13.089 Message concernant la garantie de la constitution du canton de Genève du 13 novembre 2013

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons par le présent message un projet d'arrêté fédéral simple concernant la garantie de la constitution du canton de Genève en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

13 novembre 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

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Message 1

Votation populaire cantonale

Le 14 octobre 2012, le corps électoral du canton de Genève a accepté une nouvelle constitution cantonale (Cst. GE) par 40 849 voix contre 34 690.

Par courrier du 5 décembre 2012, la chancellerie d'Etat du canton de Genève a demandé la garantie fédérale.

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Principaux changements

La nouvelle constitution du canton de Genève compte 237 articles. Par rapport à l'ancienne constitution de 1847 (aCst. GE), elle comporte notamment les changements ci-après: ­

Préambule et dispositions générales La constitution reçoit un préambule. Les dispositions générales consignent en treize articles les traits essentiels et les principes structurels du canton de Genève.

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Droits fondamentaux Le titre II contient un catalogue détaillé des droits fondamentaux qui, pour certains aspects, est plus étendu que celui de la Constitution fédérale (Cst. féd.)1. A titre d'exemple, la constitution du canton de Genève garantit aux personnes handicapées l'accès aux bâtiments, aux installations et équipements, de même qu'aux prestations destinées au public. Elle introduit un droit à un environnement sain et, dans le cadre de la liberté d'opinion, elle protège explicitement les personnes qui constatent et révèlent des comportements illégaux («lanceurs d'alerte»).

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Droits politiques (titre III) Lors du premier tour des élections cantonales et communales au système majoritaire, la majorité absolue remplace la majorité relative. Le nombre de signatures nécessaires pour les initiatives et référendums cantonaux et communaux est fixé en pourcentage des titulaires des droits politiques. Trois changements ont été introduits en ce qui concerne les référendums cantonaux: le référendum obligatoire en matière d'impôt et de logement est remplacé par un référendum facultatif; les mesures d'assainissement des finances échappent au référendum obligatoire, mais la loi peut prévoir que des mesures nécessitant une modification de loi doivent être soumises au vote du peuple; enfin, la constitution introduit un référendum extraordinaire sur décision des deux tiers des membres du Grand Conseil.

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Autorités (titre IV) Pour le Grand Conseil, le Conseil d'Etat et les autorités communales, la législature est portée de quatre à cinq ans. La suppléance des membres du Grand Conseil est dorénavant réglée. Le président ou la présidente du Conseil d'Etat n'est plus désigné pour une année, mais pour toute la période de la législature. Cette personne dirige le département présidentiel, qui est chargé en particulier des relations extérieures, des relations avec la Genève internationale et de la cohérence de l'action gouvernementale. Par ailleurs, une instance de médiation est créée pour traiter les différends entre l'administration et les administrés. Les tribunaux sont appelés à encourager la médiation et les autres modes de résolution extrajudiciaire des litiges.

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Organisation territoriale et relations extérieures (titre V) Les fusions de communes sont encouragées, par le biais notamment d'incitations financières. Les relations extérieures sont marquées par l'ouverture à l'Europe et au monde. En matière de coopération régionale transfrontalière, le canton promeut la collaboration démocratique et institutionnelle et un développement durable, équilibré et solidaire.

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Tâches de l'Etat et finances publiques (titre VI) Une importance particulière est accordée à la protection de l'environnement (par ex. à la réduction des gaz à effets de serre), à la santé, au logement et à la mobilité. La formation devient obligatoire jusqu'à la majorité au moins.

L'Etat se dote de réserves anticycliques et évite le surendettement.

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Conditions de la garantie fédérale

En vertu de l'art. 51, al. 1, Cst. féd., chaque canton se dote d'une constitution démocratique; celle-ci doit avoir été acceptée par le peuple et doit pouvoir être révisée si la majorité du corps électoral le demande. Selon l'al. 2 du même article, les constitutions cantonales doivent être garanties par la Confédération; cette garantie est accordée si elles ne sont pas contraires au droit fédéral. Lorsqu'une constitution cantonale répond à ces exigences, la garantie est accordée; si une norme constitutionnelle cantonale est contraire au droit fédéral, la garantie doit lui être refusée.

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Constitutionnalité

La constitutionnalité de trois des dispositions de la constitution cantonale peut à certains égards soulever quelques questions.

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L'art. 66 Cst. GE reprend de la constitution en vigueur (art. 53 B aCst. GE), promulguée en 1847, l'interdiction du «double non» (ou du «double oui») pour certaines votations portant sur des mesures d'assainissement financier.

Concrètement, le corps électoral doit choisir entre deux nouvelles solutions qui lui sont soumises: il doit accepter soit la mesure d'assainissement proposée, soit une augmentation d'impôts aux effets similaires. Une telle réglementation a pour conséquence que l'électorat renonce d'emblée tant au statu quo («double non») qu'au cumul de la mesure d'assainissement et de 8315

l'augmentation d'impôts («double oui»). En 2003 déjà, l'Assemblée fédérale avait accordé la garantie fédérale à une norme semblable de la constitution entièrement révisée du canton de Vaud (Cst. VD) interdisant le «double non» ou le «double oui» (art. 165 Cst. VD)2. Il a fait de même en 2010 pour l'art. 53 B aCst. GE de teneur similaire (interdiction du double refus ou de la double acceptation)3. Cette décision a suscité quelques critiques dans la doctrine4. En 2004, dans le cadre d'un recours formé dans le canton de Vaud, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de se prononcer sur la compatibilité de cette réglementation avec le droit fédéral, arguant notamment du fait que le législateur cantonal avait une large autonomie dans la détermination de la portée des droits politiques. Si le législateur a déjà la possibilité de supprimer toute possibilité de référendum pour des mesures d'assainissement financier, il doit également lui être possible de prévoir une procédure de vote particulière qui ne laisse qu'un choix limité au corps électoral sans que cela ne contredise le droit de vote. Toutefois, une telle limitation n'est admissible que si elle découle clairement du texte concerné5. De ce point de vue, l'art. 66 Cst. GE est compatible avec la garantie des droits politiques (art. 34 Cst. féd.).

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L'art. 168, al. 1, Cst. GE prévoit un monopole cantonal pour l'approvisionnement et la distribution d'eau et d'électricité, et pour l'évacuation et le traitement des eaux usées, «dans la mesure permise par le droit fédéral». Ce renvoi à la législation fédérale concerne notamment l'art. 13, al. 1, de la loi fédérale du 23 mars 2007 sur l'approvisionnement en électricité (LApEl)6, en vertu duquel «les gestionnaires de réseau sont tenus de garantir l'accès au réseau de manière non discriminatoire», ce qui inclut le droit d'utiliser le réseau afin d'acquérir de l'électricité auprès d'un fournisseur de son choix ou d'injecter de l'électricité (art. 4, al. 1, let. d, LApEl). Cette réglementation de droit fédéral interdit en principe un monopole cantonal en matière d'approvisionnement en électricité, ce que l'Assemblée fédérale a reconnu en 2008 lorsqu'elle n'a accordé à une disposition similaire de la Cst. GE en vigueur relative au monopole genevois d'approvisionnement en électricité qu'une garantie temporaire jusqu'à l'entrée en vigueur de la LApEl le 1er janvier 20097. Toutefois, l'art. 168, al. 1, de la nouvelle Cst. GE comportant une réserve explicite en faveur du droit fédéral, la disposition peut être interprétée dans le sens où le monopole cantonal ne s'applique entièrement qu'à l'évacuation et au traitement des eaux usées mais non à l'approvisionnement en électricité, pour lequel le droit fédéral prévoit une ouverture du marché.

Cette interprétation est également corroborée par la genèse de la disposition.

Dans ce sens, l'art. 168, al. 1, Cst. GE peut être déclaré conforme au droit fédéral.

FF 2003 6303 FF 2011 255 Notamment: Thierry Tanquerel, L'interdiction du double non en cas de vote populaire sur une alternative respecte-t-elle la liberté de vote?, in: Festschrift für Tobias Jaag, Schulthess 2012, pp. 339 ss.

ATF 131 I 126, cons. 6.

RS 734.7 Cf. à ce propos l'arrêté fédéral du 18 décembre 2008 accordant la garantie à des constitutions cantonales révisées (FF 2009 465) et les considérations afférentes dans le message du Conseil fédéral (FF 2008 5497, 5506 s.).

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En vertu de l'art. 169 Cst. GE, les autorités cantonales sont tenues de s'opposer par tous les moyens à leur disposition et dans la limite de leurs compétences aux installations de centrales nucléaires, de dépôts de déchets radioactifs et d'usines de retraitement sur le territoire et au voisinage du canton. La constitution prescrit de la sorte le comportement que les autorités cantonales devront adopter dans le cadre du droit de participation prévu à l'art. 44 de la loi du 21 mars 2003 sur l'énergie nucléaire (LENu)8 en cas d'implantation de centrale nucléaire. Bien que la réglementation du domaine de l'énergie soit du ressort exclusif de la Confédération en vertu de l'art. 90 Cst. féd. et que la réglementation fédérale soit exhaustive, l'art. 169 Cst. GE peut être jugé conforme au droit fédéral parce cette disposition comporte une réserve explicite en vertu de laquelle les autorités cantonales ne peuvent et ne doivent agir que dans la limite de leurs compétences (notamment de celles définies dans la LENu). On peut par conséquence renoncer à une garantie conditionnelle (c'est-à-dire sous réserve des dispositions du droit fédéral) comme celle accordée naguère à l'art. 160 E, al. 5, aCst. GE de même teneur9.

Pour le surplus, la constitution du canton de Genève du 14 octobre 2012 répond aux exigences de l'art. 51 Cst. féd. Il convient donc de lui accorder la garantie fédérale.

En vertu des art. 51, al. 2, et 172, al. 2, Cst. féd., l'Assemblée fédérale est compétente pour le faire.

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RS 732.1 Cf. à ce propos l'arrêté fédéral du 20 juin 1988 accordant la garantie fédérale à la constitution révisée du canton de Genève (FF 1988 II 1127) et les considérations afférentes dans le message du Conseil fédéral (FF 1988 I 221, 232 ss).

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