13.094 Message sur la révision partielle du code des obligations (Protection en cas de signalement d'irrégularités par le travailleur) du 20 novembre 2013

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons la modification du code des obligations (Protection en cas de signalement d'irrégularités par le travailleur).

Nous vous proposons simultanément de classer les interventions parlementaires suivantes: 2003

M 03.3212

Protection juridique pour les personnes qui découvrent des cas de corruption (N 13.6.2005, Gysin; E 22.3.2006; N 22.6.2007)

2003

P

Mesures de protection des «whistleblowers» (E 2.10.2003, Marty)

03.3344

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

20 novembre 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2013-1392

8547

Condensé Le projet réalise le mandat de la motion Gysin (03.3212). Les conditions auxquelles un acte illicite ou une autre irrégularité peuvent être révélées sont réglées dans le code des obligations. Les critères posés par la jurisprudence sont respectés et précisés. La protection contre un congé consécutif à un signalement licite n'est pas étendue. Les propositions du Conseil fédéral pour améliorer la protection contre les congés ont fait l'objet d'appréciations fondamentalement divergentes.

La réflexion sur la question sera poursuivie.

Contexte Le travailleur qui constate des irrégularités sur le lieu de travail est confronté à des intérêts divergents. La bonne marche de l'organisation, l'intérêt public au respect des lois, le débat public en démocratie et l'éthique commandent de signaler l'irrégularité. Toutefois, le signalement aux autorités et surtout à la presse porte une atteinte qui peut être grave aux intérêts de l'employeur. De même, le signalement constitue une atteinte à la personnalité du collaborateur soupçonné. Le signalement peut aussi être à l'origine de tensions et de conflits sur le lieu de travail.

Le droit en vigueur fait dépendre la licéité du signalement d'une pesée entre ces divers intérêts. Cette pesée est, aujourd'hui, effectuée par la jurisprudence. Le signalement hors de l'organisation relève de la liberté d'expression reconnue au travailleur. Celle-ci n'est pas absolue. Elle doit être mise en balance avec les obligations contractuelles du travailleur et l'atteinte portée aux intérêts de l'employeur.

L'obligation de fidélité et de discrétion du travailleur, de même que les obligations de garder un secret dont la violation est sanctionnée par le droit pénal, font obstacle au signalement hors de l'organisation. Ces règles ne sont également pas absolues.

Le travailleur qui respecte les conditions du signalement ne doit pas subir de désavantages de ce fait. La protection découle aujourd'hui des règles générales du droit du travail. Un congé prononcé suite à un signalement licite, en particulier, sera jugé abusif. Le congé abusif reste valable mais donne lieu au paiement d'une indemnité de six mois de salaire au maximum.

Contenu du projet Le projet propose de régler les conditions du signalement dans la loi. La pesée des intérêts fera ainsi l'objet d'une décision du
législateur. Les intérêts en présence, divers et importants, le justifient. La légitimité du signalement sera ainsi confirmée et les limites dans lesquelles il est admis posées. La réglementation apportera une plus grande prévisibilité, même si le juge garde, dans certains cas, une marge d'interprétation. La coordination entre le droit du travail et le droit pénal est également traitée.

Le projet reprend et précise les principes posés par la jurisprudence (intérêt prépondérant, proportionnalité). La règle est d'admettre le signalement s'il est d'abord adressé à l'employeur, puis à l'autorité et, en dernier recours, au public. La priorité

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est ainsi donnée au traitement des signalements en interne. L'employeur doit avoir la possibilité de remédier lui-même aux irrégularités. Le signalement à l'autorité n'est pas admis si l'employeur a mis en place un système de signalement interne. A défaut d'un tel système, les faits ne pourront pas être révélés à l'extérieur sauf si l'employeur ne réagit pas au signalement ou réagit de manière manifestement insuffisante. Le signalement à l'autorité est aussi limité aux infractions pénales et aux violations du droit public. Le signalement direct aux autorités est admis dans les cas définis par la nouvelle norme. Par contre, le signalement direct au public n'est pas autorisé. Le travailleur doit, dans tous les cas, s'adresser aux autorités compétentes. Son rôle se limitera à transmettre l'information aux autorités. Il ne pourra pas s'adresser au public si l'action des autorités est insuffisante ou n'a pas d'effet sur le comportement illicite dénoncé. L'autorité doit par contre informer le travailleur de la suite donnée à son signalement, dans les limites de la confidentialité de la procédure.

Le congé abusif ou injustifié consécutif à un signalement conforme à l'obligation de fidélité reste sanctionné selon le droit en vigueur. Un avant-projet a été mis en consultation en vue d'améliorer la protection contre les congés. Ces propositions ont fait l'objet d'avis très divergents et d'une opposition importante. C'est pourquoi la réflexion sur cette problématique sera poursuivie indépendamment du présent projet. La protection contre les congés doit être prise dans sa globalité. Une protection plus étendue dans le seul cas du signalement n'est pas justifiable en comparaison avec d'autres motifs abusifs de congé.

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Table des matières Condensé

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1

Présentation du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Problématique 1.1.2 Exemples et chiffres 1.1.3 Droit en vigueur 1.1.4 Lacunes du droit en vigueur et besoin de légiférer 1.1.5 Interventions parlementaires 1.1.6 Avant-projets et consultations 1.2 Dispositif proposé 1.3 Appréciation de la solution retenue 1.3.1 Résultats de la procédure de consultation 1.3.2 Solution retenue 1.3.3 Autres solutions étudiées 1.4 Comparaison avec le droit étranger, notamment européen 1.4.1 Union européenne 1.4.2 Etats-Unis 1.4.3 Royaume-Uni 1.4.4 France 1.4.5 Allemagne 1.5 Mise en oeuvre 1.6 Classement d'interventions parlementaires

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2

Commentaire des dispositions

8596

3

Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.1.1 Conséquences financières 3.1.2 Conséquences sur l'état du personnel 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne 3.3 Conséquences économiques et sociales

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4

Relation avec le programme de la législature

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5

Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité et légalité 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales 5.2.1 Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) 5.2.2 Obligations internationales en matière de corruption 5.3 Forme de l'acte à adopter 5.4 Frein aux dépenses 5.5 Délégation de compétences législatives 5.6 Conformité à la législation sur la protection des données

8608 8608 8608 8608 8609 8610 8610 8610 8611

8550

8607 8607

Annexe: Déroulement de la procédure de signalement

8612

Code des obligations (Protection en cas de signalement d'irrégularités par le travailleur) (Projet)

8613

8551

Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Problématique

Le signalement d'irrégularités constatées sur le lieu de travail met en jeu des intérêts divergents. Le travailleur voudra divulguer ces faits par sens du devoir et pour des raisons d'éthique. Cette révélation servira la bonne marche de l'organisation1 pour laquelle il travaille. La collectivité est également intéressée à la découverte de faits contraires à la loi ou qui sont, pour d'autres raisons, d'intérêt public. D'un autre côté, ces faits peuvent discréditer des collègues, des supérieurs ou l'employeur luimême. L'organisation subit une atteinte à sa réputation si les faits sont révélés à l'extérieur. Le signalement n'a par ailleurs pas toujours une valeur positive. Les dénonciations mensongères, abusives ou calomnieuses ne doivent pas être encouragées.

Ces conflits d'intérêts se retrouvent dans l'ordre juridique. L'intérêt à la révélation se heurte en effet à diverses obligations légales qui protègent l'organisation concernée et les particuliers: obligation de fidélité et de discrétion dans le secteur privé ou la fonction publique, secret commercial, secret professionnel, protection de la personnalité et diffamation de la personne dénoncée, atteinte à la réputation de l'organisation.

Ces problèmes sont connus des organisations et des solutions volontaires existent déjà. En effet, dans les entreprises privées comme dans les organismes publics, la mise en place d'un système de contrôle interne, qui vise notamment à vérifier que les activités de l'organisation sont conformes au droit, est un principe de bonne gouvernance aujourd'hui bien établi2. La communication d'irrégularités par les salariés est également admise comme un moyen de découvrir des actes non conformes aux règles. Des procédures internes ont été développées à cet égard pour que cette information ne se perde pas et pour éviter les conflits potentiels à l'intérieur de l'organisation. Un service interne ou externe qui reçoit directement les signalements peut ainsi être désigné et une procédure de traitement du cas signalé définie. Ces procédures internes sont aujourd'hui en place dans un certain nombre d'entreprises et d'autres organisations. Elles remédient aux inconvénients liés à la voie hiérarchique, si par exemple le supérieur du salarié est concerné par le signalement. Les intérêts de la personne qui dénonce les faits et ceux
de l'auteur présumé d'actes répréhensibles peuvent aussi être garantis.

Ces mesures volontaires n'éliminent toutefois pas tous les problèmes. Que ce soit dans le secteur privé ou public, les conflits potentiels ne se résolvent pas toujours de manière adéquate. Le travailleur ne trouvera pas toujours une solution à l'intérieur de l'organisation. Toutes n'ont pas institué de service compétent ou de procédure de 1 2

L'organisation désigne les entités suseptibles d'être des employeurs: entreprises privées ou publiques, associations, etc.

Voir par exemple le «Code suisse de bonne pratique pour le gouvernement d'entreprise», juillet 2002 et 2007, ch. 19, 20, 23 et 24, et l'art. 39 de la loi fédérale du 7 octobre 2005 sur les finances de la Confédération (LFC; RS 611.0).

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signalement, ne laissant au salarié que l'option de la voie hiérarchique. Les faits visés peuvent concerner directement ses supérieurs ou des personnes haut placées dans l'organisation, rendant la voie hiérarchique ou le recours à un service interne risqués ou inefficaces. La situation est d'autant plus problématique pour le travailleur qu'il ne sera souvent pas sûr qu'un acte illicite a été commis, soit parce qu'il n'a que des soupçons, soit parce qu'il n'est pas certain que les faits qu'il a constatés sont répréhensibles. En fin de compte, la réussite du traitement en interne dépendra de la possibilité de traiter des signalements de façon indépendante et efficace. Elle dépendra aussi d'une culture générale dans l'organisation qui prend au sérieux le signalement légitime, le favorise ou l'encourage.

Une réaction hostile de l'entourage ou de l'organisation n'est pas exclue. Le travailleur peut être exposé à des mesures de représailles. Il risque d'être licencié ou de subir d'autres sanctions sur le plan professionnel, ou même d'être poursuivi pénalement. Les effets potentiellement négatifs ne s'arrêtent pas à des désavantages ou à la perte de son emploi. En cas de licenciement, la perspective de retrouver un travail sera bien moindre, voire exclue. Une décision d'ordre éthique, difficile à prendre, impliquant un acte de courage de la part du travailleur, peut donc l'amener à mettre en jeu son emploi, voire toute sa carrière professionnelle.

Le travailleur sera donc incité à garder le silence et à taire des faits et des comportements illégaux, répréhensibles ou intéressant la collectivité. Une autre réaction pourra être de sortir directement l'information à l'extérieur de l'organisation, en s'adressant aux autorités et parfois directement à la presse.

La position centrale du travailleur ne doit pas faire oublier les divers intérêts en présence et l'équilibre à trouver entre eux. Le signalement peut être excessif, imprudent et porter inutilement atteinte à l'employeur parce que, même bien intentionné et fondé, il est par exemple adressé directement à la presse. Il peut également être sans fondement, mensonger et animé par une volonté de nuire à l'employeur ou à une personne en particulier.

1.1.2

Exemples et chiffres

De nombreux exemples témoignent de cette problématique. Les cas suivants ont par exemple donné lieu à des licenciements ou des poursuites pénales: en 1967, les soupçons de vol et d'infractions au code de la route sanctionnées avec complaisance dans la police zurichoise; en 1973, une entente sur les prix et des rabais accordés à des clients fidèles ont été révélés aux autorités européennes par un employé d'une entreprise de l'industrie pharmaceutique; en 1992, deux fonctionnaires révèlent un cas de corruption lié au traitement des boues d'épuration de la ville de Zurich; en 1997, Christoph Meili sauve des documents en rapport avec les fonds en déshérence et les rend publics3. De même, les révélations de la présence d'amiante par des temporaires, de fausses dates de péremption de produits alimentaires, d'une campagne d'un office fédéral contre une initiative populaire ou de la présence de fichiers

3

Respectivement: ATF 94 IV 68; ATF 104 IV 175; L'Hebdo, 19 octobre 2006; L'Hebdo, 19 octobre 2006 et ATF 129 III 320; cas Meili: par exemple, La Liberté, 11 novembre 2006, p. 3.

8553

pédophiles sur l'ordinateur d'un collaborateur peuvent être mentionnées4. Des procès récents ont enfin confirmé la persistance de la problématique. On citera notamment les cas suivants: révélations à la presse par des fonctionnaires cantonaux de décisions irrégulières de l'office des migrations saint-gallois et dans l'aide sociale zurichoise, policier zurichois accusé d'avoir révélé à la presse une poursuite pénale contre le chef de l'armée au moment de sa nomination5. Alors que les deux premiers cas ont abouti à des condamnations pénales pour violation du secret de fonction, le dernier a été porté devant le Tribunal fédéral. Une procédure pour harcèlement est également en cours en relation avec des alertes internes en rapport avec la sécurité alimentaire dans une grande entreprise privée6.

Outre les cas énumérés ci-dessus, la problématique touche le secteur privé en rapport avec l'exigence accrue, pour toute organisation, de respecter les prescriptions légales. L'exposition à la corruption est par exemple un risque bien réel pour le secteur privé, en particulier pour l'industrie d'exportation. Certes, avec un indice de 8,8 sur 10, la Suisse est bien notée dans le Bribe Payers Index (2011) de l'organisation Transparency International, qui reflète l'éventualité de recourir à la corruption telle que perçue par les acteurs du marché7. Toutefois, plusieurs entreprises suisses, grands groupes ou PME, ont été sujettes à des poursuites pour corruption aux EtatsUnis et se sont résolues à payer des amendes à hauteur de plusieurs millions de francs8. Les cas jugés en Suisse sont certes plus rares. Une première condamnation pénale directe d'une entreprise par le Ministère public de la Confédération est toutefois intervenue en 20119. Une étude menée en 2011 auprès de 510 entreprises suisses actives au niveau international, de tailles diverses et actives dans différentes branches économiques, a aussi montré que 40 % d'entre elles ont été exposées à la corruption. 56 % parmi ces 40 % reconnaissent avoir effectué des paiements informels10.

La corruption n'est qu'un aspect de la criminalité économique. Un relevé annuel des procédures pénales jugées ou en cours en Suisse portant sur un dommage de 50 000 francs et plus a recensé 59 cas en 2009, 52 cas en 2010, 69 en 2011 et 64 en 201211.

Il est apparu que les
auteurs des infractions étaient des employés avec ou sans fonction dirigeante dans respectivement 20, 23, 25 et 35 cas. Le total des dommages s'est monté à 1, 575 milliard de francs en 2009, à 365 millions en 2010, à 519,6 millions en 2011 et à 497,5 millions en 2012. Des enquêtes auprès d'entreprises suisses confirment qu'elles doivent faire face au quotidien à des comportements illicites.

Dans l'un des sondages, 17 % des organisations interrogées déclarent y avoir été

4 5

6 7 8 9 10 11

Respectivement: Beobachter, 1.9.2006, p. 26; L'Hebdo, 19 octobre 2006; NZZ am Sonntag, 20.8.2006; Le Temps, 9 juillet 2008.

Respectivement: Die Weltwoche, 14.6.2012, Sankt-Galler Tagblatt Online, 15.6.2012; arrêt du Tribunal fédéral, 6B_305/2011, du 12.12.2011 et nombreux comptes-rendus dans la presse; Limmattalerzeitung, 16.4.2013.

Handelszeitung, 29.10.2012; Radio Télévision Suisse, 15.05.2012; Le Monde, 16.052012.

Disponible sous: http://bpi.transparency.org/bpi2011 L'Hebdo, 6.12.2012, «Sociétés suisses: Pots-de-vin: Les petits arrangements des sociétés suisses»; La Liberté, 16.10.2010, Amendes amères aux Etats-Unis.

Communiqué de presse du Ministère public de la Confédération, 22.11.2011, «Clôture de la procédure pénale à l'encontre de sociétés Alstom».

Voir Becker, Katharina/Hauser, Christian/Kronthaler, Franz, Les entreprises suisses et la corruption à l'étranger, La Vie économique, 10-2012, p. 63 ss, 64.

KPMG, Forensic Fraud Barometer, communiqués de presse du 24.1.2012 et du 1.2.2013.

8554

confrontées en 2009 et 18 % en 201112. Les auteurs sont des employés internes, simples employés, cadres ou hauts dirigeants, dans 46 % des cas en 2009 et 40 % en 2011. La détection s'est faite de manière accidentelle dans 18 % des cas en 2009 et par des facteurs indépendants de l'influence du management dans 36 % des cas en 2011 (hasard, intervention de l'autorité, autres). Les systèmes de whistleblowing ne sont à l'origine de la détection dans aucun cas en 2009; ils le sont dans 12 % des cas en 2011. Dans une autre étude menée en 2012 auprès de 130 entreprises suisses (30 parmi les 100 plus grandes et 100 PME), 47 % des grandes entreprises interrogées font état d'actes de criminalité économique durant les deux années écoulées, alors que 13 % des PME se sont déclarées touchées13. Les auteurs sont des employés de l'organisation dans 57 % des cas pour les grandes entreprises et dans 40 % pour les PME. Alors que la détection se fonde pour une bonne part sur des dénonciations spontanées en interne (64 % des grandes entreprises et 40 % des PME donnent cette source), elle résulte aussi pour beaucoup de facteurs non contrôlés par l'entreprise.

Le hasard est ainsi cité par 43 % des grandes entreprises et 31 % des PME, les médias respectivement par 14 et 8 % et l'action des autorités par 7 et 8 %.

Ces études reposent certes sur de petits échantillons et donnent des résultats différents sur l'intensité des problèmes, vraisemblablement en raison, entre autres, de la diversité des sociétés interrogées, des périodes différentes des sondages ou de la définition de la criminalité économique. En outre, elles ne permettent pas de connaître l'étendue complète des problèmes, car des cas non détectés, voire non perçus comme illicites, peuvent exister. Les interprétations peuvent aussi être diverses. Ces études confirment toutefois la réalité du problème et donnent un aperçu de la manière dont il est traité. Si la conscience des risques et les réactions au sein des organisations existent, l'on notera qu'une partie de la détection provient de dénonciations internes spontanées et une autre partie de facteurs qui ne dépendent pas du contrôle exercé par l'organisation.

La mise en place de procédures internes de whistleblowing donne une indication sur la volonté de prendre en compte et de donner suite aux dénonciations
en interne même si elle n'est pas le seul élément du contrôle interne. Selon une étude datant de 2005, 42 % des plus grandes entreprises suisses ont institué une procédure de whistleblowing14. Une étude de 2011 traitant de la lutte anticorruption et portant sur 19 grandes entreprises suisses du Swiss Market Index (SMI) constate que 17 de ces entreprises communiquent sur l'existence d'un système d'alerte interne qui garantit la protection contre les représailles15. Elle relève toutefois que les modalités de mise en oeuvre sont largement différentes et que tant la façon d'utiliser que le champ d'application du système d'alerte ne sont pas assez bien définis. Ces éléments dénotent une réaction volontaire tangible, même si elle paraît inégale d'une entreprise à l'autre et pas entièrement aboutie. Elle concerne par ailleurs uniquement les grandes entreprises. La situation peut être différente pour les PME, qui constituent la grande 12

13 14 15

PriceWaterhouseCoopers, Swiss economic crime survey 2009 et 2011, disponibles sous: www.pwc.ch/fr/dyn_output.html?content.void=25416&collectionpageid=619&comeFro mOverview=true. 140 organisations interrogées en 2011, dont 34% sont cotées en bourse et 129 en 2009, dont 41% sont cotées en bourse.

KPMG, Wirtschaftskriminalität, Deutschland, Österreich, Schweiz im Vergleich ­ Wirtschaftskriminalität in Grossunternehmen und dem Mittelstand, publiée en 2013.

KPMG et Institut für Rechnungswesen und Controlling de l'Université de Zurich, Le contrôle interne dans la pratique suisse actuelle, p. 55.

ETHOS/TRANSPARENCY INTERNATIONAL, Lutte anticorruption en suisse ­ Etude sur l'état des lieux légal et les pratiques des sociétés cotées, décembre 2011, p. 34­37, 36.

8555

majorité des entreprises en Suisse. En matière de corruption par exemple, la mise en place de mesures de prévention et d'un contrôle interne semble plus difficile au vu de leurs moyens plus limités16. Le risque de survenance d'infractions en devient plus grand et demande une capacité de détection et de réaction accrue, qui inclut une bonne gestion des signalements.

1.1.3

Droit en vigueur

Les règles pertinentes relèvent de domaines juridiques variés: droit du travail, droit des sociétés, droit pénal, protection des données. Elles peuvent être réparties selon trois buts réglementaires principaux: régler les procédures internes de signalement, régler l'obligation ou le droit de signaler et protéger la personne qui signale contre d'éventuelles mesures de représailles.

Procédures internes de signalement Pas d'obligation d'instaurer une procédure interne En droit des sociétés, l'existence d'un système de contrôle interne doit être vérifiée et prise en compte par l'organe de révision (art. 728a, al. 1, ch. 3, et 2, CO). La mise en place d'une procédure interne de signalement n'est pas exigée. Une telle obligation n'est pas non plus la règle dans le secteur public. Des entreprises suisses cotées en bourse aux Etats-Unis et les filiales suisses de sociétés américaines cotées en bourse sont cependant soumises à la loi Sarbanes-Oaxley. Celle-ci exige la mise en place de procédures permettant de signaler des faits inhabituels en matière de comptabilité et d'audit17.

L'art. 102, al. 2, du code pénal (CP)18 prévoit la responsabilité primaire des entreprises en rapport avec certaines infractions (criminalité organisée, financement du terrorisme, blanchiment d'argent et corruption) si elles n'ont pas pris «toutes les mesures d'organisation raisonnables et nécessaires» pour empêcher ces infractions.

L'obligation de prendre toutes les mesures d'organisation raisonnables et nécessaires pourrait impliquer une obligation de mettre en place une procédure de signalement.

Une pratique dans ce sens n'est toutefois pas établie. Comme déjà évoqué (voir ci-dessus, ch. 1.1.2), une première condamnation sur la base de l'art. 102, al. 2, CP a été prononcée en 2011 dans un cas de corruption. L'entreprise condamnée s'est vue reprocher de ne pas avoir agi contre des pratiques contraires à ses propres directives et de ne pas avoir engagé, dans son service de compliance, du personnel assez compétent et en nombre suffisant. Son organisation a aussi été jugée inadéquate, vu que le service de compliance était lié à une unité du siège qui soutenait les efforts de vente de l'entreprise.

16

17 18

Voir le Rapport de la phase 3 sur la mise en oeuvre de la convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption par la Suisse, décembre 2011, ch. 75, et Maurer, Barbara/ Siegenthaler, Lukas, Examen des pays de l'OCDE en matière de corruption: la Suisse en comparaison internationale, La Vie Economique 10/2012, p. 59 ss, 62.

Sarbanes-Oxley Act of 2002, section 301(m)(4). Le droit américain est présenté au ch. 1.4.2.

RS 311.0

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En matière bancaire, la circulaire de la Commission fédérale des banques «Surveillance et contrôle interne», du 27 septembre 2006 n'a pas prévu la mise en place d'une procédure de signalement, contrairement au projet de circulaire, qui avait été critiqué sur ce point. Il comprenait en effet un ch. 44 prévoyant l'instauration d'une procédure de signalement pour les établissements tenus d'avoir un Comité d'audit19.

La circulaire a été remplacée par la circulaire 2008/24, qui ne prévoit pas non plus la mise en place d'une procédure de signalement20.

En droit du travail, l'employeur a l'obligation de prévenir, au moyen par exemple d'un dispositif interne de plainte, les atteintes à la personnalité et à la santé, notamment le harcèlement sexuel ou moral (art. 328, al. 1, CO, art. 6, al. 1, LTr21 et art. 4 à 5 LEg22). Selon le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO), une mesure importante pour prévenir tout risque de harcèlement sexuel ou moral est la désignation d'une personne de confiance, interne ou externe à l'entreprise23. Cette personne de confiance doit disposer selon le SECO des compétences nécessaires à l'exercice de ses tâches. Un rapport de confiance doit aussi pouvoir s'établir avec elle, notamment grâce à l'obligation de garder le secret et à l'absence de lien hiérarchique entre elle et les collaborateurs de l'entreprise. Le Tribunal fédéral a confirmé la possibilité d'imposer la désignation d'une personne de confiance sur cette base, hors hiérarchie et même si l'entreprise occupe moins de dix personnes24. Les mesures de protection doivent par ailleurs faire l'objet d'une information en vertu des art. 48, al. 1, let. a, LTr et 10, let. a, de la loi fédérale du 17 décembre 1993 sur l'information et la consultation des travailleurs dans les entreprises25.

Suite à donner à un signalement Diverses bases légales obligent l'employeur à prendre en compte un signalement et à y réagir. L'employeur doit en effet garantir le respect des obligations légales au sein de l'organisation. Dans les sociétés anonymes, le conseil d'administration doit surveiller l'observation des lois, des statuts, des règlements et instructions données (art. 716a, al. 1, ch. 5, CO). Cette compétence fait partie de ses attributions intransmissibles et inaliénables. Une personne morale peut engager sa responsabilité pénale,
à titre primaire pour certaines infractions (art. 102, al. 2, CP) mais aussi à titre subsidiaire (art. 102, al. 1, CP). La responsabilité extracontractuelle de l'employeur pour les actes du travailleur (art. 55 CO) correspond aussi aujourd'hui à une responsabilité du fait de l'organisation26. Cette responsabilité, de même que la responsabilité contractuelle du fait des auxiliaires (art. 101 CO), impliquent également une position de garant de l'employeur qui le rend responsable pénalement par omission27.

19

20 21 22 23 24 25 26 27

Le projet est disponible sous www.finma.ch/archiv/ebk/f/archiv/2005/ 20050504/050504_02_f.pdf et les prises de position sous www.finma.ch/archiv/ ebk/f/regulier/stellungnahmen.html.

Disponible sous www.finma.ch/f/regulierung/Documents/finma-rs-2008-24-f.pdf.

Loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce; RS 822.11 Loi fédérale du 24 mars 1995 sur l'égalité entre femmes et hommes; RS 151.1 SECO, Commentaire des ordonnances 3 et 4 relatives à la loi sur le travail, mai 2011, Annexe, art. 2 OLT 3, p. 302 G ­ 302 H Arrêt du TF 2C_462/2011 du 9 mai 2012, consid. 4 et 5 RS 822.14 ATF 110 II 456 ATF 117 IV 130, consid. 2a

8557

De plus, une dénonciation constitue une atteinte à la personnalité du collaborateur accusé qui doit en être protégé, notamment par la vérification des faits allégués. La vérification est aussi un préalable nécessaire si le licenciement est envisagé. Seule une dénonciation calomnieuse ou téméraire peut justifier un congé avec effet immédiat du dénonciateur28. Et le congé donné à un collaborateur soupçonné sur la base de faits contestés et non avérés est abusif29. De même, un congé avec effet immédiat sur la base d'un soupçon est injustifié si le soupçon n'est pas confirmé par la suite, à moins d'un soupçon qualifié portant sur une infraction pénale grave30.

L'employeur se doit donc de contrôler le respect des prescriptions légales. Une procédure de signalement interne en est un élément utile même si elle n'est légalement pas obligatoire. Même en l'absence d'une telle procédure, l'employeur ne pourra pas ignorer une dénonciation et devra contrôler les informations qu'il reçoit.

Il devra aussi prendre des mesures si les soupçons sont vérifiés.

Règles régissant la procédure interne de signalement et le traitement du signalement L'employeur est tenu de protéger la personnalité du travailleur qui signale et du travailleur accusé (art. 328 CO). La protection des données doit en particulier être assurée. L'art. 328b CO règle la question dans les rapports de travail. Il est de droit relativement impératif (art. 362 CO). Il autorise les traitements de données qui portent sur les aptitudes du travailleur à remplir son emploi ou sont nécessaires à l'exécution du contrat de travail. La nécessité de confirmer des soupçons sur d'éventuelles irrégularités répond à ces conditions. L'art. 328b CO renvoie de plus à la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD)31. L'art. 4, al. 4, LPD requiert que la collecte de données personnelles et sa finalité soient reconnaissables pour la personne concernée. Cela implique que le travailleur qui fait l'objet d'un signalement soit informé. Le devoir d'information est expressément prévu à l'art. 14, al. 1, LPD en cas de collecte de données sensibles ou de profils de la personnalité, que la collecte soit effectuée directement auprès de la personne ou auprès de tiers. Si la collecte n'intervient pas directement auprès de la personne concernée, l'information
a lieu au plus tard au moment de l'enregistrement ou, en l'absence d'enregistrement, au moment de la première communication à un tiers (art. 14, al. 3, LPD). Le travailleur soupçonné aura un droit d'accès aux données (art. 8 LPD) et le droit de rectifier les données inexactes (art. 5, al. 2, LPD). Le droit d'accès peut être refusé ou restreint si une loi au sens formel le prévoit ou si un intérêt prépondérant d'un tiers l'exige (art. 9, al. 1, LPD). Le devoir d'informer prévu à l'art. 14 LPD peut aussi être refusé ou restreint pour ces raisons (art. 14, al. 5, en relation avec l'art. 9, al. 1 et 4, LPD). La protection de la personnalité du travailleur soupçonné implique aussi qu'il ait le droit d'être entendu sur le reproche qui lui est fait. Le traitement confidentiel des données est quant à lui prévu à l'art. 8, al. 1, de l'ordonnance du 14 juin 1993 relative à la loi sur la protection des données32.

L'employeur qui révèle le nom du travailleur qui a signalé porte atteinte à sa personnalité. Il n'est donc légitimé à le faire qu'en présence d'un fait justificatif au sens de l'art. 13, al. 1, LPD. Un intérêt prépondérant de l'employeur lié à l'enquête interne qui s'en suit entrera notamment en ligne de compte si, par exemple, une 28 29 30 31 32

Arrêt du TF 4A_32/2008 du 20 mai 2008, consid. 4.2 Arrêt du TF 4A_510/2010 du 1er décembre 2010, consid. 3.2 Arrêt du TF 4C.103/1999 du 3 août 1999, consid. 3, Praxis 2000 no 11 RS 235.1 RS 235.11

8558

confrontation avec le travailleur soupçonné est nécessaire. L'intérêt du travailleur soupçonné en soi ne devrait par contre pas justifier que le nom soit révélé.

Une éventuelle enquête interne suite à un signalement est sujette à diverses limitations. L'employeur qui voudra surveiller un travailleur pour confirmer des soupçons sera ainsi tenu par plusieurs restrictions. Pour des motifs de protection de la santé, l'utilisation d'un système de contrôle ou de surveillance est interdite si le système a uniquement ou essentiellement pour but de surveiller le comportement des travailleurs (art. 26, al. 1, OLT 3)33. La jurisprudence a aussi évoqué le caractère général et permanent du système de surveillance comme condition additionnelle34. La surveillance pour d'autres buts est admise si elle est proportionnée et que les travailleurs concernés en ont été préalablement informés, même si elle conduit de fait à surveiller le comportement des travailleurs35. Ainsi, la surveillance à l'insu du travailleur, au moyen d'un logiciel espion, aux fins de vérifier un soupçon d'utilisation des ressources informatiques à des fins privées a été jugée illicite36. Le Tribunal fédéral a toutefois reconnu, dans certains cas, la légitimité d'une surveillance cachée, si elle vise à confirmer des soupçons de délit, si elle n'est ni complète ni permanente et qu'elle est de courte durée37. La licéité de la surveillance a des conséquences sur les preuves obtenues par ce moyen. Celles-ci ne pourront en principe pas être utilisées dans une procédure ultérieure (art. 141 CPP; art. 152, al. 2, CPC) et ne pourront le cas échéant fonder un licenciement pour justes motifs38.

La surveillance doit également être conforme aux art. 328 et 328b CO et à la LPD.

La jurisprudence a relevé que les conditions relevant de la protection de la personnalité et de la protection des données rejoignent celles de l'art. 26, al. 3, OLT 339. La protection de la personnalité et la protection des données restent déterminantes pour les mesures de surveillance ou d'enquête qui n'impliquent pas l'utilisation d'un système de surveillance au sens de l'art. 26 OLT 3.

L'accès au contenu de la correspondance du travailleur ou à ses conversations téléphoniques est de plus régi par les art. 179 à 179quinquies CP, qui protègent le domaine secret et le domaine privé
de toute personne. Une surveillance vidéo devra ainsi par exemple se faire avec le consentement du travailleur ou, si elle est cachée, ne pas toucher au domaine secret ou à des faits relevant du domaine privé qui ne sont pas perceptibles par tout un chacun (art. 179quater CP).

La protection de la personnalité, la protection des données et l'obligation de fidélité du travailleur (art. 321a CO) encadrent en outre l'interrogatoire du travailleur soupçonné. Celui-ci est tenu de collaborer à l'établissement des faits et de répondre conformément à la vérité en vertu de son obligation de fidélité. Il ne doit toutefois répondre qu'aux questions en lien avec les faits qui lui sont reprochés. Si, par contre, il fait obstruction à l'établissement des faits par l'employeur, celui-ci est habilité à prononcer un congé avec effet immédiat sur la base d'un simple soupçon40.

33 34 35 36 37 38 39 40

Ordonnance 3, du 18 août 1993, relative à la loi sur le travail; RS 822.113; ATF 130 II 425, consid. 4.4 Arrêt du TF 6B_536/2009 du 12 novembre 2009, consid. 3.6.2 ATF 130 II 425, consid. 4.4 ATF 139 II 7, consid. 5.5 Arrêt du TF 9C_785/2010 du 10 juin 2011, consid. 6.7.3 ATF 139 II 7, consid. 6 et 7 ATF 130 II 425, consid. 3.3; arrêt du TF 9C_785/2010 du 10 juin 2011, consid. 6.6 Arrêt du TF 4C.103/1999 du 3.8.1999, consid. 3, Praxis 2000 no 11

8559

Une fois l'enquête terminée, le dossier ne peut être conservé que s'il répond aux exigences de la protection de la personnalité et des données. La conservation de données est en effet un traitement de données au sens de la LPD. Le travailleur soupçonné peut demander à ce que des données inexactes soient rectifiées, à ce que le dossier soit détruit (art. 15, al. 1, LPD) ou à ce que le caractère litigieux de données dont ni l'exactitude ni l'inexactitude ne peut être prouvée soit mentionné (art. 15, al. 2, LPD).

Obligation et droit de signaler des irrégularités L'obligation et le droit de signaler découlent de normes diverses: liberté d'expression, obligation de fidélité du travailleur, règles de droit pénal ou lois spéciales. Les règles sont différentes selon que le signalement est effectué à l'intérieur de l'organisation (signalement interne) ou adressé à une autorité ou au public (signalement externe).

Liberté d'expression Le signalement externe en particulier entre dans le champ d'exercice de la liberté d'expression du travailleur et doit, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, être protégé à ce titre (voir ch. 5.2.1). Ce droit n'est toutefois pas absolu. Des limitations sont possibles si elles reposent sur une base légale et sont nécessaires, dans une société démocratique à la réalisation de buts légitimes. La protection de la réputation ou de droits d'autrui fait partie des buts qui peuvent être légitimement poursuivis pour restreindre la liberté d'expression (art. 10, al. 2, de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, CEDH41). La Cour reconnaît en particulier que la révélation doit répondre à un intérêt public et que celui-ci doit prévaloir sur l'obligation de fidélité du travailleur et sur le dommage subi par l'employeur. La révélation doit également être, en principe, d'abord adressée à l'employeur, puis à l'autorité et, en dernier recours, au public.

Obligation de fidélité du travailleur Selon l'art. 321a, al. 1, CO, le travailleur doit «sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes de l'employeur». L'obligation de fidélité fonde plusieurs obligations accessoires. Elles sont déterminées pour certaines par la loi ou concrétisées par la jurisprudence et la doctrine42. Le travailleur a notamment l'obligation de ne pas
révéler des faits destinés à rester confidentiels, comme les secrets de fabrication ou les secrets d'affaires (art. 321a, al. 4, CO). La concrétisation du devoir de fidélité sera différente pour chaque contrat de travail. Un simple collaborateur ne sera par exemple pas tenu aux mêmes exigences de loyauté qu'un cadre43. L'obligation de fidélité peut être aménagée conventionnellement par les parties.

L'obligation de fidélité détermine les règles applicables en cas de signalement interne. Une obligation de signaler est ainsi reconnue dans certains cas44. L'existence de l'obligation dépendra ainsi, suivant les avis, de la position occupée par le travailleur et de ses fonctions de surveillance. La gravité de l'acte est également retenue comme critère. La jurisprudence reconnaît également dans certains cas une 41 42 43 44

RS 0.101 ATF 113 IV 68, consid. 6a ATF 130 III 28, consid. 4.1; 127 III 86, consid. 2c Voir ATF 113 IV 68, consid. 6b

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position de garant d'un collaborateur, qui entraîne la punissabilité par omission sur le plan pénal (art. 11 CP). Si la position de garant est établie, le collaborateur aura une obligation d'agir et pourra encourir une responsabilité pénale du fait de sa passivité, contraire à son obligation d'agir (art. 11, al. 1 et 2, CP). La passivité consiste à ne pas empêcher la mise en danger ou la lésion du bien juridique protégé pénalement (art. 11, al. 2, CP). L'obligation de signaler des soupçons ou des faits irréguliers fait partie des actions permettant d'éviter la réalisation d'une infraction pénale. L'obligation de fidélité du travailleur ne suffit pas à fonder une position de garant. Les tâches du collaborateur doivent impliquer un devoir de préserver le bien juridique de l'employeur qui est protégé pénalement. L'acte doit aussi être dans son champ de compétence; le devoir de préserver le bien juridique de l'employeur ne peut s'étendre, en principe, aux actes de collaborateurs de même rang ni à ceux de supérieurs45. La complicité par omission est également reconnue en présence d'une obligation juridique d'agir46.

Le droit de signaler en interne est en principe conforme à l'obligation de fidélité. La révélation d'irrégularités dans le but d'y remédier sert les intérêts de l'employeur.

La procédure à suivre en interne pour effectuer le signalement devra correspondre aux directives en vigueur dans l'organisation (art. 321d CO). Le travailleur suivra donc la voie hiérarchique ou s'adressera à un service désigné pour recevoir des signalements. Le travailleur devrait cependant pouvoir s'écarter des voies définies si son obligation de fidélité et les intérêts de l'employeur le requièrent. Ainsi, le travailleur qui constate un comportement pénalement punissable de la part de son supérieur ne devrait pas être tenu de suivre la voie hiérarchique.

Le signalement externe est plus strictement délimité par l'obligation de fidélité. Le signalement externe ne sera admis qu'à titre exceptionnel. La jurisprudence et la doctrine dominante étendent en effet le devoir de discrétion à des actes illicites, n'admettant le signalement externe qu'en présence d'un intérêt prépondérant et du respect du principe de proportionnalité47. Le respect de la proportionnalité implique en particulier que le travailleur s'adresse
d'abord à l'employeur puis à une autorité et, en dernier recours, à l'opinion publique si l'autorité reste inactive et que les circonstances le justifient. Le Tribunal fédéral, s'il envisage la dénonciation directe à l'autorité, ne précise pas les circonstances qui la rendent admissible48. Il a confirmé un congé avec effet immédiat contre un travailleur qui a porté plainte contre son supérieur et directeur en s'adressant directement aux autorités pénales. Les facteurs prépondérants pris en compte furent la gravité de l'atteinte à l'obligation de fidélité (dénonciation d'actes pénaux graves par un cadre envers son supérieur et directeur) mais surtout le caractère téméraire de la plainte, en l'absence de motif objectif permettant de supposer la réalisation d'une infraction pénale49.

L'obligation de fidélité n'impose par contre aucune obligation de signalement externe. Celle-ci ne peut résulter que de dispositions spéciales expresses.

45 46 47 48 49

ATF 113 IV 68, consid. 6a, 6e et 7 ATF 121 IV 120, consid. 3a et b ATF 127 III 310, consid. 5a ATF 127 III 310, consid. 5a et 5b Arrêt du TF 4A_32/2008 du 20 mai 2008, consid. 3.3

8561

La situation dans le secteur public a récemment connu des modifications substantielles. Depuis le 1er janvier 2011, le personnel fédéral soumis à la loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers)50 a une obligation de dénoncer les crimes ou les délits poursuivis d'office aux autorités de poursuites pénales, aux supérieurs ou au Contrôle fédéral des finances (art. 22a, al. 1, LPers). Les obligations de dénoncer prévues dans des lois spéciales sont réservées (art. 22a, al. 2, LPers). Le droit de refuser de témoigner en vertu du code de procédure pénale (CPP)51, dispense aussi de l'obligation de dénoncer (art. 22a, al. 3, LPers). Les employés de la Confédération ont également le droit de signaler d'autres irrégularités au Contrôle fédéral des finances, qui établit les faits et prend les mesures nécessaires (art. 22a, al. 4, LPers). Le Contrôle fédéral des finances a reçu 50 dénonciations en 2011 et 86 en 201252. Ces dispositions restreignent l'obligation de fidélité et l'obligation de garder le secret des employés, prévues respectivement à l'art. 20, al. 1, LPers et aux art. 22, al. 1, LPers et 94 de l'ordonnance du 3 juillet 2001 sur le personnel de la Confédération (OPers)53.

Tout le personnel fédéral n'est pas soumis à la LPers. Plusieurs entités autonomes ont un statut du personnel de droit public qui ne relève pas de la LPers: Institut suisse de la propriété intellectuelle, Swissmedic, Inspection fédérale de la sécurité nucléaire, FINMA. D'autres entités ont des rapports de travail de droit privé et sont soumises au code des obligations, notamment: Swisscom, Pro Helvetia, Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accident, Autorité de surveillance en matière de révision, Assurance suisse contre les risques à l'exportation, Skyguide SA, RUAG54. Les rapports de travail à la Poste Suisse seront de même soumis au droit privé au terme du régime transitoire prévu à l'art. 13, al. 6, de la nouvelle loi sur l'organisation de la Poste55 (conclusion d'une CCT ou expiration d'un délai de deux ans). Les règles régissant le statut du personnel sont, suivant les cas, soumises ou non à l'approbation du Conseil fédéral. En matière de signalement, les entités soumises à un régime spécial de droit public ne sont ni soumises à la LPers ni au CO.

Après l'entrée en vigueur de l'art. 22a LPers,
l'Office fédéral du personnel a informé les départements de la nouvelle réglementation et de son champ d'application. Il leur a demandé de sensibiliser les entités autonomes dont ils sont responsables à cette problématique, de sorte qu'elles adoptent une réglementation sur le sujet. Les entités dont le personnel est soumis au droit privé se verront, elles, appliquer les règles du CO. Certaines entités comme La Poste Suisse ou Swisscom se sont dotées de systèmes internes de signalement.

La situation juridique est comparable dans les cantons s'agissant de l'obligation de fidélité et de discrétion et du secret de fonction56. Les obligations de dénoncer qui étaient prévues dans les lois de procédure pénale cantonales ont été abrogées avec l'entrée en vigueur du CPP, le 1er janvier 2011. L'art. 302, al. 1, CPP prévoit que les 50 51 52 53 54

55 56

RS 172.220.1 RS 312.0 Rapport annuel du Contrôle fédéral des finances 2011, p. 26 et rapport 2012, p. 38.

RS 172.220.111.3 Voir le rapport du Conseil fédéral, du 25 mars 2009, complétant le rapport sur le gouvernement d'entreprise ­ Mise en oeuvre des résultats des délibérations au sein du Conseil national, FF 2009 2299, ch. 4.4.

Loi du 17 décembre 2010 sur l'organisation de la Poste; RS 783.1 Voir par ex. l'arrêt du 20 avril 1994 du tribunal administratif de Schwyz, in Hänni, Peter, Das öffentliche Dienstrecht der Schweiz, Zurich 2002, p. 115 ss, consid. 4c, et, concernant le secret de fonction, arrêt du TF 6B_305/2011 du 12 décembre 2011.

8562

autorités pénales sont tenues de dénoncer aux autorités compétentes toutes les infractions qu'elles ont constatées dans l'exercice de leurs fonctions ou qui leur ont été annoncées si elles ne sont pas elles-mêmes compétentes pour les poursuivre. Selon l'al. 2 de ce même article, la Confédération et les cantons règlent l'obligation de dénoncer incombant aux membres d'autres autorités. 20 cantons prévoient une obligation de dénoncer des infractions pénales. Les conditions sont plus ou moins larges. Le plus souvent, l'obligation se limite aux crimes et délits, aux crimes et infractions poursuivies d'office, voire aux crimes ou infractions graves. Des exceptions sont également prévues. Elles sont définies de diverses manières, mais elles visent en principe les fonctionnaires qui sont dans un rapport de confiance particulier à l'administré (domaine de la santé, assistants sociaux notamment). Le canton de Soleure prévoit un droit de dénoncer un crime ou un délit poursuivi d'office. Le canton des Grisons reconnaît également le droit de dénoncer une infraction pénale poursuivie d'office mais réserve le secret de fonction. Enfin, les cantons de Glaris, Lucerne, Vaud et Uri ne connaissent ni droit ni obligation généraux de dénoncer.

Appenzell-Rhodes-Intérieures, Nidwald et Saint-Gall combinent une obligation de dénoncer les infractions les plus graves (par ex. les crimes) et un droit de dénoncer les autres infractions. Le canton de Saint-Gall est le premier canton à avoir introduit, dans sa loi sur le personnel du 25 janvier 2011, une disposition similaire à l'art. 22a, al. 4, LPers. Le signalement de faits répréhensibles (Missstände) de bonne foi à l'organe interne mis en place à cet effet n'est plus contraire au devoir de fidélité (art. 62, al. 1, de la loi sur le personnel). Les art. 16 à 19 de l'ordonnance sur le personnel règlent la désignation de l'organe interne et ses compétences, ainsi que la procédure de traitement du signalement. Le canton de Bâle-Ville a également adopté, le 10 avril 2013, une disposition similaire. L'art. 19a de la loi sur le personnel autorise le signalement de bonne foi de faits répréhensibles (Missstände) à l'ombudsman cantonal (al. 1). Les employés ne doivent pas subir de désavantages de ce fait (art. 19a, al. 4). La nouvelle constitution du canton de Genève57 prévoit que
toute personne qui, de bonne foi et pour la sauvegarde de l'intérêt général, révèle à l'organe compétent des comportements illégaux constatés de manière licite bénéficie d'une protection adéquate (art. 26, al. 3, en rapport avec la liberté d'opinion et d'expression). Le Conseil d'Etat propose d'instituer une instance de médiation pour le canton de Genève, qui pourrait recevoir les signalements de collaborateurs du canton58. Jusqu'à présent, les signalements pouvaient être adressés à la Cour des comptes. Des initiatives ont été lancées dans d'autres cantons. Dans le canton de Lucerne, le gouvernement attend la solution qui sera adoptée au niveau fédéral pour mettre en oeuvre une motion adoptée en 2008 qui demande la mise en place d'une autorité indépendante de signalement et la protection des fonctionnaires signalant des irrégularités à cette autorité59. Dans le canton de Neuchâtel, une disposition constitutionnelle similaire à l'art. 26, al. 3, de la constitution genevoise est proposée60. Dans le canton de Vaud, une motion61 demandant d'instaurer une instance de 57 58 59

60

Approuvée par le peuple le 14 octobre 2012 et entrée en vigueur le 1er juin 2013.

Projet de loi du 4 septembre 2013 instituant une instance de médiation dans le canton de Genève, PL 11276, p. 10.

Motion M 9 Graf Guido und Mit. über die Verbesserung der Verwaltungskontrolle und die Optimierung von Verwaltungsabläufen, du 18 juin 2007, et Anfrage A 283 Müller Guido und Mit. über die Umsetzung der Motion «Verbesserung der Verwaltungskontrolle und die Optimierung von Verwaltungsabläufen», du 11.12.2012.

Projet de décret 12.153 Fabien Fivaz, du 2 octobre 2012, «Décret portant modification de la Constitution de la République et Canton de Neuchâtel (Cst. NE) (protection des lanceurs d'alerte)».

8563

signalement pour le personnel cantonal et des règles protégeant efficacement les lanceurs d'alerte a été transmise comme postulat le 3 avril 2012 par le Grand Conseil. Le Conseil d'Etat vaudois propose, dans son rapport du 3 juillet 2013, d'introduire une obligation générale de dénoncer les crimes et délits poursuivis d'office et un droit de dénoncer les autres irrégularités. Dans le canton de Zurich, une motion sur le sujet a été rejetée par le parlement cantonal le 17 septembre 2012.

L'existence d'un ombudsman à qui le personnel cantonal peut s'adresser a entre autres fondé cette décision. L'ombudsman se présente en effet comme une instance de dénonciation sur sa page internet, déclarant en particulier que le secret de fonction n'est pas violé62. Dans le canton de Bâle-Campagne, une motion63 datant du 24 janvier 2013 demande que les whistleblowers soient protégés. Le parlement du canton de Zug a adopté en première lecture, le 29 août 2013, un nouvel art. 28bis dans la loi sur le personnel, qui institue un organe de signalement et protège les employés contre les désavantages subis du fait d'un signalement conforme aux conditions posées. Un projet similaire est en préparation dans le canton de Thurgovie.

En ce qui concerne le personnel communal, le conseil communal de la ville de Berne a rejeté, en février 2010, une motion de la fraction du PRD64 visant à mieux protéger les employés qui signalent des irrégularités. L'existence d'un ombudsman fut l'un des arguments avancés. Le conseil communal de la ville de Zurich a transmis comme postulat, en novembre 2012, une motion des Verts'libéraux65 demandant de régler les conditions et d'établir les destinataires d'un signalement pour le personnel communal. Bâle-Ville a adopté la réglementation présentée ci-dessus. Le personnel de la ville de Genève est soumis à la nouvelle disposition constitutionnelle cantonale. Il avait également la possibilité de s'adresser à la Cour des comptes. La nouvelle instance de médiation que le Conseil d'Etat genevois propose d'instituer couvre par ailleurs également les administrations communales (art. 2, al. 1, let. b, du projet de loi).

Droit pénal (obligations de garder le secret, atteinte à l'honneur) La personne qui signale une irrégularité risque d'enfreindre une obligation de garder le secret dont la violation est
sanctionnée pénalement. L'art. 162 CP punit ainsi d'une peine privative de liberté de trois ans au plus celui qui aura révélé un secret de fabrication ou un secret commercial qu'il était tenu de garder, légalement ou contractuellement. L'art. 273 CP (Service de renseignements économiques) et l'art. 6 de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale66 répriment également la violation des secrets de fabrication ou d'affaires. Un membre d'une autorité ou un fonctionnaire sont punissables pour la violation du secret de fonction (art. 320 CP), comme tout employé exerçant une profession soumise au secret professionnel (art. 321 CP). Dans le domaine des services financiers, l'art. 47 61 62 63 64 65

66

Motion Jean-Christophe Schwaab et consorts, du 24.4.2011 «Favoriser la révélation des faits répréhensibles, mieux protéger les lanceurs d'alertes (whistleblowers)».

www.ombudsmann.zh.ch/korruptionsmeldestelle Motion Jürg Wiedemann, «Whistleblower schützen».

Motion 09.000109 Fraktion FDP (Philippe Müller, FDP) du 12 mars 2009, «Schutz von Hinweisgebern (Whistleblowern) in der Stadtverwaltung».

Motion GR Nr. 2011/5 der GLP-Fraktion du 12.01.2011, «Regelung für das Melden von Missständen durch Mitarbeitende der städtischen Verwaltung, Erarbeitung einer Verordnung».

RS 241

8564

de la loi fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques et les caisses d'épargne (LB)67 et l'art. 43 de la loi fédérale du 24 mars 1995 sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (LBVM)68 règlent spécialement la violation du secret professionnel.

Ces règles ne sont pas absolues. Les obligations de renseigner et de témoigner prévues par la loi sont notamment réservées aux art. 321, ch. 3, CP et 47, al. 4, LB.

Le droit de signaler des irrégularités pourra également être admis sans fondement légal exprès sur la base des faits justificatifs extra-légaux du droit pénal. La jurisprudence reconnaît ainsi que la violation du secret de fonction n'est pas punissable si la révélation sert la sauvegarde d'intérêts légitimes69. Le signalement doit répondre à un intérêt prépondérant et respecter le principe de la proportionnalité. Le signalement externe n'est donc possible que si toutes les possibilités ont été épuisées en interne, et la révélation au public ne doit être utilisée qu'en dernier recours. Les faits justificatifs extra-légaux s'appliquent à toute infraction pénale. La violation du secret professionnel ne sera donc pas punissable en cas de sauvegarde d'un intérêt légitime, le cas échéant avec l'autorisation de l'autorité supérieure ou de surveillance (art. 321, ch. 2, CP). La nécessité d'une décision de l'autorité supérieure en présence d'un fait justificatif extra-légal est contestée70.

Ainsi, le signalement externe est admis selon les mêmes critères d'appréciation (intérêt prépondérant, proportionnalité), que ce soit sur la base de la liberté d'expression, de l'exception aux obligations de fidélité et de discrétion fixées dans le droit du travail ou de l'exception aux obligations de garder le secret relevant du droit pénal. Une appréciation différente dans chaque cas n'est cependant pas à exclure au vu par exemple d'intérêts spécifiques protégés par le droit pénal.

Un signalement peut également être constitutif d'une atteinte à l'honneur, notamment d'une diffamation (art. 173 CP). Le travailleur s'adresse en effet à un tiers et accuse ou jette le soupçon sur une personne d'avoir commis un acte illicite. De même, l'organisation pourra invoquer une atteinte à son honneur, les personnes morales étant également protégées71 Le Tribunal fédéral a reconnu que le signalement à une autorité,
même soumise au secret de fonction, constituait une révélation à un tiers au sens de cette disposition72. L'inculpé n'encourra aucune peine s'il prouve que ses allégations sont conformes à la vérité ou s'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies (art. 173, ch. 2, CP). Il n'est pas admis à apporter cette preuve si ses allégations ont été articulées ou propagées sans égard à l'intérêt public ou sans autre motif suffisant, principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui (art. 173, ch. 3, CP). Cette disposition comprend ainsi des faits justificatifs spéciaux. Ceux-ci sont subsidiaires aux faits justificatifs généraux73. Cela signifie qu'un signalement qui est justifié par la sauvegarde d'intérêts supérieurs ne devra pas remplir les conditions des art. 173, ch. 2 et 3, CP.

67 68 69 70 71 72 73

RS 952.0 RS 954.1 ATF 94 IV 68, consid. 2; 114 IV 44, consid. 3b; 115 IV 75, consid. 4b; arrêt du TF 6B_305/2011 du 12 décembre 2011, consid. 3 et 4 Voir Stratenwerth, Günter/Bommer, Felix, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil II, Berne 2008, § 59, n. 26.

ATF 124 IV 262, consid. 2a ATF 103 IV 22 ATF 123 IV 97, consid. 2c

8565

Enfin, le travailleur qui effectue une dénonciation dans le but de faire ouvrir une poursuite pénale contre un autre collaborateur alors qu'il sait que ce dernier est innocent est punissable pour dénonciation calomnieuse (art. 303 CP) et pour avoir induit la justice en erreur (art. 304 CP).

Règles spéciales Une obligation ou un droit de signaler peut aussi être prévu par des règles spéciales s'appliquant à un domaine particulier. Le législateur reconnaît alors expressément un intérêt prépondérant à la révélation dans ce secteur et détermine les destinataires du signalement.

Des obligations de dénoncer incombant à des autorités sont ainsi prévues dans le secteur bancaire et financier (art. 23ter LB; art. 35, al. 6, LBVM; art. 21, 23 et 27 LBA74; art. 38, al. 3, LFINMA) ou dans la législation sur le matériel de guerre (art.

18, al. 2, LCB75; art. 40, al. 2, LFMG76). La législation fiscale admet les exceptions au secret fiscal mais se contente de renvoyer à d'autres dispositions spéciales éventuelles (art. 55, al. 2, let. a, LTVA77; art. 39, al. 1, LHID78; art. 110, al. 2, LIFD79).

Une obligation de communiquer à charge des particuliers est prévue à l'art. 9, al. 1, LBA. Les intermédiaires financiers doivent, en cas de soupçons fondés, signaler des infractions pénales en matière de blanchiment. Les avocats et les notaires en sont exemptés (art. 9, al. 2, LBA). L'art. 305ter, al. 2, CP prévoit un droit de communiquer en cas d'indices fondant le soupçon que des valeurs patrimoniales proviennent d'un crime. Le Conseil fédéral envisage de modifier le dispositif de l'art. 9 LBA et de l'art. 305ter, al. 2, CP et de ne garder qu'une obligation de dénoncer en cas de soupçon fondé, notion interprétée de manière large80. Un droit de communiquer des infractions commises contre un mineur figure également à l'art. 364 CP, en dérogation au secret professionnel et au secret de fonction. L'art. 443, al. 1, du code civil (CC)81 prévoit de plus un droit d'aviser l'autorité de protection de l'adulte si une personne a besoin d'aide, sous réserve toutefois du secret professionnel. L'art. 443, al. 2, CC soumet les personnes exerçant une fonction officielle à une obligation d'informer l'autorité. Le projet de révision de la loi sur les produits thérapeutiques propose d'instituer un droit d'annoncer les infractions à la
loi directement à l'autorité (art. 59, al. 7, P-LPTh82). Ce droit serait accordé aux employés des personnes ou organisations fabriquant, distribuant, prescrivant ou remettant des produits thérapeutiques. A moins que la loi ne le prévoie, une obligation ou un droit de communiquer n'implique pas nécessairement un droit de signaler directement aux autorités. Les règles internes de l'organisation sont à prendre en compte.

74 75 76 77 78 79 80 81 82

Loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent; RS 955.0 Loi du 13 décembre 1996 sur le contrôle des biens; RS 946.202 Loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre; RS 514.51 Loi du 12 juin 2009 sur la TVA; RS 641.20 Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes; RS 642.14 Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct; RS 642.11 Voir avant-projet de loi du 27 février 2013, «Mise en oeuvre des recommandations du Groupe d'action financière, révisées en 2012», Rapport explicatif, p. 79 ss.

RS 210 Message du 7 novembre 2012 concernant la modification de la loi sur les produits thérapeutiques, FF 2013 1 ss, 88­89.

8566

L'art. 54 de la loi du 13 mars 1964 sur le travail (LTr)83 instaure une obligation d'agir de l'autorité en cas de dénonciation mais ne règle pas le droit de dénoncer. Le législateur a renoncé à régler ce droit dans l'idée que quiconque est libre de s'adresser à l'autorité compétente84. En matière de protection de la santé du travailleur, un droit direct de signaler à l'inspection du travail à la suite de l'introduction de l'art. 6 LTr est également reconnu dans la doctrine85. Cela donne au travailleur le droit de demander, aux organes d'exécution de la LTr, que l'employeur mette en oeuvre les mesures requises. De la sorte, le travailleur n'aura pas à affronter l'employeur pour cela ni à intenter un procès contre lui, sur la base de l'art. 328 CO par exemple.

Protection contre des mesures de représailles Le travailleur qui signale des faits répréhensibles s'expose à des sanctions. Il risque le plus souvent le licenciement. Mais d'autres mesures de rétorsion sont aussi possibles, notamment la diminution ou la suppression de la gratification, une mutation, le refus d'avancement ou des actes de harcèlement.

Licenciement Le congé donné dans le délai est susceptible d'être abusif au sens de l'art. 336 CO.

La liste des motifs de l'al. 1, let. a à e, n'a pas un caractère exhaustif. Le congé abusif ne peut être annulé. Il donne droit à une indemnité fixée en équité par le juge et plafonnée à un maximum de six mois de salaire (art. 336a, al. 1 et 2, CO). Le congé peut également être donné avec effet immédiat pour de justes motifs, conformément à l'art. 337, al. 1, CO. Le congé avec effet immédiat donné sans justes motifs par l'employeur reste également valable. Il donne lieu au paiement du salaire jusqu'à la fin du délai de congé et à une indemnité de six mois de salaire au maximum (art. 337c, al. 1 et 3, CO). L'art. 10 de la loi du 24 mars 1995 sur l'égalité (LEg)86 fait exception à ces règles. La résiliation suite à une réclamation fondée sur la LEg est en effet annulable.

Le signalement qui ne répond pas aux conditions de l'intérêt prépondérant et de la proportionnalité constitue une violation de l'obligation de fidélité et de discrétion.

Le congé dans le délai ne sera donc pas abusif dans ce cas. Le congé avec effet immédiat ne sera justifié que si la violation de l'obligation de fidélité et de
discrétion est particulièrement grave au vu du cas d'espèce ou s'il a été précédé d'un avertissement en cas de violation moins grave87. La jurisprudence a admis que l'alerte aux médias sans avertir l'employeur au préalable ni attendre la réaction de l'autorité qui avait été avertie est un élément décisif à prendre en compte dans l'appréciation des justes motifs88.

Un congé dans le délai sera abusif s'il donne suite à un signalement conforme à l'obligation de fidélité et de discrétion. Le signalement ne fait pas partie des motifs énumérés à l'art. 336, al. 1, let. a à e, CO. Mais, outre que la liste n'est pas exhaus83 84

85 86 87 88

RS 822.11 Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 30 septembre 1960 concernant un projet de loi sur le travail dans l'industrie, le commerce et l'artisanat, FF 1960 II 885, 986.

Notamment, SECO, Commentaire de la loi sur le travail et des ordonnances 1 et 2, 2011, p. 006-2 RS 151.1 P. ex., ATF 130 III 213, consid. 3.1; 127 III 351, consid. 4a ATF 127 III 310, consid. 5a

8567

tive, le licenciement dans ce cas s'apparente à un congé-représailles réglé à l'art. 336, al. 1, let. d, CO. Il sera donc abusif sur la base de cette disposition ou de l'interdiction générale de l'abus de droit que l'art. 336 CO concrétise89. Un soupçon de malversations dont le supérieur du travailleur se serait rendu coupable, communiqué de bonne foi par le travailleur à un avocat mandaté pour l'affaire liée aux malversations, a été protégé par le Tribunal fédéral. Le congé prononcé de ce fait a été jugé abusif90. Le congé donné suite au signalement d'un cas de harcèlement sexuel par ailleurs dénoncé au Procureur général a également été jugé abusif en vertu de l'art. 336, al. 1, let. d, CO91.

Dans le secteur public fédéral, la résiliation ordinaire est possible en cas de violation d'obligations légales ou contractuelles importantes (art. 10, al. 3, let. a, LPers), ce qui comprend l'obligation de fidélité et l'obligation de garder le secret. La résiliation avec effet immédiat est également possible pour de justes motifs (art. 10, al. 4, LPers). Depuis la révision de la LPers entrée en vigueur le 1er juillet 2013, un licenciement ordinaire ou immédiat qui n'est pas fondé ne peut en principe plus être annulé (art. 34b, al. 1, let. a et b, LPers). Il donne lieu à une indemnité de six à douze mois de salaire (art. 34b, al. 2, LPers). La réintégration de l'employé est toutefois prévue dans certains cas (art. 34c, al. 1, LPers). En particulier, la résiliation des rapports de travail au motif que l'employé a dénoncé un crime ou un délit ou signalé une irrégularité en vertu de l'art. 22a LPers donnera lieu à la réintégration de l'employé à l'emploi qu'il occupait ou à un autre travail qui peut être raisonnablement exigé de lui (art. 34c, al. 1, let. a, LPers), à moins que l'employé ne demande à recevoir une indemnité (art. 34c, al. 2, LPers).

Chaque canton règle librement la protection de son personnel contre les congés, sous réserve de normes fédérales applicables à tout rapport de travail, notamment de la loi sur l'égalité92. Le renvoi au code des obligations est possible.

Autres mesures Les autres mesures de représailles que pourrait subir le travailleur qui signale une irrégularité ne font pas l'objet de règles spécifiques. Plusieurs d'entre elles constitueront toutefois une atteinte à la personnalité
du travailleur, que l'employeur doit, en vertu de l'art. 328, al. 1, CO, respecter mais aussi protéger d'atteintes de tiers, en particulier des supérieurs et des collègues. La plupart des mesures seront en ellesmêmes attentatoires à la personnalité. Le harcèlement psychologique ou des propos dénigrants portent ainsi toujours atteinte à la personnalité du travailleur. Il en va de même de l'assignation à des tâches ou à un poste qui ne correspondent pas aux qualifications d'un travailleur93. Le travailleur qui a signalé un fait répréhensible et qui est discriminé par le refus d'une gratification accordée de manière indifférenciée à ses collègues, est également protégé94. L'employeur doit aussi, lorsque la personne qui signale des faits répréhensibles rencontre l'hostilité des collègues, prendre des mesures pour aplanir le conflit95.

89 90 91 92 93 94 95

ATF 131 III 535, consid. 4.2; 132 III 109, consid. 2 Arrêt du TF 4A_2/2008 du 8 juillet 2008, consid. 7.3 Arrêt du TF 4C.60/2006 du 22 mai 2006, consid. 7 RS 151.1 ATF 110 II 172, consid. 2a; arrêt du TF 4C.189/2006 du 4 août 2006, consid. 2 ATF 129 III 276, consid. 3.1 ATF 125 III 70, consid. 2c; 132 III 115, consid. 5.1

8568

1.1.4

Lacunes du droit en vigueur et besoin de légiférer

Obligation de signaler Le droit en vigueur apporte des réponses suffisantes sur ce point (voir ch. 1.1.3).

L'obligation de signaler à l'employeur, sous l'angle de l'obligation de fidélité, peut continuer à être déterminée dans chaque cas selon les critères reconnus. Une obligation générale de signaler aux autorités pour tout le secteur privé n'a pas lieu d'être examinée. Son introduction pour des domaines particuliers dans des lois spéciales suffit.

La motion Gysin (03.3212) demande que l'introduction d'une obligation générale de dénoncer les infractions pénales soit examinée pour le personnel fédéral. Cette demande a été satisfaite pour les rapports de travail relevant du droit public fédéral mais également cantonal. Les entités fédérales autonomes dont les rapports de travail relèvent du droit privé n'auront certes pas d'obligation légale générale de signaler. Introduire une obligation de signaler dans le code des obligations pour ces seuls cas n'est pas justifié. Ces entités doivent bien plus régler la question dans leurs règlements respectifs. Il en va de même des entités qui ne sont pas soumises à la LPers mais sont régies par des règles spéciales de droit public.

Conditions du droit de signaler Le droit en vigueur apporte des réponses aux conditions du signalement. La structure législative actuelle présente toutefois des inconvénients. La concrétisation des règles générales dépend par définition des circonstances du cas concret. La pesée entre les divers intérêts ne sera donc connue précisément qu'une fois que le conflit aura été porté devant les tribunaux et que la procédure aura pris fin. Il en résulte un manque de prévisibilité qui n'est pas satisfaisant.

De plus, le signalement relève de domaines juridiques différents. Même si la pesée des intérêts repose sur des critères identiques, elle sera le fait de tribunaux qui auront des appréciations pouvant être différentes dans un même cas ou dans des cas similaires. Les tribunaux qui contrôlent le respect de la liberté d'expression, qui appliquent le droit du travail ou le droit pénal ne sont en effet pas identiques. La pesée qui sera faite entre les intérêts respectifs de l'employeur et de la collectivité ou l'appréciation du caractère proportionné de l'acte pourra aussi être divergente suivant les spécificités de chaque domaine juridique
et les intérêts qui y sont protégés. Des règles de coordination entre les différents domaines permettant d'éviter ces divergences n'existent pas. Certes, les droits fondamentaux sont à prendre en compte dans l'application du droit du travail ou du droit pénal. Par contre, ces deux derniers domaines ne connaissent pas de règles qui auraient pour résultat qu'un signalement licite en regard de l'obligation de fidélité et de discrétion soit nécessairement licite du point de vue des obligations de garder un secret dont la violation est sanctionnée pénalement. La cohérence des décisions n'est donc pas assurée.

Or, la prévisibilité et la cohérence d'ensemble doivent être assurées dans le cas du signalement. En effet, l'incertitude liée à la concrétisation de l'obligation générale de fidélité s'avère être problématique pour le travailleur. Celui-ci est confronté à un dilemme s'il découvre des irrégularités, d'autant plus que le signalement peut avoir pour lui des conséquences graves. Une incertitude sur son droit de signaler va donc l'inciter à taire des faits qui seraient utiles à l'organisation et à la collectivité. Or, les collaborateurs d'une organisation sont parfois les seules sources possibles de l'information. Ils sont aussi souvent les mieux placés pour permettre la découverte 8569

de risques sanitaires, écologiques ou autres avant leur réalisation, à un stade précoce.

L'incertitude peut en outre mener à des actions disproportionnées, telles que la divulgation des faits découverts directement aux médias. Les dénonciations calomnieuses au sein de l'organisation avec tous les inconvénients qui en découlent peuvent aussi être évitées si leur caractère illicite est posé dans des règles légales. De plus, sans cohérence entre les différents domaines concernés, une protection adéquate du travailleur qui signale ne peut être assurée. Un travailleur qui respecte son obligation de discrétion et qui, de ce fait, se comporte conformément à ses obligations contractuelles, ne doit pas pouvoir être poursuivi pénalement pour ce même comportement.

Si on ne légifère pas, la prévisibilité ne peut être améliorée que si la jurisprudence est consolidée et précisée. Or peu de décisions ont été prises jusqu'à présent et des questions importantes restent ouvertes. Ainsi, l'ATF 127 III 310 ne définit pas l'intérêt supérieur qui permet de déroger à l'obligation de discrétion. Il ne définit pas non plus les circonstances qui justifieraient un signalement externe direct. Or, ces deux questions sont centrales dans la problématique du signalement. Une amélioration sensible peut donc être apportée au niveau du déroulement de chaque étape du signalement et par rapport aux conditions de passage de l'une à l'autre. Cela étant, une réglementation pourra se fonder sur le droit en vigueur et ne devra pas créer un système totalement nouveau.

De même, la cohérence entre les différents domaines juridiques concernés par le phénomène du signalement n'est pas assurée par les règles aujourd'hui applicables.

Une intervention législative permet de traiter et d'établir cette cohérence.

Les enjeux du signalement justifient aussi que le législateur tranche entre les divers intérêts en présence. L'intérêt au signalement, et en particulier celui de la collectivité, n'a pas fait l'objet d'une décision du législateur qui en fixe les règles générales. Il n'est reconnu, par la jurisprudence, que sous l'angle de la concrétisation de la liberté d'expression ou en tant qu'exception à l'obligation de fidélité et de discrétion ou en tant qu'exception aux obligations de garder le secret en droit pénal. Le législateur est par contre
intervenu au niveau de lois spéciales, dans des domaines particuliers. Or, des intérêts aussi divers qu'importants sont impliqués: la régulation interne dans une organisation, les rapports de confiance et de confidentialité en son sein, l'intérêt public à ce que les infractions pénales soient poursuivies et à ce que les règles légales soient appliquées, la liberté d'expression et le débat démocratique sur des thèmes d'intérêt public. Ces intérêts et les conflits qu'ils engendrent sont inhérents à tout rapport de travail et nécessite des règles générales. Une intervention législative dans des lois spéciales n'est pas suffisante.

Une réglementation sera aussi une incitation à la bonne gestion des signalements en interne. Elle contribuera à éviter les conflits qui résulteraient d'une réaction inappropriée lorsque la divulgation par le travailleur répond à un souci légitime.

Pas de sanction plus sévère en cas de congé abusif ou injustifié consécutif au signalement licite Le licenciement suite à un signalement licite peut être sanctionné sur la base des règles générales sur le licenciement abusif et le licenciement avec effet immédiat. Le caractère abusif du licenciement ordinaire peut être déduit de l'art. 336, al. 1, CO dans sa teneur actuelle. Une clarification peut cependant être utile à ce niveau.

8570

La sanction du congé abusif ou injustifié ne peut être qualifiée de lacunaire sans que les orientations générales du droit du travail ne soient remises en question. La nullité du congé n'est en effet prévue en droit suisse que de manière exceptionnelle (art. 10 LEg). L'indemnité maximale de six mois résulte elle aussi d'un choix de fond effectué par le législateur. Le Parlement a décidé de cette limite alors que le Conseil fédéral proposait un maximum de douze mois de salaire96.

L'indemnité de six mois de salaire au maximum en cas de congé abusif ou injustifié a été examinée conformément au mandat de la motion Gysin (03.3212). Elle a fait l'objet d'un avant-projet de révision séparé, de portée générale (voir ci-dessous, ch. 1.1.6). La position défendue dans l'avant-projet97 est ici brièvement rappelée.

­

Nullité ou annulabilité du congé, conduisant à la réintégration du travailleur Cette sanction doit rester l'exception. La volonté de résilier d'une partie doit être respectée, vu le caractère personnel de la relation de travail et la difficulté de maintenir des rapports de travail conflictuels. Une indemnité peut garantir l'efficacité et l'effet préventif de la sanction.

­

Augmentation du maximum de l'indemnité L'avant-projet proposait d'augmenter le maximum à douze mois de salaire pour assurer véritablement la fonction réparatrice et punitive de la sanction, pour tenir compte des capacités financières différentes selon l'employeur et assurer pleinement la fonction préventive de l'indemnité. Cette proposition a été très contestée, étant jugée tantôt excessive et tantôt insuffisante.

Vu les positions très divergentes qui ont été exprimées sur ce projet, la révision générale de la protection contre les congés a été laissé en suspens. La réflexion sur la question, en particulier sur la protection des représentants des travailleurs, sera poursuivie.

Une solution particulière pour le seul cas du signalement doit tenir compte des enjeux qui lui sont caractéristiques. Le travailleur qui découvre des irrégularités sur son lieu de travail choisira souvent de se taire par peur d'éventuelles représailles. Le licenciement est la mesure la plus sévère qu'il peut subir. C'est une conséquence courante en pratique. Des faits qu'il aurait été légitime de signaler peuvent ainsi rester secrets.

Le projet de révision du CO ne propose pas d'amélioration de la protection contre les congés qui se limite au seul signalement. Il y a plusieurs raisons à cela.

96

97

­

Le signalement se rattache à l'obligation de fidélité. Il doit par conséquent être protégé de la même manière que tout autre droit ou obligation découlant du contrat de travail lorsqu'il est invoqué.

­

La comparaison avec les autres motifs d'abus prévus à l'art. 336 CO ne justifie pas un traitement différencié. Un travailleur qui invoque une prétention découlant du contrat de travail est également protégé (art. 336, al. 1, let. d, BO 1985 N 1128 ss et art. 336, al. 3, du projet du Conseil fédéral, message du 9 mai 1984 concernant l'initiative populaire «pour la protection des travailleurs contre les licenciements dans le droit du contrat de travail» et la révision des dispositions sur la résiliation du contrat de travail dans le code des obligations, FF 1984 II 574, 658.

Révision partielle du code des obligations (sanction en cas de congé abusif ou injustifié), Rapport explicatif et avant-projet du 1er octobre 2010, disponible sous: www.admin.ch/ch/f/gg/pc/ind2010.html#DFJP

8571

CO) parce qu'il risque de renoncer à ses droits par peur d'être licencié.

L'exercice de droits constitutionnels, notamment la liberté syndicale (art. 336, al. 1, let. b et al. 2, let. a, CO), ne peut de même pas avoir une valeur moindre que le droit au signalement.

­

L'art. 10 LEg répond quant à lui à une volonté législative claire de faire appliquer le principe constitutionnel de l'égalité dans la relation de travail.

Le cas du signalement n'est pas comparable. Par ailleurs, le licenciement discriminatoire reste sanctionné par une indemnité dont le maximum correspond à celui fixé à l'art. 336a CO (art. 5, al. 2 et 4, LEg).

­

Le nouvel art. 34c, al. 1, let. a, LPers prévoit certes la réintégration en cas de dénonciation d'une infraction ou de signalement d'une irrégularité. Mais la réintégration est également prévue pour tout congé abusif au sens de l'art. 336 CO (art. 34c, al. 1, let. b, LPers).

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Le signalement, s'il n'est pas légitime, ne doit pas être encouragé. Le maintien du travailleur à son poste serait une mesure trop absolue à cet égard. Un travailleur qui effectue un signalement injustifié, portant atteinte à un collègue ou à l'employeur, pourrait rester à son poste jusqu'à ce que le cas soit clarifié par un tribunal.

­

Le signalement est réglé pour tout acte illicite ou irrégularité. Il peut s'agir de cas peu graves qui, même s'ils doivent également faire l'objet d'une protection, ne justifient pas une protection spéciale.

Sanction en cas d'autres mesures de représailles La protection de la personnalité du travailleur couvre certes déjà plusieurs des autres mesures de représailles qui pourraient sanctionner sans justification le travailleur, comme le harcèlement, l'affectation à des tâches qui ne correspondent pas au profil du travailleur et l'inégalité de traitement dans une certaine mesure (voir ch. 1.1.3).

Une clarification est toutefois utile. Une règle expresse pour le cas du signalement indique clairement que le travailleur ne doit pas subir de désavantage du fait d'un signalement licite. Elle permet également de couvrir des actes qui ne seraient pas couverts par l'art. 328 CO, comme le refus d'un avantage qui ne pourrait être qualifié d'inégalité de traitement au sens de cette disposition.

1.1.5

Interventions parlementaires

Le Conseiller national Remo Gysin a déposé, le 7 mai 2003, la motion 03.3212 «Protection juridique pour les personnes qui découvrent des cas de corruption». Le Parlement l'a adoptée le 22 juin 2007 dans une version modifiée. Dans sa réponse du 10 septembre 2003, le Conseil fédéral a tout d'abord proposé le rejet de la motion.

Dans un deuxième temps, le 10 mars 2006, le Conseil fédéral s'est rallié à la motion dans sa version modifiée.

La motion Gysin (03.3212) demande que les conditions de la protection en cas de révélation d'actes illicites soient explicitement réglées dans le code des obligations.

La motion demande également que l'indemnité maximale de six mois de salaire prévue à l'art. 336a, al. 2, CO soit examinée et si nécessaire renforcée. Elle précise que la révélation à l'opinion publique ne doit se faire qu'en dernier recours. Par ailleurs, une protection équivalente devrait être prévue pour les rapports de travail de 8572

droit public. Enfin, l'obligation de dénoncer des infractions pénales pour les employés de la Confédération devrait être examinée.

L'interpellation 02.3763 Gysin Remo «Lutte contre la corruption en Suisse» (plus particulièrement le ch. 3) et la motion 03.3344 Marty «Mesures de protection des », du 19 juin 2003, transmise comme postulat par le Conseil des Etats le 2 octobre 2003, traitent également du signalement.

L'initiative parlementaire 12.419 Leutenegger Filippo «Whistleblowing. Admettre la licéité d'un acte délictueux commis au nom de la sauvegarde d'intérêts supérieurs», déposée le 15 mars 2012, doit également être relevée. Elle demande de régler la question du signalement dans le code pénal. Une règle expresse devrait prévoir qu'un acte délictueux commis pour sauvegarder un intérêt supérieur est licite s'il respecte le principe de proportionnalité. La Commission des affaires juridiques du Conseil national a donné suite à l'initiative le 24 mai 2013.

1.1.6

Avant-projets et consultations

En exécution du mandat de la motion Gysin (03.3212), le Conseil fédéral a mis en consultation le 5 décembre 2008 un avant-projet de révision partielle du code des obligations (protection en cas de signalement de faits répréhensibles par le travailleur)98 (AP-CO). La consultation s'est achevée le 31 mars 2009. L'avant-projet proposait une réglementation des conditions du signalement dans un nouvel art. 321abis AP-CO. Le signalement devait en principe être adressé à l'employeur, puis à l'autorité et en dernier recours au public. Le signalement direct à l'autorité et au public étaient admis. Le cas principal est celui où le travailleur pouvait admettre à l'avance que le signalement à l'employeur, ou à l'employeur puis à l'autorité dans le cas du signalement direct au public, ne produiraient pas d'effet. L'avant-projet proposait de s'en tenir au droit en vigueur s'agissant de la protection en cas de mesures de représailles suite à un signalement conforme aux conditions légales. Il a certes expressément qualifié le congé consécutif à un signalement licite d'abusif.

Mais il a maintenu le principe de la validité du congé abusif ou injustifié. La sanction restait l'indemnité et son maximum restait fixé à six mois de salaire.

L'avant-projet a donné lieu à des avis très divergents, même si une majorité de participants a admis le besoin de légiférer (voir ci-dessous, ch. 1.3.1). Le Conseil fédéral a porté une attention particulière aux critiques relatives à la sanction du congé abusif ou injustifié dans le droit en vigueur. Il a ainsi décidé, le 16 décembre 2009, d'examiner ce point dans un projet séparé portant sur la protection contre les congés, de portée générale et incluant la problématique de la protection des représentants des travailleurs. Il a décidé d'attendre que la consultation sur cet autre avant-projet soit terminée et évaluée avant de se prononcer sur la suite à donner à l'avant-projet sur le signalement. Suite à cette décision, il a mis en consultation, le 1er octobre 2010, l'avant-projet de révision du code des obligations (sanction en cas de congé abusif ou injustifié)99. La consultation s'est achevée le 11 janvier 2011.

Cet'avant-projet proposait d'augmenter le maximum de la sanction en cas de congé abusif ou injustifié à douze mois de salaires. Il proposait également de qualifier d'abusif un congé donné à un représentant élu des travailleurs pour des motifs qui ne 98 99

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8573

sont pas inhérents à sa personne, notamment des motifs économiques. Il proposait enfin d'admettre des solutions conventionnelles plus favorables, aux deux parties de manière égale ou au travailleur, s'agissant des conditions du congé abusif et de la sanction du congé abusif ou injustifié.

Le 21 novembre 2012, le Conseil fédéral a décidé de suspendre l'avant-projet sur la sanction en cas de congé abusif ou injustifié tout en continuant la réflexion sur la protection des représentants des travailleurs. Il a chargé le Département fédéral de justice et police et le Département fédéral de l'économie (dénommé aujourd'hui Département de l'économie, de la formation et de la recherche) de mener une étude approfondie sur le sujet. S'agissant de l'avant-projet sur le signalement, le Conseil fédéral a décidé de poursuivre les travaux et de présenter un message au Parlement.

1.2

Dispositif proposé

Conditions du signalement (art. 321abis à 321aquinquies P-CO) Les art. 321abis à 321aquinquies projet de révision du code des obligations qui fait l'objet du présent message (P-CO) règlent les conditions du signalement dans le code des obligations. Elles s'appliquent donc aux rapports soumis au droit privé, que ce soit dans le secteur privé ou le secteur public. Elles s'appliquent aussi aux rapports de droit public en cas de renvoi ou d'application du code des obligations à titre supplétif en droit public.

Les dispositions proposées sont placées à la suite de l'art. 321a CO, car elles sont destinées à concrétiser l'obligation de fidélité. Elles fixent la procédure du signalement. D'autres manières de procéder ne seront pas conformes à l'obligation de fidélité ou de discrétion. Les dispositions proposées ne s'appliquent cependant qu'au signalement. Celui-ci consiste à dénoncer un fait supposé illégal ou irrégulier, à l'employeur ou à l'extérieur. Des critiques ne relèvent par exemple pas de la disposition. Elles restent jugées sur la base de l'art. 321a CO. De même, le travailleur qui se plaint, à l'employeur ou aux autorités, d'atteintes dont il est victime, n'est pas concerné par les nouvelles dispositions.

La réglementation proposée s'appuie sur le droit en vigueur. Les critères de l'intérêt prépondérant et de la proportionnalité sont ainsi maintenus et précisés. Sont réglés le signalement interne à l'employeur (art. 321abis P-CO) ainsi que le signalement externe, à l'autorité et à l'opinion publique (art. 321ater et 321aquater P-CO).

Cette structure d'ensemble était déjà celle de l'avant-projet. Elle a été accueillie favorablement et a donc été maintenue. Elle se fonde sur le signalement successif à l'employeur, puis à l'autorité et en dernier recours au public. Ce modèle a comme principe le signalement préalable à l'employeur. L'employeur a donc la possibilité de réagir en cas de soupçons d'irrégularité. Si sa réaction est apte à remédier à la situation irrégulière, le signalement externe est exclu. Le signalement direct à l'autorité compétente reste possible dans ce modèle mais sous conditions. Le modèle choisi est ainsi un modèle médian. Deux autres modèles principaux auraient pu être adoptés. D'une part, un système où le signalement à l'employeur est toujours requis, même s'il s'avère
clair que sa réaction ne sera pas adéquate et que le risque pour le travailleur est trop grand. D'autre part, un modèle où le signalement direct à l'autorité est toujours possible, sans conditions. Ce dernier modèle a le mérite de la simplicité et renforce la position des autorités et de leur action. Mais il ne permet pas 8574

de prendre en compte les employeurs qui prennent les signalements de leurs employés au sérieux.

Au-delà de la structure d'ensemble, la réglementation a été passablement remaniée pour tenir compte des critiques et controverses exprimées lors de la consultation. Les modifications qui suivent sont proposées.

­

La notion de «faits répréhensibles» est remplacée par celle d'«irrégularités», utilisée à l'art. 22a, al. 4, LPers. Les irrégularités font l'objet d'une concrétisation dans la loi. Les personnes habilitées du côté de l'employeur à recevoir un signalement sont définies dans la loi.

­

Le degré de certitude nécessaire pour admettre un signalement reste basé sur la bonne foi, telle que prévue à l'art. 336, al. 1, let. d, CO. Sur le plan terminologique, le terme «bonne foi» est remplacé par le terme «soupçon raisonnable». Un soupçon raisonnable est ainsi exigé pour le signalement à l'employeur et à l'autorité. Par contre, le degré de certitude exigé en cas de signalement au public est plus élevé. Il est aligné sur l'exigence posée à l'art. 173 CP pour que l'inculpé puisse se disculper de l'infraction de diffamation. Le travailleur doit avoir des raisons sérieuses de tenir les faits constatés pour vrais.

­

Le signalement à l'autorité n'est admis que pour les infractions pénales et les violations du droit public et d'autres règles légales mises en oeuvre par une autorité. Des faits qui seraient d'intérêt public sans constituer une infraction à une règle légale ne peuvent être signalés à l'autorité. De même, la violation de normes réglant les rapports entre particuliers n'entre pas dans le champ des faits qui peuvent être révélés aux autorités.

­

Les conditions du signalement à l'autorité sont précisées. Les mesures à prendre par l'employeur sont définies. Il doit clarifier la situation et prendre le cas échéant des mesures pour remédier à l'état de fait illicite. Il doit également informer le travailleur de sa réaction. Enfin, le délai de traitement du signalement doit être fixé par l'employeur et ne pas dépasser un maximum fixé dans la loi. Alternativement, un signalement à l'autorité ne sera pas admis si l'employeur a mis en place un système interne de signalement qui garantit l'indépendance de l'organe chargé de recevoir et traiter le signalement, qui décrit la procédure de signalement, qui fixe des règles sur la suite à donner au signalement, et qui interdit toute mesure qui sanctionnerait le travailleur utilisant le système interne.

­

Le signalement direct à l'autorité est maintenu. Les conditions auxquelles il est possible restent réglées dans la loi et sont précisées. Le signalement direct à l'autorité est exclu si l'employeur a mis en place un système interne de signalement. Il est toutefois possible si le travailleur peut conclure, sur la base de faits objectifs, que le signalement à l'employeur ne produira pas d'effet. Trois situations sont décrites dans le texte de la loi: les personnes qui reçoivent et traitent le signalement en interne ne sont pas indépendantes de l'auteur de l'infraction; l'employeur n'a pas réagi ou a eu une réaction manifestement insuffisante dans des cas antérieurs; des mesures de représailles ont été prises en cas de signalement dans des cas antérieurs.

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Le signalement direct au public n'est plus admis. Le travailleur doit s'adresser d'abord à l'employeur puis à l'autorité, ou au moins à l'autorité.

8575

­

Le signalement au public est admis à condition que l'autorité ait été alertée au préalable. L'autorité doit informer le travailleur de la suite donnée à son signalement. Cette obligation remplie, le travailleur ne peut plus s'adresser au public. Son rôle se limite donc à informer l'autorité. Il ne peut porter de jugement sur la qualité de sa réaction ni contester les décisions qu'elle prend. Le signalement au public ne peut ainsi pas être utilisé comme instrument pour une meilleure application des règles légales, que ce soit pour appuyer les mesures prises par une autorité si elles n'ont pas eu d'effet sur les personnes ou organisations concernées ou pour faire pression sur une autorité qui n'accomplirait qu'imparfaitement ses tâches.

Prise d'informations auprès d'une personne soumise à un devoir légal de confidentialité (art. 321asexies P-CO) Le travailleur qui consulte une personne soumise à un devoir légal de confidentialité en vue d'obtenir des clarifications ou un conseil sur sa situation agira conformément à son devoir de fidélité.

Réserve du secret professionnel, des règles spéciales et du signalement à une autorité étrangère (art. 321asepties P-CO) Le secret professionnel protège un intérêt spécifique à la confidentialité et a une portée qui dépasse le cadre des rapports de droit du travail. La situation est exposée plus en détails ci-dessous (ch. 1.3.2).

Les art. 321abis ss P-CO ne s'appliquent pas si une règle spéciale prévoit un droit ou une obligation de signaler. Les solutions actuelles ou futures adoptées pour des domaines particuliers seront donc toujours possibles, qu'elles soient plus larges ou plus restrictives. Ainsi, par exemple, la pratique relative au droit de signaler des violations de l'art. 6 LTr directement à l'inspection du travail n'est pas remise en cause.

Enfin, le signalement à une autorité étrangère est réservé et reste de ce fait soumis à l'art. 321a CO. Des entreprises actives sur le plan international doivent certes respecter des règles de droit étranger. Il existe aussi un intérêt à ce que ces normes soient respectées. Toutefois, cet intérêt pourra être apprécié de manière différente du point de vue suisse suivant les cas. C'est pourquoi une appréciation au cas par cas est ici justifiée.

Dispositions de droit relativement impératif (art. 362, al. 1, P-CO) Les dispositions réglant le signalement externe, la consultation d'une personne de confiance et les exceptions sont ajoutées à la liste des dispositions de droit relativement impératif (art. 362 CO). Les parties ne pourront ainsi pas prévoir de conditions plus strictes du signalement ni élargir le champ des exceptions. La disposition sur le signalement à l'employeur est par contre de droit dispositif.

Interdiction de tout désavantage subi du fait d'un signalement (art. 328, al. 3, P-CO) Le projet prohibe explicitement les mesures de représailles autres que le licenciement. Cette règle permet de couvrir toute mesure éventuelle. L'interdiction est aussi clairement établie dans la loi. Des mesures visant à sanctionner un signalement non conforme aux art. 321abis ss P-CO sont réservées.

8576

Congé abusif (art. 336, al. 2, let. d, P-CO) Le licenciement dans le délai suite à un signalement conforme aux art. 321abis ss P-CO est explicitement qualifié d'abusif. Cette solution reflète la situation actuelle.

Le licenciement avec effet immédiat est également injustifié vu que l'obligation de fidélité est respectée. Une réglementation explicite n'est pas nécessaire.

La modification a été introduite à l'art. 336, al. 2, car les rôles sont clairement distribués en cas de signalement. Le licenciement est le fait de l'employeur, qui réagit au signalement d'un travailleur.

Droit transitoire Les nouvelles règles s'appliqueront aux signalements effectués postérieurement à l'entrée en vigueur, conformément à l'art. 1 du titre final du code civil. Une réglementation spéciale du droit transitoire n'est pas nécessaire.

1.3

Appréciation de la solution retenue

1.3.1

Résultats de la procédure de consultation100

Des avis diamétralement opposés ont été exprimés sur l'avant-projet. Un canton, un parti, les organisations patronales et la majorité des organisations économiques ne voient pas de besoin de légiférer pour plusieurs motifs. D'après ces participants, le droit en vigueur est suffisant et l'obligation de fidélité se laisse bien mieux concrétiser par la jurisprudence que dans la loi. Selon eux, le travailleur signale une situation qui est irrégulière de son point de vue. Or, son appréciation est empreinte de subjectivité et ne doit pas être cautionnée par une réglementation qui rend son expression licite. Ils soulignent enfin que le whistleblowing serait un phénomène anglo-saxon, étranger au droit de l'Europe continentale, comme le montre l'absence de règles spéciales sur la question en France et en Allemagne notamment.

Les autres participants reconnaissent le besoin de légiférer. Toutefois, sur le détail de la réglementation, leur appréciation de l'avant-projet est fondamentalement différente.

Deux partis et certaines organisations économiques, notamment le secteur des banques et des assurances, reconnaissent le besoin de légiférer. De manière générale, ce groupe de participants considère que les conditions posées au signalement, externe tout particulièrement, sont trop larges et trop vagues. Les organisations opposées à toute réglementation vont également, à titre subsidiaire, dans ce sens. Diverses propositions alternatives sont faites, comme la suppression du signalement direct à l'extérieur de l'organisation ou la limitation stricte, voire la suppression, du signalement au public.

Deux partis, les syndicats et les organisations actives dans le domaine de la lutte contre la corruption admettent un besoin de légiférer et approuvent la réglementation large des conditions du signalement. Mais ils critiquent l'avant-projet parce qu'il ne va pas assez loin. Leur principale demande est que le licenciement abusif ou injusti100

Voir Révision partielle du code des obligations (protection en cas de signalement de faits répréhensibles par le travailleur), Rapport sur les résultats de la consultation, décembre 2009, disponible sous:www.bj.admin.ch/content/dam/data/wirtschaft/ gesetzgebung/whistleblowing/ve-ber-f.pdf

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fié soit annulable, comme le droit en vigueur le prévoit pour la fonction publique et en matière d'égalité entre femmes et hommes. Une protection efficace du travailleur et l'intérêt public sont principalement mis en avant. Quelques cantons proposent aussi une sanction plus sévère. Un parti et les organisations actives dans la lutte contre la corruption proposent de régler la sanction d'autres mesures de représailles.

Un canton propose de renforcer la sanction pour tous les motifs de licenciement abusif. Un parti et les syndicats proposent de saisir l'occasion pour renforcer la sanction en cas de licenciement de représentants syndicaux.

Prenant acte de ces résultats, le Conseil fédéral a voulu traiter séparément la sanction en cas de congé abusif ou injustifié. Des améliorations de la protection contre les congés ont été proposées dans l'avant-projet sur la sanction en cas de congé abusif ou injustifié, présenté ci-dessus (ch. 1.1.6). Cet avant-projet a fait l'objet d'une opposition plus grande que le premier. La droite et les organisations patronales et économiques ont exprimé une opposition de principe à toute amélioration de la protection contre les congés. A l'opposé, la gauche et les syndicats ont estimé que le projet n'allait assez loin. L'annulabilité du congé abusif ou injustifié, en particulier s'il concerne un représentant des travailleurs, aurait dû être prévue. Face à des points de vue aussi divergents, le Conseil fédéral a décidé de se concentrer sur la question du signalement d'irrégularités.

1.3.2

Solution retenue

La solution proposée répond au mandat de la motion Gysin (03.3212), qui est ainsi réalisé. Les raisons qui justifient une réglementation sont exposées en détail dans l'examen du besoin de légiférer (ch. 1.1.4).

Champ d'application des nouvelles règles La réglementation proposée porte sur le signalement d'irrégularités par le travailleur.

Cela a plusieurs implications sur son champ d'application.

Le signalement se définit comme le fait de révéler une irrégularité constatée sur le lieu de travail dans le but d'y remédier. La réglementation ne se rapporte pas à d'autres formes d'expression du travailleur, comme des déclarations générales ou des critiques de l'employeur ou de ses collègues. Tout acte qui n'est pas un signalement continuera de relever de l'art. 321a CO.

Le fait d'intégrer la réglementation dans le droit du contrat de travail implique que le droit de signaler, aux conditions posées, bénéficie aux travailleurs. La réglementation ne s'applique en particulier pas à des personnes liées à l'organisation par d'autres rapports juridiques (mandataires ou entrepreneurs). Ces personnes sont certes susceptibles de constater des irrégularités dans l'organisation. Elles peuvent également être soumises à une obligation de discrétion, comme c'est le cas des mandataires, eu égard à leur obligation de diligence (art. 398, al. 2, CO). Toutefois, de par sa situation particulière de dépendance vis-à-vis de l'employeur, le travailleur est poussé à garder le silence de peur de perdre son emploi ou de subir d'autres désavantages. Cette situation, qui fonde aussi les règles de protection spécifiques prévues pour le contrat de travail, justifie de ne traiter la problématique que pour ce contrat.

8578

Le signalement doit être distingué des prétentions que le travailleur fait valoir pour lui-même. Un travailleur qui subit par exemple des actes de harcèlement pourra ainsi s'en plaindre selon les règles actuellement en vigueur. Une violation de l'obligation de fidélité ne pourra donc pas être reprochée à la victime sur la base des conditions posées dans les dispositions proposées.

Respect des critères développés dans le droit en vigueur La solution proposée se base sur les critères de l'intérêt prépondérant et de la proportionnalité. Ils sont bien établis et permettent de prendre en compte l'intérêt public au signalement tout en préservant celui de l'employeur. L'obligation de fidélité et de discrétion n'est ainsi pas fondamentalement remise en cause. Les signalements infondés ou disproportionnés ne sont également pas encouragés.

Options prises dans le projet Faits pouvant être signalés L'avant-projet autorisait le signalement de faits répréhensibles à l'employeur, alors que seuls les faits répréhensibles mettant en jeu l'intérêt public pouvaient être signalés à l'autorité et au public. Ces notions ont été critiquées au motif qu'elles sont trop floues ou trop larges. L'avant-projet laissait en effet à la jurisprudence le soin de concrétiser la notion d'intérêt public. La critique relative au caractère large de la notion relève plus d'un choix de fond sur l'importance à accorder au signalement.

Le législateur admet en effet, avec la règle de l'avant-projet, que l'intérêt de l'employeur n'est plus prépondérant dès le moment où un fait implique un intérêt public, que celui-ci soit consacré par une règle légale ou non.

Le projet propose de maintenir une notion large et indéterminée pour le signalement à l'employeur. Celui-ci ne pose pas de problème majeur du point de vue de l'obligation de fidélité. Une limite claire dans la loi créerait une rigidité inutile. La notion peut aussi être large. Les faits qui peuvent être dénoncés à l'employeur relèvent tant d'obligations légales que d'obligations ou de règles qui n'ont pas leur source dans la loi (mauvaise gestion, règlement d'entreprise, règles éthiques). Une liste exemplative est ajoutée pour concrétiser la notion. Le caractère dispositif de la norme doit aussi être rappelé. L'employeur peut définir les faits qui peuvent être signalés en interne.
A l'opposé, les «faits répréhensibles mettant en jeu l'intérêt public», tels que le prévoyait l'art. 321abis, al. 2, AP-CO, créent à plus d'un égard une incertitude juridique qui n'est pas souhaitable. Certes, cette expression inclut comme catégorie principale les actes illicites. Elle vise toutefois aussi à élargir le signalement licite à des faits non réglementés par la loi. Des atteintes à la vie, à la santé, à la sécurité ou à l'environnement pourraient ainsi être révélées sans qu'il faille se demander si une loi a été violée ou non. Outre que les limites légales sont parfois arbitraires et évoluent avec le temps, le travailleur n'aurait pas, avec cette solution, à se préoccuper de savoir si le fait est légalement réglé ou non. Avec cette option, le signalement, en plus de servir l'application de la loi, permet à des faits intéressant la collectivité d'être révélés en dehors de l'organisation. Ainsi, des risques sécuritaires, sanitaires ou écologiques probables pourraient être divulgués à l'extérieur même si le risque ne représente pas ou pas encore une violation de la loi. De même, des thèmes comme les rémunérations excessives sont actuellement intensivement débattus sans qu'aucun acte illégal ne soit commis.

8579

Il n'en reste pas moins qu'une réglementation qui se limite au critère de l'intérêt public est trop floue. Elle laisse la jurisprudence décider dans chaque cas s'il existe un intérêt public ou non. La pesée entre les intérêts de l'employeur et ceux de la collectivité revient de cette manière entièrement à la jurisprudence, du moins en dehors de cas de violations de la loi. Le travailleur comme l'employeur se trouvent ainsi face à une insécurité juridique qui augmente le risque de litiges. Le travailleur pourrait en outre être incité à révéler des faits de façon précipitée s'il estime que des faits méritent d'être révélés aux autorités ou au public. Le choix de l'autorité compétente destinataire du signalement serait enfin délicat. Chaque autorité a des tâches d'exécution et de contrôle du respect de certaines lois.

Le projet limite pour ces raisons le signalement à l'autorité aux actes contraires à une disposition légale. Le critère formel de la violation de la loi, même s'il peut présenter certains inconvénients, permet de vérifier si le fait peut être dénoncé et offre donc une sécurité juridique. De plus, une situation où une atteinte à un intérêt important comme la vie, la santé ou l'environnement ne serait pas couverte par une norme légale de droit public sera rare. La sécurité des produits, la protection de l'environnement et les autres domaines concernés font l'objet de réglementations détaillées. Des atteintes à la vie ou à la santé sont également constitutives d'infractions pénales. Les activités à risque sont de même réglementées. Cette densité réglementaire permet donc de se limiter à la violation de la loi et d'offrir ainsi une sécurité juridique quant à la licéité du signalement, tout en limitant à une part très réduite les situations où un signalement serait nécessaire sans être possible.

Réaction de l'employeur au signalement L'avant-projet autorisait le signalement à l'autorité si l'employeur ne prenait pas des mesures effectives dans un délai raisonnable. Les mesures n'étaient pas définies concrètement, ce qui laissait une marge d'appréciation assez grande à l'employeur.

Elles devaient être effectives, c'est-à-dire aptes à régler le cas dénoncé. Le délai raisonnable était également une notion souple mais indéterminée. Cette solution a été largement critiquée pour son imprécision
et la trop grande place laissée au jugement subjectif du travailleur. L'obligation de désigner un organe de signalement a aussi été proposée, les faits pouvant être signalés à l'autorité si l'employeur ne satisfaisait pas à cette obligation.

La marge d'appréciation laissée dans l'avant-projet est effectivement trop grande.

L'employeur pourrait par exemple prendre certaines mesures et se fixer un certain délai. Il estimerait qu'il respecte la loi. Le travailleur pourrait avoir une appréciation divergente et estimer qu'il peut signaler le fait à l'autorité. Il ne saurait à quoi s'en tenir qu'une fois son procès terminé. Si la loi ne peut pas tout définir, une plus grande précision peut être proposée.

Le projet apporte plusieurs précisions. Le type de mesures à prendre est défini. Il s'agit de clarifier les faits dénoncés et le cas échéant de remédier à une situation illicite. Le délai doit être fixé par l'employeur. Un maximum de 60 jours ne peut toutefois pas être dépassé. L'employeur informe aussi le travailleur du délai et de la suite donnée au signalement. La sécurité juridique est ainsi améliorée par une certaine formalisation de la procédure.

Ces exigences sont conformes au principe de proportionnalité. Le travailleur doit agir de façon à porter l'atteinte la moins grande aux intérêts de l'employeur. Toutefois, si cette action ne suffit pas à porter remède à l'état de fait potentiellement illicite, une action plus incisive de la part du travailleur sera justifiée.

8580

Cependant, l'employeur dispose d'une marge de liberté à plusieurs niveaux. Tout d'abord, il a la faculté de définir lui-même le processus de signalement en interne.

S'il met en place un système interne de signalement qui garantit l'indépendance de l'organe de signalement, définit la procédure de signalement et la suite qui lui est donnée, et protège le travailleur contre des mesures de représailles, il ne devra pas se tenir aux mesures requises dans la loi (par ex., délai maximal de 60 jours). Par ailleurs, la définition des mesures à prendre est assez large pour laisser l'employeur déterminer les mesures aptes à vérifier les faits signalés et à y remédier. Il doit réagir dans un certain délai, qu'il pourra définir dans un certain cadre, et informer le travailleur. La liberté de réaction de l'employeur a son pendant dans la faculté limitée laissée au travailleur de juger de cette réaction. Le travailleur ne pourra conclure à une réaction inappropriée de l'employeur ­ et s'adresser à l'autorité ­ que si aucune mesure n'a été prise ou si les mesures prises sont manifestement insuffisantes.

Signalement direct à l'autorité L'avant-projet admettait le signalement direct à l'autorité compétente dans des cas exceptionnels définis dans la loi. Outre l'urgence et le risque d'entrave à l'action de l'autorité, le cas principal est celui où le signalement à l'employeur est sans résultat.

Plusieurs participants ont proposé de supprimer le signalement direct à l'autorité.

Cette proposition consiste à dire sur le fond que le signalement direct à l'autorité est toujours disproportionné. En d'autres termes, l'employeur doit toujours avoir la possibilité de recevoir le signalement et d'y remédier, même si aucune perspective de résoudre le problème signalé n'existe. D'après l'avant-projet au contraire, le signalement direct à l'autorité est proportionné si le signalement à l'employeur n'est pas apte à remédier à la situation illicite.

Le projet maintient l'option de l'avant-projet. Le projet repose sur le signalement préalable à l'employeur. Il se concentre aussi sur le respect des règles légales et limite le signalement à l'autorité aux infractions pénales et aux violations du droit public. Ce système trouve sa limite lorsqu'il apparaît clairement que le respect du droit ne pourra être assuré par l'employeur. Le
travailleur doit alors pouvoir s'adresser directement à l'autorité. Le travailleur qui prend le risque de signaler un fait illicite doit en effet pouvoir compter sur une réaction appropriée de l'employeur.

Si des éléments de fait tangibles lui permettent d'anticiper que son signalement restera sans effet, il doit pouvoir s'adresser directement à l'autorité. La simple appréciation subjective du travailleur n'est toutefois pas suffisante. Elle doit pouvoir être étayée par des faits objectifs. Le recours direct à l'autorité qui ne repose sur aucun fondement objectif est contraire au devoir de fidélité. L'existence d'un système interne de signalement est prise en compte. Elle empêche le signalement direct à l'extérieur. Dans ce cas en effet, le signalement interne ne sera pas ignoré par l'employeur.

Signalement au public L'avant-projet autorisait le signalement au public si l'autorité n'entreprenait pas les démarches requises dans un délai raisonnable. Il ouvrait également la possibilité du signalement direct au public si des circonstances particulières permettaient de penser que l'autorité n'entreprendrait pas les démarches requises.

La révélation au public, en particulier à la presse, est l'un des points les plus sensibles du projet. L'atteinte aux intérêts de l'employeur, en termes de réputation notamment, est très grande. C'est pourquoi cette disposition a fait l'objet d'une 8581

opposition assez importante. Deux cantons, deux universités et les organisations économiques et patronales étaient défavorables à l'avant-projet. Toutefois, seuls les deux cantons défavorables à l'avant-projet et deux organisations économiques ont proposé de supprimer totalement le signalement au public. Les autres organisations ont critiqué la disposition à divers titres, demandant à ce qu'elle soit restreinte et précisée. Elles ont émis les objections suivantes: le travailleur ne sait pas ce que fait l'autorité, il ne peut donc pas juger de son action; trop de place est laissée au jugement subjectif du travailleur qui doit évaluer l'action de l'autorité; le signalement direct au public si une inaction de l'autorité est anticipée reflète une suspicion à l'égard de l'action des autorités et néglige les formes institutionnalisées de contrôle; un recours ou l'alerte préalable à l'autorité supérieure devraient à cet égard être prévus.

Les critiques sont justifiées de manière générale. L'avant-projet est trop flou sur les conditions du signalement au public. L'articulation entre l'action de l'autorité et le passage à la révélation au public pose en effet plusieurs problèmes, comme l'information du travailleur sur le travail de l'autorité et le jugement qu'il peut porter dessus. Toutefois, une exclusion totale du signalement au public irait trop loin et n'a pas été demandée par tous les participants opposés à l'avant-projet. Elle se heurterait aussi à la garantie de la liberté d'expression. La Cour européenne des droits de l'homme admet en effet la révélation au public en dernier recours101.

Le rôle du travailleur qui donne l'alerte doit être clairement établi. Le travailleur peut se limiter à transmettre l'information à l'autorité ou exercer au surplus un contrôle de fond sur la qualité de son action. Dans le premier cas, le contrôle des autorités relève exclusivement des moyens institutionnels existants: contrôle politique, surveillance par une autorité supérieure, moyens de recours contre les décisions des autorités. Un rôle du travailleur dans ce contrôle ne pourrait être reconnu dans ce cas de figure que par des règles spéciales, spécifiques à chaque domaine.

Dans le deuxième cas ­ adopté par l'avant-projet ­, le travailleur dispose, avec le signalement au public, d'un moyen pour faire pression
sur l'autorité qui n'agit pas conformément à son devoir ou pour dénoncer des actes illicites qui persistent malgré l'intervention de l'autorité. Cela implique que le travailleur sache ce que fait l'autorité et qu'il émette un jugement sur son action. Ce jugement ne doit pas être purement subjectif mais doit pouvoir être objectivé.

Du point de vue de la proportionnalité, les mécanismes institutionnels sont, dans le premier cas, estimés suffisants pour mettre en oeuvre la loi. Le signalement au public n'a, dans tous les cas, pas à corriger d'éventuels dysfonctionnements au niveau des autorités. A l'inverse, dans le deuxième cas, un signalement au public sera considéré comme nécessaire si l'action de l'autorité et les mécanismes de surveillance existants ne permettent pas d'écarter le fait illicite.

Le projet propose de limiter le rôle du travailleur à celui d'informateur de l'autorité.

Le travailleur n'aura pas d'influence sur la procédure si celle-ci n'aboutit pas à un résultat adéquat. La mise en oeuvre de la loi reste donc de la responsabilité des autorités, avec les remèdes institutionnellement prévus pour corriger les défauts de mise en oeuvre (surveillance, recours des personnes concernées). De même, si les faits illicites persistent malgré l'application de la loi, c'est le dispositif légal qui doit être revu et renforcé. L'autre option se heurte au fait que le travailleur n'est pas 101

Arrêt Heinisch c. Allemagne, 21 juillet 2011, 28274/08, n. 65

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partie à la procédure engagée par l'autorité pénale ou administrative, à moins qu'il ne soit lui-même lésé. Il ne peut contester les décisions prises. Le signalement au public, s'il devait être possible en cas de défaillance de l'autorité, prendrait la forme d'une voie informelle de contestation. Les motifs justifiant une telle contestation devraient être définis. Cela reviendrait à créer une nouvelle forme de recours. Une telle mesure n'a pas à être instituée de façon générale pour tout le droit pénal et le droit administratif. Sa nécessité devrait être examinée pour chaque domaine particulier.

Le projet supprime le signalement direct au public. Celui-ci impliquerait en effet que le travailleur puisse anticiper une inaction ou une action insatisfaisante au niveau de l'autorité. Le travailleur n'aura pas les informations nécessaires pour porter un tel jugement. Le risque d'appréciations subjectives est aussi élevé. Des dénonciations téméraires pourraient aussi être encouragées. De plus, si un signalement au public après le signalement à l'autorité sur la base d'une action insuffisante de celle-ci n'est plus possible, un signalement au public sans signalement à l'autorité sur cette base ne doit pas l'être non plus.

Degré de certitude quand aux faits signalés et à leur caractère irrégulier ou illégal L'avant-projet exigeait que le signalement soit fait de bonne foi. Il s'est inspiré de l'art. 336, al. 1, let. d, CO, qui protège le travailleur contre le congé s'il fait valoir des prétentions de bonne foi. Cette notion est bien établie dans la jurisprudence.

Cette proposition a été en général bien acceptée lors de la consultation. Une organisation estime que cette notion est trop floue. L'obligation du travailleur de vérifier les faits constatés au préalable n'est en particulier pas établie.

Le projet maintient cette exigence comme base. Le remplacement du terme «bonne foi» par «soupçon raisonnable» a avant tout pour but de préciser ce qui est exigé. Ce niveau d'exigence est conforme au rôle du signalement dans la découverte et la sanction de faits illicites ou répréhensibles. Au stade du signalement à l'employeur, le travailleur n'a pas à établir l'état de fait lui-même. Il ne doit pas mener une enquête personnelle pour confirmer ses soupçons. Cela l'amènerait d'ailleurs très vite à des obstacles
relevant du respect de l'organisation interne et de la protection des données, s'agissant d'interroger certaines personnes ou d'accéder à des documents.

Il en va de même du signalement à l'autorité. Un signalement est une information susceptible d'intéresser l'autorité, c'est-à-dire de lancer une procédure de contrôle ou d'enquête. Une certitude ou des preuves concluantes ne sont donc par définition pas nécessaires, puisqu'une partie de la procédure engagée au sein de l'organisation ou par l'autorité consistera à établir les faits et la réalisation de l'acte illicite.

Ce choix est aussi conforme à une pesée équilibrée des intérêts. Les dénonciations fallacieuses ou téméraires sont exclues, car le soupçon raisonnable ne peut reposer sur une impression ou un sentiment subjectif du travailleur mais requiert une objectivation du point de vue du travailleur. De même, les conséquences néfastes des dénonciations fausses, bien que légitimes au départ, peuvent être évitées par d'autres moyens. En présence d'une procédure interne bien établie, accessible et respectueuse de la confidentialité, une vérification de faits incertains doit être possible sans dommage. Le projet se fonde aussi sur le signalement préalable à l'employeur. Si un traitement suffisant est assuré à ce stade, le travailleur ne peut aller plus loin. L'autre option aurait été de poser une exigence plus stricte quant à la réalité des faits et à l'existence d'une violation de la loi. La conséquence aurait alors été qu'un certain nombre de faits illicites peut-être graves n'auraient pas été découverts, car un tra8583

vailleur qui aurait un doute renoncerait à révéler les faits de peur de ne pas avoir une certitude suffisante.

Une vérification des faits n'est, comme relevé ci-dessus, pas exigée systématiquement mais elle pourra être nécessaire dans certains cas. Le travailleur sera incité à procéder à une vérification dans des cas incertains. Lorsque l'incertitude est trop grande, le travailleur n'est pas protégé et s'expose à des sanctions en droit du travail mais aussi en droit pénal. En demandant que le soupçon soit raisonnable, l'objectivation exigée est suffisante pour écarter les cas ne reposant sur aucun élément objectif ou sur des éléments objectifs insuffisants pour dépasser le simple stade de spéculations. Dans ces cas, une vérification sera nécessaire pour étayer les hypothèses du travailleur.

Le niveau d'exigence est plus élevé pour le signalement au public. Le travailleur ne pourra s'adresser à la presse que s'il a des raisons sérieuses de croire de bonne foi à leur véracité. Cette formulation est tirée de l'art. 173, ch. 2, CP. Cette disposition pose le critère de véracité qui permet de se libérer de l'accusation de diffamation (art. 173, ch. 1, CP). Une coordination ici avec la notion de droit pénal se justifie. Il ne serait pas adéquat de poser une exigence plus faible qui permettrait au travailleur de se disculper plus facilement par le biais de l'art. 14 CP (voir ci-dessous, Coordination avec le droit pénal). Il ne se justifie pas non plus de poser une exigence plus élevée que le droit pénal.

Motifs du signalement Les motifs qui ont poussé le travailleur à révéler les faits sont, dans certains régimes juridiques, une condition du signalement. La Cour européenne des droits de l'homme prend en compte cet élément (voir ch. 5.2.1), de même que le droit anglais jusqu'en 2013 (voir ch. 1.4.2), dans l'examen de la bonne foi de l'employé. Cette condition signifie que le travailleur doit avoir signalé les faits dans le but de remédier à l'état de fait illicite et non par ambition personnelle, désir de vengeance ou appât du gain. L'avant-projet n'en avait pas fait une condition du signalement au motif que si les faits sont exacts, peu importe le motif intérieur du travailleur.

L'admission du signalement à l'autorité dans les seuls cas où le travailleur a agi pour des motifs dignes d'intérêt
(«achtenswerten Gründen») a été proposée.

La pesée entre l'intérêt public et celui de l'employeur n'est pas affectée par les motifs du travailleur. Il s'agit bien plus d'empêcher les dénonciations fallacieuses ou téméraires. Pour cela, les signalements mensongers ou mal fondés ne doivent pas être admis. C'est ce que permet la condition du soupçon raisonnable. De plus, les motivations du travailleur peuvent être multiples et évoluer avec les différentes étapes de signalement. Une situation de conflit peut s'installer du fait du signalement et des motifs personnels s'ajouter aux motifs éthiques et altruistes. Les motifs qui ont animé le travailleur sont en outre des faits internes qui ne seront pas faciles à établir avec exactitude, de même que le motif qui a été causal ou déterminant dans la décision du travailleur. Ils devront être définis dans la loi par une notion indéterminée sujette à interprétation.

Cette option a l'avantage d'être cohérente avec la pratique actuelle en matière de diffamation. En effet, selon l'art. 173, ch. 3 CP, la possibilité de se libérer de l'accusation de diffamation n'est pas exclue dès lors que des allégations ont été articulées ou propagées principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui; il faut aussi que les propos attentatoires à l'honneur ne répondent ni à un intérêt public,

8584

ni à un autre intérêt suffisant102. Des motifs égoïstes ou répréhensibles ne sont donc pas pris en compte si les faits révélés répondent à un intérêt public.

Des conditions moins strictes que celles posées par la jurisprudence de la Cour européenne sont en outre justifiées. La bonne foi requise par la Cour est un critère d'appréciation qui intervient dans la pesée des intérêts et qui peut être contrebalancé par d'autres éléments d'appréciation. Admettre les motifs du travailleur comme condition légale serait nettement plus restrictif. Le signalement serait toujours illicite en présence de motifs répréhensibles du travailleur.

Coordination avec le droit pénal L'avant-projet a adopté le principe de la coordination entre les règles de droit du travail et le droit pénal. Ce qui est licite d'après la nouvelle réglementation doit également l'être en droit pénal. Le travailleur à qui l'on autorise de signaler certains faits à certains destinataires, selon une procédure déterminée, ne doit pas pouvoir être poursuivi pénalement pour cet acte. Une règle de coordination n'a pas été introduite car elle existait déjà. L'art. 14 CP prévoit en effet qu'un acte ordonné ou autorisé par la loi est licite, même s'il est punissable d'après le code pénal ou une autre loi. Avec le nouvel art. 321abis proposé dans l'AP-CO, le signalement conforme aux conditions posées aurait été autorisé. Le nouvel article aurait donc permis de déclarer le signalement licite en droit pénal sur la base de l'art. 14 CP sans qu'une pesée des intérêts en présence par le juge ne soit nécessaire.

L'avant-projet a toutefois introduit une exception à ce principe. L'al. 4 de l'art. 321abis AP-CO excluait en effet les personnes soumises au secret professionnel de l'application de la nouvelle norme. Cette exclusion a été proposée dans le but notamment d'écarter l'application de l'art. 14 CP. Le respect de l'art. 321abis AP-CO n'impliquait donc pas automatiquement que le signalement serait reconnu comme étant licite du point de vue pénal. Une pesée différente entre l'intérêt au secret et l'intérêt à la révélation était donc admise dans ces cas. Elle devait continuer à relever de la jurisprudence et se fonder sur le fait justificatif extra-légal déduit de la sauvegarde d'intérêts légitimes. Cette pesée différente des intérêts était tout d'abord
justifiée par la protection du rapport de confiance particulier qu'impliquent certaines professions et activités, intérêt spécifique au secret professionnel. Les secrets commerciaux et le secret de fonction protègent en effet les intérêts de l'employeur. Une exclusion de la punissabilité sur la base du nouvel article en cas de violation du secret professionnel serait par ailleurs problématique, car les personnes qui y sont soumises ne sont pour la plupart pas des travailleurs mais des mandataires. Cela créerait un régime différent selon la qualification des rapports contractuels.

L'exception a aussi pour effet d'exclure le secret bancaire du champ de la norme (art. 47 LB et 43 LBVM).

La solution de l'avant-projet n'a pas fait l'objet de critiques. Elle a été soutenue par les milieux économiques, en particulier le secteur bancaire et des assurances.

L'option prise dans l'avant-projet est maintenue. Le principe suivant doit clairement être poursuivi dans l'optique d'une réglementation du signalement: un travailleur à qui l'on autorise de signaler un fait en droit du travail ne doit pas pouvoir être poursuivi pénalement pour cet acte. La nécessité de coordonner le droit du travail et le

102

ATF 132 IV 112, consid. 3.1

8585

droit pénal est claire. La consultation a aussi montré que ce point n'avait pas été contesté.

L'exception relative au secret professionnel (art. 321 CP, 47 LB et 43 LBVM) doit aussi être maintenue. Les arguments de fond avancés dans l'avant-projet sont fondés, notamment la protection du rapport de confiance particulier qui prévaut dans certaines professions et activités. Le secret professionnel a en effet ceci de particulier que c'est prioritairement l'intérêt d'une tierce personne, le maître du secret, qui doit être pris en compte. Il convient donc d'éviter toute levée automatique du secret au profit d'une pesée des intérêts en présence dans chaque cas. De plus, des domaines présentant des cas de figure aussi différents que le secret du médecin, de l'avocat ou du banquier par exemple, se laissent mal régler par une seule norme, d'une portée générale qui plus est, qui dépasse de loin les seules activités couvertes par le secret professionnel. Une telle règle ne peut être que peu adaptée. En outre, la question du secret bancaire en particulier dépasse la portée du présent projet. Elle doit être traitée séparément et fait d'ailleurs actuellement l'objet de réflexions sérieuses quant à sa portée. Le secteur financier est en outre soumis à diverses règles spéciales prévoyant des droits ou des obligations de dénoncer.

Une réglementation des exceptions au secret professionnel ne nous paraît pas non plus indiquée. Les professions et les statuts juridiques visés sont très divers: mandataires, travailleurs, secteur privé ou public avec application du droit cantonal, pour les médecins par exemple. Des règles spéciales dans les législations applicables à ces professions sont donc plus indiquées. Une appréciation au cas par cas par la jurisprudence est également une possibilité. Une règle générale couvrant toutes les professions couvertes par le secret professionnel serait certainement trop simplificatrice.

1.3.3

Autres solutions étudiées

Réglementation des procédures internes de signalement Une obligation générale d'instituer des procédures internes de signalement ne s'impose pas. Les procédures internes sont certes un moyen utile de découvrir des irrégularités dans l'organisation. Elles sont en outre considérées comme des mesures importantes de prévention en matière de protection de la santé des travailleurs, notamment en cas de harcèlement sexuel ou moral (art. 6 LTr et art. 2 OLT 3). Une obligation générale ne se justifie cependant pas. La manière dont le contrôle interne est mis en oeuvre relève du choix de chaque organisation. Une procédure interne de signalement pourrait ne pas être adaptée dans chaque cas et engendrer des coûts inutiles pour beaucoup d'entreprises et de collectivités publiques, surtout pour les petites structures.

Le projet, s'il n'oblige pas à mettre en place un système interne de signalement, incite les organisations à clarifier les procédures applicables. Elles doivent être prêtes à réagir à des dénonciations, peu importe la manière choisie pour ce faire. De plus, l'existence d'un système interne de signalement qui répond à certaines conditions est expressément considérée comme une réaction adéquate de l'employeur empêchant de révéler les faits à l'extérieur de l'organisation.

Il s'avère également que la procédure engagée en interne suite à un signalement, notamment une enquête interne, est déjà encadrée par les exigences de la protection 8586

de la personnalité ­ du travailleur qui signale et du travailleur soupçonné ­ et par celles de la protection des données (voir ch. 1.1.3). Une réglementation n'est pas nécessaire sur ce point.

Loi spéciale; fonction publique La motion Gysin (03.3212) demande une réglementation dans le code des obligations. Elle demande cependant également une réglementation équivalente dans la fonction publique. L'adoption d'une loi spéciale regroupant les rapports de travail dans le secteur privé et le secteur public peut donc être envisagée, à l'instar de la loi sur l'égalité entre femmes et hommes. Dans ce dernier cas, l'adoption d'une loi spéciale avait pour fondement principal de régler la question de l'égalité pour tous les rapports de travail, dans le secteur privé comme pour le personnel fédéral, cantonal et communal.

L'avant-projet a renoncé à proposer une loi spéciale. Lors de la consultation, certaines organisations, notamment les organisations actives dans la lutte contre la corruption, ont demandé l'adoption d'une loi spéciale. Deux cantons ont soutenu l'option prise dans l'avant-projet.

Le projet s'en tient au choix effectué dans l'avant-projet. Des règles différentes pour la fonction publique sont justifiées. Les employés dans la fonction publique servent aussi l'intérêt public ce qui peut amener à une pesée des intérêts différente. Une obligation générale de dénoncer a été introduite à la Confédération et dans beaucoup de cantons pour les infractions pénales ou une partie d'entre elles. Cela influence la manière de régler le droit de signaler. Enfin, les collectivités publiques, les cantons et les communes en particulier, doivent rester libres de déterminer la portée du secret de fonction pour leurs personnels respectifs. Des règles uniformes ne s'imposent pas ici.

Force est d'ailleurs de constater que les collectivités publiques ont réagi à ce problème. Une législation spéciale a été adoptée pour la fonction publique fédérale. Des obligations de dénoncer les infractions pénales sont aussi prévues dans presque tous les cantons. Des droits de dénoncer existaient ou ont été introduits dans plusieurs cantons et des projets sont en cours dans d'autres (voir ch. 1.1.3). Enfin, comme cela a été relevé lors de la consultation, plusieurs cantons renvoient au code des obligations.

1.4

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

1.4.1

Union européenne

Les normes de droit du travail adoptées par l'Union européenne ne comprennent pas de règles sur le signalement. En particulier, la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail103 ne proscrit les actes discriminatoires qu'en rapport avec la religion, les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle (art. 1) et n'a pas pour objet les actes de représailles. Le rôle du signalement et son utilité ont toutefois récemment été reconnus en matière de délits financiers. La Commis103

JO L 303 du 2.12.2000, p. 16

8587

sion européenne propose en effet d'encourager le signalement aux autorités dans sa proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché), du 20 octobre 2011104.

L'art. 29 de la proposition oblige à mettre en place des mécanismes efficaces visant à encourager le signalement, ce qui comprend au moins des procédures spécifiques de réception et de suivi des signalements, une protection adéquate des personnes qui signalent, la protection des données et des procédures adéquates.

Les procédures internes de signalement mises en place pour se conformer aux exigences de la loi américaine Sarbanes-Oxley (voir ch. 1.4.2) ont posé des problèmes de protection des données dans l'Union européenne. Un avis du Groupe de travail «Article 29» sur la protection des données, l'organe consultatif européen sur la protection des données, a ainsi été adopté le 1er février 2006 sur la question105. Il admet notamment que l'utilisation de telles procédures répond à un intérêt légitime de l'employeur et il pose un certain nombre de conditions à respecter. Il relève en particulier que les signalements anonymes doivent rester exceptionnels, car ils ne garantissent pas le caractère loyal de la collecte de données et peuvent encourager les signalements abusifs106. Mais il affirme la nécessité de garantir la confidentialité des signalements107.

1.4.2

Etats-Unis

Le Whistleblower Protection Act (WPA) de 1989108 protège le signalement dans la fonction publique fédérale sans se limiter à une catégorie de faits répréhensibles. Le secteur privé ne dispose pas d'une protection générale en droit fédéral. Il est par contre couvert par de nombreuses lois sectorielles. La première à couvrir un secteur étendu est la loi Sarbanes-Oxley (SOX), adoptée en 2002109 suite notamment à la faillite d'Enron. Elle couvre les entreprises soumises aux sections 12 et 15(d) du Securities Exchange Act de 1934110, à savoir la plupart des entreprises dont le capital est ouvert au public111. Elle vise le signalement de délits dans le domaine bancaire et financier ainsi que tout acte qui peut porter atteinte aux intérêts des actionnaires. Les autres lois sectorielles, fédérales ou des Etats, concernent des domaines variés, touchant par exemple la santé et la sécurité des employés, la sécurité nucléaire ou le droit de l'environnement112. Ces dernières années une protection des whistleblowers a été introduite dans diverses lois portant sur des secteurs importants et couvrant un grand nombre d'employés: entreprises en relation avec le secteur de la défense, 104 105

106 107 108 109 110 111 112

COM(2011) 651 final Avis 1/2006 relatif à l'application des règles de l'UE en matière de protection des données aux mécanismes internes de dénonciation des dysfonctionnements dans les domaines de la comptabilité, des contrôles comptables internes, de l'audit, de la lutte contre la corruption et la criminalité bancaire et financière (00195/06/FR, WP 117).

Avis 1/2006, ch. IV, 2, iii Avis 1/2006, ch. IV, 5, ii Voir 5 USC § 1213 et 5 USC 2302, b, 8 Section 806, 18 USC § 1514A 18 USC § 1514A, a Voir Kohn, Sephen M./Kohn, Michael D./Colapinto, David K., Whistleblower Law ­ A Guide to Legal Protections for Corporate Employees, 2004, p. 70.

Voir par exemple les lois de la compétence du Organisational Safety and Health Administration (OSHA), dans OSHA Fact Sheet, Your Rights as a Whistleblower, sous www.osha.gov/Publications/OSHA3638.pdf.

8588

manufacture et vente de produits de grande consommation, secteur de la santé, nouvelle réglementation du secteur financier (Dodd-Frank Act), sécurité des biens de consommation et protection des consommateurs, denrées alimentaires et médicaments (domaines de la compétence de la Food and Drugs Administration)113. A défaut de règles légales, les principes développés par la jurisprudence peuvent être invoqués.

Le droit américain du travail est régi par la doctrine dite du at will ou la liberté de licencier sans motif. Cette liberté a été sujette à exceptions développées par la jurisprudence. La Court suprême de Californie a ainsi admis en 1959, pour un rapport de droit privé, une exception dite de politique publique (public policy), qui permet d'apprécier la licéité du licenciement ou d'un acte de représailles au regard de l'intérêt public ou d'intérêts collectifs114. Plus de quarante Etats admettent aujourd'hui cette exception et la majorité reconnaît que le signalement en est un cas d'application. Les conditions du signalement sont différentes suivant les Etats. Dans la plupart des Etats, il pourra porter sur des infractions pénales ou des actes contraires à la loi. Le signalement direct aux autorités est également admis et l'alerte aux médias n'est pas exclue. Le licenciement ou l'acte de représailles est qualifié d'acte délictuel dans la plupart des Etats. Il donne donc lieu au paiement de dommageintérêts punitifs115.

Les diverses lois spéciales prévoient des conditions de protection et des procédures de contestation différentes. Mais en général, elles visent tout acte de représailles, permettent le signalement externe et garantissent la réintégration116. Les explications qui suivent se limitent à la loi Sarbanes-Oxley.

La section 806 de la loi Sarbanes-Oxley accorde une protection large en cas de signalement. L'employé doit pouvoir raisonnablement admettre la commission de l'acte sans avoir à l'établir. Il reste protégé même si la personne visée est innocentée dans une procédure ultérieure. Le signalement peut être adressé indifféremment à une autorité fédérale ayant un pouvoir réglementaire ou exécutif, à un membre ou un comité du Congrès, ou à son supérieur ou un organe de l'entreprise chargé de poursuivre les actes répréhensibles117. Le système d'alerte interne institué à la section 301 de
la loi ne doit donc pas être utilisé pour que la dénonciation soit protégée. La jurisprudence relative à d'autres lois, dont la loi Sarbanes-Oxley ne semble pas vouloir s'écarter, admet aussi la révélation aux médias, à des organisations nongouvernementales ou aux syndicats118. Un arrêt isolé a toutefois exclu la révélation aux médias sur la base de la loi Sarbanes-Oaxley119. Les actes de représailles prohibés comprennent tout acte discriminatoire qui a un effet sur les conditions d'emploi de l'employé. Celui-ci doit prouver que la révélation a été un facteur ayant contribué à l'acte discriminatoire, pas nécessairement de manière prépondérante.

113

114 115 116 117 118 119

Section 219, Consumer Product Safety Improvement Act, H.R. 4040 et S.2663, et Devine, Tom/Maassarani, Tarek, The Corporate Whistleblower's Survival Guide, 2011, p. 150 à 151.

Petermann v. International Brotherhood of Tearnsters, 174 Cal. App. 2d 184 (1959).

Voir sur la jurisprudence, Graser, Daniela, Whistleblowing: Arbeitnehmeranzeigen im US-amerikanischen und deutschen Recht, Francfort-sur-le-Main 2000, p. 47ss.

Voir OSHA Factsheet (note 77) et Graser (note 81), p. 76, 79 à 80, 83.

18 USC 1504a, a, 1 Kohn, Sephen M./Kohn, Michael D./Colapinto, David K., Whistleblower Law ­ A Guide to Legal Protections for Corporate Employees, 2004, p. 87 à 88 et jurisprudence citée.

Tides v. Boeing, 2010 U.S. Dist. LEXIS 11282, 9 février 2010

8589

La loi Sarbanes-Oxley vise à rétablir la situation prévalant avant l'acte incriminé120.

Elle prévoit donc, le cas échéant, la réintégration de l'employé. Elle prévoit aussi le paiement des arriérés de salaire et d'éventuels dommages-intérêts. Des sanctions pénales sévères sont également prévues. D'une part, le délit d'obstruction à la justice a été amendé pour inclure toute mesure de représailles, dans le cadre de l'activité professionnelle notamment, contre une personne qui a informé une autorité exécutive d'une entrave au droit fédéral121. La personne est amendable et passible de 10 ans de prison au plus. D'autre part, la violation de la loi Sarbanes-Oxley est assimilée à la violation du Securties exchange Act de 1934122, qui prévoit des sanctions sévères. La Securities and Exchange Commission (SEC) peut de ce fait exercer ses pouvoirs d'investigation.

La récompense financière accordée aux whistleblowers est une particularité du droit américain. Elle repose tout d'abord sur le Federal False Claims Act de 1863123.

Cette loi donne la qualité pour agir à tout individu, au nom du gouvernement, si des actes frauduleux, que la loi énumère, sont commis contre le gouvernement et qu'ils ne sont pas connus des autorités ou du public, ou s'ils sont connus d'eux et que l'individu en est la source124. Suite à une révision datant de 1986, la loi accorde au plaignant entre 15 et 25 % du montant que le jugement ou une transaction restitue au gouvernement ou entre 25 et 30 % si le gouvernement ne s'associe pas à l'action et que la personne la conduit seule125. Ce système de récompense a été repris par le Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act de 2010 pour les procédures dans lesquelles l'autorité de contrôle des marchés financiers (Securities and Exchange Commission) prononce une sanction de plus d'un million de dollars126. Une révision de 2006 de la loi fiscale a également sensiblement augmenté les montants que les autorités fiscales peuvent accorder aux whistleblowers si le montant litigieux est de 2 millions de dollars ou plus ou si le contrevenant dispose d'un revenu de plus de 200 000 dollars127.

1.4.3

Royaume-Uni

Le Royaume-Uni a réglé le droit de signaler de manière complète, pour le secteur privé et la fonction publique, dans le Public Interest Disclosure Act 1998 (PIDA)128, en vigueur depuis le 2 juillet 1999. Cette loi a été adoptée suite à plusieurs catastrophes dues à des lacunes de sécurité. Le personnel, bien que connaissant ces lacunes, craignait de les signaler par peur de représailles. La loi se base sur une jurisprudence bien établie sur la confidentialité et l'intérêt public. Les dispositions ont été intégrées dans le code du travail anglais (Employment Rights Act 1996; ERA)129 dans la partie IV A: Protected disclosures. La loi a été modifiée dans le Entreprise and Regulatory Reform Bill, adopté le 25 avril 2013.

120 121 122 123 124 125 126 127 128 129

18 USC 1504a, c, 1 18 USC 1513e Sarbanes Oxley Act, section 3(b)(1) 31 USC 3729 à 3733 31 USC 3729, a, 1, 31 USC 3730, b et 31 USC 3730, e, 4 31 USC 3730, d, 1 et 2 L. 111­203, H.R. 4173, Sec. 922 Voir Internal Revenue Code, section 7623(b) 1998 Chapter 23 1996 Chapter 18

8590

L'art. 43B PIDA définit les actes qui peuvent être dénoncés: infraction pénale, violation d'une obligation légale, erreur judiciaire, mise en danger de la santé ou de la sécurité d'une personne, dommage ou risque de dommage à l'environnement, dissimulation d'une information relative aux actes décrits précédemment. La révision de la loi adoptée le 25 avril 2013 a ajouté la condition de l'intérêt public. Le travailleur devra ainsi établir que le fait signalé est d'intérêt public. Le travailleur doit pouvoir raisonnablement admettre la réalisation de ces actes. L'employé tenu par le secret professionnel et à qui les faits sont révélés en vue d'obtenir un conseil juridique n'est pas couvert par la PIDA s'il révèle ces faits à son tour.

Les art. 43C à 43G PIDA définissent les destinataires possibles d'une dénonciation, qui doit, jusqu'à l'entrée en vigueur de la modification de 2013, être faite de bonne foi. La bonne foi se réfère aux motifs qui ont poussé l'employé au signalement. La révision de la loi adoptée le 25 avril 2013 supprime cette condition. Le signalement sera donc protégé quelle qu'ait été la motivation de l'employé. Les art. 43C à 43F énumèrent les personnes à qui le signalement peut être fait sans conditions supplémentaires: l'employeur, un service mis à disposition par lui à cet effet ou une personne responsable du domaine visé (art. 43C); un conseil juridique lors de prises de renseignements juridiques (art. 43D), un ministre, si l'employeur dépend de lui (art. 43E). Le signalement externe direct n'est possible qu'auprès des destinataires prévus par ordonnance pour un domaine particulier (art. 43F).

L'art. 43G règle le signalement à d'autres personnes, à savoir des autorités non désignées ou des tiers. Des conditions additionnelles sont alors prévues. Elles tiennent tout d'abord à la personne qui signale: elle peut raisonnablement admettre la véracité des informations communiquées et ne cherche pas un avantage personnel.

Le signalement à d'autres destinataires est ensuite possible si un signalement selon les art. 43C à 43F a déjà eu lieu ou si le signalement à l'employeur présente des inconvénients (mesures de représailles, destruction de preuves). Ces conditions remplies, le signalement ne sera pas automatiquement admis. Il doit être raisonnable au vu des circonstances du cas
d'espèce, notamment en ce qui concerne la personne à qui est adressée la dénonciation, la gravité de l'acte dénoncé, la rupture d'un devoir de confidentialité de l'employeur, les mesures prises par l'employeur suite à un premier signalement ou celles qu'il aurait pu raisonnablement prendre, l'utilisation ou non d'une procédure mise à disposition par l'employeur.

L'art. 43H règle le signalement d'actes extrêmement graves. Ils peuvent être dénoncés à toute personne si le signalement peut être considéré comme raisonnable au vu de la personne choisie et des autres circonstances du cas d'espèce. Le travailleur doit aussi être de bonne foi; il doit raisonnablement croire que l'information est véridique et ne pas agir par intérêt personnel.

Toute clause restreignant ou excluant le droit de signaler est nulle (art. 43J).

Le travailleur qui effectue une dénonciation licite est protégé contre toute discrimination de l'employeur (art. 47B). Il a droit à une indemnité équitable tenant compte du dommage subi (art. 48 et 49).

Le licenciement en raison d'un signalement licite est considéré comme abusif au sens de l'Employment Rights Acts 1996 (art. 103A). Le droit britannique sanctionne le licenciement abusif par la réintégration dans l'emploi ou l'offre d'un emploi comparable ou, à défaut, par une indemnité (art. 112). La réintégration ou l'engagement à un poste comparable sont prononcés à l'appréciation du juge, si le travailleur le désire et en fonction de la faisabilité pour l'employeur et de la faute concomi8591

tante éventuelle du travailleur (art. 116). La réintégration, si elle est prononcée, ne peut faire l'objet de mesures d'exécution forcée. L'employeur qui ne s'y conforme pas doit payer une indemnité à caractère pénal (art. 117).

Le interim relief s'applique en cas de licenciement abusif pour cause de dénonciation (art. 128). Il s'agit d'une procédure de mesures provisionnelles basée sur un examen prima facie du cas. Le tribunal peut, suivant les cas, ordonner la réintégration, l'affectation à un emploi comparable ou la continuation du contrat jusqu'à la fin du procès (art. 129). La continuation du contrat s'applique aux prétentions contractuelles de nature pécuniaire uniquement. Elle a pour conséquence que l'employé reçoit son salaire mais n'a pas le droit d'exiger de travailler. Cette mesure intervient si l'employeur refuse la réintégration ou l'affectation à un emploi comparable (art. 129, al. 9, let. b). La poursuite effective du travail par l'employé n'est donc possible qu'avec l'accord de l'employeur (art. 129, al. 6).

1.4.4

France

La France a récemment adopté des règles spéciales sur le signalement dans des domaines étendus. La première réglementation se limitait à la corruption. L'art. L.

1161-1 du code du travail, introduit par la loi no 2007-1598 du 13 novembre 2007 relative à la lutte contre la corruption130, prévoit la nullité de tout licenciement ou acte discriminatoire à l'égard d'un salarié qui a relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives, de faits de corruption dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions. Le salarié doit seulement prouver les faits qui permettent de présumer qu'il a relaté ou témoigné de faits de corruption. Ce sera ensuite à l'employeur de prouver que la mesure prise contre le salarié repose sur un autre motif que la révélation qu'il a faite. Suite au scandale lié au médicament «Mediator», une protection identique a été introduite pour la personne qui relate ou témoigne, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives, de faits relatifs à la sécurité sanitaire de produits à finalité sanitaire ou cosmétique dont elle aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions131. Une pneumologue qui avait lancé l'alerte sur les risques cardiaques liés au Mediator au début de 2009 n'avait pas été entendue et avait fait l'objet d'intimidations.

Suite à cela, la loi no 2013-316 du 16 avril 2013 relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte132 a considérablement étendu le domaine de la protection. Elle systématise la prise en compte de l'alerte en matière sanitaire et environnementale et établit une protection générale dans ces domaines. La loi établit tout d'abord un droit de rendre publique ou de diffuser de bonne foi une information concernant un fait, une donnée ou une action dont la méconnaissance paraît faire peser un risque grave sur la santé publique ou sur l'environnement (art. 1). La loi institue ensuite une Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement (art. 2 à 7). La Commission reçoit des alertes notamment de ministres ou 130 131

JORF no 264 du 14 novembre 2007, texte 1 Art. L 5312-4-2 du code de la santé publique, introduit par la loi no 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, JORF no 0302 du 30 décembre 2011.

132 JORF no 0090 du 17 avril 2013, texte 1

8592

de parlementaires ou d'organisations de protection des consommateurs ou de l'environnement, d'organisations syndicales ou professionnelles ou d'autorités actives dans ces domaines (art. 4). Elle transmet les alertes au ministre compétent (art. 2, ch. 4). Les entités publiques qui ont des activités d'expertise ou de recherche dans le domaine de la santé ou de l'environnement doivent par ailleurs tenir un registre des alertes qui leur sont transmises et des suites qui y ont été données (art. 3).

Un troisième volet de la loi règle l'alerte en entreprise et la protection du salarié. Un droit d'alerte en matière de santé publique et d'environnement est introduit dans le code du travail. Le travailleur alerte immédiatement l'employeur s'il estime de bonne foi qu'un risque grave pour la santé publique ou l'environnement existe en rapport avec les produits ou procédés de fabrication dans l'entreprise (art. L 4133-1).

Le représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a également un droit d'alerte (art. L 4133-2). C'est l'employeur qui gère l'alerte. Il doit la consigner par écrit et informer le travailleur de la suite qu'il lui réserve (art. L 4133-1, al. 2 et 3). S'il y a une divergence sur le bien-fondé d'une alerte ou si l'employeur n'y donne aucune suite dans le délai d'un mois, le travailleur ou le représentant du personnel peuvent saisir le préfet du département (art. L 4133-3). Le comité d'hygiène est informé de l'ensemble de la procédure (art. L 4133-4). Est interdite et nulle de plein droit toute sanction ou mesure discriminatoire contre la personne qui a relaté ou témoigné, de bonne foi, à son employeur ou aux autorités judiciaires ou administratives, de faits relatifs à un risque grave pour la santé publique ou l'environnement dont elle aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions (art. L 1351-1 du code de la santé publique en relation avec l'art. L 4133-5 du code du travail). La personne doit seulement établir la présomption qu'elle a relaté de tels faits. La partie défenderesse devra alors prouver que la mesure prise contre la personne est fondée sur des motifs étrangers à la déclaration ou au témoignage. Une alerte lancée de mauvaise foi, avec l'intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l'inexactitude des faits rendus
publics ou diffusés est punissable pénalement (art. 226-10 du code pénal).

Poursuivant l'extension substantielle des domaines couverts par la protection, le parlement français est sur le point d'adopter un nouvel art. L 1132-3-3 dans le code du travail133. Cette disposition a un contenu similaire aux dispositions précédentes et protège de toute sanction, licenciement ou mesure discriminatoire, le salarié qui a relaté ou témoigné de bonne foi des faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

Par ailleurs, la dénonciation d'actes de discrimination ou de harcèlement est protégée. Un licenciement ou tout autre mesure de représailles en raison d'une telle dénonciation sont nuls de plein droit (art. L 1132-3, L 1132-4, L 1152-3 et L 1153-4). Les motifs discriminatoires sont divers (art. L 1132-1 et L 1131-2). Ils se rapportent à des caractéristiques personnelles comme l'origine, le sexe, les moeurs, l'identité ou l'orientation sexuelle et l'âge, à l'exercice d'activités syndicales ou mutualistes ou à l'exercice normal du droit de grève. La dénonciation n'est protégée

133

Article 9 septies, ch. I du projet de loi relatif à la lutte conre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, adopté en première lecture et en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale et le Sénat.

8593

que si elle est faite de bonne foi. La bonne foi n'est pas exclue si les faits ne sont pas établis; elle l'est s'ils sont mensongers ou calomnieux134.

En dehors de ces domaines, les règles générales du droit du travail s'appliquent.

Elles ont été posées par la Cour de cassation, examinant l'existence d'une faute grave, qui justifie un licenciement sans préavis135. Le signalement aux autorités est en principe admis, sans qu'il soit nécessaire d'avertir au préalable l'employeur. Le signalement doit, ici aussi, se faire de bonne foi, sans que la réalité des faits dénoncés n'ait à être établie.

Selon les règles générales de droit du travail, le licenciement ordinaire ou immédiat qui n'est pas motivé par une cause réelle et sérieuse est considéré comme abusif. Le juge peut alors proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise (art. L 1235-3).

Si l'une des parties refuse, le salarié a droit à une indemnité de six mois de salaire au minimum (ibid.). Le licenciement sans préavis qui n'est pas fondé sur une faute grave donne droit à une indemnité distincte (art. L 1234-5). Ces sanctions s'appliqueront en cas de signalement de bonne foi.

1.4.5

Allemagne

Le droit du travail allemand n'a pas de réglementation spéciale sur le signalement.

Ce sont les règles générales du droit du travail qui s'appliquent. Le débat sur la réglementation du signalement a été ravivé suite à la condamnation de l'Allemagne par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'arrêt Heinisch (voir ci-dessous ch. 5.2.1). Deux projets de loi proposant une réglementation complète ont été déposés au Bundestag en 2012136. Le Bundestag a décidé, le 13 juin 2013, de ne pas leur donner suite.

Les arrêts du Bundesverfassungsgericht (BVerfG) du 2 juillet 2001 et les arrêts du Bundesarbeitsgericht (BAG) du 3 juillet 2003 et du 7 décembre 2006137, ont détaillé les règles applicables en cas de signalement d'infractions pénales.

Le travailleur est tenu à un devoir de fidélité et de discrétion. Celui-ci trouve sa limite dans l'exercice de droits constitutionnels. Un particulier qui les exerce ne doit pas subir de sanctions de droit civil de ce fait. La dénonciation pénale aux autorités par le travailleur entre dans le champ de la liberté personnelle (art. 2, al. 1, de la Constitution allemande [Grundgesetz, GG]) en relation avec le principe de l'Etat de droit (art. 20, al. 3, GG). L'employeur est libre, sur la base de la liberté économique, de collaborer avec les travailleurs qui agissent dans l'intérêt de son entreprise. Son intérêt à garder secrets des actes illicites commis dans l'entreprise est également protégé.

134

Cour de cassation, Chambre sociale: pourvoi no 07-44092, 10 mars 2009; pourvoi no 10-28199, 6 juin 2012; pourvoi no 10-28345, 6 juin 2012.

135 Cour de cassation, Chambre sociale: pourvoi no 05-41504, 8 novembre 2006; pourvoi no 04-41075, 12 juillet 2006; pourvoi no 97-43268, 14 mars 2000.

136 Entwurf eines Gesetzes zum Schutz von Hinweisgebern ­ Whistleblowern (Hinweisgeberschutzgesetz ­ HinwGebSchG), Drucksache 17/8567, 07.02.2012, et Entwurf eines Gesetzes zur Förderung von Transparenz und zum Diskriminierungsschutz von Hinweisgeberinnen und Hinweisgebern (Whistleblower-Schutzgesetz), Drucksache 17/9782, 23.05.2012.

137 Respectivement, 1 BvR 2049/00, AZR 235/02 et 2 AZR 400/05

8594

La dénonciation pénale effectuée par l'employé doit être proportionnée. Les indices suivants sont à considérer: pertinence de la dénonciation, motivation du travailleur et dénonciation préalable interne à l'entreprise. Une dénonciation n'est ainsi pas protégée si le travailleur dénonce avec légèreté ou intentionnellement des faits erronés ou si son intention est de se venger ou de nuire à son employeur. La dénonciation préalable à l'employeur n'est pas à privilégier de manière systématique. Sa nécessité est à déterminer dans chaque cas concret. Elle n'est ainsi pas requise si le travailleur se rendrait lui-même coupable d'un acte pénalement réprimé, si l'acte est grave, si l'employeur est lui-même impliqué dans l'acte ou si une réaction n'est raisonnablement pas à attendre.

Un signalement qui répond à ces conditions n'entraîne pas de violation des devoirs contractuels. Un licenciement avec effet immédiat dans ce cas, fondé sur l'art. 626 du code civil allemand (BGB)138, ne sera donc pas valable. De même, un licenciement ordinaire sera socialement injustifié au sens de l'art. 1, al. 2, de la Kündigungsschutzgesetz (KSchG)139, car il n'est pas motivé par le comportement du travailleur.

Un licenciement injustifié n'est pas valable (art. 1, al. 1, KSchG). Le salarié doit agir dans un délai de trois semaines dès réception par écrit du licenciement (art. 4 KSchG). La KSchG ne s'applique pas pendant les six premiers mois de travail (art. 1, al. 1, KSchG). Elle ne s'applique pas non plus aux entreprises de moins de cinq employés (art. 23, al. 1, 1re phrase, KSchG). Une protection minimale contre le licenciement existe en dehors de la KSchG, sur la base de l'art. 138 BGB (bonnes moeurs) et de l'art. 242 BGB (bonne foi).

Le tribunal ne prononce pas la nullité si une collaboration servant les intérêts de l'entreprise ne peut plus être exigée (art. 9, al. 1, KSchG). Une indemnité est alors versée au travailleur (ibid.). Cette indemnité peut aller jusqu'à douze mois de salaire (art. 10, al. 1, KSchG), voire quinze mois (travailleur de plus de 50 ans ayant quinze années d'ancienneté) ou même 18 mois (55 ans, 20 ans d'ancienneté). La réintégration du salarié pendant le procès n'est pas prononcée avant la décision de première instance, à moins que le licenciement ne soit manifestement injustifié140. Après la
première instance, la réintégration est prononcée si la décision a été favorable au travailleur.

Des règles additionnelles s'appliquent si l'entreprise dispose d'un comité d'entreprise, ce qui est en principe le cas lorsqu'elle occupe au moins cinq travailleurs: l'employeur doit, sous peine de nullité du licenciement subséquent, entendre le comité d'entreprise avant de prononcer le licenciement et lui en communiquer les motifs (art. 102, al. 1, BetrVG141). Le comité d'entreprise doit communiquer ses réserves par écrit dans le délai d'une semaine (art. 102, al. 2, BetrVG).

1.5

Mise en oeuvre

Le présent projet ne nécessite pas de dispositions d'exécution particulières. Il reviendra aux tribunaux d'appliquer les règles proposées en cas de litige.

138 139 140 141

Selon publication du 2 janvier 2002, BGBl. I S. 42, 2909; 2003 I S. 738 Selon publication du 25 août 1969, BGBl. I p. 1317 BAG, arrêt du 27.2.1985, GS 1/84 Betriebsverfassungsgesetz, selon publication du 25 septembre 2001, BGBl. I 2518.

8595

1.6

Classement d'interventions parlementaires

Le présent projet remplit toutes les exigences formulées dans la motion Gysin (03.3212). Une réglementation a été adoptée pour le personnel fédéral soumis à la LPers142 (voir ch. 1.1.3). Une réglementation est ici proposée pour le secteur privé et le secteur public, fédéral, cantonal ou communal, soumis au code des obligations. Le personnel du secteur public qui n'est soumis ni à la LPers ni au code des obligations n'est pas couvert. La motion Gysin (03.3212) peut donc être classée. Il en va de même du postulat Marty (03.3344).

2

Commentaire des dispositions

Art. 321abis L'art. 321abis P-CO définit les conditions du droit de signaler à l'employeur. Cette disposition établit que le signalement doit d'abord être adressé à l'employeur.

L'obligation de signaler découlant de l'obligation de fidélité n'est pas remise en cause. Elle continuera à être déterminée selon l'art. 321a, al. 1, CO.

Le signalement doit se fonder sur un soupçon raisonnable (al. 1, let. a). Le terme «de bonne foi», utilisé dans l'avant-projet, a été abandonné, car il est moins précis et parfois utilisé pour désigner les motifs qui ont poussé le travailleur à signaler. La modification n'a toutefois pas pour but de fixer un niveau d'exigence plus élevé ou plus large. La jurisprudence développée en rapport avec la bonne foi prévue à l'art. 336, al. 1, let. d, CO pourra donc servir de base d'interprétation. Un travailleur ne pourra ainsi en particulier pas utiliser le signalement pour bloquer un congé en soi admissible et ne pourra pas révéler des faits sans aucun fondement143. Il suffit par contre qu'il soit légitimé à croire qu'une irrégularité est survenue144. Le soupçon indique ainsi que le travailleur n'a pas à être certain de la survenance du fait ou de son caractère irrégulier ou illicite. Une vérification ou une procédure ultérieures qui infirment le soupçon n'affecteront donc pas la légitimité du signalement. Le soupçon doit se fonder sur des motifs qui le rendent objectivement raisonnable. Il ne doit par contre pas être téméraire ou mensonger. Les motifs personnels du travailleur ne sont pas pris en compte (voir ch. 1.3.2). La pesée entre l'obligation de discrétion et l'intérêt à la révélation doit être prise en compte. Lors d'un signalement à l'employeur, l'appréciation subjective du travailleur pourra être acceptée de manière plus large qu'en cas de signalement à l'autorité, particulièrement si l'employeur a mis en place un organe de signalement dont la fonction est de permettre au travailleur de communiquer des cas qu'il estime être des cas-limite.

L'al. 1, let. b, détermine les destinataires admissibles du signalement au sein de l'organisation. La définition proposée est large. L'employeur peut s'en écarter, vu que la disposition est de droit dispositif. Les destinataires possibles sont d'une part les personnes habilitées à traiter du signalement au sein de l'organisation. C'est 142 143

RS 172.220.1 Voir par ex. ATF 136 III 515, consid. 2.4; arrêt du TF 4C.237/2005 du 27 octobre 2005, consid. 2.2; arrêt du TF 4C.10/2002 du 9 juillet 2002, consid. 3.2; arrêt du TF 4C.239/2000 du 19 janvier 2001, consid. 2b.

144 Ibid.

8596

l'organisation interne telle qu'elle découle de la loi ou telle que définie par l'employeur qui va permettre de déterminer qui est habilité à recevoir un signalement. Seront par exemple habilités les supérieurs hiérarchiques, les organes dirigeants au vu de leurs fonctions générales de gestion et de surveillance (par ex., direction ou conseil d'administration dans une société anonyme), l'organe de révision dans le cadre de ses compétences de contrôle ou un service chargé de surveiller la conformité au droit des activités de l'organisation. Il s'agira aussi de toute personne dont le champ de responsabilité couvre le fait signalé. A ces personnes s'ajoutent les personnes ou organes internes à l'organisation spécialement désignées par l'employeur pour recevoir un signalement. La disposition ajoute par ailleurs les personnes ou organes externes désignés par l'employeur pour recevoir un signalement. Le signalement à des collègues proches ou appartenant à d'autres unités de l'entreprise non concernées par le fait en question n'est par contre pas conforme à l'obligation de fidélité.

Les irrégularités comprennent tout fait contraire à une obligation que l'entreprise ou ses collaborateurs doivent respecter. L'irrégularité est à comprendre de manière large. Elle peut concerner tout fait qui n'est pas conforme à la bonne marche de l'entreprise ou à l'intérêt collectif, même en l'absence de règle écrite. Les exemples cités à l'al. 2 comprennent des règles légales et des règles internes à l'organisation.

Il pourra s'agir de prescriptions de droit administratif, mais aussi de règles de droit privé qui régissent par exemple les atteintes dommageables à des tiers ou les engagements contractuels de l'employeur. Les droits et obligations résultant des rapports de travail sont également compris.

Art. 321ater L'art. 321ater règle le signalement externe à l'autorité alors qu'un signalement à l'employeur a déjà été effectué. Le signalement externe est en principe subsidiaire au signalement interne. C'est pourquoi l'art. 321ater constitue la règle. Les cas exceptionnels où le travailleur peut s'adresser directement à l'autorité sont définis à l'art. 321aquater. Cette structure est conforme au principe de proportionnalité appliqué aujourd'hui par la jurisprudence.

L'al. 1 définit d'une part les irrégularités pouvant
être signalées aux autorités et le degré de certitude du travailleur concernant ces faits. Il définit d'autre part la réaction exigée de l'employeur qui reçoit un signalement afin d'éviter que les faits ne soient révélés à l'autorité compétente. L'al. 2 traite du cas où l'employeur a mis en place un système de signalement interne. L'al. 3 pose une exigence supplémentaire en rapport avec d'éventuelles mesures de représailles.

Le signalement à l'autorité est limité à la violation de règles légales qu'une autorité est chargée d'appliquer ou dont elle surveille le respect. Ce seront d'une part les infractions pénales, qu'il s'agisse d'une violation du code pénal ou d'une violation du droit pénal administratif. Ce seront d'autre part les normes de droit administratif.

Les règles appartenant formellement au droit privé peuvent exceptionnellement être incluses si elles régissent le rapport de particuliers à une autorité (par ex., droit de la protection de l'adulte, registre du commerce). Les règles visées englobent toutes les prescriptions normatives que l'organisation ou ses collaborateurs doivent respecter.

La forme de l'acte normatif n'est pas déterminante. Il peut s'agir d'actes fédéraux, cantonaux ou communaux, de lois, d'ordonnances ou de règlements d'exécution.

8597

Seules les obligations légales qui incombent à l'organisation ou à ses collaborateurs sont concernées. La dénonciation de comportements illicites de tiers (clients, partenaires contractuels) n'est pas couverte. La problématique du signalement et le conflit d'intérêts qui la caractérise concerne en effet les agissements illicites imputables à l'employeur ou à l'un de ses collaborateurs. Un agissement illicite d'un tiers lié à l'employeur peut tout au plus justifier un signalement interne (sous-traitant qui ne respecte pas des prescriptions de sécurité, entreprise qui tente de corrompre un employé pour obtenir un contrat). Le signalement de tels agissements restera donc jugé selon l'art. 321a CO.

Les infractions pénales et les autres actes illicites ne comprennent pas le droit étranger. C'est pourquoi le signalement à une autorité étrangère est réservé à l'art. 321asepties, al. 2. Certes, des employeurs domiciliés en Suisse ayant des activités à l'étranger sont tenus de respecter des règles de droit étranger. Le travailleur sera par conséquent également confronté à un dilemme s'il découvre des violations de règles étrangères que son employeur doit respecter. Un intérêt public du point de vue suisse ne pourra toutefois pas être admis pour toute violation du droit étranger.

Des conflits surgissent en effet dès que les règles étrangères prohibent des comportements que le droit suisse considère comme licites. C'est pourquoi le signalement à l'autorité étrangère est réservé. Cela ne signifie pas qu'il sera toujours contraire à l'obligation de fidélité, mais que la pesée des intérêts devra continuer à être effectuée au cas par cas, par la jurisprudence.

Les autorités compétentes seront par exemple les autorités pénales pour une infraction pénale ou l'autorité administrative chargée d'appliquer la norme qui a été violée. La restriction aux autorités qui sont compétentes vise uniquement à exclure une diffusion générale et sans discernement de l'information. Le travailleur qui se trompe d'autorité ne perd pas son droit au signalement. L'information devra être transmise à l'autorité compétente.

Si plusieurs autorités sont compétentes, notamment si l'acte enfreint potentiellement plusieurs normes, le signalement à ces autorités est possible. Une dénonciation pénale pourra par exemple se faire parallèlement
à un signalement à l'autorité administrative ou faire suite à une intervention de l'autorité administrative restée infructueuse. Des signalements successifs à une même autorité, si l'état de fait illicite persiste, sont également envisageables.

Le droit privé qui régit les rapports entre particuliers n'est pas mis en oeuvre par les autorités. Les titulaires des droits sont des personnes privées. Celles-ci règlent leurs litiges entre elles ou font valoir leur droit le cas échéant devant les tribunaux. C'est pourquoi des atteintes au droit privé ne peuvent pas être révélées à une autorité, sauf si le droit privé règle le rapport entre un particulier et une autorité. Les violations du droit privé qui régit les rapports entre particuliers ne doivent pas pouvoir être dénoncées à l'extérieur de l'organisation, à moins de constituer en même temps une infraction pénale ou une atteinte au droit public. Il n'y a dans ce contexte pas d'intérêt prépondérant à ce que l'information sorte de l'organisation. L'organisation veillera par exemple elle-même au respect de ses obligations contractuelles et s'occupera des cas où sa responsabilité civile est engagée.

Le travailleur doit, lors du signalement à l'autorité également, avoir un soupçon raisonnable. Ce choix correspond aux exigences posées par le droit suisse en vigueur. Le Tribunal fédéral a ainsi jugé qu'une dénonciation directe à l'autorité pénale n'est pas contraire à l'obligation de fidélité si elle est partiellement fondée ou 8598

si elle est faite de bonne foi145. L'art. 22a, al. 5, LPers protège l'employé qui signale de bonne foi une irrégularité. Enfin, la preuve libératoire de l'infraction de diffamation (art. 173, ch. 2, CP) n'est pas soumise à des exigences strictes en cas de divulgation à l'autorité pénale. Des soupçons peuvent être révélés dès que ceux-ci se fondent sur des motifs assez sérieux pour justifier une action de l'autorité et un devoir de vérification ne peut être mis à charge du dénonciateur146. En matière pénale, l'autorité ouvre une procédure pénale préliminaire si des soupçons laissent présumer qu'une infraction a été commise (art. 299, al. 2, CPP).

La notion de soupçon raisonnable est en principe identique à celle de l'art. 312abis.

Les clarifications qui auront déjà eu lieu au stade du signalement à l'employeur seront toutefois prises en compte. De même, l'appréciation subjective du travailleur pourra avoir une place plus restreinte vu l'atteinte aux intérêts de l'employeur. En outre, le soupçon raisonnable doit porter sur une infraction aux règles pouvant faire l'objet d'un signalement à l'autorité. Le soupçon doit donc porter tant sur la réalisation des faits que sur leur caractère illicite. Si une obligation de vérifier n'est pas systématiquement exigée, la vérification sera nécessaire si la survenance des faits ou leur caractère illégal ne repose sur aucun fondement ou est trop incertaine. Le travailleur peut disposer de suffisamment de connaissances sur les règles à respecter, par exemple dans son domaine de compétence. Il peut aussi s'agir de faits clairement illégaux pour tout employé de l'organisation. Si un travailleur est témoin de déversements de substances dans la nature qu'il sait hautement toxiques, il peut raisonnablement suspecter que ce fait n'est pas régulier. Ce fait devra d'abord, sauf exception, être signalé à l'employeur. S'il constate par contre des problèmes de santé chez ses collègues, il ne peut directement en conclure que des normes de sécurité ou des normes sanitaires n'ont pas été respectées. Des éléments supplémentaires sont nécessaires. Les règles légales peuvent être souvent sujettes à interprétation ou très complexes. Un examen légal détaillé n'est pas exigé ni la démonstration de l'illicéité. Ainsi, pour qu'un accord soit susceptible de porter atteinte au droit de
la concurrence ou que des contacts informels puissent donner lieu à une suspicion de corruption, un élément particulier doit exister qui permet d'avoir un doute sur la légalité du comportement. Un vague sentiment ou une simple opinion personnelle ne suffisent pas. Il faut amener un élément concret qui, pris objectivement, peut laisser penser qu'il y a une violation de la loi. Une vérification sera d'autant plus requise que le cas est complexe et ne se laisse pas appréhender d'emblée.

L'employeur dispose de deux options pour réagir à un signalement. Soit il prend les mesures définies à l'al. 1, soit le signalement est traité par un système de signalement interne qui répond aux conditions posées à l'al. 2. Si un système de signalement interne est en place pour ne traiter qu'une catégorie d'irrégularités, l'employeur ne pourra pas se prévaloir de ce système pour les irrégularités qui n'entre pas dans cette catégorie.

S'il n'a pas de système de signalement interne, l'employeur doit tout d'abord agir dans un délai raisonnable. L'al. 1 prévoit qu'il détermine le délai dans chaque cas.

L'employeur peut ainsi fixer le délai de manière flexible ou prolonger un délai fixé qui s'avère trop court. Celui-ci peut toutefois faire l'objet d'un contrôle judiciaire consistant à déterminer s'il est raisonnable. Le délai est raisonnable s'il n'est pas trop long et ne retarde pas inutilement le traitement du signalement. Une marge 145 146

Arrêt du TF 4A_15/2007 du 27 juin 2007, consid. 4.2 ATF 116 IV 205, consid. 3c

8599

d'appréciation subsiste donc ici pour le juge, mais elle est nécessaire dans ce cas. Un délai chiffré serait trop rigide au vu de la diversité des cas qui peuvent se présenter.

Le délai pourra se situer entre quelques jours pour des cas simples et un mois ou plus pour des cas plus compliqués. Il devra également être très court voire immédiat dans des cas graves et urgents. Le travailleur a la possibilité de s'adresser directement à l'autorité dans ces cas si les conditions de l'art. 321aquater, al. 1, let. c, P-CO sont remplies. Pour encadrer la notion de délai raisonnable, un délai maximal de 60 jours est fixé. Si le délai n'est pas respecté, le travailleur pourra s'adresser à l'autorité, même si l'employeur respecte les autres conditions.

L'al. 1, let. b, ch. 1 à 3, définit les mesures à prendre en cas de signalement. Si l'ensemble de ces mesures sont prises, la réaction de l'employeur est considérée comme apte à traiter le signalement de façon satisfaisante, rendant le recours à l'autorité inutile. L'employeur doit éclaircir les faits et y remédier si l'illicéité n'est pas exclue (let. b, ch. 1). Les cas où l'illicéité n'est pas exclue sont tout d'abord ceux où le soupçon est confirmé. Il s'agira alors de faire cesser l'acte illicite si nécessaire et de prendre les sanctions appropriées. Ce sont ensuite les cas où l'illicéité ne peut être prouvée mais ne peut non plus être totalement écartée. Dans ces cas, des sanctions ne pourront être prononcées. L'employeur devra choisir les mesures adéquates en fonction de la situation. Il pourra s'agir par exemple de prévenir la survenance de nouveaux actes illicites.

La let. b, ch. 1, ne définit pas les mesures concrètes propres à clarifier le cas et à y remédier. L'employeur les établira selon son appréciation de la situation. Il se peut que le travailleur qui a signalé les faits estime que les mesures sont insuffisantes. Un contrôle du caractère insuffisant des mesures prises doit être possible pour éviter que la réaction de l'employeur ne se limite à un exercice de pure forme. La let. a l'autorise mais de manière restreinte. En effet, ce n'est que si l'employeur ne prend pas du tout de mesures ou si ces mesures sont manifestement insuffisantes que le travailleur pourra s'adresser à l'autorité. L'employeur gardera ainsi une certaine liberté d'action
et le travailleur n'est pas admis à contester entièrement l'adéquation de toute mesure prise. Les mesures seront manifestement insuffisantes si elles comportent des éléments objectifs qui montrent clairement qu'elles sont inaptes à permettre de clarifier et de porter remède à la situation. Le travailleur ne pourra ainsi pas les contester tant que le choix des mesures relève d'une appréciation subjective ou si plusieurs solutions acceptables se présentent. Le fait de se limiter par exemple à interroger la personne soupçonnée sans prendre de mesures complémentaires d'enquête n'est en soi pas manifestement insuffisant. Un interrogatoire peut selon les cas permettre une clarification suffisante. Le travailleur doit disposer d'éléments supplémentaires qui montrent que l'employeur n'aurait pas dû se fier aux seules déclarations de la personne mise en cause. Le caractère manifestement insuffisant peut aussi être réalisé si les personnes chargées de procéder aux clarifications ne sont pas indépendantes ou compétentes. Mais là aussi, l'impartialité ou l'incompétence doivent être manifestes, de sorte à ce que l'impossibilité d'atteindre les buts requis soit claire au premier abord. Ce sera par exemple le cas si la personne chargée de traiter l'affaire est subordonnée à la personne impliquée dans l'acte illicite supposé. Une sanction ne sera de même manifestement insuffisante que si elle est clairement disproportionnée et ineffective. Par ailleurs, le travailleur ne peut considérer des mesures qui seraient contraires au droit comme nécessaires. L'employeur ne devra ainsi jamais prendre de mesures qui contreviendraient à ses obligations découlant de la protection de la personnalité ou de la protection des données.

8600

L'al. 1, let. b, ch. 2 et 3, pose une obligation d'informer le travailleur sur la réception et la suite donnée au signalement. L'information sur le traitement du signalement et son résultat sera limitée quant à son contenu par la protection de la personnalité et la protection des données de la personne soupçonnée. Ainsi, l'accès au dossier accordé au travailleur qui a signalé ou toute information qui se rapporte au travailleur soupçonné sont des traitement de données personnelles au sens de l'art. 3, let. a, LPD qui portent atteinte à la personnalité du travailleur soupçonné (art. 12, al. 1, LPD). Elles sont illicites à moins d'être justifiées par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi (art. 13, al. 1, LPD). L'obligation d'informer introduite par le projet constitue une base légale au sens de l'art. 13, al. 1, LPD. L'atteinte devra également être proportionnée au regard de la finalité fixée dans la base légale. Le contenu de l'information, pour respecter le principe de proportionnalité, devra se limiter aux informations dont le travailleur qui a signalé a besoin pour s'assurer que l'employeur a pris des mesures conformément à l'art. 321ater, al. 1, let. b, ch. 1, et qu'un signalement à l'autorité n'est plus nécessaire. L'information pourra donc se limiter aux mesures prises, aux personnes chargées de les exécuter et aux résultats des démarches. Une évaluation brève du caractère suffisant des démarches entreprises pourra s'ajouter suivant la situation. Les mesures prises par des autorités ou les sanctions prononcées par elles constituent des données sensibles (art. 3, let. c, ch. 4, LPD), qui ne peuvent pas être communiquées malgré l'obligation légale d'informer. L'employeur peut se contenter de communiquer que l'affaire a été transmise aux autorités. Le signalement à l'autorité par le travailleur n'aura dès lors plus d'objet, et le travailleur n'aura plus d'intérêt à être informé sur les mesures prises par les autorités. L'employeur peut indiquer s'il a luimême prononcé des sanctions ou non. Dans certains cas, et uniquement dans le but de permettre au travailleur qui a signalé de juger si la sanction est manifestement insuffisante ou non, l'employeur pourra également indiquer la nature de la sanction prise ou, sans l'indiquer, le résultat obtenu
au moyen des sanctions prises (par ex., le contrat de travail a été résilié ou le collaborateur n'a plus de contact avec la personne harcelée). L'information sur la réception est communiquée immédiatement après que le signalement a été reçu par l'employeur; celle sur le délai est communiquée immédiatement après qu'il a fixé ce délai. Le temps nécessaire à la réception de l'information par le travailleur doit être compté et dépendra du moyen de communication utilisé. L'information sur la suite à donner et sur le résultat des mesures prises sera communiquée à un moment ultérieur. Elle interviendra soit à la demande du travailleur, soit en temps utile, c'est-à-dire à un moment adéquat que l'employeur aura déterminé en fonction du déroulement de la procédure et de son terme. La violation de l'obligation d'informer ouvre la voie au signalement à l'autorité, même si les mesures prises par l'employeur ne sont pas manifestement insuffisantes. Une information incomplète du point de vue du travailleur devra toutefois faire l'objet d'une demande d'informations complémentaires avant que le signalement à l'autorité ne soit possible.

L'al. 2 s'applique si l'employeur a mis en place un système de signalement interne.

Un tel système de signalement est défini aux let. a à c. L'organe de signalement devra tout d'abord être indépendant (let. a). Il devra pouvoir recevoir et traiter le signalement sans être influencé d'une quelconque manière. L'indépendance sera avant tout structurelle et se jugera à l'absence de lien de subordination et de possibilité de recevoir des instructions dans l'organisation. Ce pourra par exemple être un organe externe à l'organisation ou un service qui ne dépend pas de la hiérarchie, comme un comité d'audit rattaché au conseil d'administration, à moins qu'un mem8601

bre du conseil d'administration ne soit impliqué dans les infractions potentielles qui sont signalées. La procédure de signalement (let. b) désigne les canaux par lesquels le signalement peut être remis ainsi que le destinataire. Les faits pouvant être révélés peuvent aussi être définis. Il s'agira par exemple de tout fait pouvant être révélé à l'autorité selon l'al. 2 ou de catégories de ces faits. La suite à donner au signalement se rapporte aux mesures par lesquelles l'employeur entend réagir aux faits qui sont révélés. L'employeur peut s'écarter des exigences posées à l'al. 1. Certaines conditions minimales sont toutefois inhérentes à l'existence d'un tel système et devront être remplies. Ainsi, un système totalement inefficace et inutilisable ne serait pas acceptable, car l'idée même de la règle est qu'un système de signalement interne permette de traiter un signalement et de remédier à une situation irrégulière ou illicite de manière adéquate. Aussi les personnes chargées de recevoir et de traiter les signalements doivent-elles être aptes à s'acquitter de ces tâches. Le travailleur doit également avoir connaissance de l'existence de ce système pour pouvoir l'utiliser. La dernière exigence se rapporte à l'interdiction de toute mesure de représailles (let. c). L'interdiction ne doit pas porter sur des sanctions justifiées, en cas par exemple d'affirmations mensongères. Une telle interdiction a son utilité malgré les interdictions légales du licenciement ou d'autres désavantages en raison d'un signalement licite qui sont posées respectivement aux art. 336, al. 2, let. d et 328, al. 3, P-CO. Les sanctions prévues par l'employeur peuvent être plus sévères. Une telle interdiction dans le règlement interne aura également une valeur informative et marquera l'engagement et l'attitude de l'employeur face à un signalement.

L'al. 3 permet le signalement à l'autorité si des mesures de représailles sont prises contre le travailleur. Il s'agira d'un congé ou d'autres désavantages imputables à l'employeur au sens de l'art. 328 CO. Ainsi, le travailleur dont le contrat est résilié en raison d'un signalement conforme aux conditions légales pourra s'adresser à l'autorité avant la fin du délai de congé ou, notamment en cas de résiliation avec effet immédiat, après la fin du contrat. Le fait que l'employeur ait
réagi au signalement de façon conforme aux conditions posées aux al. 1 et 2 n'est ici pas pris en compte. Le travailleur ne peut en effet se fier à l'attitude de l'employeur s'il subit des mesures de représailles.

Art. 321aquater L'art. 321aquater dresse une liste exhaustive des cas où le signalement direct à l'autorité est admis. Des conditions objectives doivent rendre le signalement interne inutile ou disproportionné par rapport à l'intérêt à ce que l'acte soit révélé.

L'al. 1, let. a, autorise le signalement direct à l'autorité si le signalement à l'employeur est inutile. Le degré de certitude en rapport avec l'issue du signalement à l'employeur est plus strict que dans l'avant-projet. Le résultat du signalement à l'employeur se rapporte à la clarification de l'état de fait et aux remèdes qui y sont apportés (let. a, ch. 1). Des situations types sont décrites aux ch. 1 à 3. Il s'agit d'exemples.

Si l'employeur dispose d'un système de signalement interne, le travailleur ne pourra pas considérer qu'il est sans effet de s'adresser à l'employeur (al. 2). Les conditions posées à l'art. 321ater, al. 2, pour le système de signalement interne doivent permettre notamment d'éviter que les cas types décrits à l'al. 3 ne se réalisent. Le système interne garantit en effet l'indépendance du traitement et implique une réaction de l'employeur ainsi qu'une interdiction des mesures de représailles. S'il s'avère, dans 8602

la pratique, que le système de signalement interne n'est pas utilisé ou que des mesures de représailles sont courantes malgré l'interdiction, l'al. 2 ne trouvera pas application et le travailleur pourra s'adresser à l'autorité aux conditions de l'al. 1.

L'al. 1, let. a, ch. 1, se rapporte à l'indépendance de la personne ou de l'organe qui reçoit et traite le signalement. Il n'y a plus indépendance si la personne ou l'organe est subordonné aux personnes impliquées et peut par conséquent recevoir des instructions de leur part. Un organe qui dépend directement de la direction sera donc indépendant, sauf dans les cas où la direction est impliquée dans les faits signalés.

Le ch. 2 se rapporte à la manière dont l'employeur a réagi dans des cas antérieurs.

L'appréciation de la situation par le travailleur doit se baser sur des faits objectifs. Il ne pourra s'adresser directement à l'autorité qu'en cas d'absence de réaction ou de réaction manifestement insuffisante dans des cas antérieurs. Les faits décrits au ch. 2 doivent refléter la situation au moment du signalement. L'employeur pourra montrer qu'il a par exemple corrigé une mauvaise politique de gestion des signalements et qu'il l'a communiqué à ses collaborateurs. Le ch. 3 ne se rapporte pas directement au traitement efficace du signalement. Toutefois, des représailles dans des cas antérieurs indiquent un refus clair de prendre en compte les informations transmises par les travailleurs. Le travailleur pourra donc estimer que son signalement ne sera pas traité convenablement par l'employeur. Les représailles ne couvrent que des mesures qui sont, à l'exemple du harcèlement, en elles-mêmes des atteintes à la personnalité ou des mesures qui sont des sanctions en soi admises mais injustifiées dans le cas concret. Des mesures qui sanctionnent un signalement non conforme aux exigences légales sont par contre légitimes et sont réservées. Le caractère justifié de ces sanctions, s'il est contesté par le travailleur, demeurera incertain tant qu'un tribunal ne se sera pas prononcé.

La let. b concerne le cas particulier où des actes positifs pourraient être accomplis pour empêcher l'action ultérieure de l'autorité. C'est le cas par exemple si des éléments de preuve risquent d'être détruits. La let. c réserve les situations d'urgence.

Une réaction rapide est
en effet requise dans des cas extrêmes. L'urgence est définie.

Elle est limitée à des atteintes imminentes et sérieuses. Le danger pour la vie, la santé, la sécurité ou l'environnement regroupe toute atteinte à ces biens juridiques qui constitue une violation d'une norme pouvant être signalée à l'autorité. Sont concernées par exemple les délits contre la vie et l'intégrité corporelle, la violation de normes sur les denrées alimentaires, de normes sur les produits thérapeutiques, de normes relevant de la santé et la sécurité du travail ou de normes de protection de l'environnement. La jurisprudence devra concrétiser la notion de danger sérieux. Le caractère sérieux du danger pose une restriction qui a pour but d'exclure des risques d'atteintes de peu de gravité. De tels risques enlèvent à la situation le caractère urgent qui justifie un signalement direct à l'autorité. Si tout risque d'atteinte à la vie est déjà en lui-même sérieux, des risques peu graves pour la santé, la sécurité ou l'environnement devront être d'abord signalés à l'employeur. Le caractère imminent du danger implique qu'une dénonciation immédiate à l'autorité s'impose pour remédier à la situation. Ce sera le cas si seules les autorités peuvent intervenir pour éviter le danger ou si le retard impliqué par le signalement à l'employeur ne peut être admis. Il s'agit aussi de laisser le choix au travailleur de s'adresser à l'autorité dans des situations où l'urgence impose une action immédiate et ne lui laisse pas le temps de la réflexion. Le signalement direct à l'autorité en cas de danger imminent ne sera donc pas nécessairement exclu si un signalement à l'employeur et une réaction rapides de l'employeur sont possibles. Les atteintes constitutives de dommages 8603

importants regroupent toute infraction pénale ou violation d'une norme de droit public qui cause un dommage à la victime de l'atteinte. Le dommage peut être matériel ou économique. Il doit toutefois s'agir d'un dommage au sens du droit suisse de la responsabilité civile et contractuelle. Le caractère important du dommage devra être déterminé dans chaque cas par le juge. Cette condition est le pendant du caractère sérieux du danger et vise à exclure des risques d'atteintes à des biens juridiques autres que la vie, la santé, la sécurité ou l'environnement lorsque les dommages possibles sont quantitativement peu importants.

Si les conditions des let. b et c sont remplies après qu'un signalement en interne a été effectué, il revient en principe à l'employeur de réagir à la situation d'entrave ou d'urgence. Si l'employeur ne réagit pas de façon à empêcher l'entrave ou à remédier très vite au risque d'atteinte grave, le travailleur pourra considérer que les mesures prises sont manifestement insuffisantes ou que le délai de traitement n'est pas raisonnable, et il pourra alors s'adresser à l'autorité.

Art. 321aquinquies L'art. 321aquinquies règle le signalement à l'opinion publique. Conformément au mandat de la motion Gysin (03.3212), le public ne peut être alerté qu'en dernier recours. Comme exposé ci-dessus (ch. 1.3.1), le signalement direct au public n'est pas possible.

Le travailleur qui signale à l'autorité doit pouvoir connaître la suite donnée à son signalement. La première phrase institue à cet effet un droit à être informé qu'il pourra faire valoir. Ce droit relève de la procédure pénale ou administrative. Un tel droit existe déjà en matière pénale. L'art. 301, al. 2, CPP prévoit que l'autorité de poursuite pénale informe le dénonciateur, à sa demande, sur la suite qu'elle a donnée à sa dénonciation. Selon l'al. 3 de cette même disposition, le dénonciateur qui n'est ni lésé ni partie plaignante ne jouit d'aucun autre droit en procédure. Une norme similaire pourrait être introduite dans la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif147 et dans les lois de procédure administrative fédérale et cantonales. La procédure administrative devant les autorités cantonales relève de la compétence des cantons. Toutefois, une réglementation dans le code des obligations est possible, car le
législateur fédéral peut introduire des règles de procédure indispensables à la mise en oeuvre du droit de fond.

Dès le moment où l'autorité aura fourni les informations utiles au travailleur dans le délai prescrit, le travailleur ne pourra plus s'adresser au public. Il reviendra aux autorités et institutions administratives et politiques de faire en sorte que l'acte illicite reçoive une sanction suffisante et que celle-ci soit appliquée. L'information par l'autorité doit respecter la confidentialité de la procédure. Les mesures prises ne doivent pas être motivées. L'autorité peut se limiter à dire qu'elle a examiné les informations transmises et a jugé par exemple n'avoir pas d'éléments suffisants pour y donner suite, ou qu'elle a engagé une procédure et que les mesures qui s'imposent seront prises.

Le projet ne détermine pas les canaux à utiliser pour alerter l'opinion. Toute forme de diffusion de l'information ne sera pas admise. La finalité de l'alerte doit être prise en compte. Elle doit servir, comme ultime moyen, à remédier à l'acte illicite. Les médias et des organisations concernées par le fait en rapport avec leur domaine 147

RS 313.0

8604

d'activité statutaire sont mentionnés à titre d'exemples à l'al. 2. Le fait de parler des faits constatés à des connaissances n'est par contre pas à considérer dans tous les cas comme une manière admissible d'alerter l'opinion, même si le cercle des personnes alertées est plus restreint.

Le travailleur ne pourra s'adresser au public que s'il a des raisons sérieuses de croire de bonne foi à leur véracité (al. 1, let. a). Cette formulation est tirée de l'art. 173, ch. 2, CP pour les raisons mentionnées ci-dessus (voir ch. 1.3.2, Degré de certitude quant aux faits signalés et à leur caractère irrégulier ou illégal). Vu que le but est de coordonner ici l'exigence de véracité avec le droit pénal, l'interprétation de la disposition se fondera sur celle établie par la jurisprudence relative à l'art. 173, ch. 2, CP.

Art. 321asexies Contrairement à l'avant-projet, le présent projet reconnaît la consultation d'un tiers en vue de vérifier le droit au signalement comme conforme à l'obligation de fidélité.

Le tiers doit être soumis à un devoir légal de confidentialité comme celui qu'impose le secret professionnel prévu à l'art. 321 CP. Il s'agit en effet d'une garantie sur la discrétion de la personne quant aux faits dont elle va avoir connaissance. La vérification du droit au signalement concerne toute question relative aux conditions posées aux art. 321abis à 321asepties et aux conséquences du signalement. Il pourra s'agir de s'assurer que les faits constatés constituent une infraction pénale, de déterminer à qui le travailleur peut s'adresser ou d'évaluer les mesures prises par l'employeur suite au signalement.

Art. 321asepties L'art. 321asepties réserve le secret professionnel et les règles spéciales sur l'obligation et le droit de communiquer (al. 1). Le secret professionnel n'est pas soumis aux règles sur le signalement pour les raisons exposées ci-dessus (voir ch. 1.3.2, Coordination avec le droit pénal). Les règles spéciales sont celles qui s'appliquent à certaines catégories d'irrégularités, comme les infractions pénales ou les violations de la loi sur le travail, ou à une catégorie de travailleurs, actifs dans un secteur particulier par exemple. Les règles spéciales peuvent déroger aux règles introduites dans le code des obligations. Celles-ci couvrent toutes les irrégularités et s'appliquent à
tous les rapports de travail.

Les art. 321abis à 321asexies pourront s'appliquer à titre complémentaire si des règles spéciales ne couvrent pas tous les cas de signalement. Une obligation de signaler des infractions pénales peut ainsi laisser subsister un droit de signaler d'autres actes illicites. De même, un droit de signaler des infractions pénales directement aux autorités sans passer par l'employeur n'exclut pas le signalement d'autres irrégularités aux conditions des art. 321abis à 321asexies.

L'al. 2 réserve également le signalement à une autorité étrangère. Sa licéité sera déterminée au cas par cas par la jurisprudence sur la base de l'art. 321a CO. Les motifs de cette exception ont été exposés ci-dessus, dans le commentaire de l'art. 321ater. Les actes illicites qui ne sont par exemple pas couverts par l'entraide pénale ou administrative internationale pourront ne pas être admis comme objet de signalements à des autorités étrangères. La divulgation pourra par contre être admise si le comportement signalé est également illicite en droit suisse. Il se peut aussi que

8605

l'intérêt public poursuivi par le droit et les autorités étrangers soit admissible au regard des valeurs suisses.

Art. 328, al. 1 et 3 Tout désavantage que le travailleur aurait à subir du fait d'un signalement ou d'une consultation conformes aux art. 321abis ss P-CO constitue une atteinte à la personnalité. La disposition proposée est analogue à celle prévue en matière de harcèlement sexuel. Les deux cas ont été regroupés dans un nouvel al. 3. Une différence est toutefois que le harcèlement sexuel est un acte qui est en lui-même contraire à l'art. 328 CO. Les mesures prises suite à un signalement le seront également le plus souvent. Il pourra toutefois s'agir de sanctions prises à bon droit contre un signalement contraire à l'obligation de fidélité. C'est pourquoi ces mesures sont ici réservées.

Art. 336, al. 2, let. d Cette disposition établit le caractère abusif du licenciement prononcé suite à un signalement conforme aux art. 321abis à 321asexies. La sanction prévue à l'art. 336a CO vaudra également dans ce cas.

Un signalement qui n'est pas conforme aux conditions posées par la nouvelle réglementation constituera une violation de l'obligation de fidélité et pourra être sanctionné. Ce n'est qu'en présence de justes motifs qu'un congé avec effet immédiat pourra être prononcé (art. 337 CO).

Art. 362, al. 1 Les art. 321ater à 321asepties sont ajoutés à la liste des dispositions relativement impératives. Si le signalement interne et ses modalités peuvent être librement définis par l'organisation elle-même, le signalement externe met en jeu l'intérêt public et doit être de ce fait possible aux conditions fixées dans la loi. L'intérêt au signalement ne peut faire l'objet d'une appréciation variable qui dépendrait de la volonté des parties.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

3.1.1

Conséquences financières

Le projet concerne avant tout les rapports de travail dans le secteur privé. Il n'implique aucune dépense supplémentaire pour la Confédération. Certaines entités autonomes de droit public engagent leur personnel sur la base de rapports de droit privé (voir ch. 1.1.3, Obligation et droit de signaler des irrégularités). Les nouvelles règles leur seront applicables mais n'occasionneront pas de dépenses supplémentaires. L'instauration d'une procédure interne de signalement n'est en particulier pas exigée.

Les autorités qui reçoivent un signalement auront l'obligation d'informer sur la suite qui lui est donnée. Cette tâche supplémentaire ne demande pas de fonds supplémentaires.

8606

3.1.2

Conséquences sur l'état du personnel

Le projet n'implique aucun changement dans l'état du personnel. Les entités publiques soumises au code des obligations ne devront aussi pas engager de personnel supplémentaire. L'obligation d'informer les personnes qui signalent pourra aussi être remplie avec les moyens en personnel existants.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Le projet n'a pas opté pour une loi spéciale qui s'appliquerait aux cantons et aux communes. Les nouvelles règles seront uniquement applicables dans les cantons et les communes qui renvoient au code des obligations. Le code des obligations peut aussi s'appliquer à titre supplétif, si la loi sur le personnel de la collectivité concernée ne règle pas la question.

Les autorités qui reçoivent un signalement auront l'obligation d'informer sur la suite qui lui est donnée. Cette tâche pourra être accomplie avec les moyens en personnel existants.

3.3

Conséquences économiques et sociales

Les conséquences sur l'économie ne sont pas chiffrables. Les actes illicites, de corruption en particulier, peuvent conduire à des distorsions de concurrence et à une mauvaise affectation des ressources. Leur détection, si elle est améliorée, a un effet bénéfique sur l'économie. Le présent projet ne prévoit en particulier pas d'obligation d'instaurer une procédure interne de signalement. Il n'engendre donc pas de coûts supplémentaires pour les entreprises à cet égard.

Les conséquences sociales ne peuvent pas non plus être quantifiées. Comme composante de la liberté d'expression, la révélation dans l'intérêt public, notamment l'intérêt au respect des règles légales, sert des valeurs fondamentales de la société, comme la démocratie et l'Etat de droit.

4

Relation avec le programme de la législature

Le projet a été annoncé dans le message du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 2015148.

148

FF 2012 349, 473

8607

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et légalité

Selon l'art. 110 de la Constitution (Cst.), la Confédération peut édicter des normes de droit public dans le but de protéger les travailleurs. La législation de droit privé se fonde sur l'art. 122 Cst. Le présent projet ne comprend que de la législation de droit privé.

L'obligation des autorités d'informer la personne qui signale relève de la procédure administrative cantonale là où des autorités cantonales sont compétentes pour l'application des lois. La Confédération peut, dans ses domaines de compétence, édicter les règles de procédure nécessaires à la mise en oeuvre du droit de fond.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales

Le présent projet est compatible avec les obligations internationales de la Suisse. Il est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en la matière. Il va également dans le sens des recommandations émises en rapport avec la mise en oeuvre des instruments internationaux adoptés en matière de lutte contre la corruption.

5.2.1

Convention européenne des droits de l'homme (CEDH)149

La Cour européenne des droits de l'homme, dans les affaires Guja c. Moldova, Martchenko c. Ukraine, Heinisch c. Allemagne et Bucur et Toma c. Roumanie150, a traité de la question du signalement en relation avec la liberté d'expression. Elle a d'abord jugé que la liberté d'expression couvrait la transmission d'informations ou la dénonciation d'un comportement supposé illicite de l'employeur151. L'art. 10 CEDH s'étend aussi à la sphère professionnelle, même lorsque les rapports de travail relèvent du droit privé152. L'Etat a en effet l'obligation positive de protéger le droit à la liberté d'expression contre des atteintes provenant même de personnes privées.

Par conséquent, un licenciement consécutif à une plainte pénale est une ingérence dans la liberté d'expression qui enfreint l'art. 10 si elle n'est pas prévue par la loi, ne répond pas à un but légitime et n'est pas nécessaire pour atteindre ce but153. La Cour a reconnu que les règles sur le licenciement avec effet immédiat pour de justes motifs étaient une base légale suffisante. Elle a aussi reconnu que la réputation et les intérêts professionnels de l'employeur étaient un but légitime154. Elle examine enfin la proportionnalité en fonction de plusieurs critères d'appréciation: l'intérêt public des informations, les moyens moins incisifs à disposition pour procéder à la divulga149 150

151 152 153 154

RS 0.101 Respectivement: arrêt du 12 février 2008, Requête no 14277/04; arrêt du 19 février 2009, Requête 4069/04; arrêt du 21 juillet 2011, Requête no 28274/08; arrêt du 8 janvier 2013, Requête n° 40238/02 Arrêt Guja c. Moldova, ch. 51 et arrêt Heinisch c. Allemagne, ch. 43 Arrêt Heinisch c. Allemagne, ch. 44 Arrêt Heinisch c. Allemagne, ch. 45 et 46 Arrêt Heinisch c. Allemagne, ch. 47 à 50

8608

tion, l'authenticité des informations, la motivation de l'employé, l'importance du préjudice causé à l'employeur en regard de l'intérêt à la révélation et la sévérité de la sanction infligée à l'employé155. Ces critères impliquent notamment que la divulgation au public ait un caractère subsidiaire par rapport au signalement à l'employeur ou à l'autorité et qu'un intérêt public puisse prévaloir sur l'obligation de discrétion156. La Cour admet en outre la dénonciation aux autorités pénales si le recours à l'employeur s'avère vain157. Les faits allégués par l'employé, s'ils ne doivent pas être dénués de tout fondement, doivent en premier lieu être vérifiés par l'autorité pénale158. De plus, l'employé ne doit pas avoir de certitude sur l'issue de la procédure159.

5.2.2

Obligations internationales en matière de corruption

La protection du signalement est réglée en droit international dans le contexte de la lutte contre la corruption. Les signalements d'employés qui constatent des actes de corruption sur leur lieu de travail sont souvent le seul moyen de découvrir ces actes.

Ils prennent donc une importance particulière. La Suisse est partie à la Convention du 21 novembre 1997 de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales160. Celle-ci prévoit, à son art. 12, un programme de suivi systématique afin de surveiller et promouvoir la pleine application de la convention, programme mené par le Groupe de travail de l'OCDE contre la corruption dans le cadre de transactions commerciales internationales. La Convention pénale du 27 janvier 1999 du Conseil de l'Europe sur la corruption161, ratifiée par la Suisse, prévoit à son art. 22 que les personnes qui fournissent des informations concernant les infractions pénales établies par la convention doivent bénéficier d'une protection légale. L'art. 24 prévoit un suivi de la mise en oeuvre de la convention qui est assuré par le Groupe d'Etats contre la corruption (GRECO). L'art. 9 de la Convention civile du Conseil de l'Europe du 4 novembre 1999 sur la corruption162 requiert une protection adéquate contre toute sanction injustifiée à l'égard des employés qui, de bonne foi et sur la base de soupçons raisonnables, dénoncent des faits de corruption aux personnes ou aux autorités responsables. La Suisse n'a pas ratifié cette convention. La Convention des Nations-Unies du 31 octobre 2003 contre la corruption163 comprend une disposition similaire à son art. 33. La Suisse a ratifié cette convention le 24 septembre 2009. Un premier examen de l'application de la convention par la Suisse a été effectué le 18 juin 2012. La Suisse a indiqué qu'elle entend régler la protection des travailleurs qui communiquent des informations mettant en cause leurs employeurs. Le rapport relève les problèmes qui peuvent se poser en rapport avec l'obligation de fidélité mais conclut à la conformité du droit suisse avec la convention, vu le caractère facultatif de l'art. 33164.

155 156 157 158 159 160 161 162 163 164

Arrêt Heinisch c. Allemagne, ch. 67 à 70 et 71 ss Arrêt Guja c. Moldova, ch. 73 et 74 Arrêt Heinisch c. Allemagne, ch. 74 Arrêt Heinisch c. Allemagne, ch. 80 Arrêt Heinisch c. Allemagne, ch. 80 RS 0.311.21 RS 0.311.55 STE no 174 RS 0.311.56 Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, Rapport d'examen de la Suisse.

8609

Le Groupe de travail de l'OCDE contre la corruption a, dans son rapport d'évaluation du 24 décembre 2004 sur la situation de la Suisse, recommandé à la Suisse d'examiner les moyens d'assurer une protection effective des personnes collaborant avec la justice, notamment des travailleurs qui révèlent de bonne foi des faits suspects de corruption, de façon à encourager ces personnes à les signaler sans crainte de représailles de licenciement. Dans le rapport de suivi sur la mise en oeuvre des recommandations au titre de la phase 2, du 2 mai 2007, le Groupe de travail, faisant référence au travaux en cours en rapport avec la motion Gysin, observe que la recommandation a été en partie appliquée. Il a ensuite, en décembre 2011, recommandé à la Suisse d'adopter un cadre normatif approprié destiné à protéger contre toute action discriminatoire ou disciplinaire les employés du secteur privé qui signalent de bonne foi et sur la base de motifs raisonnables des soupçons de corruption d'agents public étrangers165.

Au Conseil de l'Europe, le GRECO avait également, dans son Rapport d'évaluation sur la Suisse du 4 avril 2008, remarqué que l'adoption d'une législation protégeant le signalement pourrait contribuer à une meilleure détection de la corruption en Suisse, dans le secteur public comme dans le secteur privé. A cet égard, la protection contre toute forme de représailles serait souhaitable. Le GRECO avait donc recommandé à la Suisse d'adopter un cadre normatif destiné à protéger efficacement les personnes qui signalent des soupçons de corruption166. Cette recommandation se limitait toutefois au personnel de la Confédération. Dans son Rapport de conformité sur la Suisse du 26 mars 2010, le GRECO a constaté que la recommandation a été mise en oeuvre de façon satisfaisante167.

5.3

Forme de l'acte à adopter

La modification du code des obligations requiert l'adoption d'une loi fédérale.

5.4

Frein aux dépenses

La modification proposée n'est pas concernée par les règles sur le frein aux dépenses (art. 159, al. 3, let. b et c, Cst.).

5.5

Délégation de compétences législatives

Le présent projet ne nécessite aucune délégation de compétence.

165

Rapport de la phase 3 sur la mise en oeuvre de la convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption par la Suisse, décembre 2011, Recommandation 6, p. 51.

166 Ch. 156, ii 167 Ch. 67

8610

5.6

Conformité à la législation sur la protection des données

Les obligations actuelles de l'employeur en matière de protection des données ne sont pas remises en cause (voir ch. 1.1.3, «Procédures internes de signalement»). La réaction de l'employeur à un signalement trouve sa limite dans le respect de la protection des données.

8611

Annexe

Déroulement de la procédure de signalement168 Système de signalement interne répondant aux conditions

Pas de système de signalement interne répondant aux Signalement à l'employeur sans effet Danger imminent et sérieux Entrave à l'action de l'autorité

Signalement à l'employeur

Signalement à l'employeur

Traitement par le système

NON

Pas de traitement par le système

Mesures requises de l'employeur

Mesures requises pas prises dans un délai raisonnable FIN

Mesures requises prises dans un délai raisonnable

Mesures de représailles FIN Signalement direct à l'autorité

Demande d'information et réponse dans les 14 jours FIN

168

Signalement à l'autorité

Demande d'information et pas de réponse dans les 14 jours Signalement au public

Les conditions qui ne sont pas déterminantes pour le déroulement de la procédure ne figurent pas dans le schéma (par ex., soupçon raisonnable, détail des mesures requises de l'employeur).

8612