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MESSAGE du

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale, concernant la révision de la loi relative aux emprunts faits sur les fonds fédéraux, du 23 décembre 1851.

(Du 8 décembre 1875.)

Monsieur le Président et Messieurs, A l'occasion de l'examen du rapport de gestion de l'année dernière, les Chambres fédérales ont, entre autres, adopté les deux postulats suivants : 12. « Comme il résulte du compte d'Etat de 1874 et d'une série « de comptes antérieurs qu'une partie des fonds de la Con« fédération sont placés en obligations . de chemins dé fer, « ce qui est contraire a l'arrêté fédéral du 30 juillet 1858 « (Recueil officiel, VI. 57), qui a défendu de faire aucun . « prêt à des Compagnies de chemins de fer, le Conseil fé« déral est invité à exposer dans un rapport s'il existe des « motifs suffisants pour déclarer que cet arrêté n'a plus de « valeur. » 13. « Le postulat n° 1, alinéa 2, du 30 juillet 1858, concernant « le budget pour l'année 1859 (Recueil officiel, VI. 57) est « renouvelé, et lo Conseil fédéral est invité à présenter à « l'Assemblée fédérale un préavis" sur la question de savoir « s'il n'y aurait pas lieu de soumettre à une révision la loi « fédérale concernant les emprunts faits sur les fonds fédé« raux, du 23 décembre 1851 (Recueil officiel, III. 6), et

1177 « dans le cas de l'affirmative à présenter un projet de loi « sur la matière. » Nous avons jugé convenable de répondre à ces deux postulats par un seul et même message, attendu qu'ils ont le même objet que le projet de loi que nous vous présentons.

En ce qui concerne d'abord le premier postulat, nous devons vous faire observer que l'arrêté invoqué du 30 juillet 1858 a été précédé d'emprunts directs et nominatifs, tandis que depuis ce moment la participation financière de la Confédération s'est bornée à la prise d'obligations. Il y a là une différence essentielle. A l'occasion du conflit avec la Prusse, lors des affaires de Neuchâtel, la Confédération avait négocié un emprunt de guerre de 11 millions de francs, qui heureusement ne fut employé qu'en faible partie pour l'occupation des frontières.

A la suite de cette affaire, l'excessive abondance d'argent qui régna pendant quelque temps dans la Caisse fédérale força le Conseil fédéral à accorder à certaines Compagnies de chemins de fer des prêts importants, savoir : fr. 2,500,000 à l'Union suisse, à St-Gall, » 2,000,000 au Franco-Suisse, » 2,000,000 au Central, suisse, » 1,000,000 au Jura industriel.

fr. 7,500,000.

Les membres de la Direction ont donné caution personnelle pour les prêts accordés au Franco-Suisse et au Jura industriel. Les autres administrations de chemins de fer n'ont pas fourni de garanties ultérieures.

Il ne s'agissait pas, il est vrai, d'un placement permanent, mais seulement de dépôts temporaires, pour éviter une trop grande perte d'intérêts.

Une surabondance de numéraire du môme genre se présenta à la Caisse fédérale après la fin de la guerre franco-allemande. Pour couvrir les frais do l'occupation des frontières, ceux de l'internement, etc., la Confédération avait contracté, au printemps de 1871, un emprunt de fr. 15,600,000. Mais, la France ayant remboursé sa dette pour l'internement de l'armée de l'Est sur territoire suisse, au montant de 11 millions de francs, plus tôt qu'on n'aurait pu l'attendre eu égard aux circonstances, la Caisse se trouva encombrée de numéraire au point qu'elle ne pouvait songer à lui trouver en ce moment, auprès des banques accréditées, un placement avantagexxx, de manière que l'on dut penser à faire fructifier l'argent par un autre moyen.

1178 , Cependant, le Département des Finances ne voulut pas formuler ses propositions au Conseil fédéral sans s'être entendu au préalable avec des hommes compétents : en conséquence, il convoqua en conférence MM. Jenni et Stoempfli, Conseillers nationaux, Koguiu et Sulzer, Conseillers aux Etats. Après une discussion approfondie, on décida de proposer au Conseil fédéral les mesures suivantes : , 1° Achat d'obligations fédérales.

, 2° Achat d'obligations cantonales.

3° Création d'un portefeuille dont l'administration serait confiée à deux banques suisses. Toutefois, on éleva diverses objections contre cette dernière mesure.

Abstraction faite de ce que le choix de ces deux établissements pouvait susciter des jalousies, on allégua le chiffre du crédit qui devrait 6tre garanti à ces établissements pour leurs opérations. En outre, les sommes à dépenser pour provisions, etc., alors même que l'on achèterait à un prix extrêmement bas, seraient toujours assez élevées, attendu qu'il devait s'agir d'un mouvement annuel de plusieurs millions.

Le Conseil fédéral adopta les propositions de la conférence, qui lui furent présentées par le Département des Finances, toutefois avec la modification que le portefeuille ne serait pas remis entre les mains de tiers et que les achats d'obligations pourraient également porter sur des entreprises de chemins de fer.

Ce mode de prêt, qui n'était, il est vrai, pas prévu dans la loi du 23 décembre 1851, mais qui était commandé par les circonstances, n'a jamais été attaqué par l'Assemblée fédérale, et le Conseil fédéral estime que l'état actuel des choses doit maintenant être régularisé par la révision de la loi. Il a l'honneur de vous présenter un projet sur la matière.

La loi du 23 décembre 1851 restreint le placement des fonds fédéraux à ceux qui excèdent la somme en numéraire qui, à teneur de l'art. 40 de la Constitution fédérale de 1848, doit rester en caisse. D'après cet article, il doit toujours y avoir en argent comptant, dans la Caisse fédérale, au moins le montant du double contingent d'argent des Cantons, pour subvenir aux dépenses militaires occasionnées par les levées de troupes fédérales.

Bien que cette disposition ou une disposition analogue n'ait pas été insérée dans la nouvelle Constitution fédérale, le Conseil fédéral' estime toutefois devoir faire quelque chose dans le sens de la prévoyance en cette matière ; c'est pourquoi il a admis, à l'ar-

1179 ticle 1er, une disposition d'après laquelle, outre les sommes nécessaires pour couvrir les dépenses courantes, il devra y avoir constamment en caisse un million de francs au moins, pour subvenir, cas échéant, aux premiers frais d'une mise sur pied de troupes.

Une question essentielle qui doit entrer en ligne de compte lorsqu'il s'agit d'une loi sur le placement des fonds et qui nécessite quelques explications, c'est celle de savoir de quelle manière et à quelles conditions les placements auront lieu. Nous avons estimé devoir prendre pour base, d'une manière générale, les règles suivantes : 1° La garantie donnée doit être à l'abri de tout doute, et cela dans le sens que l'on regardera plus à la solidité du placement qu'au taux de l'intérêt.

2° Les sommes prêtées devront pouvoir être retirées facilement, au fur et à mesure des besoins.

3° On devra se restreindre à l'achat des valeurs qui, d'après l'expérience, ne sont pas soumis à de grandes fluctuations.

La loi actuelle statue comme règle que tous les prêts doivent être assurés par une propriété foncière sur territoire suisse, et qu'à cet eifet les immeubles seront hypothéqués directement en faveur de la Confédération, ou qu'il sera donné en nantissement des titres de créance sur des immeubles. Ce n'est que dans le cas où l'occasion de faire des placements de ce genre ne se présente pas, que le Conseil fédéral est autorisé à placer aussi les fonds à intérêt ordinaire et à brefs délais pour le recouvrement contre d'autres nantissements sûrs ou dans des banques suisses dont les statuts et l'organisation offrent une complète sécurité.

Or, nous sommes d'avis qu'il y a lieu de tenir compte ici des circonstances dans lesquels se trouve actuellement le crédit et d'élargir le cercle des placements de fonds. En conséquence, et en prenant en considération les règles énoncées ci-dessus, nous vous proposons de permettre aussi le placement sur les obligations émises ou garanties par les Cantons ou par la Confédération, sur les dépôts dans celles des banques suisses dont les statuts et l'organisation offrent pleine et entière garantie et sur les billets de commerce sur des places suisses.

D'après cette proposition, on exclurait les obligations de chemins de fer, comme cela avait déjà eu lieu par l'arrêté fédéral du 30 juillet 1858 (VI. 57). On ne peut
nier, il est vrai, que les obligations de plusieurs Compagnies de chemins de fer sont suffisamment garanties; toutefois, le fait que ces valeurs sont soumises à de plus grandes fluctuations que les obligations d'Etat, et nbe

1180 la Confédération, lorsqu'elle a besoin d'espèces, ne peut pas attendre, pour aliéner ces valeurs, qu'elles aient de nouveau atteint uu cours normal, et que le remboursement des prêts faits par la Confédération et l'aliénation de ces valeurs peuvent coïncider avec le moment où les obligations des Compagnies de chemins de fer sont sujettes à des fluctuations de cours, nous a engagés à faire abstraction de ce mode de placement.

Cette exclusion est en outre motivée sur le fait que les obligations d'Etat garanties sont actuellement en quantité suffisante pour satisfaire à toute époque aux besoins de la Confédération à ce point de vue.

Pour prévenir toute appréhension au sujet de dépôts trop considérables dans une banque déterminée ou de placements trop élevés sur billets de commerce, le projet prévoit à l'art. 7 que la somme confiée à chaque établissement ne pourra dépasser fr. 500,000, et que le placement sur billets n'excédera pas non plus la somme totale d'un demi-million.

On trouvera peut-être surprenant qu'après Bavoir donné au Conseil fédéral le droit de désigner les banques autorisées à recevoir des dépôts d'argent, on laisse au Département des Finances la compétence de régler l'échange avec ces banques. Toutefois, il n'est guère possible de suivre un autre mode. En effet, il survient souvent subitement des besoins d'argent si considérables que l'administration se voit dans le cas de faire encaisser, d'un jour à l'autre, auprès d'une ou de plusieurs banques, des sommes plus ou moins importantes. Si l'on devait chaque fois en demander l'autorisation au Conseil fédéral, la marche des affaires serait dérangée et il en résulterait en outre une perte pour le fisc. Il en est absolument de même des fonds qui deviennent momentanément disponibles ; on s'en débarrasse volontiers, d'une part pour qu'ils portent intérêt et de l'autre pour n'avoir pas le souci de les garder. En un mot, il y a entre les banques et la Caisse fédérale un compte courant permanent, qui né peut être entre les mains du Conseil fédéral et doit au contraire être laissé à l'appréciation du Département des Finances.

Les mêmes motifs sont applicables, en matière de compétence, aux obligations et au portefeuille des billets ; il suffit que le Conseil fédéral reçoive chaque mois un rapport sur l'état de ces opérations.

Quant aux fonds spéciaux, ils se montaient à la fin de 1874 à la somme de fr. 4,220,743; ce sont les suivants: 1° Fonds des invalides.

2° Fonds Grenus des invalides.

1181 3° Ponds de l'Ecole polytechnique.

4° Fonds Châtelain.

5° Fonds Schoch de l'Ecole polytechnique.

6° Fonds Winkelried.

7° Fonds fédéral d'endiguement.

8° Fonds général d'endiguement.

Nous proposons que ces fonds ne puissent être placés qu'en titres garantis par hypothèque ou en obligations d'Etat, émises ou garanties par les Cantons ou par la Confédération.

A l'exception des fonds désignés par les chiffres 7 et 8 ci-dessus, ces placements auront vraisemblablement lieu pour un temps assez long, et il n'y aurait aucun motif pour les employer à des avances momentanées aux banques ou pour les faire rentrer dans le portefeuille.

Quant aux autres dispositions du projet, elles n'ont besoin d'aucune explication.

Nous vous recommandons, Monsieur le Président et Messieurs, l'adoption de ce projet, et nous saisissons cette occasion, pour vous renouveler l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 8 décembre 1875.

Au nom du Conseil fédéral suisse,.

Le Président de la Confédération:

SCHEEEE.

Le Chancelier de la Confédération: SCHIESS.

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Projet.

Loi fédérale concernant le placement des fonds de la Confédération.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la .

C O N F É D É R A T I O N SUISSE, vu le message du Conseil fédéral du 8 décembre 1875, décrète : er Art. 1 . Les capitaux et fonds appartenant à la Confédération, ainsi que les fonds spéciaux, doivent être placés de manière à porter intérêt.

Il devra toutefois y avoir constamment en caisse les sommes nécessaires pour couvrir les dépenses courantes, plus un million au moins pour subvenir, cas échéant, aux premiers frais d'une mise sur pied de troupes.

Art. 2. Le placement a lieu sous les formes suivantes : a. sur garantie hypothécaire, aux particuliers, aux corporations ou aux communes, toutefois seulement dans les Cantons dont la législation hypothécaire offre pleine et entière sécurité; ô. sur obligations émises ou garanties par les Cantons ou par la Confédération ; c. sur dépôts dans celles des banques suisses, dont les statuts et.

l'organisation offrent pleine et entière garantie; d. sur billets de commerce sur des places suisses, à échéance de 4 mois au plus et avec an moins deux signatures solides et connues.

La seconde signature peut être remplacée par un dépôt en nantissement.

Art. 3. Le placement des fonds spéciaux ne peut avoir lieu qu'en titres garantis par hypothèque ou en obligations d'Etat (article 2, lettre 6).

Art. 4. Le Conseil fédéral décide, sur la proposition du Département des Finances, si le placement doit être autorisé. Dans

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le cas où ce placement reposerait sur une garantie hypothécaire (article 2, lettre a), on observera les principes suivants: a. L'hypothèque doit, d'après l'estimation officielle, avoir approximativement une valeur double de cello du prêt.

6. Le gage ne devra, en règle générale, pas consister uniquement en immeubles bâtis, non accompagnés de fonds de terre.

Sont exceptés de cette disposition les bâtiments d'habitation dont la valeur peut, d'après les circonstances, être considérée comme durable.

c. Tous les bâtiments doivent être assurés par une Compagnie d'assurance suisse qui offre des garanties suffisantes aux créanciers.

d. La partie principale du gage ne doit pas consister en forêts, et en tout cas la valeur du terrain seul peut être mise en ligne de compte.

e. Les contrats d'emprunt doivent être dressés strictement selon les formes légales en vigueur dans le Canton respectif.

Art. 5. Les dispositions de l'art. 4 sont aussi applicables pour apprécier la valeur des titres de rente offerts en nantissement.

Art. 6. Les prêts hypothécaires ne peuvent être ni inférieurs à dix mille francs ni supérieurs à cinquante mille francs.

Art. 7. L'achat des obligations d'Etat et des billets de commerce a lieu par le Département des Finances, qui fera rapport chaque mois au Conseil fédéral sur les achats effectués et sur l'état du portefeuille en général.

L'état du portefeuille des billets, à un moment donné, ne doit dans la règle pas dépasser cinq cent mille francs.

Art. 8. Au commencement de chaque année, le Conseil fédéral décide quelles sont les banques suisses auprès desquelles le Département des Finances peut déposer temporairement, moyennant intérêt, les fonds disponibles, ainsi que le montant maximum de ces dépôts dans chaque banque.

Toutefois, ce montant ne pourra dépasser cinq cent mille francs pour chaque banque, et l'on devra prendre les mesures nécessaires pour que chaque banque, après un avertissement de dix jours, rembourse au moins cinquante mille francs par semaine.

Art. 9. La présente loi, pour l'exécution de laquelle le Conseil fédéral peut adopter un règlement d'exécution, abroge celle du 23 décembre 1851 concernant les emprunts faits sur les fonds fédéraux (III. 6).

Art. 10. Le Conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant la votation populaire sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loi et de fixer l'époque où elle entrera en vigueur.

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Message du

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant la prolongation de délai pour la ligne de la Broyé.

(Du 9 décembre 1875.)

Monsieur le Président et Messieurs, L'art. 4 de la concession accordée le 20 octobre / 17 novembre par le Canton de Fribourg pour le chemin de fer de la vallée de la Broyé porte que la Compagnie devra l'achever et le livrer à l'exploitation dans le délai de deux ans à partir du commencement des travaux ; quant aux travaux, ils devront être entrepris dans les deux mois qui suivent l'autorisation donnée par le Conseil d'Etat.

Cette autorisation a été demandée en février 1873 ; le Gouvernement du Canton de Fribourg a répondu le 22 de ce mois qu'il n'avait rien à objecter contre le commencement des travaux, mais qu'à teneur de la nouvelle loi sur les chemins de fer c'était au Conseil fédéral qu'il appartenait de prononcer dans cette affaire.

C'est dans le courant des mois de mars, avril et mai 1873 que l'on a mis la main aux terrassements sur divers points de la section fribourgeoise de la ligne.

En conséquence, le chemin de fer de la Broyé aurait dû être livré à l'exploitation déjà dans le courant du printemps dernier.

La concession vaudoise pour la ligne de la Broyé, datée du 28 août / 1er septembre 1869, ne fixe pas de délai pour l'achèvement; elle n'en prévoit un que pour le commencement des travaux.

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MESSAGE du Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale, concernant la révision de la loi relative aux emprunts faits sur les fonds fédéraux, du 23 décembre 1851. (Du 8 décembre 1875.)

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57

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24.12.1875

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