10.511/10.517 Initiatives parlementaires Anciens conseillers fédéraux. Pas de pantouflage avant un certain délai/Anciens conseillers fédéraux.

Délai d'attente avant de pantoufler Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 3 mai 2013

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons le projet d'une loi fédérale sur le délai de carence applicable aux conseillers fédéraux sortants et aux cadres du plus haut niveau hiérarchique de la Confédération qui ont quitté leurs fonctions, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

3 mai 2013

Pour la commission: Le président, Ueli Leuenberger

2013-1198

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Condensé Le présent projet tire son origine du souci de préserver la crédibilité et la respectabilité de l'institution que représente le Conseil fédéral, lesquelles risquent parfois de pâtir des activités exercées par d'anciens membres du gouvernement. Les conseillers fédéraux ne doivent pas pouvoir être soupçonnés de veiller à des intérêts économiques particuliers et de favoriser indûment des entreprises en vue d'obtenir certains mandats rémunérés après avoir quitté leurs fonctions.

Il convient donc d'inscrire dans la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA) qu'un conseiller fédéral qui démissionne de ses fonctions ne peut exercer aucun travail rémunéré, ni dans le cadre d'un mandat, ni dans le cadre d'un contrat fondant un rapport de travail, avant un délai de deux ans pour le compte d'une société de capitaux ou d'une société comparable. Pareillement, un conseiller fédéral sortant ne peut, durant ce même délai de deux ans, exercer aucun travail rémunéré, ni dans le cadre d'un mandat, ni dans le cadre d'un contrat fondant un rapport de travail pour le compte d'organisations ou de personnes de droit public ou privé dont l'existence dépend de la contribution financière de la Confédération.

Le projet propose en outre d'insérer dans la loi sur le personnel de la Confédération (LPers) une disposition concernant les cadres du plus haut niveau hiérarchique employés au sein des unités administratives qui prennent ou préparent des décisions dans les domaines de la surveillance, de la taxation ou de l'adjudication ou des décisions de portée comparable. Les contrats de travail conclus avec ces cadres-là doivent prévoir un délai de carence de deux ans applicable aux activités exercées pour le compte de certains employeurs ou mandants.

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Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Initiatives parlementaires 10.511 et 10.517

Le 2 décembre 2010, le conseiller national Max Binder (V, ZH) a déposé l'initiative parlementaire 10.511 «Anciens conseillers fédéraux. Pas de pantouflage avant un certain délai». Celle-ci vise à la création de bases légales obligeant tout conseiller fédéral qui quitte ses fonctions à respecter un délai de quatre ans avant d'accepter un mandat ou des fonctions rémunérés dans une entreprise dont il n'est pas propriétaire.

Ce délai de carence s'applique également aux institutions, comme les organisations non gouvernementales, qui ont touché des subventions de la Confédération, notamment par le biais du département que dirigeait le conseiller fédéral sortant.

Le 9 décembre 2010, la conseillère nationale Susanne Leutenegger Oberholzer (S, BL) a déposé l'initiative parlementaire 10.517 «Anciens conseillers fédéraux.

Délai d'attente avant de pantoufler». Celle-ci vise à la création de bases légales garantissant que tout conseiller fédéral qui quitte ses fonctions ne pourra accepter, dans les deux ans suivant son départ, des mandats ou des fonctions dirigeantes rémunérés dans des entreprises dont les activités ont un rapport étroit avec les tâches du département qu'il dirigeait, ou qui reçoivent d'importantes commandes de la Confédération ou des entreprises qui lui sont proches.

Les auteurs de ces deux initiatives font valoir que les activités économiques des anciens conseillers fédéraux ont récemment provoqué remous et mécontentement.

Introduire un délai de carence «découragera [...] les membres du gouvernement d'entretenir des relations privilégiées avec des entreprises durant leur période de fonction». De surcroît, «[i]l ne faut pas que les apparences nuisent à l'indépendance des conseillers fédéraux».

1.2

Examen préalable des initiatives parlementaires

La Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N) a procédé à l'examen préalable des deux initiatives le 31 mars 2011. Elle a décidé d'y donner suite, par 15 voix contre 10 et 1 abstention pour celle de Max Binder (10.511) et par 18 voix contre 8 pour celle de Susanne Leutenegger Oberholzer (10.517). La CIP-N estime en effet qu'il est pertinent de soumettre les activités économiques des anciens conseillers fédéraux à des règles générales. D'une part, la commission a jugé que le risque était réel de voir des entreprises bénéficier d'informations privilégiées de la part d'un ancien conseiller fédéral. D'autre part, elle a estimé que l'indépendance des conseillers fédéraux dans l'exercice de leurs fonctions risquait d'être mise en cause si ceux-ci étaient courtisés par certaines entreprises alors qu'ils siègent encore au gouvernement.

Le 27 juin 2011, la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats s'est ralliée à ce point de vue et a approuvé les deux initiatives, respectivement par 6 voix contre 4 et 2 abstentions (10.511) et par 7 voix contre 4 et 1 abstention (10.517). Ce faisant, elle a donné son aval à la CIP-N pour l'élaboration d'un projet d'acte. Elle a

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en outre souhaité que soit examinée l'opportunité de créer des règles similaires pour les cadres du plus haut niveau hiérarchique de la Confédération.

1.3

Travaux de la CIP-N

A sa séance du 8 septembre 2011, la CIP-N a abordé les questions liées à la mise en oeuvre des initiatives et demeurées en suspens. Elle a alors été informée par la Chancellerie fédérale (ChF) que le Conseil fédéral avait chargé cette dernière de présenter, avant la fin du mois de novembre 2011, un projet de «code de conduite» à inscrire dans l'aide-mémoire destiné aux membres du Conseil fédéral et au chancelier de la Confédération. Partant de ce constat, la CIP-N a décidé de suspendre ses travaux pour permettre au Conseil fédéral de proposer des règles en la matière.

Le 23 novembre 2011, le Conseil fédéral a décidé d'ajouter à l'annexe 2 de l'aidemémoire précité, qui contient des règles spécifiques à l'intention des anciens conseillers fédéraux et chanceliers, un devoir général de précaution. Tel qu'il a été établi, celui-ci était supposé répondre aux objectifs des deux initiatives parlementaires. Le Conseil fédéral avait alors renoncé à instituer un délai de carence pour certains mandats ou fonctions comme le demandaient les deux initiatives.

Jugeant trop souples les règles de conduite fixées par le Conseil fédéral, la CIP-N a décidé, le 24 février 2012, de reprendre ses travaux afin d'instituer une réglementation prévoyant un délai de carence pour les membres du Conseil fédéral. Dès lors, elle a chargé son secrétariat et l'administration d'élaborer un projet de loi qui se fonde sur l'orientation générale arrêtée le 8 septembre 2011 et qui impose un délai de carence aux conseillers fédéraux sortants ainsi qu'aux cadres du plus haut niveau hiérarchique de la Confédération ayant quitté leurs fonctions, afin de leur interdire d'accepter certains mandats ou d'exercer certaines activités professionnelles après leur départ.

La CIP-N s'est penchée sur un avant-projet à ses séances des 16 novembre 2012 et 17 janvier 2013. Après avoir pris connaissance des prises de position des associations du personnel de la Confédération, elle a décidé le 3 mai 2013, par 16 voix contre 7, de soumettre à son conseil le présent rapport et le projet d'acte s'y rapportant, qu'elle transmet simultanément au Conseil fédéral pour avis.

2

Grandes lignes du projet

2.1

Buts des dispositions

En interdisant aux membres du Conseil fédéral d'accepter certains mandats immédiatement après leur départ du gouvernement, le législateur vise d'abord à éliminer le risque suivant: que l'on puisse avoir l'impression que les conseillers fédéraux en fonction pourraient maintenir, à titre personnel, des intérêts économiques particuliers et privilégier indûment certaines entreprises. Elle vise par ailleurs à préserver l'image du Conseil fédéral en tant qu'institution, image qui pourrait être entachée par certaines activités des conseillers fédéraux sortants. Les dispositions requises sont donc censées avoir un effet non seulement sur le comportement des conseillers fédéraux en place, mais aussi sur le comportement des anciens conseillers fédéraux.

Il ne s'agit pas uniquement de prévenir les conflits d'intérêt après la fin du mandat 4656

fédéral, mais aussi durant l'exercice de celui-ci. Concernant le premier cas de figure, la prévention des conflits d'intérêt est toutefois à relativiser (le problème perdant de son acuité vu que les conseillers fédéraux ne sont plus en fonction); c'est surtout l'image du collège gouvernemental dans son ensemble qu'il convient là de préserver.

2.2

Dispositions applicables aux membres du Conseil fédéral qui quittent leurs fonctions

Un conseiller fédéral qui démissionne de ses fonctions ne peut exercer aucun travail rémunéré, ni dans le cadre d'un mandat, ni dans le cadre d'un contrat fondant un rapport de travail, avant un délai de deux ans pour le compte d'une société de capitaux ou d'une société comparable. Comme l'indique le libellé du projet, cette réglementation s'applique uniquement aux conseillers fédéraux qui démissionnent, et non à ceux qui ne sont pas réélus. Ces derniers n'ayant en effet pas eu l'intention de quitter leurs fonctions, on peut partir du principe qu'ils ne risqueront pas de donner l'impression d'avoir préparé leur reconversion en vue d'exercer certaines activités après leur départ du Conseil fédéral.

En outre, un conseiller fédéral sortant ne peut, durant ce même délai de deux ans, exercer aucun travail rémunéré, ni dans le cadre d'un mandat, ni dans le cadre d'un contrat fondant un rapport de travail pour le compte d'organisations ou de personnes de droit public ou privé dont l'existence dépend de la contribution financière de la Confédération. Il peut en revanche travailler sans délai pour une société de capitaux dans laquelle il détenait une participation majoritaire avant d'être élu.

Si le délai de carence proposé est de deux ans, c'est pour éviter que les conseillers fédéraux risquent de donner l'impression de préparer leur reconversion alors même qu'ils sont en fonction, ce qui pourrait mettre en cause leur indépendance. Par ailleurs, ce délai est approprié pour que la liberté économique du conseiller fédéral sortant ne soit pas entravée pour une durée disproportionnée.

2.3

Dispositions applicables aux cadres du plus haut niveau hiérarchique de certaines unités administratives de la Confédération

Il est déjà arrivé que les choix professionnels d'anciens cadres de l'administration fédérale suscitent la polémique dans l'opinion publique. C'est pourquoi la CIP-N considère qu'il est opportun de prévoir pour eux aussi une réglementation adéquate.

Les dispositions idoines sont à intégrer dans la LPers. Elles ne concernent que les unités administratives qui prennent ou préparent des décisions dans les domaines de la surveillance, de la taxation ou de l'adjudication ou des décisions de portée comparable. Lors de la conclusion du contrat de travail, les unités en question doivent convenir avec les cadres du plus haut niveau hiérarchique qu'elles embauchent que ceux-ci ne peuvent, pendant deux ans au plus après la fin de leurs rapports de travail, se mettre au service d'un employeur ou d'un mandant qui, au cours des deux années ayant précédé la résiliation des rapports de travail, a été concerné de manière déterminante par une des décisions susmentionnées.

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Citons par exemple l'engagement d'un ancien employé de la FINMA par une banque ou le départ d'un collaborateur de l'Office fédéral des assurances sociales pour une caisse-maladie.

2.4

Proposition de la minorité I: ne pas entrer en matière

La minorité I propose de ne pas entrer en matière sur le projet. A ses yeux, celui-ci est le parfait exemple d'une législation visant un cas particulier: il s'agirait de légiférer à cause de quelques cas, certes choquants, mais isolés. En l'occurrence, le recours à la législation n'est pas pertinent. Jamais une réglementation générale et abstraite ne pourra s'adapter à toutes les situations. Il est tout à fait possible, d'une part, que des cas choquants continuent de se produire avec la nouvelle réglementation et, d'autre part, qu'un ancien conseiller fédéral doive renoncer à exercer une activité en raison de la teneur de la loi, alors que cela n'aurait dérangé personne.

Quant à l'exécution de la loi, elle est elle aussi peu claire. Qui contrôlera les activités des anciens membres du Conseil fédéral ou des anciens employés de la Confédération? Qui jugera si un mandat donné ne peut être exercé parce qu'il répond aux critères fixés par la loi?

Pour la minorité I, la législation proposée est l'expression d'une méfiance générale envers les autorités publiques. Le projet ne permettrait en aucune façon d'affermir la confiance dans les autorités, tandis que les membres de ces autorités et les employés de la Confédération feraient l'objet d'un soupçon généralisé.

Les dispositions proposées autoriseraient en outre les anciens conseillers fédéraux à accepter n'importe quel mandat déjà après deux ans. Le problème ne saurait donc être résolu grâce au législateur, mais grâce au sens des responsabilités et à la sensibilité des personnes concernées.

3

Commentaire des dispositions

Le projet propose de modifier la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010) et la loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers; RS 172.220.1).

3.1

Modification de la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010)

La disposition légale interdisant aux anciens conseillers fédéraux d'exercer des mandats sera inscrite dans la LOGA. Elle peut être insérée sous le titre 5, chapitre 1 (art. 58 ss), en recourant à l'art. 61a (RO 2011 4267; p. 4631) ­ ce qui ne pose aucun problème puisque celui-ci a été abrogé avec effet au 5 décembre 2011 et qu'il n'a pour ainsi dire jamais été appliqué (cf. «Immunität im Amt»; Sägesser, Kommentar zu RVOG, ch. 21 ad art. 61a).

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Art. 61a

Délai de carence après démission

Al. 1 Le début de l'al. 1 dit clairement qu'il est question des anciens conseillers fédéraux qui ne sont plus membres du Conseil fédéral parce qu'ils ont démissionné de leurs fonctions (s'agissant des arguments avancés en faveur de cette solution, cf. ch. 2.2).

La minorité II souhaite une disposition applicable aussi aux conseillers fédéraux qui ne sont pas réélus. D'après elle, opérer une distinction fondée sur la raison du départ du Conseil fédéral ne se justifie pas au vu du principe de l'égalité de tous devant la loi. Cette minorité estime que, pour ce qui est d'éviter les conflits d'intérêt, le motif du départ ne constitue pas un critère de différenciation objectif.

En l'espèce, la notion de «société de capitaux», qui est utilisée à l'al. 1 et recouvre, aux termes de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11), les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions et les sociétés à responsabilité limitée (art. 49, al. 1, let. a, LIFD), permet de prendre en compte un certain nombre d'entreprises. Toutefois, pour ne pas limiter la portée de la disposition aux sociétés de capitaux, celle-ci a été étendue aux sociétés comparables, de sorte que toute entreprise engagée dans le processus économique qui offre ou acquiert des biens ou des services, indépendamment de son organisation ou de sa forme juridique (art. 2, al. 1bis, de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les cartels, LCart.; RS 251), peut être prise en compte. A titre d'exemple, citons les coopératives atypiques comme Migros ou les sociétés d'investissement et les sociétés ouvertes au public selon le droit étranger.

Let. a et b Les mandats doivent provenir de sociétés dont les activités ont un rapport direct avec les tâches du département que dirigeait le conseiller fédéral sortant, ou qui reçoivent «d'importantes commandes de la Confédération ou des entreprises qui lui sont proches» (selon iv. pa. 10.517). Si le conseiller fédéral a dirigé plusieurs départements au cours de sa carrière, c'est l'activité du département qu'il a dirigé en dernier lieu qui est déterminante, par analogie avec l'art. 14a, al. 1, LPers (cf. infra).

A la let. b, la notion «d'importantes commandes de la Confédération» a été explicitée par une formulation indiquant que les sociétés concernées sont celles auxquelles
la Confédération a attribué durant les quatre dernières années des marchés d'un montant de plus de quatre millions de francs.

Quant à l'expression «des entreprises qui lui sont proches» (c'est-à-dire proches de la Confédération), elle est traduite dans le projet de loi par un renvoi à l'art. 2, al. 4, LOGA, qui en donne une définition claire et précise en disposant que la législation fédérale peut confier des tâches administratives à des organisations et à des personnes de droit public ou privé qui sont extérieures à l'administration fédérale. Sont visées en l'espèce les personnes morales titulaires de droits et d'obligations comme les corporations, les établissements ou les fondations qui ont une personnalité juridique propre. Entrent donc en ligne de compte les organes extérieurs à l'administration fédérale qui accomplissent des tâches administratives pour le compte de la Confédération et qui ne figurent pas dans les listes des annexes 1 et 2 citées à l'art. 8 de l'ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA; RS 172.010.1). La Poste, RUAG, les CFF, la SSR et Swisscom en sont les principaux exemples. Il en existe d'autres, qui sont mentionnés dans l'annexe aux principes interprétatifs du 17 février 2006 édictés par le Bureau 4659

du Conseil national et le Bureau du Conseil des Etats, destinés à faciliter l'application de l'art. 14, let. e et f, de la loi sur le Parlement (FF 2010 2969; pp. 2974 ss).

Al. 2 L'al. 2 instaure une dérogation pour les mandats des sociétés de capitaux dans lesquelles le conseiller fédéral sortant détenait une participation majoritaire avant d'être élu. Ainsi, un ancien membre du gouvernement peut reprendre une activité au sein de «son» entreprise, qui constitue peut-être l'oeuvre de sa vie, après avoir quitté le Conseil fédéral. Comme il s'agit de sa propre entreprise, le conseiller fédéral n'avait de toute façon pas besoin de la privilégier, lorsqu'il était en fonction, dans l'espoir d'obtenir un mandat de sa part après avoir quitté le Conseil fédéral.

La minorité III souhaite biffer cet alinéa. Elle ne comprend pas pourquoi les mandats que le conseiller fédéral sortant exerce dans sa propre entreprise seraient traités différemment des mandats qu'il exerce dans d'autres entreprises. Elle estime qu'il est même permis de se demander si un conseiller fédéral qui possède une entreprise quand il entre au Conseil fédéral ne serait pas plus suspect de favoritisme à l'égard de celle-ci.

Al. 3 Au contraire de l'al. 1, l'al. 3 vise également les organisations d'intérêt général. Les conseillers fédéraux sortants ne peuvent, pendant le délai de carence, accepter aucun travail rémunéré, ni dans le cadre d'un mandat, ni dans le cadre d'un contrat fondant un rapport de travail de la part d'une organisation non gouvernementale (ONG) qui a perçu d'importantes aides financières de la Confédération alors que l'intéressé était en fonction.

Or, la question est de savoir ce qu'il faut entendre par ONG, sachant que l'éventail des organisations et des personnes de droit privé financées par la Confédération va de celles qui reçoivent un montant symbolique à celles qui touchent des millions de francs chaque année. En tout état de cause, il s'agit toujours de personnes et d'organisations qui sont extérieures à l'administration fédérale, qu'elles soient de droit public ou de droit privé.

Dès lors qu'il s'agit de répondre à l'objectif de la loi, à savoir prévenir les conflits d'intérêt d'un conseiller fédéral sortant durant le délai de carence, il est pertinent de tenir compte du soutien financier fourni par la
Confédération à la personne ou à l'organisation concernée. Aux termes des principes interprétatifs cités plus haut, une organisation ou une personne morale dépend de la Confédération pour ce qui est de son financement lorsque ses recettes sont constituées à 50 % au moins de contributions versées par la Confédération (FF 2010 2969; p. 2971, ch. marginal 11). Un critère supplémentaire est toutefois retenu ici: il y a dépendance financière à l'égard de la Confédération non seulement lorsque les recettes sont constituées à 50 % au moins de contributions versées par la Confédération, mais encore lorsque la contribution fédérale s'élève à plus de 500 000 francs par an. Grâce à ce critère cumulatif, seules les organisations qui bénéficient de contributions considérables seront prises en considération.

Al. 4 (minorité IV) La minorité IV voudrait que le Conseil fédéral puisse autoriser des exceptions au cas par cas. Il serait en effet incongru qu'un ancien conseiller fédéral doive renoncer à 4660

exercer une activité en raison de la teneur de la loi, alors que personne ne s'en serait offusqué.

La majorité de la commission rejette cette proposition, car celle-ci permettrait de faire litière des nouvelles règles. Ces dernières ont en effet été formulées de manière précise et édictées de sorte à être respectées.

3.2 Art. 14a

Modification de la loi sur le personnel de la Confédération (LPers; RS 172.220.1) Délai de carence applicable aux cadres du plus haut niveau hiérarchique après cessation des rapports de travail

Al. 1 L'art. 94b de l'ordonnance sur le personnel de la Confédération (OPers; RS 172.220.111.3) dispose aujourd'hui déjà qu'il est possible de convenir avec les membres de la direction des unités administratives de la Confédération d'une interdiction d'exercer une activité pour certains employeurs ou mandants pendant au maximum deux ans après la fin des rapports de travail. Il s'agit d'instituer dans la LPers l'obligation de convenir d'une telle interdiction, en y insérant une disposition analogue. Celle-ci ne prévoit toutefois que des restrictions concrètes, limitées au domaine d'activité concerné et susceptible de donner lieu à certains abus ou conflits d'intérêts.

Selon l'al. 1, les autorités compétentes fixent dans le contrat de travail des cadres du plus haut niveau hiérarchique de certaines unités administratives l'interdiction, pour une durée maximale de deux ans, de se mettre au service d'un employeur qui, au cours des deux années ayant précédé la résiliation des rapports de travail, a été concerné par une des décisions prises ou préparées par l'unité en question. Cette règle s'applique aussi bien lorsque l'ancien cadre signe un contrat de travail avec un nouvel employeur que lorsqu'il accepte un mandat de la part d'une entreprise externe.

L'administration fédérale se compose des unités de l'administration fédérale centrale et de celles de l'administration fédérale décentralisée au sens des art. 6 à 8 OLOGA.

L'annexe 1 de l'OLOGA dresse la liste complète des unités.

Le Conseil fédéral peut spécifier le cercle des personnes concernées par l'art. 14a LPers dans l'OPers. L'art. 94b OPers cite actuellement les fonctions de directeur, de directeur suppléant et de sous-directeur. Lors d'une prochaine révision partielle de l'OPers, ce cercle pourrait être étendu aux secrétaires généraux et aux membres de la direction, car ceux-ci détiennent souvent de larges compétences.

Al. 2 Le texte de l'al. 2 se fonde sur la formulation de l'art. 160, al. 1, du code des obligations. Il y est précisé que les unités administratives peuvent choisir la sanction qu'elles entendent infliger.

Le montant de la peine conventionnelle prévue dans le contrat de travail peut s'élever au plus au double du revenu annuel de l'employé, ce qui coïncide avec le délai de carence de deux ans.

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La minorité V voudrait biffer l'art. 14a LPers. Elle estime en effet que cette disposition réduit encore davantage l'attrait des postes de cadre au sein du service public par rapport à ceux qui sont proposés dans le secteur privé ­ et qui sont beaucoup mieux rémunérés.

4

Conséquences

4.1

Conséquences financières et effet sur l'état du personnel

Les modifications législatives proposées n'ont ni conséquences financières, ni effet sur l'état du personnel.

5

Bases légales

5.1

Constitutionnalité

La liberté économique et partant le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice sont des droits fondamentaux garantis par la Constitution (art. 27 Cst.). Il en découle que tout individu peut décider librement de quelle manière il entend assurer son existence matérielle, que ce soit par une activité lucrative indépendante ou à titre de salarié, ou encore s'il veut travailler durablement ou occasionnellement dans l'économie privée. Toute restriction légale de ces droits doit, entre autres, être proportionnée au but visé, comme le prescrit l'art. 36, al. 3, Cst., et fixée en fonction du but de la disposition protégeant l'intérêt public ou un droit fondamental.

L'intérêt général d'avoir un gouvernement crédible, qui fasse passer le bien public avant les intérêts particuliers, justifie la restriction légale de la liberté économique des anciens conseillers fédéraux, laquelle restriction s'applique à une situation précise et est limitée dans le temps. De même, la liberté économique de certains employés de la Confédération n'est contractuellement restreinte que dans des cas concrets isolés, que l'on peut objectivement justifier, à l'instar de la pratique que connaît le secteur privé.

5.2

Forme de l'acte

Le dispositif proposé, qui se rapporte aux droits et obligations des conseillers fédéraux sortants et des cadres du plus haut niveau hiérarchique de la Confédération qui ont quitté leurs fonctions, constitue une atteinte à la liberté économique garantie par l'art. 27 Cst. Ainsi, il comporte des dispositions importantes qui fixent des règles de droit et doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale, conformément à l'art. 164, al. 1, let. b et c, Cst.

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