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FEUILLE FEDERALE 110e année

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Berne, le 20 mars 1958

Volume I

MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la modification de la constitution (interdiction des maisons de jeu) (Du 10 mars 1958) Monsieur le Président et Messieurs, La motion suivante a été adoptée le 4 octobre 1956 par le Conseil des Etats, le 13 mars 1957 par le Conseil national: Le Conseil fédéral est invité à présenter une proposition à l'Assemblée fédérale en vue de réadapter à la valeur actuelle de la monnaie la mise maximum fixée à deux francs en 1928 pour les jeux d'agréments pratiqués dans les kursaals suisses (art. 35, 3e al., Cst.), afin d'obtenir davantage de moyens pour le développement du tourisme et pour les oeuvres de secours en faveur des victimes des dévastations naturelles.

En exécution du mandat contenu dans cette motion, nous avons Thonneur de vous soumettre, avec le message ci-après, le projet d'un arrêté fédéral revisant l'article 35, 3e alinéa, de la constitution.

La question des maisons de jeu a constamment préoccupé, depuis de nombreuses décennies, l'opinion publique et les autorités fédérales. A diverses reprises, le peuple et les cantons furent appelés à se prononcer à ce sujet. Au cours des délibérations des chambres comme dans la discussion publique, les thèses s'affrontaient violemment. Partisans et adversaires des maisons de jeu étaient de force sensiblement égale. Aussi les décisions furent-elles généralement prises de justesse.

C'est en 1874 seulement que la Confédération reçut la compétence d'intervenir dans le domaine des jeux de hasard. L'article 35 de la constitution revisée interdisait l'ouverture de maisons de jeu. Celles qui existaient devaient être fermées à la fin de l'année 1877. L'article constitutionnel ne définissait pas la notion de maison de jeu et ne fut suivi d'aucune loi d'apFeuille fédérale. 110e année. Vol. I,

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plication; il appartint dès lors au Conseil fédéral de déterminer cette notion.

L'autorité executive disposait à cet égard d'une grande liberté d'appréciation. En conséquence, l'interdiction ne fut pas appliquée en tout temps d'une manière uniforme.

Cette réglementation engendra une certaine insécurité, mais elle avait aussi des avantages. Lé Conseil fédéral eût en effet été lié par une définition rigide et immuable insérée dans la constitution; il n'aurait pu agir contre des entreprises de jeu qui, bien qu'elles n'eussent pas répondu à cette définition, n'en étaient peut-être pas moins indésirables.

Pour interpréter l'article relatif aux maisons de jeu, le Conseil fédéral se fonda sur la raison profonde de l'interdiction; il considéra dès lors comme maisons de jeu prohibées les jeux qui présentent des dangers d'ordre économique et moral pour la population, car c'était précisément à cause de ces dangers que les maisons de jeu avaient été interdites par la constitution. Il ne tint pas pour pernicieuses des mises allant jusqu'à deux francs, dans les salles de jeu auxquelles le public avait accès sans restriction, et jusqu'à cinq francs, dans celles où les porteurs d'une carte de légitimation pouvaient seuls pénétrer; il admit qu'ainsi délimités, les jeux en usage dans les kursaals ne tombaient pas sous le coup de l'article 35 de la constitution.

A la suite des nombreux abus constatés dans différents établissements de jeu, le Conseil fédéral invita finalement, en 1912, les gouvernements cantonaux à une conférence qui établit les principes régissant l'admissibilité des jeux pratiqués dans les kursaals. Le 12 septembre 1913, il publia un règlement mis au point en collaboration avec l'association des sociétés suisses de kursaals. Ce règlement fixait les conditions auxquelles les jeux étaient considérés comme ne tombant pas sous le coup de l'interdiction statuée par l'article 35. Il correspondait, pour l'essentiel, à l'ordonnance actuellement en vigueur concernant l'exploitation des jeux dans les kursaals; il tolérait cependant des mises d'un maximum de cinq francs, pour les salles de jeu dont l'accès n'était permis qu'aux porteurs d'une carte spéciale.

Mais cette réglementation ne donna pas satisfaction aux adversaires des maisons de jeu. En juillet 1914, ils déposèrent une initiative populaire,
signée par plus de 100 000 citoyens, qui visait à modifier et à compléter l'article 35 de la constitution. D'après le texte de l'initiative, il était interdit d'ouvrir des maisons de jeu. Etait considérée comme maison de jeu toute entreprise qui exploite des jeux de hasard. Les maisons de jeu existant à l'époque devaient être supprimées dans le délai de cinq ans dès l'adoption de cette disposition.

Ayant jugé excessive une interdiction absolue de tous les jeux de hasard exploités professionnellement, le Conseil fédéral proposa aux chambres de recommander au peuple, sans présenter de contre-projet, le

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rejet de l'initiative et de maintenir la réglementation en vigueur, qui permettait de pratiquer des jeux dans une mesure limitée. Après une longue discussion, les chambres décidèrent tout de même d'élaborer un contreprojet. Celui-ci prévoyait d'autoriser les entreprises de jeux de hasard visant un but récréatif ou d'utilité publique, à condition que leur exploitation comporte les restrictions exigées par le bien public.

Initiative et contre-projet furent soumis le 21 mars 1920 au vote du peuple et des cantons. Le contre-projet des chambres fut rejeté à une forte majorité; l'initiative, en revanche, fut adoptée de justesse. Alors que, d'après les premières constatations, la majorité acceptante paraissait dépasser quelque peu 50 000 voix, une vérification subséquente, faite par l'Assemblée fédérale, ne révéla plus, d'une façon certaine, qu'une majorité acceptante d'au moins 6633 voix et un demi-canton.

Une vive discussion s'engagea au sujet de la date à laquelle les salles de jeu existantes devaient être fermées. Le délai de cinq a ns pendant lequel ces établissements pouvaient continuer d'exploiter les jeux courait-il du jour de la votation ou de la date à laquelle les chambres avaient homologué le résultat du scrutin, soit environ un an plus tard ? Le Conseil fédéral estimait que la date de la votation populaire était déterminante. D'extrême justesse, les chambres se prononcèrent chacune dans un sens différent.

Le Conseil des Etats entendait prendre pour base le jour de l'homologation, tandis que le Conseil national se rallia finalement, dans un vote à l'appel nominal, par 91 oui contre 91 non et la voix de son président, à l'opinion du Conseil fédéral. Vu cette divergence, l'exécutif maintint son ordre de fermer les salles de jeu dans les kursaals le 21 mars 1925.

Déjà peu après cette fermeture, les partisans des maisons de jeu reprirent l'action. Ils recueillirent des signatures pour une nouvelle initiative qui avait pour but de donner aux gouvernements cantonaux la faculté d'autoriser, à certaines conditions dictées par l'intérêt public, les jeux d'agrément en usage dans les kursaals jusqu'au printemps 1925, la mise ne devant toutefois pas dépasser deux francs. Le 10 novembre 1926, le comité d'initiative déposa des listes comprenant 131 593 signatures.

Dans son rapport aux chambres, le
Conseil fédéral proposa de recommander au peuple l'adoption de l'initiative. H déclarait notamment ne pouvoir contester la justesse des plaintes d'ordre économique des sociétés de kursaals, appuyées d'ailleurs par les gouvernements cantonaux. Même si l'on admettait que le rendement des jeux de kursaal ne constituait pas le seul facteur de la prospérité des stations d'étrangers, il n'en demeurait pas moins que, par exemple, une bonne musique, des parcs et des promenades bien entretenus dépendaient en bien des endroits de ces recettes.

C'étaient là des tâches qui méritaient la protection de la Confédération, mais qui ne pouvaient être mises à la charge de la collectivité. Au surplus, la nouvelle rédaction faciliterait l'application de l'interdiction. On ne pou-

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vait plus voir de dangers pour la population dans un jeu ainsi délimité et réglementé de façon sévère.

Cette quatrième revision de l'article constitutionnel fut de nouveau longuement débattue par les chambres. Celles-ci étaient saisies non seulement du rapport du Conseil fédéral, mais aussi d'un certain nombre de requêtes de gouvernements cantonaux, d'associations et de particuliers, qui se prononçaient, avec plus ou moins de force, pour ou contre le projet.

Les chambres approuvèrent finalement à une forte majorité la proposition du Conseil fédéral.

Le 2 décembre 1928, le peuple suisse accepta l'initiative par 296395 oui contre 274528 non et 14% cantons contre 7% cantons. Le résultat de la votation fut homologué le 14 mars 1929, ce qui mit en vigueur le nouveau texte de l'article 35 de la constitution, valable encore actuellement (le 6e alinéa, qui concerne les loteries, avait été adopté lors de la votation populaire du 21 mars 1920). Voici ce texte: II est interdit d'ouvrir et d'exploiter des maisons de jeu.

Les gouvernements cantonaux peuvent, à certaines conditions dictées par l'intérêt public, autoriser les jeux d'agrément en usage dans les kursaals jusqu'au printemps 1925, en tant que l'autorité compétente estime ces jeux nécessaires au maintien ou au développement du tourisme et que leur organisation est assurée par une entreprise exploitant à cette fin un kursaal. Les cantons peuvent également interdire de tels jeux.

Une ordonnance du Conseil fédéral déterminera les conditions dictées par l'intérêt public. La mise ne devra pas dépasser deux francs.

Les autorisations cantonales sont soumises à l'approbation du Conseil fédéral.

Le quart dea recettes bnites des jeux sera versé à la Confédération qui l'affectera, sans égard à ses propres prestations, aux victimes des dévastations naturelles, ainsi qu'à des oeuvres d'utilité publique.

La Confédération peut aussi prendre les mesures nécessaires concernant les loteries.

L'exécution de l'article constitutionnel n'avait jusqu'alors été réglée ni par une loi ni par une ordonnance. En raison des expériences fâcheuses du passé, le Conseil fédéral proposa d'édicter une loi sur les maisons de jeu ; celle-ci fut adoptée par les chambres le 5 octobre 1929 ; le referendum n'ayant pas été demandé, elle entra en vigueur le 1er février 1930. Le Conseil fédéral édicta en outre, le 1er mars 1929, une ordonnance concernant l'exploitation des jeux dans les kursaals, qui fut par la suite (en 1947 et 1949) légèrement modifiée sur des points secondaires.

II

Les promoteurs de l'initiative eux-mêmes ne furent cependant pas satisfaits du nouvel article 35 de la constitution. Dès qu'il fut possible d'en apprécier quelque peu les effets, des requêtes réclamèrent derechef une

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modification de cette disposition constitutionnelle si souvent revisée. Certaines d'entre elles tendaient à ce que la mise, limitée à deux francs, fût augmentée, par la voie d'une revision de la constitution, au moins à cinq ou dix francs. Une autre proposition visait à laisser au Conseil fédéral le soin de fixer dans son ordonnance le montant de la mise.

Ce fut tout d'abord la fédération suisse du tourisme qui pria le Conseil fédéral d'examiner cette question. Puis, le 21 avril 1936, l'association des sociétés suisses de kursaals lui demanda, par une requête circonstanciée, d'entreprendre la revision de l'article constitutionnel et de soumettre sans délai des propositions à l'Assemblée fédérale. Cette association sollicitait en même temps l'octroi d'une subvention fédérale aux kursaals suisses.

La requête était motivée notamment par les difficultés financières dans lesquelles les kursaals se débattaient constamment et qui ne leur permettaient plus d'offrir aux touristes des divertissements dans la même mesure que jusqu'alors. Sans une augmentation des recettes provenant des jeux, la plupart de ces établissements, était-il dit, se verraient, tôt ou tard, contraints de fermer leurs portes, ce qui aurait des conséquences catastrophiques pour le tourisme des stations intéressées. L'association proposait de prévoir, dans un nouvel article constitutionnel, que le Conseil fédéral avait la faculté de fixer le maximum de la mise, en tenant compte des circonstances. Elle se fondait sur un avis de droit du professeur Blumenstein, qui déclarait que la limitation de la mise à deux francs, simple prescription de police, n'avait pas sa place dans la constitution. La limitation de l'enjeu était précisément une des conditions dictées par l'intérêt public et devait dès lors être fixée par une ordonnance du Conseil fédéral.

Le Conseil fédéral refusa d'entrer dans les vues de l'association des sociétés suisses de kursaals. Le nouvel article 35 n'étant en vigueur que depuis sept ans et demi et n'ayant été, à l'époque, accepté par le peuple qu'à une faible majorité, il estimait qu'il ne lui appartenait pas de prendre parti pour l'un ou l'autre des camps en présence et d'entreprendre lui-même la revision.

En été 1936, M. le conseiller national L.-F. Meyer présenta un postulat, appuyé par 22 cosignataires, invitant
le Conseil fédéral à préparer la revision de l'article 35 de la constitution dans le sens proposé par l'association des kursaals. Avant même que le Conseil national en délibérât, la fédération suisse du tourisme pria le Conseil fédéral de donner suite aux demandes formulées dans le postulat, par la voie d'un arrêté fédéral urgent, afin de permettre au tourisme de profiter des conditions favorables résultant de la dévaluation du franc. Mais le Conseil fédéral s'y refusa par décision du 7 novembre 1936. Quant au postulat Meyer, il fut adopté par 63 voix contre 56; ce résultat fut déterminé surtout par le souci de tenir compte des besoins économiques du tourisme.

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Le 19/22 février 1938, le Conseil d'Etat du canton de Zoug déposa, conformément à l'article 93, 2e alinéa, de la constitution, une initiative qui tendait à une revision partielle de l'article 35 et dont la teneur correspondait à celle du postulat Meyer. D'autres cantons ayant manifesté l'intention d'en faire de même, le traitement de l'initiative zougoise fut ajourné.

Ensuite survint la guerre, modifiant les conditions d'une revision de la constitution dans ce domaine, et les choses en restèrent là.

Après la fin des hostilités, on souleva de nouveau la question d'un assouplissement des restrictions, conformément à la requête des sociétés de kursaals, M. Vieli, député au Conseil des Etats, aborda ce point lors de l'examen du rapport du Conseil fédéral sur sa gestion en 1951. La grande commission d'experts chargée d'étudier la situation de l'hôtellerie reprit dans son rapport de mai 1952 la requête tendant à une adaptation du montant de la mise. A fin juin 1952, l'office central suisse du tourisme, la fédération suisse du tourisme, la société suisse des hôteliers et l'association des sociétés suisses de kursaals adressèrent au Conseil fédéral un mémoire longuement motivé sollicitant l'augmentation de la mise à cinq francs.

L'automne de la même année, le postulat Wey porta la question devant le Conseil national. Par lettre du 20 mai 1955, le président de la commission des finances de ce Conseil fit savoir au Conseil fédéral que celle-ci appuyait le postulat et demandait qu'il soit traité rapidement.

Le Conseil fédéral rejeta, le 12 décembre 1955, la requête des quatre associations, car il ne pouvait se résoudre à prendre l'initiative d'une revision de l'article 35 de la constitution. Il considérait qu'une tentative de moduler le montant de la mise n'aurait guère de chances de succès. Pour la même raison, il proposa aux chambres, dans le rapport sur sa gestion en 1955, de radier le postulat Wey. Cette proposition fut adoptée tacitement.

Le 15 mars 1946, M. le conseiller national Tschumi demanda au Conseil fédéral, par une question écrite, s'il était disposé, dans l'intérêt du tourisme, à revenir sur la question de l'augmentation de la mise pour les jeux des kursaals et s'il ne pourrait pas se rallier à l'opinion selon laquelle le maximum de la mise devrait être fixé par le Conseil fédéral.

Le 4
octobre 1956, le Conseil des Etats adopta la motion Fauquex; le Conseil national en fit de même, le 13 mars 1957, de la motion Kämpfen, conçue dans des termes identiques et reproduite en tête du présent message.

Dans sa réponse à la question Tschumi et lors du traitement des motions par les deux conseils législatifs, le Conseil fédéral accepta de présenter un projet de revision de l'article 35 de la constitution qui renoncerait à fixer dans cette dernière le montant maximum de la mise.

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En développant les deux motions, leurs auteurs exposèrent, en substance, ce qui suit: L'augmentation de la mise répond à une urgente nécessité pour le tourisme suisse. Ce secteur si important de notre économie nationale ne doit pas être négligé. Selon des estimations de l'office central suisse du tourisme, il rapporte à notre pays 460 millions de francs par an. Le chiffre d'affaires total résultant du tourisme n'atteint pas moins de 1,6 milliard de francs. Les 16 localités dans lesquelles se trouve un kursaal disposent d'environ 22 pour cent du total des lits d'hôtel en Suisse; ce sont elles qui ont enregistré ces dernières années la plus forte augmentation de la fréquentation. Dans ces mêmes localités, 60 pour cent des nuitées proviennent des hôtes étrangers. Cela montre le rôle important que ces stations jouent dans le tourisme suisse, qui intéresse l'hôtellerie, le commerce, l'artisanat et les moyens de transport. Le touriste étranger, notamment, ne recherche pas nos lieux de villégiature seulement en raison des beautés naturelles variées de notre pays. Ce sont elles, certes, qui exercent sur lui le plus grand attrait, mais il ne veut pas pour tout autant renoncer à des distractions.

Il incombe aux kursaals de les lui offrir. Les exigences des hôtes s'étant fortement accrues, la Suisse ne doit pas se laisser dépasser par les autres pays, si elle veut conserver sa clientèle touristique étrangère. La plupart des kursaals sont trop démodés pour que l'on puisse améliorer avec profit les divertissements qui y sont offerts. Ils doivent être modernisés d'urgence, ce qui, avec les travaux de transformation indispensables, exige une somme de 7 à 10 millions de francs. Les salaires payés par les kursaals aux orchestres, aux troupes théâtrales, pour les attractions, etc., et aux autres catégories de personnel ont aussi sensiblement augmenté. De même, l'aménagement et l'entretien des parcs, des promenades, etc., occasionnent des frais plus considérables. Le rendement des restaurants exploités dans les kursaals ne permet cependant pas de couvrir toutes ces dépenses; les recettes des jeux doivent y suppléer. Les kursaals ont en effet pour tâche non pas de restaurer les hôtes, mais de les divertir. Leurs restaurants doivent appliquer les prix usuels dans la branche et ne peuvent dès lors accroître notablement
leurs recettes. Au contraire, il est nécessaire, pour assurer leur exploitation, d'opérer des prélèvements sur le produit des jeux, que la dépréciation de la monnaie a toutefois rendu insuffisant. Un relèvement des mises admissibles pourrait tout au moins procurer une partie des fonds qu'il est urgent de trouver.

Malgré la modeste augmentation proposée, les kursaals suisses continueront à se différencier fondamentalement des casinos de jeux étrangers.

Comme jusqu'ici, ils serviront, dans le sens de l'article 35 de la constitution, les intérêts généraux du tourisme et offriront, pour le bien de notre économie nationale, le plus d'agréments possible aux hôtes, qui, en participant aux

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jeux, ne feront que contribuer au financement des dispositions prises à leur intention. Les casinos étrangers, en revanche, recherchent avant tout le joueur, afin d'obtenir une recette de jeu aussi élevée que possible. Le produit des jeux exploités dans les kursaals suisses, derrière lesquels ne peuvent se cacher des groupes anonymes, revient à de nombreuses branches de notre économie qui en ont un urgent besoin. H a également permis, au cours de ces dernières années, d'alimenter, dans une mesure appréciable, le fonds en faveur des victimes des dévastations naturelles, lequel revêt une grande importance pour la population des régions de montagne. C'est une noble tâche de procurer à ce fonds des ressources supplémentaires provenant de l'exploitation des jeux.

L'augmentation de la mise ne rend pas le jeu malsain, car cinq francs d'aujourd'hui équivalent à deux francs de 1928. On avait admis, à l'époque, qu'une mise de deux francs ne présentait pas de dangers. Les kursaals sont soumis à un contrôle sévère; seuls les adultes peuvent y jouer. En revanche, tout le monde, même les écoliers et les adolescents, peut engager chaque semaine n'importe quel montant au Sport-Toto, comme aussi participer aux diverses grandes loteries en achetant un nombre illimité de billets, dont le prix est généralement de 5 francs. La proposition de modifier l'article 35 de la constitution ne vise néanmoins pas à supprimer la limitation du maximum de la mise pour les jeux des kursaals; elle tend seulement à adapter ce maximum à la valeur actuelle de l'argent, en la portant de deux à cinq francs. Le montant de la mise ne devrait toutefois plus être fixé dans la constitution même. Il conviendrait de laisser au Conseil fédéral le soin de le limiter, dans sa propre compétence, par voie d'ordonnance, à moins qu'il ne préfère proposer, à cet effet, une loi fédérale ou un arrêté fédéral soumis au referendum.

Après l'adoption des motions, les quatre associations déjà citées proposèrent que le montant de la mise fût fixé par une ordonnance du Conseil fédéral. Désireuses toutefois de donner au citoyen la certitude que cette proposition ne cachait pas l'intention de réclamer, dans un proche avenir, de nouvelles augmentations allant au-delà de la valeur de deux francs en 1928, elles suggérèrent d'insérer à l'article 35, 3e alinéa, la phrase suivante: «La mise ne doit pas dépasser la valeur fixée le 2 décembre 1928.» IV

La requête des quatre associations, ainsi que le procès-verbal des délibérations du Conseil national sur le postulat Wey, furent soumis pour avis, aux départements de police des cantons. La plupart de ceux-ci en saisirent leur Conseil d'Etat. Les réponses reçues donnent l'image suivante : 16 cantons ou demi-cantons appuyèrent expressément la demande tendant à l'augmentation du montant de la mise. 7 se prononcèrent néga-

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tivement. Un canton s'abstint d'exprimer un avis et un autre ne répondit pas. Sur les 11 cantons ayant autorisé les jeux dans des kursaals, 9 étaient favorables à une augmentation de la mise, tandis qu'un canton déclarait s'y opposer et un autre ne donnait aucune réponse.

La plupart des cantons qui appuyaient la revision constitutionnelle reprirent l'argumentation développée dans la requête. Berne releva que les trois kursaals exploités dans le canton avaient besoin de ressources accrues et que l'augmentation de la mise constituait un moyen approprié de grossir les recettes. Les kursaals étaient sévèrement contrôlés par la police. Le relèvement de la mise dans les kursaals suisses aurait pour effet de retenir dans le pays une partie des sommes qui prenaient le chemin des salles de jeu sises sur territoire étranger, à proximité de la frontière. Lucerne écrivit que les comptes d'exploitation du kursaal s'étaient constamment soldés, au cours des dernières années, par un déficit et que l'augmentation de la mise répondait à une impérieuse nécessité. En raison du contrôle strict exercé par la police, des abus n'étaient pas à craindre. Schwyz fit remarquer que la mise maximum proposée était encore si modeste que l'on ne pouvait équitablement mettre en parallèle les kursaals suisses avec les casinos de jeu étrangers. Unterwald-le-Bas, Glaris, Zoug et Baie-Ville déclarèrent que cette question ne les intéressait pas particulièrement; ils estimaient toutefois qu'une augmentation était justifiée. Fribourg croyait que l'augmentation de la mise détournerait du jeu des personnes pour lesquelles des enjeux moins élevés auraient pu constituer un danger. Appenzell Rhodes-Extérieures suggéra en outre d'assujettir les jeux des kursaals à une imposition beaucoup plus forte. Les Grisons constatèrent que le public fréquentant les trois kursaals du canton se composait en moyenne de 43 pour cent d'hôtes étrangers, de 42 pour cent de touristes suisses, de 8 pour cent d'employés saisonniers et de 7 pour cent seulement d'indigènes.

Les autorités communales d'Arosa, de Davos et de Saint-Moritz, invitées à se prononcer, avaient unanimement appuyé la demande d'augmentation.

Argovie confirma également que l'exploitation des jeux à Baden n'avait donné lieu, jusqu'alors, à aucune intervention de la police et qu'il n'y avait pas
de raison de prévoir qu'une augmentation de la mise en provoquerait. Se fondant sur les observations faites à la frontière de Constance, Thurgovie arrivait à la conclusion que, si une personne voulait jouer, il était impossible de l'en empêcher ; il fallait essayer de drainer vers des établissements suisses une partie au moins de l'argent que des citoyens suisses perdaient par exemple à Constance. Le Tessin, Vaud, le Valais et Genève appuyèrent la demande d'augmentation.

Les cantons d'Uri, Bàie-Campagne, Schaffhouse et Appenzell RhodesIntérieures déclarèrent s'opposer, pour des raisons de principe non précisées, à une augmentation de la mise, qu'ils ne considéraient pas comme nécessaire.

De l'avis de Soleure, il fallait plutôt y renoncer, afin de ne pas stimuler

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la passion du jeu. Saint-Gali, le seul de tous les cantons possédant un kursaal qui se prononçât contre l'augmentation, fit valoir que la salle de jeu à Bad-Ragaz était faiblement fréquentée et qu'elle constituait plutôt une charge pour l'exploitation du kursaal. En tout état de cause, l'augmentation de la mise n'entraînerait pas un accroissement sensible des recettes à Ragaz. Mais surtout, le souci du bien public s'opposait à une telle augmentation. Les jeux de hasard constituaient un danger pour la population.

L'Etat n'avait pas intérêt à les favoriser. Neuchâtel doutait en outre que l'augmentation de la mise pût avoir une influence importante sur le développement du tourisme. Zurich déclara avoir rejeté jusqu'alors les requêtes tendant à l'ouverture et à l'exploitation de maisons de jeu, raison pour laquelle il renonçait à se déterminer sur la demande de revision. Unterwald-le-Haut, sur le territoire duquel se trouve le kursaal d'Engelberg, ne répondit pas.

Avant d'analyser la réglementation actuelle et les incidences de la revision proposée, nous exposerons brièvement les prescriptions régissant les maisons de jeu dans quelques autres Etats européens. Le droit étranger ne peut certes guère influer sur la solution que la Suisse considère comme judicieuse, mais il présente tout de même un certain intérêt. L'enquête faite auprès de nos représentations diplomatiques a révélé ce qui suit: En Grande-Bretagne, en Espagne et aux Pays-Bas, les maisons de jeu sont complètement prohibées. Elles sont interdites en Suède également ; toutefois, la roulette et d'autres jeux analogues peuvent y être autorisés en liaison avec des fêtes et divertissements publics organisés à des fins culturelles, de bienfaisance ou d'utilité publique. Les gains ne peuvent cependant consister qu'en marchandises ou en bons valables uniquement sur l'emplacement de fête. En outre, le gain maximum ne saurait dépasser cinq couronnes.

En Belgique, les jeux de hasard ont, en principe, été interdits par une loi de 1902. Les maisons de jeu qui existaient à l'époque, par exemple à Ostende et à Namur, sont depuis lors seulement tolérées. Il n'est pas permis d'en ouvrir de nouvelles. Les mises ne sont pas limitées dans les salles de jeu tolérées.

Les maisons de jeu sont en principe prohibées en Allemagne occidentale également. Des autorisations peuvent cependant être accordées, dans des cas particuliers, lorsqu'il s'agit de combattre la concurrence étrangère à proximité de la frontière ou d'empêcher des jeux de hasard clandestins.

Ont été autorisées, jusqu'en 1954, 9 maisons de jeu au total où peuvent être exploités des jeux de hasard comportant des mises élevées (jusqu'à 6000 marks et même davantage).

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La France accorde à des stations de villégiature des autorisations de jeu soumises à des conditions semblables à celles qui sont valables' en Suisse.

En revanche, la mise varie suivant le genre de jeux de hasard admis; elle peut être très élevée. Des prescriptions officielles règlent de façon très détaillée l'exploitation des jeux.

En Italie, les entreprises de jeux de hasard sont interdites. Une exception est faite en faveur des trois maisons de jeu de Campione, San Remo et Venise, qui sont au bénéfice d'une concession spéciale et pratiquent les grands jeux à fortes mises.

VI

La réglementation actuelle interdit d'ouvrir et d'exploiter des maisons de jeu, mais donne aux gouvernements cantonaux, sous réserve de l'approbation du Conseil fédéral, la faculté d'autoriser, à certaines conditions dictées par l'intérêt public, les jeux d'agrément en usage dans les kursaals jusqu'au printemps 1925, en tant que l'autorité compétente estime ces jeux nécessaires au maintien ou au développement du tourisme et que leur organisation est assurée par une entreprise exploitant à cette fin un kursaal.

Est réputée kursaal, selon l'ordonnance du Conseil fédéral qui détermine lesdites conditions, toute entreprise exploitée par une société défendant, d'une manière autorisée, dans la station même ou dans un rayon plus ou moins étendu, les intérêts généraux liés au tourisme, et qui a pour but d'offrir aux touristes des distractions et un lieu de réunion. 16 kursaals ont obtenu l'autorisation de jouer, à savoir Arosa, Baden, Berne, Brunnen, Crans, Davos, Engelberg, Genève, Interlaken, Locamo, Lugano, Lucerne, Montreux, Eagaz, Saint-Moritz et Thoune. Les autorités compétentes ont ainsi reconnu que ces entreprises sont nécessaires au maintien du tourisme et qu'elles défendent, d'une manière autorisée, les intérêts généraux liés au tourisme dans la station. Ces entreprises sont soit des sociétés anonymes ou des coopératives, soit des établissements exploités en régie par des sociétés de développement.

D'une manière générale, les jeux ont été exploités correctement dans ces kursaals depuis l'entrée en vigueur de l'article 35 de la constitution en 1929, Lorsque des abus ont été découverts, comme ce fut le cas, il y a quelques années, au kursaal de Genève et, plus tard, à celui de Montreux, les autorités compétentes sont intervenues et y ont remédié. Un contrôle efficace exercé par les cantons peut empêcher dans une large mesure des irrégularités. En particulier, l'association des sociétés suisses de kursaals veille également à ce que ses membres observent strictement les prescriptions.

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Les recettes brutes provenant des jeux ont atteint ces dernières années les montants suivants : Années

bancs

1945 1946 1947 1948 1949 1950 1951 1952 1953 1954 1955

1 876 625 2 295 816 2402573 2457559 2 333 309 2 186 797 2812471 3 278 592 2 858 459 2 765 620 2 777 099

Conformément au 5e alinéa de l'article 35 de la constitution, le quart de ces sommes, soit 7 011 230 francs pour les années 1945 à 1955, a été versé à la Confédération, qui l'a affecté au fonds en faveur des victimes des dévastations naturelles, ainsi qu'à des oeuvres d'utilité publique. On ne saurait prétendre qu'eu égard à cette part des recettes qui lui revient, la Confédération encourage les jeux ou favorise un contrôle relâché. Au contraire, cette disposition l'oblige à vérifier exactement les comptes des kursaals et à surveiller l'emploi correct des recettes provenant des jeux.

VII

Le tourisme revêt une importance extrême pour l'économie suisse.

Tout particulièrement dans les cantons pauvres en industrie et dans les régions où l'agriculture, l'artisanat et le commerce ne trouvent qu'un champ d'activité restreint, il constitue la seule ressource pour de nombreux habitants. Dans les régions de montagne notamment, la population vit, dans une forte proportion, directement ou indirectement du tourisme. Le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale ont tenu compte de cette situation par diverses mesures ; la Confédération a dépensé des sommes considérables pour encourager directement ou indirectement le tourisme.

Certes, les étrangers ne fréquentent pas nos stations touristiques uniquement ni même principalement en raison des kursaals. H serait cependant faux d'en déduire que ces entreprises n'exercent pas un rôle important dans l'encouragement du tourisme. Ce sont sans nul doute les beautés naturelles, le climat favorable, des hôtels bien tenus, etc., qui attirent le touriste à un lieu de villégiature. Mais, pour choisir l'endroit où il passera ses vacances, où il fera une cure, il tient compte également des occasions de se distraire qu'il trouvera dans la station et du cadre dans lequel elles

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sont offertes, n attache aussi du prix à une impression générale soignée et apprécie des parcs et des jardins bien entretenus, des promenades, des plages ou piscines, etc. Il est évident que chaque hôtel ne peut offrir luimême tous ces agréments. C'est ici que le kursaal joue un rôle dans l'intérêt de la station tout entière. Il a pour tâche d'offrir aux touristes un lieu de réunion et des distractions. L'exploitation du restaurant et les manifestations récréatives, telles que les bals, les concerts, ne fournissent qu'un rendement très modeste et même parfois n'en fournissent aucun. Les ressources nécessaires à l'accomplissement des autres tâches, parmi lesquelles il faut compter l'engagement d'orchestres, l'aménagement de la station, la participation à la propagande touristique et surtout l'entretien des bâtiments, proviennent de l'exploitation des jeux. Le produit de ceux-ci est assez stable depuis quelques années. Vu la dépréciation de la monnaie, il n'a plus qu'une partie de son pouvoir d'achat d'antan. D'autre part, les dépenses se sont accrues dans une mesure beaucoup plus forte; cette augmentation est due non seulement à la hausse du coût delà vie, mais aussi à des prestations supplémentaires; les kursaals devront améliorer encore celles-ci s'ils veulent pouvoir remplir ultérieurement leur tâche au service des intérêts généraux du tourisme.

Il est permis de se demander si les fonds supplémentaires nécessaires ne peuvent être obtenus qu'au moyen de l'exploitation des jeux. A vrai dire, les hôteliers s'efforcent généralement de contribuer d'une manière convenable, compte tenu de leur capacité financière, aux frais causés par l'entretien de la station. Mais d'autres milieux n'y participent guère dans une mesure correspondant à leurs moyens et à l'intérêt que le tourisme présente pour eux. En l'absence de bases légales, il est hors de doute que ces milieux peuvent difficilement être amenés à faire un plus grand effort, ce qui ne devra toutefois pas empêcher les associations du tourisme de chercher à les mettre davantage à contribution. La proposition de se procurer les fonds indispensables par une augmentation de la mise des jeux en usage dans les kursaals est donc compréhensible. On ne saurait nier, en effet, que les ressources supplémentaires attendues de cette mesure répondent à une nécessité
et qu'elles ne peuvent guère être obtenues d'une autre façon.

Si la mise était augmentée, le jeu exercerait plus d'attrait sur les touristes étrangers déjà présents, qui y participeraient alors plus volontiers, de sorte qu'il produirait des recettes plus élevées. Celles-ci, de leur côté, permettraient d'améliorer les agréments offerts aux hôtes et de rendre ainsi les stations touristiques suisses plus attrayantes et mieux capables de lutter contre la concurrence étrangère. Il serait cependant faux d'admettre qu'avec des mises de cinq francs, les jeux des kursaals inciteraient un plus grand nombre d'étrangers à venir en Suisse. Les véritables joueurs, qui veulent engager de fortes sommes, continueront à donner la préférence aux endroits où ils peuvent jouer sans limite.

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Malgré les bonnes raisons qui militent en faveur d'un relèvement de la mise, il ne faudrait pas l'augmenter si cela faisait perdre aux jeux en usage dans les kursaals leur caractère anodin. Le montant de la mise autorisée n'est pas le seul facteur permettant de déterminer si un jeu de hasard est dangereux ou inoffensif. Avec l'allure du jeu, il est toutefois le principal de ces facteurs. H n'existe pourtant pas de limite absolue au-delà de laquelle le jeu devrait être considéré comme pernicieux. C'est là un élément d'appréciation tout à fait individuel: une mise très faible peut déjà présenter de graves dangers pour certains joueurs, alors que, pour d'autres, des enjeux sensiblement plus élevés sont encore anodins. Cela dépend non seulement de la situation financière des joueurs, mais aussi de leur caractère et de leurs penchants.

Avant la première guerre mondiale, on avait admis une mise de deux francs pour les kursaals où chacun avait accès, et de cinq francs pour ceux dans lesquels le public ne pouvait entrer que sur production d'une pièce de légitimation. Le Conseil fédéral avait alors estimé qu'ainsi délimités, les jeux ne tombaient pas sous le coup de la prohibition des maisons de jeux et qu'ils avaient donc un caractère relativement anodin. En autorisant, par la nouvelle disposition constitutionnelle de 1928, des jeux comportant une mise maximum de deux francs, le peuple était certainement parti de l'idée qu'il convenait autant que possible de ne pas s'approcher de la limite à partir de laquelle les jeux pourraient devenir dangereux.

D'après la situation telle qu'elle se présentait avant la première guerre mondiale et eu égard à la dépréciation de la monnaie intervenue depuis lors, on devrait juger beaucoup plus anodine la mise de cinq francs proposée aujourd'hui; même un multiple de ce montant ne pourrait pas être tenu pour dangereux. Mais également au regard des conditions existant en 1928, on ne peut guère prétendre que l'augmentation de la mise a cinq francs rendrait le jeu plus malsain. De 9,9 milliards de francs qu'il était en 1929, le revenu net du peuple suisse a passé à 24,7 milliards de francs en 1956.

Calculé sur la base de 100 en 1914, l'indice du coût de la vie se situait à 168 en 1925; il atteint actuellement 244,2. Les revenus réels se sont aussi accrus notablement pendant
cette période. Si l'on envisage le problème sous cet angle, rien ne s'oppose, à notre avis, à ce que le montant de la mise soit élevé à cinq francs, car il s'agit pratiquement, avant tout, d'un correctif apporté à sa valeur et seulement d'une minime augmentation.

Les partisans de l'augmentation se prévalent, non sans pertinence, du développement sans cesse croissant des grandes loteries et du Sport-Toto.

Aux grandes loteries, les billets coûtent, en règle générale, cinq francs la pièce, et il est possible d'en acquérir un nombre illimité. Au Sport-Toto également, les enjeux ne sont pas restreints. Dans ces opérations, toutefois, un certain laps de temps s'écoule entre la mise et la publication du résultat. Cela excite peut-être moins la passion du jeu que l'allure rapide à

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laquelle se déroule le jeu de la boule. Ce facteur ne doit cependant pas être surestimé. Il ne faut pas oublier que les loteries et le Sport-Toto atteignent, par leur propagande, les milieux les plus étendus de la population et qu'ils incitent en particulier les jeunes gens et même les enfants à jouer des sommes considérables. La participation hebdomadaire au Sport-Toto ou l'achat régulier de billets de loterie à chaque émission favorise également la passion du jeu. En revanche, seuls les adultes sont admis à jouer dans les kursaals. Les possibilités de gain au jeu de la boule sont insignifiantes comparativement aux lots payés par le Sport-Toto et les grandes loteries.

C'est précisément aussi la perspective de gagner sans peine une grosse somme d'argent qui stimule dans une large mesure la passion du jeu. En tout état de cause, le jeu de la boule, même s'il est pratiqué avec une mise de cinq francs, ne saurait être jugé plus dangereux que les grandes loteries et le Sport-Toto.

Tout bien considéré, nous estimons qu'avec une mise augmentée à cinq francs, le jeu de la boule conserve le caractère anodin qu'on a voulu lui donner en fixant, en 1928, le maximum de la mise à deux francs.

Si donc il n'existe aucune raison impérieuse de refuser l'augmentation -- à moins que l'on ne soit opposé par principe à tout jeu de hasard -- il faut se demander à quel montant la mise doit maintenant être fixée. Nous avons toujours parlé jusqu'ici de la porter à cinq francs ; à notre avis, cette augmentation correspond à ce que la majorité du peuple et des cantons a admis en acceptant l'article 35 de la constitution. La mesure proposée vise somme toute à redonner à la mise la valeur qu'elle avait en 1928. Nous devrions refuser d'aller plus loin à l'heure actuelle. A noter que les associations intéressées au premier chef ont, elles aussi, limité dès l'abord leurs revendications à cinq francs.

Le maximum de la mise a été inséré dans la constitution pour donner aux adversaires des maisons de jeu la garantie que seuls seraient admis des jeux relativement anodins. On a réussi par là à mettre fin à une lutte, qui avait duré de nombreuses décennies, entre deux groupes d'adversaires de force à peu près égale.

Il est hors de doute -que des milieux ecclésiastiques, notamment, s'opposent aujourd'hui encore, pour des raisons
de principe, à l'exploitation des jeux dans les kursaals. Au cours des travaux de revision, ils ont exprimé le voeu que la mise maximum soit de nouveau fixée dans la constitution, à défaut de quoi ils devraient combattre le projet. L'association des kursaals a appuyé cette requête, voulant ainsi démontrer nettement que, si elle demandait une augmentation du maximum à cinq francs, elle n'avait cependant pas l'intention d'aller au-delà dans un avenir lointain.

Certains milieux, en revanche, rejettent ce mode de faire, car ils estiment que l'importance de cet objet ne justifie pas une votation populaire chaque fois qu'il convient de modifier le montant maximum de la mise. Ils désirent

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que le Conseil fédéral reçoive la compétence de fixer ce maximum. D'autres encore préconisent une solution intermédiaire dans ce sens qu'il appartiendrait aux chambres fédérales de fixer ce maximum par un arrêté soumis éventuellement au referendum. Il est impossible de concilier tous ces voeux.

Le texte suivant aurait constitué un compromis auquel adversaires et partisans des jeux ont souscrit: Le Conseil fédéral détermine par voie d'ordonnance les conditions dictées par l'intérêt public. Il fixe le montant maximum de la mise, qui ne doit cependant pas dépasser la valeur de cinq francs à la date de l'entrée en vigueur de la présente disposition.

Cette formule visait à satisfaire aussi bien les adversaires que les partisans des jeux. Elle aurait eu cependant le grave inconvénient d'introduire dans la constitution l'indication d'un montant qui serait déterminé en fonction de l'indice du coût de la vie; cela n'aurait pas manqué d'avoir des conséquences fâcheuses. D'aucuns en auraient conclu également, bien que telle ne fût nullement son idée, que le Conseil fédéral s'attend à une rapide dépréciation ultérieure de la monnaie et qu'il envisage dès lors une procédure simplifiée pour fixer le maximum de la mise. Ces sérieuses objections nous ont contraints d'abandonner ce compromis.

Il faut également renoncer à fixer le montant de la mise par la voie d'un arrêté fédéral soumis au referendum. Certes, une prescription de police serait ainsi éliminée de la constitution. Mais il n'appartient pas aux chambres d'édicter des prescriptions de police. Elles ne devraient pas être chargées d'affaires ne rentrant pas dans leurs attributions. Il ne reste donc plus qu'à choisir entre la réglementation actuelle, qui fixe le maximum de la mise dans la constitution, et la solution qui consiste à laisser au Conseil fédéral le soin de le déterminer.

Les raisons qui militent contre le maintien de la réglementation actuelle relèvent du droit constitutionnel. Nous avons déjà vu que la limitation de la mise est purement une prescription de police qui, en raison de sa nature, a sa place non pas dans la constitution, mais dans l'ordonnance du Conseil fédéral déterminant les conditions du jeu dictées par l'intérêt public.

En faveur du maintien de ladite réglementation, on peut alléguer qu'elle est en vigueur depuis près de trente ans et qu'en dépit des tentatives de revision entreprises depuis presque aussi longtemps, elle n'a pas donné lieu jusqu'ici à des inconvénients d'ordre pratique.

Nous n'entendons néanmoins pas nous arrêter à cette solution. Nous proposons celle qui est juste du point de vue du droit constitutionnel et du droit public: supprimer le maximum de la mise dans la constitution et donner au Conseil fédéral le pouvoir de le fixer. Nous tenons cependant à déclarer qu'une fois le maximum porté à cinq francs, il faudra en rester là.

Nous désirons ainsi manifester clairement notre volonté de conserver au

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jeu de la boule, à l'avenir aussi, le caractère relativement anodin que le peuple a approuvé lors de la votation de 1928 et qui n'est pas compromis par l'augmentation envisagée.

Vu ce qui précède, nous proposons de remplacer l'article 35, 3e alinéa, de la constitution, ainsi conçu: Une ordonnance du Conseil fédéral déterminera les conditions dictées par l'intérêt public. La mise ne devra pas dépasser deux francs.

par le texte suivant : Une ordonnance du Conseil fédéral déterminera les conditions dictées par l'intérêt public et, en particulier, fixera le maximum de la mise.

Nous avons l'honneur de vous proposer d'approuver le projet d'arrêté ci-joint et de le soumettre au vote du peuple et des cantons.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 10 mars 1958.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Holenstein 11899

Feuille fédérale. 1108 année. Vol. I.

Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

45

638 (Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL modifiant

la constitution (maisons de jeu)

L'Assemblée, fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 85, chiffre 14, 118 et 121, 1er alinéa, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 10 mars 1958, arrête:

L'article 35, 3e alinéa, de la constitution est remplacé par la disposition suivante : Article 35, 3e alinéa Une ordonnance du Conseil fédéral déterminera les conditions dictées par l'intérêt public et, en particulier, fixera le maximum de la mise.

II

Le présent arrêté est soumis à la votation du peuple et des cantons.

Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution.

11899

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la modification de la constitution (interdiction des maisons de jeu) (Du 10 mars 1958)

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Jahr

1958

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11

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7593

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

20.03.1958

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621-638

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