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Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant une modification de la constitution par une disposition sur les transports par chemin de fer, par route, par eau et par air.

(Du 19 décembre 1941.)

Monsieur le Président et Messieurs, La loi sur le partage du trafic ayant été rejetée par le peuple en 1935, l'Assemblée fédérale a réglé provisoirement le trafic par rail et par route en adoptant l'arrêté fédéral urgent du 30 septembre 1938 concernant le transport sur la voie publique de personnes et de choses au moyen de véhicules automobiles; cet arrêté est entré en vigueur le 15 août 1940 en vertu d'une décision du Conseil fédéral du 30 juillet 1940. Malgré la forte diminution des transports routiers due à la guerre, le nouveau régime est en voie de réalisation. Le statut des transports automobiles, d'une durée limitée, est valable jusqu'à l'entrée en vigueur d'une loi fédérale sur les transports automobiles, mais au plus pendant cinq ans, soit jusqu'au 15 août 1945.

La nouvelle loi fédérale qui doit être élaborée sur la base des expériences faites sous le régime provisoire du statut des transports automobiles ne pourra cependant pas être soumise aux délibérations des chambres fédérales sans que la constitution ait été complétée et modifiée. Il importe donc, malgré la guerre, de préparer sans retard une base constitutionnelle assurant une nouvelle réglementation légale à l'économie suisse des transports. Le Conseil fédéral avait déjà manifesté cette intention dans le passage suivant de son message du 16 mai 1941 approuvant les comptes des chemins de fer fédéraux pour 1940: La proposition du conseil d'administration des chemins de fer fédéraux tendant à accélérer les travaux législatifs en vue de résoudre le problème railroute et de les mettre au point pour que le nouveau régime puisse être appliqué après la guerre retiendra toute notre attention. On envisage de préparer la base

1133 constitutionnelle encore cette année, tout en prenant position à l'égard de l'initiative sur le transport des marchandises et en élaborant un contre-projet fondé sur les propositions de la commission fédérale d'étude préposée à cet effet.

Il faut renoncer, dans ce message, à traiter dans son ensemble le problème si difficile d'une coordination rationnelle des moyens de transports.

Nous pouvons d'autant mieux nous en abstenir que les explications données par le Conseil fédéral dans son message du 18 juin 1938 relatif à l'introduction du statut des transports automobiles ont en principe gardé leur valeur. Il serait aussi prématuré d'arrêter dès aujourd'hui dans le détail les directives d'une future réglementation légale. Nous nous bornerons donc à décrire les buts principaux visés par une revision constitutionnelle tendant à régler définitivement l'économie suisse des transports. Il y a lieu tout d'abord, pour préparer les bases constitutionnelles d'une coordination des moyens de transports, d'examiner de plus près l'initiative de 1938 sur le transport des marchandises.

1. L'INITIATIVE POPULAIRE DE 1938 CONCERNANT UNE RÉGLEMENTATION DU TRANSPORT DES MARCHANDISES Par un rapport du 31 mai 1938, nous vous avons annoncé que le comité de l'initiative pour l'organisation du transport des marchandises avait réuni 384 760 signatures valables et que cette initiative avait donc abouti.

En voici le texte: Les citoyens suisses soussignés déposent, conformément à l'article 121 de la constitution fédérale et à la loi fédérale du 27 janvier 1892 concernant le mode de procéder pour les demandes d'initiative populaire et les votations relatives à la revision de la constitution fédérale, l'initiative suivante: La constitution fédérale est complétée par l'article suivant: Art. 37 quater. La Confédération règle le transport des marchandises au moyen de véhicules à traction mécanique conformément aux besoins de l'économie nationale. A cet effet, elle pourvoit à ce que les transports de marchandises à longue distance s'effectuent essentiellement par chemin de fer.

Adjonction à l'article 31, alinéa 2.

Sont réservés: . . .

/. la réglementation du transport des marchandises selon l'article 37 'quater.

Dans sa brochure du 15 juillet 1937, intitulée « Coordonner les transports sur rail et sur route est une nécessité nationale », le comité d'initiative s'est prononcé comme il suit sur l'adaptation de la constitution aux nouvelles exigences du trafic: L'autre difficulté réside dans notre constitution fédérale. La constitution soumet expressément à la législation les chemins de fer, la navigation, l'aviation, mais non les transports par automobiles, dont l'importance croît constamment.

Du fait qu'ils ne sont pas mentionnés expressément, on ne saurait admettre que la Confédération n'ait pas le droit de légiférer sur ces transports; d'autres dispositions constitutionnelles peuvent lui en fournir la possibilité, dans une certaine mesure. Néanmoins, la situation juridique n'est ni claire, ni équitable, ni ration-

1134 nelle. Ici, l'étranger est bien en avance sur nous. Le moment est donc venu où le peuple suisse doit faire savoir à ses autorités, par voie d'initiative, qu'il est d'accord d'adapter sa constitution aux exigences nouvelles.

Le désarroi qui règne chez nous dans le domaine des transports a engagé des hommes de toutes les professions et de tous les partis à étudier le problème moderne du trafic et à en rechercher la solution. Pour les motifs qui viennent d'être exposés, ils voient dans une initiative constitutionnelle recueillant l'adhésion formelle du peuple la condition indispensable de l'assainissement de notre économie des transports.

Par arrêté du 24 juin 1938, l'Assemblée fédérale constata que l'initiative populaire avait abouti et chargea le Conseil fédéral d'établir un rapport de fond.

Avant l'aboutissement de cette initiative, le Conseil fédéral s'était occupé déjà d'une revision constitutionnelle préparant un nouveau régime des transports, en relation avec le statut des transports automobiles, de caractère provisoire et d'une durée limitée.

2. LA QUESTION CONSTITUTIONNELLE AU MOMENT DE L'ÉTABLISSEMENT DU STATUTDESTRANSPORTS AUTOMOBILES Reprenant l'opinion qu'il avait exposée déjà dans son message du 23 juin 1934 relatif à la loi sur le partage du trafic, au vu d'une consultation du professeur Blumenstein, le Conseil fédéral conclut dans le message du 18 juin 1937, qui aboutit à l'introduction du statut des transports automobiles de durée limitée, que l'article 36 de la constitution fédérale, qui définit le monopole des postes, peut et doit être interprété comme une disposition instituant un monopole général des transports publics. Mais aucune interprétation, si dynamique soit-elle, ne permet de l'étendre de bonne foi aux transports privés. D'autre part, il n'existe indubitablement aucune base constitutionnelle permettant à la Confédération d'imposer l'automobile. La question de savoir si l'article 31 de la constitution fédérale pourrait suffire pour les transports occasionnels et rétribués de personnes qui sont soumis au statut des transports automobiles n'a pas été résolue.

Au Conseil des Etats, on se demanda cependant si l'article 14 du projet, concernant la clause de limitation et les conditions subjectives du requérant, était compatible avec l'article 31 de la constitution. A ce moment (mars et septembre 1938), ce furent, il est vrai, surtout des considérations inspirées de la défense nationale qui firent taire les objections.

Comme il existe encore des doutes sur le but du statut des transports automobiles, il n'est pas inutile de rappeler les raisons données par le Conseil fédéral à l'appui de cette institution provisoire : « Pour amorcer efficacement la coordination du trafic automobile et du trafic ferroviaire, il est nécessaire que le premier soit organisé, pour être ensuite intégré dans le régime général des transports. Sinon toute tentative sérieuse de collaboration entre le rail et la route est vouée à l'échec, l'une des parties

1135 étant, par son absence même de structure stable, inconsistante et insaisissable. Le statut des transports automobiles doit établir une base de départ à la réglementation à venir, donner le temps de concevoir et de déterminer cette réglementation, en tenant compte des traditions, de la structure économique et des besoins particuliers de notre pays» (FF 1937, II, 147/148).

Pour créer une base constitutionnelle élargie et une nouvelle législation, on avait compté naguère avec une période de 4 à 5 ans au moins.

Le message laissait entrevoir l'introduction dans la constitution fédérale d'une disposition attribuant, d'une manière générale, à la Confédération la compétence législative en matière de trafic automobile. C'est, d'ailleurs, le seul élément important du trafic qui ne relève pas d'elle. Les postes lui appartiennent depuis le début (art. 36 Cst.). Au fur et à mesure de leur invention et de leur développement, les autres moyens de transport lui ont été soumis à leur tour: les télégraphes, les téléphones, la radio, en un mot tout ce qui a trait à la transmission des nouvelles, et d'autre part les chemins de fer (art. 26 Cst.), la navigation (art. 24 ter Cst.) et l'aéronautique (art. 37 ter}. Le trafic forme désormais un tout, sinon homogène, du moins dont les divers éléments dépendent les uns des autres et réagissent les uns sur les autres. Il n'est pas normal, ni logique, ni pratique, que le trafic automobile, l'un des plus souples et des plus rapides, l'un des plus mobiles aussi et par conséquent l'un de ceux qui se développent le plus en dehors des contingences cantonales, soit le seul qui ne relève point de la Confédération. C'est à la fois une erreur qu'il conviendrait de réparer et une lacune à combler. On peut y parvenir soit en formulant un article général sur l'ensemble du trafic, communications et transports, soit en adoptant une disposition spéciale sur le trafic automobile, qui compléterait les autres.

A l'Assemblée fédérale, le représentant du Conseil fédéral déclara (en 1938) que l'élaboration d'une base constitutionnelle en vue d'une législation définitive serait entreprise sans retard et soumise peut-être au peuple en 1939 déjà. Les enquêtes de la commission d'étude constituée pour examiner, ces diverses questions, ainsi que la guerre, ont retardé l'exécution de ce programme.
3. RÉSULTATS DES ENQUÊTES FAITES PAR LA COMMISSION D'ÉTUDE FÉDÉRALE ET PAR LA COMMISSION DES TRANSPORTS a. Travaux de la commission d'étude.

Après le rejet, en mai 1935, de la loi sur le partage du trafic, l'Assemblée fédérale ordonna, sur la proposition du Conseil fédéral, une statistique qui devait déterminer exactement l'étendue et les modalités des transports automobiles. Les résultats en furent connus vers le milieu de l'année 1937.

1136 Se fondant sur cette documentation plus étendue relative à la structure du trafic routier, une commission d'étude, constituée par le département des postes et des chemins de fer et composée de 17 membres, répartis en plusieurs sous-commissions, se réunit le 7 juillet 1937 pour examiner plus en détail l'ensemble du problème. Elle étudia spécialement l'opportunité d'une revision constitutionnelle et, plus tard, s'occupa de l'initiative sur le transport des marchandises. Cette commission était composée de représentants de l'économie, des chemins de fer et de l'automobilisme. Afin de remplir leur mandat, les sous-commissions se virent obligées d'examiner aussi en détail les questions en rapport avec une législation future, notamment le problème rail-route et l'imposition du trafic automobile. La souscommission V, qui s'occupa du problème constitutionnel, estima que l'article 36 de la constitution fédérale devait être interprété restrictivement.

Un nouvel article constitutionnel, servant de base à une législation future, parut dès lors indispensable.

La commission plénière fut réunie le 16 janvier 1941 pour arrêter son attitude finale. Au cours de la conférence, la majorité exprima l'avis qu'une revision partielle de la constitution fédérale ne pouvait, dans l'intérêt d'une meilleure réglementation des transports, être renvoyée jusqu'à la fin de la guerre.

Les enquêtes et les suggestions des sous-commissions présentent un intérêt pour la préparation de la législation fondée sur un nouvel article constitutionnel.

En ce qui concerne la revision constitutionnelle, la commission, se fondant sur une proposition de l'office fédéral des transports, recommanda, après une discussion approfondie, l'adoption d'un contre-projet à l'initiative sur le transport des marchandises. En voici le texte: La Confédération règle le transport des marchandises et le transport rémunéré des personnes au moyen de véhicules automobiles, en tenant compte des besoins de l'économie et de la défense nationales.

Cette simple attribution de compétence ne touche pas a la question fortement disputée d'un transfert des attributions fiscales à la Confédération. Nous parlerons plus loin des raisons qui ont déterminé la commission d'étude à séparer la question de compétence de celle du régime fiscal.

La commission d'étude n'a pas examiné spécialement, dans cette séance, si la réglementation des transports routiers au sens de l'initiative supposait aussi une limitation de la liberté du commerce et de l'industrie.

Nous examinerons plus loin les motifs qui, après la session de janvier, ont déterminé le département des postes et des chemins de fer à élaborer, sur la base des principes constitutionnels de portée plus restreinte reconnus par la commission d'étude, une disposition de compétence et de coordination ayant le caractère d'un programme applicable à tous les moyens de communication (à l'exception de la transmission des nouvelles).

1137 b. Attitude de la commission fédérale des transports.

L'arrêté fédéral sur le statut des transports automobiles a institué une commission fédérale des transports qui est chargée de donner son avis et de prendre des décisions sur des questions ayant trait aux transports motorisés par route. En font partie les représentants de l'union suisse du commerce et de l'industrie, de l'union des arts et métiers, de l'union des paysans, de l'union syndicale, des chemins de fer fédéraux, des chemins de fer privés et des associations d'entrepreneurs de transports automobiles.

En vertu de l'article 28 de l'arrêté fédéral, la commission des transports, composée de 17 membres, étudie aussi les conditions techniques et économiques d'une future réglementation des transports et propose au Conseil fédéral des mesures appropriées en vue de réaliser en Suisse une coopération rationnelle de tous les moyens de transports.

L'avant-projet du département des postes et des chemins de fer, dont le contenu correspond au projet ci-joint du Conseil fédéral, a été approuvé à l'unanimité par la commission des transports dans sa séance du 28 octobre 1941, sous réserve d'une modification rédactionnelle.

4. NOTRE AVIS CONCERNANT L'INITIATIVE SUR LE TRANSPORT DES MARCHANDISES Relevons tout d'abord que l'initiative sur le transport des marchandises n'a pas subordonné l'attribution à la Confédération de la compétence en matière de transports motorisés à Y imposition des véhicules motorisés circulant sur route, sans doute en prévision de l'opposition probable que ne manqueraient pas de faire les cantons à l'égard d'un projet qui porterait atteinte à leur souveraineté fiscale, laquelle se trouve, dans le cas particulier, étroitement liée à leur souveraineté sur les routes.

Les transports rémunérés de personnes au moyen de véhicules motorisés ne sont pas pris en considération, car on admet que, dans ce cas, l'article 36 de la constitution offre une base suffisante. Il n'est toutefois possible de régler dans une législation future les transports occasionnels et rémunérés de personnes que si l'on interprète d'une façon très extensive le texte constitutionnel. Non seulement les entrepreneurs de transports professionnels, mais aussi les chemins de fer privés, demandent à être protégés contre les transports occasionnels et rémunérés de
personnes sur la voie publique.

Nous sommes d'avis, avec les commissions d'experts susmentionnées, que le texte de l'initiative doit être complété dans cette direction.

L'initiative populaire voudrait introduire d'ores et déjà dans la constitution le principe que le législateur doit, dans l'intérêt de l'économie, veiller spécialement à ce que les transports à grande distance s'effectuent essentiellement par chemin de fer. Nous estimons avec les experts que cette idée d'un partage du trafic entre le rail et la route par zone de grande ou de petite

1138 distance ne doit pas trouver son expression dans la constitution. Un tel besoin n'existe pas, puisque le trafic à grande distance s'effectue déjà en grande partie par chemin de fer, comme cela résulte clairement de la statistique des transports par route de 1936/37. Tel sera encore le cas dans l'avenir, de sorte qu'il n'existe aucune nécessité impérieuse d'exprimer dans une disposition constitutionnelle, pour protéger les chemins de fer principaux, ce fait en quelque sorte évident. Il appartiendra à la législation de s'adapter à ces besoins variables. Dans une requête adressée aux chambres fédérales en date du 16 janvier 1938, le comité d'initiative exprime d'ailleurs l'avis que le trafic à grande distance ne devrait pas être restreint, si le camion possède sur le chemin de fer, en matière de transports, une supériorité effective, d'ordre technique ou économique. Remarquons à ce propos que, outre le caractère technique d'un mode de transport, il faut aussi tenir compte de certains besoins spéciaux des expéditeurs. En matière de transports, la supériorité technique ou économique du chemin de fer ou de l'automobile n'est que relative et s'applique, suivant le cas, à 'des distances différentes. La longueur des transports effectués par camion présente de grandes variations suivant le genre et la quantité des marchandises. Même pour des expéditions partielles il y a des cas où l'expéditeur, bien que possédant ses propres véhicules, trouve un avantage à recourir au chemin de fer pour des transports à courte distance. D'autre part, pour le transport de grandes quantités de marchandises, la capacité de concurrence de l'automobile cesse déjà, bien souvent, à partir de 20 ou 30 kilomètres.

A l'étranger, où les distances sont bien plus grandes que chez nous, on s'est borné jusqu'ici à refréner les transports automobiles à grande distance en leur imposant certaines conditions. C'est en Autriche seulement que l'on tenta d'interdire les transports privés au delà d'une distance de 100 kilomètres, en tempérant d'ailleurs le principe par différentes exceptions.

En France, des tentatives analogues se heurtèrent à des obstacles insurmontables.

La capacité de concurrence du chemin de fer et de l'automobile peut aussi se modifier rapidement avec les progrès accomplis par la technique, aussi bien en trafic
routier qu'en trafic ferroviaire. Pour tous ces motifs, il n'est pas indiqué de délimiter dans la constitution, pour le temps de paix, les transports automobiles suivant qu'ils assurent un trafic à grande ou à petite distance.

Afin de tenir compte des exigences du temps de guerre, plusieurs pays ont cependant, depuis 1940, soit réduit le trafic routier à grande distance en le frappant de taxes spéciales, soit interdit complètement les transports à grande distance.

Le texte de l'initiative présente avec nos contre-propositions une divergence importante dans sa manière d'envisager les intérêts de la défense nationale. Ses auteurs sont manifestement partis de l'idée que les dis-

1139 positions actuelles de la constitution donnaient à la Confédération les pouvoirs suffisants pour sauvegarder les intérêts militaires dans tous les domaines de l'économie. Sans vouloir parler d'une lacune essentielle de l'initiative à cet égard, nous sommes d'avis, avec les commissions d'experts, que le nouveau texte constitutionnel doit faire mention, à côté des intérêts de l'économie, des besoins de la défense nationale. Les expériences faites avec la motorisation des armées dans la présente guerre apportent la preuve, sans qu'il soit besoin de longs développements, qu'une législation réglant les rapports des différents moyens de transports ne doit pas tenir compte seulement de considérations d'ordre économique mais aussi, dans une large mesure, de considérations d'ordre militaire. La tâche du législateur est de rechercher et de trouver, pour chaque période, en matière de coordination et de collaboration des différents moyens de transports, la synthèse la plus rationnelle, suivant les besoins variables de l'économie et de la défense nationales.

La constitution elle-même, qui constitue la loi fondamentale, la charte de l'Etat, doit donc poser les deux principes essentiels sur lesquels s'édifiera l'économie des transports, les deux buts principaux qu'on ne peut perdre de vue dans la concurrence des moyens de transports: les besoins et les intérêts de l'économie et de la défense nationales.

Si les1 intérêts de la défense nationale devaient amener le législateur à n'apporter aucune restriction aux transports automobiles, mais au contraire à favoriser leur développement, en enlevant de ce fait au chemin de fer une part du trafic, il faudrait que l'Etat accorde aux chemins de fer, principaux responsables des transports publics, une compensation sous une autre forme. On doit considérer comme une première et vaste entreprise de cette nature en faveur des chemins de fer tant la reprise prochaine d'une part importante des dettes des chemins de fer fédéraux par la Confédération que le redressement financier des chemins de fer privés grâce aux crédits mis a disposition par la Confédération. Ce qui importe, c'est que les charges résultant pour la collectivité d'une reprise des dettes des chemins de fer ne dépassent cependant pas celles qui découlent de la création, à l'intention de l'armée, d'un plus
vaste parc de véhicules, voués d'ailleurs au danger d'un vieillissement rapide.

Le rapport entre la réglementation des transports et l'assainissement des chemins de fer a été expressément reconnu par le représentant du Conseil fédéral, lors des délibérations de l'Assemblée fédérale relatives au statut des transports automobiles (Bull. stén. CE du 13. 3. 39, p. 74).

Le représentant du Conseil fédéral avait déclaré: « Sachant que nous ne pourrions pas aller aussi loin que nous l'aurions voulu pour la protection des entreprises de chemins de fer dans la réglementation immédiate des transports, nous avons alors proposé aux chambres de leur venir en aide financièrement dans une mesure plus forte que nous ne l'aurions fait sans cela. »

1140 5. COORDINATION DES TRANSPORTS ET LIBERTÉ DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE La proposition des auteurs de l'initiative, qui ont voulu joindre à la réglementation des transports une restriction de la liberté du commerce et de l'industrie consacrée par l'article 31 de la constitution est en principe justifiée, car elle écarterait de cette façon tous les doutes que pourrait encore avoir le législateur.

Tout fondement constitutionnel d'une loi régissant l'industrie des transports et sa coordination avec les entreprises publiques de transports, et notamment avec les chemins de fer, a pour objet principal de supprimer la liberté du commerce. Les relations du nouvel article constitutionnel avec l'article 31 doivent être, par conséquent, clairement définies. En ce qui concerne les transports professionnels de personnes au moyen d'un véhicule quelconque, l'article 36 offre une base suffisante, car il ne contient pas seulement une attribution de compétence, mais établit un monopole.

On peut toutefois se demander si l'attribution de la compétence législative qui découle de la disposition constitutionnelle a pour effet de restreindre sans autre formalité la liberté du commerce en matière de transports automobiles professionnels. Des motifs d'ordre juridique permettent d'en douter, et le sens traditionnellement donné à l'article 26 relatif aux chemins de fer ne permet pas non plus de tirer cette conclusion. La législation ferroviaire de la Confédération existait longtemps avant cet article.

Elle se fondait sur l'article 21 de la constitution de 1848 (devenu l'art. 23 de la constitution actuelle). On partait du point de vue que, le chemin de fer étant une entreprise publique, il fallait, pour assurer son établissement et son développement et en raison de son importance pour le pays, le mettre au bénéfice du droit d'expropriation fédéral. C'est de là que découle sa situation privilégiée par rapport au régime de la liberté du commerce et de l'industrie institué par la constitution, et non pas de l'attribution de compétence que contient l'article 26, introduit par la suite.

On peut déduire de ces considérations que la liberté du commerce et de l'industrie ne serait pas nécessairement supprimée par l'introduction d'un nouvel article constitutionnel et que les rapports de cette disposition avec l'article 31 ne
seraient pas fixés purement et simplement de ce fait.

On ne peut en tout cas pas le présumer. Mais il faudrait l'établir par voie d'interprétation, en s'attachant à la lettre et au sens de la nouvelle disposition. En d'autres termes, la base constitutionnelle permettant d'imposer une concession aux entreprises de transports automobiles se trouverait de nouveau, comme jusqu'ici, remise en question.

La coordination des transports, prévue par le nouvel article constitutionnel conformément à notre proposition, suppose un ensemble de prescriptions que le législateur devra édicter et qui permettront d'obtenir les résultats voulus soit pour l'économie, soit pour la défense nationales.

1141 On pourra sans conteste en déduire la compétence d'ordonner une augmentation des véhicules suivant les besoins de l'armée. On pourra même en faire découler une certaine obligation de transporter pour les entreprises de transports automobiles. Seul, l'accès à la profession de transporteur ne serait pas atteint par cette prescription. Depuis sept ans, toute réglementation des transports automobiles se heurte aux difficultés découlant d'une lacune de la constitution, et spécialement à la difficulté de trouver dans celle-ci une base réellement satisfaisante pour supprimer dans ce domaine des transports automobiles la liberté du commerce et de l'industrie.

Il faut dès lors que les efforts tentés en vue d'élaborer une disposition constitutionnelle judicieuse comble cette lacune d'une manière qui, juridiquement, ne laisse plus aucun doute.

Si l'on se fonde sur l'article 31 actuel, la disposition d'exception qu'il faut élaborer prendra place dans cet article sous la forme d'un 3e alinéa.

Si l'arrêté fédéral du 21 septembre 1939 concernant la revision des articles économiques de la constitution devait être accepté aupar vant, la clause d'exception relative à la coordination du trafic pourrait devenir l'alinéa 4 du nouvel article Slbis. Il ne serait toutefois nécessaire d'introduire cette prescription que si la disposition de l'article Slbis, 2e alinéa, (« Lorsque l'intérêt général le justifie, la Confédération a le droit, en dérogeant au besoin au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, d'édicter des dispositions pour sauvegarder d'importantes branches économiques ou d'importants groupes professionnels menacés dans leur existence») n'était pas reconnue comme base suffisante pour une coordination des moyens de transports dérogeant à la liberté du commerce et de l'industrie.

Si l'article relatif à la coordination est soumis au vote populaire avant les articles économiques, la réserve portant dérogation à la liberté du commerce et de l'industrie en matière de coordination des transports doit trouver place soit dans l'article 31 actuel, sous la forme d'un 3e alinéa, soit dans le nouvel article 316*s, sous la forme d'un 4e alinéa.

6. TRAFIC PRIVÉ ET REVISION CONSTITUTIONNELLE L'initiative pour le transport des marchandises n'envisage pas d'introduire dans la constitution une prescription
excluant le trafic privé d'une réglementation fédérale. Les opinions exprimées à ce sujet dans la commission d'étude étaient encore partagées. Elles ne l'étaient plus dans la commission des transports.

A la séance finale du 16 janvier 1941, la majorité des membres de la commission d'étude furent cependant d'avis que la constitution ne devait pas exclure purement et simplement le trafic privé de toute réglementation fédérale. La constitution ne peut, dans un article général consacrant le principe de la coordination et s'appliquant à tous les moyens de transports, traiter différemment le trafic professionnel et le trafic privé. Certaines

1142 charges devront être acceptées même par le trafic privé, dans l'intérêt militaire. Si l'on voulait établir dans la constitution certaines restrictions relatives au trafic privé, il faudrait aussi réserver un traitement spécial aux transports mixtes, aux transports assurés par des trusts, cartels, etc., il faudrait mentionner des détails qui sont plutôt réservés à la législation.

Il serait prématuré de porter dès aujourd'hui un jugement définitif sur le développement le plus rationnel que pourra prendre la politique des transports, car l'on doit encore faire des enquêtes détaillées et réunir certaines expériences. On ne peut prévoir non plus les transformations de la technique et de l'économie, ni celles de l'approvisionnement en carburants après la guerre. Il résulte de cette situation que la proposition tendant à une attribution générale de compétence, qui est faite par les auteurs de l'initiative pour le transport des marchandises, est la solution indiquée, à condition qu'on y ajoute le principe de la coordination de tous les moyens de transports.

D'après les renseignements fournis par la statistique des transports de marchandises, qui avait atteint tous les transports effectués à une distance de plus de 10 kilomètres au moyen de camions dont la limite de charge excédait une tonne, deux-tiers des marchandises transportées avant la guerre ou la moitié des kilomètres-tonnes se rapportaient au trafic privé. Normalement, le trafic privé se pratique surtout à de petites distances.

La longueur moyenne des transports en fait, à cet égard, un concurrent moins dangereux pour le chemin de fer que pour les entreprises de transports professionnels.

On ne peut prévoir le développement que prendra à l'avenir, dans notre pays, le trafic privé. Cela dépend dans une large mesure de l'évolution et du taux des tarifs ferroviaires. De tous les motifs d'une certaine réglementation du trafic privé à grande distance, le principal est la nécessité d'assurer au chemin de fer un système de tarif ad, valorem. Les immenses services rendus par les chemins de fer à l'économie grâce à la différenciation des prix de transport suivant la valeur de la marchandise seraient remis en question si les marchandises transportées à un tarif élevé, qui constitue une compensation pour les marchandises de moindre valeur transportées
à un tarif plus bas, étaient sans restriction aucune enlevées au rail. A l'encontre du trafic privé des personnes, l'économie devrait, dans le trafic des marchandises, compenser les avantages que lui offre le chemin de fer grâce au système de tarif ad valorem en renonçant à une pleine liberté pour les transports privés à grande distance.

En considérant l'ensemble des expéditeurs on peut aussi conclure à la nécessité d'imposer au trafic privé certaines charges. Ce sont surtout des entreprises d'une certaine importance qui se servent de camions propres.

Il est même manifeste que le trafic privé favorise avant tout les grandes exploitations. Les petites et moyennes entreprises se trouvent, en revanche, obligées de recourir aux transports publics, qui sont à certains égards

1143 plus onéreux. Si, pour des raisons sociales et politiques, des mesures devaient être prises pour maintenir les petites entreprises, il n'est peut-être pas exclu que le trafic privé se verrait assujetti un jour, pour les mêmes raisons, à certaines obligations. Toutes ces considérations, qui ont en vue l'avenir, nous ont convaincus qu'il fallait proposer une disposition constitutionnelle permettant, le cas échéant, de soumettre aussi les transports privés à certaines prescriptions. Les réglementations étrangères montrent également que certaines conditions imposées aux transports professionnels s'appliquent aussi au trafic privé, lorsqu'il s'agit de maintenir ou de créer un équilibre entre les différents genres et les différents moyens de transports. C'est ainsi qu'en Angleterre le trafic privé est soumis à une autorisation. En Autriche, il était interdit pour les transports effectués à une distance dépassant 100 kilomètres. L'Allemagne, la France et l'Italie le soumettaient à un impôt spécial. Cependant, au début de la guerre, aucun pays n'avait encore adopté de solution définitive.

La nécessité de prendre un jour, dans notre pays, certaines mesures dans le cadre d'une politique des transports à grande portée ne doit pas être exclue d'emblée. Il est peu probable qu'un système de concession, analogue à celui que l'on envisage pour les transports professionnels, soit jamais appliqué. L'obligation d'enregistrement est d'ores et déjà prévue dans le statut provisoire des transports automobiles. Les entreprises effectuant des transports privés devraient être tenues, à l'avenir, de fournir certaines indications sur la nature de leurs transports, afin d'éclaircir le problème du trafic. On pourrait envisager aussi que les entrepreneurs effectuant des transports privés soient tenus, dans l'intérêt social, de faire travailler leur personnel à des conditions fixées par des contrats collectifs.

On pourrait être amené, suivant les circonstances, à intervenir contre les abus des transports de complaisance, qui nuiraient aux transporteurs professionnels. Lesquelles de ces mesures y aura-t-il lieu d'appliquer ?

C'est ce que montrera le développement des transports et ce que devra déterminer la législation, c'est-à-dire la volonté populaire. Suivant les circonstances, des taxes de compensation pourront devenir
nécessaires dans certaines régions pour assurer les services publics de transport. Il n'est d'ailleurs pas exclu que, pendant les premières années qui suivront la guerre, le trafic motorisé par route dépende encore largement de l'approvisionnement en carburants étrangers ou en succédanés indigènes, et que le trafic privé subisse encore dans l'attribution du carburant certaines restrictions imposées par les pouvoirs publics. Mais, de toute façon, les intérêts supérieurs de la défense nationale nous contraindront toujours, dans ce domaine, à une réserve prudente. Le bon entretien et le renouvellement en temps opportun des véhicules utilisables par l'armée ne devront jamais être négligés. Une nouvelle disposition constitutionnelle doit néanmoins permettre, le cas échéant, d'imposer au trafic privé certaines conditions.

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7. LE TRAFIC PRIVÉ ET NON RÉMUNÉRÉ DES PERSONNES L'initiative populaire a laissé de côté le trafic privé des personnes.

Une proposition soumise en 1938 par le département des postes et des chemins de fer à la commission des transports n'excluait pas l'application de la coordination des différents moyens de transports au trafic non professionnel des personnes.

On peut toutefois se demander si la disposition constitutionnelle établie sur une base élargie ne doit pas exclure expressément de la réglementation les transports non professionnels de personnes par route, par eau ou par air au moyen de véhicules motorisés ou s'il faut réserver à la législation le soin de proclamer la liberté de ces modes de transport. Il faut considérer cependant que, aujourd'hui déjà, se manifeste le besoin de réaliser une certaine collaboration entre le chemin de fer et l'automobile privée; entre le chemin de fer et l'avion privé, entre l'automobile privée et l'avion privé. Ce besoin s'accentuera peut-être encore à l'avenir, sans qu'il soit possible, en l'absence de dispositions légales, de lui donner une satisfaction.

Nous songeons en particulier aux correspondances entre différents moyens de transports, au passage de l'un à l'autre; les installations et l'organisation peuvent encore être améliorées à cet égard. Il n'est pas sûr qu'on y parvienne toujours sans l'appui de la loi. Des dispositions légales peuvent aussi devenir nécessaires pour assurer le transport momentané d'automobiles par de plus puissants moyens de locomotion.

Les délibérations de la commission fédérale des transports n'ont révélé de divergences que sur un point. La minorité se prononça contre une exception expresse dans la constitution, le détail devant être réglé plutôt par la loi. La majorité recommanda cependant de ne pas appliquer une disposition restrictive de la constitution au trafic privé et non professionnel des personnes. Afin de nous conformer à cette opinion, nous prévoyons la disposition suivante : « Le trafic non rémunéré des personnes n'est pas visé par cette disposition ».

8. L'IMPOSITION DU TRAFIC AUTOMOBILE Dans un rapport du 15 août 1938 du département des postes et des chemins de fer à la commission d'étude de l'automobilisme et du régime des transports, on avait examiné si et dans quelle mesure il y avait lieu de conférer au
législateur fédéral le droit de taxer les transports routiers automobiles. Comme le montrent les expériences faites à l'étranger, il faut considérer la souveraineté fiscale sur les transports comme l'un des moyens les plus importants dont dispose le législateur en vue de sa politique des transports. La perception d'impôts, aménagés conformément à la politique des transports, permet au législateur responsable de cette politique de favoriser certains genres de transport soit en leur accordant des allège-

1145 ments fiscaux, soit en aggravant les charges frappant d'autres catégories de transport au titre de redevances de péréquation.

En vertu des articles 24 ter, 26 et 37 ter de la constitution, le législateur fédéral serait à même de taxer la navigation, les chemins de fer et l'aéronautique, attendu qu'il lui appartient sans aucune réserve d'édicter des dispositions législatives sur ces modes de transports. En revanche, la Confédération n'a aujourd'hui aucune compétence pour percevoir des taxes sur les véhicules automobiles et les transports routiers. Elle peut tout au plus exiger un droit de timbre sur les documents de transport. D'autre part, il est notoire que l'imposition des véhicules automobiles diffère d'un canton à l'autre. Une pareille situation ne favorise évidemment pas une politique uniforme des transports.

Pour encourager la formation d'un parc de véhicules répondant aux nécessités militaires, des allégements fiscaux accordés par la Confédération rendraient de grands services. Faute d'un tel moyen, la Confédération a dû se contenter jusqu'ici d'accorder des subventions. Dans ses réponses aux postulats Feldmann et Käser, des 29 avril et 22 juin 1938, le .représentant du Conseil fédéral a déclaré qu'il faudrait avoir une fois le courage d'adopter une solution radicale, par laquelle la Confédération garantirait aux cantons le produit de leurs impôts actuels et frapperait elle-même de taxes les véhicules automobiles.

Mais le fait que, dans notre Etat fédératif, la souveraineté sur les routes appartient aux cantons montre suffisamment les grandes difficultés d'une réglementation fédérale, même si la Confédération assume l'obligation d'indemniser les cantons, jusqu'à concurrence de leurs recettes actuelles, sur le produit des taxes qu'elle encaisserait.

Le rapport précité du département des postes et des chemins de fer à la commission d'étude exposait également dans les détails un nouveau système d'impôts, de caractère mixte, composé d'une taxe sur les carburants et d'une taxe forfaitaire. La proposition établie en août 1938 par le département en vue d'une revision constitutionnelle de caractère fiscal était la suivante : Alinéa 4. La Confédération a le droit d'imposer les autocars, ainsi que les véhicules automobiles et les remorques servant au transport de choses. Elle peut, dans
l'intérêt de la défense nationale, octroyer des allégements ou des exonérations.

Il est interdit aux cantons de percevoir des redevances sur tes catégories de véhicules susmentionnées. Ils ont le droit en revanche de prélever des taxes administratives pour le contrôle de la circulation automobile.

Alinéa 5. Défalcation faite des frais de perception, le produit des impôts prélevés par la Confédération revient aux cantons dans la mesure où ces impôts sont perçus en lieu et place des taxes cantonales. La Confédération garantit aux cantons une recette annuelle équivalente au rendement moyen des taxes cantonales remplacées par les impôts fédéraux et encaissées de 1937 à 1939. Elle a la faculté, avec les excédents éventuels, de créer un fonds de compensation; la loi en détermine la constitution.

Feuille fédérale. 93e année. Vol. I.

85

1146 Dans la commission d'étude, le comité désigné pour traiter les questions fiscales appuya ces propositions.

En février 1940, cette importante question fut discutée par le département des postes et des chemins de fer dans une conférence avec les cantons.

L'opposition des cantons à l'impôt projeté se révéla extrêmement forte et quasi insurmontable. Le canton de Vaud fut le seul qui se prononça en faveur d'une réglementation fédérale. Les associations d'automobilistes firent également front contre une perception de l'impôt par la Confédération.

Il est superflu de revenir ici sur les motifs qui furent alors invoqués. Une tentative faite en septembre 1940 par le département pour faciliter par des prescriptions fédérales l'introduction d'un impôt uniforme sur les carburants n'eut pas plus de succès.

On ne peut douter, dès lors, qu'en complétant le contre-projet relatif à l'initiative sur le transport des marchandises par une adjonction concernant l'imposition des automobiles, on irait au-devant d'un échec.

Dans sa séance finale du 16 janvier 1941, la commission d'étude exprima l'avis unanime que le principe de l'imposition ne devrait en tout cas pas figurer dans un article en même temps que l'attribution de compétence relative à la coordination. L'un des membres déclara: « Si le problème de l'impôt doit causer de telles difficultés, on peut toujours l'abandonner.

Mais si l'on se décidait à l'englober dans une revision constitutionnelle, on pourrait le faire figurer dans un second article. Le premier article définirait la compétence, tandis que l'autre réglerait l'imposition.O0n pourrait arranger la votation de façon à permettre au peuple d'accepter un article et de refuser l'autre. » La grande majorité de la commission d'étude fut cependant d'accord avec les représentants du département des postes et des chemins de fer pour ne pas traiter en même temps le contre-projet relatif à l'initiative sur le transport des marchandises et la revision fiscale. Nous nous sommes ran'gés à cette opinion, soutenue par la commission des transports unanime.

9. PROJET D'ARTICLE SUR LA COMPÉTENCE ET LA COORDINATION EN MATIÈRE DE TRANSPORTS PAR CHEMIN DE FER, PAR ROUTE, PAR EAU ET PAR AIR Dans son rapport du 15 août 1938, le département des postes et des chemins de fer avait déjà proposé à la commission d'étude
un article général sur la coordination, ainsi rédigé: La Confédération a le droit, en sauvegardant les intérêts de l'économie et de la défense nationales, d'édieter des dispositions en vue de coordonner les divers moyens de transports. Elle règle leur concurrence et encourage leur coordination.

On avait motivé cette disposition en disant que la réglementation des transports automobiles constituait un moyen très utile de parvenir

1147 au but recherché par une politique nationale des transports, savoir la coordination des moyens de transports travaillant aujourd'hui aux côtés les uns des autres. En élaborant le principe constitutionnel qui doit servir pour une longue période, il importe de ne point négliger que les problèmes posés présentement pour l'automobile sont susceptibles de l'être plus tard pour, d'autres moyens de transports. Si la technique continue à accomplir les progrès qu'elle a réalisés dans le passé, il est certain que l'Etat aura à remplir des tâches identiques ou analogues à celles qui s'imposent aujourd'hui à lui. Il s'agit d'empêcher, dans la mesure où nous connaissons les problèmes qui se présentent aujourd'hui, que les divers moyens de transports ne se fassent une concurrence ruineuse au détriment du pays. Il faut, dans certains cas, éliminer les doubles emplois et substituer des services plus rationnels aux installations dépassées par les progrès de l'économie et de là technique. Dans d'autres cas enfin, il y aura lieu d'instituer entre les différents instruments de transport une collaboration appropriée qui permette de combler les lacunes du régime actuel et d'organiser dans les diverses régions le service qui leur convienne le mieux. On ne saurait contester la nécessité de remplir ces tâches dans l'intérêt de l'économie et de la défense nationales. Cela ne pourra se faire rationnellement qu'à la condition de considérer l'ensemble des transports comme un tout unique, de prendre à l'endroit de tous les moyens de locomotion des mesures orientées vers le même but et fondées sur des considérations générales.

En examinant les bases constitutionnelles, eu égard à la nécessité de poursuivre une telle politique, on constate que notre charte nationale ne renferme aucune disposition autorisant et obligeant expressément le législateur fédéral à coordonner les moyens de transports · dans le sens indiqué ci-dessus. Il n'est pas douteux que cette compétence pourrait découler indirectement des articles 24 ter, 26, 37ter de la constitution.

Attendu qu'aucune restriction n'est imposée à la Confédération pour légiférer sur la matière régie par ces articles constitutionnels, il ne saurait s'élever de controverse quant à sa compétence de régler les rapports réciproques des moyens de transports.

Il faut nonobstant voir
s'il ne serait pas expédient de conférer expressément au législateur fédéral, dans un article conçu en termes généraux, le droit de coordonner les divers instruments de locomotion. Les tâches du législateur étant connues dans leurs grandes lignes seulement, il faudrait se borner à lui donner pour mission de régler la concurrence entre les moyens de transports et de faciliter leur coopération. Une disposition additionnelle de ce genre non seulement préciserait les attributions particulières de la Confédération, mais encore imposerait à celle-ci une obligation formelle.

Bien que la commission d'étude ne crût pas en 1938 pouvoir donner suite à la proposition du département des postes et des chemins de fer, les expériences faites depuis le début de la guerre, ainsi que les progrès

1148 réalisés dans la technique des transports, spécialement dans le domaine de l'aéronautique, ont cependant fourni l'occasion de soumettre à un nouvel examen circonstancié l'opportunité d'un article constitutionnel consacrant le principe de la coordination et s'appliquant à tous les moyens de communication, à l'exception de la transmission des nouvelles.

On s'attend généralement pour l'après-guerre à un fort développement du trafic civil aérien. Afin d'assurer une coopération de ce trafic accru avec les transports automobiles et ferroviaires, il y aura lieu de réglementer en particulier le transport par chemin de fer des bagages lourds des voyageurs prenant l'avion, l'emploi du chemin de fer et de l'automobile en cas d'atterrissage forcé d'un avion, l'emploi du chemin de fer dans les cas où une correspondance par avion vient à manquer, la préparation en commun des horaires, l'établissement de documents de transport communs, la création de correspondances entre le chemin de fer et l'avion, le transport des voyageurs à destination ou en provenance des aéroports par la route ou par le rail, l'indication des lignes de chemins de fer en vue d'orienter plus facilement les pilotes, etc.

Pour ces motifs, nous proposons avec la commission fédérale des transports unanime d'opposer à l'initiative sur le transport des marchandises le projet suivant: Art. 23 ter.

Alinéa 1. Le trafic par chemin de fer et les transports motorisés par route, par eau et par air doivent être réglés par la Confédération en vue d'assurer la coopération rationnelle des divers modes de transport dans l'intérêt de l'économie publique et de la défense nationale.

Alinéa 2. Le transport non rémunéré des personnes n'est pas visé par cette disposition.

Art. 31, nouvel alinéa 3 (ou nouvel art. 31 bis, al. 4).

Est réservée la législation édictée en vertu de l'article 23 ter au sujet de la coordination des divers moyens de transports.

Au point de vue systématique, ces nouveaux articles doivent prendre place, vu leur importance, avant les dispositions actuelles de la constitution relatives aux communications, car ils règlent une partie des intérêts publics, tels qu'ils sont définis déjà à l'article 23, qui vise l'exécution des travaux publics.

Il faut accorder la préférence à une énumération des différents genres et moyens de transports plutôt qu'à une simple désignation générale telle que « les genres et moyens de transport », car les voies et moyens de communication qui servent à la transmission des nouvelles ne sont pas assujettis à la coordination. Par ailleurs, il est évident que ces dispositions ne visent que le trafic sur les routes publiques et sur les lignes de chemins de fer publiques.

1149 REMARQUES FINALES II y a une année, le comité d'initiative pour le transport des marchandises était intervenu auprès du département fédéral des postes et des chemins de fer pour obtenir que le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale prennent bientôt position à l'égard de l'initiative. Il est à prévoir que celle-ci sera retirée, si le contre-projet que nous proposons est adopté.

Nous le souhaitons, car on pourrait alors, dans le sens de la collaboration, poser le fondement d'une souveraineté générale de la Confédération en matière de transports. On doit admettre que les transports exercent dans la vie économique et culturelle d'un pays un rôle prédominant. Depuis la guerre, en raison des difficultés croissantes qui se manifestent dans ce domaine, des milieux toujours plus étendus de la population reconnaissent la nécessité d'attribuer à la Confédération une souveraineté générale en matière de transports. Si l'on se place au point de vue de la création de possibilités de travail, qu'il y aura lieu d'encourager après la guerre en liaison aussi avec certains projets relatifs au trafic, il est urgent de délimiter d'une façon judicieuse et claire le champ d'activité des différents genres et moyens de transports. L'établissement d'une base constitutionnelle irréprochable constitue la première et indispensable étape en vue de la réalisation progressive d'une coordination du trafic par voie législative, tenant compte des besoins véritables de l'économie publique et de la défense nationale. Le but à atteindre, au delà de toutes les divergences qui peuvent surgir, doit être de mettre tous les moyens de transports au service de l'économie publique et de la défense nationale, dans un esprit de compréhension mutuelle et de collaboration réciproque. Le législateur devra déterminer comment chaque moyen de transports pourra être employé avec le maximum d'efficience. Une politique ordonnée et méthodique des transports n'est cependant pas concevable sans certaines restrictions de la libre concurrence.

Vu ce qui précède, nous vous recommandons d'adopter notre projet d'arrêté et nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 19 décembre 1941.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, WETTER.

Le chancelier de la Confédération, G. BOVET.

1150 (Projet.)

Arrêté fédéral sur

la demande d'initiative concernant la réglementation du transport des marchandises.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu la demande d'initiative du 5 mai 1938 concernant l'organisation des transports de marchandises; vu les articles 121 et suivants de la constitution fédérale et les articles 8 .et suivants de la loi fédérale du 27 janvier 1892 concernant le mode de procéder pour les demandes d'initiative populaire et les votations relatives à la revision de la constitution fédérale; vu le message du Conseil fédéral du 19 décembre 1941, arrête :

Article premier.

Sont soumis au vote du peuple et des cantons: I. Le projet de re vision constitutionnelle qui fait l'objet de la demande d'initiative et qui a la teneur suivante: La constitution fédérale est complétée par l'article suivant: Art. 37quater. La Confédération règle le transport des marchandises au moyen de véhicules à traction mécanique conformément aux besoins de l'économie nationale. A cet effet, elle pourvoit à ce que les transports de marchandises à longue distance s'effectuent essentiellement par chemin de fer.

Adjonction à l'article 31, alinéa 2.

Sont réservés : ...

/. La réglementation du transport des marchandises selon l'article yiquater.

1151 II. Le contre-projet de l'Assemblée fédérale, qui a la teneur suivante : La constitution fédérale est complétée par l'article suivant: Art. 23 ter. 1 Le trafic par chemin de fer et les transports motorisés par route, par eau et par air doivent être réglés par la Confédération en vue d'assurer une collaboration rationnelle des divers modes de transports, dans l'intérêt de l'économie publique et de la défense nationale.

2 Le transport non rémunéré des personnes n'est pas visé par cette disposition.

Article 31, 3e alinéa, ou article 31 bis, 4e alinéa, des nouveaux articles économiques.

Est réservée la législation édictée en vertu de l'article 23 ter au sujet de la coordination des divers moyens de transports.

Art. 2.

Le peuple et les cantons sont invités à rejeter la demande d'initiative (art. 1er, ch. I) et à adopter le contre-projet de l'Assemblée fédérale (art. 1er, ch. II).

Art. 3.

Le Conseil fédéral est chargé d'assurer l'exécution du présent arrêté.

302«

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant une modification de la constitution par une disposition sur les transports par chemin de fer, par route, par eau et par air. (Du 19 décembre 1941.)

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