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FEUILLE FÉDÉRALE 110" année

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Berne, le 3 avril 1958

Volume I

MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant les mesures à prendre pour encourager la formation de jeunes pilotes (Du 25 mars 1958) Monsieur le Président et Messieurs, Dans nos messages concernant l'agrandissement des aéroports de Zurich et de Genève, nous vous avons renseignés sur le développement de la navigation aérienne suisse depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Les chiffres cités à l'appui de nos explications révélaient une expansion considérable. Les études faites au sujet du développement futur du trafic aboutissent à la conclusion que les années à venir verront un nouvel essor de l'activité des transports aériens.

On reconnaît aujourd'hui de toutes parts que notre pays ne pourrait plus se passer des services que lui rend la navigation aérienne. Mais c'est la Swissair, notre entreprise nationale, qui assure la moitié environ de nos transports par air. Elle joue ainsi un rôle indispensable dans les communications de la Suisse. Il a fallu des efforts considérables pour que, dans le jeu d'une concurrence internationale intense, la Swissair acquît cette importance. Quelques chiffres que nous donnons ci-après en témoigneront.

Ils établissent une comparaison entre la situation en 1946, année où la Swissair reprit son exploitation après la longue immobilisation imposée par la guerre, et la situation à la fin de l'année 1956. Voici ces chiffres: Effectif du personnel (le 31 décembre) 1946 1956 Au total 789 3 881 sur ce nombre, personnel volant .

59 590 Dont pilotes 16 224 aspirants pilotes . . . . . .

10 35 Nombre d'avions 18 29 Places de passagers offertes 312 1 277 Tonnes kilométriques offertes . . . .

5049470 110402912 Fr.

Dépenses totales 14 686 000 Feuille federale. 110* année. Vol. I.

Fr.

156 364 000 52

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Longueur totale du réseau des lignes partant de la Suisse (Swissair et entreprises étrangères) Longueur du réseau de la Swissair . .

Heures de vol de la Swissair Transports de personnes effectués par la Swissair (exprimés en passagersétapes)



wse

15 547 km 9 196 km 9306

278 161 km 58 863 km 60361

61 131

773 956

Comme le trafic aérien en général, le trafic de la Swissair a pris un essor extrêmement rapide, et il serait faux de croire que l'évolution sera plus tranquille dans le proche avenir. Les avions à réaction feront bientôt leur apparition dans le trafic civil ce qui oblige de résoudre de nouveaux problèmes d'exploitation et de renforcer les services techniques. Si la Swissair voulait renoncer à l'agrandissement qui s'impose, elle perdrait sa capacité de concurrence sur le réseau mondial et devrait se contenter d'exploiter un réseau secondaire. Le dommage en serait grand pour la position de la Suisse dans le trafic aérien. Si l'on considère les succès antérieurs, ce recul serait vraiment regrettable.

L'emploi des avions à réaction entraînera un important surcroît de dépenses, qui obligera d'intensifier les transports, si l'on veut que le compte d'exploitation reste équilibré. Il faudra donc que le nombre des heures de vol productives soit porté à un maximum. Pour cela, on doit disposer non seulement d'un service efficace d'entretien et de mise en place, mais encore d'un nombre suffisant de pilotes.

C'est sur ce dernier point que la Swissair rencontre depuis quelque temps de grandes difficultés. D'ailleurs, le manque de pilotes n'est pas un mal dont la Suisse soit seule à souffrir; à l'étranger également, beaucoup d'entreprises de transports aériens doivent entreprendre de grands efforts en vue de compléter les effectifs de leurs pilotes. Même des Etats-Unis d'Amérique nous parviennent des rapports exprimant les soucis que cause cette situation. On sait en outre que, chez nous comme ailleurs, il y a un manque de jeunes savants, de jeunes techniciens, de spécialistes des professions techniques en général. Cela aussi peut gêner le développement ultérieur de la Swissair. Mais c'est le recrutement et la formation de ses pilotes qui sont de toute urgence pour cette entreprise ; nous nous bornerons donc à porter ici cet aspect de la question.

I. Le manque de pilotes à la Swissair 1. La situation initiale En février 1946, la Swissair disposait de 8 pilotes et de 8 aspirants pilotes. Cet effectif modeste correspondait au petit nombre d'avions alors à disposition, mais ni l'un ni l'autre n'auraient permis à la Swissair de

731 conserver le rang qu'elle s'était acquis dans le trafic aérien. Les transports aériens se sont développés à un rythme dont la rapidité dépasse les prévisions les plus hardies. Qui voulait rester dans le mouvement devait engager des moyens bien supérieurs à ceux qui avaient été envisagés précédemment. La Swissair ne pouvait, d'autre part, limiter à l'Europe ses plans d'expansion; elle devait décider si elle participerait au trafic mondial ou non. Finalement elle s'y risqua, et cette décision hardie la conduisit au succès.

Avec la participation des pouvoirs publics, la Swissair devint, en 1946, une société nationale de navigation aérienne. L'accomplissement de tâches nouvelles était ainsi mieux assuré. La plus urgente de ces tâches était, outre la constitution d'un parc moderne d'avions, le recrutement et la formation d'équipages en nombre suffisant.

Au début, ce ne fut pas très difficile. Pendant le service actif, l'effectif des pilotes militaires était devenu important. Un grand nombre d'entre eux acceptèrent de devenir pilotes de lignes de la Swissair. Mais comme le besoin était très grand et devait être couvert au plus tôt, cette réserve s'épuisa relativement vite. La Swissair ne reçut plus des troupes d'aviation que les pilotes des classes plus jeunes qui sollicitaient d'entrer à son service et étaient trouvés propres à la profession de pilote de lignes.

Le nombre de ces candidats fut cependant bientôt inférieur aux besoins de la Swissair.

2. Mesures prises jusqu'ici pour remédier au manque de pilotes a. Engagement de, pilotes étrangers Les prescriptions suisses posent le principe que le personnel des entreprises suisses de navigation aérienne doit être de nationalité suisse. L'engagement d'étrangers peut cependant être autorisé dans des cas exceptionnels. La Swissair a dû faire, de façon répétée, usage de cette possibilité pour combler les vides dans ses équipages ; elle le fit pour la première fois déjà en 1949. Depuis lors, le nombre des étrangers dans les équipages do la Swissair n'a cessé d'augmenter. La société ne pourrait renoncer actuellement à en engager de nouveaux si elle ne veut pas utiliser insuffisamment le coûteux instrument d'exploitation dont elle dispose. Mais nous avons relevé plus haut que le manque de pilotes se fait aussi sentir à l'étranger.

Il y a donc lieu de
se demander si l'on peut encore compter fermement sur cette possibilité de recrutement pour les années qui viennent.

b. Elargissement de Ja base de recrutement en Suisse La Swissair a recruté ses pilotes exclusivement dans les troupes d'aviation aussi longtemps que celles-ci ont été en mesure de couvrir les besoins. Mais cette condition, nous l'avons dit, n'est plus remplie depuis quelques années.

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Or il est indubitablement dans l'intérêt du pays que les places de pilotes dans notre entreprise nationale soient, autant que possible, occupées par des Suisses. Il faut donc qu'on puisse devenir pilote de lignes non seulement après avoir reçu une formation de pilote militaire, mais aussi après avoir reçu une formation purement civile.

Au début de 1955, la commission de la navigation aérienne s'occupa pour la première fois des mesures à prendre pour remédier au manque de pilotes. Elle approuva les lignes directrices qui lui étaient soumises pour un programme de longue haleine, prévoyant la sélection des futurs pilotes sur une large base et leur formation élémentaire dans des écoles civiles d'aviation. Nous indiquerons plus loin les détails de ce programme. La commission releva la nécessité de prendre des mesures immédiates pour la couverture des besoins les plus urgents.

La réalisation d'un programme immédiat fut aussitôt entreprise. Sous le titre: La Swissair cherche des 'pilotes, un appel commun de la Swissair, de l'aéro-club de Suisse et de l'office de l'air parut dans la presse suisse, invitant les jeunes gens que la carrière de pilote de lignes intéresserait à s'annoncer à l'aéro-club de Suisse. Il n'y eut pas moins de 3600 réponses jusqu'au 31 mars 1955 ; un questionnaire détaillé fut envoyé aux intéressés, portant sur les conditions à remplir et la formation prévue. L'aéro-club de Suisse reçut 1700 formules remplies. Une première sélection écarta environ 1400 candidats qui ne remplissaient pas les conditions minimums. Les 300 autres furent convoqués successivement à Kloten. Une équipe d'experts scientifiques constituée à cet effet les examina sous l'angle de leur aptitude à la carrière de pilote de lignes. L'examen dura un jour et demi pour chaque candidat. Les chiffres que nous indiquons ici montrent assez quel grand travail dut accomplir la Swissair, secondée par l'aéro-club de Suisse et l'office de l'air, pour procéder à cette sélection. Le résultat fut, à première vue, d'autant plus décevant. Il ne fut possible de retenir, pour un premier cours de formation aéronautique de base, que 18 des candidats examinés, et 7 seulement de ceux-ci satisfirent aux exigences. La poursuite des mesures en 1955 donna 7 nouveaux candidats, mais 5 seulement se montrèrent aptes à la formation. Il ne fut
donc possible de recruter que 12 pilotes dans le secteur civil. Nous reviendrons plus bas sur les causes de ce médiocre succès. L'entraînement des candidats retenus fut entrepris par la Swissair de façon autonome, même pour ce qui est de la formation élémentaire.

La Swissair usa pour cela d'avions appartenant aux troupes d'aviation et à l'aéro-club de Suisse.

En 1956 et en 1957, la Swissair procéda seule aux opérations de sélection. Elle abandonna l'appel public et recourut à une propagande individualisée, dans le cadre de laquelle une importance particulière était attribuée aux cours de vols, réunissant des étudiants et des élèves des technicums et autres écoles supérieures.

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Le pour-cent des candidats éliminés fut, du fait de cette nouvelle procédure, notablement moindre qu'en 1955. Voici les chiffres: Candidats examinés Sur ce nombre, furent éliminés . . . .

Appelés à participer aux cours de vols pour étudiants Sur ce nombre, pris en considération pour la poursuite de leur formation . . . .

1956

1957

98 77

68 55

18

29

10

15

Les efforts entrepris par la Swissair au cours de ces trois dernières années en vue de recruter des pilotes doivent être hautement appréciés.

Bien que le résultat numérique n'ait pas été aussi élevé qu'il eût été désirable, les expériences faites sont précieuses, ne serait-ce que pour le perfectionnement des méthodes de sélection.

3. L'effectif actuel des pilotes et les besoins des prochaines années A la fin de septembre 1957, la Swissair occupait 257 pilotes, dont 194 Suisses et 63 étrangers. La proportion des étrangers est donc présentement voisine de 25 pour cent. Cet effectif total est actuellement déjà à peine suffisant pour assurer les horaires; il sera tout à fait insuffisant pour l'accomplissement de nouvelles tâches. Comme nous l'exposions dans les messages relatifs à l'agrandissement des aéroports de Zurich et de Genève, on peut s'attendre à une nouvelle augmentation importante du volume du trafic aérien pendant les années qui viennent. Les entreprises devront faire face à une demande toujours croissante; la Swissair sera ainsi contrainte de développer ses services. C'est là une constatation déterminante lorsqu'il s'agit d'évaluer les besoins en jeunes pilotes. Il faut songer aussi au remplacement des pilotes qui quittent l'entreprise parce qu'ils ont atteint la limite d'âge, qu'ils sont malades, ou pour quelque autre raison. Relevons à ce propos que les besoins de cette catégorie grandiront brusquement à une époque pas très éloignée. Un nombre relativement important des pilotes de la Swissair appartiennent à la même classe d'âge : celle qui assura les services de la Swissair au premier stade de l'expansion qui suivit la seconde guerre mondiale. On peut prévoir que ces hommes abandonneront à peu près au même moment leur activité de pilotes de lignes.

Compte tenu du pourcentage de ceux qui doivent abandonner avant son achèvement leur formation de pilotes de lignes, la Swissair évalue à 30 nouveaux pilotes par an ses besoins pour les prochaines années. En 1956, les troupes d'aviation ont formé 26 pilotes. Il y en a eu 45 en 1957, et l'on espère pouvoir maintenir une moyenne de 50 à 60 pilotes par an au cours des années qui viennent. II n'y aura cependant guère que 20 de

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ces pilotes militaires qui passeront au service de la Swissair, de sorte que pour la Swissair seule le découvert sera déjà de 10. Mais il convient de considérer aussi les besoins des autres entreprises suisses de transports aériens, alors même qu'elles requièrent un personnel moins nombreux.

Où et comment tous ces pilotes devront-ils être recrutés et formés ? C'est ce dont nous nous occuperons dans notre chapitre III. Voici tout d'abord quelques considérations générales sur la carrière de pilote de lignes.

IL La profession de pilote de lignes 1. Conditions d'ordre général Pour que les risques soient réduits à un minimum, le pilote d'un avion doit posséder certaines qualités dépassant notablement la moyenne requise par d'autres activités humaines. C'est déjà vrai pour les degrés inférieurs de l'art de voler ; l'aviation sportive et le tourisme privé ; ce l'est bien davantage pour les vols de l'aviation militaire et ceux du trafic public.

Les exigences à rempln- pour exercer l'activité de pilote civil sont contenues dans le règlement du 20 octobre 1950, concernant les licences du personnel navigant de l'aéronautique, règlement qui repose sur les standards internationaux mis au point par l'OACI.

La première condition, c'est la santé physique et psychique. Les exigences minimums auxquelles doit satisfaire un candidat sont également réglées sur le plan international. Le candidat à la licence de membre d'équipage doit se soumettre à un premier examen d'aptitude physique auprès d'un médecin-conseil de l'aviation et doit se soumettre à des contrôles sanitaires périodiques aussi longtemps qu'il exerce une activité aéronautique.

Une autre condition, c'est que le caractère du candidat convienne à l'activité aéronautique. Pour s'en rendre compte, l'office de l'air exige du personnel volant des catégories inférieures un extrait du casier judiciaire central suisse. Dans les cas douteux, il prend un supplément d'informations.

Des examens spéciaux ne sont imposés que dans des cas tout à fait exceptionnels.

Il en va autrement des candidats à la fonction de pilote de lignes. Etant donnée la grande responsabilité qu'assumé un pilote de lignes pour la sécurité de vies humaines et la conservation de valeurs matérielles très importantes, il importe de ne retenir dès le début que les sujets les plus qualifiés,
auxquels on pourra confier un jour le commandement d'un avion de transport.

Comme l'aviation militaire le fait depuis longtemps, la Swissair soumet ses candidats pilotes à un examen psychologique et psychotechnique minutieux, propre à renseigner sur les qualités de caractère et sur leur niveau d'intelligence et de culture.

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Le pilote de lignes devrait se distinguer surtout par les qualités suivantes : un grand sens de la responsabilité à l'égard des passagers de l'avion, de l'entreprise qui l'occupe, et de la collectivité humaine ; une discipline stricte, car sans l'obéissance absolue aux règles générales du trafic et aux instructions particulières, la sécurité du trafic est d'emblée compromise.

un sang-froid qui permette au pilote d'agir rationnellement même dans les situations difficiles; de l'esprit de décision, car il en faut lorsqu'un vol, pour une raison ou pour une autre, ne peut être achevé selon le plan et que de nouvelles dispositions doivent être prises; de l'endurance, particulièrement exigée par les vols à longue distance ; des qualités de chef, car le pilote de lignes est commandant de bord, et c'est lui qui organise la coopération des membres de l'équipage; de l'esprit d'équipe et de collaboration, requis non seulement à bord, mais pour collaborer avec le personnel de l'infrastructure; le goût du travail exact et méthodique.

A ces aptitudes caractérielles doivent s'ajouter une intelligence claire et susceptible de s'élargir, et la mobilité d'esprit. C'est ici que les exigences se sont considérablement accrues ces dernières années. Le progrès dans la construction des avions n'a pas rendu le vol plus facile. Certes, les qualités et les performances des avions se sont améliorées et la sécurité de marche s'est accrue au point que les atterrissages de fortune et autres incidents provenant de perturbations techniques sont devenus rares, en comparaison de ce qui se passait autrefois. Mais les possibilités d'emploi de ces avions perfectionnés sont utilisées beaucoup plus à fond. Au début, on se contentait de voler de jour et pendant la bonne saison. En hiver, tout était arrêté.

On pratiquait la navigation avec vue du sol, en s'aidant du compas et de la carte, et si des nuages bas ou du brouillard barraient la route, le vol était interrompu. On revenait au point de départ ou l'on atterrissait en campagne sur un champ d'aviation utilisable, en attendant que le temps s'améliore.

A partir de 1930, tout cela changea. L'innovation la plus fertile en conséquences fut le passage à une navigation recourant à des procédés radioélectriques (avec vol aux instruments) permettant de conduire les avions au but à l'aide
de stations au sol, même lorsqu'il fallait voler audessus des nuages ou dans leur masse. Des méthodes particulières, reposant sur l'emploi d'aides radioélectriques à la navigation, furent développées pour permettre l'envol et l'atterrissage dans des conditions météorologiques difficiles. Le parc d'avions avait été fondamentalement modernisé par la mise en service d'avions à grande vitesse. Ce n'était cependant pas seulement par un déplacement beaucoup plus rapide que se distinguaient désormais les avions de la flotte commerciale. C'était aussi par un équipement

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beaucoup plus perfectionné, facilitant surtout le vol sans visibilité. L'ère des transports aériens extra-rapides avait commencé; en même temps, le service de vol était étendu à la nuit et à l'année entière. Les grandes distances étaient de plus en plus parcourues sans arrêts intermédiaires; le trafic aérien mondial était l'aboutissement naturel de ce développement.

Toutes ces transformations aggravèrent les exigences imposées au pilote, tant en ce qui concerne ses connaissances que ses aptitudes. Précédemment, un bon pilote militaire expérimenté était prêt à prendre les commandes, après quelques vols de transition sur les avions commerciaux d'alors et quelques vols d'accoutumance sur les lignes. Il fallait désormais un réapprentissage méthodique, d'une durée de plusieurs mois. Depuis lors, les exigences se sont encore accrues. Ne peut y satisfaire que celui qui a une intelligence supérieure à la moyenne, toujours en éveil, et une bonne formation générale. Celui qui ne remplit pas ces conditions ne pourra suivre l'enseignement aéronautique, ni comprendre les méthodes modernes de navigation aérienne et d'exploitation, ni se familiariser avec les nouveautés techniques qui se succèdent à de courts intervalles.

L'élément décisif du jugement à porter sur la personne de celui qui veut s'occuper d'aviation, ce seront cependant toujours ses aptitudes aéronautiques, son comportement aux commandes. Les matières rentrant dans la formation d'un pilote sont énumérées dans le règlement concernant les licences du personnel navigant de l'aéronautique, déjà cité, et dans le programme des examens. Mais ni la formation, ni les examens ne se bornent à la conduite pratique d'un avion ; ils embrassent aussi des matières théoriques.

Autrefois, la valeur d'un pilote se mesurait en particulier à son sens de l'air, par quoi il faut entendre une sorte de fusion organique avec l'avion, une appréciation intuitive, mais exacte, de l'état de vol, et la réaction instinctive propre à amener ou à conserver l'état de vol désiré. Pour le vol avec des avions légers, cette façon d'envisager les choses est certes encore valable; mais ces vues doivent être modifiées lorsqu'il s'agit d'avions modernes de transport. A la vérité, le «sens» continue de jouer un rôle; il faut que le pilote se sente dans un rapport vivant avec sa machine.
Mais cela ne suffit pas ; les avions de transport sont devenus si grands et si lourds que leur état de vol ne peut plus être apprécié par des perceptions sensorielles seulement. Il doit être contrôlé de façon précise par des instruments compliqués. Déjà pour en interpréter convenablement les données, il faut une grande intelligence technique et beaucoup de pratique.

Le règlement sur les licences du personnel navigant fixe encore l'âge minimum requis pour l'obtention d'un titre personnel. Pour les pilotes professionnels de première classe et les pilotes de lignes, cet âge est de 21 ans. Du fait des conditions imposées actuellement par la Swissair, un pilote est cependant en général notablement plus âgé lorsque sa formation le rend apte à assurer le service des lignes aériennes.

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2. La première préparation générale et professionnelle

Comme le montrent les explications qui précèdent, un pilote de lignes doit aujourd'hui avoir une connaissance étendue de la technique aéronautique et du service de vol. Il doit en particulier être familiarisé avec les branches suivantes: navigation (y compris la navigation astronomique), météorologie, aérodynamique, connaissance de l'avion et des instruments, prescriptions générales sur la navigation aérienne, règles de circulation, service des communications (posséder le brevet de radiotéléphoniste).

A cela s'ajoute une bonne connaissance de plusieurs langues modernes.

Avant tout, la connaissance de l'anglais doit être poussée, car cette langue domine aujourd'hui dans l'aéronautique.

Vu la richesse de ce programme, qui doit être assimilé pendant la durée de la formation comme pilote de lignes, il y a lieu de se demander quelle doit être la préparation préalable des candidats à cette profession.

On est tenté de demander un niveau aussi élevé que possible. De fait, il y a à l'étranger des écoles de pilotes de transport qui exigent de leurs nouveaux élèves un certificat de maturité. H y a même des gens qui prétendent que le pilote de lignes de l'avenir devrait avoir étudié dans un polytechnicum. C'est aller trop loin; bien que l'exercice de la profession de pilote de lignes exige un solide fonds de connaissances, le pilote de lignes ne doit pas être un homme de science. Il serait, du reste, impossible, à l'heure actuelle, d'imposer le respect d'une règle aussi stricte, car partout on manque d'ingénieurs. Les ingénieurs devraient donc être employés d'abord là où une formation scientifique est indispensable. Elle ne l'est pas pour un pilote de lignes. Les ingénieurs, techniciens et élèves d'écoles supérieures, ont certainement moins de peine que les autres à acquérir le savoir qu'on exige aujourd'hui d'un pilote de lignes. Nous estimons cependant que la profession de pilote de lignes ne devrait pas devenir le privilège d'une classe ayant bénéficié de meilleures possibilités de s'instruire. Elle doit demeurer ouverte à d'autres jeunes gens qui ont terminé un apprentissage et ont acquis par surcroît une bonne formation générale. Naturellement, une intelligence éveillée reste nécessaire, mais ce n'est pas le savon* acquis qui doit peser le plus dans la balance, c'est la capacité de s'instruire.
Des artisans qui n'ont pas bénéficié d'une instruction supérieure peuvent devenir des pilotes de lignes de haute valeur ; il suffit pour s'en convaincre de considérer le curriculum vitae d'un grand nombre de pilotes actuels de la Swissair. Nombre d'entre eux sont issus de professions sans rapports directs avec l'aviation ; ils n'en sont pas moins devenus d'excellents pilotes, parce que leur caractère et leurs aptitudes les y appelaient.

Vu l'importance actuelle de l'aviation, les professions qui s'y rattachent méritent d'être considérées à part. Aussi a-t-il été demandé de soumettre l'apprentissage à une réglementation particulière et de prévoir la création d'instituts spéciaux pour leur enseignement. Certes, l'exercice d'une

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activité se rattachant à la navigation aérienne exige des connaissances spéciales approfondies; l'essentiel demeure pourtant la solidité du savoir et l'aptitude à le mettre en pratique, c'est-à-dire ce que confère un sérieux apprentissage traditionnel. Celui qui veut travailler de façon compétente à un avion ou à son équipement doit avant tout être un artisan capable dans l'une ou l'autre de ces branches: mécanicien, ferblantier, menuisier, électricien, radio-électricien, spécialiste de la petite mécanique, etc. La formation de base doit précéder la spécialisation dans l'aéronautique en général et l'avion en particulier. Bien entendu, cette formation de base .

peut aussi être donnée dans une division spéciale d'une entreprise aéronautique, comme cela se fait déjà ici et là. Il en va de même de la préparation à une activité administrative ou commerciale se rapportant à l'aviation. La meilleure préparation sera celle qui est assurée par un apprentissage de commerce ou un apprentissage analogue, selon les normes traditionnelles. Certes, nous ne contestons pas qu'il serait désirable de créer des écoles spéciales d'aéronautique, dans lesquelles, après achèvement d'un apprentissage ordinaire, on acquerrait les connaissances plus particulièrement exigées par une profession aéronautique. Ce n'est toutefois pas là chose urgente.

Pour la carrière de pilote de lignes, il faut encore considérer que, selon les prescriptions en vigueur, la licence de pilote professionnel de première classe n'est délivrée qu'aux candidats ayant atteint l'âge de 21 ans.

La préparation à son obtention ne peut cependant occuper pleinement les six années dont dispose celui qui, dès la sortie de l'école, se destine à devenir pilote de lignes. Il devra donc rechercher une possibilité additionnelle de formation, même s'il entreprend le plus tôt possible de s'entraîner à la pratique du vol. Nous avons déjà relevé que le pilote professionnel, surtout le pilote de lignes, doit avoir une formation intellectuelle étendue.

Ce que l'on apprend à l'école secondaire ne surfit en tout cas pas. Deux possibilités s'offrent ici: La première de ces possibilités, c'est que le jeune homme ayant les aptitudes nécessaires suive une école supérieure proparant au baccalauréat et se soumette, à côté de cela, à l'entraînement élémentaire au pilotage.
Si dès cet entraînement, ou même après, il se révèle que le jeune homme n'est pas apte à devenu- pilote, la carrière académique lui reste ouverte.

Nous avons déjà relevé que certaines écoles étrangères de pilotes de transport faisaient du certificat de maturité une condition d'admission.

La seconde possibilité est que le jeune homme entre en apprentissage et consacre, dans ce cas également, ses loisirs à l'entraînement élémentaire au pilotage. Il pourra suivre, plus tard, un technicum ou un institut du même genre. Cette formation complémentaire est souhaitable, car elle permet au jeune homme de se créer une situation dans le cas où il ne pourrait poursuivre jusqu'au bout sa préparation à la carrière de pilote ou si, devenu

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pilote de lignes, il devait quitter prématurément cet emploi. Cette formation complémentaire n'est cependant pas indispensable, les professions de l'aéronautique offrant aux gens de divers métiers qui connaissent le pilotage les possibilités de travail les plus diverses : fonctions dans le contrôle du trafic, l'information aéronautique, le service météorologique, l'organisation des vols, etc.

Nous avons déjà insisté sur le fait que la carrière de pilote de lignes ne devrait pas être réservée aux seuls candidats ayant fait des études supérieures; elle doit être ouverte également aux jeunes artisans qui ont terminé leur apprentissage, si leur caractère et leur intelligence le permettent.

L'expérience montre que, dans ce milieu, on peut trouver d'excellents pilotes de lignes. N'oublions pas la haute valeur éducative d'un bon apprentissage de métier, exigeant discipline, volonté de travailler, adaptation à ses fonctions dans l'entreprise, toutes qualités qui contribuent pour une large part à la formation de la personnalité. Ce qui est décisif, quelle que soit la formation du candidat, c'est le comportement aux commandes de l'avion.

3. La préparation des pilotes militaires au service sur les lignes Comme nous l'avons exposé, la Swissair recrutait autrefois ses pilotes exclusivement parmi les pilotes militaires. Ce ne fut que lorsque les effectifs de l'arme aérienne ne suffirent plus à couvrir entièrement les besoins de la Swissair que celle-ci dut se décider à engager des pilotes étrangers. Le manque de pilotes continuant de se faire sentir, la société entreprit ensuite d'amener au service des lignes des bommes ayant reçu toute leur formation dans l'aviation civile. Il ne sera plus possible de renoncer à ce type de formation; il y a donc lieu d'en élargir la base, sans négliger pour autant les intérêts de l'arme aérienne.

Il reste désirable, croyons-nous, que les pilotes de la Swissair soient choisis autant que possible dans les rangs de l'aviation militaire. A vrai dire, on entend soutenir parfois que ce passage par l'aviation militaire n'est pas indiqué, les exigences de la carrière militaire et de la carrière civile étant trop différentes. Le pilote militaire, allègue-t-on, doit savoir surtout prendre des risques pour de brèves durées, tandis que le pilote de lignes doit se préoccuper d'une action
durable et réfléchie. La valeur des pilotes suisses de la Swissair montre pourtant que leur passé de pilotes militaires ne leur a nui en aucune façon ; la discipline et l'esprit de dévouement inculqués dans l'armée sont, au contraire, fort utiles. On commettrait donc une erreur en imitant certains exemples étrangers et en restreignant le recrutement des pilotes de lignes aux pilotes civils. L'exclusion des pilotes militaires priverait le trafic aérien d'une élite précieuse. Il faut d'ailleurs aussi considérer ce qui suit: Le pilote militaire a déjà été examiné minutieusement du triple point de vue de la santé, du caractère et des facultés intellectuelles. Puisqu'il

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a été déclaré apte au service de pilote militaire, il semble sûr qu'il répondra aux exigences imposées à un pilote de lignes. Les opérations de sélection de la Swissair s'en trouvent facilitées. D'autre part, le pilote militaire apporte avec lui une expérience acquise en 200 à 250 heures de vol. C'est un avantage très important. Nous avons toutefois déjà relevé qu'au niveau atteint actuellement par l'aviation de transport, même le pilote militaire le plus qualifié a besoin d'un long complément de préparation avant de pouvoir assumer de façon autonome la tâche d'un pilote de lignes. Cette formation complémentaire commence par l'enseignement théorique, qui dure cinq mois environ. Puis vient l'enseignement du pilotage d'un avion de transport, aujourd'hui le Douglas DC-3. Cet entraînement, d'une dizaine d'heures de vol, se termine par un examen portant sur ce type d'appareil.

L'entraînement au vol sans visibilité commence alors, également sur un Douglas DC-3, et se termine, lui aussi, par un examen. Ce degré de préparation a exigé au moins 20 heures de vol. Si le candidat a réussi ces deux examens, il est employé pendant deux mois sur les lignes comme copilote supplémentaire, puis, s'il a donné satisfaction, comme copilote autonome.

Il devra exercer cette activité pendant trois ans. Ce n'est qu'ensuite, si toutes les autres conditions sont remplies, qu'il pourra être promu commandant.

Quand bien même, de façon générale, les pilotes militaires sont fort bien préparés pour assurer la fonction de pilote de lignes, il est arrivé que certains d'entre eux aient dû renoncer à poursuivre leur formation, surtout au stade du vol sans visibilité. Ici, les exigences de l'aviation commerciale dépassent en effet très notablement ce qui pouvait précédemment être acquis au service militaire. Mais comme l'aviation militaire s'est mise aujourd'hui à la pratique méthodique du vol sans visibilité, les échecs de ce genre seront plus rares à l'avenir.

Nous avons déjà dit que les pilotes de la Swissair devraient continuer d'être recrutés le plus possible parmi les pilotes formés dans l'aviation militaire. Une collaboration étroite entre l'aviation civile et l'aviation militaire est pour notre pays, vu sa petitesse, d'une importance indiscutable.

Mais il n'y a pas moins un intérêt certain à augmenter la proportion des
pilotes de nationalité suisse qui entrent au service de la Swissair après une préparation purement civile.

Les pilotes militaires en activité ne doivent pas seulement se soumettre à un entraînement militaire obligatoire. Ils doivent aussi participer à des exercices en commun. La conséquence en est que l'effectif des pilotes dont dispose la Swissair est à certains moments singulièrement réduit ; il en peut résulter des difficultés notables pour l'établissement des plans de travail des équipages. Grâce à la bienveillance des autorités militaires et au dévouement des pilotes, ces difficultés ont toujours pu être surmontées jusqu'ici ; elles n'en existent pas moins et réduisent la liberté de disposition de la Swissair.

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On doit aussi penser aux périodes de grave tension internationale.

Notre arme aérienne pourrait être mise dans une situation critique s'il arrivait qu'une crise soudaine bloque à l'étranger une partie de ses pilotes de première ligne. Pour parer à ce danger, il faut pouvoir remanier à temps le plan de travail des pilotes qui assurent les communications à longue distance. Pour cela, on doit disposer d'un nombre suffisant de pilotes qui ne seront pas mobilisés dans l'aviation militaire. Pour terminer, rappelons qu'en cas de service militaire actif, la flotte de la Swissair doit être mise à la disposition de l'approvisionnement du pays ou, à tout le moins, soustraite aux coups de l'ennemi. Cela aussi n'est possible que si la Swissair conserve à cette fin un nombre suffisant de pilotes.

III. Fondements nouveaux du recrutement et de la formation des pilotes 1. Information et propagande On pourrait croire qu'avec l'actuel enthousiasme de la jeunesse pour tout ce qui touche la technique en général et l'aviation en particulier, il ne doit pas être difficile de trouver les pilotes dont nous avons besoin. Cet enthousiasme est un fait, et l'on peut bien dire qu'il y a en Suisse assez de jeunes hommes propres à embrasser la carrière de pilote.

Le médiocre succès des mesures prises en 1955, et dont il a déjà été question plus haut, pourrait conduire à des conclusions différentes. Mais n'oublions pas que, faute de temps, les mesures de 1955 ne purent être précédées d'une information approfondie et d'une propagande poussée, menée avec la totalité des moyens dont on aurait pu disposer. L'appel s'adressait au public en général. Nombreux furent, sans doute, ceux qui n'en eurent pas connaissance ou ne comprirent pas quelle sorte de personnes étaient propres à satisfaire aux conditions posées. L'appel ne suscita pas un intérêt vivant du public pour l'aviation de transport et n'aurait non plus pu le faire dans le court délai dont on disposait.

Les appels de 1956 et 1957 furent limités aux milieux dans lesquels on pouvait présumer d'emblée qu'ils comprendraient des jeunes gens ayant les qualités requises. Le résultat fut meilleur qu'en 1955 ; une proportion beaucoup plus élevée de candidats examinés put être prise en considération pour la formation aéronautique. Si un recrutement vraiment suffisant doit être assuré,
les efforts entrepris jusqu'ici pour intéresser le peuple à l'aviation devront être intensifiés. En premier Heu, il faut que les jeunes qui vont choisir une profession apprennent quelles possibilités d'avenir leur offre la navigation aérienne. La profession de pilote de lignes devra être le thème central de la propagande. Il semble qu'il devrait être possible de gagner des jeunes gens à cette carrière. Certes, on devra leur dire que le métier est dur et exige de fortes personnalités, mais on leur

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apprendra en même temps dans quel univers de riches expériences se meut le pilote de lignes. Il est permis de penser que, malgré la prospérité actuelle, la rétribution élevée des pilotes de lignes exercera aussi son attrait.

Les moyens de cette propagande auprès des tout jeunes sont ceux que l'aéronautique emploie déjà: films, conférences, expositions, manifestations d'aviation, publications. La construction de modèles réduits revêt une importance particulière. Le «modélisme» est plus propre que toute autre chose à établir, à cet âge, un solide contact avec l'avion et à donner une première connaissance des éléments de l'aviation. En outre, il est indispensable de fournir aux conseillers d'orientation professionnelle des renseignements approfondis sur la carrière aéronautique. Il n'est donc pas question de créer quelque chose de nouveau. II s'agit de conjuguer davantage les méthodes actuelles. On devra non pas se contenter d'improvisations, mais chercher à coordonner les ressources à disposition. Or ceci exigera des dépenses accrues.

2. La sélection Si la propagande doit déjà commencer au cours des dernières années de la scolarité, il importe de veiller à ce que les résultats acquis à ce niveau ne soient pas perdus par la suite. On initiera donc peu à peu les jeunes gens à la pratique de l'aviation, sur planeur ou sur avion à moteur. Mais l'entraînement au vol est encore relativement coûteux; on ne pourra donc établir une large base de recrutement que si des subsides des pouvoirs publics ouvrent les écoles d'aviation même aux jeunes gens de condition peu aisée. Sans cette aide, une grande partie des jeunes gens qui remplissent les conditions préalables de la carrière de pilote devront commencer par y renoncer. Et il n'est nullement certain qu'ils veuillent ou puissent, postérieurement, reprendre contact avec l'aviation.

Les ressources des pouvoirs publics ne doivent cependant être engagées que dans la mesure où l'on peut raisonnablement espérer atteindre le but, qui est de former des pilotes. Seuls doivent recevoir des subsides ceux qui offrent quelque garantie de pouvoir pousser cette formation jusqu'à son achèvement. Or un jeune homme n'est pas un pilote prédestiné simplement parce qu'il déclare avoir la vocation de l'aviation et se sentir entraîné vers la carrière de pilote. Il y en a qui ne
sont poussés que par le goût de l'aventure ou le besoin de compenser des sentiments d'infériorité.

Cela étant, les jeunes gens qui, sortis de l'école, annoncent qu'ils veulent devenir pilotes et désirent participer à l'enseignement aéronautique préparatoire doivent être soumis à un premier examen d'aptitudes. On peut mettre en doute la valeur de ces examens à un si jeune âge et alléguer que des résultats sûrs ne peuvent en être attendus, parce que la personnalité n'est pas encore développée et que les candidats sont sujets aux variations qui caractérisent l'accès à l'âge de la puberté. Cela est vrai. Mais d'autre

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part il est indiqué de découvrir au moins les signes qui révèlent déjà l'inaptitude à la carrière aéronautique; ce premier examen ne permet donc pas encore de dire avec certitude si un jeune homme est propre à devenir pilote, mais il permet d'écarter à coup sûr un certain nombre de jeunes gens qui ne sont pas propres à le devenir. Cette sélection préparatoire a pour effet de fermer la carrière aéronautique à ceux pour qui elle n'entre pas en considération et de prévenir des dépenses inutiles. C'est tout ce qu'on peut exiger à cet échelon. Il n'en faut d'ailleurs pas plus, car l'observation des sujets est constante au cours de l'enseignement préparatoire qui vient ensuite. Rappelons du reste que d'autres professions ont depuis longtemps coutume de faire procéder à des examens d'aptitude avant l'apprentissage et s'en sont bien trouvées.

Nous examinerons plus loin comment doit se dérouler l'enseignement préparatoire. En tant qu'il est au service de la sélection définitive, ses avantages sont les suivants: a. Le candidat pilote est initié le plus tôt possible à la pratique du vol; b. Le candidat peut être observé plus longuement que ce ne serait possible autrement. Les inaptes peuvent être ainsi éliminés avant d'avoir causé de grandes dépenses en participant en vain aux stades supérieurs de la formation; c. Il est possible d'observer dès le début comment le candidat se comporte aux commandes et de trouver ainsi un critère important, sinon le plus important, pour le jugement définitif à porter sur lui.

3. La formation des pilotes a. Remarques préalables Comme premières mesures propres à assurer le recrutement des pilotes, nous avons indiqué l'information plus complète de la jeunesse qui va choisir un métier et une propagande plus intense dans ses rangs. Les résultats de cet effort doivent ensuite être exploités par un entraînement aéronautique préliminaire commençant le plus tôt possible, de façon à introduire pas à pas les candidats pilotes dans le domaine de la pratique aéronautique.

Nous venons d'énumérer les avantages que cet entraînement préliminaire offre pour la sélection. Ils nous paraissent évidents. Mais il existe d'autres possibilités de former des pilotes de lignes et du personnel aéronautique en général.

Si l'on considère que les professions aéronautiques en général, et celle de pilote
de lignes en particulier, sont de nature spéciale, on peut arriver à la conclusion que la préparation à ces professions doit être donnée dès le début dans une école spécialisée, à créer à cette fin. A l'étranger, des considérations de ce genre l'ont emporté parfois, et il ne manque pas chez

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nous de gens qui réclament une école d'aéronautique ou une académie de navigation aérienne. Les partisans d'un tel institut croient pouvoir admettre qu'il serait fréquenté non seulement par des Suisses, mais aussi par des étrangers, et que ses services seraient ainsi pleinement utilisés.

Nous croyons qu'il ne faut pas être trop optimiste. Les pays dont la navigation aérienne est pleinement développée forment eux-mêmes leur personnel. Quant à ceux où elle en est encore à ses débuts, ils peuvent envoyer leur personnel aux écoles qui existent ailleurs, ce qu'ils ne feront du reste qu'aussi longtemps qu'ils ne seront pas équipés pour se charger eux-mêmes de cet enseignement. Il ne faut donc pas trop compter sur la perspective de voir des élèves étrangers suivre en nombre suffisant une école suisse d'aviation. L'idée de créer un centre de formation où les métiers de l'aéronautique pourraient être appris à fond est séduisante au premier abord.

Mais il y a des réserves à faire.

En ce qui concerne tout d'abord les différents métiers de l'aéronautique, à l'exclusion du pilotage, nous avons déjà dit qu'un apprentissage du type traditionnel devrait précéder la spécialisation dans le domaine aéronautique.

Certes, il serait bon que cette spécialisation eût lieu dans une école centrale ; mais il n'y a pas urgence.

Quant à la formation au pilotage dans une école centrale (à partir des éléments), nous en pouvons dire ceci: si l'on adoptait cette solution, en renonçant au type de formation préalable que nous avons décrit, on perdrait deux avantages. Tout d'abord, la sélection perdrait en exactitude, parce que l'observation continue des candidats aux commandes, avant l'entrée à l'école, ne serait plus possible. Il faudrait donc se résigner à beaucoup d'éliminations à l'école même. Ensuite, le fait que l'initiation à la pratique du vol serait centralisée aurait pour conséquence que beaucoup de jeunes gens aptes à la carrière de pilote, mais retenus par un apprentissage ou la fréquentation d'une école supérieure, seraient tenus trop longtemps éloignés de la pratique du vol. Leur intérêt pour celle-ci pourrait se perdre, et la base du recrutement s'en trouverait fâcheusement rétrécie.

Ces arguments ne plaident pas contre la création d'une école suisse de pilotes de transport. Mais nous voulons simplement dire
qu'il ne peut s'agir de créer quelque chose de tout à fait nouveau et qu'il vaut mieux perfectionner ce qui a fait ses preuves. Il ne doit pas être question d'un institut d'enseignement universel. Ce qui entre en considération, c'est une école qui soit limitée aux degrés supérieurs de l'enseignement et ne s'occupe que d'élèves dont l'aptitude à la profession de pilote est déjà plus ou moins certaine. Or cette école existe déjà; c'est l'école aéronautique de la Swissair. Il y aura lieu d'examiner dans un chapitre suivant comment elle pourra être transformée en une école aéronautique suisse.

L'enseignement préalable, en revanche, peut être assuré -par les écoles de pilotage de l'aviation privée.

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La Suisse souffrant d'un grave manque de personnel scientifique et technique, le nombre des instituts d'enseignement doit être augmenté.

Besterait-il alors assez de maîtres pour constituer le personnel d'une académie des sciences aéronautiques ? On peut en douter. Au lieu de créer un nouvel institut spécial, il convient donc d'introduire, dans les établissements techniques des degrés supérieur et académique des cours spécialement destinés aux élèves qui s'intéressent à la navigation aérienne.

Vu les difficultés actuelles et le coût élevé de la formation aéronautique, on pourrait envisager de faire former les pilotes de lignes de nationalité suisse dans des écoles de l'étranger. Cette idée répondrait à la tendance qui se manifeste en faveur d'une coordination du trafic aérien européen.

Les suggesstons de cette sorte n'ont d'ailleurs pas manqué. Elles venaient surtout dei pays qui disposent d'écoles de pilotes de transport et voudraient en améliorer le compte d'exploitation par un plus grand nombre d'élèves.

Si utile qu'il soit de stimuler la coopération dans le trafic aérien européen, il est un domaine où nous devrions rester autonomes. C'est celui de la formation des pilotes. Le stade de l'entraînement est si décisif pour la formation de la personnalité qu'il doit être soustrait aux influences étrangères. A cela s'ajoute une considération pratique: il est préférable que le jeune pilote soit formé à son métier en un endroit proche de celui où il l'exercera. Il importe que le futur pilote noue des liens étroits avec son entreprise, car le trafic aérien exige de tous ceux qui sont à son service entente et collaboration. Il serait d'ailleurs difiîcilement compréhensible que la Suisse, pays d'écoles, renonçât à l'être précisément en matière aéronautique, c'est-à-dire dans un domaine où elle s'honore d'une grande tradition.

Même si l'on décidait d'entraîner à l'étranger nos pilotes de lignes, une sélection minutieuse des candidats demeurerait nécessaire. Nous courrions sans cela le risque de voir renvoyer pour inaptitude des candidats pour lesquels on aurait déjà dépensé des sommes considérables. Si nous sommes en mesure de faire nous-mêmes la sélection, c'est-à-dire de résoudre le problème le plus diflicile, il n'y a plus de raison pour que nous ne fassions pas le reste, en assurant nous-mêmes
toute la formation. Nous en avons été capables jusqu'ici. La formation de nos pilotes de lignes à l'étranger n'entre donc pas en considération.

Nous n'entendons pas dire qu'il ne devrait y avoir aucun contact entre l'étranger et nous dans le domaine de la formation des pilotes. Nous devons continuer à nous inspirer des expériences faites à l'étranger et à y envoyer parfois notre personnel aéronautique pour suivre des cours spéciaux.

Rappelons, par exemple, qu'au début des années «trente», les pilotes de la Swissair s'assimilèrent à Berlin les méthodes du vol sans visibilité, alors toutes nouvelles.

feuille fédérale. 110« année. Vol. I.

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6. L'entraînement préalable dans l'aviation privée aa. Les points de départ Le rapport présenté à la commission de la navigation aérienne au début de 1955 sur l'encouragement du recrutement des jeunes pilotes proposait déjà de mettre les ressources de l'aviation privée au service du recrutement et de l'entraînement préliminaire. On pensait avant tout à l'aeroclub de Suisse, qui veille sur le développement de l'aviation privée et dont l'organisation s'étend sur tout le pays.

Un exposé public et détaillé des mesures à prendre a été fait le 25 novembre 1955, à la conférence aéronautique nationale.

Le 21 décembre 1955, M. le conseiller national Dietschi (Baie) et plusieurs cosignataires déposèrent le postulat suivant: On sait que la Swissair a de la peine à recruter en Suisse les jeunes pilotes dont elle a besoin. L'aviation militaire, qui, précédemment, fournissait un nombre suffisant de candidats à la profession de pilote de lignes de la Swissair, a, paraît-il, elle-même de la peine à maintenir ses effectifs.

Le Conseil fédéral est prié de faire savoir dans un rapport aux chambres comment ces difficultés pourraient être surmontées; il devrait notamment examiner dans quelle mesure on pourrait ici faire appel àia collaboration de l'aviation privée et en particulier de l'aéro-club de Suisse.

L'aviation privée suisse a acquis une importance notable, et ses performances peuvent être comparées sans réserve à ce qui se fait à l'étranger.

C'est essentiellement par ses propres moyens qu'elle a atteint le haut degré de développement qui est le sien actuellement. Certes, les autorités ont alloué des subventions et prêté leur appui d'autre façon encore. Mais la somme de ces efforts est bien modeste en comparaison de l'appui officiel dont jouit l'aviation privée dans d'autres pays. Voici quelques chiffres concernant le développement de l'aviation privée suisse depuis 1939: 1er janvier 1939

Cartes d'élève environ 200 Licences de pilote : Vol à voue 252 Vol à moteur 461 Instructeurs de vol à voile . . environ 60 Instructeurs de vol à moteur .

57 Ecoles d'aviation: Vol à voile environ 45 Vol à moteur 12 Planeurs 133 Avions à moteur 90

1er janvier 1957

1093 455 1990 77 177 28 30 173 354

Si les progrès du vol à voile ne sont pas aussi manifestes que ceux du vol à moteur, si même les chiffres donnent parfois l'impression d'un recul, cela tient à ce que le vol à voile était pratiqué en 1939 par des petits

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groupes, dont quelques-uns usaient de planeurs peu coûteux, mais encore primitifs. Le niveau des performances s'est cependant fortement élevé depuis lors. Pour l'entraînement, on dispose maintenant d'une cinquantaine de terrains.

Une question se pose: le corps important des pilotes privés ne pourrait-il pas fournir du personnel à la Swissair ? En 1955 déjà, on devait constater qu'il n'y avait pas beaucoup à attendre de ce côté-là, car un grand nombre de ces pilotes n'entrent pas en considération pour un engagement à la Swissair, parce qu'ils ne veulent pas abandonner de bonnes situations, qu'ils sont trop âgés ou que leur formation intellectuelle est insuffisante. Les appels ont confirmé ces vues pessimistes. Mais ce n'est pas une raison pour parler avec dédain de l'aviation privée. On peut, au contraire, affirmer que les fondements déjà posés permettent un travail utile, si la formation aéronautique est encouragée financièrement par l'Etat et si ceux qui la reçoivent sont contrôlés continuellement sous l'angle de leur aptitude à des tâches plus hautes. Certaines dépenses en vue d'améliorer les moyens dont disposent les écoles seront indispensables; nous pensons ici surtout au recrutement des instructeurs et à l'achat d'avions.

L'aviation privée a aussi son problème du recrutement, qui est de savoir comment obtenir un nombre suffisant d'instructeurs de vol vraiment capables. C'est extrêmement important, car le résultat final de l'entraînement aéronautique dépend dans une mesure décisive de la qualité des instructeurs qui y ont présidé. Il fut un temps où pour ainsi dire tous les instructeurs de vol de l'aviation privée provenaient de l'aviation militaire ; le plus souvent, l'activité d'instructeur était pour eux une profession accessoire. Mais il en est tout autrement maintenant que les écoles d'aviation sont devenues des entreprises plus importantes. L'aviation privée a désormais besoin d'instructeurs à plein emploi.

L'enseignement du pilotage n'a pas seulement pour but d'apprendre à l'élève à manier l'avion ; il doit aussi lui donner une personnalité d'aviateur. Pour cela, il faut que l'instructeur soit lui-même une personnalité.

Grâce à leur éducation militaire, les pilotes des troupes d'aviation apportent déjà un acquis appréciable, en sus de l'avantage que représentent leur savoir aéronautique
très poussé et l'expérience du vol.

Mais la Swissair absorbe aujourd'hui tant de forces disponibles qu'il est presque impossible de décider des pilotes militaires à s'engager comme instructeurs de vol pour l'aviation privée. On constate au contraire que maint jeune instructeur excellent a quitté depuis la guerre le service de l'aviation privée pour celui de la Swissair. Il y a donc manque chronique de personnel. L'office de l'air fait son possible pour y remédier en organisant des cours d'instructeurs de vol. Mais on n'arrivera à de meilleurs résultats que lorsque l'aviation privée elle-même aura formé un nombre suffisant d'aspirants bien doués aux exigences auxquelles doit satisfaire désormais

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un instructeur de vol. L'instructeur de vol doit en savoir aujourd'hui plus qu'autrefois. Une première raison en est que le tourisme aérien recourt, lui aussi, à des types d'avions de plus en plus variés, dont le maniement est rendu plus difficile par une vitesse plus élevée et un équipement de bord plus complexe et exige par conséquent un plus long apprentissage. La seconde raison, c'est que l'aviation sportive et touristique fait de plus en plus usage des communications radioélectriques et adopte peu à peu les méthodes de navigation les plus modernes.

Relativement au matériel de vol, nous relevons ce qui suit: Le parc a besoin d'être complété; surtout en ce qui concerne les planeurs. La couverture de ce besoin devrait être assurée, car la pratique du vol à voile constitue un excellent entraînement préparatoire, non seulement pour l'aviateur militaire, mais aussi pour le pilote de lignes. Les acquisitions proposées sont les suivantes: 12 biplaces pour l'entraînement élémentaire, 6 biplaces propres au vol dans les nuages et à l'entraînement au vol sans visibilité, 12 monoplaces de performance, .

10 treuils, Les moyens financiers des groupes de vol à voile ne suffisent pas à de telles acquisitions. La Confédération devrait donc accorder des primes d'achat de l'ordre de 50 pour cent de la somme à débourser.

11 est moins urgent de renouveler et de compléter le matériel du vol à moteur.

Les unités existantes suffiront pour le moment à assurer la formation des débutants. Il n'est pas non plus impossible que le parc civil s'enrichisse, à une époque rapprochée, d'appareils auxquels l'aviation militaire aura renoncé. Aussitôt que l'équipement devra être renouvelé dans une large mesure, le choix du type d'avion à adopter devra cependant être conforme aux intérêts généraux et aux intérêts militaires. On ne pourra acquérir que des avions qui puissent être, le cas échéant, mis au service de la défense nationale pour des buts de liaison ou des transports non massifs de personnes et de biens à destination d'endroits peu accessibles. Rappelons à ce propos les services rendus par l'aviation alpine, surtout sous la forme d'opérations de secours, mais aussi sous la forme d'autres entreprises d'un grand intérêt.

Pour l'entraînement supérieur, on ne dispose encore que de peu d'unités.

On ne sait pas encore
combien il en faudra, mais on étudie déjà quels types conviennent le mieux à nos exigences.

Il ressort de ce qui précède que les finances publiques devront être mises largement à contribution si l'on veut que l'aviation privée contribue efficacement au recrutement et à l'entraînement préparatoire de nos futurs pilotes. On s'effrayera moins de ces dépenses si l'on considère le but des

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efforts -- qui est d'amener un nombre suffisant de pilotes à notre entreprise nationale et, en même temps, d'améliorer les possibilités de recrutement de notre aviation militaire -- et si l'on songe à l'ensemble des investissements qui ont été faits ou devront encore être faits pour que la Suisse puisse participer au trafic aérien mondial avec une entreprise qui lui soit propre.

Il s'agit en définitive de maintenir pleinement apte à son usage le coûteux appareil que l'on a créé, sans devoir recourir pour cela à l'aide de l'étranger.

L'encouragement de la formation aéronautique servira d'autres manières encore les intérêts du pays. Premièrement, il est très important que le degré de préparation des pilotes de l'aviation privée s'améliore; c'est le meilleur moyen de prévenir les accidents. Secondement, un groupe de pilotes privés bien préparés, dotés d'avions bien choisis, constituerait une réserve dont la défense nationale pourrait tirer parti. L'aviation privée suisse pourrait être constituée en une organisation semblable à ce qu'on appelle Civil Air Patrol aux Etats-Unis. Il s'agit là d'un service auxiliaire de l'arme aérienne américaine, dont les pilotes seront mobilisés en cas de guerre pour constituer une réserve de pilotes de transport. En temps de paix, cette organisation s'emploie surtout au service de recherche et de sauvetage. Les Pays-Bas possèdent une organisation analogue.

bb. Les buts de l'enseignement de base

Le but principal de l'enseignement de base est d'asseoir sur un meilleur fondement le choix des futurs pilotes militaires et pilotes de lignes. Comme nous l'avons établi, il a pour condition indispensable une propagande plus intense parmi la jeunesse qui va choisir une profession. En initiant à la pratique du vol les jeunes gens qui se sont inscrits, on est en mesure de les observer continuellement aux commandes de l'avion, ce qui complète fort utilement le contrôle sanitaire et l'examen psychologique et psychotechnique. La mise à contribution de l'aviation privée pour les buts de la sélection a pour autre avantage de décentraliser l'entraînement. H est ainsi beaucoup plus facile aux apprentis et aux élèves des écoles supérieures d'avoir accès à cet entraînement; on peut compter qu'ils seront beaucoup plus portés à y participer que ce ne serait le cas avec un institut central unique. Mais l'enseignement de base ne doit pas être regardé comme un simple moyen de sélection des pilotes militaires et des pilotes de lignes. Il doit servir encore à d'autres buts, comme nous l'avons déjà fait remarquer.

Il y a lieu de façon toute générale d'améliorer la formation élémentaire dans l'aviation privée, ce qui contribuera à la prévention des accidents.

Nous avons aussi relevé qu'il était nécessaire de préparer des instructeurs de l'aviation privée, en les recrutant parmi les pilotes civils, car ceux qu'on peut obtenir de l'aviation militaire ne sont plus en nombre suffisant.

La surveillance de l'aviation civile exige, elle aussi, un cadre important de spécialistes qui soient en même temps de bons pilotes. Citons ici les chefs

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des places d'aviation, les experts qui font passer les examens du personnel et qui contrôlent le matériel, et encore les experts préposés à la surveillance des manifestations publiques d'aviation.

Un autre but qu'il faut avoir en vue, c'est de préparer un choix de pilotes privés bien doués à des tâches spéciales, en les soumettant à une formation supérieure. Ces pilotes seraient mis en ligne surtout pour les actions de recherche et de sauvetage ; ils seraient organisés en service auxiliaire de l'aviation, En cas de mobilisation, on les emploierait à des tâches de liaison et de transport.

Répétons enfin que pour toute une série de métiers aéronautiqués il est au moins désirable de savoir piloter. C'est surtout le cas pour les agents du contrôle du trafic, du service d'information aéronautique, de la météorologie aéronautique et des opérations de vol. De connaître un peu le pilotage facilite très notablement l'exercice de ces fonctions.

H résulte de ce qui a été dit que, pour mesurer numériquement l'étendue du recrutement à prévoir, il ne faut pas prendre en considération les seuls besoins de l'arme aérienne et de la Swissair, mais aussi les intérêts généraux de l'aéronautique. Il faut donc se garder de fixer à un chiffre trop bas le nombre des candidats qui doivent être admis à une première sélection.

ce. La structure de l'enseignement de base

Nous proposons de subdiviser l'enseignement de base en trois degrés d'une année.

Avant d'aborder le premier degré, prévu pour l'âge de 17 ans, les candidats devront se soumettre à un examen préalable médical et psychologique. L'entraînement aéronautique se limitera à des vols en double commande et comprendra ou bien 3 heures de vol à moteur, ou bien 20 vols sans moteur. Les instructeurs rédigeront un certificat de qualification concernant leurs élèves; cet entraînement sera contrôlé par des inspecteurs du service de l'aviation et de la défense contre avions, de l'office de l'air et de l'école suisse d'aviation de transport. Le résultat de ces observations sera mis à profit pour le jugement d'ensemble à porter sur le candidat. On admettra 300 candidats à ce premier degré.

Le deuxième degré, prévu pour l'âge de 18 ans, permettra à 220 aspirants de poursuivre leur entraînement, par 10 heures de vol à moteur ou 30 vols sans moteur.

Le troisième degré, prévu pour l'âge de 19 ans, comptera encore 180 aspirants, qui devront faire 10 heures de vol à moteur, ou 20 vols sans moteur avec obtention de la licence de pilote de vol à voile.

Le contrôle de l'entraînement aux deuxième et troisième degrés sera assuré de la même manière qu'au premier degré.

751 Avant le début de la préparation du troisième degré, on déterminera quels candidats entrent en considération pour être ultérieurement formés par l'aviation militaire. L'examen médical et psychologique de capacité organisé à cette fin par l'institut de médecine aéronautique doit être placé à une date telle que son résultat soit connu avant la formation militaire.

Nous évaluons à 120 le nombre des candidats qui pourront, après avoir reçu l'enseignement de base du troisième degré, être recrutés en vue de devenir des pilotes militaires. Une cinquantaine d'aspirants recevront la formation supérieure de pilote privé, et l'on choisira parmi eux ceux qui sont aptes à entrer à l'école d'aviation de transport. A ce degré inférieur de la formation supérieure, les pilotes pour le vol à moteur obtiennent la licence de pilote privé et sont formés au vol de virtuosité; les pilotes de planeur termineront par l'obtention de l'insigne de performance.

Le cycle de cet enseignement de base est illustré par le schéma que vous trouverez à la fin du message.

Dès le début de l'instruction préparatoire selon le programme qui vient d'être esquisse; on pourra renoncer au type antérieur de cours élémentaires, tel que la division de l'aviation et de la défense contre avions en avait chargé l'aéro-club de Suisse.

Certes, il serait désirable d'organiser l'entraînement préparatoire de telle façon qu'aux degrés inférieurs on commençât avec le vol à voile, pour n'initier que plus tard les élèves au vol à moteur. Du point de vue éducatif, on en retirerait l'avantage d'une meilleure accoutumance au travail d'équipe, car la formation au vol à voile, qui exige la collaboration de plusieurs, a lieu en général par classes; un autre avantage serait la réduction des frais, le vol à voile étant un peu moins coûteux que le vol à moteur. Mais une circonstance empêche de donner cette structure à l'entraînement préparatoire. C'est le fait que le vol à voile n'est pas encore très développé dans certaines parties de notre pays; quand bien même cette situation commence de s'améliorer, le vol à voile ne disposerait pas encore de l'outillage nécessaire pour faire face à la demande considérable qui résulterait d'une modification du système prévu.

Il ne sera cependant pas possible de laisser chaque candidat décider librement s'il veut recevoir
sa formation dans le vol à voile ou dans le vol à moteur ; partout où cela est faisable, on procédera à une répartition rationnelle des candidats entre les deux spécialités. On exigera en même temps que partout où les conditions en sont remplies, la formation au vol à moteur ait également lieu en classes.

c. La poursuite de, la, formation dans l'aviation privée Les buts de la poursuite de la formation dans l'aviation privée ont déjà été nommés : entraînement au vol alpin, aux tâches de liaison, à celles de recherche et de sauvetage; puis la préparation d'experts aptes à colla»

752 borer à la surveillance de la navigation aérienne et surtout la formation d'instructeurs de vol. Cette formation spécialisée comprendra deux degrés, la formation dans chacun d'eux n'est pas limitée à une année.

aa. Les cours préparatoires de cadres Les participants seront des jeunes gens qui ont reçu une formation supérieure. Ce seront des pilotes privés ou d'anciens aspirants-pilotes militaires qui ont dû renoncer à poursuivre leur entraînement militaire mais sont propres à des tâches civiles.

On prendra en considération, par année: Dans l'aviation à moteur: 30 participants, qui auraient à faire 15 heures de vol. Thème principal d'étude: la navigation.

Dans le vol à voile : 20 participants, qui auraient à faire 20 heures de vol. Il s'agirait avant tout de cours de navigation et de radiotéléphonie.

L'acquisition de la licence de radiotéléphoniste sera obligatoire pour les deux catégories.

66. Les cours d'instructeurs de vol Les participants seront choisis parmi ceux qui ont achevé le cours de cadres et parmi les pilotes privés. Mais il serait très désirable que des pilotes militaires entièrement formés s'annoncent en grand nombre pour ces cours.

On formerait par année : Dans l'aviation à moteur: 20 participants. La Confédération prendrait à sa charge les frais de 100 heures de vol par participant, mais seulement dans la mesure où le niveau d'entraînement l'exige. D'après les prescriptions réglementaires en vigueur, la licence d'instructeur de vol n'est accordée qu'aux requérants qui peuvent faire état d'au moins 250 heures de vol accomplies en qualité de pilote responsable. Les pilotes militaires, en règle générale, remplissent déjà cette condition à l'achèvement de leurs écoles militaires; quant aux pilotes privés, on doit demander d'eux qu'ils supportent les frais d'une partie des heures de vol exigées. Ils ne pourront donc, en général, obtenir la licence d'instructeur qu'après un entraînement s'étendant sur plusieurs années, mais qui leur aura conféré une riche expérience et aura créé des liens solides entre eux et l'aviation privée.

Dans le vol à voile: 20 participants. La Confédération prendra à sa charge les frais de 25 heures de vol par participant. D'après le règlement, il est exigé au moins 50 heures de vol pour l'obtention de la licence d'instructeur de vol. Ici aussi, le
candidat doit donc supporter lui-même une partie du coût de ses heures de vol.

Les divers cours de cadres et d'instructeurs de vol seront centralisés.

Mais on veillera à choisir le lieu des cours tour à tour dans toutes les parties du pays.

753 Le niveau supérieur de la formation d'instructeur de vol à moteur sera atteint de la meilleure façon par la fréquentation de l'école suisse de pilotes de transport. La collaboration de cette école avec l'aviation privée promet de grands avantages, surtout en ce qui concerne l'entraînement à la conduite des avions modernes, l'apprentissage du vol aux instruments et l'introduction à la navigation du degré supérieur.

H se pourrait qu'on trouve encore, parmi les participants aux cours de cadres ou d'instructeurs, des pilotes propres à devenir pilotes de lignes de la Swigsair.

d. L'école d'aéronautique aa. L'enseignement et l'entraînement à la Swissair Dans sa division d'école et d'entraînement, la Swissair prépare son personnel au service à bord, contrôle périodiquement son aptitude technique et assure l'entraînement du personnel à la conduite de nouveaux types d'avions et à l'application de nouvelles méthodes de travail. La tâche principale de cette division, c'est la formation et l'entraînement du personnel de bord titulaire de licences, c'est-à-dire du personnel qui a besoin, pour pouvoir exercer son activité à bord, d'une permission de l'autorité, d'une licence. Il en est ainsi des pilotes, des navigateurs, des «navros» (par quoi il faut entendre des radiotélégraphistes qui sont en même temps navigateurs), et des mécaniciens de bord. Comme personnel au sol dont l'activité requiert une licence, il y a les «dispatchers», qui s'occupent de l'établissement des plans de vol et surveillent la conduite des vols. On prévoit que l'école formera à leur spécialité encore d'autres agents occupés au sol.

En outre, la formation du personnel de cabine bénéficie d'une attention particulière. Le programme englobe l'étude de langues étrangères.

Pour accomplir toutes ces tâches, la Swissair a construit à Kloten, en 1955, un bâtiment scolaire, qui a coûté jusqu'à ce jour, avec ses installations, la somme de 5,6 raillions de francs. A lui seul, le flight Simulator a coûté 3,6 millions. C'est un appareil qui permet de s'exercer au pilotage sans quitter le sol et réalise à peu près les conditions qui régnent au poste de pilotage d'un avion en vol. La possibilité est donnée de simuler presque tous les troubles et incidents qui peuvent survenir en vol et d'exercer la correction des situations critiques, sans pour
autant mettre en danger les vies humaines et le matériel de vol. Grâce à cet appareil, l'apprentissage sur l'avion lui-même est notablement raccourci; il en résulte de grandes économies, et il n'est plus nécessaire d'enlever au service des lignes, pour de longues durées, des avions qui, pendant ce temps, ne produisent aucune recette. Un autre avantage, c'est d'éviter d'accroître inutilement la densité du trafic au-dessus de l'aéroport.

754

Comme on le conçoit, la partie la plus coûteuse de la formation, c'est l'entraînement au pilotage. Au chapitre II, nous avons décrit la marche de cet entraînement dans le cas d'un pilote militaire expérimenté qui veut entrer au service de la Swissair. Depuis 1955, celle-ci pourvoit cependant aussi entièrement à la formation de pilotes étrangers à l'aviation militaire.

C'est une autre source de frais supplémentaires.

D'après des relevés concernant Tannée 1957, la Swissair dépense pour un pilote militaire, jusqu'au moment où elle peut l'employer comme copilote, une somme de 46 000 francs en moyenne ; la préparation d'un pilote civil jusqu'à ce qu'il ait atteint le même niveau de préparation coûte en moyenne 81 000 francs.

Le tableau qu'on trouvera à la page suivante donne une vue d'ensemble des dépenses de la Swissair pour la formation du personnel pendant les huit dernières années. La Confédération participe à la couverture de ces frais, conformément à l'article 2 de l'arrêté fédéral du 28 septembre 1950 concernant une aide exceptionnelle à la Swissair, par l'allocation d'une subvention annuelle de 500 000 francs au maximum.

La Swissair doit donc supporter une dépense considérable, qui la met en état d'infériorité pour lutter contre la concurrence internationale, car la plupart des entreprises étrangères sont, dans une large mesure, déchargées du souci de recruter et de former leur personnel.

Nous estimons par conséquent que, chez nous aussi, il faut placer sur une nouvelle base la formation professionnelle dans les transports aériens.

Une comparaison s'impose surtout avec les entreprises industrielles, qui n'ont pas besoin de former elles-mêmes leurs ingénieurs et leurs techniciens.

Des instituts publics d'enseignement s'en chargent, et les frais sont pour la plus grande partie supportés par l'Etat. Qu'en est-il de la formation académique en général? Nous constatons que les étudiants versent bien des taxes de cours, mais qui ne représentent qu'une part minime du coût de l'enseignement ; le reste, c'est-à-dire la plus grande part, est payé par l'Etat.

Si l'on fait maintenant entrer en ligne de compte l'intérêt que présente aujourd'hui la navigation aérienne, et plus particulièrement le trafic aérien public, il est permis de déclarer que la formation du personnel de l'aviation de transport,
porteur de licence, doit, ou bien être assurée par un institut de la Confédération, ou bien être confiée à une entreprise apte à cette tâche.

Pour ce qui est de la couverture des frais, on doit faire une distinction entre l'élève formé pour entrer au service d'une entreprise suisse de transports aériens et celui qui se destine à accepter une place à l'étranger. Dans le premier cas, la Confédération prendra tout d'abord les frais de l'instruction à sa charge, mais l'entreprise devra lui en restituer une part équitable lorsque l'élève, alors formé, sera entré à son service. Dans le second cas, les frais sont supportés par l'élève.

La question d'une taxe de cours à payer par chaque élève, est réservée.

Dépenses de la Swissair pour la formation du personnel Personnel au sol

Personnel volant Personnel volant en possession de licencia Personnel de cabine

Année Suiss Dépenses

Service d'escale

Total

Semée technique

Etrangère Participants

Fr.

1950 74 1951 138 1952 1 944 052 249 1953 3 016 911 624 1954 2 065 870 772 1955 3 293 279 761 1956 5 042 565 994 1957 (a)5 242 900 1048

Dépenses

Participantsts)

Fr.

684 509 232 892 179 970 91 132 291 590 498 000

Dépenses

Fr.

5 4 84 153 124 84 139 177

25248 29 871 37375 29082 63 125 83 100

Participants (']

Partici pants

70 47 59 104

Dépenses

Fr.

Fr.

525 274 651 356 2 653 809 3 279 674 2 283 215 3 413 493 6 397 280 5 824 000

966 892 1192 1329

Total des Irais de Subvention formation fédérale du personnel

50 647 76923 80359 206 707 246 410 317 000

Fr.

472 200 367 186 648 421 818 120 640 140 1 153 000

Fr.

Fr.

525 274 500 000 651 356 600 000 3 176 656 500 000 3 723 783 450 000 3011 995 500 000 4 438 320 500 000 6 283 830 500 000 7 294 000 500 000

(--) Indications non disponibles.

En outre, frai» pour le bâtiment d'école Fr.

Frais de construction du bâtiment et aménagement des alentours 1 565 000 304 000 Frais d'Installation (climatisation, radiotéléphonie, Morse, été 68 000 Mobilier Linktrainer 40000 3 632 000 Simulateur Total 5 609 000 (Les sommes destinées aux amortissements sont comprises dans les indications relatives aux années 1955, 1956 et 1957.)

(*) Nombre total des participants aux cours de pilotes, de commandants de bord pour les différents types d'avions, de navigateurs, de navras, de mécaniciens navigants, de dispatchers du personnel de cabine, aux cours de répétition pour pilotes et mécaniciens navigants, aux cours de transition, aux cours pour étudiants, aux cours d'Instruction sur les procédures de détresse en mer, aux cours de langue, etc, 1 Budget.

756

bb. Exemple de solution réalisée à l'étranger Nous avons relevé que les entreprises de navigation aérienne de l'étranger étaient presque toutes dans une situation plus favorable que la Swissair, étant déchargées dans une large mesure du souci de former leur personnel volant. Il en est ainsi non seulement des sociétés exploitantes des EtatsUnis d'Amérique, mais aussi de la plupart de celles de l'Europe.

Nous désirons montrer à l'aide d'un exemple ce qu'un petit Etat européen peut faire dans ce domaine. L'exemple choisi sera celui de l'école nationale d'aéronautique des Pays-Bas. H ne s'agit pas de copier servilement ce qui se fait là-bas. Constatons tout d'abord que les Pays-Bas ont développé leurs transports aériens au delà de ce qu'exigeaient les besoins du pays même. Ils considèrent ces transports surtout comme une industrie à pratiquer pour gagner de l'argent à l'étranger. Une comparaison avec les conditions suisses nous semble néanmoins indiquée, la Swissair, qu'elle le veuille ou non, se heurtant partout à une concurrence puissante. Certes, la KLM, qui occupe 16 000 personnes et possède une centaine d'avions propres à l'exploitation des lignes, est bien plus grande que la Swissair, qui n'a que 4300 agents et 32 avions employés sur les lignes. Néanmoins, la KLM est aussi l'entreprise d'un petit Etat, et nous la considérerons sous cet angle. Les pilotes de lignes de la KLM sont formés à l'école nationale néerlandaise d'aéronautique. Cette école se trouve actuellement à Eelde, près de Groningue. Les bâtiments qu'elle occupe ont coûté 7,5 millions de florins. Ils comprennent les locaux nécessaires à l'enseignement, à l'exploitation technique et à l'administration, comme aussi au logement et à l'entretien de 120 élèves.

L'école est rattachée à l'office néerlandais de l'aéronautique et occupe aujourd'hui 280 employés. Elle dispose de 62 avions, soit 23 «Tiger Moth», 1 «Fokker S-ll», 8 «Saab Safir», 18 «North American Harvard», 12 «Béechcraft D 18-S», II y a de plus 10 appareils du. type dit Unktrainer, destinés à l'apprentissage au sol du pilotage .aux instruments. A la différence de la division d'école et d'entraînement de la Swissair, l'école nationale néerlandaise d'aéronautique s'occupe uniquement de former des pilotes, et cela à partir des premiers éléments, entraînement élémentaire compris. Les
élèves reçus chaque année sont divisés en deux groupes; pour l'un, l'enseignement commence en mars, pour l'autre, en septembre. Les classes de théorie comptent 15 auditeurs au plus; quant à l'enseignement du vol, il est confié à des instructeurs qui, dans la mesure du possible, ne se voient confier que quatre élèves à la fois. L'enseignement s'étend sur cinq semestres; en voici le programme; Premier semestre: Enseignement théorique à Eelde.

Une heure de linktrainer par semaine.

Examen de radiotéléphonie.

757

Deuxième semestre : Entraînement élémentaire au pilotage sur «Tiger Moth», à Ypenburg et à Zestienhoven.

Trois heures de linktrainer par semaine.

Deux soirs par semaine, théorie, enseignée par un instructeur du centre de Eelde.

Troisième semestre : Retour à Eelde. Entraînement sur «Harvard» et «Safir».

Navigation, vols avec aides radioélectriques, introduction au vol aux instruments. Tâche quotidienne: une demi-journée de service de vol, une demi-journée de théorie.

Quatrième semestre: Entraînement sur bimoteur «Beechcrafb D 18-S».

Perfectionnement au vol aux instruments.

Exercices de navigation sur des parcours internationaux, d'après les règles de l'exploitation des lignes.

Cinquième semestre: Achèvement de la formation.

Préparation à l'obtention de la licence de navigateur.

Ce programme comprend un peu plus de 300 heures de vol et 1400 heures de théorie. L'élève acquiert les connaissances dont un pilote de lignes ou un navigateur doit faire la preuve s'il veut obtenir une licence à ce titre; mais il ne lui est tout d'abord délivré que la licence de pilote professionnel, parce qu'il n'a pas encore subi l'épreuve de la pratique.

Après avoir quitté l'école, il doit suivre un cours d'introduction de six semaines à la KLM. S'il donne satisfaction, il devient alors copilote.

Comme presque partout, la sélection judicieuse des candidats à admettre à l'entraînement présente de grandes difficultés. L'admission a lieu sur décision d'une commission qui prend en considération les éléments suivants : le résultat de la visite médicale; le résultat de l'examen psychotechnique; l'observation du candidat au linktrainer et en vol (l'examen du comportement en vol n'est toutefois effectué que pour les candidats qui n'ont pas subi un entraînement préalable au vol à voile ou qui, l'ayant subi, n'ont pas obtenu des résultats satisfaisants); la qualification du candidat par le collège scientifique qu'il a fréquenté ; la qualification obtenue dans l'entraînement préalable au vol à voile.

Ainsi donc, en Hollande aussi, on attribue une importance décisive à l'entraînement aéronautique préparatoire dans l'aviation privée. Cet

758 intérêt n'est montré, il est vrai, que pour l'expérience du vol à voile, mais cela tient sans doute à ce que la pratique de l'aviation à moteur à titre privé est beaucoup moins répandue aux Pays-Bas que chez nous. L'aeroclub des Pays-Bas ne compte parmi ses membres que 325 pilotes pour vol à moteur, contre 2000 en Suisse.

Comme l'aviation privée hollandaise est reconnue d'intérêt public, l'Etat la soutient par des subventions annuelles importantes, soit: 450 000 florins pour les cours préparatoires d'entraînement aéronautique (vol à voile), 14 500 florins pour instruire dans les branches aéronautiques le personnel enseignant des écoles publiques, 20 300 florins pour la brigade aérienne, des jeunes, à qui sont confiées les mêmes tâches qu'à l'organisation appelée Civil Air Patrol aux EtatsUnis, et dont nous avons déjà parlé.

Mentionnons encore que l'Etat néerlandais a consenti en 1950 à l'aeroclub un prêt sans intérêt pour l'achat de planeurs. Ce prêt était de 1,5 million de florins, remboursable en 10 ans. Ce remboursement est facilité par le payement de subsides d'exploitation.

La KLM a actuellement 800 pilotes. La tendance est de ne confier désormais qu'à des pilotes les fonctions qui se rattachent à la conduite de l'avion, y compris les fonctions auxiliaires. Le nombre de pilotes à engager annuellement s'en trouvera considérablement accru; il est de 60 pour 1957, mais on admet qu'il sera de 80 dans les dix prochaines années.

Les frais qu'entraîné la formation d'un pilote par l'école d'aéronautique sont de 120 000 florins, y compris une part du coût du personnel de l'école et de l'amortissement des bâtiments et du matériel. Pour 60 pilotes par an, cela fait 7,2 millions de florins. La KLM rembourse à l'Etat 12 000 florins par pilote, ou 720 000 florins pour 60 pilotes. Chaque élève doit payer, pour son logement et sa nourriture pendant toute la durée de sa scolarité, la somme de 3600 florins, ce qui fait 216 000 florins pour 60 élèves. Il reste ainsi à la charge de l'État une dépense annuelle d'environ 6,2 millions de florins.

ce. L'école suisse d'aviation de transport Nous avons décrit plus haut l'activité de la division d'école et d'entraînement de la Swissair. Déjà auparavant, nous avions exprimé l'avis que cette division pourrait servir de fondement à une école suisse d'aviation de
transport. On obtiendrait ainsi une solution centralisée sans dépenser exagérément, puisqu'on tirerait parti d'une organisation déjà existante et profiterait des expériences faites.

759

La division d'école et d'entraînement de la Swissair veille à deux choses, eoit: former le personnel qui a besoin d'une licence pour exercer son activité et les autres catégories de personnel; entraîner le personnel formé, en le convoquant à des cours de répétition, de transition, etc.

Pour ces activités, l'entraînement et la formation du personnel qui n'a pas besoin d'être au bénéfice d'une licence continueraient d'être assurés par la Swissair sous sa propre responsabilité. En revanche, la formation professionnelle de base du personnel de l'aviation de transport proprement dit, au bénéfice d'une licence, c'est-à-dire sa préparation jusqu'à l'obtention de celle-ci, doit désormais être considérée comme une tâche de la Confédération.

La décision de faire de la formation professionnelle aéronautique une tâche de la Confédération repose sur l'article 37 ter de la constitution, lequel déclare: «La législation sur la navigation aérienne est du domaine de la Confédération.» Il ressort de cet article que la Confédération a toute liberté pour régler le statut juridique de la navigation aérienne. Elle peut la nationaliser, ou se borner à la régler, en tant qu'activité privée, par des mesures de police; elle peut donc aussi se réserver la tâche de former le personnel de la navigation aérienne. (Cf. Burckhardt, Kommentar der Bundesverfassung). Mais elle ne peut faire usage de cette faculté que par la voie législative. Le régime que nous proposons doit par conséquent être instauré par un arrêté fédéral de portée générale, soumis au referendum.

L'article 37 ter de la constitution donnant une base inattaquable à la réglementation projetée, il est superflu de rechercher si l'on pourrait faire appel encore à d'autres dispositions constitutionnelles.

Il y a lieu de relever ce qui suit : La division d'école et d'entraînement de la Swissair travaille avec succès depuis plusieurs années. Elle dispose du personnel enseignant et du matériel nécessaires ; elle possède aussi les locaux exigés par une activité scolaire. Elle travaille en liaison étroite avec les autres services de la Swissair, ce qui facilite l'adaptation des programmes aux besoins de la pratique et permet de tirer sans cesse parti des expériences de l'exploitation. Cette école de la Swissair est installée à Kloten, de sorte que les élèves peuvent se
rendre compte du travail des services de l'infrastructure. Le voisinage de l'école polytechnique fédérale et de l'institut suisse de météorologie est également avantageux, puisqu'il crée des conditions favorables à l'enrichissement de l'enseignement par la science.

La tâche la plus importante et la plus urgente est aujourd'hui de former des pilotes professionnels. C'est surtout dans ce domaine que la Swissair a recueilli des expériences précieuses ; en ce moment, elle est seule en Suisse

760

à disposer d'un nombre suffisant d'instructeurs qui puissent se charger de ce degré de la préparation. On ne pourra donc, en créant une nouvelle organisation, se passer de l'aide de la Swissair, sous peine d'interrompre dangereusement la continuité de la formation.

Nous prévoyons par conséquent de faire intervenir la Confédération de la façon suivante: La Confédération donne à la Swissair le mandat de former à l'exercice de sa profession le personnel de l'aviation de transport qui a besoin d'une licence pour se livrer à son activité; en d'autres termes: la Swissair est chargée par la Confédération d'entretenir une école d'aviation de transport. Cette école ne devra pas servir aux seuls besoins de la Swissair. En principe, elle devra être ouverte à quiconque sera apte à recevoir la formation qu'elle donne. Sur la question des frais, nous nous sommes déjà exprimés plus haut. La solution prévue n'apportera aucun changement fondamental au statut actuel de l'école. La nouveauté sera que la Confédération prendra à sa charge le coût de la formation des élèves qui, leur préparation terminée, entreront au service d'une entreprise suisse. Cette dernière devra néanmoins, lorsqu'elle engagera un pilote formé, verser à la Confédération une contribution équitable. Le fait que la Confédération supporte une grande part de frais accroît son droit de se faire entendre dans l'administration de l'école, qui sera placée sous la surveillance du département des postes et des chemins de fer.

Les détails devront être réglés par une convention entre la Confédération et la Swissair, comme aussi dans les contrats d'apprentissage conclus avec les élèves. Ces contrats stipuleront entre autres choses la rétrocession des frais de formation dans le cas où un candidat annoncé par une entreprise suisse se ferait engager par une entreprise étrangère.

Au stade postérieur, l'école d'aviation de transport ajoutera à la formation des pilotes, navros, mécaniciens de bord et agents d'opérations de vol celle des autres membres du personnel porteur d'une licence. Font aujourd'hui partie de cette catégorie les fonctionnaires du service de la sécurité aérienne, en particulier les contrôleurs du trafic et les contrôleurs d'aéronefs, Suivant la réglementation en vigueur, les météorologistes d'aérodrome n'ont, en revanche, pas besoin de
licence. Vu leur tâche, ils se rattachent cependant à la même catégorie d'agents ; de plus, ce sont des fonctionnaires de la Confédération. L'école devra former aussi une partie des cadres de l'aviation privée, par quoi il faut entendre surtout les pilotes volant aux instruments ou recourant à la navigation avec aide radioélectrique.

La formation du personnel dea catégories mentionnées en dernier lieu s'étend cependant à des domaines étrangers à l'activité de la Swissair; il serait donc avantageux de la confier à un institut neutre. Nous :croyons

761

ainsi que pour faire rentrer ces autres professions aéronautiques dans le programme de formation, il faudra créer une. école fédérale d'aviation de transport. Ce serait d'ailleurs le meilleur moyen de prévenir des conflits d'intérêts entre la Swissair et les services de l'infrastructure.

Mais même si l'on crée une école d'aviation de transport qui relève directement de la Confédération, on s'efforcera de tirer parti des services de la Swissair dans la plus large mesure possible. H en est notamment ainsi de la formation du personnel volant et des agents d'opérations de vol (dispatchers), qui devra continuer d'être assurée par les instructeurs de la Swissair. Pour la formation aux professions de la sécurité aérienne et du service météorologique, il incombera à Radio-Suisse S. A. et à l'institut suisse de météorologie de mettre à disposition le personnel enseignant nécessaire.

Cela ne veut pas dire que tous ces instructeurs devront entrer au service de la Confédération. En revanche, il sera nécessaire de passer un contrat avec la Swissair pour l'utilisation du bâtiment scolaire de Kloten et de ses installations et pour la mise à disposition du personnel enseignant.

Entre la Confédération et Eadio-Suisse, il existe déjà un arrangement, qui pourra être élargi. L'institut suisse de météorologie est déjà un orfice fédéral, de sorte qu'un arrangement avec lui n'offrira pas de difficultés.

A vrai dire, la Confédération ne pourra éviter d'engager quelques nouveaux fonctionnaires, puisque c'est elle qui gérera l'école et qu'elle devra disposer de personnel pour cela. Mais cela pourra se faire sans grandes dépenses.

IV. L'organisation La réalisation du programme esquissé au chapitre IH exige diverses mesures d'organisation. Les résultats atteints doivent profiter aussi bien à l'aviation militaire qu'à l'aviation civile, dont les exigences doivent par conséquent être harmonisées. C'est en particulier dans le domaine de la propagande et de l'entraînement élémentaire qu'il y a lieu de poser les fondements d'une collaboration bien agencée ; à cette fin, un organe central doit être désigné, pour assurer au nom du Conseil fédéral la coordination indispensable. Sont intéressés à cette coordination: le service de l'aviation et de la défense contre avions, l'office de l'air, les entreprises commerciales de navigation
aérienne, l'aéro-clubde Suisse (représentant l'aviation privée), et la fondation Pro Aero, sur laquelle nous allons avoir à revenir.

Les divers points à prendre en considération appellent les remarques suivantes : 1. La propagande Nous avons déjà parlé de la nécessité d'intensifier l'information et la propagande. Cette activité sera la plus efficace si elle est dirigée d'un service Feuille fédérale. 110e année. Vol. I.

54

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central. Ce service central devrait être le secrétariat central de l'aéro-club, mais il faudrait en accroître suffisamment le personnel, très réduit à l'heure actuelle.

2. La sélection Comme nous l'avons relevé à plusieurs reprises, le chois des candidats pilotes pose des problèmes très difficiles et impose un travail considérable.

La première sélection, avant le début de l'enseignement de base, doit être assurée par l'institut de médecine aéronautique, secondé d'experts de l'école suisse d'aviation de transport ou pris parmi les médecins-conseils de l'office de l'air. La sélection ultérieure, définitive, des candidats à la carrière de pilote militaire est l'affaire de l'arme aérienne, celle des futurs pilotes de lignes incombe à l'école suisse d'aviation de transport.

3. Travaux administratifs La sélection et la formation de base entraînent des travaux administratifs très étendus: envoi des formules d'inscription, premier triage des bulletins rentrés, envoi des convocations aux examens, communication des résultats aux intéressés, ordres de marche pour l'entraînement aéronautique, etc., sans compter la correspondance volumineuse exigée par les cas individuels. C'est aussi le secrétariat central de l'aéro-club qui doit être chargé de ces travaux. II en accomplit déjà de pareils pour répondre aux exigences de l'actuelle formation aéronautique de base, dont il a été chargé par la division de l'aviation et de la défense contre avions. Mais le nouveau système exigera un travail beaucoup plus considérable; le personnel devra donc absolument être accru. Il est clair que l'aéro-club devra être entièrement indemnisé pour les services ainsi rendus.

4. la surveillance de la formation aéronautique a. La formation de base, qui sera, nous l'avons vu, décentralisée et assurée par les écoles de pilotage de l'aviation privée, sera contrôlée en permanence par des inspecteurs du service de l'aviation et de la défense contre avions et de l'école suisse d'aviation de transport. La surveillance générale des écoles d'aviation restera l'affaire de l'office de l'air.

b. La formation supérieure, les cours préparatoires de cadres et les cours d'instructeurs de vol seront dirigés par l'office de l'air.

c. L'école suisse d'aviation de transport sera soumise à une réglementation spéciale.

(Nous renvoyons de nouveau à ce propos au schéma du programme de formation.)

763

V. Le financement 1. Introduction Le besoin de personnel aéronautique, surtout de pilotes, s'est accru très rapidement ces dernières années. Il manquait une réglementation centrale de la formation professionnelle dans la navigation aérienne. D'autre part, l'aide financière de l'Etat dans ce domaine est demeurée dans des limites très étroites. Il reste ainsi encore beaucoup à faire.

Nous avons déjà exprimé l'avis que les entreprises du trafic aérien, en particulier la Swissair, devraient être déchargées, dans une large mesure, du souci de former leur nouveau personnel. La formation du personnel porteur d'une licence doit être regardée comme une tâche do la Confédération et réorganisée en conséquence. Il restera assez de dépenses très considérables à la charge des entreprises, par exemple pour initier les équipages au service des lignes, pour organiser des cours de transition et de répétition, et pour assurer de façon générale la formation du personnel non porteur de licence.

Mais la solution ne peut pas consister à mettre les frais de formation à la charge des aspirants individuellement. En particulier dans la catégorie des pilotes, les frais sont si élevés que très peu nombreux seraient les candidats capables de les supporter eux-mêmes. Si donc le manque de pilotes doit être combattu efficacement, il faut que la Confédération intervienne d'abord, tout en prévoyant la rétrocession d'une partie équitable des sommes dépensées. Comme il a été dit, les services de l'aviation privée seront mis à contribution pour l'oeuvre de formation. Il convient donc d'indiquer de quel soutien le développement de l'aviation privée a bénéficié jusqu'ici.

2. Mesures antérieures en îaveur de l'aviation privée a. L'action Pro Aero Dans les années qui ont suivi 1930, on dut reconnaître qu'il fallait propager l'intérêt pour l'aviation et encourager l'activité aéronautique en mettant à sa disposition des moyens financiers plus considérables. Sur l'initiative de Paéro-club de Suisse et avec le soutien de l'office de l'air, la fondation Pro Aero fut constituée à cet effet en 1938. Elle a travaillé dès lors activement à la propagande et a organisé diverses campagnes en vue de recueillir de l'argent. Ces recettes furent mises à la disposition de Taéro-club de Suisse pour réaliser des programmes établis chaque année, en. particub'er pour encourager la formation aéronautique, faciliter l'achat de matériel volant et attirer la jeunesse à l'aviation par l'information

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et la propagande. La popularisation de la construction et du vol des modèles réduits joua un rôle de premier plan.

Pendant un certain temps, il a paru douteux que la fondation Pro Aero pût continuer d'exister. Mais maintenant, ses fondements semblent de nouveau assez fermes pour qu'elle puisse verser chaque année 50000 à 60 000 francs à l'aéro-club de Suisse. Cela ne suffit certes pas à financer de grands projets, mais constitue une contribution précieuse aux frais généraux. Son utilité la plus grande est sans doute de faciliter le financement des campagnes de propagande, du mouvement «modéliste» et de l'organisation de concours d'aviation sportive. Pro Aero est la preuve que l'aviation privée ne se borne pas à compter sur l'appui des pouvoirs publics, mais qu'elle est prête à se procurer elle-même une partie des moyens nécessaires pour surmonter les difficultés qu'elle rencontre.

b. Subsides de la Confédération aa. Primes d'entraînement La formation du personnel volant a été soutenue, dès le début des années «trente», par des subventions de la Confédération. Au début, ces subventions allaient aux sections de l'aéro-club de Suisse et étaient destinées à l'organisation de cours théoriques et à l'obtention de brevets par les élèves de l'école d'aviation de la section. En fait ces primes modestes ne représentaient rien de plus qu'un encouragement.

L'étape suivante fut celle de l'introduction de ce qu'on appela la formation supérieure, tendant à élever le niveau d'instruction atteint par un certain nombre de bons pilotes sportifs. Cette formation, dont la Confédération payait la moitié, avait lieu en trois ans. Ses résultats étaient contrôlés dans des joutes sportives. Au même titre, l'office de l'air organisait des voyages aériens en escadrille subventionnés, à destination de l'étranger, et des exercices de surveillance.

Depuis la seconde guerre mondiale, la formation est encouragée par des primes individuelles, accordées pour des performances de vol déterminées. Un montant de 20 000 francs est inscrit au budget de 1958 à cette fin bb. Primes de matériel II est avantageux d'employer un matériel unifié pour les vols d'école et pour les compétitions sportives. La standardisation du matériel améliore les conditions de sa fabrication en Suisse, parce que des séries plus grandes peuvent être produites,
ce qui abaisse le prix de revient. Aussi les autorités fédérales ont-elles fait dès 1934 des efforts dans ce sens; le résultat en fut tout d'abord la production dans notre pays d'une première série d'avions d'école type «Bücker», qui furent acquis par les sections de l'aéro-club. La Confédération accordait un subside de 9500 francs par appareil, le pris

765 de fabrication étant d'environ 21 000 francs. On en vendit dix; la Confédération déboursa de ce fait 95 000 francs. Des séries plus importantes de cette machine furent produites plus tard pour l'aviation militaire.

La Confédération accorda aussi des subsides, mais bien plus modestes, pour l'acquisition de planeurs.

ce. Cours de perfectionnement Mentionnons ensuite les cours dans lesquels les cadres de l'organisation aéronautique reçoivent leur formation spéciale, sous la direction de l'office de l'air. Ils représentent un appui indirect de l'aviation privée, par le fait qu'ils améliorent les fondements sur lesquels repose la formation de son personnel. Il s'agit en effet de cours d'instructeurs et d'experts, de cours de perfectionnement, de navigation, de vol aux instruments, de vo alpin. Un montant de 50 000 francs est inscrit au budget de 1958 à cette fin dd. L'instruction élémentaire des candidats à l'aviation militaire, assurée far l'aéro-dub de Suisse.

Depuis longtemps, l'arme aérienne tient l'enseignement préparatoire reçu dans l'aviation privée pour un des moyens propres à faciliter la sélection des futurs pilotes militaires, L'aéro-club fut chargé pour la première fois en 1937 d'un enseignement aéronautique préparatoire; depuis lors, cette mission lui fut confirmée chaque année, à l'exception d'une courte interruption au début de la guerre. Le programme a subi avec le temps maint remaniement; l'important est que l'enseignement de base, comme on dit aujourd'hui, puisse être reçu aussi bien dans l'aviation à moteur que dans l'aviation sans moteur. Un montant de 170 000 francs est inscrit au budget de 1958 pour couvrir les frais de cet enseignement.

Les contributions financières que l'aéro-club reçoit pour l'organisation et la direction de l'enseignement préparatoire ne doivent toutefois pas être considérées comme des subventions ; ce sont des indemnités pour services rendus. Il en résulte cependant un profit indirect; en effet, les heures de vol étant plus nombreuses, le pris de l'heure de vol peut être abaissé, ou bien des réserves peuvent être constituées pour améliorer les conditions matérielles de l'activité de vol.

ee. La délégation de tâches de contrôle à l'aéro-club de Suisse Par accords conclus avec l'office de l'air, l'aéro-club a été chargé longtemps de certaines fonctions
de contrôle dans l'aviation privée. Il faisait passer les examens de vol et établissait les brevets. Il avait aussi sous son contrôle la totalité du vol à voile et les manifestations publiques d'aviation. La Confédération indemnisait l'aéro-club pour cette activité, et il était de plus autorisé à prélever certaines taxes. Par exemple, l'arrangement du 26 juin 1935 prévoyait une indemnité annuelle de 22 000 francs,

766

le produit annuel des taxes étant lui-même porté au budget pour une somme de 4000 francs. Ici non plus, on ne pouvait parler de subvention; il s'agissait en fait d'un dédommagement pour l'accomplissement des tâches officielles déléguées à l'aéro-club. L'avantage indirect pour celui-ci résidait dans le renforcement de sa position morale. A l'heure actuelle, ces tâches de contrôle incombent de no\iveau à l'office de l'air, mais l'article 4 de la loi sur la navigation aérienne permettra, s'il en est besoin, de revenir au système de la délégation.

//. L'échange de jeunes pilotes Depuis 1949, la Suisse, comme de nombreux pays d'Europe, pratique un échange de jeunes pilotes avec les Etats-Unis. De cette façon, 5 jeunes pilotes suisses de vol à voile, accompagnés de 2 guides plus expérimentés, peuvent passer trois semaines aux Etats-Unis pour y être initiés au vol à moteur. En même temps, un nombre égal de membres de l'organisation Civil Air Patrol viennent en Suisse et sont initiés au vol à voile.

Les frais, en tant qu'ils sont à la charge de la Suisse, sont assumés par la Confédération jusqu'à la somme de 15 000 francs annuellement.

3. Frais résultant pour la Confédération de la réglementation proposé« a. Dépenses non périodiques Subvention pour l'acquisition de matériel de vol à voile: Fr.

12 6 12 10 30

biplaces d'école 9 000 biplaces de performance . . 20000 monoplaces de performance .

12 000 treuils de remorquage . . .

10 000 parachutes 1 500 Soit en tout dont 50 % font

Fr.

108 000 120000 144 000 100 000 45 000 517000 Fr.

environ 260 000

Est réservé l'article 101, 3e alinéa, de la loi sur la navigation aérienne.

Production d'un film d'information et de propagande: La profession de pilote Edition d'une brochure d'information et de propagande sur le même sujet Edition d'un numéro spécial de Y Aéro-Revue Total

80 000 7 500 6 500 354 000

767

Plus tard, l'école suisse d'aviation de transport devra être dotée de nouveau matériel de vol. Présentement, l'entraînement pratique des pilotes de lignes continue de se faire sur des avions du type «Douglas DC-3», dont l'usage est certes parfaitement sûr, mais dont les caractéristiques ne sont plus au niveau des exigences modernes. Pour l'entraînement élémentaire des pilotes civils, qui continuera d'incomber à la Swissair jusqu'à ce que le programme général de formation de base soit en pleine application, on fera usage d'appareils de l'aviation privée. Afin de pouvoir prendre plus aisément des dispositions, il sera nécessaire d'acquérir pour l'école quelques avions monomoteurs d'entraînement, équipés de façon moderne.

b. Dépenses annuelles Indemnité à l'Aéro-Club de Suisse Pour la coordination de l'information et de la propagande et pour les travaux administratifs causés par l'instruction préparatoire: Fr.

Personnel: 2 secrétaires 1 commis de bureau Locaux supplémentaires Frais de bureau

Fr.

.

Fr.

34000 9 000 2 500 6 500 52000

Supplément de 15 pour cent pour renchérissement éventuel et frais i m p r é v u s . . .

7 500 59 500 Coût annuel de la propagande en faveur de l'instruction préparatoire aéronautique : Annonces dans les journaux 10 000 Production de 3000 affiches 4500 Collage de ces affiches par la SGA . .

6 000 Indemnité annuelle maximum

80 000

II faut déduire de cette indemnité les finances d'inscription que les participants à l'enseignement préparatoire devront payer à l'aéro-club. On prévoit la somme de 50 francs à chaque degré de l'instruction. Pour un maximum de 700 participants, cela ferait 35 000 francs, mais ce n'est qu'à partir de la troisième année de l'application du nouveau système que ce maximum pourrait être atteint.

D'autre part, on peut escompter une certaine réduction globale, avec le temps, des frais annuels de propagande.

A reporter

80ÖÖÖ

768 Fr.

Report

80 000

Frais de vol de l'instruction élémentaire: (cf. schéma).

Le calcul qui suit repose sur l'hypothèse que la moitié des participants seront formés au vol à moteur et les autres au vol à voile.

Il en résulte aux différents degrés le coût suivant: Degré I Vol à moteur: 150 participants 3 heures à 60 francs par participant Vol à voile: 150 participants 20 vols par participant

Fr.

Fr.

27 000

29 000 En tout

Degré II Vol à moteur: 110 participants 10 heures à 60 francs par participant Vol à voile: 110 participants 30 vols par participant

56 000

66 000

48 000 En tout

Degré III Vol à moteur: 90 participants 10 heures à 60 francs par participant Vol à voile: 90 participants 20 vols par participant

114000

54 000

23 000 En tout

77 000

Total des frais de vol de l'instruction élémentaire

247 000

Comme l'enseignement, surtout au vol à voile, revêt en partie la forme de cours, il faut encore porter en compte des frais supplémentaires de transport, de subsistance et de logement. Nous les évaluons à A reporter

30000 357 000

769 Fr.

Report Frais de, vol pour le perfectionnement des pilotes de l'aviation privée Formation supérieure Vol à moteur: 25 pilotes 15 heures à 80 francs par participant

30 000

Vol à voile: 25 pilotes, à raison de chacun 15 heures

12 000

Fr.

En tout Cours de cadres Vol à moteur: 30 participants 15 heures à 100 francs par participant 45 000 Vol à voile: 20 participants, à raison de chacun 20 heures 15000 En tout Cours d'instructeurs de vol Vol à moteur: 20 participants, en moyenne 70 heures à 150 francs par participant 210 000 Vol à voile: 15 participants, en moyenne 25 heures par participant 22000 En tout

357 000

Fr.

42000

60000

232 000

Total des frais pour le perfectionnement

334 000

Coût annuel de l'école suisse d'aviation de transport au maximum 2500000 Ce montant a été calculé d'après les frais supportés ces dernières années par la Swissair pour la formation de son personnel porteur d'une licence. Les frais de perfectionnement dans l'exploitation elle-même et les frais de préparation des autres catégories de personnel ne sont pas pris en considération, car ils continueront d'être entièrement à la charge de la Swissair.

A reporter 3191000

770 FT.

A reporter 3 191 000 La répartition entre les différentes catégories donne les résultats suivants: Formation des pilotes Fr Frais variables Traitements des instructeurs de vol . . . .

210 000 Frais de vol et d'instruments (heures de vol et heures d'exercice au linktrainer) . . . . 1 026 000 Frais fixes Frais de l'administration et de l'instruction technique 126 000 Frais de locaux (bâtiment d'école) 55 000 Propagande et sélection 232 000 Cours de vol pour étudiants 90 000 Frais causés par les élèves-pilotes éliminés au cours de la formation 90 000 Formation des agents d'opérations de vol (dispatchers) 94500 Formation des «navras» 102000 Formation des mécaniciens de bord 300 000 Total 2 325 500 Ces frais correspondent à la formation annuelle de 30 pilotes 10 navros 15 dispatchers 20 mécaniciens de bord.

N'est pas comprise dans ce qui précède la formation des contrôleurs du trafic, des météorologistes d'aérodrome et des contrôleurs d'aéronefs, qui devra cependant être confiée ultérieurement à l'école. L'accroissement des frais totaux qui en résultera sera compensé par les économies réalisées sur les rubriques «propagande et sélection» et «cours de vol pour étudiants». Car aussitôt que l'enseignement préparatoire sera pleinement lancé, c'est parmi ses élèves qu'aura lieu la sélection; les cours pour étudiants seront également incorporés à cet enseignement préparatoire, tandis que la propagande sera assurée par une centrale dépendant de l'aeroclub de Suisse. Les montants nécessaires pour cela sont énumérés dans le message.

Les dépenses de la Confédération seront diminuées des montants à verser par les entreprises qui auront engagé des pilotes formés par l'école, ainsi que des éventuels écolages. On peut admettre que ces déductions s'élèveront à 200 000 francs A reporter 3 191 000

771 Fr,

A reporter 3191000 Total des dépenses annuelles pour la propagande, la formation de base, la formation de perfectionnement et l'école suisse de transport aérien, au maximum environ 3200000 En revanche, les dépenses suivantes ne seraient plus nécessaires : Contribution aux frais de la Swîssair pour la formation de son personnel Indemnité à l'aéro-club pour la formation aéronautique de base

500 000 170 000

En tout

670000

Un autre allégement est représenté par les recettes provenant des taxes d'inscription des participants à l'instruction préparatoire, maximum annuel, 35 000 francs.

Le but de la nouvelle réglementation est qu'on puisse trouver, en opérant sur une large base, les candidats les plus aptes au service de pilote militaire ou de pilote de lignes de la S-wissair. En même temps, l'aviation privée doit recevoir de meilleures assises, de sorte qu'elle puisse être mise au service des opérations de recherche et de sauvetage, comme aussi de la défense nationale, entendue au sens large.

Ces réalisations exigent de grandes dépenses, mais qui paraissent justifiées vu l'importance des valeurs humaines et matérielles qui sont en jeu.

Nous vous proposons de classer le postulat du Conseil national, n° 7057, indiqué sous chiffre III, puisqu'il y a été donné suite par le présent message.

Nous fondant sur les explications qui précèdent, nous avons donc l'honneur de recommander d'adopter le projet d'arrêté fédéral ci-joint.

Berne, le 25 mars 1958.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le 'président de la Confédération, Holenstcin H948

Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

772

(Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL concernant

les mesures à prendre pour encourager la formation de jeunes pilotes

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 37fer de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 25 mars 1958, arrête: Article premier 1

La Confédération participe à l'amélioration des conditions de recrutement du personnel aéronautique.

3

Elle soutient l'entraînement aéronautique préparatoire des candidats entrant en considération pour la carrière de pilote militaire ou celle de pilote de lignes.

Art. 2 1

L'entraînement aéronautique préparatoire est donné dans les écoles de pilotage de l'aviation privée.

2

La direction administrative de l'entraînement aéronautique préparatoire est confiée à l'aéro-club de Suisse.

3

L'aéro-club de Suisse veille en outre à informer le public des possibilités qu'offre la carrière aéronautique et dirige le travail général de propagande.

773

Art, 3 1

L'aero-club de Suisse est intégralement dédommagé par la Confédération du coût de ses prestations.

2

Les détails sont réglés par un contrat entre la Confédération et l'aéro-club de Suisse.

Art. 4 1

L'entraînement aéronautique préparatoire est contrôlé par des inspecteurs du service de l'aviation et de la défense contre avions, de l'office de l'air et de l'école suisse d'aviation de transport à créer conformément à l'article 5.

2

La surveillance générale est confiée par le Conseil fédéral à un organe chargé de concilier les intérêts des diverses administrations.

3

II définit les attributions de cet organe dans un règlement.

Art. 5 1

La Confédération crée une école suisse d'aviation de transport ou donne à une entreprise apte à cette tâche le mandat d'entretenir aux frais de la Confédération une école suisse d'aviation de transport.

2

L'école suisse d'aviation de transport a pour tâche principale de former le personnel de l'aviation de transport qui doit être en possession d'une licence de l'office de l'air pour exercer son activité.

3

L'école est ouverte, dans la mesure des places disponibles, à tous les candidats aptes à recevoir la formation qu'elle est appelée à donner.

Art. 6 1

Le Conseil fédéral précise les détails des tâches de l'école suisse d'aviation de transport, ainsi que les conditions d'admission, la marche de l'école et la répartition des frais.

2

L'école est placée sous la surveillance du département des postes et des chemins de fer.

Art. 7 Les sommes nécessaires au recrutement et à la formation des nouveaux pilotes seront inscrites chaque année au budget de la Confédération.

774

Art. 8 L'article 2 de l'arrêté du 28 septembre 1950 concernant une aide exceptionnelle de la Confédération à la Swissair, société anonyme suisse pour la navigation aérienne, est abrogé.

Art. 9 Le Conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi du 17 juin 1874 concernant les votations populaires sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier le présent arrêté et de fixer la date de son entrée en vigueur.

11948

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant les mesures à prendre pour encourager la formation de jeunes pilotes (Du 25 mars 1958)

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Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

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Foglio federale

Jahr

1958

Année Anno Band

1

Volume Volume Heft

13

Cahier Numero Geschäftsnummer

7541

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

03.04.1958

Date Data Seite

729-774

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