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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur la sauvegarde de la monnaie (Du 8 septembre 1971)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre avec le présent message un projet d'arrêté fédéral sur la sauvegarde de la monnaie.

Résumé Le programme de politique économique et monétaire annoncé par le président des Etats-Unis le 15 août 1971 a profondément modifié la situation monétaire, non seulement du fait de la suppression de la convertibilité-or du dollar, mais encore en ce qu'il vise à reconsidérer la relation entre les parités.

Depuis lors, les cours de la plupart des monnaies clés se sont effectivement mis à fluctuer par rapport au dollar. La marge de fluctuation étant variable, les rapports de change entre les diverses devises ne sont également plus les mêmes.

Pareille évolution est de nature à susciter d'importants mouvements de fonds sur les marchés monétaire et financier. Elle peut fausser les cours des changes, perturber momentanément du moins la division internationale du travail, qui depuis des décennies fonctionne normalement, ou encore contraindre les banques centrales à racheter des dollars dans une mesure excessive. De telles perspectives ont amené un nombre toujours plus important de pays à prendre des mesures contre ces mouvements de fonds perturbateurs, les incitant même à surenchérir en matière de restrictions. IL semble difficile d'aboutir à une coordination sur le plan international aux fins d'atténuer ce danger, car la situation diffère d'un Etat à l'autre.

Les pays qui exercent un assez vif attrait sur les mouvements de capitaux, sans pouvoir suffisamment s'en protéger, sont tout particulièrement menacés.

Afin que la Suisse puisse également s'armer de moyens de défense qui lui permettent de lutter contre des perturbations de cet ordre, nous vous proposons d'adopter, à toutes fins utiles, un projet d'arrêté fédéral urgent sur la sauvegarde de notre monnaie.

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I. Fondements du système monétaire actuel Les règles du système monétaire international en vigueur depuis la guerre sont consignées pour l'essentiel dans la charte de Bretton-Woods du 22 juillet 1944 portant création du Fonds monétaire international (FMI). Elles prescrivent le maintien de cours de changes fixes et la convertibilité des monnaies visà-vis de l'étranger, au moins pour les transactions ressortissant à la balance des revenus.

En vertu des accords de Bretton-Woods, la stabilité des changes est un corollaire du système des parités monétaires définies soit par rapport à l'or, soit par référence au dollar, lui-même convertible en or (poids et titre en vigueur au 1er juillet 1944). La stabilité du prix de l'or est assurée par l'engagement pris par le Trésor américain d'acheter ou de vendre aux banques centrales étrangères toute quantité d'or demandée au prix de 35 dollars l'once. C'est en vertu de la double convertibilité dollar-or que les autorités monétaires des autres pays ont été amenées à se servir de la devise américaine comme moyen de réserve et d'intervention. Par le poids et le prestige de l'économie américaine, le dollar est, en outre, devenu la monnaie la plus couramment utilisée dans les relations commerciales et financières internationales.

Tout membre du FMI était tenu jusqu'ici, pour les opérations de change au comptant effectuées sur son territoire, de ne pas s'écarter de la parité déclarée au-delà d'une marge de fluctuation de 1 pour cent de part et d'autre. La stabilité des cours était pratiquement assurée grâce aux interventions des banques centrales sur le marché des changes, c'est-à-dire par les achats et ventes de dollars.

Seules les autorités monétaires américaines étaient dispensées d'intervenir sur le marché des changes, puisque les banques centrales des autres pays se chargeaient pair leurs interventions de stabiliser le cours du dollar par rapport à toutes les autres devises. C'est pourquoi les Etats-Unis s'étaient engagés à acheter et à vendre aux autorités monétaires des autres pays de l'or sans limitation de quantité.

La Suisse n'est pas membre du FMI. Selon l'article 22 de la loi sur la Banque nationale, celle-ci est toutefois tenue de sauvegarder la parité-or du franc telle qu'elle a été définie. Comme le principe de la convertibilité^or du dollar s'appliquait
également à la Suisse et que le dollar était ainsi assimilé à l'or, et que par ailleurs la devise américaine était utilisée dans le monde entier comme monnaie commerciale de réserve et d'intervention, la Banque nationale se voyait elle aussi contrainte, lorsque le cours du dollar menaçait de descendre audessous ou de s'élever au-dessus d'un certain taux de fluctuation, de reprendre des dollars sur le marché ou d'en céder. Sinon, le franc suisse aurait été apprécié ou déprécié par rapport à presque toutes les autres devises.

Le système monétaire de l'après-guerre, qui était donc en quelque sorte un système d'étalon-or-dollar, contribua largement à l'essor économique prodigieux du monde occidental. Dans l'immédiat après-guerre, les Etats-Unis ont volontairement procuré aux autres pays d'abondantes disponibilités en dollars, afin d'aider à libéraliser les échanges commerciaux et monétaires.

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Grâce à cette politique, il a été possible de promouvoir la division internationale du travail à un degré encore jamais atteint.

Au début des années 60 déjà, nombreux étaient les pays industrialisés qui se plaignaient de la surabondance des dollars qui affluaient chez eux. Ils convertirent tout d'abord une niasse considérable de dollars en or, entamant les réserves d'or des Etats-Unis au point de compromettre toujours davantage la convertibilité de la devise américaine. Aussi les banques centrales durent-elles en principe s'abstenir de demander dorénavant le remboursement en or.

En dépit de diverses tentatives, les Etats-Unis ne parurent plus à même de réduire dans une mesure suffisante le déficit de leur balance des paiements qu'ils avaient intentionnellement provoqué en vue de promouvoir l'économie mondiale. Cet échec a de multiples causes, mais s'explique en particulier par les facteurs suivants, Les multiples dévaluations auxquelles un certain nombre de pays procédèrent au cours des ans et parfois même à plusieurs reprises, se conjuguant avec la consolidation de l'économie européenne et japonaise, imposèrent peu à peu au dollar une revalorisation qui, sur le marché mondial, compromit la compétitivité de nombreux produits américains.

Mais c'est surtout l'énorme expansion de la capacité de production des entreprises américaines implantées à l'étranger qui a été déterminante. Non seulement elle porta préjudice aux exportations américaines, mais elle greva encore pendant longtemps la balance américaine des paiements.

L'excédent traditionnel de la balance commerciale américaine, autrefois appréciable, s'amenuisa de plus en plus à la suite notamment de transformations structurelles et suffit de moins en moins à compenser les lourdes dépenses engagées par les Etats-Unis à l'étranger dans les secteurs de la défense, de la politique étrangère et de l'aide au développement.

Le déficit croissant de la balance américaine des paiements se traduisit par un afflux considérable de dollars sur l'euromarché. L'ampleur et la structure du marché des eurodollars ont même permis à la longue de multiplier le crédit et de gonfler encore la masse des dollars en dehors des Etats-Unis.

Cette double source de la surabondance de dollars alimenta encore les facteurs inflationnistes lesquels prirent ces dernières années
une ampleur qui finit par devenir inquiétante.

Faute d'une relation satisfaisante entre les réserves d'or et la dette extérieure à court terme, la convertibilité du dollar devint de plus en plus une fiction.

La politique déflationniste instaurée par les autorités américaines en 1968 provoqua du chômage et entraîna une utilisation insuffisante de la capacité de production sans pour autant améliorer sérieusement la balance des paiements.

Se conjuguant avec d'autres phénomènes tels que, par exemple, l'inflation par hausse des salaires - impossible à juguler malgré le chômage - elle inclina tant les milieux économiques américains que les consommateurs vers un pessimisme

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qui explique que la relance de l'économie n'eut pas dans ce pays les résultats escomptés. C'est alors que des voix toujours plus nombreuses s'élevèrent pour déclarer que si l'on voulait essayer à nouveau de relancer les affaires, il fallait dévaluer le dollar afin d'insuffler à l'économie un nouvel optimisme.

H. Portée des mesures monétaires prises par les Etats-Unis Les mesures prises par les autorités américaines en vue de relancer l'économie comprennent, sur le plan du commerce extérieur, d'une part la suspension temporaire de la convertibilité du dollar en or ou en d'autres monnaies de réserve et d'autre part une surtaxe sur les importations de 10 pour cent. Une évolution a ainsi été amorcée au sein du système monétaire international qui vise, aux yeux des Américains, à ramener le dollar à sa valeur réelle et à ouvrir la voie à un meilleur équilibre de la balance des paiements des Etats-Unis.

La suppression de la convertibilité du dollar et la surtaxe sur les importations ont pour but d'amener les principaux pays industrialisés à laisser flotter temporairement le cours de leur monnaie par rapport à la devise américaine et en dernière analyse à redéfinir leur parité. Ce remaniement monétaire devrait également créer les conditions requises pour que le dollar soit peu à peu remplacé, comme monnaie de réserve, par les droits de tirage spéciaux.

On ne saurait encore prévoir le temps qu'il faudra pour s'accorder sur un nouveau système monétaire axé comme l'ancien sur des parités fixes. Il est également difficile de dire si et dans quelle mesure l'insécurité des cours de change aura des effets récessionnistes.

Enfin, il ne faut non pas plus s'attendre que les mécanismes du marché fournissent automatiquement à court ou moyen terme des indications sûres pour l'établissement de cours de change réalistes.

Tant les mouvements de capitaux que les opérations que les banques centrales, par crainte d'une récession, réalisent aux fins d'agir sur les cours de change font incontestablement obstacle à l'établissement de cours réalistes.

Il faut surtout s'attendre pour l'heure à des mouvements de capitaux perturbateurs que l'abondant marché des eurodollars ne cessera d'alimenter.

La désagrégation des cours de change est de nature à provoquer d'importants mouvements de capitaux qui exercent sur les cours de change une pression à la hausse ou à la baisse - suivant comment l'on apprécie l'évolution présente et future des diverses devises - ou qui influent fâcheusement sur les avoirs en dollars des banques. Il est superflu de souligner que ces mouvements de capitaux comportent également d'autres risques.

On pourrait
sans doute penser que la Suisse, ayant déjà procédé à une réévaluation qui a pour une large part anticipé sur l'évolution actuelle, ne fait que frôler la crise. Il n'a d'ailleurs jusqu'ici que rarement été question de notre pays dans les pronostics de réévaluation. Mais ne nous y trompons pas. Le franc jouit toujours sur le plan international d'une solide réputation et la Suisse

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demeure un centre financier international. Enfin, de plus en plus nombreux sont les pays qui ne laissent plus entrer les capitaux étrangers, si bien que ceux-ci pourraient facilement trouver refuge chez nous.

Ces diverses circonstances nous obligent à notre tour à préparer en temps utile des mesures de sauvegarde qui nous protègent des mouvements de capitaux perturbateurs.

lu. Mesures de sauvegarde prises par la Suisse En vertu de conventions écrites et d'accords verbaux passés entre la Banque nationale et les banques, les mesures de sauvegarde ci-après sont actuellement appliquées : Par un additif à la convention-cadre signée le 1er septembre 1969 entre notre institut d'émission et les banques, les établissements bancaires détenant plus de 20 millions de francs de capitaux étrangers se sont engagés: a. A déposer auprès de la Banque nationale des réserves minimales non productives d'intérêt pour un montant équivalent à l'augmentation nette des engagements envers l'étranger enregistrée depuis le 31 juillet 1971; b. A ne bonifier aucun intérêt sur les engagements libellés en francs envers l'étranger à moins de six mois d'échéance, sauf s'ils ont promis avant le 16 août (date de l'entrée en vigueur de la convention) de servir temporairement un intérêt; dans ce dernier cas, l'interdiction s'applique à l'expiration de l'engagement pris de servir un intérêt temporaire.

L'interdiction de bonifier des intérêts a été encore renforcée depuis le 23 août et s'étend désormais aux fonds étrangers à plus de six mois d'échéance.

Au surplus, la brève liste des dérogations a encore été réduite, La Banque nationale a informé parallèlement les banques que toute exportation de capitaux soumise au régime du permis (à l'exception des crédits destinés à financer les exportations) serait dorénavant subordonnée à l'obligation de convertir sans délai en devises étrangères le montant libellé en francs.

En outre, les principales banques pratiquant les opérations de changes ont récemment décidé, en accord avec la Banque nationale, de ne racheter par client et par jour que 2 millions de dollars aussitôt convertibles en francs, si lecours de la devise américaine tombe à 3 fr. 96. Si le cours descend a 3 fr. 95 ou au-dessous, il ne sera repris que 1 million de dollars au plus. Il ne sera opéré de conversions en francs supérieures à ces montants que si le client accepte que ses fonds soient bloqués pendant trois mois sans produire d'intérêt.

On veillera ce faisant à ce que ces restrictions ne paralysent pas le paiement normal des transactions courantes.

Ces mesures visent d'une part à réduire la liquidité déjà excessive du marché monétaire et d'autre part à favoriser l'exode des capitaux qui ont afflué après le 31 juillet et à freiner de nouveaux afflux afin de diminuer la pression s'exerçant sur le dollar.

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C'est surtout grâce à ces mesures - sans parler de la suppression décidée dans l'entre-temps des facilités accordées au tourisme - que le cours du dollar s'est maintenu, sans que la Banque nationale ait dû acheter des devises, au voisinage du point actuel d'intervention plancher de 4 fr. 01. Un cours du dollar de 4,01 est inférieur de 8,3 pour cent à la parité d'avant la réévaluation et d'environ 7,1 pour cent à l'ancien point d'intervention plancher. Durant la période du 23 août au 1er septembre, le cours du dollar a le plus souvent oscillé entre 7,5 pour cent et 8,2 pour cent en-dessous de ce dernier point d'intervention.

Pondérée en fonction des exportations, la réévaluation moyenne du franc par rapport aux devises de nos quinze principaux partenaires commerciaux se situe généralement entre 4,5 pour cent et 4,9 pour cent.

On ne saurait dire combien de temps cette situation peut durer, car cela dépend surtout des développements qui surviendront à l'étranger. Nul ne sait si de libres accords ou une simple collaboration avec un nombre restreint de banques suffiront à assurer la discipline aussi longtemps qu'il le faudra. On peut aussi se demander si la voie du libre accord pourrait se prêter, le cas échéant, à d'autres mesures que l'on jugerait nécessaires. Les mesures qui interdisent aux banques de bonifier des intérêts sur les avoirs étrangers libellés en francs suisses ou celles qui prescrivent des intérêts négatifs peuvent être en particulier éludées par le biais de prêts accordés directement par des créanciers étrangers à des établissements non bancaires ou encore d'investissements indésirables opérés dans le pays, par exemple sur le marché immobilier.

C'est pourquoi il convient d'instituer les bases légales qui permettront de conférer force obligatoire aux accords conclus avec une majorité de banques.

Il faudrait également créer les bases légales qui nous autorisent à prendre des mesures qui ne sauraient être réalisées par la voie d'accords ou qui soient applicables aussi à des secteurs étrangers à la banque.

La constitution ne fournit même pas les bases juridiques qui permettraient de conférer force obligatoire générale aux accords conclus jusqu'ici. Afin de pouvoir agir dans des situations critiques comme celles que nous traversons en ce moment, le Conseil fédéral doit donc pouvoir
disposer d'attributions que les dispositions constitutionnelles actuelles ne lui reconnaissent pas. C'est pourquoi il importe de lui accorder ces pouvoirs en adoptant un arrêté fédéral urgent selon la procédure prévue à l'article 89Ms, 3e alinéa, de la constitution.

On ne saurait encore dire pour l'heure les mesures qu'il y aurait lieu de prendre le cas échéant, car nul ne sait quand la crise surviendra, ni quelle sera son ampleur et ses modalités. Aussi faut-il être armé pour toutes les situations.

Il est, par exemple, fort possible qu'il suffise en principe de conférer force obligatoire générale aux conventions passées entre la Banque nationale et les banques, pour obtenir l'effet de sauvegarde désiré et colmater les brèches laissées ouvertes dans le système bancaire par les établissements qui n'ont pas souscrit aux mêmes engagements. Mais il n'est pas exclu non plus qu'il faille, dans des circonstances données, percevoir sur certaines catégories d'avoirs étrangers un

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intérêt négatif à l'effet de se protéger des capitaux spéculatifs et de favoriser leur exode.

Nous savons parfaitement que les blancs-seings sont réprouvés dans la législation normale. Mais de sérieuses raisons d'ordre politique et de fond militent en l'occurrence en faveur d'une telle procédure. Aussi longtemps que nous sommes dans l'incertitude quant à l'évolution de la situation monétaire et aux réactions des autres Etats, nous ne saurions prévoir toutes les mesures que notre pays pourrait être amené à prendre. En dévoilant trop tôt nos plans, nous provoquerions précisément des mouvements spéculatifs et serions contraints de recourir à des mesures dont nous pourrions normalement nous dispenser.

Nous vous invitons en conséquence à nous conférer un pouvoir d'ordre général qui nous permette durant la crise internationale que nous traversons de prendre, en liaison avec la Banque nationale et à titre temporaire, les mesures exceptionnelles que nous jugerons nécessaires et urgentes pour mener une politique monétaire conforme à l'intérêt général du pays. Ces mesures seraient exclusivement destinées à prévenir un déséquilibre économique, à sauvegarder le pouvoir d'achat du franc et surtout à contenir l'afflux de capitaux étrangers indésirables ainsi qu'à accélérer leur exode.

Il va sans dire que dans toutes ces questions nous n'agirons qu'en étroit contact avec la Direction générale de la Banque nationale. Si nous nous voyons amenés à prendre des décisions en vertu du pouvoir qui nous aura été conféré, nous ne manquerons pas de vous faire rapport. L'obligation de faire rapport et la participation prépondérante des autorités responsables de la politique monétaire sont sans doute une garantie suffisante que nous ne ferons usage du pouvoir qui nous aura été conféré qu'en cas d'impérieuse nécessité.

IV. Commentaire des divers articles du projet L'article premier définit les attributions conférées au Conseil fédéral à l'effet d'assurer la sauvegarde de la monnaie. En cas de déséquilibre monétaire international, il doit être autorisé à prendre, en liaison avec la Banque nationale, les mesures exceptionnelles - c'est-à-dire celles que ni la constitution ni la législation ne prévoient - qu'il juge indispensables et urgentes pour mener une politique monétaire conforme à l'intérêt général du pays. Il s'agit
en premier lieu, mais non exclusivement, de mesures propres à contenir l'afflux de capitaux étrangers vers la Suisse et à provoquer leur exode. Il va sans dire que nous ne décréterons et ne maintiendrons les mesures envisagées qu'en tant qu'elles seront indispensables pour atteindre le but visé. Que nous agissions en liaison avec la Banque nationale, qui est l'organe habilité par la constitution à déterminer la politique monétaire, paraît s'imposer; les mesures que notre institut d'émission peut être appelé à prendre de son propre chef et celles que nous pourrions prescrire par voie d'ordonnance doivent en effet être coordonnées. Il va également de soi que la politique monétaire doit être conforme à l'intérêt général

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du pays et ne pas servir tel ou tel groupe d'intérêts particuliers, ce que l'article 39 de la constitution prévoit d'ailleurs expressément. Les attributions qui nous sont conférées se limitent quant au fond à la politique monétaire, à l'exclusion de toute mesure relevant du crédit ou ayant trait à la production, aux prix ou aux salaires.

Nous avons vu que la Banque nationale pouvait exercer une action efficace en passant librement des conventions avec les banques. Toutefois, pour que de telles conventions puissent aboutir, il est parfois nécessaire qu'elles soient également applicables aux banques dissidentes. C'est pourquoi le projet nous autorise à conférer force obligatoire générale aux accords signés par la majorité des établissements intéressés.

Article 2. La Banque nationale sera chargée d'exécuter les prescriptions qui pourraient être édictées en vertu de cet arrêté, puisqu'il lui incombe, selon l'article 39 de la constitution, de pratiquer, dans les limites de la législation fédérale, une politique monétaire conforme aux intérêts généraux du pays.

La Banque nationale sera aidée dans sa tâche par le concours qu'elle trouvera non seulement auprès des organes de surveillance des banques mais aussi auprès d'autres services fédéraux, par exemple les autorités de surveillance des compagnies d'assurances, qui tous seront tenus de coopérer dans la mesure du possible. Il sera en outre indispensable de requérir la collaboration des organes de révision prévus par la loi sur les banques.

Article 3. L'obligation d'informer et de renseigner incombe à toutes les personnes ou sociétés qui, aux termes de cet arrêté et partant en vertu du droit public, sont tenues d'adopter un certain comportement. Celles-ci doivent donc rendre compte de la manière dont elles se sont acquittées de leurs tâches sans pouvoir se prévaloir du secret des banques ou du secret professionnel conformément à l'article 321 du code pénal.

Les informations, documents et renseignements qui auront été fournis ne doivent servir qu'à l'exécution et au contrôle des mesures prévues dans l'arrêté.

C'est pourquoi la Banque nationale ainsi que les services officiels et les sociétés de revision chargés de la surveillance sont tenus de garder le secret sur ce point.

Article 4. D'après les pénalités prévues sous chiffre 1, les infractions à
l'arrêté fédéral sont des contraventions au sens du code pénal. Aussi importet-il de préciser que la tentative et la complicité sont également punissables. Si l'amende a été fixée à 100 000 francs au plus et si l'on prévoit en outre les arrêts, c'est pour tenir compte du fait que les infractions intentionnelles sont généralement commises dans un esprit de lucre.

La réglementation prévue pour les infractions commises dans la gestion d'une personne morale (chiffre 3) correspond à celle qui a été retenue dans la loi revisée sur les banques, à une exception près : le montant de l'amende qui peut être infligée à la personne morale comme telle, à l'exclusion des personnes responsables, a été porté de 2000'à 10 000 francs. En autorisant à poursuivre

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les personnes morales comme telles, on a voulu accélérer de manière appréciable le déroulement de la procédure pénale, car il n'est dès lors plus nécessaire de rechercher les personnes physiques réellement responsables, ce qui est souvent malaisé, ni d'élucider la situation personnelle des contrevenants. Or il est conforme à la nature des mesures à prendre que toute infraction puisse être rapidement et énergiquement réprimée.

Article 5. Eu égard aux particularités de la matière, il est bon - comme c'est déjà le cas en matière d'infractions aux dispositions de droit administratif de la loi sur les banques - que les contraventions soient poursuivies et jugées par le Département fédéral des finances et des douanes, à moins qu'une peine d'arrêts ne soit envisagée. L'inculpé peut cependant demander à être jugé par un tribunal, dans quel cas l'affaire est transmise au tribunal cantonal compétent (art. 324 et 325 de la loi fédérale sur la procédure pénale).

Quant à la disposition sur la prescription, elle correspond à celle qui est prévue dans le projet de loi fédérale sur le droit pénal administratif du 21 avril 1971.

Article 6. Nous vous ferons rapport, au moins une fois l'an, sur les mesures prises en application du présent arrêté ainsi que sur leurs eflets. Il s'agirait, dans notre esprit, de rapporter sans tarder sur les mesures essentielles, les autres mesures pouvant faire l'objet d'un rapport ultérieur.

Article 7. L'exposé circonstancié que nous avons fait de la situation nous dispense de fournir de plus amples justifications à l'appui de la clause d'urgence. Quant à la durée de validité de l'arrêté, nous vous proposons une période de trois ans, l'Assemblée fédérale étant toutefois autorisée à la proroger de deux ans au plus sans que le référendum puisse être demandé. H faut bien se rendre compte à cet égard que la situation critique que nous connaissons ne sera normalisée que lorsque les pays occidentaux auront réussi à mettre sur pied un nouveau système monétaire et que les conditions d'un retour à la convertibilité seront ainsi à nouveau réunies. Tout cela prendra passablement de temps.

Mais nous tenons à bien souligner que nous ne ferons usage du pouvoir ·qui nous aura été conféré qu'en tant que cela sera nécessaire.

Conclusions Les circonstances que nous venons d'évoquer nous amènent,
après avoir pris contact avec la Banque nationale, à vous proposer le projet ci-joint d'arrêté fédéral urgent sur la sauvegarde de la monnaie. Les problèmes que soulève cette mesure ont été examinés avec le plus grand soin par le groupe de travail ad hoc interdépartemental institué à l'échelon administratif. La situation exceptionnelle qui règne sur le front monétaire nous autorise à solliciter des pouvoirs également exceptionnels.

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Nous sommes aujourd'hui encore convaincus que la stabilité monétaire et le système des parités fixes sont le mieux à même de promouvoir l'essor de l'économie mondiale et donc aussi de l'économie suisse qui lui est étroitement liée. Nous continuerons à nous employer à la réalisation de cet objectif.

Nous vous invitons en conséquence à adopter le projet ci-joint d'arrêté fédéral urgent sur la sauvegarde de la monnaie.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 8 septembre 1971 Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Gnägi 20107

Le chancelier de la Confédération, Huber

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Arrêté fédéral sur la sauvegarde de la monnaie

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu le message du Conseil fédéral du 8 septembre 1971]), arrête: Article premier Principe 1

En cas de graves perturbations de l'ordre monétaire international, le Conseil fédéral est autorisé à prendre, en liaison avec la Banque nationale suisse, les mesures exceptionnelles qu'il juge indispensables et urgentes pour mener une politique monétaire conforme à l'intérêt général du pays, en vue notamment de contenir l'afflux des capitaux étrangers et de provoquer leur exode.

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Le Conseil fédéral peut conférer force obligatoire générale aux conventions signées entre la Banque nationale et la majorité des personnes et des sociétés qui ont été invitées à y adhérer.

Art. 2 Exécution et surveillance 1

La Banque nationale est chargée d'exécuter les prescriptions édictées en vertu du présent arrêté.

2 Le Conseil fédéral peut décider que la Commission fédérale des banques, d'autres services fédéraux ou encore les organes de contrôle prévus par la loi sur les banques coopéreront à la surveillance.

Art. 3 Obligation de renseigner 1

Les personnes et sociétés assujetties aux prescriptions édictées sur la base du présent arrêté sont tenues de fournir toutes les informations ainsi que tous les « FF 1971 U 833

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renseignements et documents qui leur seront demandés par les organes compétents en vertu de directives générales ou de décisions d'espèce et d'en faire vérifier l'exactitude sur place.

a

Le secret doit être gardé sur les informations, les documents et les renseignements fournis ainsi que sur les constatations faites lors des vérifications sur place.

Art. 4 Dispositions pénales 1. Celui qui aura contrevenu aux prescriptions édictées par le Conseil fédéral en vertu du présent arrêté ou aux conventions ayant force obligatoire générale, qui ne se sera pas acquitté de l'obligation de fournir des informations, de communiquer des renseignements et de produire des livres de commerce et des pièces comptables ou aura donné des indications inexactes ou incomplètes, qui aura rendu difficile, aura entravé ou empêché un contrôle officiel, en particulier le contrôle de la comptabilité, sera puni, s'il a agi intentionnellement, d'arrêts ou d'une amende de 100 000 francs au plus.

2. Si l'infraction a été commise par négligence, elle sera punie d'une amende de 50 000 francs au plus.

3. La tentative et la complicité sont également punissables.

4. Lorsque l'infraction est commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société en nom collectif ou en commandite ou d'une raison individuelle, les dispositions pénales sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en leur nom. Si la sanction envisagée n'excède pas 10 000 francs, l'amende sera infligée à la personne morale, à la société en nom collectif ou en commandite ou à la raison individuelle, à l'exclusion des personnes responsables.

Art. 5 Poursuite pénale 1

Les infractions seront poursuivies et jugées par le Département des finances et des douanes conformément à la cinquième partie de la loi fédérale du 15 juin 1934 sur la procédure pénale, sous réserve des cas soumis par cette loi à la juridiction cantonale.

3 La poursuite des contraventions se prescrit par deux ans et la peine par cinq ans.

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Art. 6

Assemblée fédérale Le Conseil fédéral fait rapport, au moins une fois l'an, à l'Assemblée fédérale sur les mesures prises en application du présent arrêté ainsi que sur leurs effets.

Art. 7

Dispositions finales Le présent arrêté est déclaré urgent. Il entre en vigueur à la date de sa publication et a- effet pendant trois ans. L'Assemblée fédérale est autorisée à proroger de deux ans la durée de sa validité sans que le référendum puisse être demandé.

2 Le présent arrêté est soumis à la votation du peuple et des cantons, conformément à l'article 89Ms, 3e alinéa, de la constitution.

1

20140

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Publications des départements et d'autres administrations de la Confédération Mandataire général

Le Département fédéral de justice et police a approuvé, en date du 16 septembre 1971, la nomination de M. Bruno Brunhart, de et à Zurich, Talstrasse 66, en qualité de mandataire général pour la Suisse de «The London and Provincial Marine and General Insurance Company, Limited», à Londres.

M. Brunhart succède à M. Emil Lips, dont les pouvoirs sont éteints (art. 47 de Tord, du 11 septembre 1931 sur la surveillance des entreprises d'assurance privées).

Berne, le 29 septembre 1971 20140

Bureau fédéral des assurances

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