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FEUILLE FÉDÉRALE 93e année

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Berne, le 12 juin 1941

Volume I

MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur la demande d'initiative pour la réorganisation du Conseil national.

(Du 27 mai 1941.)

Monsieur le Président et Messieurs, En date du 28 mars 1941, vous nous avez transmis la demande d'initiative de l'union des indépendants sur la réorganisation du Conseil national, en nous invitant à vous présenter un rapport sur le fond. Voici ce rapport.

La demande d'initiative tend à la revision des articles 72, 1er alinéa, et 73 de la constitution, à l'adjonction de deux alinéas à l'article 75 et à l'adoption de dispositions transitoires. Elle porte sur les points suivants: 1° relèvement du chiffre électoral; 2° interdiction du cumul officiel; 3° établissement d'une limite d'ancienneté; 4° publication des charges d'administrateur exercées par les candidats; 5° renouvellement immédiat du Conseil national.

Nous examinerons successivement ces cinq points.

1. Relèvement du chiffre électoral.

Le nombre d'habitants donnant droit à un député au Conseil national, qui avait été fixé à 20 000 dans la constitution de 1848, fut porté à 22 000 en 1931. L'initiative voudrait l'augmenter à 30000. Autrement dit, le nombre des députés, qui -- malgré l'augmentation de la population -- a été ramené, en 1931, de 198 à 187, serait réduit à 139.

Dans le message du 2 septembre 1930 qui introduisit le projet de réforme de 1931, le Conseil fédéral avait proposé de fixer le chiffre électoral à 23 000 habitants, ce qui aurait ramené le nombre des députés à 175, alors que le Feuille fédérale. 93e année. Vol. I.

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recensement de la population devait entraîner une augmentation. C'est pour éviter cette augmentation que le Conseil national lui-même avait demandé au Conseil fédéral de lui soumettre un projet de relèvement du chiffre de 20 000 habitants, ou bien alors de se fonder uniquement sur la population suisse. Cette dernière solution ayant été écartée par le Conseil fédéral, comme elle devait l'être par le parlement, il ne restait plus qu'à fixer la mesure de l'augmentation du chiffre électoral.

Le message du Conseil fédéral énurnérait les avantages d'une réduction du nombre des députés. Il y voyait d'abord un moyen de raccourcir les délibérations, estimant qu'à conditions égales par ailleurs, le nombre des discours augmente avec celui des députés. Et, considérant la longueur et le nombre croissants des sessions, il soulignait la difficulté de trouver, en dehors des citoyens qui se vouent spécialement à la politique, des hommes disposés à accepter un mandat de député.

L'augmentation du nombre des députés entraîne en outre, disait le Conseil fédéral, une complication des rouages parlementaires, le nombre des députés appelés à faire partie de commissions étant toujours plus restreint. Il en résultait aussi un manque de contact entre les députés qui gênait la formation de l'esprit collectif indispensable à un bon fonctionnement du parlement. Le Conseil fédéral mentionnait enfin l'éparpillement des responsabilités résultant du fractionnement toujours plus grand des intérêts dans une assemblée nombreuse et l'effacement du souci de l'intérêt général.

Dans la discussion, des orateurs se montrèrent en général assez accessibles à ces considérations, qui conservent aujourd'hui encore toute leur valeur. Sans doute fit-on remarquer que, pour soulager le parlement, l'assujettissement des débats à une discipline sévère était au moins aussi efficace que la réduction du nombre des députés. Divers orateurs firent observer aussi qu'en raison de la diversité de notre pays, la représentation d'intérêts légitimes souffrirait d'une réduction trop grande de l'effectif du parlement. Mais le principe même de la réduction ne fut guère combattu.

Cependant, nombre de députés considéraient que l'adoption de la proposition du Conseil fédéral entraînerait une réduction excessive de la députation de leur canton et opinaient pour un
relèvement du chiffre électoral à 22 000 seulement. Les socialistes, de leur côté, proposaient d'arrêter à 200 l'effectif du Conseil national. Finalement, le chiffre de 22 000 l'emporta, en votation éventuelle, par 76 voix contre 74 sur celui de 23 000, et, en votation principale, par 96 voix contre 56 sur le chiffre fixe de 200 députés. Le Conseil des Etats adopta, en revanche, la proposition du Conseil fédéral mais, le National ayant maintenu son point de vue, il se rallia au chiffre de 22 000. Le nouveau texte fut adopté au vote final par 75 voix contre 25 au Conseil national et par toutes les voix contre une au Conseil des Etats.

495 Cette décision fut sanctionnée, dans la votation populaire du 15 mars 1931, par 296 053 voix contre 253 382 et par 13 cantons et demi contre 8 et demi. A en juger par la participation au scrutin -- 53 pour cent seulement -- la réduction du nombre des députés n'a pas passionné l'opinion, et la faible majorité acceptante montre que le corps électoral n'éprouvait pas non plus le désir de faire des coupes sombres dans la représentation nationale. Le résultat eût-il été différent si la base électorale avait été portée à 23 000 habitants, selon la proposition du Conseil fédéral ? La question demeure ouverte. Mais il paraît bien qu'à mesure qu'on s'écarterait du chiffre de 22 000 il serait plus difficile d'obtenir une majorité dans le peuple.

Si l'on pouvait hésiter alors entre la réduction du nombre des députés à 187 ou à 175, la question ne se pose plus pour la réduction à 139 qui résulterait du relèvement du chiffre électoral à 30 000 habitants. Sans doute les avantages d'une réduction augmentent-ils en proportion, mais aussi les inconvénients qui ont été relevés dans la discussion parlementaire.

La difficulté de faire place, dans une assemblée aussi réduite, à nombre d'intérêts légitimes apparaît de toute évidence. En outre, dans maint canton, les minorités ne seraient plus représentées. Enfin, la réduction accentuerait le privilège des cantons dont la population est, actuellement déjà, inférieure au chiffre électoral et elle augmenterait le nombre de ceux où la représentation proportionnelle ne peut pas fonctionner, ou du moins pas d'une manière satisfaisante.

Par ces motifs, nous pensons que la réduction projetée entraînerait des inconvénients bien supérieurs à ses avantages. Quant au principe même de la réduction, nous n'avons rien à retrancher des considérations exposées dans le message du Conseil fédéral du 2 septembre 1930. Mais, l'Assemblée fédérale ayant admis qu'un relèvement du chiffre électoral à 22 000 habitants suffisait et le peuple ayant sanctionné cette réforme, nous ne jugeons pas indiqué de reprendre la proposition du Conseil fédéral de 1930.

2. Interdiction du cumul officiel.

Le cumul est l'institution qui, dans le système de la représentation proportionnelle, permet aux partis ou aux électeurs d'inscrire le nom d'un candidat plus d'une fois sur les bulletins de vote. Si
cette faculté est donnée aux partis, elle appartient ipso facto également aux électeurs. Mais elle peut être accordée aux électeurs seuls. Or, tandis que les articles 4, 1er alinéa, et 13, 3e alinéa, de la loi concernant l'élection du Conseil national autorisent, à concurrence de deux suffrages, à la fois le cumul officiel et le cumul privé, l'initiative propose d'interdire le. premier. Nous n'aurons donc à nous occuper que du cumul officiel.

Le projet de loi de 1918 concernant l'élection du Conseil national n'autorisait le cumul sous aucune forme. Après avoir énuméré les arguments

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avancés par les partisans de cette institution, le message du Conseil fédéral (p. 15/16) ajoutait: « Par contre, ce système limite considérablement l'influence que l'électeur peut exercer sur l'ordre dans lequel il désire que les candidats soient élus. Cette raison et la crainte que le système du vote cumulatif ne soit pas facilement compris des électeurs -- surtout dans les cantons où la représentation proportionnelle n'a pas encore été introduite -- ont incité la commission consultative convoquée par le département politique à se prononcer contre le cumul jusqu'à concurrence de deux suffrages qui était prévu dans l'avant-projet. Dans ces conditions, nous avons renoncé au vote cumulatif dans le présent projet de loi. » Cette proposition donna lieu, tant au Conseil national qu'au Conseil des Etats, à un long débat. Les partisans du cumul firent observer qu'avec le système de la concurrence des suffrages nominatifs, les partis qui laissent des lignes en blanc sur leurs listes sont très exposés à perdre des voix; en outre, les électeurs peuvent être tentés de donner des suffrages à des candidats d'autres partis, de manière à influer sur l'ordre des élus de ceux-ci.

Pour une raison de moralité politique on devait donc épargner aux partis, notamment aux petits, l'inconvénient de laisser des lignes en blanc sur les listes. A cette fin, il fallait autoriser le cumul, car on ne pouvait pas admettre qu'un petit parti trouve, dans un grand canton, trente personnes qualifiées prêtes à se laisser porter sur sa liste. En outre, le cumul permet aux partis d'assurer l'élection d'hommes particulièrement méritants, mais qui, en raison de leur activité passée, encourent l'impopularité de certains milieux; c'est souvent là seule façon, pour les partis, de conserver des chefs précieux.

Ces arguments furent combattus, au Conseil national, notamment par les partisans du système des députés-suppléants. Finalement, par suite de la manière dont la question fut posée au vote, les deux systèmes furent rejetés, et la proposition du Conseil fédéral l'emporta. Mais le cumul fut repris au Conseil des Etats et adopté par 25 voix contre 10, sur quoi le National l'adopta, à son tour, par 78 voix contre 44.

Le cumul officiel est donc autorisé depuis 22 ans pour les élections au Conseil national, et les partis en font largement
usage. Précisons qu'il s'agit de tous les partis, y compris celui des indépendants, qui en réclame aujourd'hui la suppression. Ce n'est pas non plus l'apanage d'une région: à la seule exception des Grisons, le cumul a été pratiqué soit régulièrement, soit sporadiquement, dans tous les cantons où s'applique la représentation proportionnelle. Nous devons donc reconnaître que l'une'des deux raisons qui l'avaient fait écarter par le Conseil fédéral en 1918 -- la crainte qu'il ne fût pas facilement compris des électeurs -- n'a plus de pertinence.

L'esprit du système proportionnaliste a pénétré les masses électorales.

On se rend compte aujourd'hui que, l'électeur disposant d'autant de suf-

497 frages nominatifs que le canton compte de députés, il n'y a rien d'étrange à ce qu'il porte deux de ces suffrages sur le même candidat plutôt que de les répartir. Les auteurs de l'initiative eux-mêmes ne s'en offusquent pas, puisqu'ils admettent le cumul privé.

Quant au but poursuivi par le cumul, il varie suivant les circonstances.

Ainsi, dans les cantons qui nomment deux députés, il sert uniquement à la présentation d'une liste complète, épargnant ainsi à l'électeur la tentation d'inscrire sur la ligne en blanc un candidat d'un autre parti. Dans les grands cantons, certains partis cumulent uniformément tous leurs candidats, de manière à présenter des listes complètes, ou du moins à laisser aussi peu que possible de lignes en blanc. Cet usage du cumul ne prête pas à discussion.

Ce que critiquent les auteurs de l'initiative, c'est qu'on se serve du cumul pour avantager certains candidats et assurer en fait leur élection.

Assurément, comme le disait le Conseil fédéral dans le message précité, le cumul ainsi pratiqué « limite considérablement l'influence que l'électeur peut exercer sur l'ordre dans lequel il désire que les candidats soient élus ». On pourrait même aller plus loin et dire que l'électeur n'est plus en mesure de manifester utilement ses préférences qu'entre les candidats non cumulés.

D'autre part, les partis ne recourent pas sans nécessité à cette sorte de cumul: ils s'en servent pour assurer ou bien l'élection de dirigeants dont le siège est menacé, ou bien la représentation de groupements économiques ou linguistiques à l'intérieur du parti. Or il n'est pas dans l'intérêt général d'exclure du parlement des représentants particulièrement autorisés de tel ou tel groupement. Sans doute nombre de partis cantonaux s'interdisent-ils d'entrer dans cette voie et préfèrent-ils les inconvénients d'une élection entièrement libre à l'institution de deux catégories de candidats.

Mais ce n'est pas un motif pour refuser aux autres de recourir à une mesure qu'ils jugent nécessaire.

Les conseils législatifs ayant nettement exprimé leur volonté sur ce point, nous ne jugeons pas utile de revenir sur la question et de recommander la suppression du cumul. D'autant moins qu'il s'agit d'une disposition qui, de par sa nature, doit être réglée dans une loi et non dans la constitution.

3. Etablissement
d'une limite d'ancienneté.

Aux termes de l'initiative, tout citoyen ayant fait partie du Conseil national pendant douze ans devrait se · retirer et ne serait plus éligible pendant les deux législatures suivantes.

Si nous considérons la liste, établie le 1er avril 1941, des députés en charge qui tomberaient sous le coup de cette prescription, nous constatons qu'à part le groupe libéral-démocratique et celui des indépendants, tous les

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groupes contribueraient au sacrifice, savoir les socialistes par 22 membres, les radicaux et les catholiques par 13 chacun, les paysajis, artisans et bourgeois par 8 et le groupe libre et démocratique par 2. Si l'on y ajoute deux députés qui n'appartiennent à aucun groupe, on arrive au total de 60, soit environ le tiers de l'assemblée. Or, en toute objectivité, on est obligé de constater que ce contingent comprend une grande partie des dirigeants de ces groupes, soit des hommes qui, par leur situation, par leur activité, par leurs talents, se sont assuré au parlement des places de premier plan.

Ce n'est pas un hasard. La conduite des hommes n'est pas seulement l'apanage de quelques-uns, elle ne s'acquiert que par des contacts prolongés, par la connaissance approfondie du milieu. Pour cela, il faut du temps. Le jour où le Conseil national perdrait, en raison de leur ancienneté, une bonne partie de ses dirigeants, l'activité parlementaire en soufîrirait, et, jusqu'à ce que les successeurs aient acquis l'autorité des anciens, il s'écoulerait sans doute un temps assez long.

D'autre part, il n'est pas de l'intérêt du pays que le parlement s'ankylose dans une quasi-permanence de ses membres. Mais l'expérience prouve que ce danger n'existe pas. Ainsi lorsque, aux élections de 1931, l'effectif du Conseil national tomba de 198 membres à 187, 28 députés y apportèrent un sang nouveau. Puis, au cours de la législature, par suite de démissions et de décès, 36 furent remplacés. Aux élections de 1935, 56 sièges furent occupés par des nouveaux, et 26 devinrent vacants au cours de la législature. Enfin, en 1939, 33 nouveaux députés entrèrent au conseil, et, depuis lors, 11 anciens ont été remplacés par suite de démissions ou de décès.

En somme, le rajeunissement visé par l'initiative s'opère à un rythme rapide. S'il épargne les chefs, c'est un phénomène heureux. Les sacrifier, comme le ferait le système de l'initiative, en pratiquant la sélection par le bas serait une faute.

4. Publication des charges d'administrateur exercées par le candidat.

Si l'interdiction du cumul relève de la loi, et non de la constitution, la disposition que nous avons maintenant à examiner ressortit à l'ordonnance d'exécution. C'est, en effet, à son article 19, 2e alinéa, que l'ordonnance du 8 juillet 1919 prescrit les indications
qui doivent figurer au procès-verbal des résultats de l'élection, en regard des noms des candidats, élus ou non élus, savoir: prénom, nom de famille, année de naissance, lieu d'origine et domicile, profession. Sans doute l'ordonnance ne contient-elle pas de prescription de cette nature au sujet du dépôt des listes de candidats.

Mais il ressort de la disposition susmentionnée que le gouvernement cantonal a le droit d'exiger les indications ci-dessus lors de ce dépôt (A. Rudolf, Eidgenössisches Proportional-Wahlrecht, p. 28). La prescription de l'initiative concernant la publication de la profession est donc à la fois incomplète et superflue.

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Mais l'initiative exige aussi la publication des « mandats d'administrateur éventuellement exercés par les candidats». Et elle ajoute: «Les sociétés dépendant d'entreprises étrangères doivent être désignées comme telles. » Alors que la prescription de l'article 19 de l'ordonnance contient une prescription d'ordre, destinée à renseigner l'électeur sur l'identité du candidat, l'initiative vise ici à jeter la suspicion sur les candidats qui sont administrateurs de sociétés. Cela ressort clairement de la brochure de M. Pfändler intitulée « Ein dringender Vorschlag zur Reorganisation des Nationalrates », qui s'exprime ainsi (p. 6) : « De nombreux conseillers nationaux sont en même temps administrateurs de toutes les sociétés anonymes possibles, de grandes coopératives et d'autres organismes du capital privé. Ils se considèrent en première ligne, au parlement également, comme représentants de ces sociétés. Lorsque les intérêts de ces dernières sont en opposition avec l'intérêt général -- comme c'est souvent le cas -- ·on verra ces représentants « du peuple » s'employer, dans d'abondants discours, à défendre les intérêts particuliers de leurs mandants. » En principe, nous sommes nettement opposés à ce que l'autorité intervienne dans un domaine où la publication a l'air d'une dénonciation.

Dans les campagnes électorales, ce service est largement fait par les partis.

Au surplus, nous nous refusons à admettre que le fait d'administrer une société puisse être considéré comme une. déficience pour un homme public.

De tout temps on s'est efforcé, souvent sans s,uccès, d'intéresser à la politique active des hommes d'affaires, qui, à une époque où l'économie présente un intérêt si considérable pour le pays, peuvent rendre des services inappréciables. Or il est naturel que ces hommes-là dirigent eux-mêmes une exploitation ou administrent une société, et il est mesquin de leur en faire grief.

Quant à prétendre que cette activité, comme il est allégué dans la brochure susmentionnée, les empêche d'exercer leur mandat dans les conditions qui leur sont imposées par la loi et par leur serment, nous n'y voyons qu'une injure gratuite à leur égard, car l'auteur de la brochure n'énonce pas un seul fait à l'appui de cette grave accusation. Si, au reste, elle avait le moindre fondement, la mesure réclamée par l'initiative
serait tout à fait insuffisante. On comprendra, dans ces conditions, que, sur ce point également, nous nous refusions à entrer dans les vues des auteurs de l'initiative.

5. Renouvellement immédiat du Conseil national.

Aux termes de l'initiative, le Conseil national devrait être renouvelé dans les trois mois à compter du vote populaire. Le Conseil fédéral serait naturellement aussi soumis à réélection.

Les auteurs de l'initiative peuvent se référer au renouvellement du Conseil national de 1919, qui, pour permettre d'appliquer le plus tôt possible le système de la représentation proportionnelle, raccourcit d'un an

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la durée du mandat des élus de 1917. Cette disposition s'inspirait de l'idée que, le nouveau régime électoral devant modifier profondément la répartition des sièges entre les partis, les députés élus en 1917 ne pouvaient décemment conserver leurs sièges. « Le Conseil national, disait-on, ne représente plus le peuple. » La situation actuelle diffère sur un point essentiel de celle de 1919: si la nouvelle initiative entraîne une modification sensible de la composition de l'assemblée, le changement ne touche que les individus et non pas les partis. L'arrêté de 1919 a été dicté par des considérations politiques et personnelles. Aujourd'hui, les premières ne sont plus en jeu.

Devons-nous envisager ces considérations personnelles comme suffisantes pour justifier une mesure d'un caractère aussi exceptionnel? Nous penchons pour la négative. Les membres actuels du Conseil national que l'adoption de l'initiative forcerait à la retraite en raison de leur ancienneté pourraient sans inconvénient continuer à exercer jusqu'à la fin de la législature un mandat qu'ils tiennent du peuple lui-même. Mais ce qui prime toute considération personnelle, c'est la situation du pays. Les dernières élections ont été ordonnées bien que l'Europe fût déjà en guerre et malgré tous les inconvénients d'une lutte politique livrée dans un peuple en armes. L'expérience a donné raison à ceux qui se sont opposés à un ajournement. Mais du moins le pays doit-il en retirer tout le bénéfice, autrement dit ne pas être appelé à recommencer la lutte avant l'expiration du mandat donné aux députés en 1939, soit avant octobre 1943. La Suisse a aujourd'hui assez de soucis sans s'imposer des complications supplémentaires.

Conclusion.

L'initiative a été certainement dictée par le désir d'améliorer les conditions de l'activité parlementaire. Mais les moyens employés par ses auteurs ne nous paraissent nullement adéquats. La « réforme de l'Etat » devra être sans doute abordée au moment opportun. Mais sur un plan large, sur le plan des rapports entre le législatif et l'exécutif. Or, ce que nous apporte l'initiative est purement négatif. L'affaiblissement qui résulterait, pour le Conseil national, de la réduction de son effectif et de l'institution d'une limite d'ancienneté est une perte sèche, qui ne profitera à personne et en particulier pas au pays. Les autres dispositions -- très contestables au reste -- relèvent de la loi ou de l'ordonnance d'exécution.

Quant au renouvellement immédiat du Conseil national, il est absolument inopportun.

Par ces motifs, nous concluons au rejet de l'initiative et, n'y trouvant aucun élément qui nous paraisse valoir d'être repris dans un contre-projet, nous vous recommandons le rejet pur et simple conformément au projet d'arrêté fédéral ci-annexé.

soi Nous saisissons cette occasion, Monsieur le Président et Messieurs, pour vous renouveler les assurances de notre haute considération.

Berne, le 27 mai 1941.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, WETTER.

Le chancelier de la Confédération, G. BOVET.

(Projet.)

Annexe 1.

Arrêté fédéral sur

la demande d'initiative concernant la réorganisation du Conseil national.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu l'initiative populaire du 10 mars 1941 pour la réorganisation du Conseil national; vu les articles 121 et suivants de la constitution fédérale et les articles 8 et suivants de la loi du 27 janvier 1892 sur le mode de procéder pour les demandes d'initiative populaire et les votations relatives à la revision de la constitution fédérale; vu le message du Conseil fédéral du 27 mai 1941, arrête : Article premier.

Est soumise au vote du peuple et des cantons la demande du 10 mars 1941, dont le peuple a pris l'initiative en ces termes: « Les citoyens suisses soussignés, ayant droit de voter, demandent, par la voie de l'initiative populaire, que les articles 72, 73 et 75 de la

502 Constitution fédérale, relatifs à l'élection du Conseil national, aient la teneur suivante: Art. 72. Le Conseil national se compose des députés du peuple suisse élus à raison d'un membre par 30 000 âmes de la population totale. Les fractions en sus de 15 000 âmes sont comptées pour 30 000.

Chaque canton et, dans les cantons partagés, chaque demi-canton élit un député au moins.

Art. 73. Les élections pour le Conseil national sont directes. Elles ont lieu d'après le principe de la proportionnalité, le cumul imprimé d'avance de certains candidats n'étant pas autorisé.

Chaque canton ou demi-canton forme un arrondissement électoral.

Art. 75. Est éligible comme membre du Conseil national tout citoyen suisse laïque et ayant droit de voter.

Cependant, tout citoyen ayant fait partie du Conseil national pendant 12 ans doit se retirer et n'est pas rééligible au Conseil national pour les deux législatures suivantes.

Avant les élections, la profession et les mandats d'administrateur éventuellement exercés par les candidats sont publiés officiellement; les sociétés dépendant d'entreprises étrangères doivent être désignées comme telles.

Dispositions transitoires.

Art. 1. Une réélection du Conseil national aura lieu dans l'es trois mois suivant l'acceptation, par votation populaire, de cette modification de la Constitution.

Art. 2. Une réélection complète du Conseil fédéral aura lieu à la première session suivant le renouvellement du Conseil national. »

Art. 2.

Il est recommandé au peuple et aux cantons de rejeter la demande populaire (art. premier).

Art. 3.

Le Conseil fédéral est chargé d'exécuter le présent arrêté.

"503 Annexe 2.

Population au 1er décembre 1930

Cantons

Zurich Lucerne Uri Schwyz Unterwald-le-Haut .

TJnterwald-le-Bas . .

Glaris Fribourg Bàie-Ville . . . .

Bàie-Campagne . .

Schaffhouse . . .

Appenzell Rh.-Ext.

Appenzell Rh.-Int.

St-Gall Grisons Argovie Thurgovie

.

.

.

.

Vaud Valais Neuchâtel . . . .

Genève Suisse

2622

617 706 688 774.

189 391 22968 62337 19 401 15055 35653 34395 143 230 144 198 155 030 92541 51 187 48977 13988 286 362 126 340 259 644 136 063 159 223 331 853 136 394 124 324 171 366 4 066 400

Nombre des députés avec chiffre électoral de 22000

23000

25000

30000

28 31 .9 1 3 1 1 2 2 7 7 7 · 4 2 2 1 13 6 12 6 7 15 6 6 8

27 30 8 1 3 1 . 1 2 1 6 6 7 4 2 2 1 12 5 11 6 7 14 6 5 7

25 28 8 1 2 1 1 1 1 6 6 6 4 2 2 1 11 5 10 5 6 13 5 5 7

21 23 6 1 2 1 1 1 1 5 5 5 3 2 2 1 10 4 9 5 5 11 5 4 6

175

162

187

139

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur la demande d'initiative pour la réorganisation du Conseil national. (Du 27 mai 1941.)

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