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Message du

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant le projet de loi sur le travail dans les fabriques.

(Du 6 décembre 1875.)

Monsieur le Président et Messieurs, Le premier alinéa de l'article 34 de la Constitution fédérale est conçu en ces termes : « La Confédération a le droit de statuer des prescriptions uniformes sur le travail des enfants dans les fabriques, sur la durée du travail qui pourra y être imposé aux adultes, ainsi que sur la protection à accorder aux ouvriers contre l'exercice des industries insalubres et dangereuses. » Le texte même de cet article nous dispense de présenter sur plusieurs points une justification étendue du projet de loi que nous avons l'honneur de vous soumettre.

L'article précité reconnaît qu'il est nécessaire de remédier à certaines circonstances fâcheuses qui se produisent aujourd'hui encore dans l'industrie et dont les ouvriers employés dans les fabriques ont à souffrir : il prévoit l'accomplissement de cette tâche au moyen des dispositions d'une loi; il donne enfin à la Confédération la compétence nécessaire pour émettre directement ces prescriptions législatives.

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Nous pouvons donc nous abstenir d'entrer dans une discussion générale de principe sur des questions que la Constitution fédérale a déjà tranchées k ce point de vue, comme aussi de réfuter des objections dirigées moins contre la loi elle-même qne contre la disposition constitutionnelle qui la prévoit.

Un doute a été émis, c'est qu'il existe actuellement dans nos fabriques un état de choses fâcheux qui puisse être l'objet de plaintes publiques et qui compromette le bien-être moral ou physique des ouvriers ; on confond trop aisément ce qui se passe dans les fabriques à l'étranger avec ce qui se pratique dans celles de notre pays : ce qui peut être vrai dans ce domaine en Allemagne, en France et en Angleterre, on le considère sans autre comme s'appliquant à nous également ; on confond le présent avec le passé, on parle et on juge comme si les circonstances étaient aujourd'hui dans nos fabriques telles qu'il y a 20 ans ; on est sous l'impression de plaintes qui ne partent pas de chez nous mais qui y ont été importées ; on se prépare enfin à prendre des mesures hasardées pour remédier à des maux imaginaires.

La manière de voir dont la Constitution fédérale est l'expression, celle qui seule doit servir de règle au législateur, diffère de ces appréciations, et c'est la loi elle-même qui fournira sur les points spéciaux la preuve que c'est bien d'inconvénients qui se produisent aujourd'hui dans les fabriques suisses qu'elle se préoccupe.

Partant d'un autre point de vue, on oppose encore à notre oeuvre ce principe : que la législation d'un Etat ne doit pas s'immiscer dans de pareilles questions. Il n'est pas bon que l'Etat veuille tout réglementer, jusqu'au travail et à la production, et tout trancher arbitrairement au moyen d'un paragraphe de loi. Celui qui entreprend en Suisse un établissement industriel ne réclame rien de l'Etat, si ce n'est, la protection que les lois accordent à chaque citoyen ; il ne demande ni une patente qui le protège contre la concurrence ni, comme les chemins de fer, le droit d'acquérir des immeubles par voie d'expropriation, ni des mesures législatives spéciales pour garantir sa propriété ; il ne demande en un mot à aucun égard un traitement exceptionnel, et dès lors on ne peut comprendre pourquoi l'Etat ferait de sa production l'objet de prescriptions législatives particulières
; on le comprend d'autant moins que le fait d'être employé dans une fabrique est absolument une question de libre arbitre, nul n'étant contraint à entrer dans la fabrique et chacun étant libre de la quitter.

L'intervention de l'Etat dans les conditions de l'ordre économique doit être repoussée ; ce domaine est régi par des lois qui lui

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sont propres et qui apportent un correctif naturel à tout écart, à tout inconvénient résultant de la liberté économique. On a vu l'industrie renoncer d'elle-même et sans aucune contrainte à plus d'un système qu'elle avait reconnu fâcheux. Une intervention arbitraire de la part de l'Etat dans les lois de l'ordre économique est non seulement inutile mais positivement nuisible ; ses expériences au sujet des prescriptions sur le prix des denrées, sur l'usure, etc., auraient dû l'en convaincre suffisamment dès longtemps. Au lieu de mettre en tutelle l'industrie, de la réglementer au moyen de dispositions législatives, l'Etat serait mieux dans son rôle et servirait d'une manière plus judicieuse l'intérêt général en laissant dans ce domaine le champ libre à la liberté individuelle.

Nous ne pouvons pas réfuter maintenant encore cette manière de voir qui s'est fait jour et a été entendue lors des débats relatifs à la disposition constitutionnelle qu'il s'agit aujourd'hui de mettre à exécution. Cette disposition veut que certaines conditions des fabriques suisses soient réglées par le législateur, et le seul point sur lequel le projet de loi ait à rendre compte dans cet ordre de faits, c'est qu'il ne porte pas l'intervention de l'Etat au delà des limités qui lui sont fixées par la Constitution.

On oppose enfin à l'établissement de dispositions législatives fédérales sur cette matière ce point de vue que les Cantons seraient mieux à môme que la Confédération de prendre des mesures appropriées à leurs circonstances particulières, qui sont compliquées et varient d'un Canton à l'autre. Une législation uniforme a, dit-on, ce grand inconvénient qu'elle empêche quelques Cantons qui, laissés libres, l'auraient fait peut-être sous peu, de prendre des mesures d'une certaine portée les ramenant tous au même niveau. A cette objection encore nous opposons le texte de la disposition constitutionnelle, qui veut des mesures uniformes pour le pays tout entier et qui charge la Confédération de statuer des prescriptions à cet effet.

Si nous avons pu répondre brièvement aux objections de principe faites à la promulgation d'une loi fédérale sur le travail dans les fabriques en mettant en avant les prescriptions parfaitement claires de la Constitution fédérale à cet égard, il n'en n'est pas ainsi sur un autre point : la question
de savoir s'il est nécessaire, s'il est convenable de s'occuper, dans les circonstances actuelles, d'édicter une loi qui en vertu de son but môme est d'une nature restrictive.

Ce n'est pas là une question purement platonique.

Nous avons sous les yeux une adresse au Conseil fédéral, signée par 272 industriels suisse.?, qui fait ressortir d'une part que l'arFeuille fédérale suisse. Année -TX VU. Vol. IV.

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ticle 34 doit être regardé comme un article de circonstance bieu plus que comme un article fondamental de la nouvelle Constitution et qui d'autre part insiste sérieusement sur la situation difficile dans laquelle se trouve actuellement notre industrie nationale. Le commerce et l'industrie sont dans un état de langueur dont la cause ne dépend point de nous.

Les grands Etats qui nous environnent cherchent par une augmentation des droits à fermer à notre industrie ses anciens débouchés pour donner plus d'élan à leur fabrication et grossir les recettes de leurs douanes. Les conditions avantageuses qui favorisaient notre industrie, les forces hydrauliques et lo taux modéré des salaires, ont perdu en partie l'importance qu'elles avaient autrefois, ou bien elles appartiennent, comme le taux modéré des salaires, au domaine des souvenirs. Comment notre industrie, qui ne travaille qu'avec de modestes bénéfices, pourra-t-elle se créer des débouchés dans d'autres pays, si elle se trouve dans des conditions plus défavorables que l'industrie de ces pays et si elle rencontre à la frontière des droits toujours plus élevés.

Les cercles ouvriers tiennent un langage différent. L'article 34 do la Constitution fédérale revêt à leurs yeux une importance capitale ; c'est pour eux un article fondamental au premier chef; ils en attendent l'exécution avec une impatience toujours croissante.

Certes ce serait commettre une grave erreur que de voir dans l'article 34 de la Constitution un article de circonstance seulement, l'expression d'un courant d'idées qui a passé déjà ou qui doit être passager, et comme il est à désirer que la question soit envisagée rte tous côtés sous son véritable jour, nous devons rappeler ici quelques faits. Dans plusieurs Cantons les fabriques ont été dès longtemps l'objet de mesures législatives ; 15 ans déjà avant l'enh'oe en vigueur de la Constitution actuelle, ces Cantons ont discuté île concert, en vue d'un concordat, la fixation uniforme de la durée d'une journée de travail dans les fabriques, et cela tant pour les enfants que pour les adultes; il y a 8 aus déjà, la question du travail des enfants dans les fabriques a, été soulevée au sein de l'Assamblée fédérale, et si elle n'a reçu alors aucune solution par voie législative, c'est que sous le régime de l'ancienne Constitution la compétence
pour édicter des dispositions législatives en cette matière n'appartenait pas à la Confédération ; le Cousuil fédéral a, lors dos débats relatifs à la révision, en 1871, appuyé par un message spécial l'introduction d'un article qui assurât cotte compétence à la Confédération ; la teneur de cet article dans le projet de 1871 impliquant, d'après les déclarations de son auteur, l'autorisation de régler les heures de travail dans l'intérêt de la nanté des ouvriers,

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il formulait par conséquent, quoique d'uno manière moins explicite, exactement les mêmes voeux que l'article correspondant de la Constitution actuelle.

Immédiatement après que le projet de Constitution eut été rejeté, les Cantons se sont de nouveau réunis, dans le but d'arriver par voie de concordat à la fixation uniforme des heures de travail de la journée. L'article 34 de la Constitution n'est donc point un article de circonstance, il est au contraire le résultat final, mûrement préparé, de toute une série de discussions et d'efforts.

Puisqu'il en est ainsi, la loi que cet article appelle à la vie et à laquelle il prépare le chemin, ne doit pas se faire attendre.

De grands et sérieux intérêts sont en jeu pour le pays. Il importe de protéger la vie et la santé des femmes et des enfants, en imposant certaines conditions à leur travail dans les fabriques.

Il importe de chercher sans retard à diminuer le préjudice qui résulte, pour des milliers d'ouvriers travaillant dans les fabriques, d'une organisation défectueuse, d'une exploitation qui ne sait pas toujours se maintenir dans de justes limites.

Il faut veiller à ce que la durée du travail dans la fabrique ne dépasse pas les bornes au delà desquelles elle se trouve en contradiction avec les lois de l'existence physique, à ce qu'elle laisse à l'ouvrier la possibilité de remplir les devoirs généraux et les obligations qui lui incombent comme homme et comme citoyen.

Il faut en quelque mesure opposer une digue à ce torrent t'ertilisatcur, mais parfois aussi dévastateur de l'industrie manufacturière; il faut, sans entraver le développement de l'industrie et les bienfaits dont elle est la source, remédier aux préjudices et aux dangers que causent en Suisse, comme partout ailleurs, les conditions de l'exploitation industrielle de notre époque.

Ce but ne peut être atteint que par voie de restrictions. Or on ne peut.nier que ces restrictions n'atteignent la base môme sur laquelle repose la production de beaucoup d'entreprises industrielles de notre pays, notamment de celles où l'on a recours dans une lar;;-e mesure au travail des femmes et des enfants et de celles qui, relativement à la réduction des heures de travail en général, étaient rostéus en arrière des autres. Elles seront très-sensibles, et pendant un u période do transition tout au moins
la production s'en ressentir;!.

Nous ne pouvons doue être surpris que les préliminaires de l'exécution de l'article 34 de la Constitution fédérale et le projet de loi que nous vous soumettons aient été accueillis avec peu du laveur par les fabricants. Tel a toujours été le sort de 'lois analogne.i partout ailleurs; tel devait aussi être le sort de notre loi.

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Partout on s'est opposé à l'immixtion du législateur dans ce domaine ; partout l'industrie a cherché à se défendre contre les restrictions ayant trait au travail des femmes et des enfants et à la durée àe la journée de travail ; partout et en tout temps les mêmes craintes se sont manifestées, et l'on a toujours prophétisé de la manière la plus positive la ruine de l'industrie affaiblie par ces.

empiétements dans sa concurrence avec l'étranger. Mais partout aussi l'expérience a prouvé que ces craintes n'étaient pas fondées, elle a démontré qu'assurer aux enfants un développement normal et une meilleure éducation, favoriser la vie de famille, ménager les forces des travailleurs, c'est donner à l'industrie un nouvel élan, augmenter ses forces productives, et non point les diminuer.

Que l'on n'aille pas de là, cela va sans dire, conclure que le législateur puisse en toute tranquillité d'âme imposer à l'industrie une restriction quelconque, même de celles qui ont la plus graude portée, parce que cette restriction servirait un des buts dont nous avons parlé. Nous ne pouvons nous prévaloir d'expériences faites quant au résultat de modifications sensibles, introduites sans transition dans les conditions de la production industrielle, car nous ne connaissons aucun pays dont la législation ait procédé de la sorte ; nous pouvons en revanche avoir cette confiance que des réformes modérées, ayant en vue la santé physique et intellectuelle des ouvriers et tendant à augmenter leurs forces, auront un effet bienfaisant et heureux sur l'industrie, dussent-elles mêmes y produire une perturbation .momentanée.

Le moment actuel est-il bien choisi pour doter l'industrie suisse d'une loi sur les fabriques ? Nous n'osons pas contredire les industriels suisses dans ce qu'avance leur adresse sur les difficultés du moment présent et les sombres perspectives de l'avenir.

Nous ne voulons pas affaiblir leurs assertions en leur faisant remarquer que les mêmes plaintes se font entendre dans les pays avoisinants et parviennent jusqu'à nous en s'accentuant toujours plus.

Toutefois, lorsqu'il s'agit d'une loi qui n'est pas destinée seulement au moment actuel, mais dont les effets doivent se-faire sentir aux générations futures, la considération du plus ou moins d'opportunité ne peut être décisive. Et lorsqu'il s'agit de devoirs
pareils à ceux qui nous incombent vis-à-vis des enfants et des mères qui travaillent dans- les fabriques, nous ne pouvons nous arrêter à nous demander si plus tard peut-être l'accomplissement pourrait s'en faire plus aisément et avec moins de sacrifices. Ce ne serait pas non plus se placer à un point de vue équitable que d'écouter les patrons seuls sur la question de l'óp-

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portunité et de l'urgence de la loi ; voulût-on même le faire, ne pourrait-on pas se demander si des restrictions et des modifications comme celles auxquelles vise la loi, ne peuvent pas être effectuées plus facilement pendant une période d'atonie qu'au moment ou l'industrie est en pleine prospérité et où le travail est le plus intense ?

Il n'existait donc pas, comme nous venons de le démontrer, de motifs suffisants pour différer la mise à exécution de l'article 34 de la Constitution, mais il .fallait examiner avec un soin d'autant plus grand quelles sont les dispositions propres à être introduites dans la loi.

Les données fournies par les Cantons sur l'état de choses actuel, l'expression de désirs relativement aux mesures à prendre, ont permis de se rendre compte, d'une 'part des dispositions en vigueur dans les différents Cantons relativement aux questions qui se rattachent aux fabriques, d'autre part des manières diverses dont ou peut envisager le but que se propose la loi.

A ces données fournies par les Gouvernements cantonaux sont joints un certain nombre de rapports basés sur un questionnaire rédigé par le Département des Chemins de fer et du Commerce et répandu par lui dans tous les cercles où l'on pouvait s'attendre à trouver quelque connaissance des questions ayant trait aux fabriques et un intérêt particulier à voir une loi intervenir en cette matière.

Saisissant l'occasion qui leur était offerte, le Comité centrai de la Société du Griitli, la Commission industrielle de Zurich, le Comité de l'Union suisse du commerce et de l'industrie, la Société commerciale de Zurich, la Société de la Bourse de Glaris, la Société des filateurs de soie de Zurich, le Directoire commercial de St-Gall, la Commission du commerce de Glaris, la Commission iadustrielle d'Appenzell, la Direction de police d'Argovie, l'Inspectorat des fabriques de Bàie-Ville, l'Union commerciale et industrielle du district de Zofingue, l'Association commerciale et industrielle genevoise, les papeteries suisses, l'Association ouvrière, l'Association politique ouvrière nationale à Genève, l'Union suisse des propriétaires de chaudières à vapeur, les ouvriers des fabriques du Canton de Zoug, la Société démocratique de Moutier, l'Union ouvrière suisse, l'Association cantonale ouvrière de Glaris, l'Association des imprimeurs suisses,
les pasteurs de Prutigen et de Kandergrund, 161 industriels de la Suisse centrale et orientale, 57 industriels de la Suisse centrale ont communiqué leurs vues et leurs désirs. Quelques particuliers au courant de ces questions et s'y intéressant spécialement, MM. Eod. Kunz, à Netstall, Ernest Weber, à Baie, Pierre Schneider, à Baden, Jos.-H. Frey, à Baie, etc., ont aussi émis leur opinion.

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Eu dehors de ces rapports récents, on a profité des matériaux de l'enquête ouverte sur le travail des enfants dans les fabriques suisses, sur une décision de l'Assemblée fédérale (24 juillet 1868), et du rapport détaillé fourni en 1869, sur le résultat de cette enquête, par le Bureau fédéral de statistique ; les deux volumes du remarquable ouvrage que la Commission générale suisse pour l'exposition de Vienne avait chargé M. le D r Böhmert de rédiger sur la position des ouvriers et l'organisation des fabriques en Suisse, enfin plusieurs rapports imprimés, des inspecteurs de fabriques cantonaux (par exemple le rapport de 1869 sur les fabriques de Thurgovie), travaux d'une grande valeur, ont été également consultés.

Enfin, à ces nombreux matériaux fournis par notre pays sont venus s'ajouter les travaux qui ont paru à l'étranger sur ces sujets, la législation des fabriques anglaise, française et allemande et les ouvrages qui s'y rattachent.

Ainsi au courant de la question, le Département fédéral des Chemins de fer et du Commerce, à la tête duquel se trouvait alors M. le Conseiller fédéral Scherer, a élaboré un premier projet de loi, par lequel les dispositions de l'article 34 de la Constitution doivent être mises à exécution ; puis il a convoqué, pour le discuter, une Commission composée de quelques fabricants, de représentants des ouvriers, de deux médecins et de plusieurs membres de corps administratifs. Ces experts ont pris connaissance du dossier, puis discuté le projet en premier débat, sous la direction du Département, dans le courant, d'avril dernier: Le résultat do ces délibérations une fois porté à la connaissance du public et transmis directement à l'union suisse du commerce et de l'industrie, aux principales associations ouvrières et à la Société médicale suisse, la presse a commencé à s'occuper activement de cette question ; les associations dont nous avons parlé plus haut ont discuté à leur tour le projet et fait connaître au Département leurs appréciations ; enfin l'Union industrielle et commerciale a rédigé un projet de loi complet avec un exposé des motifs à l'appui, et les ouvriers et patrons réunis de Hérisau en ont fait autant. C'est alors aussi qu'une nouvelle adresse, appuyée par 272 industriels, est parvenue au Conseil fédéral. Ce document critique et attaque, parfois avec assez
de violence, le projet émané de la Commission et la marche suivie par le Département dans l'élaboration de la loi; l'Union suisse du commerce et de l'industrie a transmis également au Conseil fédéral des propositions tendant en première ligne à ce qu'il ne soit pas entré en matière sur le projet de loi et demandant que l'on procède à une enquête préalable étendue.

Les adresses de l'Union des typographes, de l'Assemblée des sections du cercle de Bienne de la Société du Grütli et de l'Union

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populaire de Lenzbourg sont, quant aux points essentiels, favorables au projet, tandis que le Comité de l'Union ouvrière suisse renouvelle et confirme ses demandes antérieures. Un mémoire de la Société des Directeurs d'usines à gaz, puis des Directeurs de verreries suisses font enfin particulièrement ressortir les exigences de leur industrie respective, se plaçant uniquement au point de vue des conditions spéciales dans lesquelles s'effectue leur exploitation.

Ces différents documents ayant été communiqués à la Commission, cette dernière a procédé à une nouvelle discussion du projet.

En plusieurs séances, elle a étudié ces données venues de divers côtés et rédigé un projet dans lequel elle adhère en tout ou en partie à un certain nombre des dispositions proposées par l'Union suisse du commerce et de l'industrie, maintenant en revanche, quant aux points les plus importants, la fixation de l'âge exigé pour l'admission d'enfants dans les fabriques, la détermination de la durée du travail des mineurs à divers âges, ainsi que celle des adultes en général, ses décisions primitives, qui diffèrent également des propositions de l'Union commerciale et industrielle et de celles qu'avait formulées l'Union ouvrière.

Ainsi modifié, le projet nous a été soumis par notre Département des Chemins de fer et du Commerce, qui L'accompagnait de ses propositions ; il ne nous a pas paru nécessaire de renvoyer co projet pour qu'il fût procédé à nue nouvelle enquête préalable sur les divers points qu'il touche.

Lorsqu'un Etat veut intervenir comme législateur dans des questions compliquées auxquelles se rattachent de graves intérêts, il lui importe, de reconnaître auparavant le terrain sur lequel il vent se lancer et de répandre le plus de lumière possible sur le champ de ses opérations législatives.

On comprend dès lors aisément que l'Angleterre et d'autres pays aient, avant d'édicter des dispositions concernant les fabriques, procédé à une enquête aussi complète que possible, afin de constater d'une manière positive les abus, de justifier l'immixtion du législateur et de déterminer, en recherchant la cause du mal, les points sur lesquels devait spécialement porter la loi.

Quant à nous, au moment de statuer des prescriptions concernant le travail dans les fabriques, nous ne sommes pas dans une semblable position. Nous
abordons un terrain qui n'est point inconnu, quand bien même la législation fédérale y fait ses premiers pas. Depuis fort longtemps les Cantons de la Suisse où l'industrie manufacturière a quelque importance se sont occupés des questions et des rapports sur lesquels la Confédération est appelée à légiférer. Le contrôle exercé par l'Etat sur le travail dans les fa-

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briques, les restrictions apportées par la loi à l'emploi des enfants, au point de vue de leur admission comme à celui du nombre d'heures de travail qu'ils peuvent fournir, les mesures à prendre pour qu'ils reçoivent l'instruction nécessaire, les précautions exigées des établissements industriels pour sauvegarder la vie des ouvriers et protéger leur santé, le contrôle des règlements de fabrique, les restrictions imposées par la loi au travail supplémentaire et au travail de nuit, la protection accordée aux femmes, ce sont là des questions qui ont déjà été étudiées dans les centres industriels de notre pays, et même en fixant le maximum du travail régulier d'une journée nous ne faisons rien qui n'ait été dès longtemps fait par los Cantons essentiellement industriels.

Les mesures législatives cantonales qui, remontant en partie aux dix premières années de notre siècle, ont traversé bien des phases diverses ; les expériences faites dans ce domaine, les recherches et les discussions qui s'y sont rattachées, ont fourni un ensemble de matériaux plus riche que n'a pu le faire l'enquête, quelque consciencieuse qu'elle pût être, qui en Angleterre, en Allemagne et en France a servi de base aux nouvelles dispositions législatives sur cette matière.

Si à ces matériaux on ajoute ceux qu'ont fournis les rapports de tous les Cantons, de tous les cercles intéressés-, les données qui, inspirées par les points de vue les plus divers, sont venues de tous côtés éclairer les questions qu'il s'agissait de traiter, il faudra bien reconnaître que le travail préparatoire nécessaire et désirable a fait défaut moins qu'à tout autre au projet de loi que nous vous présentons.

Ce projet a trait exclusivement aux conditions du travail dans les fabriques ; il s'applique aux fabricants et aux ouvriers des fabriques seulement. C'est là, dit-on, créer un traitement exceptionnel en faveur de classes isolées de citoyens, et l'on s'élève contre cette prétention. On fait ressortir que les autres branches du travail ne sont nullement exemptes des inconvénients qui se produisent dans les fabriques. Les cas de mort ou les lésions ne sont pas moins fréquents dans d'autres .entreprises et dans les exploitations rurales que dans les fabriques ; on a recours, aussi pour les métiers ordinaires, au travail des enfants et des femmes ; et ce
travail-là s'effectue fréquemment dans des conditions plus défavorables que celui de la fabrique ; la situation des ouvriers est souvent plus critique hors de la fabrique que dans la fabrique; c'est, enfin, un procédé peu démocratique que d'établir une législation spéciale pour les ouvriers des fabriques, de former par là une classe de citoyens qui se trouve privilégiée vis-à-vis du reste des travailleurs, etc., etc.

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Nous rópoiidrons brièvement à ces objections en citant un passage d'un rapport cantonal sur les dispositions relatives aux fabriques : « Le mobile principal qui doit provoquer une intervention spéciale de l'Etat dans le domaine de l'activité industrielle, est bien ce fait que le travailleur se trouve dans l'industrie en présence de deux forces qui sont de telle nature qu'il ne peut leur résister à lui seul ; l'une est la force mécanique et technique avec les dangers dont elle est l'origine et l'organisation qu'elle entraîne dans les fabriques ; l'autre, la puissance du capital. Ces deux forces réunies sont si redoutables que c'est en combinant leurs efforts seulement que les individus isolés peuvent éviter de se voir écrasés par l'une ou exploités par l'autre. » Du reste, le projet de loi basé sur une disposition constitutionnelle ne s'écarte pas des limites fixées par cette disposition, qui fait mention du travail des enfants et des adultes dans les fabriques seulement, et n'étend pas au delà de ce domaine la compétence qu'il accorde en cette matière à la Confédération.

Notre projet de loi ne s'occupe nullement de toutes les questions ayant trait aux ouvriers des fabriques, il restreint son action à quelques-unes d'entre elles, prenant pour point de départ les termes précis de l'article de la Constitution. Nous prenons volontiers acte de la déclaration que renferme à cet égard l'adresse des 272 industriels, qui rend au projet ce témoignage qu'il s'en tient strictement à l'exécution de l'article 34 de la Constitution, à une seule exception .près : les dispositions de son article 3.

En effet, soit lors de l'élaboration du projet, soit au milieu des différentes phases par lesquelles il a passé au moment de la discussion, on s'est toujours préoccupé de ne pas sortir du cadre tracé au législateur.

C'est pour cela que toutes les dispositions visant au bien-être économique des ouvriers et celles qui ont trait à leur développement moral ont été laissées de côté, malgré leur connexion avec le sujet; c'est pour cela également que la loi s'est abstenue de parler de tout ce qui se rapporte à l'assurance, à la création et à l'administration de caisses de secours, et qu'elle n'intervient point, sauf par une disposition générale relative à la paie des ouvriers, dans les questions qui se rattachent au salaire
et à sa détermination.

Toutes ces questions ont été renvoyées, pour autant qu'elles* rentrent dans la compétence du législateur, aux législations cantonales, qui ont déjà mis en vigueur des prescriptions sur plusieurs des points que nous venons d'énumérer.

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Le projet ne fait, du reste, pas intervenir la Confédération d'une manière si directe, dans le domaine dont il s'occupe, qu'elle doive se mettre en lieu et place des Cantons au point de vue administratif. Bien au contraire, le système qu'il adopte pour les rapports entre la Confédération et les Cantons est identique à celui qui a été admis dans d'autres cas où la législation fédérale intervient, par exemple pour les lois concernant les poids et mesures, les épizooties et d'autres encore.

La Confédération édicté des prescriptions qui ont force de loi dans tous les Cantons, puis elle remet aux autorités cantonales le soin de les faire exécuter, se réservant toutefois une surveillance qui implique le droit d'émettre sur tel ou tel point les dispositions qui pourraient être nécessaires pour assurer l'exécution uniforme de la loi.

Nous faisons ressortir particulièrement le devoir qui résulte de cette dernière réserve, parce que -- l'expérience de tous les pays où la législation s'occupe des fabriques l'a démontré -- l'uniformité dans l'exécution de la loi est précisément dans ce domaine d'une importance toute particulière.

L'économie de notre projet de loi est très-simple.

Dans le titre I, après avoir déterminé le champ d'action du législateur, il établit des dispositions générales sur les conditions que doivent remplir les fabriques au point de vue de leur construction comme à celui de la salubrité, sur la responsabilité en cas de mort ou de lésions corporelles, les règlements de fabrique, l'avertissement en cas de résiliation du contrat intervenu entre patron et ouvrier, le paiement du salaire, la durée de la journée normale de travail, le travail de nuit, ainsi que le travail du dimanche et des jours de fête. Le titre II renferme des prescriptions relatives au travail des femmes dans les fabriques. Le titre III statue des prescriptions ayant trait au travail des enfants. Enfin, le titre IV renferme les dispositions exécutoires et pénales.

Si l'on établit une comparaison entre notre projet et les lois et prescriptions qui régissent la matière dans les différents Cantons -- nous devons nous borner à renvoyer, quant à ces dispositions cantonales, au relevé que renferme le premier volume de Bohmert, bien qu'il ne soit pas tout à fait complet, et à l'aperçu qui se trouve au dossier -- on peut se
convaincre que ce projet est uniquement un travail d'unification portant, si l'on en excepte ses dispositions relatives à la responsabilité, sur les prescriptions principales des lois cantonales.

Nous croyons cependant devoir faire remarquer à co sujet que la fixation du maximum de la journée normale de travail pour les

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adultes, bien que n'étant pas entièrement une innovation, se trouve dans la législation de deux Cantons seulement, et que notre projet apporte des restrictions au travail des mineurs en le réduisant.

C'est précisément sur ces deux points que portent surtout les attaques dirigées de différents côtés contre notre projet.

Après ces remarques préalables, nous prenons la liberté d'ajouter quelques mots sur les différents articles du projet pris séparément, en nous bornant toutefois ' aux explications qui nous paraîtront nécessaires pour leur juste appréciation.

Art. 1er. Cet article énonce les caractères qui serviront à déterminer si un établissement industriel doit être considéré comme fabrique et tomber sous le coup des dispositions de la loi. La définition qui est donnée sur ce point est celle qu'adoptent la plupart des lois relatives aux fabriques, en vigueur jusqu'ici dans les Cantons ; combinée avec une disposition dans le sens du paragraphe second du projet, elle a été reconnue suffisante pour la pratique. Ces définitions données par les lois cantonales ne diffèrent entre elles que sur un point, le nombre des ouvriers.

Argovie dit : « plus de 10 ouvriers » ; Schaffhouse, Baie-Ville, Baie-Campagne, Zurich (projet d'une loi industrielle) : « un nombre assez considérable d'ouvriers » ; St-Gall (projet de loi sur la police des fabriques) : « plusieurs ouvriers » ; Glaris : « des ouvriers ».

Dans notre projet, nous proposons de dire : « un nombre plus ou moins considérable d'ouvriers». Les différentes conditions énumérées dans le 1er alinéa, celle du nombre des ouvriers et les autres, résument les caractères des établissements que l'on désigne généralement sous le nom de fabriques; toutefois, les limites ne sont pas tranchées d'une manière si positive qu'il ne puisse jamais s'élever un doute sur la question de savoir si un établissement industriel doit être ou non rangé dans la catégorie des fabriques.

C'est là un cas exceptionnel, ot alors les autorités administratives auront à se prononcer sur cette question, qui sera tranchée en dernière instance par le Conseil fédéral, chargé de veiller à l'application uniforme de la loi dans les Cantons.

L'Union suisse du commerce et de l'industrie fait ressortir qu'un grand nombre des inconvénients auxquels la loi est appelée à remédier, peuvent se produire
aussi, et cela peut-être dans uni.» plus large mesure, dans les établissements industriels dont l'exploitation s'effectue eu plein air; elle voudrait, à cause de cela, qu'il ne fût pas fait mention spéciale, dans la définition des fabriques, de « locaux fermés ». On pourrait aussi bien alors, et par le même motif, faire abstraction de cette condition du travail des ouvriers exécuté « hors de leur domicile » ; car c'est un fait reconnu que

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l'industrie exercée à domicile est d'une exploitation plus préjudiciable souvent à la santé des enfants et des adultes, que celle qui s'exerce dans les établissements que nous appelons des fabriques.

Mais, aux ternies de la Constitution, nous avons à nous préoccuper uniquement du travail dans les fabriques, et nous ne pouvons consentir à rendre notre définition plus large en vue d'obvier à des inconvénients qui se présentent hors de ces établissements, ce que nous ferions en retranchant cette condition des « locaux fermés. » Art. 2. Le 1er alinéa énumère les exigences auxquelles ont à satisfaire d'une manière générale les fabriques, soit relativement aux ateliers, soit relativement aux machines et aux engins, afin que la vie et la santé des ouvriers ne se trouvent pas compromises.

Le second alinéa précise ces exigences en tant qu'elles ont trait aux ateliers, réclamant pour les ouvriers une quantité suffisante de lumière et d'air pur. Le troisième paragraphe enfin les précise relativement aux machines, en prescrivant des mesures en vue de protéger les ouvriers d'une manière suffisante contre les dangers qu'elles présentent.

L'expression «en aucune manière», alinéa 1, ne porte pas sur la mesure du danger, mais sur la forme sous laquelle peut se présenter ce danger et à laquelle les deux alinéas suivants font allusion. Il n'y a pas davantage contradiction avec l'alinéa 3, où il est parlé de danger continuel, puisqu'il est prescrit de renfermer les parties de machines qui occasionneraient, si l'on ne prenait des mesures de sûreté, un, danger continuel, ou de provenir le mieux' possible par quelque autre moyen leur action dangerexise.

Pour de plus amples éclaircissements à ce sujet, nous citerons ici quelques-unes des prescriptions de l'ordonnance rendue le 3 septembre 1856, par le Canton de Baie-Ville, relativement à la surveillance des machines et des appareils de transmission.

Il y est dit à l'art. 4 : « Tous les appareils de transmission et leurs différentes parties, telles que roues, courroies, arbres, etc., seront, si leur position et leur disposition n'excluent pas à l'ordinaire tout danger, entourés de couvercles, grillages ou mains courantes jusqu'à 5 pieds de hauteur, afin que l'ouvrier ne se trouve pas en contact immédiat avec eux.

«Toutes les machines qui fonctionnent d'une manière
indépendante doivent être placées et montées de manière à ce que l'ouvrier appelé à y travailler soit le moins possible exposé au danger.

Les roues dentées et les volants seront renfermés, pour autant qu'il sera nécessaire, les courroies et les arbres seront placés à dis-

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tance de la machine, ou séparés de la main de l'ouvrier par des leviers ou par des mains courantes.

« On donnera à l'ouvrier la plus grande quantité possible d'air et de lumière.

« L'expert technique (chargé de l'inspection) fera toujours ressortir combien il serait désirable et convenable que dans chaque atelier d'une certaine grandeur on applique au point de départ du mouvement, c'est-à-dire au centre de transmission, un système qui permette d'arrêter immédiatement, au cri d'alarme d'un ouvrier, tout le mouvement. Il sera au contraire obligatoire de munir d'un appareil d'arrêt chaque machine isolée. » Une disposition analogue se trouve dans l'Acte du Parlement anglais « pour l'amélioration des lois relatives au travail dans les fabriques», daté du 6 juin 1844: « Tout volant en relation directe avec une machine à vapeur, une roue hydraulique, ou telle autre force motrice, qu'elle soit ou non placée dans la salle du moteur, toute pièce d'une machine à vapeur ou d'une roue hydraulique et tout élévateur auprès duquel des enfants ou des jeunes gens doivent passer ou travailler, toutes les parties des courroies de transmission d'une fabrique, doivent être renfermées d'une manière sûre ; et chaque support, qui n'est pas autrement préservé, doit être muni d'un couvercle exactement ajusté.

Ces appareils de sûreté ne doivent être enlevés d'aucune partie des machines, pendant que les parties renfermées se trouvent en mouvement par transmission de force de la vapeur, de l'eau ou de quelque autre moteur mécanique dans un but de fabrication. » Art. 3. C'est une conséquence naturelle des dispositions de l'article 2, que, lorsqu'il se présente dans des fabriques des inconvénients assez graves pour que la santé et la vie des ouvriers soient évidemment compromises, l'autorité ait le droit et le devoir d'exiger que le propriétaire de fabrique y remédie et introduise les améliorations nécessaires.

Cette invitation est adressée en Angleterre par l'inspecteur au propriétaire de fabrique dans la forme suivante : « Je vous préviens que les parties ci-après dénommées des machines de votre fabrique (suit l'énumération) m'ont paru dangereuses et de nature à compromettre selon toute probabilité la vie ou la santé des ouvriers que vous occupez ; et qu'à mon avis elles devraient toutes être sans délai soigneusement et
sûrement renfermées. Je vous préviens en outre, qu'aux termes de la loi promulguée en la ... année du règne de S. M., et qui est intitulée (suit le titre de la loi), si, après avoir pris connaissance de cet

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avis, vous négligiez de renfermer les parties de machines mentionnées ci-dessus, ou si vous différiez l'exécution de cette mesure, et s'il en résultait un accident, vous seriez passible d'une amende de 100 £ et en outre responsable des dommages, frais et dépens auxquels vous seriez condamné sur une plainte portée contre vous devant le juge, soit par la partie lésée elle-même, soit par une personne agissant en son nom.

En comparant ce formulaire avec les prescriptions de notre projet, on voit que les conditions auxquelles on peut actionner le fabricant à cause d'inconvénients existant dans son établissement sont plus limitées de beaucoup en Suisse qu'en Angleterre. Nous remarquons que les industriels suisses n'ont point présenté d'objection contre ces dispositions.

Il en est autrement pour les deux premiers alinéas do l'article 3. L'Union commerciale et industrielle déclare dans son adresse être d'accord sur les points essentiels avec les exigences qui y sont énoncées, en ne les considérant toutefois que comme des prescriptions relatives à la police sanitaire et à celle des constructions, lesquelles ne sont pus à leur place dans une loi fédérale sur le travail dans les fabriques. Nous avons peine à comprendre cette objection, puisqu'il s'agit d'une loi fédérale ayant en vue de protéger la santé et la vie des ouvriers, et que, l'article 2 le démontre déjà, les conditions dans lesquelles est construit le bâtiment de la fabrique ont une grande importance à cet égard.

La question qui se pose est celle-ci : Est-il raisonnable de ne rien faire pour empêcher les inconvénients de se produire, puis, une fois qu'ils se sont manifestés, d'imposer au propriétaire de la fabrique qui n'a pas eu l'occasion d'apprendre à connaître les vues de l'autorité chargée du contrôle, l'obligation d'y porter remùde.

Un passage d'une circulaire du 7 avril 1874 du Ministèro prussien du commerce, de l'industrie et des travaux publics aux administrations provinciales démontrera qu'on est ailleurs d'une opinion toute différente. Les exigences auxquelles, d'après le § 107 des règlements industriels, les ateliers doivent satisfaire soit au point de vue de la salubrité, soit à celui de la sécurité, peuvent aussi être appliquées au moyen d'ordonnances générales ou de dispositions spéciales aux établissements industriels déjà
existants. La mise à exécution de ces prescriptions viendra toutefois souvent échouer, surtout pour ce qui a trait aux inconvénients résultant d'une construction défectueuse, contre les sacrifices disproportionnés qu'elle imposera aux entrepreneurs. Il est donc important de veiller à ce que, dès les premiers travaux d'établissement de chaque

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fabrique, on tienne suffisamment compte, spécialement dans la construction, des mesures à prendre en vue de la santé et de la vie des ouvriers.

Un des objets les plus importants du contrôle et de l'inspection des fabriques est par exemple la position de la chaudière à vapeur. Serait-il convenable de laisser bâtir et organiser une fabrique pour s'apercevoir ensuite, lors de la première inspection, que la position de la chaudière à vapeur met évidemment en danger tous les ouvriers, et prescrire alors, comme c'est le cas à Baie-Ville, « qu'il est interdit de placer une chaudière dont lu, superficie exposée au feu dopasse 50 pieds carrés dans les locaux occupés pai' les ouvriers,» ou bien, comme le prescrit un article du môme règlement, dire «que l'on ne peut établir, dans des locaux occupés par des ouvriers, une chaudière dont la superficie exposée au feu dépasse 50 pieds carrés que dans le cas où ces locaux se trouvent dans des .bâtiments isolés et offrant d'assez vastes proportions».

C'est uniquement le désir d'atteindre' le but que poursuit la loi et la préoccupation fondée de tenir compte des circonstances des fabricants qui nous ont engagés à faire précéder le troisième alinéa do deux autres alinéas ayant trait aux fabriques qui entrent dans la période d'établissement. Il ne peut résulter de ces mesures aucune atteinte à la liberté de l'industrie, puisqu'il s'agit uniquement de veiller à ce qu'on puisse prévenir à temps une organisation préjudiciable à la santé ou qui pourrait mettre la vie en péril.

Il est possible que dans la suite, en vue d'une conception et d'une exécution uniformes des dispositions prévues à l'article 3, la convenance et la nécessité de statuer des prescriptions générales sur tel ou tel point se fasse sentir; ce pourrait ótre le cas par exemple pour les exigences auxquelles doivent satisfaire les fabriques ordinaires, pour les mesures spéciales à observer dans les établissements dont la nature entraîne des dangers particuliers pour la vie et la santé des ouvriers, tels que les fabriques de dynamite, d'allumettes, certaines fabriques do produits'chimiques, etc.

Le dernier alinéa, pourvoit a ce qu'il puisse être satisfait à cette nécfssité, si elle venait à se présenter, eu autorisant le Conseil fédéral à édicter des prescriptions générales clans le sens de la loi.
Article 4. Cet article est relatif à la responsabilité. Nous ferons remarquer que pour le premier alinéa, qui établit le principe et les conditions de la responsabilité, nous avons adopté, à mio légère modification près, la rédaction qui avait été proposée par l'Union suisse du commerce et de l'industrie et soutenue par les 272 industriels.

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Nous citerons ici, afin de faciliter la comparaison, l'article 2 de la loi fédérale sur la responsabilité des entreprises de chemins de fer et de bateaux à vapeur en cas d'accidents entraînant mort d'homme ou lésion corporelle : « Toute entreprise de chemins de fer ou de bateaux à vapeur est responsable pour le dommage résultant des accidents survenus dans l'exploitation et qui ont entraîné mort d'homme ou lésion corporelle, à moins que l'entreprise ne prouve que l'accident est dû, soit à une force majeure, soit à la négligence ou à la faute des voyageurs ou d'autres personnes non employées pour le transport, sans qu'il y ait eu faute imputable à l'entreprise, ou enfin que l'accident a été causé par la faute de celui-là même qui a été tué ou blessé. » La modification principale qu'a subie cette disposition a pour effet de rendre la responsabilité du fabricant moins grande que celle des Compagnies de chemins de fer et consiste dans le remplacement des mots «dans l'exploitation» par ceux-ci: «par l'exploitation».

Il résulte de ces termes que, dans le cas où la mort ou les blessures d'un ouvrier proviennent d'une autre cause que de l'exploitation de la fabrique elle-même, la responsabilité du fabricant est dégagée dès l'abord. Pour que ce dernier soit responsable, il faut que l'accident entraînant mort d'homme ou lésion corporelle ait eu lieu dans la fabrique (suivant le sens le plus large de ce terme, cela va sans dire), pendant l'exploitation, et que la cause qui l'a produit soit inhérente à l'exploitation elle-même. Dans ce cas, le fabricant est responsable pour le dommage qui en résulte, à moins qu'il ne puisse établir que l'accident doit être attribué à la faute de la victime elle-même.

Le fabricant ne peut dégager sa responsabilité vis-à-vis de la partie lésée ou des ayants droit du défunt en alléguant son ignorance des conditions défectueuses dans lesquelles se trouvait la machine ou la chaudière, en rejetant la faute sur tel ou tel employé qui n'aurait pas fait son devoir, mais exclusivement en démontrant que l'accident est dû à la faute de la victime.

En Angleterre, la responsabilité existe également, bien qu'il n'en soit pas fait mention spéciale dans les lois sur les fabriques ; mais, outre cette responsabilité, un accident dont il résulte une lésion corporelle pour un ouvrier peut,
dans certains cas, entraîner ·pour le fabricant une peine spéciale. Voici la disposition qui fait règle en cette matière : « Dans le cas de lésion corporelle provenant de ce que le propriétaire de la fabrique a négligé de renfermer une pièce quelconque des machines, ou un support, ou un élévateur, ou une

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courroie de transmission, ou une chaîne, après avoir été prévenu par écrit, par l'inspecteur ou le sous-inspecteur, que ces engins paraissent devoir causer des dangers, ledit propriétaire de la fabrique sera puni d'une amende qui ne pourra être inférieure à 10 livres et qui ne pourra dépasser 100 livres. Le produit de cette amende sera remis en tout ou en partie à la victime ou affecté à tel autre but que le secrétaire d'Etat lui assignera.» Le poiut de vue auquel la législation anglaise se place relativement à la responsabilité est le suivant : Te propriétaire d'un établissement est responsable des fautes qu'il peut commettre dans le choix des personnes qu'il charge de la surveillance; il est responsable s'il ne remet pas à ces agents un matériel conditionné de façon à permettre, aux employés chargés de l'exploitation, d'observer les mesures de police nécessaires.

On sait qu'en pratique la législation anglaise reçoit" dans ce domaine l'interprétation la plus large possible.

Le droit français ne reconnaît ni poursuite, ni condamnation en matière pénale contre le propriétaire de fabrique pour un cas de lésion corporelle ; il va eu revanche beaucoup plus loin que la législation anglaise relativement à la responsabilité en matière civile.

La jurisprudence a du reste passé par diverses phases quant à l'interprétation et à l'application de l'article 1384 du Code Napoléon, qui fait règle en matière de responsabilité et dont voici la teneur : «On est responsable non seulement du dommage que l'on Cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ou des choses que l'on a sous sa garde. Les maîtres et commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et employés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. » Pendant la première moitié du siècle on donnait à cet article, qui rend chacun responsable des fautes qu'il a commises ou laissé commettre, l'interprétation la plus stricte, et rarement on a prononcé une condamnation en dommages-intérêts en faveur d'un ouvrier, d'une personne de service ou d'un tiers lésé si la culpabilité personnelle de l'inculpé n'était bien positivement établie ; jamais on n'a considéré un fabricant comme étant tenu à des dommages-intérêts lorsqu'un ouvrier avait été la cauSe d'un accident pour
un de ses camarades dans la même fabrique.

A une époque plus récente, la jurisprudence s'est inspirée d'autres tendances ; on a augmenté dans une large mesure la responsabilité du fabricant dans les accidents entraînant lésion corporelle pour les ouvriers de la fabrique.

v Feuille fédrale suisse. Aimée XXVII. Vol. IV.

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982 Un seul exemple suffira pour prouver combien il est rare que le propriétaire de fabrique puisse se dégager de sa responsabilité en alléguant que l'accident est arrivé par la faute de l'ouvrier. Il y avait dans une gare un grand fourneau destiné à la foute de métaux ou d'autres substances analogues. Ce fourneau était encore très-chaud pendant les nuits d'hiver, et il arriva, pendant une nuit très-froide, que des ouvriers, dans l'intention de se réchauffer, s'étendirent sur le fourneau pour dormir. Deux d'entre eux périrent brûlés, et le tribunal, se basant sur l'article précité du Code, condamna l'administration du chemin de fer à indemniser les familles de ces deux ouvriers. Les considérants de la sentence admettaient qu'il y avait eu pour les ouvriers une si forte tentation de se coucher sur le fourneau, que l'administration du chemin de fer aurait dû prendre des mesures contre cette tentation toute naturelle, dans laquelle sont tombés ces ouvriers. Cette jurisprudence a longtemps prévalu en France, mais dans les derniers temps on a changé de manière de voir dans ce pays, à la suite de la réaction produite par une extravagance de ce genre, et l'on est plutôt revenu au principe d'une responsabilité limitée, qui toutefois n'est précisée par aucune loi.

En Allemagne, ou a promulgué eu 1871 une loi spéciale concernant les cas de mort ou de lésions survenus pendant l'exploitation des chemins de fer, des mines, des fabriques, etc. .

Les défectuosités de la législation actuelle sur les actions en justice des particuliers relatives aux accidents de chemins de fer, de fabriques, etc., dont la faute ne peut pas leur être attribuée, se sont rencontrées surtout dans le peu de latitude laissé au juge pour apprécier l'état des faits et évaluer le dommage causé ; pour autant qu'il s'agit du droit matériel, le vice gît en ce que la demande en indemnité n'est dirigée que contre l'auteur direct du dommage, qui dans la règle ne possède rien ; que le cercle des personnes qui ont le droit d'intenter l'action est trop restreint, et enfin que le montant .de l'indemnité est ordinairement insuffisant et ne constitue presque jamais un équivalent raisonnable pour la perte subie par l'individu par suite de l'incapacité de travail momentanée ou permanente, ou par sa famille ensuite de décès de son soutien. Des études
approfondies, faites en Allemagne sur ce sujet, ont amené à la conviction que les progrès de l'industrie ont sans aucun doute créé un état de choses vis-à-vis duquel les principes généraux relatifs à la responsabilité pécuniaire, dans les cas dont il s'agit, ne suffisent plus.

La loi spéciale précitée, qui est destinée à remédier aux défectuosités signalées, renferme à son art. 2 les principes suivants, concernant la responsabilité dont il est question :

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« Toute personne qui exploite une mine, une carrière ou une fabrique, est responsable des dommages provenant de la faute de ses représentants, de ses fondés de pouvoirs ou des personnes chargées de diriger ou de surveiller l'exploitatiou ou les' ouvriers, dans le cas où ils auraient, pendant le service, occasionné mort d'homme ou des lésions corporelles. » En ce qui concerne le droit suisse appliqué maintenant, il n'existe, à notre connaissance, aucune loi cantonale sur la matière qui renferme des dispositions spéciales sur la responsabilité des propriétaires de fabriques en cas de lésions ou de mort des ouvriers.

Dans tous les Cantons, les demandes en indemnité pour dommages causés par des faits de ce genre sont soumises aux principes généraux du droit civil en matière d'indemnité. Or, ce qui a été dit plus haut du droit allemand s'applique aussi aux droits civils des Cantons et spécialement des Cantons de la Suisse allemande, au sujet de ces réclamations et de la manière de les traiter, et la législation suisse ne peut pas échapper à la nécessité d'établir de nouveaux principes de droit dans le domaine des dommages-intérêts pour les changements apportés aux circonstances par l'industrie moderne. Quant aux demandes en indemnité provenant de cas de mort ou de lésions survenus pendant la construction ou l'exploitation des chemins de fer et des entreprises de bateaux à vapeur, il y a été pourvu au moyen de la loi fédérale du 1er juillet 1875, que l'art. 4 de la loi proposée complète pour ce qui a rapport aux blessures et aux cas de mort.

Nous avons déjà exposé plus haut comment la prescription renfermée dans cet article s'accorde avec la disposition correspondante de la loi fédérale qui l'a précédée. En le comparant avec la législation étrangère, on peut dire que le projet tient le milieu entre le droit allemand et le droit français, tout en se rapprochant davantage du droit allemand.

Afin de juger sainement de la portée de la disposition de la loi allemande, qui au premier abord semble notablement plus douce que le présent projet, à l'égard des propriétaires de fabriques, il est nécessaire de prendre aussi en considération les points suivants : 1° Sont placés dans la catégorie des individus dirigeant l'exploitation (nous nous référons pour cela, comme pour ce qui suivra, aux déclarations données
par des personnes qui font autorité^ à l'occasion des débats sur la loi) le conducteur de la machine à vapeur, le mécanicien et le chauffeur.

2° La responsabilité ne commence pour l'entrepreneur que s'il ne remplit pas les prescriptions de police en vigueur pour l'ex-

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ploitation ou les conditions spéciales posées lors de l'autorisation, accordée à, l'établissement, ou s'il n'obtempère pas aux ordres de l'autorité pour garantir le plus possible la vie et la santé des ouvriers -et si les lésions ou la mort sont une conséquence de cette négligence.

3° L'absence des mesures de sûreté qui n'ont pas été ordonnées, mais qui sont reconnues comme nécessaires par l'expérience, peut être considérée comme engageant la responsabilité de l'entrepreneur.

4° L'article 9 de la loi allemande dit : « Sont réservées les prescriptions des législations locales d'après lesquelles, outre les cas prévus par la présente loi, l'entrepreneur d'un des établissements onumérés aux articles 1 et 2 ou une autre personne sont déclarés responsables pour les dommages résultant d'un accident qui a entraîné mort d'homme ou lésion corporelle, spécialement lorsque cet accident est dû à leur propre faute. » Parmi ces législations locales en vigueur dans des Etats allemands, nous citerons par exemple les dispositions suivantes du Code civil prussien : § 16. « II faut en particulier que celui qui a négligé les mesures de police destinées à, prévenir les accidents, soit responsable de tous dommages qui auraient pu être évités par l'observation de la loi, au même degré que si ces dommages étaient provenus directement de son fait.

§ 59. « Celui qui tolère encourt, lorsqu'il aurait dû et pu empêcher, la même responsabilité que s'il avait ordonné. » Si l'on examine les divers points prévus par ces dispositions et qu'on les compare à nos prescriptions, on verra que le fabricant suisse voit sa responsabilité engagée dans un petit nombre de cas seulement où le fabricant allemand pourrait peut-être s'y soustraire.

Il est hors de doute, en tout cas, qu'on ne pourrait jamais déduire une déclaration de responsabilité si étendue des prescriptions de notre projet qu'on pourrait le faire , l'expérience l'a démontré, de l'art. 1384 du Code Napoléon.

Quant aux « dommages-intérêts » dont s'occupe le 1er alinéa de l'article 4, il n'y avait pas de motifs suffisants pour statuer a cet égard des prescriptions spéciales et différentes de celles qu'établit la loi concernant la responsabilité des entreprises de chemins de fer et de bateaux à vapeur. La jurisprudence aura donc et se tenir dans les limites des prescriptions de cette dernière loi, cela toutefois pour une période intérimaire seulement, car une loi fédérale sur toutes les matières du droit se rapportant au commerce

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«t aux transactions mobilières renfermera des dispositions relatives aux Joiamaguà-iutjrota. AWd se posera la question de savoir si ces dispositions peuvent être exprimées de façon à porter aussi sur ]es questions qui se rattachent à notre loi, et si elles seront suffisantes.

Il serait très-désirable que cette question fût résolue dans un sens affirmatif; nous supposons aussi qu'elle le sera. Mais fallût-il même statuer sur tel ou tel point une prescription spéciale, la rédaction que nous proposons pourrait néanmoins ótre conservée, car le code relatif aux matières «lu droit se rapportant au commerce et aux transactions mobilières réservera expressément de telles prescriptions.

Le but du troisième alinéa n'exige pas de longs développements. Les ouvriers désirent que toute action en dommages-intérêts soit intentée par l'Etat au nom de la partie lésée, sur une simple plainte déposée auprès du préfet.

C'est là une manière de procéder analogue à celle que l'on applique en Angleterre, aux termes des dispositions de l'acte du 6 juin 1844. XXIV. « Un des secrétaires d'Etat de Sa Majesté peut, sur le rapport et la recommandation d'un inspecteur, autoriser ce dernier à intenter une ou plusieurs actions en dommages-intérêts, au nom et en faveur de toute personne qui, d'après la déclaration de l'inspecteur, a été la victime d'un accident entraînant lésion corporelle et causé par les machines d'une fabrique. » XXV. « L'indemnité obtenue par voie juridique, une fois payée, sera transmise aussitôt que faire se pourra à la personne pour laquelle elle a été accordée ou sera employée dans son intérêt à un but approuvé par le secrétaire d'Etat. -- S'il arrivait que le verdict fût favorable au défendeur et défavorable au demandeur, ou que la plainte de ce dernier fût écartée, il aura contre l'inspecteur, pour les dépens du procès, le même droit de recours qu'il aurait eu contre le plaignant. » Bien que -- comme le démontre le texte de ces dispositions -- l'Etat ne puisse qu'à titre d'exception, c'est-à-dire sur l'autorisation du Ministre et la recommandation de l'inspecteur, se constituer le représentant de la partie lésée, pour faire valoir ses prétentions vis-à-vis d'un tiers en matière de droit privé, cette intervention de l'Etat, toute limitée qu'elle soit, n'existe, à notre connaissance, dans aucun autre pays.
Il ne nous a pas paru praticable d'introduire en Suisse une disposition dans ce sens. L'Etat ne se fait pas le mandataire d'un citoyen pour uue cause civile. La position de l'ouvrier de fabrique

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qui intente au fabricant une action en dommages-intérêts est identique à celle de l'employé de -chemin de fer vis-à-vis de l'administration qui lui donne de l'ouvrage et le fait gagner, à celle de plus d'un indigent obligé de défendre son. droit contre une partie adverse puissante dont il est dépendant du plus au moins ; en tout cas elle ne présente pas un cas si exceptionnel dans la pratique du droit qu'un mode exceptionnel de procéder dans -les actions en dommages-intérêts formulées par des ouvriers de fabrique pût se justifier.

Il y a toutefois un point sur lequel les désirs des ouvriers sont légitimes. Les bienfaits résultant de la responsabilité du propriétaire de fabrique seraient une triste illusion pour l'ouvrier, si la revendication de ses droits à une indemnité pour lésions corporelles résultant d'un accident arrivé dans la fabrique était accompagnée de tous les frais qu'entraîné généralement un semblable procès, qui peut-être exigera une action devant différentes instances.

Tous les Cantons ont pris des mesures pour assurer à l'indigent qui fait valoir ses droits la possibilité d'avoir recours à la Constitution et à la loi. Ces mesures consistent dans l'exemption des frais de justice et dans l'assistance judiciaire. Mais pour avoir part à ce privilège des pauvres, il faut dans la règle fournir des attestations, des certificats, etc.

Notre projet propose de dispenser de ces attestations spéciales l'ouvrier de fabrique qui, se basant sur les dispositions de l'art. 4 de la loi, se présente comme plaignant, en lui assurant l'assistance judiciaire lorsque la loi permet que les parties se fassent représenter par des avocats.

Art. 6. Les dispositions des articles 14 et 15 font suffisamment ressortir le but de la tenue d'un état du personnel de la fabrique.

Articles 7 et 8. L'établissement d'un règlement de fabrique est obligatoire ; c'est par là que le fabricant fournit la preuve que l'organisation de son établissement est conforme aux prescriptions de la loi. Approuvé par l'autorité compétente, ce règlement lie en tous points l'ouvrier et le patron.

C'est au patron qu'il appartient de faire respecter par les ouvriers le règlement de fabrique, tandis que l'observation de ce règlement de la part du propriétaire de fabrique est soumis à un contrôle public.

Le fabricant a le droit de statuer des amendes pour les cas de contravention. C'est là un droit qui appartient également aux administrations de chemin de fer comme moyen d'assurer une

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marche convenable du service et aux administrations publiques visà-vis de leurs employés, qui est enfin conventionnellement appliqué partout où il s'agit de tenir chaque membre isolé à l'observation stricte de certains devoirs, dans l'intérêt de l'entreprise.

11 n'est pas exact de dire que dans la question des amendes le fabricant réunit en sa personne les attributs de législateur, de demandeur, de juge et d'exécuteur de la loi.

Le fabricant n'est pas législateur, car il ne peut statuer des amendes que dans les limites qui lui sont fixées par la législation, et en outre ses prescriptions à cet égard sont soumises à la sanction de l'autorité ; il n'est pas demandeur dans le sens que l'on donne généralement à ce mot, car il ne s'agit que d'une dénonciation de faits existants, laquelle provient généralement de tiers ; il est juge, mais d'une part il n'exerce cette fonction que sons un contrôle officiel ; d'autre part celui qui estimerait avoir été injustement frappé d'une amende peut l'actionner devant le tribunal civil.

Si l'on ajoute à cela que les amendes ne4 sont pas destinées à celui qui les prononce, mais qu'elles profitent à l'ensemble des ouvriers de la fabrique, puis que, dans le cas où se voyant priver des moyens moins graves de maintenir l'ordre, le fabricant devrait avoir recours à son droit de retirer le travail, de résilier le contrat de l'ouvrier en le congédiant, la position des travailleurs serait loin d'être améliorée, et l'on conviendra que le maintien d'une telle disposition dans le projet de loi est justifié.

L'Union suisse du commerce et de l'industrie veut élaguer toute disposition relative aux limites légales des amendes. On ne peut cependant laisser à cet égard une latitude absolue. L'Etat luimême, lorsqu'il est appelé à statuer des amendes pour les contraventions aux dispositions législatives qu'il a établies, impose au juge un maximum déterminé, et le projet lui-même n'abandonue pas au juge une fixation arbitraire des amendes prévues k l'article 18.

S'il faut maintenir dans certaines limites les amendes qui frappent les ouvriers, il convient aussi pour des motifs analogues de ne pas fixer une somme déterminée, mais d'exprimer-le maximum légal par le rapport dans lequel il doit se trouver avec le salaire journalier et de l'établir sur ce pied. Pour cela il faut admettre
comme base non point le.salaire d'une journée de chaque ouvrier isolé, car alors, vu l'inégalité des salaires le même délit pourrait être frappé dans une fabrique d'amendes atteignant des montants très-divers, mais bien la moyenne proportionnelle dn salaire de la journée de travail de tous les ouvriers de la fabrique.

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Le projet propose d'établir qu'une amende ne puisse dépasser^ le quart du salaire moyen d'une journée. Dans ces limites c'est au fabricant qu'il appartient de graduer les amendes.

Art. 10. Le dernier alinéa de cet article nécessite quelques explications. La disposition qu'il renferme n'a pas trait àia. retenue provisoire du salaire ou d'une partie du salaire de l'ouvrier (le 2e alinéa fait allusion à cette mesure en la restreignant dans certaines limites) ; elle porte sur des déductions définitives faites au salaire dû à l'ouvrier.

Les déductions pour ouvrage mal fait ne sont pas comprises dans-ue'tte mesure; la loi s'abstient de toucher ce point.

Cette sorte de défalcation est plus fréquente, dans les i-apports entre le fabricant ut les ouvriers travaillant à domicile et pour le travail à livrer qu'entre le patron et les ouvriers de la fabrique, dont la loi s'occupe exclusivement.

L'ouvrier de la fabrique qui travaille aux pièces ne peut pas être traité par la loi différemment à cet égard, soit en bien soit en mal, que l'ouvrier travaillant à domicile qui livre son ouvrage au même fabricant. Ils doivent tous tous être protégés au môme degré par la loi, afin qu'on ne puisse pas arbitrairement leur porter préjudice ou leur faire subir un traitement injuste.

Parmi les buts spéciaux en faveur desquels il est interdit d'opérer un décompte , pour autant du moins que cette retenue serait arbitraire et se ferait sans le consentement des ouvriers, sont comprises les institutions telles que les caisses de secours, d'assurance, d'épargne, etc. Quelque bienfaisantes que puissent otre ces institutions lorsqu'elles reposent sur une base rationnelle et équitable, les abus auxquels elles peuvent donner lieu inïposent l'obligation de réserver intacte la liberté de l'ouvrier à cet égard.

Art. 11. Cet article, qui contient les prescriptions relatives à la journée normale de travail, est un de ceux qui ont été l'objet des attaques les plus vives.

L'Union suisse du commerce et de l'iadustrie demande de la manière la plus positive que l'on élague toutes les dispositions ayant trait à la durée de la journée normale de travail dans les fabriques, et les 272 industriels suisses soutiennent également cette manière de voir dans leur adresse.

Nous ne discuterons plus ici la question de savoir si la loi doit ou non
statuer des prescriptions concernant la durée du travail des adultes dans les fabriques, nous référant à cet égard à ce que nous avons dit dans nos observations générales sur le projet.

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Urne nouvelle discussion serait d'autant plus inutile qu'en pratique le point épineux, c'est le nombre d'heures qui doit être fixé pour la, durée d'une journée normale de travail, et l'opposition qui part des cercles industriels cesserait en grande partie si l'on adoptait comme maximum un nombre d'heures qui leur parût suffisant.

Nous ne toucherons que deux points généraux.

La Constitution prévoit à l'art. 34 des dispositions législatives concernant la durée du travail des adultes dans les fabriques. Nous ne saurions admettre le point de vue d'après lequel il suffirait, pour avoir satisfait à cette prescription, d'établir des dispositions législatives sur la durée du travail des femmes adultes. Non seulement une semblable interprétation pèche selon nous contre la logique, mais rien ne la justifie dans la discussion qu'a provoquée l'art. 34 lors des délibérations des corps législatifs sur la révision de la Constitution.

Un autre point de vue contre lequel on ne peut présenter d'aussi sérieuses objections consiste à dire que la Constitution ne prescrit pas nécessairement la fixation d'une journée normale de travail, et que l'on peut déterminer la durée du travail par semaine, par mois, par année. Eien ne s'opposerait à ce mode de procéder.

Si le projet admet pour base la journée, c'est que nous nous sommes efforcés de créer une loi dont l'exécution pût être surveillée et assurée, qui atteignît réellement son but. Or il est plus difficile et moius sûr de contrôler la durée du travail d'une semaine que la durée du travail d'un jour, et il est clair que, tout en restant dans la limite du maximum d'heures de travail fixé pour une semaine, on pourrait aisément organiser le travail d'une manière qui se trouve en opposition avec les intentions de la loi.

Le projet propose de régler le travail de la journée dans les fabriques, non pas pour lui imposer une durée uniforme, mais uniquement pour fixer un maximum qui ne puisse être dépassé dans aucuue fabrique.

Un semblable maximum peut fort bien s'accorder avec les différentes circonstances des fabriques, et ce qui le prouve c'est que dans tous les pays il se trou»ve des fabriques de genre très-différents .rentrant dans des branches de production très-diverses, où la durée du travail d'une journée est la môme ; c'est que dans pinsieurs pays il existe un
maximum légal pour la durée du travail des enfants, des jeunes gens et des femmes, et que ce maximum est toujours uniforme et ne varie point suivant les circonstances différentes des fabriques ; c'est enfin que nous connaissons déjà le résultat des expériences faites dans plusieurs Cantons suisses pour des industries très-diverses.

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Mais quel sera le maximum de la durée du travail régulier d'une journée dans les fabriques suisses, telle est la question qui vient se poser à nous.

Ce n'est point une question qui se puisse trancher a priori en vertu de quelque principe déterminé, et ce serait peine perdue que de vouloir établir positivement, en vertu d'expériences et de faits donnés, qu'il faille absolument adopter tel nombre d'heures et non tel autre. Et puisqu'il en est ainsi, il faudra dès l'abord renoncer à concilier sur cette question toutes les manières de voir, à obtenir un jugement unanime.

Outre les considérations générales énoncées dans notre introduction, diiïérents motifs militent en faveur de la proposition d'un maximum de 11 heures. Ce sont surtout les motifs suivants: En provoquant des dispositions législatives sur la durée du travail d'une journée pour les adultes, la Constitution fédérale n'a pas pour but de sanctionner simplement l'état de choses actuel, mais bien d'améliorer la position des ouvriers des fabriques et de la rendre plus tolérable en fixant pour leur travail de chaque jour un maximum raisonnable.

Les ouvriers suisses désirent ardemment cette amélioration, et il est pour plusieurs motifs convenable de faire droit à ce voeu.

La fixation d'un maximum de 12 heures, tel qu'il est proposé d'une manière positive par trois Cantons, Fribourg, St-Gall et Argovie (aucun Canton n'a proposé un maximum plus élevé), ne paraît pas conforme au but que se propose l'article de la Constitution, parce que ce travail de 12 heures existe dans les catégories de fabriques où le travail est le plus prolongé, et que de trois Cantons suisses, chez lesquels il y a déjà des prescriptions législatives sur la durée du travail des adultes , deux, ceux de Baie et du Tessin (le premier depuis des années déjà), admettent actuellement la journée de travail de 12 heures comme maximum, tandis que le troisième, Glaris, est déjà descendu au-dessous de ce maximum.

Si nous voulons, ' dès lors, obtenir un progrès réel, il ne peut être question que d'un maximum de 11 ou de 10 heures.

En présence de cette question, il faut tenir compte de la situation et des conditions de l'industrie suisse, car il existe une connexion intime entre la prospérité du pays tout entier et l'état plus ou moins florissant de l'industrie.

L'industrie suisse
ne se trouve pas dans les mêmes conditions que celle des autres pays ; on ne peut dès lors vouloir se borner à appliquer chez nous ce qui peut se pratiquer et exister ailleurs.

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L

Les débouchés ne sont pas assez forts et la consommation n'est pas assez considérable en Suisse pour occuper suffisamment la grande industrie, qui dès lors devient une industrie d'exportation.

Comme telle, elle ne peut exister qu'à condition de pouvoir soutenir sur les marchés étrangers la concurrence de ses rivales.

Un des facteurs qui contribuent à lui permettre de tenir tête, c'est le prix auquel il lui est possible d'offrir ses produits; les frais de production constituent un des facteurs de ce prix, et la durée du travail dans les fabriques est à son tour un facteur des frais de production. Il importe d'estimer à sa juste valeur l'influence qu'exercé ce dernier facteur, de ne l'estimer ni trop haut, ni trop bas. Ce serait lui accorder une importance trop minime que de croire qu'il soit possibj.6 de réduire, dans une mesure arbitraire et relativement sensible, la-durée du travail d'une journée sans augmenter les frais de production et, toutes conditions égales d'ailleurs, sans provoquer un renchérissement des marchandises, sans entraver la concurrence, dans un cas donné môme la rendre impossible.

Prétendre en revanche que toute réduction, même proportionnelle, du temps de travail équivaut, sans autre, à une réduction de la quantité produite, par conséquent à un renchérissement des produits, serait estimer trop haut cette influence. Un antre facteur qui concourt, avec la durée du temps de travail, à rendre la concurrence possible, c'est la faculté quantitative de production, au sujet de laquelle on peut répéter, mutatis mutandis, ce qui a été dit au sujet du prix des marchandises.

On ne peut le nier, l'industrie suisse d'exportation, ou tout au inoins plusieurs de ses branches principales, a une certaine peine à soutenir la concurrence, et l'on ne peut prévoir le moment où cette position deviendra moins tendue.

C'est dès lors le devoir du législateur de n'avancer qu'avec prudence sur ce terrain et de ne pas prendre de mesures dont il ne puisse prévoir que jusqu'à un certain point les effets.

Il est difficile de prévoir les suites qu'une réduction subite de deux heures de la durée du travail d'une journée dans les fabriques pourrait avoir pour le présent et l'avenir le plus rapproché de l'industrie suisse intéressée. Nous ne connaissons aucun précédent; il n'est pas de pays où l'on ait
jamais eu recours à une pareille mesure.

Nous nous trouvons, avec le maximum de 11 heures que nous vous proposons, sur un terrain bien moins inconnu, car nous pouvons invoquer un précédent, les expériences faites dans un Canton

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fort industriel, celui de Glaris, où la loi fixe comme maximum, depuis nombre d'années, la journée de travail de 11 heures.

Ce Canton a été appelé dès lors, comme auparavant, à soutenir la concurrence non pas seulement avec l'industrie étrangère, mais aussi, et simultanément, avec les fabriques d'autres Cantons où l'on travaillait plus longtemps. Les expériences faites dans ce Canton démontrent que l'existence et la prospérité des branches de l'industrie suisse d'exportation dans lesquelles on rencontre le plus de difficultés peuvent être conciliées avec la fixation d'un maximum de travail de 11 heures; ce n'était donc pas une déclaration hasardée de notre part que d'affirmer notre conviction que l'on peut sans danger adopter le maximum que propose notre projet.

Art. 12 et 18. Le projet de l'Union .suisse du commerce et de l'industrie, fidèle à son principe qu'une législation doit s'abstenir de toute prescription, relative à la durée du travail des adultes, propose, tout en voulant, ce qui nous paraît étrange, prendre des dispositions législatives relativement à la pause de midi, que l'on élimine toutes les prescriptions ayant trait au travail de nuit.

Mais si la loi apporte des restrictions à la durée du travail d'une journée, il s'ensuit nécessairement qu'elle doit aussi prendre des mesures pour le travail de nuit, car au moyen Je ce dernier on pourrait rendre illusoires les dispositions qui établissent un maximum pour la journée de travail.

Le projet établit une distinction entre les fabriques ordinaires et les branches de fabrication dont la nature exige une marche non interrompue et par conséquent un travail de nuit continu. Ce travail de nuit est soumis à un certain contrôle , afin qu'il soit pourvu à ce que le principe de l'article 11 soit-aussi appliqué à ces ouvriers. Quant aux fabriques ordinaires, le travail de nuit n'y est admissible qu'en cas d'urgence.

Voici la disposition en vigueur sur ce point à Baie-Ville: «II n'est permis de travailler dans les fabriques ni le dimanche et les jours de fête, ni la nuit entre 9 heures du soir et 5 heures du matin. Dans un cas d'xirgence (réparation de machines qui ne peut être différée), il faut toujours une autorisation spéciale de la Direction de police pour pouvoir travailler.

« Sont considérés comme travaux urgents ceux-là seulement qui
ont pour but de prévenir une interruption du travail normal.

·« Sont exceptes de ces dispositions : les appareils qui ne sont pas de nature à comporter une semblable restriction (d'après le règlement de fabrique les cylindres dans les papeteries, les fourneaux

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dans d'autres industries) et les travaux accessoires qui doivent précéder ou suivre le travail de la fabrication proprement dit. » La loi sur la police des fabriques de Grlaris.interdit «de travailler dans les fabriques la nuit, c'est-à-dire entre 8 heures du soir et 5 heures du matin.

« Cette disposition ne s'applique pas aux nommes de plus de 18 ans occupés comme manoeuvres, blanchisseurs ou mécaniciens, aux travaux nécessaires à la marche non interrompue de l'établissement et qui ne peuvent être exécutés par des ouvriers ordinaires. » Ce sont là les seules exceptions que connaisse cette loi.

La loi relative aux fabriques de Baie - Campagne renferme la disposition suivante: «II n'est permis de faire travailler un certain nombre d'ouvriers dans les fabriques la nuit, c'est-à-dire entre 9 heures du soir et 5 heures du matin, que dans des cas exceptionnels et avec l'autorisation du préfet compétent. » II y a également dans d'antres Cantons des prescriptions relatives au travail de nuit des enfants et des adultes.

Les cas d'urgence sont, d'après le projet, ceux où une prolongation du temps de travail est nécessaire pour rendre possible l'exploitation régulière qui s'effectue pendant le jour, ou pour la remplacer lorsqu'elle est entravée par quelque cause physique extraordinaire, et que cette prolongation, différant sur ce point de celle qui est prévue à l'art. 11, 3e alinéa, doit avoir lieu la nuit, c'està-dire entre 9 heures du soir et 5 heures du matin.

Poxir prévenir les abus, le projet fait des réserves. Les ouvriers ne pourront être employés à ce travail de nuit que s'ils y consentent de leur plein gré; puis, dans le cas où ce travail n'est pas tout à fait passager, la permission de l'autorité devient nécessaire.

L'autorité accordera cette permission seulement lorsqu'il sera bien établi à ses yeux qu'il s'agit d'un cas d'urgence, et, au besoin, elle aura recours à des experts pour s'éclairer.

Art. 14. En s'occupant du travail des femmes dans les fabriques, le projet a en vue toutes les ouvrières adultes ; il les place, pour le travail régulier, sur le même pied que les hommes, prenant seulement l'art. 14 des dispositions exceptionnelles sur des points spéciaux. La première de ces dispositions exceptionnelles interdit d'employer les femmes au travail de nuit et du dimanche; elle est combattue
d'une manière très-positive par les 272 industriels. Nous ne pouvons, disent-ils, pas accepter la défense absolue de faire travailler les femmes la nuit, car cette mesure équivaut à interdire tout travail de nuit en général. Nos filatures et nos manufactures

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qui sont le plus fréquemment appelées à travailler la nuit ne peuvent se passer du travail des femmes.

Comme toutefois les 272 industriels se déclarent dès l'abord dans leur adresse entièrement d'accord avec les propositions de l'Union suisse du commerce et de l'industrie, qui veut un article rédigé comme suit: « Les femmes ne peuvent être employées au travail du dimanche on au travail de nuit, entre 8 heures du soir et 5 heures du matin » ; partageant à cet égard la manière de voir du projet, nous estimons qu'il n'est pas nécessaire d'entrer en discussion sur ce point.

Les dispositions que renferment la seconde et la troisième phrase du 2e alinéa nous paraissent devoir être comptées au nombre des plus importantes de la loi. Les principaux intéressés, les ouvriers et les fabricants, sont 'd'accord sur le principe; la divergence des vues porte sur la durée de la période de ménagement (les ouvriers désirent qu'elle soit de 12 semaines) et sur la nature des obligations du fabricant. Sur ce dernier point, l'Union suisse du commerce et de l'industrie propose de dire : « Après et avant leurs couches, il sera réservé un espace de temps de dix semaines pendant lequel les femmes ne pourront être tenues de, travailler » , et . non : * pendant lequel les femmes ne pourront être admises au travail ».

Abandonnant ces points à la discussion, nous nous bornons à remarquer que plus cette prescription sera exprimée d'une manière positive, mieux cela vaudra.

Les preuves les plus concluantes ne font pas défaut pour établir quelle heureuse influence on exerce sur les conditions de vie et de santé des enfants en prolongeant le temps durant lequel une femme ne peut rentrer à la fabrique après ses couches.

Le troisième alinéa a été intercalé sur la proposition de la Société médicale suisse. Suivant l'opinion des experts (voyez Hirt: L'activité industrielle des femmes au point de vue de l'hygiène), les branches d'industrie dans lesquelles les femmes ne doivent pas être occupées pendant la seconde période de leur grossesse sont les suivantes: Préparation des papiers de couleur, lorsqu'on y emploie des matières vénéneuses, de métachromotypies, de vert de Schweinfurt, de fleurs artificielles et d'allumettes phosphoriques ; travail de couture à la machine lorsqu'il est exécuté d'une manière continue, fabrication de
dentelles au fuseau, teinture et impression d'étoffes, étamage de miroirs, enfin tous les procédés de fabrication dans lesquels peuvent se dégager des gaz délétères (acide carbonique, oxyde de carbone, acide sulfhydrique, sulfure de carbone, été).

995 Art. 15. Cet article a trait au travail des enfants dans les fabriques.

Le projet pose les principes suivants: 1° II y a certaines branches d'industrie dans lesquelles il est interdit d'une façon absolue de faire travailler des enfants.

2" Les enfants peuvent être admis et employés dans les fabriques qui ne rentrent pas dans cette première classe, mais il faut pour cela qu'ils soient âgés de 14 ans révolus.

3° Les enfants entre 14 et 16 ans ne peuvent travailler plus de 8 heures par jour dans les fabriques; les heures d'école et le travail dans les fabriques ne dépasseront pas pour eux 10 heures au maximum.

Les enfants peuvent ainsi travailler par exemple 4 heures à l'école et 6 heures à la fabrique; ou 5 heures à l'école et 5 heures à la fabrique, ou bien encore 6 heures à la fabrique et 4 heures a l'école; enfin, aux époques où l'enseignement scolaire est suspendu, ils pourront travailler 8 heures au maximum à la fabrique.

Quant aux rapports du travail à l'école et du travail à la fabrique, le principe admis est en premier lieu : les heures du travail à la fabrique doivent être réglées d'après l'enseignement scolaire obligatoire, et non l'inverse ; en second lieu : le travail de jour dans les fabriques ne doit pas précéder l'enseignement scolaire, mais il doit le suivre.

4° Après 16 ans révolus, le jeune ouvrier est admis à travailler pendant le nombre d'heures que fixe le règlement général, avec cette réserve toutefois qu'il ne peut être employé au travail de nuit et du dimanche*.

5° Après 18 ans révolus, cette dernière réserve disparaît pour les hommes.

Ad l. C'est au Conseil fédéral qu'il appartient de désigner les branches Oie fabrication dans lesquelles il est interdit de faire travailler des enfants âgés de moins de 16 ans, car les mesures prises à cet égard doivent s'appliquer à toute la Suisse. La question a été étudiée avec le plus grand soin possible par la législation française; elle fait l'objet de deux décrets, des 13 et 14 mai 1875, et le dernier de ces décrets est accompagné de deux tableaux dont l'un contient une énumération des établissements dans lesquels il est interdit de faire travailler des enfants, exposant en même temps pour chaque fabrication spéciale les motifs de cette exclusion.

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Nous nous permettons ici de nous borner à renvoyer aux actes.

Ad 2. La nécessité de fixer une limite d'âge pour l'admission des enfants dans les fabriques est incontestée. C'est l'emploi prématuré et abusif des enfants qui a donné partout le signal de l'intervention de l'Etat dans .les questions relatives aux fabriques.

Ce qui rendait difficile la détermination iiniforme de la limite d'âge pour l'admission dans les fabriques, c'est l'absence de dispositions uniformes ou concordantes sur la durée de l'enseignement scolaire obligatoire. Avec de pareilles dispositions, le problème auraif été tranché en ce sens qu'un enfant ne pourrait entrer à la fabrique qu'après avoir terminé l'école primaire. De ce que ces prescriptions manquent, nous ne tirerons pas la conclusion qui paraît aux 272 industriels eu être la suite naturelle, c'est qu'il faille s'abstenir de décréter des dispositions uniformes relativement à l'âge d'admission à la fabrique ; nous ne le ferons pas, parce que la Constitution prescrit des mesures uniformes de cette nature, bien qu'on n'ignorât pas, lors de la rédaction de l'article y relatif, que la durée de l'enseignement obligatoire variait suivant les Cantons ; et parce que la fixation de l'âge pour l'entrée à la fabrique peut exercer une influence positive, suivant les cas, très-beureuse et bienfaisante sur la détermination de la durée de l'enseignement scolaire. On pourrait bien dire que l'on a réalisé un progrès positif si l'on assurait à la jeunesse suisse dans tout le pays la jouissance d'un enseignement scolaire jusqu'à l'âge de 14 ans, et c'est ce qui arrivera tôt ou tard si la loi fédérale admet cet âge de 14 ans comme un terme avant lequel il est absolument défendu d'admettre les enfants au travail dans les fabriques.

A cet égard encore, nous devons suivre la route que nous nous sommes tracée nous-mêmes. Libre à l'Angleterre de permettre aux enfants d'entrer à 10 ans déjà dans les fabriques, libre à l'Allemagne et à la France de le leur permettre à 12 ans; il convient à une République démocratique de réserver un autre traitement à sa jeunesse, et si nous pouvions espérer que la durée de l'enseignement scolaire pût encore être prolongée, nous nous déciderions à fixer comme limite l'âge de 15 ans au lieu de l'âge de 14 ans.

Ce qui nous a guidés dans cette circonstance encore,
c'est la conviction qu'il vaut mieux se contenter, en gardant une juste mesure, d'un progrès moins grand, que de faire des pas immenses et de provoquer, en ne tenant aucun compte des circonstances, une réaction qui risque de compromettre même ces légers avantages.

997 Quelques Cantons se sont prononcés pour la limite de 12 ans, plusieurs pour celle de 13 ans, un assez grand nombre adhère à celle de 14 ans, aucun ne propose 15 ans.

Les avis ne sont pas moins partagés dans les cercles industriels. Tandis que l'Union du commerce de Zurich voudrait que l'on adoptât pour limite 12 ans, l'Union suisse du commerce et de l'industrie 13 ans, le Directoire commercial de St-Gall, l'Union commerciale et industrielle du district de Zofingue et d'autres fabricants du Canton d'Argovie désirent qu'elle soit fixée à 14 ans.

Enfin les ouvriers eux-mômes ne sont pas d'accord sur cette question. Le Comité central de la Société du Griitli propose d'exclure les enfants des fabriques aussi longtemps qu'ils suivent los écoles primaires obligatoires ; la réunion des délégués des ouvriers du Canton d'Appenzell voudrait qu'ils en fussent exclus jusqu'à 13 ans, les ouvriers do Zoug jusqu'à 14 ans, l'Union ouvrière suisse jusqu'à 16 ans.

Ad 3. La catégorie des « jeunes gens » pour lesquels la durée du travail est inférieure à celle des autres ouvriers, amène de grandes complications dans l'industrie; aussi les 272 industriels s'opposent-ils formellement à cette institution, en ajoutant que des restrictions apportées à la durée du travail des jeunes gens entraîneraient fatalement la nécessité d'un maximum de travail de 10 heures pour tous les ouvriers, ce qui placerait l'industrie nationale dans une fâcheuse position au point de vue de la possibilité de soutenir la concurrence avec l'étranger. Il n'y a néanmoins rien à changer à cet égard. Il est évident que l'on ne peut imposer à un enfant de 14 ans la môme somme de travail qu'à un adulte, et ce serait rendre chez nous un triste service aux générations futures, qui auront à soutenir une concurrence industrielle plus acharnée encore que nous ne l'avons actuellement, que d'affaiblir et d'étioler notre population par un traitement contraire à la nature. Je me ris, dit Macaulay dans son remarquable discours sur le bill relatif au travail normal de 10 heures, des efforts tentés pour nous effrayer par le spectre de la concurrence avec d'autres nations qui travaillent dans une mesure exagérée. S'il nous fallait jamais renoncer à occuper la première place parmi les peuples industriels, ce n'est pas à une race de nains dégénérés que nous la
céderions, mais à quelque nation douée d'une vigueur corporelle et intellectuelle particulière.

L'Union suisse du commerce et de l'industrie ne partage du reste nullement les inquiétudes des 272 industriels sur les effets de la réduction du travail des jeunes gens, puisqu'elle propose pour les ouvriers de 14 à 16 ans un temps de travail qui ne rentre Feuille fédérale suisse. Année XXVII.

Vol. IV

73

998 pas dans la règle générale et se trouve réduit de telle façon que l'enseignement scolaire et le travail de la fabrique réunis forment un total de 11 heures. De pareilles inquiétudes manquent du reste de fondement solide, en présence des expériences faites dans plusieurs Cantons, qui font depuis longtemps une classe spéciale des «jeunes gens», ainsi qu'en Allemagne et en France, où la législation établit plus de degrés encore que notre projet pour la durée du travail des jeunes gens.

Ad 4 et 5. Nous n'avons pas d'observations à présenter sur ces points.

Art. 16. Nous avons déjà fait dans notre introduction les remarques générales nécessaires concernant la position de la Confédération vis-à-vis des Cantons quant à l'exécution de la loi.

Art. 17. Le Dr de Plener termine son ouvrage sur la législation anglaise par les considérations suivantes : Elle ne pouvait avoir des eifets salutaires que si elle était appuyée par un système d'inspection sévère et approprié aux besoins, organisé par l'Etat.

Les dispositions législatives qui touchent de près les intérêts matériels de personnes riches et influentes et menacent même de leur porter préjudice resteront toujours impuissantes, quelque excellentes que puissent être les intentions qui les ont dictées, aussi longtemps que leur exécution ne sera pas confiée à des représentants de l'Etat recevant un traitement convenable qui offre des garanties pour leur complète indépendance et leurs aptitudes spéciales. C'est là ce que l'administration anglaise a compris dès l'abord. Nulle part le système des inspections organisées par l'Etat ne se développe dans des conditions d'énergie et de capacité pareilles, car, en "Angleterre, l'Etat crée un inspectorat spécial pour chaque domaine un peu considérable de l'administration. Tout en réglementant beaucoup, on n'est pas arrivé encore, sur le continent, à la manière de voir des Anglais sur la nécessité d'une inspection relevant de l'Etat, portant sur les principales branches de l'administration, et l'on croit par exemple assurer l'exécution d'une loi en la confiant à des fonctionnaires subalternes mal payés et accablés d'autres affaires. Il faut rendre ici aux inspecteurs de fabriques anglais ce témoignage que par leur infatigable activité, par la manière consciencieuse avec laquelle ils remplissent leurs devoirs,
et par leur aptitude aux affaires, ils ont contribué dans la plus large mesure aux heureux résultats de la législation des fabriques. Ils passent la plus grande partie de l'année en tournées (chaque fabrique est inspectée dans la règle deux fois par année, et un sous-inspecteur de fabriques est chargé de la surveillance de 530 établissements environ) ; ils visitent continuellement les fabriques et les écoles, accueillent les

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plaintes qui leur sont adressées, conduisent les actions intentées pour contravention à la loi, et leurs rapports semestriels sont un exposé périodique détaillé et instructif des faits les plus importants de la vie industrielle.

Le Gouvernement français a envoyé, en 1867, M. Freycinet, ingénieur des mines, en Angleterre, pour y étudier le système des inspections. Il dit dans son rapport : « La loi s'exécute aujourd'hui dans toute l'Angleterre avec une ponctualité remarquable. Elle est universellement respectée des manufacturiers, et, ce qui est mieux encore, elle est aimée d'eux. La crainte seule de la concurrence, ·disent-ils, empêchait les fabricants d'opérer spontanément une réforme dont tous sentaient la nécessité, mais dont aucun, n'osait prendre l'initiative à cause de l'infériorité momentanée qu'elle pouvait entraîner pour son auteur ; mais, du jour où la loi a provenu ce danger en rendant les conditions égales pour tous, nous y avons applaudi sans réserve.

« Des fabricants qui étaient, il y a dix ans, les plus récalcitrants obéissent aujourd'hui à la loi avec une docilité parfaite. Il faut une surveillance, il la faut vigoureuse, nous ont dit plusieurs grands manufacturiers de Manchester ; sans cela, les fabricants malhonnêtes éluderont la loi, et ils obligeront les autres à en faire autant, afin de n'être pas écrasés par la concurrence. » « D'ailleurs », dit un des orateurs lors des délibérations de l'Assemblée nationale sur la loi du. 19 mai 1874 concernant le travail des enfants et des femmes mineures dans l'industrie, « remarquez bien que s'il y a un pays au monde qui redoute l'immixtion des fonctionnaires dans le domaine des intérêts privés, c'est assurément l'Angleterre. Elle n'a pas la manie du fonctionnarisme, elle, et si elle a créé des fonctionnaires spéciaux pour faire exécuter la loi sur le travail des enfants , c'est qu'elle a reconnu que c'était la meilleure mesure qu'elle pût prendre.

« Mais on nous dit que nous allons augmenter les charges budgétaires et qu'en ce moment la grande préoccupation doit être de les réduire et d'écarter môme des dépenses si minimes qu'elles puissent être, si elles ne sont pas absolument-justifiées. Mais, remarquez-le bien, Messieurs, non seulement les inspecteurs que nous vous proposons de créer assureront l'efficacité de cette loi, ils nous
rendront de bien autres services, comme l'ont prouvé les inspecteurs qui fonctionnent en Angleterre.

« Dans un temps, dans un siècle qu'on a appelé le siècle des buestions sociales, le siècle des ouvriers, trouvez-vous donc que ce soit chose superflue que d'avoir quelques hommes chargés d'étudier constamment les conditions du travail, de vous signaler les abus

1000 qui se commettent, les améliorations qui peuvent être réalisées; des hommes qui suivent constamment ce grand mouvement industriel dont les destinées nous sont encore inconnues ? Croyez-vous que ce soit nne chose absolument superflue ? » L'Union suisse du commerce et de l'industrie, appuyée par l'adresse des 272 industriels, propose de biffer l'art. 19 en entier et de faire abstraction complète du contrôle de la Confédération sur l'exécution de la loi.

Nous n'avons, pour ce qui nous concerne, rien à ajouter après ce qui a été dit sur ce sujet dans d'autres pays.

Artf.' 18. Des ordonnances de l'autorité de surveillance compétente, auxquelles il est fait allusion ici, peuvent résulter des dispositions des articles 3 (alinéas 2, 3 et 5), 6, il, 12, 14 et 15.

Le projet n'admet pas la compétence des autorités administratives ea matière pénale, compétence qui, dans certains cas, est ancordée, en Angleterre, à l'inspecteur de fabrique. Lorsqu'il n'est pas fait mention d'une marche spéciale à suivre, comme c'est le cas à l'art. 4 , c'est la procédure en usage clans les Carftons qui fait règle, ainsi que les prescriptions cantonales relatives à la compétence des différentes instances, aux appels, etc., etc.

Le projet diffère des législations anglaise, allemande et française eu ce qu'il admet un minimum et un maximum pour les amendes et qu'entre ces limites la fixation définitive de l'amende est laissée à l'appréciation du juge. Les législations étrangères dont nous avons parlé établissent des classifications plus ou moins détaillées. En Allemagne, les contraventions aux dispositions de la loi des fabriques sont punies d'amendes de 5 ,. 10 , 50, 100 et 500 thaler, avec aggravation de peiue pour les cas de récidive; en Angleterre, le minimum est de 3 £ ; la loi française est moins sévère que celles de l'Allemagne et de l'Angleterre ; le maximum et le minimum qu'elle prévoit sont inférieurs à ceux qu'admet notre projet.

Nous avons jugé nécessaire de prescrire dans un alinéa spécial que les contestations en matière civile qui procèdent du contrat entre le fabricant et l'ouvrier (art. 9) ne peuvent donner lieu à aucune action pénale.

Art. 19. Les questions relatives au travail dans les fabriques qui ne sont pas réglées par la présente loi rentrent seules dans le domaine de la législation et de
l'administration cantonales. La Constitution prescrit des dispositions « uniformes » sur l'emploi des enfants dans les fabriques, etc., et cette uniformité ne pourrait exister s'il était permis aux Cantons de s'éloigner, dans un sens ou dans l'autre, des prescriptions édictées par la loi.

1001

Art. 20. La loi renferme des dispositions qui ne peuvent entrer en vigueur en même temps que l'ensemble de la loi. Les dispositions de l'art. 11 et surtout celles de l'art. 15 rendent nécessaire dans les fabriques une organisation qui a besoin d'un certain temps pour s'établir, tandis que d'autres prescriptions de la loi peuvent être immédiatement mises à exécution. C'est en vue de cette circonstance qne le Conseil fédéral est autorisé à fixer l'époque où chacune des dispositions de la loi entrera en vigueur.

Nous basant sur l'exposé ci-dessus, nous proposons à votre adoption le projet ci-après, et nous saisissons cette occasion pour vous renouveler, Monsieur le Président et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 6 décembre 1875.

Au nom du Conseil fédéral suisse, Le Président de la Confédération : SCHEKER.

Le Chancelier de la Confédération: SCHIESS.

1002

# S T #

Message du

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant la modification des concessions de la ligne du lac de Zurich au Gothard.

(Du 8 décembre 1875.)

Monsieur le Président et Messieurs, Pour les sections Brunnen-Rothkreuz et Rappersweil-Brunnen de la ligne du lac de Zurich au Gothard, les délais suivants ont été fixés: Les documents techniques et financiers devront pour la première être présentés jusqu'au 17 et pour la seconde jusqu'au 25 décembre prochain ; les terrassements devront être commencés avant le 1er avril 1876, et le 1er avril 1879 a été fixé comme délai d'achèvement pour les deux sections.

Or, il a été présenté relativement à ces sections les requêtes suivantes : 1° La ligne Brunnen-Rothkreuz devrait être divisée en 3 sections : Brunnen-Gersau-Vitznau, Vitznau-Küssnacht et KüssnachtRothkreuz, en ce sens et afin que le fait d'avoir négligé les délais de justification et de construction pour l'une ou l'autre de ces sections n'entraîne la perte de la concession que pour ladite section ou pour la partie qui n'en serait pas exécutée et non pas pour les autres.

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Message du Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant le projet de loi sur le travail dans les fabriques. (Du 6 décembre 1875.)

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11.12.1875

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