors de chaque changement de propriétaire de l'entreprise, il faudra par conséquent examiner à nouveau si ces conditions sont remplies par le nouvel acquéreur.

1572 L'article 9, 2e alinéa, concernant la révocation des autorisations est une disposition qui va de soi. La révocation d'une autorisation doit être envisagée en particulier lorsque, après un sinistre, la pleine garantie d'assurance n'est pas immédiatement reconstituée (art. 20 du projet).

En cas d'extinction ou de révocation d'une autorisation, il faut veiller à ce que la protection résultant de l'assurance ne soit pas supprimée avant que toutes les sources de danger aient été éliminéas (3e et 4e al.), Si une autorisation est révoquée pour des faits dont le détenteur de l'autorisation est responsable, la Confédération ne doit aucune indemnité.

Il peut, cependant, se présenter d'autres cas. Par exemple, on peut s'apercevoir après coup que l'emplacement d'un réacteur n'est plus compatible avec certains nouveaux plans de la défense nationale suisse. Dans de tels cas, il serait hautement injuste que, par la révocation de l'autorisation, les investissements faits puissent être dévalorisés, sans indemnisation. Attendu cependant que, d'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, les actes de l'autorité reposant sur une base légale ne peuvent donner droit à une indemnité que si cela est expressément prévu par la loi, l'obligation d'indemniser doit être inscrite dans le projet. Pour le cas de révocation d'une autorisation d'exporter de l'énergie électrique, une disposition semblable se trouve déjà à l'article 8, 3e alinéa, de la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques.

En revanche, une autorisation ne fonde, comme nous l'avons dit, aucun droit subjectif. Par opposition à la révocation anticipée d'une concession (cf. art. 43, 2e al.) de la loi fédérale sur l'utilisation des forces hydrauliques), la révocation d'une autorisation ne prive pas le bénéficiaire d'un droit subjectif et ne constitue par conséquent pas une expropriation. C'est pourquoi il n'y a pas lieu de prévoir d'emblée une indemnisation complète, fondée sur les principes du droit d'expropriation.

CHAPITRE TROISIÈME

Protection contre les radiations Protection contre les radiations (art. 10) II est urgent de protéger le public contre le danger des radiations ionisantes. La Confédération n'a pas attendu pour agir que la discussion du présent projet de loi fût terminée. Ainsi les maladies causées par des substances radioactives ont été admises, le 6 avril 1956, parmi les maladies professionnelles pour lesquelles la caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents verse les indemnités prévues pour les accidents professionnels (O du 6 avril 1956 sur les maladies professionelles, RO 1956, 670). En application de l'article QObis, chiffre 1, lettre 6, de la loi sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents, toutes les entreprises qui s'occupent de produire,

1573 utiliser, transformer, entreposer ou transporter des substances radioactives sont soumises à l'assurance obligatoire dès le 1er janvier 1958 (ACP du 13 décembre 1957 complétant l'ordonnance I sur l'assurance en cas d'accidents (EO 1957, 1013). Dans les entreprises soumises à l'assurance obligatoire contre les accidents, la caisse nationale ordonne les mesures nécessaires à la protection du personnel en se fondant sur la loi sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents. Dans un grand nombre d'autres domaines où il existe un danger de radiations, l'assurance en cas d'accidents n'a cependant pas été rendue obligatoire. Citons, par exemple, les appareils à rayons X dans les hôpitaux et les cabinets médicaux, l'application des radioisotopes en médecine et dans d'autres sciences naturelles, les appareils radioscopiques dans les magasins de chaussures, etc. La nouvelle loi sera la base juridique qui permettra d'imposer aussi des mesures de protection à ces entreprises. Les prescriptions qui seront adoptées en vertu de l'article 10 joueront aussi un rôle pour les installations et les actes soumis au régime de l'autorisation conformément aux articles 4 et suivants, en ce sens qu'elles indiqueront d'une manière générale et dans la mesure possible les exigences à satisfaire pour assurer la sécurité de l'exploitation. Ces prescriptions pourront aussi se fonder sur l'article 8. De toute façon, il est possible d'englober dans des dispositions tous les dangers provenant de rayons ionisants à l'intérieur et à l'extérieur d'une installation atomique.

L'article 10,1er alinéa, du projet donne à la Confédération la compétence générale d'édicter des prescriptions dans le domaine de la protection contre les rayons ionisants ; il lui donne également le pouvoir d'instituer un régime d'autorisation et de contrôle si ces mesures se révélaient nécessaires.

Au 2e alinéa, nous avons cherché à préciser, à l'aide d'exemples, la compétence du Conseil fédéral. Une émimération détaillée et limitative des différentes m3sure3 possibles serait toutefois bientôt désuète du fait du développement rapide de la technique. Elle ne permettrait pas d'atteindre les buts visés par le législateur.

Les prescriptions fondées sur l'article 10 pourront imposer des obligations à quiconque et non pas seulement aux exploitants d'installations,
aux détenteurs de matières radioactives, aux ouvriers et employés. On peut notamment concevoir que certaines catégories de personnes auront l'obligation de se soumettre à un contrôle afin que puisse être décelée à temps toute exposition dangereuse.

Dans le domaine de la protection contre les radiations, la caisse nationale à Lucerne, l'office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail et le service fédéral de l'hygiène publique ont déjà recueilli des informations précieuses et entrepris des travaux préparatoires. Le Conseil fédéral devra régler, dans l'ordonnance d'exécution, le mode de la collaboration de ces organismes. Cela sera d'autant plus nécessaire qu'aujourd'hui déjà, mais aussi après l'entrée en vigueur de la loi atomique, les dispositions de la

1574 loi sur le travail dans les fabriques et de la loi sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents demeurent applicables et qu'il faudra coordonner leurs dispositions et celles de la loi atomique. Lorsqu'il s'agira d'élaborer les dispositions d'exécution, on pourra recourir aux travaux effectués par les meilleurs spécialistes pour différentes organisations internationales.

Il sera par conséquent possible d'édicter des prescriptions obligatoires assez peu de temps après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Dans la procédure de consultation, on a exprimé le voeu que le Conseil fédéral consulte les cantons et les associations avant d'édicter l'ordonnance d'exécution. Ce voeu peut être exaucé sans qu'il soit nécessaire de prévoir à cet effet une disposition légale spéciale.

CHAPITRE QUATRIÈME Responsabilité civile et assurance Responsabilité civile (art. 11) L'article 11 pose le principe de la responsabilité causale limitée, à imposer aux exploitants d'installations atomiques et à tous les autres détenteurs de combustibles nucléaires et de résidus. Les raisons qui militent en faveur de cette solution ont été exposées au chapitre troisième. Nous entrerons ci-dessous dans le détail de certaines questions.

1. La responsabilité causale limitée, établie aux articles 11 et suivants, concerne exclusivement les dommages provoqués par un processus nucléaire, qui se produit soit «au cours de l'exploitation d'une installation atomique» soit dans la structure d'un combustible radioactif ou d'un résidu, au dehors d'une installation atomique. La nouvelle loi n'établit pas de responsabilité causale pour d'autres dommages, provoqués par exemple par des radiations émanant d'appareils à rayons X, d'isotopes radioactifs, etc., ni pour les dommages qui proviennent non pas de processus nucléaires survenus dans la structure de combustibles nucléaires ou de résidus mais par exemple de l'effet toxique de ces matières (plutonium). Dans ces cas, les prétentions du lésé se fondent sur un acte illicite ordinaire (art. 41 CO, en vertu duquel il faut en principe prouver une faute de la personne contre qui l'action est intentée) ou, le cas échéant, sur la responsabilité de l'employeur (art. 55 CO, selon lequel l'employeur peut se libérer s'il prouve qu'il a fait preuve de toute la diligence requise dans le choix, l'instruction et la surveillance du personnel). La responsabilité des personnes qui ne tombent pas sous le coup des dispositions de la loi est illimitée. Il ne serait en effet pas justifié de s'écarter ici du principe de la responsabilité illimitée, car les dommages ne peuvent jamais atteindre un montant qui ne soit pas assurable.

1575 2. La responsabilité prévue par l'article 11, 2e alinéa, découle, en principe, de la détention de combustibles nucléaires et de résidus. H ne faut toutefois pas qu'un détenteur de résidus les abandonne simplement. C'est pourquoi les articles 32 et 34 prévoient des peines pour ce cas-là. Une responsabilité causale sévère est également nécessaire. Il est à craindre, en outre, que les matières dangereuses puissent être dérobées. Le voleur ne serait guère en mesure de répondre de grands dommages, sans compter que sa responsabilité ne serait pas assurée ! C'est pourquoi il est nécessaire de maintenir, dans tous les cas, la responsabilité du détenteur antérieur à moins qu'il ne se soit défait de ces matières avec l'autorisation de l'autorité compétente.

3. La responsabilité causale s'applique indifféremment aux dommages corporels et matériels. En ce qui concerne les demandes d'indemnité pour tort moral, nous renvoyons à nos observations relatives à l'article 13.

Comme la responsabilité englobe sans restriction tous les dommages matériels, notre projet ne va pas plus loin que la plupart des autres lois sur la responsabilité, qui ne prévoient pas de responsabilité causale pour tous les dommages matériels.

Un traitement différent des dommages corporels et matériels serait justifié tout au plus si la garantie disponible ne suffisait pas à satisfaire toutes les demandes de dommages-intérêts. Si ce cas se produisait, l'Assemblée fédérale devrait édicter, sur la base de l'article 25, une réglementation spéciale pour la réparation des dommages ; on pourrait alors faire s'il y a lieu, une distinction entre les dommages corporels et matériels.

L'article 11 concerne les dommages corporels et matériels mais ne traite pas des dommages exclusivement pécuniaires (Oftinger, Haftpflichtrecht, 2e édit., 1946). Le propriétaire d'installations atomiques ne répond toutefois pas de telles pertes, d'après le texte du projet, étant donné qu'en pareille occurrence aucun dommage n'a été infligé aux personnes ou aux choses.

4. La responsabilité causale des exploitants d'installations atomiques et des autres détenteurs de combustibles nucléaires et résidus a pour limite la somme d'assurance prescrite à l'article 19, 2e et 3e alinéas et à l'article 20.

Il y a par conséquent une relation directe entre la limite de la
responsabilité et l'obligation de s'assurer. Sous réserve de l'article 19, 4e alinéa, et de l'article 25, 4e alinéa, la personne assujettie à la responsabilité civile n'est pas tenue, en cas de dommage provoqué par un processus nucléaire, de la part qui dépasse la garantie.

Les discussions avec les sociétés suisses d'assurances ont révélé que ces dernières sont à même d'assurer la responsabilité civile jusqu'à un montant déterminé par installation, pour le moment jusqu'à 30 millions do francs. Afin que la responsabilité puisse être limitée d'une façon simple, il serait désirable que les sociétés d'assurances puissent assurer la respon-

1576 sabilité civile jusqu'à un montant déterminé par sinistre, comme c'est le cas, par exemple, dans l'assurance obligatoire de la responsabilité civile pour les véhicules automobiles. D'après la nouvelle loi sur la circulation routière, cette assurance doit en effet couvrir les dommages corporels jusqu'à concurrence de 500000 francs par accident (art. 60, 1er al.). Dans l'asBurance-responsabilité civile pour le risque atomique, les sociétés d'assurances estiment toutefois que si l'on fixait une garantie par sinistre, elles ne pourraient accorder qu'une protection bien inférieure à celle qui est prévue dans le projet. En voici la raison : si la loi prévoyait le versement du montant total de la garantie lors de chaque sinistre et s'il survenait plus d'un sinistre pendant la durée du contrat d'assurance, les sociétés d'assurances devraient payer, en vertu d'un seul contrat, pour tous les événements pris dans leur ensemble, plus que la somme assurée. Suivant les circonstances, il n'est en outre pas facile de déterminer quels faits constituent «un événement» au sens de la loi. Si l'on fixe le montant de la garantie par installation, les sociétés d'assurances savent que, pendant la durée du contrat, elles devront tout au plus verser une seule fois la somme assurée.

Si la responsabilité civile est assurée jusqu'à un certain montant «par installation», il y a une police selon laquelle la garantie est réduite après chaque sinistre, c'est-à-dire qu'après versement d'un premier montant à l'occasion d'un premier sinistre, la société d'assurances ne répond, en cas de nouveau sinistre, que pour le solde de la somme assurée. Si donc la responsabilité ne doit pas dépasser la somme assurée, il faut accepter, dans un tel cas, que la responsabilité d'après l'article 11 se réduise également.

Une telle réduction de la responsabilité au-dessous de la somme assurée à l'origine n'est toutefois pas désirable. Après chaque sinistre qui oblige l'assureur à verser des prestations ou à constituer des réserves atteignant le dixième de la somme assurée, la personne civilement responsable doit par conséquent contracter une assurance complémentaire de façon à reconstituer intégralement le montant initial de la garantie en prévision de sinistres futurs (reinstatement, art. 20, 2e al.). Comme l'assurance complémentaire ne peut
évidemment couvrir les dommages qui sont survenus avant son entrée en vigueur, la personne soumise à la responsabilité civile et son assureur ne répondent de ces dommages qu'en fonction du contrat d'assurance primitif.

Dans l'intérêt des lésés, l'autorité compétente doit insister pour qu'après chaque sinistre une assurance complémentaire soit conclue le plus tôt possible, si l'exploitation doit être poursuivie. Si la personne civilement responsable n'arrive pas à se procurer d'assurance complémentaire parce que les compagnies d'assurances refusent, au vu de leurs expériences, d'accorder ce complément de garantie pour l'installation en cause, la seule issue est de faire cesser l'activité de cette installation en retirant l'autorisation d'exploitation, à moins que l'exploitant n'offre lui-même des sûretés, conformément à l'article 23. Le système de responsabilité civile et d'assu-

1577 rance prévu par la loi est quelque peu compliqué, mais il a l'avantage d'accorder au lésé la meilleure protection qu'il puisse recevoir aujourd'hui des sociétés suisses d'assurances.

5. La somme d'assurance et, par conséquent, la limite de la responsabilité normale doivent, en règle générale, être de 30 millions de francs par installation. Les sociétés suisses d'assurances n'ont pu se décider qu'après bien des hésitations -- du fait des motifs précités -- à aller aussi loin.

Les sociétés d'assurances des autres pays de l'Europe continentale ne veulent pas s'engager d'une manière aussi étendue; en revanche, les assureurs anglais et américains se sentent assez puissants pour accorder aujourd'hui déjà des garanties plus élevées. Il n'est pas exclu que le montant d'assurance de 30 millions de francs puisse être augmenté à l'avenir; mais une somme aussi élevée n'est pas nécessaire dans tous les cas. La nouvelle loi doit par conséquent faire preuve d'une certaine élasticité à cet égard. Aussi l'article 19 prévoit-il trois possibilités de s'écarter du montant d'assurance normal de 30 millions de francs: a. Article 19, 2e alinéa, 2S phrase: «Si l'intérêt public le permet ou l'exige», le Conseil fédéral peut, par une ordonnance, prescrire de façon générale, c'est-à-dire pour toutes personnes responsables au sens de la présente loi, d'autres sommes d'assurance plus ou moins élevées. Si le Conseil fédéral en décide ainsi, la limite de responsabilité d'après l'article 11 du projet se modifie dans les mêmes proportions.

6. Article 19, 3e alinéa: Si une installation atomique se compose de plusieurs réacteurs, le Conseil fédéral peut dans un cas particulier imposer à l'exploitant de s'assurer ou de fournir des sûretés pour des montants supérieurs à ceux qui sont généralement prescrits. Dans ce cas, la responsabilité augmente dans la même mesure que la garantie.

Art. 19, al. 4 Les risques provenant de l'exploitation d'une installation atomique ou de la détention de combustibles nucléaires peuvent être très variés.

Pour maintes catégories d'installations atomiques, on ne peut concevoir, même dans les conditions les plus défavorables, des dommages de l'ordre de grandeur de la somme de garantie prescrite à titre général à l'article 19, 2e alinéa. Les risques provenant de la détention de combustibles nucléaires et de résidus hors de l'exploitation atomique peuvent aussi être très variés.

Normalement, ces différences doivent se traduire par des primes différentes.

En outre, le Conseil fédéral doit être autorisé à prescrire, par une ordonnance, une somme de garantie moindre pour certaines catégories d'installations atomiques présentant des risques minimes, ou pour certaines formes de détention de combustibles nucléaires et de résidus présentant également des risques minimes. Mais la responsabilité des personnes intéressées

1578 n'est pas touchée par une telle prescription; il s'ensuit que les limites générales de la responsabilité restent, pour ces personnes, celles de l'article 19, 2e alinéa, Le responsable supporte donc lui-même le risque dans les limites générales de la responsabilité si, contre toute attente, il devait survenir un dommage non assuré.

Le système de l'article 19 peut paraître un peu compliqué. Mais la commission d'experts a été d'avis que toute simplification comporterait des inconvénients considérables. Il n'est, en effet, pas possible de se contenter d'une simple réduction de la somme de garantie pour certaines catégories de réacteurs au sens du 4e alinéa et de renoncer à la possibilité d'une réduction générale de la somme de garantie combinéa avec la réduction de la responsabilité selon l'article 19, 2e alinéa. Si, par exemple, les sociétés suisses d'assurances, pour une raison quelconque, ne peuvent pas, à l'avenir, faire appel au marché européen des assurances dans la mesure prévue à l'heure actuelle, il se pourrait qu'elles ne puissent plus offrir une garantie de l'ordre de trente millions. Or, même dans ce cas, il ne devrait y avoir aucune responsabilité inassurable. Même si cette éventualité est peu probable, le législateur doit pouvoir en tenir compte.

Les frais de justice et de procès doivent -- sans que le projet le mentionne expressément -- être remboursés par la personne civilement responsable, le cas échéant, au-delà des limites de la responsabilité. En revanche, cette personne ne répond que dans les limites de sa responsabilité des intérêts sur l'indemnité due en réparation du dommage.

6. La limite de la responsabilité s'applique dans tous les cas sans égard au fait que les organes directeurs ou le personnel subalterne ont ou non commis une faute lors du sinistre. Si l'on voulait prévoir une responsabilité illimitée déjà en cas de faute légère, la limite de la responsabilité serait de ce fait souvent illusoire car à l'origine de beaucoup de sinistres, on rencontre une quelconque faute légère. A cet égard, le projet favorise dans une certaine mesure les exploitants d'installations atomiques, car, d'après les articles 43 et 44 du code des obligations, la responsabilité de chacun pour les dommages causés par sa faute s'étend en principe à toute sa fortune, à l'exception des objets
insaisissables.

Le projet affaiblit toutefois ce privilège par la disposition, déjà citée, de l'article 25, 4e alinéa : si un dommage survient, qui dépasse la limite de la responsabilité -- c'est-à-dire en principe 30 millions de francs --l'Assemblée fédérale mettra normalement à disposition, sur la base de l'article 25, 1er alinéa, certaines sommes pour compléter la réparation du dommage ; mais si la personne civilement responsable d'après l'article 11 -- ou ses organes directeurs (art. 55 CC) ~ a commis une faute, la Confédération peut exiger d'elle le remboursement de ses propres dépenses. Cette réglementation comporte pour la personne civilement responsable, le grand

1579 avantage que la question de la faute ne doit être débattue qu'entre la Confédération et elle tandis que, dans tous les procès avec les lésés, ce problème n'est pas abordé. Cette solution se justifie aussi du fait que la personne civilement responsable est contrainte de conclure une assurance responsabilité civile d'un montant exceptionnellement élevé, ce qui permet de mettre de grands moyens liquides à la disposition des lésés. Même au cas où de très grandes entreprises seraient liquidées par voie de faillite, c'est à peine si 30 millions de francs pourraient être réunis dans chaque cas pour couvrir des prétentions extra-contractuelles!

7. La responsabilité civile selon l'article 11 s'applique également à la Confédération en sa qualité d'exploitant d'installations atomiques et de détenteur de combustibles nucléaires radioactifs et de résidus. La Confédération n'est pas soumise à l'obligation de s'assurer; mais elle répond envers les tiers, selon l'article 19, 5e alinéa, jusqu'à concurrence du montant pour lequel un particulier devrait s'assurer dans les mêmes conditions. En ce qui concerne les cantons, il apparaît justifié de leur imposer l'obligation de s'assurer ou de fournir des sûretés; en effet, si jamais un grand dommage devait être provoqué par l'installation atomique d'un canton, ce dernier pourrait se trouver dans une situation financière difficile. Les conditions sont ici sensiblement différentes de celles qui se présentent dans le domaine de la circulation routière, où les cantons également sont dispensés de l'obligation de s'assurer (art. 48, 4e al., de la loi sur la circulation des véhicules automobiles et des cycles et art. 69 du projet de loi sur la circulation routière).

8. La personne civilement responsable d'après l'article 11, 1er et 2e alinéas, répond exclusivement en vertu de la nouvelle loi (art. 11, 1er al.)

de tous les dommages qui peuvent être attribués à l'effet d'un processus nucléaire. En principe, la loi spéciale l'emporte sur la loi générale: celui qui est soumis à une responsabilité civile professionnelle spéciale ne répond pas des dommages de cette sorte d'après l'article 41 ou 58 du code des obligations (Oftinger, Schweizerisches Haftpflichtrecht, 2e édit., p. 428 et 431). En revanche, il existe d'après les principes généraux du droit un «concours d'actions»
lorsque la personne civilement responsable doit répondre du même dommage sur la base d'une responsabilité tant contractuelle qu'extra-contractuelle (ATF 64, II, 259; 77, II, 151 et Oftinger op. cit., p. 433 s.). Ainsi, par exemple, un ouvrier qui, chargé d'une réparation dans une fabrique, est blessé par suite d'une défectuosité de l'exploitation peut invoquer le fait que l'exploitant de l'entreprise n'a pas accompli tout ce qu'il devait faire pour permettre d'effectuer la réparation sans danger, n peut conclure qu'il s'agit là non seulement d'un acte illicite mais encore de la violation d'une obligation contractuelle. La possibilité d'invoquer l'inexécution d'un contrat doit être exclue en cas de dommages causés par des radiations dans une installation atomique, car la violation

1580 du contrat donnerait naissance à une responsabilité illimitée. Dans le cas qui vient d'être cité comme exemple l'ouvrier doit être mis sur le même pied que tout autre lésé.

9. Dans certaines circonstances, il peut arriver que la responsabilité pour des dommages dus à un processus nucléaire incombe non seulement à l'exploitant d'une installation atomique ou à un autre détenteur de combustibles nucléaires et de résidus mais aussi à d'autres personnes qui ont causé le dommage ou y ont contribué. Légalement les organes dirigeants et les autres employés d'une entreprise répondent, le cas échéant, à côté de l'entreprise, c'est-à-dire de la personne qui les emploie (art. 55, 1er al.

CC et art. 41 CO) des dommages corporels ou matériels causés par leur faute. De même, les ingénieurs qui ont commis une faute dans l'établissement des plans, les fournisseurs qui ont livré du matériel défectueux répondent en raison de leurs actes illicites non seulement à l'égard de leurs cocontractants, mais aussi, le cas échéant, à l'égard des tiers lésés (art. 41 CO, ATF 64, II, 259). En outre, il peut arriver qu'une installation atomique soit louée; dans ce cas, le locataire a qualité d'exploitant au sens de la nouvelle loi, mais le propriétaire n'en reste pas moins soumis à la responsabilité du propriétaire d'ouvrage conformément à l'article 58 du code des obligations. Enfin, si un dommage atomique survenait du fait d'une collision de véhicules à moteur lors du transport par route de combustibles ou de résidus, il en résulterait une responsabilité des détenteurs des véhicules conformément aux articles 37 et suivants de la loi sur la circulation des véhicules automobiles et des cycles.

Dans de tels cas, il existe en principe une pluralité de responsables.

Une distinction fondamentale doit alors être faite entre les rapports externes du lésé avec les divers responsables auxquels il demande réparation et les rapports internes des responsables exerçant leur droit de recours l'un contre l'autre (pour les détails, voir Oftinger, HaftpflicMrecht, 2e édition, p. 292 s. et les commentaires de l'art, 51 CO).

En ce qui concerne les rapports externes, les différents responsables répondent solidairement, c'est-à-dire que chacun d'eux est tenu de réparer tout le dommage sans qu'il puisse prétendre qu'il n'est responsable que
d'une partie. Cette solution doit améliorer la situation du lésé (ATF 66, II, 121); quand bien même plusieurs responsables seraient insolvables, le lésé doit pouvoir obtenir des autres la réparation du dommage entier.

Il peut alors arriver que ces derniers doivent payer plus qu'il n'auraient dû s'ils avaient été responsables non pas solidairement mais à titre individuel et s'ils avaient pu invoquer une faute légère pour obtenir une réduction de l'indemnité (art. 43 CO). Cette responsabilité solidaire est extrêmement dangereuse pour tous ceux qui, de près ou de loin, entretiennent des rapports juridiques avec une entreprise atomique.

1581 Dans les rapports internes, la règle est fournie par l'article 51 du code des obligations, qui distingue trois sortes de responsables : a. Les personnes qui, sans être liées par un contrat, sont soumises à une responsabilité causale (ainsi, dans notre cas, l'exploitant d'une installation atomique); 5. Les personnes qui répondent du dommage en vertu d'un contrat (par exemple, l'assureur dans l'assurance de la responsabilité civile) et c. Les personnes qui ont causé le dommage par leur faute (par exemple, les employés ou les fournisseurs qui, contrairement à leurs obligations, ont fourni un travail ou des livraisons défectueux ou les tiers qui ont causé l'accident par leur faute). Selon l'article 51 du code des obligations, celui qui, sans avoir commis de faute, est soumis à une responsabilité causale, a «dans la règle» un droit de recours entier contre les responsables des deux autres groupes, tandis que celui qui répond en vertu d'un contrat a un droit de recours contre celui qui répond de sa faute.

Appliquées à l'industrie atomique, ces règles légales auraient pour effet que l'exploitant de l'installation atomique et son assureur de la responsabilité civile auraient «dans la règle» un droit de recours contre les personnes qui, par leur faute, ont causé le dommage ou y ont contribué, quand bien même elles n'auraient commis qu'une négligence légère. Il s'ensuit qu'avec le développement de cette industrie, non seulement les exploitants d'installations atomiques et d'autres détenteurs de combustibles nucléaires et de résidus, mais aussi un très grand nombre de tiers courraient le risque de se voir réclamer la réparation d'importants dommages. La nécessité de protéger ces tiers contre un tel risque pose au législateur un problème aussi ardu que la protection des lésés.

Plus que d'autres, les fournisseurs de combustibles nucléaires et de pièces de réacteurs, tout particulièrement les entreprises publiques ou privées de l'étranger, sont conscients de ce danger. Ils cherchent à s'en protéger en introduisant dans leurs contrats de livraison la clause dite «hold-harmless ». En vertu d'une telle clause, toute responsabilité contractuelle pour les dommages résultant de la livraison d'une marchandise défectueuse est exclue. L'acheteur doit, de plus, s'engager à n'exercer aucun recours en dehors du
contrat. Comme une clause du contrat de vente ne saurait modifier la situation du vendeur à l'égard des tiers, l'acheteur s'oblige même à rembourser au vendeur les indemnités que ce dernier pourrait être appelé à verser aux lésés.

Dans la mesure du possible, la nouvelle loi devra épargner de tels risques à des tiers. Sinon, le progrès technique serait sérieusement freiné ou même complètement arrêté. Une telle solution se justifie puisque le lésé a la garantie de pouvoir demander réparation sur la somme d'assurance jusqu'à concurrence du montant pour lequel il existe une responsabilité. Cette conception peut être réalisée par deux moyens : ou bien le législateur se borne à prescrire qu'en cas de dommage atomique les personnes désignées à l'article 11 Feuille fédérale. 110e année. Vol. II.

108

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répondent seules et à l'exclusion de toute autre, de telle sorte que les actions fondées sur le droit des obligations sont simplement supprimées, ou bien ces actions demeurent, mais sont ramenées au montant pour lequel une responsabilité existe, de telle sorte que le responsable désigné à l'article .11 est tenu d'inclure également dans l'assurance la responsabilité civile de ses coobligés. Dans cette seconde éventualité, l'action qui peut être intentée à l'assureur présente seule de l'intérêt pour les lésés, puisque la compagnie d'assurances couvre alors la responsabilité civile de tous les coobligés solidaires.

Nous nous sommes déterminés pour la seconde solution car elle déroge moins gravement aux règles du droit commun. L'article 11, 3e alinéa, dispose que toute personne autre que l'exploitant d'une installation atomique ou le détenteur de combustibles nucléaires radioactifs et de résidus n'est soumise à aucune responsabilité en vertu de cette loi et que, dans la mesure où elle répond envers des tiers sur la base d'autres lois, elle n'est tenue que dans les limites de la responsabilité de l'exploitant de l'installation. On aboutit ainsi, en vertu de la présente loi, à l'exclusion de la responsabilité de tous tiers tels que les fournisseurs, sous réserve du droit de recours de l'assureur en cas d'acte illicite (art. 22, 3e al.), et de l'Etat en cas de faute grave (art. 25, 4e al.). Du fait de leur nature contractuelle, les relations des fournisseurs et de l'acheteur sont régies par l'article 100 du code des obligations, qui frappe de nullité toute convention passée à l'avance pour exclure la responsabilité fondée sur le dol ou la faute grave. La responsabilité contractuelle du fournisseur peut donc être exclue conventionnellement, à l'exception des cas de dol et de faute grave.

Exonération de la responsabilité (art. 12) L'exploitant d'une installation atomique ou un autre détenteur de combustibles nucléaires ou de résidus ne répond d'un dommage que s'il existe un rapport de causalité adéquate entre le processus nucléaire et ce dommage. Par rapport à un certain résultat, un événement donné est une cause juridiquement valable et, comme telle, qualifiée d'adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience quotidienne, cet événement est en soi propre à entraîner un résultat de la
nature de celui qui s'est produit et que, dès lors, la réalisation de ce résultat apparaît généralement facilitée par cet événement. Il est sans pertinence que l'exploitant de l'installation ait pu ou non prévoir un tel effet ; il suffit que cet effet ait été objectivement prévisible (ATF 64, II, 204, 80, III, 58, 81, II, 445). De même qu'un écoulement d'eau d'une longue durée et dont la nocivité n'a pas été reconnue entraîne cependant une responsabilité causale du propriétaire du fonds (ATF 81, II, 445), de même les radiations nocives causées par un dérangement non prévu d'une installation atomique donne lieu à la responsabilité de l'exploitant de l'installation. Comme l'exploitation courante n'entraîne

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normalement aucun effet nocif, un dommage ne saurait être produit sans qu'un comportement humain fautif en soit l'une des causes ou qu'une autre circonstance particulière, par exemple un cas fortuit (Oftinger, op. cit. 2e édition, p. 67), ait joué un rôle. Une telle circonstance n'exclut cependant nullement un rapport de causalité adéquate.

H peut cependant arriver exceptionnellement que la cause particulière qui a déclenché le dommage joue un rôle si prépondérant que le risque d'exploitation lui-même, bien qu'ayant incontestablement contribué à produire le dommage, ne puisse plus être qualifié de cause adéquate. Tirant les conséquences de cette constatation, la législation suisse relative à la responsabilité civile voit une «interruption du rapport de causalité adéquate» dans la force majeure et, avec des nuances, dans la faute propre du lésé ou la faute d'un tiers si elles sont déterminantes. A ce titre, elle les admet comme causes d'exclusion de la responsabilité. Ces concepts n'ont toutefois pas été établis de manière immuable. Ce qui est déterminant ici, c'est le rôle joué par la cause d'interruption de la causalité. Plus le risque d'exploitation est grand, plus le fait interrupteur doit être important pour qu'on puisse admettre une exclusion de la causalité adéquate. Dans le cadre de la responsabilité fondée sur le caractère dangereux d'une entreprise, une interruption de la causalité ne peut être admise qu'à des conditions très strictes (Oftinger, op. cit., p. 91 s.).

On doit tenir compte de ces considérations pour décider comment il convient de formuler les causes d'exonération de la responsabilité à l'article 12 de la loi. Au sein de la commission d'experts, on a proposé d'admettre les trois causes classiques d'exclusion de la responsabilité qui figurent déjà dans les autres lois relatives à la responsabilité civile. Selon cette opinion, le risque élevé propre aux installations atomiques conduirait, en cas d'application correcte du système légal, à n'admettre une interruption de causalité que dans les cas tout à fait rares où un événement exceptionnel aurait joué un rôle vraiment prédominant.

Selon une autre opinion, il conviendrait d'adopter une formule qui protège les lésés nettement et sans ambiguïté contre les exceptions du responsable. Les exploitations atomiques et, plus généralement,
toute détention de combustibles nucléaires et de résidus présentent un risque d'exploitation si considérable qu'en pratique le rapport de causalité adéquate sera toujours réalisé. Il serait donc indiqué qu'à l'instar de l'article 64 de la loi sur la navigation aérienne, on n'admette aucune cause d'exclusion de la responsabilité ou que tout au plus la propre faute grave du lésé. Si l'on devait se trouver un jour en face d'un vrai cas de causalité inadéquate, les principes généraux et non écrits de l'ordre juridique suffiraient à exclure la responsabilité.

Le projet a adopté une solution intermédiaire : d'une part on n'a pas admis d'exclusion de la responsabilité en raison de la faute déterminante

1584 d'un tiers: cela signifie que l'exploitant d'une installation atomique doit répondre, même en cas de sabotage si toutefois il ne s'agit pas d'un fait de guerre ; d'autre part, on a admis l'exclusion de la responsabilité en cas de force majeure et de faute grave du lésé. Dans tous les cas où un dommage est causé de manière adéquate par un fait de guerre, la responsabilité doit être exclue.

Réparation du dommage et réparation morale (art. 13) En droit suisse, celui dont la responsabilité est causale n'est pas toujours tenu de réparer entièrement le dommage; pour fixer le montant de l'indemnité, le juge devra prendre en considération toutes les circonstances du cas (art. 43 CO) et tenir compte des motifs de réduction de l'indemnité au sens de l'article 44 du code des obligations, tels qu'une éventuelle faute concomitante du lésé. A ce point de vue, une faute des auxiliaires du lésé est imputée à ce dernier comme une faute propre (ATF 61, II, 187).

La réduction de l'indemnité dans le cas où le lésé jouit de revenus exceptionnellement élevés (3e al.) constitue un cas d'application de l'article 43 du code des obligations. Une disposition analogue se trouve à l'article 4 de la loi sur la responsabilité civile des chemins de fer et à l'article 41, 3e alinéa, de la loi sur la circulation des véhicules automobiles et des cycles (art. 57, 2e al. du projet de loi sur la circulation routière). Le Tribunal fédéral n'a jamais eu l'occasion de se prononcer sur le point de savoir quels revenus peuvent être considérés comme exceptionnellement élevés.

Une éventuelle faute du responsable ne joue pas de rôle pour la détermination de l'indemnité, puisque la responsabilité est précisément indépendante de la faute. Si toutefois le responsable invoque une faute propre du lésé, comme motif de réduction de l'indemnité, ce dernier reste libre d'apporter la preuve d'une faute du responsable. S'il y parvient, il conviendra alors de ne pas réduire l'indemnité ou de ne le faire que dans une mesure limitée (voir surtout ATF 69, II, 333; Oftinger, op. cit., p. 240).

Les dommages-intérêts visent toujours à la réparation de dommages matériels dont l'existence a été prouvée; la réparation du tort moral s'effectue par l'octroi d'une indemnité. A cet égard, l'article 13 du projet se réfère à l'article 47 du code des
obligations. D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, celui dont la responsabilité causale est engagée doit verser une indemnité pour tort moral en cas de mort d'homme ou de lésions corporelles même s'il n'a commis personnellement aucune faute (ATF 74, II, 212, 81, H, 518), à moins qu'une loi sur la responsabilité civile ne statue le contraire. On trouve précisément des exceptions à ce principe dans la loi sur la responsabilité civile des chemina de fer, article 8, et dans la loi sur la circulation des véhicules automobiles et des cycles, article 42 (art. 58 du projet de loi sur la circulation routière) ; dans ces deux cas, il n'est reconnu de droit à une indemnité pour tort moral qu'en cas de faute de la personne responsable, «notamment en cas de dol ou de faute grave».

1585 H ne se justifie pas d'instituer une telle exception dans le nouveau droit atomique car, en ce domaine, un dommage immatériel peut être ausai grave qu'un dommage matériel. Cependant une réparation morale ne pourra dépasser les limites de la garantie obligatoire.

Les dommages causés par des radiations ionisantes ne se manifestent souvent que longtemps après l'événement auquel ils sont dus (voir les remarques relatives aux articles 16 et 17). Ce fait complique la situation juridique pour les deux parties. Lorsque les dommages ne se manifestent que tardivement, la victime a souvent de grandes difficultés à fournir la preuve du lien de causalité entre l'événement et le dommage qui en est résulté. De leur côté, la personne responsable et son assureur ont de la peine à fournir la preuve contraire, s'il y a une grande probabilité -- qui peut tenir lieu de preuve -- qu'un tel lien de causalité existe. Il est par conséquent très important que la personne responsable et son assureur puissent évaluer aussi rapidement que possible l'ensemble du dommage, spécialement lorsqu'on ne peut savoir si la totalité des dommages dépassera la somme d'assurance prescrite. Aussi l'article 13, 2e alinéa, permet-il aux autorités compétentes, si elles le jugent opportun, d'obliger toutes les personnes qui ont pu être exposées à des radiations de s'annoncer sans délai, et au plus tard dans les deux mois, auprès d'un office à désigner. La sanction de cette obligation relève uniquement du droit civil; si quelqu'un omet de s'annoncer, le juge devra en tenir compte en fixant la réparation des dommages et l'indemnité pour tort moral. Les avis sont partagés au sujet des avantages et désavantages d'une telle obligation de s'annoncer. D'une part, elle peut servir à sauvegarder les preuves et par là être dans l'intérêt de la victime aussi bien que de la personne responsable et de son assureur; d'autre part, elle peut, dans certaines circonstances, tendre à accroître le nombre des demandes en réparation de dommages. On ne peut toutefois se prononcer sur l'opportunité d'un tel système que dans des cas concrets de sinistres; le projet se borne à autoriser l'instauration d'une telle procédure.

Si la personne responsable et son assureur craignent que le montant des dommages ne dépasse la limite de leur responsabilité, ils doivent le
faire valoir dans le procès en responsabilité civile. Sinon, la victime obtiendra un titre exécutoire pour le montant total de sa demande d'indemnité.

En règle générale, le Conseil efédéral prendra des mesures provisionnelles conformément à l'article 25, 3 alinéa, s'il y a lieu de craindre que les dommages ne dépassent le montant de la garantie. (Voir les remarques relatives à l'article 25).

Conventions (art. 14)

L'article 14, qui concerne d'une part la nullité des conventions excluant la responsabilité civile et d'autre part la possibilité de demander l'annulation des conventions stipulant une réparation manifestement insuffisante,

1586 est conforme à l'article 43 de la loi sur la circulation des véhicules automobiles et des cycles (art. 81 du projet de loi sur la circulation routière).

Même s'il est probable que dans le domaine de la responsabilité civile en matière atomique, de telles conventions seront plus rares que dans celui de la circulation des véhicules automobiles, il convient d'insérer dans le projet une disposition de ce genre.

Prescription, dommages différés (art. 15 à 17) L'article 15 institue, en matière de prescription, des dispositions identiques à celles de l'article 44 de la loi sur la circulation des véhicules automobiles et des cycles et de l'article 77, 1er alinéa, du projet de loi sur la circulation routière. Cependant, une telle réglementation ne peut, à elle seule donner entière satisfaction, car il est possible, dans le cas de dommages dus à des radiations, que les atteintes à la santé ne se manifestent qu'après dix ans, c'est-à-dire après le délai de prescription absolue. D'après les règles de l'article 15, la victime serait empêchée de faire valoir toute prétention, car le délai de la prescription absolue se calcule, depuis le moment où l'acte dommageable s'est produit. Certes, il est peu probable que le lien de causalité puisse encore être prouvé après plus de dix ans, mais cette éventualité ne peut être entièrement exclue. Dans l'ensemble, on n'est pas encore très renseigné sur la fréquence possible de ces dommages différés imputables à des processus nucléaires; il se peut que ces dommages ne jouent pas de rôle considérable; mais, par précaution, le législateur doit en tenir compte.

Le problème de la réparation des dommages différés donne lieu à de très nombreuses discussions dans la plupart des Etats, II a aussi grandement préoccupé la commission suisse d'experts. Dans tous les autres cas de responsabilité civile -- responsabilité des chemins de fer, pour véhicules automobiles, responsabilité du propriétaire d'ouvrage, etc. --- il est possible d'évaluer le dommage assez tôt après le sinistre. Si l'on fait abstraction des aggravations qui peuvent survenir après coup dans l'état d'une victime d'un accident, il faut admettre que les dommages différés ne jouent dans ces domaines pas de rôle considérable (cf. toutefois ATF 84, II, 208 concernant l'article 14 de la loi sur la responsabilité des
chemins de fer).

Le problème des dommages différés est donc propre à la législation sur la responsabilité civile en matière atomique.

Une première possibilité d'éviter que les victimes de dommages différés ne soient lésées par une prescription trop rapide de leurs droits consisterait à prolonger le délai de prescription absolue de 10 à 15 ans par exemple.

(Cette solution est prévue dans le projet allemand, conforme en cela au § 852 du BGB relatif à la prescription des actes illicites). Ni la commission d'experts chargée d'élaborer le projet suisse ni celle qui s'est occupée du projet de convention de l'OECE ne pensent qu'on puisse s'engager dans une telle voie. Les assureurs soulignent, à juste titre, la grande insécurité

1587 qui s'ensuivrait pour eux si, plus de dix ans après l'événement dommageable, ils devaient encore s'attendre à des prétentions se fondant sur la responsabilité civile. De plus, en cas de diminution de la valeur de la monnaie, l'indemnisation des victimes de ces dommages différés nécessiterait, le cas échéant, des prestations bien plus élevées qu'il n'était possible de le prévoir au moment de la conclusion de l'assurance. C'est pour ces raisons que les assureurs ont déclaré qu'ils ne pourraient couvrir le risque de dommages différés. La prescription absolue de dix ans leur paraît déjà extraordinairement longue.

Le projet suisse résoud le problème de la manière suivante : les prestations exigibles de la personne responsable et de son assureur se prescrivent par dix ans. La victime peut, après l'écoulement de ce délai, faire valoir ses droits auprès d'un «fonds pour dommages atomiques différés», qui sera créé.

Elle doit toutefois observer un délai de prescription de deux ans «à compter du jour où elle a connaissance du dommage et de la personne qui en est responsable» (art. 16). La victime a exactement les mêmes droits à l'égard du fonds qu'envers la personne responsable et son assureur avant l'écoulement du délai de prescription civile. Seul l'obligé change. Les différends entre la victime et le fonds sont tranchés par le juge civil. Le fonds pour dommages atomiques différés (art. 17) sera une institution de droit public, comme le fonds de compensation de l'assurance-vieillesse et survivants. Mais contrairement à ce qu'il en est pour ce dernier, on ne prévoit pas de réunir d'avance des ressources suffisamment importantes pour couvrir tous les dommages différés qui pourraient se produire. On ne peut en effet pas prévoir l'importance qu'ils revêtiront. Ce qui importe, c'est d'insérer dans la loi le principe selon lequel les ressources nécessaires pour couvrir ces dommages doivent en principe être fournies par l'ensemble de l'industrie atomique sous forme de contributions dont le montant sera fixé par le Conseil fédéral. H semble justifié de fixer ces contributions pour le moment à un niveau relativement bas. Si dix ans après un premier sinistre, un grand nombre de demandes en réparation de dommages différés sont présentées, la Confédération pourra accorder des avances au fonds (4e al.) et,
simultanément, relever le montant des contributions afin d'amortir ces avances. Afin que l'industrie atomique sache quelle est la contribution maximum qu'elle devra fournir, la loi fixe la limite supérieure des contributions à % de la prime due pour l'assurance obligatoire de la responsabilité civile. S'il devait se produire un jour des dommages différés d'une importance telle que même ces contributions maximums ne suffisent pas à l'amortissement des avances de la Confédération, l'Assemblée fédérale pourrait dispenser, totalement ou partiellement, l'industrie atomique de l'obligation de rembourser ces avances, à moins qu'elle ne juge préférable de relever le montant des contributions en modifiant la loi.

Le projet prévoit comme seul organe du fonds pour dommages différés une commission de gestion de cinq à sept membres. Pour la constituer, il

1588 conviendra de tenir compte de façon appropriée des intérêts des entreprises astreintes au versement des contributions. Le Conseil fédéral pourra probablement charger des institutions déjà existantes de tous les travaux préparatoires, tels que la répartition de la charge des contributions, en vue des décisions de la commission de gestion, de sorte qu'il ne soit pas nécessaire de créer un appareil administratif permanent.

La commission d'experts a examiné si l'administration du fonds et la réparation de dommages atomiques différés qui incombe à ce dernier, ne devraient pas être confiées à la caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, qui indemniserait les victimes de dommages atomiques selon les principes qu'elle applique en matière d'accidents du travail. Le représentant de l'association suisse des avocats fit valoir que la réparation de dommages apparaissant de nombreuses années après que les radiations nocives se sont produites constitue plutôt un problème d'ordre social qu'une question de responsabilité civile.

Nous devons relever, à l'encontre de cette proposition, qu'on ne saurait, sans les plus grandes appréhensions, régler les dommages différés selon les principes de la loi fédérale sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents. Les dispositions de droit public de cette loi et l'organisation étatique de l'assurance contre les accidents tiennent compte des besoins particuliers d'un cercle bien défini de travailleurs en cas de maladie ou d'accidents professionnels. Elles ne conviennent aucunement lorsqu'il s'agit de prétentions de droit privé qui découlent de la responsabilité civile et ne sont plus couverts par une assurance en raison de l'écoulement d'un certain temps. La caisse nationale d'assurance en cas d'accidents serait chargée d'une tâche tout à fait étrangère à ses attributions.

Responsabilité civile et assurance contre les accidents (art. 18) Le premier alinéa de cet article correspond à l'article 74 du projet de loi sur la circulation routière (teneur proposée par les commissions en vue d'une nouvelle délibération). Il faut distinguer deux cas: le premier alinéa règle avant tout les prétentions du personnel d'une installation atomique contre l'exploitant de cette installation. Comme il a été dit plus haut, la plupart de ces entreprises sont soumises à
l'assurance obligatoire contre les accidents. Pour la partie du dommage qui n'est pas couverte par les prestations de la caisse nationale, les employés ne peuvent faire valoir de prétentions contre leurs employeurs que dans la mesure autorisée par l'article 129 de la loi sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents, c'est-à-dire uniquement si l'employeur ou éventuellement les organes de direction de l'entreprise ont causé l'accident intentionnellement ou par faute grave (action en réparation complémentaire du dommage).

Cette disposition est importante surtout du fait qu'aux termes des articles 74, 2e alinéa, et 78, 5e alinéa, de la loi sur l'assurance en cas de

1589 maladie et d'accidents, un gain journalier dépassant 40 francs et un gain annuel dépassant 12 000 francs ne sont pas pris en considération pour les prestations d'assurance; toutefois, ces bases peuvent, moyennant modification de la loi sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents, être augmentées en fonction des conditions du moment. Sous cet angle, les assurés de la caisse nationale qui travaillent dans une installation atomique sont désavantagés par rapport aux gens de l'extérieur, envers lesquels l'exploitant de l'installation répond intégralement du dommage en vertu de sa responsabilité causale. Ce désavantage ne se rencontre cependant pas uniquement pour le personnel des installations atomiques, il existe aussi pour le personnel de toutes les entreprises soumises à l'assurance obligatoire contre les accidents ; en effet, dans tous les cas, la responsabilité civile envers les tiers qui découle du droit des obligations ou de lois spéciales sur la responsabilité civile va au-delà de la responsabilité civile selon l'article 129 de la loi sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents (cf. ATF 72, II, 314 et 430, 81, II, 224, 225 et 553).

Compte tenu du privilège que constitue l'assurance obligatoire en cas d'accidents pour le personnel affilié, cette solution se justifie cependant parfaitement. Ainsi, l'assurance obligatoire en cas d'accidents couvre non seulement les dommages attribuables à un processus nucléaire, dommages pour lesquels les tiers n'ont qu'une prétention en responsabilité civile selon l'article 11 du projet, mais aussi, en beaucoup plus grand nombre, tous les autres risques professionnels du personnel de l'installation atomique (accidents et maladies professionnelles). Notons encore que le législateur peut adapter les rentes de la caisse nationale en fonction de la dépréciation de la monnaie en accordant des allocations de renchérissement, ce qu'il a fait à plusieurs reprises; or cet avantage n'existe pas s'il s'agit de dommagesintérêts fixés par jugement.

Considéré dans l'ensemble, on ne peut donc prétendre que le personnel des entreprises atomiques assuré auprès de la Caisse nationale subit un préjudice injustifié.

L'article 18, 1er alinéa, règle un second cas: celui où un sinistre atomique atteint le personnel d'une autre entreprise soumise à la caisse nationale. Les
ouvriers et employés de cette autre entreprise sont des tiers qui, à l'égard de l'exploitant de l'installation à l'origine du dommage, peuvent invoquer la responsabilité causale. Mais dans la mesure où, en vertu de la loi sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents, la caisse nationale a indemnisé les lésés, elle est subrogée dans leurs droits en vertu de l'article 100 de ladite loi. E}le peut faire valoir ces prétentions par voie de recours contre l'exploitant de l'installation atomique ou son assureur jusqu'à concurrence du montant de ses prestations; les assurés de cette catégorie qui n'ont pas été intégralement indemnisés conservent tous leurs droits à une réparation supplémentaire pour la partie du dommage non couverte.

1590 Les personnes obligatoirement assurées contre les accidents qui, par suite d'un événement atomique, subissent un accident non professionnel, se trouvent dans la même situation juridique.

Les assureurs ont proposé que la caisse nationale renonce à son droit de recours, afin que toute la garantie mise à disposition par les assurances privées serve à indemniser les autres lésés. Nous estimons toutefois qu'une telle atteinte au droit de recours de la caisse nationale n'est pas justifiée dans des circonstances normales. Dans la plupart des cas de responsabilité, où le dommage est inférieur au montant de la garantie, les intérêts des autres lésés ne sont pas touchés par l'existence du droit de recours de la caisse nationale. Une telle réglementation spéciale ne peut se justifier que dans des cas de sinistres graves où la garantie de l'assurance ne suflit pas à couvrir tout le dommage (v. à ce sujet ATF 84, II, 402). Elle peut être instituée, en temps voulu, dans le cadre du règlement particulier d'indemnisation prévu à l'article 25, 2e alinéa, du projet de loi.

Il est d'ailleurs possible que la caisse nationale doive intervenir dans le cas des dommages différés étant donné que les prétentions dirigées contre elle ne sont pas soumises à des délais de prescription absolue. Dans ce cas, la caisse nationale est également subrogée aux droits des lésés contre le fonds pour dommages atomiques différés.

L'article 18, 2e alinéa, concerne les entreprises non soumises à la caisse nationale. H revêt peu d'importance pratique car,. comme on l'a déjà mentionné, toutes les entreprises occupées à la production, l'utilisation, la transformation, l'entreposage ou le transport de substances radioactives sont soumises à l'assurance obligatoire en cas d'accidents. Il s'agit ici essentiellement des installations pour recherches et expériences qui ne peuvent pas être considérées comme des «entreprises», au sens de l'article GQbis, 1er alinéa, lettre 6, de la loi sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents et de l'article 2 de l'ordonnance I sur l'assurance en cas d'accidents.

Àssurance-res'ponsabilité civile (art. 19 à 22) Les articles 19 à 22 règlent l'assurance obligatoire de la responsabilité civile. Les rapports étroits qui existent entre la limitation de la responsabilité et le caractère obligatoire de
l'assurance expliquent pourquoi les articles 19 et 20 ont été commentés en détail plus haut, lors de l'examen de l'article 11.

Le projet de loi n'oblige pas les compagnies d'assurances autorisées à opérer en Suisse à conclure, à des conditions déterminées, des contrats d'assurance, y compris des assurances complémentaires, avec les exploitants d'installations atomiques. On pourrait en déduire que les assureurs auront pratiquement la faculté d'imposer unilatéralement les conditions d'assurance. Ce danger n'est pourtant pas à craindre, car les entreprises

1591 d'assurances sont soumises à la surveillance du bureau fédéral des assurances, auquel les tarifs et les conditions générales d'assurance doivent être soumis pour approbation. Selon l'article 9 de la loi fédérale du 25 juin 1885 concernant la surveillance des entreprises privées en matière d'assurance, le Conseil fédéral ou, en son nom, le bureau fédéral des assurances «prend en tout temps les décisions qui lui paraissent nécessaires dans l'intérêt général et dans celui des assurés». On a ainsi la garantie que la jeune industrie atomique n'aura en aucun cas à supporter des primes d'assurances injustifiées.

Il est impossible aujourd'hui de donner des indications sur le montant des primes. Elles seront calculées dans chaque cas selon les risques supputables pour chaque objet. Dans le cas d'entreprises qui, à vues humaines, ne pourront pas causer de sinistre grave atteignant le maximum de l'assurance obligatoire; les primes seront inférieures à celles qui sont dues pour de grandes installations.

L'article 21 est nécessaire pour empêcher qu'à l'extinction d'un contrat d'assurance certaines sources de risques demeurent non assurées. L'autorité compétente doit avoir suffisamment de temps pour retirer, s'il le faut, l'autorisation d'exploitation avant l'extinction de l'assurance et ordonner les mesures de sécurité nécessaires.

L'article 22 reprend de la loi sur la circulation des véhicules automobiles et des cycles (art. 49; art. 61 du projet de loi sur la circulation routière), le droit d'action directe du lésé, Sûretés (art. 23) Les prétentions d'un lésé éventuel ne doivent pas nécessairement être garanties par la conclusion d'un contrat d'assurance; ce qui est décisif, c'est que le responsable fournisse, au profit des lésés, une autre garantie égale à l'assurance obligatoire.

For, appréciation des preuves (art. 24) La règle selon laquelle le juge du lieu de situation de l'installation atomique connaît seul des actions en dommages-intérêts fondées sur la présente loi constitue une dérogation au principe de la compétence du juge du domicile du débiteur. Toutefois, ce dernier a toujours un domicile commercial au lieu de situation de l'installation atomique, et le Tribunal fédéral a admis, de tout temps, que les dispositions créant un for au lieu de situation d'un établissement d'affaires pour des
contestations relatives à cet établissement ne vont pas à l'encontre de l'article 59 de la constitution.

La solution adoptée dans le projet s'impose, afin qu'en pratique un seul tribunal puisse, si possible, connaître de toutes les actions en dommagesintérêts. A défaut d'une telle disposition, les procès, en cas de grands sinistres atteignant plusieurs cantons, seraient portés devant différents

1592 tribunaux, car les assureurs doivent élire un domicile légal dans chaque canton où ils opèrent (art. 2, chiffre 4, de la loi fédérale concernant la surveillance des entreprises privées en matière d'assurance). Une réglementation semblable est également prévue dans le projet de convention de l'OECE; elle sera valable sur le plan international si la convention est adoptée. II s'ensuivrait qu'en cas de dommages débordant les frontières nationales, les victimes étrangères ne pourraient ouvrir action qu'au lieu de situation de l'installation atomique. Un for au lieu du séquestre serait alors exclu, comme c'est le cas dans la convention judiciaire avec la France (ATF 74, III14 et 76,1 36, ordonnance du Tribunal fédéral du 29 juin 1936 relative au protocole additionnel du 4 octobre 1935 à la convention judiciaire avec la France). Toutefois, l'article 24 n'exclut pas le «forum arresti» pour les dommages causés par des installations atomiques étrangères dans le cas où il n'existe aucun engagement international de ce genre.

Nous avons renoncé à prévoir une disposition expresse au sujet du droit applicable en cas de dommages s'étendant au-delà de la frontière nationale. Le projet de l'OECE déclare applicable le droit du pays où est située l'installation atomique même quand les dommages se produisent au-delà d'une frontière nationale ; en revanche, la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral (ATF 76, II 111) admet qu'en matière d'actes illicites on doit considérer comme lieu de commission de l'acte, à côté du lieu d'exécution, celui où le résultat s'est produit (par analogie à l'article 7, 1er alinéa CP). Cette jurisprudence aurait éventuellement pour conséquences qu'en cas de dommages dépassant la frontière plusieurs droits seraient applicables La solution de ce problème doit être laissée à la convention de l'OECE et, en attendant, à la jurisprudence.

L'article 24, 3e alinéa, correspond à l'article 46 de la loi sur la circulation des véhicules automobiles et des cycles (art, 80 du projet de loi sur la circulation routière).

Contributions de la Confédération à la réparation dea dommages (art. 25) Cet article important a trait aux contributions de la Confédération en cas de grands dommages. En ce qui concerne les considérations de principe en rapport avec ces questions, on voudra bien se référer aux
commentaires figurant dans la troisième partie de ce message, ainsi qu'aux remarques relatives à l'article 11 du projet de loi. Au sein de la commission d'experts, les avis furent partagés sur le point de savoir si cet article devait uniquement contenir une autorisation pour la Confédération de contribuer à la réparation du dommage («la Confédération peut verser des prestations pour le dommage non couvert») ou bien si le législateur devait instituer une obligation de la Confédération («des contributions seront fournies dans le cadre d'un règlement d'indemnisation»). La différence entre ces

1593 deux formules ne doit pas être exagérée: s'il est véritablement nécessaire de fournir une aide, l'Assemblée fédérale mettra des moyens à disposition, quelle que soit la formule choisie. Mais nous croyons que la formule «peut» éveille moins de fausses illusions: la «formule imperative» suscite trop facilement l'espoir d'une réparation totale du dommage par la caisse fédérale, même si la loi ne parle clairement que de contributions dans le cadre d'un règlement d'indemnisation à établir par l'Assemblée fédérale, Le règlement d'indemnisation doit permettre de répartir aussi équitablement que possible l'ensemble des moyens disponibles à savoir somme d'assurance, prestations éventuelles incombant au responsable en cas de faute (4e al.) et contributions de la Confédération; il faut tenir compte également de l'existence possible de dommages différés. II n'y a pas de raison de prévoir expressément dès aujourd'hui des règles de répartition des moyens disponibles entre dommages aux personnes et dommages aux choses ou l'exclusion de certaines actions récursoires, comme par exemple celles de la caisse nationale (art. 100 de la loi sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents) et des compagnies d'assurances en matière d'assurance de dommages (art. 72 de la loi sur le contrat d'assurance). Il est de beaucoup préférable de ne résoudre toutes ces questions qu'en fonction d'un cas concret qui, probablement, ne se produira jamais. H importe seulement que le Conseil fédéral puisse, au besoin, prendre immédiatement des mesures provisionnelles, dès qu'il y a lieu de s'attendre que les moyens disponibles ne suffiront pas à satisfaire toutes les prétentions. Ce sera l'ordre donné aux personnes responsables et à leur assureur de ne fournir de prestations à des victimes que dans le cadre des instructions des autorités compétentes. Ce sera aussi une limitation des droits des victimes en matière d'action et d'exécution des jugements jusqu'à ce que le règlement d'indemnisation soit établi. Les mesures provisionnelles doivent pouvoir s'appliquer à toutes les prétentions dirigées contre le responsable et son assureur en vertu de cette loi et demeurées insatisfaites au moment de l'entrée en vigueur desdites mesures provisionnelles. La compétence attribuée à l'Assemblée fédérale d'établir un règlement d'indemnisation
comprend d'une part le droit d'édicter des règles de droit matériel dans le sens d'une réduction des droits à réparation et, d'autre part, le droit d'établir des normes en matière d'exécution forcée. C'est ainsi que le règlement d'indemnisation peut enjoindre aux tribunaux de fixer le montant des réparations sans se préoccuper de la limite de la responsabilité, mais de préciser dans leurs jugements que ceux-ci seront seulement exécutables dans les limites du règlement d'indemnisation. En ce cas, le règlement d'indemnisation établirait certainement des privilèges en matière d'exécution des jugements pour tenir compte des besoins plus ou moins pressants des différents groupes de victimes; pour la partie des prétentions qui, de ce fait, n'auraient pu être satisfaites, il y aurait lieu d'établir un certificat attestant que la victime n'a pas été complètement indemnisée; il ne s'agirait

1594 pas, en l'occurrence, d'un acte de défaut de biens, car en raison de la limitation de la responsabilité on ne peut s'en prendre au reste du patrimoine de la personne responsable et de l'assureur.

On peut se demander s'il doit être encore possible de remettre en question des prétentions sur lesquelles les tribunaux se sont prononcés définitivement avant que soient décrétées les mesures provisionnelles. Cette question peut rester ouverte; ce qui importe, en effet, en présence de la situation exceptionnelle créée par un grand sinistre, c'est que l'Assemblée fédérale puisse établir, en temps utile et avec assez de liberté, un règlement d'indemnisation aussi équitable que possible.

H convient d'accorder à l'Assemblée fédérale une compétence étendue également en matière de procédure ; elle doit pouvoir en particulier charger une institution spéciale et indépendante d'appliquer les principes du règlement d'indemnisation. Dans ce cas, le recours au Tribunal fédéral doit être possible sans égard à la valeur litigieuse. Si la Confédération met des moyens à disposition, les prétentions des victimes perdent leur caractère purement civil. Il faudra en tenir compte pour établir les principes de procédure. L'Assemblée fédérale devra, le cas écbéant, décider également comment seront réunis les fonds en vue de la contribution fédérale.

L'article 25, 4e alinéa, règle avant tout le droit de recours de la Confédération contre un responsable qui a commis une faute. On a déjà exposé la signification de ce droit de recours. H serait logique de prévoir également un droit analogue de la Confédération contre un coobligé qui a commis une faute, dans la mesure où, en vertu d'autres lois, il répondrait au delà du montant de la garantie d'assurance. Comme il s'agit ici d'une responsabilité non entièrement assurable en raison de la somme en jeu, une telle décision aurait avant tout pour effet de retenir les fournisseurs étrangers de parties intégrantes de réacteurs d'effectuer des livraisons en Suisse.

C'est la raison pour laquelle le droit de recours de la Confédération à l'égard des cQobligés est limité au cas de faute grave. La jurisprudence du Tribunal fédéral a défini la faute grave comme l'ommission de précaution tout à fait naturelles. La responsabilité au sens de l'article 25, 4e alinéa, en ce qui concerne les
personnes morales est une responsabilité des organes (art. 55, 2e al. CC). La Confédération ne peut, sur cette base, répéter ses prestations contre les personnes morales qu'en cas de comportement coupable, ou, si elles sont coobligées, en cas de comportement gravement coupable des organes de leur direction. On doit considérer comme telles les personnes qui exercent la. direction de l'entreprise et ont le pouvoir de commander, celles «qui tiennent les leviers de commande de l'entreprise» (ATF 61, II, 342).

Si une faute n'est imputable qu'aux ouvriers ou employés, elle n'entraîne pas cette responsabilité; voir aussi les remarques concernant l'article 11, chiffre 9. Les fournisseurs étrangers de parties intégrantes de réacteurs agissent avec une telle prudence qu'on peut penser que cette disposition ne sera jamais actuelle.

1595 Modification dee prestations d'assurance, primes de réparation (art. 26) Un sinistre atomique grave entraîne des charges non seulement pour l'assureur de la responsabilité civile mais également pour un grand nombre d'autres assureurs auprès desquels les lésés sont assurés. En cas de décès, les sommes prévues aux contrats d'assurance-vie devront être payées; en outre, suivant les cas, l'invalidité de l'assuré entraîne dans l'assurance-vie, l'arrêt du service des primes; quant aux caisses maladie elles peuvent, le cas échéant, être appelées à fournir de grosses prestations au titre des frais de guérison. Normalement, les compagnies d'assurances et les établissements d'assurances de droit public sont en mesure de supporter ces risques. Il en irait pourtant autrement s'il devait un jour se produire un sinistre atomique qui ait les proportions d'une catastrophe nationale créant un état de nécessité dans le pays. L'association des compagnies suisses d'assurances a fait remarquer qu'une catastrophe atomique poserait des problèmes semblables à ceux qu'il faudrait résoudre si la Suisse était entraînée dans une guerre : la guerre perturbe tous les calculs de probabilité qui peuvent être établis sur la base des tables de mortalité prévues pour le temps de paix. C'est pour cette raison que les compagnies d'assurances ont exprimé le voeu que la loi donne au Conseil fédéral la faculté de prendre, en cas de catastrophe nationale, des mesures analogues à celles qui sont actuellement prévues pour le cas de guerre dans les conditions générales de tous les contrats récents d'assurance sur la vie.

Si la Suisse est entraînée dans une guerre ou dans des événements présentant le caractère d'une guerre, les assureurs sont en droit, avec l'accord du bureau fédéral des assurances, d'exiger le paiement d'une prime unique de répartition pour cause de guerre, prime qui est due dès le début de la guerre, mais n'est fixée et exigible qu'après la fin des hostilités. Ces primes de répartition peuvent être déduites des prestations d'assurance.

Faute d'une réglementation légale spéciale, elles ne peuvent être perçues que si elles ont été prévues dans le contrat d'assurance dès sa conclusion.

En cas de guerre, la base juridique nécessaire peut être établie en vertu des pouvoirs extraordinaires. Mais en cas de catastrophe
nationale, le Conseil fédéral ne décide pas purement et simplement en vertu de ses pouvoirs extraordinaires. Le but de l'article 26 est donc de créer dès à présent la possibilité de réclamer en cas de nécessité de telles contributions aux preneurs d'assurance de toutes les branches, sans qu'il y ait lieu de considérer si leurs contrats contiennent ou non une clause à cet effet. Outre le prélèvement d'une prime de répartition, la «modification des prestations de l'assureur» entre également en considération; c'est ainsi que l'on peut envisager, par exemple, une suspension provisoire de l'obligation de verser le capital assuré. Des problèmes semblables peuvent se poser dans le domaine des assurances sociales et des assurances de droit public (caisses-maladie, etc.).

1596 Nous nous sommes demandé si une telle disposition a une portée pratique. Dans le cas d'une vraie catastrophe nationale avec effets comparables à ceux d'une guerre, l'Assemblée fédérale doit, de toute façon, se réunir et ordonner les mesures commandées par les circonstances. En outre, il est à peine pensable qu'une installation atomique puisse jamais causer un dommage avec de pareils effets dévastateurs; même le réacteur le plus puissant ne recèle pas de dangers comparables à ceux d'une bombe atomique.

Mais il est clair que les compagnies d'assurances doivent tenir compte de tous les risques, mêmes les plus improbables; c'est pourquoi nous avons donné suite à leur voeu d'introduire un tel article sur l'état de nécessité.

CHAPITRE CINQUIÈME Dispositions d'exécution Exécution (art. 27) A fin 1955, le Conseil fédéral a nommé un délégué aux questions atomiques, chargé de préparer et d'exécuter toutes les mesures paraissant propres à permettre à notre économie de suivre le développement de l'énergie atomique à l'étranger. Si l'on charge la Confédération de l'exécution des dispositions du présent projet de loi, les tâches lui incombant, confiées jusqu'ici au délégué, s'étendront. Le soin des affaires relatives aux problèmes de l'énergie atomique deviendra en outre une attribution durable de la Confédération, II a toutefois semblé indiqué de ne pas fixer déjà dans la loi la forme de l'organisation future, mais de laisser au Conseil fédéral le soin de le faire et de fixer le moment de l'entrée en vigueur.

Commission (art. 28) La complexité des problèmes à traiter exige que différentes commissions assistent les autorités fédérales de leurs conseils. Actuellement, les commissions suivantes existent: 1. La commission suisse d'études pour l'énergie atomique. Elle a en particulier les tâches suivantes: développer et coordonner des recherches, former des spécialistes dans le domaine de la physique nucléaire et conseiller les autorités dans toutes les questions concernant le domaine de l'énergie atomique ; 2. La commission consultative pour l'énergie atomique au sein de laquelle sont représentés tous les milieux intéressés de l'économie et de la science. Sa tâche consiste à donner des conseils sur la politique à suivre dans le domaine de l'énergie atomique, à établir des plans pour la recherche scientifique
et la formation technique de spécialistes, à traiter les problèmes de la coopération internationale, à expertiser les projets de réacteurs que la Confédération doit favoriser et les projets établis

1597 en commun par des organisations internationales, à conseiller en matière de législation et d'ordonnances d'exécution et à traiter toutes les autres questions de principe importantes; 3. La commission devsurveillance de la radioactivité de l'air et des eaux; 4. La commission des sciences nucléaires formée par le fonds national suisse de recherches scientifiques. Elle est chargée de préparer les programmes de recherches, d'établir les budgets, de faire rapport au Conseil fédéral et de l'assister aussi dans l'examen de questions scientifiques. Eu outre, elle examine les requêtes présentées en vue d'obtenir un soutien pour des travaux de recherches et pour la formation technique des spécialistes. Dans le cadre de ses attributions, elle est habilitée à prendre des décisions.

L'exécution du présent projet de loi oblige en outre de former une commission de protection contre les radiations, chargée de préparer les dispositions sur la matière et de surveiller leur exécution.

Ici aussi, nous estimons inopportun de surcharger la loi en y énumérant toutes les commissions déjà existantes ou celles dont on envisage la création. L'évolution future pourra rendre nécessaire la création de nouvelles commissions ou la transformation du système actuel. Dans ce cas, il pourrait être indispensable de prendre des décisions rapides.

Contrôle, mesures de sécurité (art. 29) Dans l'exercice de son droit de surveillance (art, 8), la Confédération doit pouvoir effectuer des contrôles appropriés. Des attributions analogues peuvent aussi être accordées aux représentants reconnus par le Conseil fédéral d'agences européennes ou internationales, chargées de veiller à l'utilisation pacifique de l'énergie atomique, de même qu'aux représentants des Etats auxquels la Confédération a accordé pareille faculté dans les traités internationaux relatifs à la coopération dans le domaine de l'utilisation pacifique de l'énergie atomique. (Voir à ce sujet l'exposé contenu dans notre message du 31 juillet 1956 concernant la ratification de l'accord sur la coopération entre le gouvernement suisse et le gouvernement des EtatsUnis d'Amérique dans le domaine de l'utilisation pacifique de l'énergie atomique, FF 1956, II, 125.)

Responsabilité; obligation de garder h secret (art. 30) Les fonctionnaires fédéraux sont tenus de garder le secret
en vertu de l'article 27 de la loi sur le statut des fonctionnaires. L'article 30 du présent projet impose expressément la même obligation à toutes les personnes chargées de l'application de la loi ou de ses dispositions d'exécution. La responsabilité pénale et patrimoniale sera réglée désormais par la nouvelle loi sur la responsabilité des fonctionnaires du 14 mars 1958.

Feuille fédérale. 110« année. Vol. II.

109

1598 Restitution de subventions (art. 31) Cette disposition correspond exactement à l'article 27 de la loi fédérale du 30 septembre 1955 sur la préparation de la défense nationale économique.

CHAPITRE SIXIÈME

Dispositions pénales et finales Délit impliquant une mise en danger (art. 32) L'article 32 complète les articles 224 et 225 du code pénal. Les crimes et délits créant un danger collectif sont déjà réprimés par les dispositions sur l'emploi, avec dessein délictueux, d'explosifs ou de gaz toxiques. Des substances radioactives ou des installations émettant des radiations ionisantes, créent toutefois des dangers qui ne sont pas moins considérables. Le délit est consommé même s'il ne cause aucun dommage aux personnes ou aux choses.

Violation de, secrets (art. 33) Actuellement déjà, la violation de secrets de fabrication ou d'affaires est réprimée par l'article 162 du code pénal et l'espionnage économique par l'article 273. La révélation illicite de secrets de fonction tombe sous le coup de l'article 320 du code pénal. En application des traités internationaux relatifs à la coopération pour l'utilisation pacifique de l'énergie atomique, des informations confidentielles sont échangées, qui toutefois ne répondent pas à la définition du secret de fabrication ou d'affaires. Il a donc été nécessaire d'établir à l'article 34 une nouvelle disposition répressive qui tienne compte de ce fait.

Infraction à la loi (art. 34) L'article 34 contient les sanctions générales pour toutes les infractions à la loi, à ses dispositions d'exécution et aux décisions d'espèce prises en vertu de la loi et de ses dispositions d'exécution. Certes, il serait préférable d'établir une disposition qui, ici aussi, énumère un à un et de façon complète les divers comportements punissables. On n'a cependant pas encore, sur cette matière entièrement nouvelle, une vue d'ensemble suffisante pour prévoir tous les délits imaginables et pouvoir dresser la liste des actes punissables, aussi ne peut-on renoncer à une clause générale.

Il s'agira le plus souvent ici d'actes délictueux dont la portée ne sera pas trop considérable; il surfit donc de les réprimer comme contraventions, en tant qu'ils ne constituent pas simultanément un délit plus grave. Néanmoins, on doit prévoir l'application d'une peine d'emprisonnement pour les cas graves.

1599

Juridiction fédérale (art. 35) Les actes punissables mentionnés aux articles 32 et 33 peuvent être d'une telle portée qu'il se justifie aisément de les soumettre à la juridiction fédérale (art. 340, chiffre 2, et 342 CP). Il en est de même des infractions visées à l'article 34; étant donné qu'en vertu de l'article 8, le Conseil fédéral et les offices désignés par lui ont notamment pour tâche de veiller à l'observation des décisions et ordonnances, il semble indiqué, en cas d'infraction à celles-ci, de placer les enquêtes de police sous la direction de la Confédération. En soumettant à la juridiction fédérale tous les délits prévus par la loi, on n'exclut pas la faculté pour le Conseil fédéral de transférer ordinairement aux autorités cantonales l'instruction et le jugement des affaires (art. 18 et 254 s. de la loi sur la procédure pénale fédérale).

Entrée en vigueur (art. 36) Pas d'observation.

Vu ce qui précède, nous vous recommandons d'adopter le projet de loi ci-joint.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 8 décembre 1958.

Au nom du Conseil fédéral suisse:

Le président de la Confédération, Holenstein 12350

Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

1600

(Projet)

LOI FÉDÉRALE l'utilisation pacifique de l'énergie atomique et la protection contre les radiations

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 2iquinguies, 64 et 64&£» de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 8 décembre 1958, arrête: CHAPITRE PREMIER Définitions et mesures d'encouragement Article premier D

1

finitions On entend par énergie atomique toutes les formes d'énergie libérées lors de processus nucléaires.

a Sont réputées installations atomiques au sens de la présente loi les installations qui servent à produire de l'énergie atomique ou à obtenir, traiter, entreposer ou rendre inoffensifs des combustibles nucléaires et des résidus radioactifs.

3 Le Conseil fédéral peut définir, par une ordonnance, les notions de combustible nucléaire et de résidus ainsi que d'autres notions employées dans la présente loi.

4 Le Conseil fédéral peut assimiler aux résidus les parties intégrantes d'installations atomiques qui deviennent radioactives lors de la production d'énergie atomique. H peut prévoir des exceptions aux dispositions de la présente loi concernant le régime de l'autorisation, de la responsabilité civile et de l'assurance obligatoire pour les combustibles nucléaires et les résidus dont les radiations sont de faible intensité.

1601 Art. 2 La Confédération encourage les recherches scientifiques sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique, sur les dangers des radiations et sur les moyens de s'en préserver; elle favorise la formation de spécialistes.

a II n'est pas accordé de subvention pour les recherches effectuées par des entreprises à but lucratif.

1

Art. 3 Dans la mesure où les besoins du pays l'exigent, la Confédération peut acquérir des matières brutes et des combustibles nucléaires et les mettre à la disposition des exploitants d'installations atomiques et de la recherche scientifique.

Subvention» destinées à encourager les recherches

Acquisition de

combustibles nucléaires

CHAPITRE DEUXIÈME Mesures administratives dans le domaine de l'énergie atomique

Art. 4 Une autorisation est requise : a. Pour la construction et l'exploitation d'une installation atomique, de même que pour toute modification du but, de la nature et de l'ampleur d'une telle installation; b. Pour le transport, la remise et la réception, de même que pour toute autre forme de détention de combustibles nucléaires et de résidus radioactifs; c. Pour l'importation, le transit et l'exportation de combustibles nucléaires et de résidus radioactifs; d. Pour l'exportation d'énergie produite par des installations atomiques.

2 Le Conseil fédéral peut décréter qu'une autorisation sera requise pour l'importation, le transit et l'exportation soit de matières brutes destinées à la production de combustibles nucléaires, soit d'équipements de production, d'appareils et de matières nécessaires à la technique nucléaire.

3 Les attributions de police de la Confédération et des cantons, en particulier en ce qui concerne les constructions, le feu, les eaux et la surveillance du matériel de guerre, sont réservées, de même que les mesures prévues par d'autres dispositions en matière d'importation, d'exportation et de transit.

1

Autorisation a. Objet

1602

b. Conditions

n. Compétence

d* Procédure

Art. 5 L'autorisation doit être refusée ou subordonnée à des conditions ou charges appropriées si cela est nécessaire à la sauvegarde de la sûreté extérieure de la Suisse et au respect de ses engagements internationaux ou à la protection des personnes, des biens d'autrui ou d'autres droits importants.

8 L'autorisation doit être refusée si le requérant ne justifie pas de l'assurance ou de la fourniture des sûretés qui lui incombent, ou s'il n'offre pas toute garantie quant à l'observation des dispositions de la présente loi et des conditions ou charges qui pourraient lui être imposées.

3 L'autorisation d'exporter des combustibles nucléaires radioactifs, des matières brutes et des matières nécessaires à la technique nucléaire peut être refusée si cette mesure s'impose pour couvrir les besoins du pays.

4 L'autorisation d'exporter de l'énergie produite par des installations atomiques doit être refusée si l'exportation est contraire à l'intérêt public et s'il est à prévoir que cette énergie trouvera une utilisation convenable en Suisse dans le temps pour lequel l'autorisation est demandée.

Art. 6 Le Conseil fédéral ou l'office désigné par lui statue sur les demandes d'autorisation.

Art. 7 1 Lorsqu'une autorisation de construire, d'exploiter ou de modifier une installation atomique est requise, l'autorité compétente doit se procurer, aux frais du requérant, un rapport technique permettant d'établir, en particulier, si le projet prévoit toutes les mesures que l'on peut raisonnablement exiger pour la protection des personnes, des biens d'autrui et d'autres droits importants. Ce rapport d'expertise doit être porté à la connaissance du requérant.

Ä Le canton sur le territoire duquel l'installation atomique doit être érigée sera en outre invité à donner son avis.

1

Art. 8 Les installations atomiques ainsi que toute détention de combustibles nucléaires et de résidus radioactifs sont soumises à la surveillance de la Confédération.

2 Le Conseil fédéral et les offices désignés par lui sont autorisés, dans l'exercice de leur surveillance, à ordonner en tout temps les mesures qui s'imposent pour assurer la protection des personnes, 1

Surveillance exercée par la Confédération

1603

des biens d'autrui et d'autres droits importants, pour sauvegarder la sûreté extérieure de la Suisse et garantir le respect de ses engagements internationaux; ils sont également compétents pour veiller à l'exécution de ces mesures.

3 Tout projet de modification d'une installation atomique doit être annoncé aux offices compétents, même s'il s'agit d'une modification pour laquelle une autorisation n'est pas requise.

Art, 9 Les autorisations sont incessibles.

incessibilité et révocation 2 "une autorisation peut être révoquée par l'office qui l'a dèli- *«» autorisation« vrée si elle a été obtenue sur la base d'indications inexactes ou incomplètes ou si les conditions auxquelles elle a été subordonnée ne sont pas ou plus remplies.

3 Si une autorisation d'exploiter une installation atomique est révoquée, l'exploitant est tenu d'éliminer toutes les sources de dangers de l'installation mise hors service.

4 Lorsque l'autorisation de détenir des combustibles nucléaires et des résidus radioactifs est révoquée, ces matières doivent être transférées immédiatement à un autre bénéficiaire d'une autorisation ou à la Confédération; au besoin, la Confédération peut faire saisir ces matières (art. 29) ou faire éliminer toutes les sources de dangers aux frais du bénéficiaire de l'autorisation révoquée.

fi Si une autorisation doit être révoquée pour des motifs auxquels le bénéficiaire est étranger, la Confédération verse à ce dernier une indemnité équitable pour le dommage résultant de la révocation.

En caa de contestation, le Tribunal fédéral statue conformément à l'article 110 de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943.

1

CHAPITRE TROISIÈME Protection contre les radiations

Art. 10 Le Conseil fédéral édicté des prescriptions sur la protection contre les radiations ionisantes.

2 Le Conseil fédéral peut en particulier: a. Déclarer qu'une autorisation sera requise pour le transport, la remise, la réception et toute autre forme de détention et d'utilisation, de même que pour l'importation, le transit et l'exportation de matières radioactives qui ne sont pas visées par l'article 4; 1

Protection contre les radiations

1604 b. Décider que des installations et appareils émettant des radiations ionisantes ne devront être employés ou mis dans le commerce qu'après un examen officiel de leurs dispositifs de sécurité et qu'au besoin, cet examen sera renouvelé; c. Prescrire que l'emploi de tels installations et appareils sera soumis à une autorisation et subordonner l'octroi de celle-ci à la condition que le maniement de ces objets soit confié à du personnel qualifié.

3 Le Conseil fédéral et les offices désignés par lui veillent à l'observation de ces prescriptions.

CHAPITRE QUATRIÈME Responsabilité civile et assurance

Responsabilité civile a. Prìncipe

Art. 11 Si, au cours de l'exploitation d'une installation atomique, un processus nucléaire provoque la mort d'une personne, la lèse dans sa santé ou cause un dommage matériel, l'exploitant de l'installation répond du dommage, mais au maximum jusqu'à concurrence de la somme d'assurance prescrite aux articles 19, 2« et 3e alinéas, et 20; il répond de tels dommages exclusivement en vertu de la présente loi.

a Tout autre détenteur de combustibles nucléaires et de résidus radioactifs ainsi que tout détenteur antérieur de telles matières répondent de la même manière des dommages causés par des processus nucléaires. Le détenteur antérieur ne répond pas des dommages qui surviennent après qu'il s'est défait de ces matières avec l'autorisation de l'autorité compétente. S'il s'agit de transports autorisés de combustibles nucléaires et de résidus radioactifs, le bénéficiaire de l'autorisation de transport est seul responsable.

3 Si d'autres personnes ont contribué à provoquer de tels dommages, elles n'en répondent pas en vertu de la présente loi. Toutefois, dans la mesure où leur responsabilité est engagée envers des tiers en vertu d'autres lois, elles répondent solidairement avec les exploitants d'installations atomiques ou les détenteurs de combustibles nucléaires et de résidus radioactifs au maximum jusqu'à concurrence de la somme d'assurance prescrite.

* L'article 25, 4e alinéa, est réservé.

1

Art. 12 b. Exonération «sponslbmté

La responsabilité civile au sens de l'article 11, 1er et 2e alinéas, n'est pas encourue si le dommage a été causé par la force majeure, par des faits de guerre ou par une faute grave du lésé.

1605 Art. 13 Le mode et l'étendue de la réparation ainsi que l'allocation °. Réparation d'une indemnité à titre de réparation morale se déterminent suivant réparatfoTSSis les principes du code des obligations concernant les actes illicites.

2 L'autorité compétente peut, après la survenance d'un sinistre, obliger par sommation publique toutes les personnes susceptibles d'avoir été exposées à des radiations à s'annoncer immédiatement, mais au plus tard dans les deux mois qui suivent la sommation, à un office désigné par elle. En déterminant le montant des dommagesintérêts et de la réparation morale, le juge apprécie librement la violation inexcusable de cette obligation de s'annoncer.

3 Si la personne tuée ou lésée dans sa santé jouissait d'un revenu exceptionnellement élevé, le juge peut, en tenant compte de toutes les circonstances, réduire équitablement l'indemnité, 1

Art. U Sont nulles les conventions qui excluent ou restreignent la a. conventions responsabilité civile découlant de la présente loi.

2 Sont annulables, dans le délai d'un an à compter de leur conclusion, les conventions stipulant des indemnités manifestement insuffisantes.

Art. 15 1 Les actions en dommages-intérêts et en réparation du tort «.Prescription moral fondées sur la présente loi se prescrivent par deux ans à compter du jour où le lésé a eu connaissance du dommage et de la personne qui en est responsable, mais en tout cas par dix ans dès le jour où l'influence nocive s'est produite.

2 Si les actions dérivent d'une infraction soumise par le droit pénal à une prescription plus longue, celle-ci est déterminante également en matière civile.

Art. 16 1 Après l'expiration du délai de prescription de dix ans ou, le Dommages différés: cas échéant, après l'expiration du délai plus long prévu par le droit a. Action pénal, le lésé peut faire valoir ses prétentions en réparation de dom- en réparation mages corporels contre le fonds pour dommages atomiques différés.

2 Les prétentions contre le fonds se prescrivent par deux ans à compter du jour où le lésé a eu connaissance du dommage et de la personne qui en est responsable.

1

Art. 17 Le fonds pour dommages atomiques différés est institué par le b. Fonia Conseil fédéral; il est placé sous sa surveillance et a la personnalité aCaio.uee'daS 1

1606 juridique. Le Conseil fédéral nomme une commission de gestion de 5 à 7 membres.

2 Les exploitants d'installations atomiques et les autres détenteurs de combustibles nucléaires et de résidus radioactifs doivent verser au fonds des contributions qui ne peuvent excéder un tiers de la prime déterminante pour l'assurance-responsabilité civile obligatoire. Dans cette limite, le Conseil fédéral fixe, par voie d'ordonnance, le montant des contributions. Il dispense de l'obligation de verser des contributions lorsque le fonds a atteint un montant approprié.

3 La commission de gestion du fonds perçoit les contributions.

Ses décisions peuvent être déférées au Tribunal fédéral par voie de recours de droit administratif, conformément à l'article 97 de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943.

4 La Confédération peut accorder des avances au fonds. L'Assemblée fédérale peut dispenser de l'obligation de les restituer en tout ou en partie.

6 En ce qui concerne le placement de la fortune du fonds, la tenue des comptes et l'exonération d'impôt, l'article 108, 1er alinéa, lre et 2e phrases, et l'article 110 de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants sont applicables par analogie.

Responsabilité civile et assurance contre les accidents

Assurance de la responsabilité errile a. Principe

Art. 18 Les lésés assurés auprès de la caisse nationale d'assurance en cas de maladie et d'accidents conservent les prétentions découlant pour eux de la présente loi, sous réserve de l'article 129 de la loi fédérale du 13 juin 1911 sur l'assurance en cas de maladie et d'accidents. La caisse nationale a le droit de recourir en vertu de l'article 100 de la dite loi.

a Les prestations faites au lésé, provenant d'une assurance privée contre les accidents dont l'exploitant responsable a payé tout ou partie des primes, seront déduites du montant des réparations dues par l'exploitant en proportion de sa participation au paiement des primes, à moins que le contrat d'assurance n'en dispose autrement.

1

Art. 19 Celui dont la responsabilité civile est fondée sur l'article 11, 1er et 2e alinéas, et l'article 13, 1er alinéa, doit, pour couvrir cette responsabilité, contracter une assurance auprès d'une entreprise d'assurance autorisée à opérer en Suisse. Cette assurance doit couvrir également la responsabilité civile envers les tiers des autres personnes visées par l'article 11, 3e alinéa, 2e phrase, en tant que les dommages n'ont pas été provoqués intentionnellement.

1

1607 2

Sous réserve de l'article 20, l'assurance doit couvrir la responsabilité civile jusqu'à concurrence de 30 millions de francs pour chaque installation atomique ou chaque détenteur de combustibles nucléaires ou de résidus radioactifs. Si l'intérêt public le permet ou l'exige, le Conseil fédéral peut prescrire de façon générale, par une ordonnance, d'autres montants d'assurance.

3 Si une installation atomique se compose de plusieurs réacteurs, le Conseil fédéral peut imposer à l'exploitant l'obligation de s'assurer pour des montants supérieurs à ceux qui sont généralement prescrits.

4 Lorsqu'il s'agit de risques minimes, le Conseil fédéral peut, par une ordonnance, permettre aux personnes que la présente loi déclare civilement responsables de s'assurer pour un montant inférieur à la somme d'assurance généralement prescrite ; ces personnes demeurent néanmoins responsables jusqu'à concurrence de cette dernière somme.

5 La Confédération n'est soumise à l'obligation de s'assurer ni pour les installations qu'elle exploite, ni pour les combustibles nucléaires et les résidus radioactifs qu'elle détient. Sa responsabilité à l'égard des tiers est engagée jusqu'à concurrence du montant pour lequel un particulier devrait s'assurer dans les mêmes circonstances.

Art. 20 Lorsque l'assureur a fourni des prestations ou qu'il a constitué b. Keoonstitutìon des réserves pour sinistres, le montant assuré diminue d'autant. Si 'fotlg-Sto18 ces prestations ou réserves atteignent un dixième du montant assuré, l'assureur est tenu d'en informer le preneur d'assurance et l'autorité fédérale compétente.

2 En cette occurrence, le preneur d'assurance est tenu de contracter une assurance complémentaire de sorte que le montant initial soit de nouveau intégralement disponible pour garantir la réparation des dommages. Toutefois, l'assurance complémentaire ne couvre exclusivement que les dommages qui se sont produits après son entrée en vigueur. Dans les cas douteux, l'autorité compétente, en tenant compte du montant des réserves, statue sur l'obligation du preneur d'augmenter la somme d'assurance.

3 Un montant réservé pour le règlement de dommages antérieurs à l'entrée en vigueur de l'assurance complémentaire, mais non employé, ne peut être revendiqué pour des sinistres qui se sont produits après l'entrée en vigueur de l'assurance complémentaire.

1

Art. 21 L'assureur annoncera à l'autorité compétente la suspension ou «.Suspension .. -1«.

. 6 * cessation la cessation de 1 assurance ; celles-ci ne produiront leurs effets que trois de l'asamanon

1608 mois après réception de la notification de l'assureur, à moins que l'assurance n'ait été, au préalable, remplacée par une autre.

Art. 22 d. Aotîon directe i Le lésé peut intenter une action directe contre l'assureur dans exceptions TM' la limite du montant prévu par le contrat d'assurance.

a

Les exceptions découlant du contrat d'assurance ou de la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance ne peuvent être opposées au lésé.

3

Dans la mesure où il aurait été autorisé à refuser ou à réduire ses prestations d'après le contrat d'assurance ou la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance, l'assureur a un droit de recours contre le preneur d'assurance et les personnes assurées en vertu de l'article 19, 1er alinéa, 2e phrase.

Burette

For, appréciation dea preuvea

Art. 23 L'autorité compétente peut dispenser de l'obligation de s'assurer la personne civilement responsable qui fournit, sous une autre forme, des sûretés équivalentes pour les lésés et les personnes solidairement responsables.

Art. 24 Les actions fondées sur la présente loi et dirigées contre l'assureur et les personnes civilement responsables, y compris les responsables solidaires au sens de l'article 11, 3e alinéa, de même que les actions dirigées contre le fonds pour dommages atomiques différés et contre des personnes ayant fourni des sûretés pour les personnes civilement responsables seront exclusivement intentées: a. Devant le juge du lieu où est située l'installation atomique si le dommage a été causé par suite de l'exploitation d'une installation atomique; 6. Devant le juge du domicile suisse, de la personne responsable dans les autres cas.

1

a

Celui qui n'a pas de domicile en Suisse doit, en sollicitant l'autorisation visée par l'article 4, faire élection de domicile en Suisse pour toutes les actions découlant de la présente loi.

3 Dans les procès relatifs à des prétentions découlant de la présente loi, le juge apprécie les faits sans être lié par les règles de la procédure cantonale en matière de preuve.

1609 Art. 25 Si l'on doit s'attendre que les moyens disponibles ne seront pas suffisants pour satisfaire toutes les demandes de réparation, l'Assemblée fédérale établit un règlement d'indemnisation. La Confédération peut verser des prestations pour le dommage non couvert.

2 En vue d'assurer une répartition équitable de tous les fonds disponibles, ce règlement d'indemnisation fixera, en dérogeant le cas échéant à la présente loi, les principes généraux d'indemnisation des lésés. L'Assemblée fédérale peut instituer un organe spécial indépendant pour assurer l'application de ces principes. Le recours au Tribunal fédéral contre les décisions de cet organe devra être prévu.

3 Le Conseil fédéral peut prendre toutes mesures provisionnelles qui s'imposent.

* Si une faute est imputable à la personne civilement responsable en vertu de l'article 11, la Confédération peut exiger d'elle le remboursement de ses versements. Elle peut également le réclamer aux personnes solidairement responsables en vertu de l'article 11, 3e alinéa, auxquelles incombe une faute grave, dans la mesure où, en vertu d'autres lois, leur responsabilité serait engagée au delà du montant assuré.

Art. 26 1 Si un grand sinistre entraîne un état de nécessité, le Conseil fédéral est autorisé à édicter, dans le domaine de l'assurance privée, des prescriptions sur la modification des prestations de l'assureur, de même que sur la perception de primes de répartition auprès des preneurs d'assurance et sur la déduction de telles primes des prestations d'assurance. Cette autorisation ne s'étend pas aux assurances de la responsabilité civile qui doivent être souscrites en vertu des articles 19 et 20.

8 Le Conseil fédéral est également autorisé à prendre des mesures analogues dans le domaine des assurances sociales et des assurances de droit public.

1

Contributions de U Confédération à la réparation des dommages

Modification dea prestations d'assurance, primes de répartition

CHAPITRE CINQUIÈME Dispositions d'exécution

Art. 27 Le Conseil fédéral édicté les prescriptions d'application requises et nomme les organes administratifs nécessaires.

2 Le Conseil fédéral peut faire appel au concours des cantons et des groupements économiques pour l'application, sous sa surveillance, de la présente loi.

1

Exécution

1610

ComdÌ991Qns

Contrôle, mesures de sécurité

Responsabilité, obligation de garder le secret

Restitution de subventions

3 Des émoluments, dont le taux est fixé par le Conseil fédéral, peuvent être perçuB pour la délivrance des autorisations et l'exécution des contrôles.

Art. 28 Le Conseil fédéral nomme des commissions chargées d'étudier les problèmes relatifs à l'énergie atomique et à la protection contre les radiations.

Art. 29 1 Les personnes chargées d'exercer le contrôle sont en droit de vérifier en tout temps si les dispositions de la loi ainsi que les prescriptions et décisions fondées sur elle sont observées; elles peuvent en particulier exiger des renseignements, des communications et une documentation spéciale, de même qu'elles peuvent prendre connaissance de toutes les pièces existantes ; dans la mesure où l'accomplissement de leurs fonctions l'exige, elles ont libre accès à toutes les installations ainsi qu'à tous les locaux d'affaires et entrepôts.

2 L'office compétent peut, au besoin, saisir des matières ou des installations dangereuses, faire interdire temporairement l'accès de biens-fonds, de bâtiments déterminés et de certains locaux, ou encore prendre ou faire prendre toutes mesures de protection utiles aux frais de l'exploitant qui, après sommation, a négligé d'y recourir lui-même dans le délai imparti.

Art. 30 Toutes les personnes chargées par la Confédération de l'application de la présente loi et de ses dispositions d'exécution sont soumises aux mêmes prescriptions que les fonctionnaires fédéraux en ce qui concerne leur responsabilité en matière pénale et civile et l'obligation de garder le secret; les fonctionnaires cantonaux sont soumis aux dispositions analogues du droit cantonal.

Art. 31 La restitution de subventions et d'autres privilèges analogues octroyés par la Confédération peut être requise s'ils ont été accordés à tort ou si le bénéficiaire, après sommation, ne remplit pas les conditions ou charges qui lui ont été imposées, 2 II n'y a pas lieu à restitution, dans la mesure où celui qui a reçu indûment prouve qu'il n'est plus enrichi lors de la répétition, à moins cependant : a. Qu'il n'ait, pour obtenir la subvention, fourni intentionnellement ou par négligence des indications inexactes, fallacieuses ou incomplètes ; 1

1611 b. Qu'il n'ait négligé, par sa faute, de remplir les conditions ou charges qui lui ont été imposées, ou c. Qu'il ne se soit dessaisi de ce qu'il a reçu en sachant qu'il pouvait être tenu à restituer.

3 Le Conseil fédéral désigne les offices habilités à réclamer la restitution et, au besoin, à engager, conformément à l'article 110 de la loi d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943, une action de droit administratif devant le Tribunal fédéral.

4 Les droits de la Confédération se prescrivent par un an à compter du jour où leg organes fédéraux compétents en ont eu connaissance, mais au plus tard par cinq ans dès le jour où ces droits ont pris naissance. Si la revendication que peut faire valoir la Confédération dérive d'une infraction soumise par le droit pénal à une prescription plus longue, celle-ci est déterminante.

5 Tout acte de recouvrement interrompt la prescription ; celle-ci est suspendue aussi longtemps que la personne tenue à restituer ne peut être poursuivie en Suisse.

CHAPITRE SIXIÈME Dispositions pénales et finales

Art. 32 Celui qui, intentionnellement et dans un dessein délictueux, aura, au moyen de matières radioactives ou d'installations émettant des radiations ionisantes, exposé à un danger la vie ou l'intégrité corporelle des personnes ou la propriété d'autrui sera puni de la réclusion. Si seule la propriété a été exposée à un danger de peu d'importance, le juge pourra prononcer l'emprisonnement.

2 Celui qui, soit intentionnellement mais sans dessein délictueux, soit par négligence, aura, au moyen de matières radioactives ou d'installations émettant dea radiations ionisantes, exposé à un danger la vie ou l'intégrité corporelle des personnes ou la propriété d'autrui sera puni de l'emprisonnement pour cinq ans au plus. Dans les cas de peu de gravité, le juge pourra prononcer l'amende.

1

Art. 33 Celui qui, pour les révéler on les rendre accessibles à des personnes non autorisées ou pour en faire usage lui-même de manière illicite, aura cherché à se procurer des informations sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique ou des matériaux s'y rapportant, alors que les unes et les autres doivent être tenus secrets en raison de conventions de droit international public, 1

Délits impliquant une miào en danger

Violation de secrets

1612 celui qui, intentionnellement, aura révélé ou rendu accessibles à des personnes non autorisées de tels informations et matériaux, sera puni de l'emprisonnement ou de l'amende.

Si le délinquant a agi dans l'intérêt d'un organisme officiel ou privé étranger ou d'une entreprise privée étrangère, ou de leurs agents, le juge pourra prononcer la réclusion dans les cas graves.

2 La peine sera l'emprisonnement pour douze mois au plus ou l'amende si le délinquant a agi par négligence.

Infractions Ì lä loi

'ïfcuinîu11 Entrée en vigueur

Art. 34 Celui qui, intentionnellement ou par négligence, aura enfreint la présente loi, ses dispositions d'exécution ou les décisions particulières auxquelles elles ont servi de base, celui qui, en particulier, aura accompli, sans y être autorisé, des actes pour lesquels une autorisation est requise, n'aura pas observé les conditions et charges liées à l'octroi d'une autorisation ou ne se sera pas conformé à l'obligation de s'assurer ou de fournir des sûretés, sera, à moins que les éléments constitutifs d'une infraction plus grave ne soient réunis, passible d'une amende de 20 000 francs au plus. La tentative et la complicité sont punissables. Dans les cas graves, le juge pourra en outre prononcer l'emprisonnement pour douze mois au plus.

2 Lorsqu'une infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société en nom collectif ou en commandite, ou d'une entreprise individuelle, les dispositions pénales sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en leur nom; la personne morale, la société ou le propriétaire de l'entreprise individuelle répondent toutefois solidairement du paiement de l'amende et des frais, à moins que la direction responsable ne prouve qu'elle n'a rien négligé pour que les personnes en cause observent les prescriptions. Les personnes solidairement responsables ont les mêmes droits que les inculpés.

Art. 35 ^jSS infractions mentionnées dans la présente loi relèvent de la juridiction fédérale.

Art. 36 x Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

2 L'arrêté fédéral du 18 décembre 1946 encourageant les recherches dans le domaines de l'énergie atomique sera abrogé à la même date.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur l'utilisation pacifique de l'énergie atomique et la protection contre les radiations (Du 8 décembre 1958)

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Bundesblatt

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1958

Année Anno Band

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50

Cahier Numero Geschäftsnummer

7587

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

18.12.1958

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1549-1612

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