13.084 Message concernant l'initiative populaire «Aider les familles!

Pour des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle exonérées de l'impôt» du 23 octobre 2013

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «Aider les familles! Pour des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle exonérées de l'impôt», en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

23 octobre 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2013-1755

7575

Condensé La Confédération, les cantons et les communes mènent une politique active et durable en faveur des familles. Le droit fiscal aussi tient compte des frais liés aux enfants. D'ailleurs, la moitié environ des ménages ayant des enfants ne payent pas l'impôt fédéral direct. L'exonération fiscale des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle entraînerait une baisse du produit des impôts sur le revenu légèrement inférieure à un milliard de francs. Elle ne serait pas suffisamment ciblée et avantagerait en premier lieu les personnes jouissant des revenus les plus élevés. Le Conseil fédéral propose donc de rejeter l'initiative populaire.

Le PDC suisse a lancé une initiative populaire pour que des allégements fiscaux supplémentaires soient accordés aux familles avec enfants. Il demande à cette fin l'exonération fiscale des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle.

Le Conseil fédéral estime que c'est avant tout au moyen des mesures non fiscales déjà en vigueur prises par la Confédération, les cantons et les communes que la politique en faveur des familles doit être menée. Il rejette l'initiative populaire pour les raisons suivantes: ­

l'encouragement direct se révèle plus efficace, efficient et transparent que des allégements fiscaux, et donc plus fiable, eu égard au contrôle de son efficacité et aux adaptations correspondantes;

­

le droit fiscal doit être régi par le principe de l'imposition selon la capacité économique. Les allocations pour enfant et les allocations de formation professionnelle augmentent la capacité économique et sont donc imposables.

Les frais liés aux enfants sont pris en considération au moyen des déductions correspondantes. Ces dernières années, le Conseil fédéral a développé ces dernières de manière ciblée en adoptant non seulement la déduction pour frais de garde des enfants par des tiers, mais aussi le barème parental dans le cadre de l'impôt fédéral direct;

­

le maintien de l'imposition des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle est approprié et peut être justifié par le fait qu'une indemnisation fiscale plus importante des frais liés aux enfants n'est pas nécessaire;

­

si ces allocations étaient exonérées de l'impôt, les familles à revenus plus élevés bénéficieraient d'allégements d'un montant plus élevé que les familles à revenus plus bas en raison de la progressivité de l'impôt. Cet effet serait encore accentué par le fait que les montants des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle diffèrent d'un canton à l'autre;

­

l'initiative est trop peu ciblée. Ainsi, les familles qui ne paient pas d'impôt fédéral direct aujourd'hui ne bénéficieraient d'aucun allégement supplémentaire, du moins à l'échelon fédéral. L'initiative crée aussi des inégalités

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de traitement. Ainsi modifié, le droit fiscal ne tiendrait plus compte du fait que les parents perçoivent des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle de montants différents, ou, parfois, n'en perçoivent pas; ­

l'exonération fiscale des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle aurait également des conséquences sur les budgets publics. Pour l'impôt fédéral direct, elle entraînerait une diminution des recettes annuelles d'environ 200 millions de francs; pour les impôts cantonaux et communaux, d'environ 760 millions de francs.

7577

Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

Le 5 novembre 2012, le PDC suisse a déposé une initiative populaire, présentée sous la forme d'un projet rédigé, intitulée «Aider les familles! Pour des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle exonérées de l'impôt».

1.1

Texte

L'initiative populaire fédérale «Aider les familles! Pour des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle exonérées de l'impôt» a la teneur suivante: La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 116, al. 2, 2e phrase (nouvelle) ... Les allocations pour enfant et les allocations de formation professionnelle sont exonérées de l'impôt.

2

1.2

Aboutissement et délais de traitement

Par décision du 18 décembre 2012, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 118 425 signatures valables et qu'elle avait donc abouti2.

En vertu de l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)3, le Conseil fédéral doit soumettre à l'Assemblée fédérale, dans un délai d'un an à compter du dépôt de l'initiative dont l'aboutissement a été constaté, un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message.

Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale doit décider, dans un délai de 30 mois à compter du dépôt de l'initiative revêtant la forme d'un projet rédigé, si elle recommandera au peuple et aux cantons d'accepter ou de rejeter une initiative.

1.3

Validité

L'initiative remplit les critères de validité énumérés à l'art. 139, al. 3, de la Constitution (Cst.)4. Elle respecte les principes de l'unité de la forme et de la matière et obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

1 2 3 4

RS 101 FF 2013 241 RS 171.10 RS 101

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2

Contexte

L'objet de l'initiative populaire n'est pas nouveau. Ces quinze dernières années, les interventions suivantes visant à modifier la loi ont été rejetées: ­

Motion Aeppli (97.3643): «Pas de taxation sur les allocations pour enfant».

La motion visait à exonérer de l'impôt fédéral direct et de l'impôt cantonal les allocations familiales en tant qu'élément du revenu, si le revenu net était inférieur à 60 000 francs, dans la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD)5 et dans la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID)6. Le Conseil fédéral a proposé, le 2 mars 1998, de rejeter cette motion. Elle a été classée le 22 décembre 1999, après être restée pendante pendant plus de deux ans.

­

Initiative parlementaire Meier-Schatz (07.470): «Défiscaliser les allocations pour enfant et formation professionnelle». L'initiative visait à exonérer uniquement dans la LHID les allocations pour enfant et pour formation professionnelle. Le 1er juin 2010, elle a été supprimée de la liste des affaires des Chambres fédérales parce que le Conseil national n'y avait pas donné suite dans le cadre de la procédure d'examen préalable.

­

Initiative cantonale SG (08.302) et initiative cantonale AG (08.308): «Exonération fiscale des allocations enfant et formation. Modification de l'art. 7 LHID». Ces deux initiatives poursuivaient le même but que l'initiative parlementaire susmentionnée. Le 13 décembre 2011, elle a été supprimée de la liste des affaires des Chambres fédérales parce que, pour la deuxième fois, le Conseil des Etats n'y avait pas donné suite dans le cadre de la procédure d'examen préalable.

Les démarches entreprises jusqu'à présent au Parlement n'ayant pas donné de résultat, les partisans de cet objet tentent à présent de le faire aboutir au moyen d'une initiative populaire.

3

Buts et contenu

D'après le rapport intitulé «Les familles en Suisse. Rapport statistique 2008», publié en 2008 par l'Office fédéral de la statistique, les frais directs liés aux enfants des familles monoparentales avec un enfant s'élèvent en moyenne à 1092 francs par mois7. Par mois et par enfant, ces frais s'élèvent à 819 francs pour les couples avec un enfant, à 655 francs pour ceux avec deux enfants et à 528 francs pour ceux avec trois enfants. Les frais directs liés aux enfants représentent les dépenses de consommation qu'un ménage effectue pour ses enfants. S'y ajoutent les frais indirects liés aux enfants, c'est-à-dire le coût en temps, sous forme de perte de gain ou de coût des tâches ménagères et familiales.

Le PDC suisse a lancé une initiative populaire pour que des allégements fiscaux supplémentaires soient accordés aux familles avec enfants. D'après les arguments 5 6 7

RS 642.11 RS 642.14 www.bfs.admin.ch > Actualités > Publications > p. 14

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des auteurs de l'initiative, les parents subissent une diminution de leur pouvoir d'achat pouvant atteindre 40 % à la naissance d'un enfant. C'est en exonérant de l'impôt les allocations pour enfant et les allocations de formation professionnelle qu'il convient de remédier à cette diminution du pouvoir d'achat, indépendamment du modèle de vie ou du modèle d'activité professionnelle. Aujourd'hui, les familles ne bénéficient pas pleinement de ces prestations financières, car une partie des fonds est prélevée par les pouvoirs publics du fait de l'impôt. L'exonération fiscale des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle doit également permettre d'éviter l'augmentation du revenu imposable, afin que soit maintenu l'accès à des subventions publiques qui dépendent du revenu, notamment les primes d'assurance-maladie réduites, les bourses d'études et les réductions applicables aux structures d'accueil collectif de jour. Enfin, elle doit permettre de soutenir de manière ciblée les familles des classes moyennes.

4

Prise en compte des frais liés à l'entretien des enfants dans le droit en vigueur

4.1

Mesures non fiscales

D'après l'art. 116, al. 1, Cst., la Confédération doit prendre en compte les besoins de la famille dans l'accomplissement de ses tâches. En se fondant sur cette disposition, elle a pris des mesures non fiscales pour tenir compte de manière appropriée des frais liés à l'entretien des enfants. Ainsi, au début de 2009, pour compenser le surcroît de charges liées à l'entretien des enfants, elle a adopté un montant minimal pour les allocations familiales dans toute la Suisse. D'après la Statistique des assurances sociales suisses publiée en 2012 par l'Office fédéral des assurances sociales, quelque 5 milliards de francs d'allocations familiales ont été versés en 20108. Ces dernières constituent ainsi 3,8 % de toutes les dépenses consacrées aux assurances sociales. L'allocation de maternité versée depuis le 1er juillet 2005 aux femmes exerçant une activité lucrative fait également partie des revenus liés aux enfants; le montant total des allocations de maternité versées en 2011 s'élevait à environ 752 millions de francs9. Au niveau de la Confédération, s'y ajoutent les rentes pour enfant des bénéficiaires de rentes AI ou AVS. Les bénéficiaires d'une rente de l'AI ou de l'AVS ont droit à une rente complémentaire pour chacun de leurs enfants et enfants recueillis qui, à leur décès, auraient droit à une rente d'orphelin, jusqu'à ce que ceux-ci aient 18 ans révolus ou, s'ils sont en formation, 25 ans au plus. Si chacun des parents reçoit une rente AI ou AVS, ils ont droit à deux rentes pour enfant.

La loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité10 prévoit aussi que les bénéficiaires d'une rente de vieillesse ont droit à une rente complémentaire pour chaque enfant qui, à leur décès, aurait droit à une rente d'orphelin; le montant de la rente pour enfant équivaut à celui de la rente d'orphelin.

8 9 10

www.bsv.admin.ch > Documentation > Faits et chiffres > Statistiques > Statistiques des assurances sociales > p. 112 www.bsv.admin.ch > Documentation > Faits et chiffres > Statistiques > Statistiques des assurances sociales > p. 94 RS 831.40

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D'après l'état des lieux des prestations complémentaires pour familles publié par la Conférence suisse des institutions d'action sociale, les cantons du Tessin, de Soleure, de Vaud et de Genève versent actuellement des prestations complémentaires aux familles11. Ces dernières consistent en prestations financières mensuelles.

Elles sont destinées à soutenir les familles dont les revenus ne suffisent pas à couvrir les frais d'entretien. Elles doivent permettre de réduire la pauvreté des familles et d'éviter que les familles à faibles revenus ne soient obligées de recourir à l'aide sociale. Jusqu'à présent, les tentatives d'adopter une réglementation fédérale en la matière ont échoué.

Il faut également mentionner que de nombreuses collectivités publiques encouragent par des subventions l'accueil extra-familial des enfants. Le domaine de l'accueil extra-familial de la prime enfance (structures d'accueil ou parents de jour) s'est fortement développé ces dernières années en Suisse et varie beaucoup d'un canton et d'une commune à l'autre. C'est particulièrement valable pour les formes de financement. Les structures d'accueil sont en grande partie financées par les contributions des parents. Un financement public (canton ou commune) et une participation de l'employeur complètent souvent ces contributions. Le degré de participation des collectivités publiques au financement influence fortement les coûts qui sont impartis aux parents pour l'accueil extra-familial. En cas de financement public, les parents versent en général les frais en fonction de leurs revenus. D'après les données de 2012 de la plate-forme d'information de la Confédération «Conciliation travailfamille»12, la majorité des cantons assume une responsabilité financière. Outre l'allocation d'une contribution à l'exploitation (financement de l'objet) qui allège indirectement les parents, il existe différentes formes de contributions financières directement versées aux parents (financement des personnes). La ville de Lucerne, par exemple, travaille avec des bons d'accueil extra-familial (bons de garde). Le montant du soutien financier varie en fonction du revenu imposable. La ville de Berne aussi introduira des bons de garde au début de 2014.

L'allégement des primes d'assurance-maladie par l'Etat a aussi une incidence financière. Les personnes
vivant dans des conditions économiques modestes reçoivent du canton des allégements individuels. En application de l'art. 65, al. 1bis, de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie13, les cantons allègent les primes des enfants et des jeunes adultes en formation d'au moins 50 %. Depuis l'entrée en vigueur de la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, la contribution annuelle de la Confédération à la réduction des primes d'assurance-maladie s'élève à 7,5 % des coûts bruts de l'assurance-maladie obligatoire, que les cantons doivent financer sur leurs propres ressources. De cette manière, un tiers des ménages reçoit des avantages qui se sont élevés en 2010 à près de quatre milliards de francs au total14.

11 12 13 14

www.skos.ch > Recherche > Fondements/études > Prestations complémentaires pour familles: La situation dans les cantons www.sodk.ch > Actualités > Prises de position > Rapport CDAS: Accueil extrafamilial de la prime enfance, situation dans les cantons 2012 > p. 31 RS 832.10 www.bsv.admin.ch > Documentation > Faits et chiffres > Statistiques > Statistiques des assurances sociales > p. 79

7581

4.2

Mesures fiscales

Outre ces mesures non fiscales, il faut mentionner les allégements accordés aux familles par le droit fiscal. Pour ce qui est de l'impôt fédéral direct, jusqu'à fin 2010, les frais liés à l'entretien des enfants n'étaient pris en compte qu'au moyen de la déduction pour enfants, conçue comme une déduction sociale, et de la déduction, liée aux enfants, des primes d'assurance-maladie et des intérêts des capitaux d'épargne des enfants. Le législateur a développé encore la prise en compte des frais liés à l'entretien des enfants au moyen de la loi fédérale du 25 septembre 2009 sur des allégements fiscaux en faveur des familles avec enfants15, entrée en vigueur en janvier 2011, dans laquelle il a inscrit le barème parental et la déduction pour les frais de garde des enfants par des tiers. Les déductions de l'assiette de l'impôt (déduction pour enfants et déduction, liée aux enfants, des primes d'assurancemaladie et des intérêts des capitaux d'épargne des enfants, déduction pour les frais de garde des enfants par des tiers) diminuent le revenu imposable du contribuable et réduisent ainsi le montant d'impôt à verser. La déduction sur le montant de l'impôt accordée dans le cadre du barème parental a également pour effet de diminuer le montant d'impôt dû. Les mesures évoquées ont des répercussions différentes pour la Confédération. Le tableau qui suit montre la diminution des recettes fiscales due à la prise en compte des frais liés à l'entretien des enfants. Il se fonde sur le produit escompté de l'impôt fédéral direct pour l'année fiscale 2012, estimé à 9,8 milliards de francs: Déduction

Montant

Déduction pour enfants

6500 francs par enfant

532 millions de francs

Déduction des primes d'assurancemaladie et des intérêts des capitaux d'épargne des enfants

700 francs par enfant

52 millions de francs

Déduction pour frais de garde des enfants par des tiers

Au maximum 10 100 francs par enfant

60 millions de francs

Barème parental

251 francs par enfant

Total

Baisse des recettes

250 millions de francs 894 millions de francs

Les déductions actuelles dans le cadre de l'impôt fédéral direct avantagent les revenus élevés en raison de la progressivité de l'impôt. C'est ce qu'illustrent les tableaux qui suivent en présentant une comparaison entre les charges (base: année fiscale 2012). Ils présentent les effets des déductions sur la charge fiscale de deux couples à deux revenus (répartition des revenus: 30/70 %) avec deux enfants dont les revenus bruts de l'activité lucrative diffèrent, et leur incidence sur les finances de la Confédération. La charge fiscale est présentée avec ou sans toutes les déductions mentionnées:

15

RO 2010 455

7582

Couple à deux revenus (répartition des revenus: 30/70 %) avec deux enfants et un revenu brut de 200 000 francs Charge fiscale avec les déductions mentionnées

Charge fiscale sans les déductions mentionnées

Différence en francs

Différence en pourcentage

3267 francs

6361 francs

3094 francs

­48 %

Couple à deux revenus (répartition des revenus: 30/70 %) avec deux enfants et un revenu brut de 70 000 francs Charge fiscale avec les déductions mentionnées

Charge fiscale sans les déductions mentionnées

Différence en francs

Différence en pourcentage

0 francs

154 francs

154 francs

­100 %

La comparaison montre que les familles avec un revenu plus élevé bénéficient, grâce aux déductions liées aux enfants, d'un allégement dont le montant est plus important en raison de la progressivité de l'impôt.

Dans le droit en vigueur, s'y ajoutent les mesures fiscales dans le cadre des impôts cantonaux et communaux. La LHID définit de manière exhaustive les déductions générales que les cantons peuvent prévoir dans leur droit fiscal. Dans le cadre de l'adoption de la loi fédérale sur les allégements fiscaux en faveur des familles avec enfants, que nous avons mentionnée, il a ainsi été décidé que tous les cantons doivent prévoir dès 2013 la déduction des frais de garde des enfants par des tiers. En matière de déductions sociales, la LHID ne prescrit rien aux cantons. Par conséquent, la déduction pour enfants, effectuée sur l'assiette de l'impôt, diffère d'un canton à l'autre. Quelques cantons accordent des déductions échelonnées en fonction de l'âge des enfants. Les déductions actuelles liées aux enfants s'élèvent selon les cantons de 5000 francs à 18 600 francs par enfant (données de l'année fiscale 2012).

L'éventail des mesures fiscales et non fiscales de soutien financier aux familles pour couvrir les charges liées à l'entretien des enfants qui vient d'être présenté couvre un large spectre de domaines et a pris des proportions substantielles pour ce qui est de l'impôt fédéral direct. Ainsi, compte tenu des nouvelles déductions introduites le 1er janvier 2011, environ la moitié de tous les ménages avec enfants (couples mariés et familles monoparentales inclus), soit environ 430 000 ménages, ne paient plus d'impôt fédéral direct sur le revenu imposable (projection sur la base de la statistique fiscale actuelle de l'année fiscale 2009).

Cela concerne également les groupes de personnes particulièrement menacées par la pauvreté, tels que les familles à trois enfants ou plus, ainsi que les femmes élevant seules leurs enfants, lesquels, d'après l'étude genevoise «La situation économique des actifs et des retraités»16, publiée en 2008, sont le plus susceptibles de disposer de faibles ressources financières à titre provisoire ou durable. Le rapport du Conseil fédéral intitulé «Stratégie globale de la Suisse en matière de lutte contre la pauvreté»17, publié le 31 mars 2010, fait également état d'un risque de pauvreté accru pour 16 17

www.bsv.admin.ch > Pratique > Recherche > Rapports de recherche www.bsv.admin.ch > Thèmes > Vieillesse, générations et société > Politique sociale: thèmes choisis > Stratégie de lutte contre la pauvreté

7583

les familles en question. Souvent, elles ne parviennent pas, en dépit de leur activité lucrative, à réunir un revenu suffisant pour assurer elles-mêmes entièrement leur subsistance. Par conséquent, il n'est pas possible d'apporter un soulagement ciblé à ces familles dans le cadre de l'impôt fédéral direct (que ce soit au moyen de déductions, d'exonérations fiscales ou de barèmes favorables). De toute manière, en raison de la répartition actuelle des compétences, la Confédération n'a qu'un champ d'action réduit pour lutter contre la pauvreté. Son engagement consiste donc principalement à soutenir les cantons et les communes dans leur propre politique. C'est pourquoi le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de l'intérieur de mettre en oeuvre le «Programme national de prévention et de lutte contre la pauvreté» pour les années 2014 à 2018 en collaboration avec les cantons, les villes, les communes et les organisations privées. Le programme vise en premier lieu à améliorer l'accès à l'éducation des enfants, jeunes et adultes socialement défavorisés afin qu'ils ne basculent pas dans la pauvreté. En tout, neuf millions de francs lui sont affectés.

La prise en compte des frais liés à l'entretien des enfants dépend fortement de la compétence, étendue, des cantons et des communes. Cela ne concerne pas uniquement la tradition de fédéralisme de la Suisse en matière de droit fiscal, mais également de nombreux domaines du droit des assurances sociales, tels que les montants des allocations familiales définis différemment d'un canton à l'autre, les définitions cantonales des limites du revenu déterminant donnant droit à la réduction individuelle des primes d'assurance-maladie ou encore les réglementations cantonales concernant les prestations complémentaires versées aux familles. L'orientation fédéraliste des mesures aux échelons de la Confédération, des cantons et des communes se révèle variée et rend difficile une évaluation complète de leurs effets financiers sur les différents groupes de revenus. Enfin, il reste la question de l'évaluation politique, à savoir si la couverture des frais liés à l'entretien des enfants incombe aux pouvoirs publics et, dans l'affirmative, dans quelle mesure.

4.3

Les allocations familiales et leur intégration dans les lois fédérales

Les allocations familiales sont des prestations financières directes. En apportant un complément au revenu, elles sont destinées à compenser les frais incombant aux parents pour l'entretien de leurs enfants. La loi fédérale du 24 mars 2006 sur les allocations familiales (LAFam)18 prévoit à cet effet des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle. Le cercle des personnes y ayant droit est défini de manière uniforme pour toute la Suisse:

18

­

les employés des secteurs non agricoles qui perçoivent un salaire mensuel d'au moins 585 francs ou un salaire annuel d'au moins 7020 francs. Les employés qui n'atteignent pas ce revenu minimal ont droit aux allocations familiales en tant que personnes sans activité lucrative.

­

les personnes exerçant une activité lucrative indépendante en dehors du secteur agricole.

RS 836.2

7584

­

les personnes qui sont considérées comme sans activité lucrative au regard de l'AVS si leur revenu imposable dans le cadre de l'impôt fédéral direct ne dépasse pas le montant de 42 120 francs et si elles ne perçoivent pas de prestations complémentaires à l'AVS/AI. Font exception la réglementation du canton de Vaud (plafond de revenu: 56 160 francs) et celles des cantons de Genève, du Jura et du Tessin, qui ne connaissent pas de plafond de revenu.

Le principe «un enfant, une allocation» a presque entièrement été mis en oeuvre lors de l'intégration des personnes exerçant une activité lucrative indépendante dans le champ d'application de la LAFam, au début de 2013. La principale lacune concerne les enfants dont les parents n'exercent pas d'activité lucrative mais ne remplissent pas les conditions mentionnées.

L'allocation pour enfants s'élève au minimum à 200 francs par mois (c'est-à-dire à au moins 2400 francs par an). A partir de la dix-septième année de l'enfant, une allocation de formation professionnelle, le cas échéant, est octroyée jusqu'à la fin de sa formation, mais au plus tard jusqu'à la fin du mois au cours duquel il atteint l'âge de 25 ans. L'allocation de formation professionnelle s'élève au moins à 250 francs par mois (c'est-à-dire au moins à 3000 francs par an). Une seule allocation peut être versée par enfant. Les cantons peuvent prévoir des montants plus élevés dans leurs régimes d'allocations pour enfant et d'allocations de formation professionnelle.

C'est ce que font plus d'un tiers des cantons. En outre, environ un tiers des cantons prévoient des allocations de naissance et d'adoption19. D'après la Statistique des assurances sociales suisses publiée en 2012, plus de 95 % des allocations familiales sont versées en application de la LAFam. Une part importante de leur financement (environ 95 %) est assurée par les cotisations de l'employeur.

Pour les personnes exerçant une activité lucrative agricole, le législateur a créé une réglementation spéciale au moyen de la loi fédérale du 20 juin 1952 sur les allocations familiales dans l'agriculture (LFA)20. Les montants de l'allocation pour enfant et de l'allocation de formation professionnelle correspondent aux montants minimaux inscrits dans la LAFam. Dans les régions de montagne, ces montants sont plus élevés de 20 francs. Le financement des allocations familiales est dans une large mesure public. La Confédération verse deux tiers, les cantons un tiers.

D'après l'assurance-chômage (loi du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage21), la personne assurée reçoit, outre ses indemnités de chômage, un supplément qui correspond aux allocations pour enfant et aux allocations de formation professionnelle prévues par la loi. Dans le cadre de la loi fédérale du 19 juin 1959 sur
l'assuranceinvalidité22, la personne assurée a droit à une indemnité journalière pendant la mise en oeuvre des mesures de réadaptation. Cette indemnité journalière se compose de l'indemnité de base, à laquelle tous les assurés ont droit, et d'une prestation pour enfant, pour les assurés qui ont des enfants. Tant le supplément aux indemnités de chômage que la prestation pour enfant qui complète l'indemnité de base dans le cadre de l'AI sont subsidiaires par rapport aux allocations familiales. Elles ne sont donc versées que si une personne exerçant une activité lucrative ne peut faire valoir 19

20 21 22

Une vue d'ensemble de la nature et des montants des allocations familiales d'après la LAFam, d'après la loi fédérale du 20 juin 1952 sur les allocations familiales dans l'agriculture (LFA) et d'après les lois cantonales peut être consultée à l'adresse suivante: www.bsv.admin.ch > Thèmes > Famille/ allocations familiales RS 836.1 RS 837.0 RS 831.20

7585

le droit pour l'enfant. Le droit à une prestation pour enfant n'existe pas si des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle sont déjà versées.

Ces deux prestations financières, mentionnées uniquement par souci d'exhaustivité, constituent environ 1 % de l'ensemble des allocations familiales versées.

4.4

LIFD et LHID

Selon un principe général, sont soumis à l'impôt sur le revenu tous les revenus périodiques ou uniques (art. 16, al. 1, LIFD et art. 7, al. 1, LHID). D'après la doctrine suisse et la jurisprudence du Tribunal fédéral, le revenu comprend l'ensemble des ressources perçues par un contribuable pendant une période donnée qu'il peut employer à couvrir ses besoins personnels sans diminuer sa fortune23.

La notion de revenu ainsi conçue et applicable au droit fiscal doit également respecter le principe constitutionnel de l'imposition selon la capacité économique. Ce dernier prévoit que chaque personne doit contribuer au financement des charges publiques en proportion des moyens dont elle dispose et en fonction de sa situation personnelle. Dans l'idéal, l'uniformité de l'imposition n'est garantie en ce sens que si tous les revenus sont compris dans l'objet fiscal. Le principe de l'imposition selon la capacité économique se révèle donc un principe d'ordre fondamental de la législation relative à l'impôt sur le revenu. Ces dernières années, des manquements à ce principe ont été éliminés dans le système. Les exemples les plus marquants sont l'imposition des rentes de l'assurance militaire versées ou échues à partir du 1er janvier 1994 ainsi que la pleine imposition des rentes AVS et AI (depuis le 1er janvier 1995 dans la LIFD, et depuis 2001 à l'échelon des cantons).

Toute augmentation de la fortune est synonyme de revenu imposable. Tous les revenus bruts après déduction des dépenses afférentes (frais professionnels) constituent la mesure de la capacité économique. Ce principe de l'imposition de l'ensemble du revenu net n'est cependant pas toujours appliqué de manière cohérente dans la législation suisse relative à l'impôt sur le revenu. Le législateur se fonde certes sur une notion du revenu large, cependant, pour des raisons de politique sociale, des limites sont posées préalablement à l'application du principe de la totalité, c'est-àdire de la prise en compte de l'ensemble des revenus. Ainsi, les revenus qui sont expressément exonérés de l'impôt par les deux lois fédérales (art. 24 LIFD et art. 7, al. 4, LHID) sont exclus de l'imposition.

Les allocations pour enfant et les allocations de formation professionnelle n'y sont pas mentionnées. Dans le droit en vigueur, elles font partie intégrante du salaire,
car elles augmentent la capacité économique de leur bénéficiaire. Dans la mesure où les allocations pour enfants et les allocations de formation professionnelle sont versées par l'employeur, elles doivent figurer sur le certificat de salaire. Si elles sont versées par la caisse de compensation, elles doivent également figurer à la rubrique appropriée sur le certificat de salaire.

23

ATF 114 Ia 221

7586

5

Conséquences si les frais liés aux enfants ne sont plus pris en compte qu'en dehors du droit fiscal

L'imposition selon la capacité économique peut être guidée par la capacité économique objective ou subjective. Dans ces deux conceptions, les revenus du contribuable diminués des frais professionnels constituent le point de départ pour calculer l'impôt (selon le principe du produit net). La conception de la capacité économique subjective repose sur le principe qu'il convient de tenir compte de la situation individuelle du contribuable, et donc des frais liés à l'entretien des enfants, le cas échéant, en plus des déductions sociales et des déductions générales. A l'inverse, la conception de la capacité économique objective tient compte des frais liés à l'entretien des enfants au moyen d'un transfert social en dehors du droit fiscal.

Le droit en vigueur en matière d'imposition sur le revenu suit le principe de la capacité économique subjective. Cela permet la prise en compte détaillée des facteurs individuels qui déterminent la capacité économique du contribuable. Comme nous l'avons expliqué au ch. 4.2, ces dernières années, le législateur a adapté diverses déductions ou inscrit de nouvelles déductions dans la loi pour mieux tenir compte de la capacité économique subjective des contribuables. A cette conception correspond également une déduction pour enfants pensée comme une déduction sociale. Elle est destinée à garantir que les contribuables qui élèvent des enfants et ceux qui n'en ont pas et disposent par ailleurs du même revenu aient aussi la même capacité économique, malgré les frais liés à l'entretien des enfants. Dans un système fondé sur la capacité économique subjective des contribuables, les allocations pour enfant et les allocations de formation professionnelle sont imposables en tant qu'élément du salaire.

Le passage au principe de la capacité économique objective serait envisageable pour l'ensemble du domaine de la prise en compte fiscale des frais d'entretien liés aux enfants. En cas d'application cohérente de ce principe, les frais d'entretien liés aux enfants, grâce à des mesures de politique sociale, ne seraient plus pris en compte qu'en dehors du système fiscal. Au lieu des possibilités actuelles de tenir compte des frais d'entretien liés aux enfants par de nouvelles déductions ou de nouveaux barèmes dans le cadre du système fiscal, des allocations publiques aux familles exonérées
d'impôt et allant dans le même sens que ce que préconise l'initiative populaire (exonération fiscale des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle) seraient prévues. Dans un système purement fondé sur la capacité économique objective, l'octroi de déductions liées aux enfants n'aurait, par suite logique, plus lieu d'être. Dans cette nouvelle conception, chaque enfant, indépendamment de la situation économique de ses parents, bénéficierait d'une contribution d'un même montant.

Afin d'examiner plus précisément les conséquences d'un tel passage au principe de l'imposition selon la capacité économique objective, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral des finances (DFF) de réaliser une étude de faisabilité en collaboration avec le Département fédéral de l'intérieur (DFI) et le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR). Les déductions fiscales liées aux enfants que nous connaissons actuellement seraient supprimées, et, en contrepartie, l'introduction d'une prestation pour enfant exonérée de l'impôt serait examinée. Pour compenser la suppression de la déduction pour frais de garde des enfants par des tiers, une subvention pour l'accueil extra-familial des enfants doit

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être envisagée. Les résultats de l'étude de faisabilité seront connus probablement d'ici la fin de 2013.

6

Appréciation de l'initiative

6.1

Aucune réforme n'est véritablement nécessaire

Le Conseil fédéral s'engage pour une politique sociale en faveur des familles. Afin d'alléger la charge des parents qui élèvent des enfants, des mesures sont déjà prévues en dehors du droit fiscal. En font partie les montants minimaux des allocations familiales, l'allocation pour perte de gain en cas de maternité ainsi que la réduction individuelle des primes de l'assurance obligatoire des soins. Dans le domaine du droit fiscal, le Conseil fédéral a aussi fortement encouragé les mesures d'allégement des familles ces dernières années. De cette manière, les frais liés à l'entretien des enfants sont pris en compte lors du calcul de l'impôt fédéral direct. Les déductions actuelles apportent un allégement substantiel aux familles avec enfants par rapport aux contribuables sans enfant. Avant l'introduction de la loi fédérale sur les allégements fiscaux en faveur des familles avec enfants, 15 % des ménages avec enfants, soit quelque 135 000 ménages (couples mariés avec enfants et familles monoparentales), ne payaient pas d'impôt fédéral direct en raison de leur revenu imposable trop faible. En tenant compte des nouvelles déductions introduites le 1er janvier 2011 (déduction pour frais de garde des enfants par des tiers et barème parental), depuis lors, environ la moitié des ménages avec enfants, soit environ 430 000 ménages, ne paient plus d'impôt fédéral direct (projection sur la base de la statistique fiscale actuelle de l'année fiscale 2009). Il n'est pas possible d'alléger davantage ces ménages en exonérant de l'impôt fédéral direct les allocations pour enfant et les allocations de formation professionnelle.

Aujourd'hui, un ménage à un revenu, dont le montant est inférieur à environ 97 500 francs, avec deux enfants ne paie pas d'impôt fédéral direct (base: prise en compte des déductions liées aux enfants pendant l'année fiscale 2012 sans la déduction des frais de garde des enfants par des tiers). Un ménage à deux revenus (répartition des revenus: 30/70 %) ne paie d'impôt fédéral direct que si le montant du revenu est supérieur. En supposant qu'en raison d'un taux d'activité partiel, la déduction maximale pour les frais de garde des enfants par des tiers s'applique, l'impôt sur le revenu, à l'échelon de la Confédération, doit être versé à partir d'un revenu brut de l'activité lucrative d'environ 126
000 francs.

Pour ce qui est des impôts cantonaux et communaux, en cas d'acceptation de l'initiative populaire, l'allégement apporté aux ménages avec enfants différerait d'un lieu de domicile à l'autre, tout comme les barèmes fiscaux. Le problème fondamental, à savoir que les ménages avec enfants à revenus élevés bénéficient d'un allégement d'un montant plus élevé en raison de la progressivité de l'impôt, se pose également dans le cadre des impôts cantonaux et communaux.

Le droit fiscal en vigueur tient déjà compte de manière appropriée des frais d'entretien liés aux enfants au moyen de déductions (capacité économique subjective). L'exonération fiscale des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle créerait un avantage supplémentaire. Ainsi, les frais liés à l'entretien des enfants seraient pris en compte, dans ce domaine spécifique, selon la capacité économique objective. Il convient de se demander pour chaque exonération 7588

fiscale de revenus, dans quelle mesure elle est conciliable avec le principe de l'imposition selon la capacité économique. En principe, en vertu de la conception de l'imposition selon la capacité économique subjective, tous les avantages appréciables en argent qu'un contribuable reçoit pendant une période donnée constituent un revenu imposable. Si les allocations pour enfant et les allocations de formation professionnelle ne sont plus prises en compte dans l'assiette de l'impôt, sans que soient limitées dans le même temps la déduction pour enfants et la déduction des primes d'assurance-maladie et des intérêts des capitaux d'épargne des enfants, on s'éloigne de ce principe d'imposition fondamental prescrit par la Constitution.

Pour désamorcer ce problème et créer une compensation, il serait théoriquement envisageable, en cas d'acceptation de l'initiative populaire par le peuple et les cantons, d'opérer une réduction de la déduction pour enfants. La déduction sociale de 6500 francs par enfant serait diminuée du montant total des allocations familiales exonérées d'impôt, à savoir de 2400 francs (= montant minimal annuel), dans la LIFD. Cependant, d'un point de vue politique, il n'est pas très réaliste de coupler ces mesures. Un tel lien ne ressort pas non plus du texte de l'initiative.

La Confédération, les cantons et les communes doivent continuer de mener une politique familiale ciblée, en premier lieu au moyen des mesures non fiscales existantes. Car un encouragement direct se révèle plus efficace, efficient et transparent que des allégements fiscaux. Il est soumis à une décision budgétaire du Parlement et il est donc plus fiable, eu égard au contrôle de son efficacité et aux adaptations correspondantes. En ce qui concerne les effets de l'encouragement, les allégements fiscaux présentent l'inconvénient supplémentaire que le degré de l'allégement dépend fortement du revenu.

6.2

L'exonération fiscale entraînerait des inégalités de traitement et des demandes complémentaires

L'exonération fiscale qui est demandée dans le cadre du système de déductions actuel ne conduirait pas au but visé et créerait des inégalités de traitement. Ainsi, toutes les familles peuvent aujourd'hui faire valoir la déduction pour enfants, laquelle, en raison de la progressivité de l'impôt, a un effet d'allégement plus fort sur le revenu imposable des familles à revenus moyens et élevés. Si les allocations familiales et les allocations de formation professionnelle devaient être exonérées de l'impôt à l'avenir, cet allégement fiscal, à nouveau, favoriserait les classes de revenus moyens et élevés. Le fonctionnement de cet effet est illustré par un exemple chiffré d'un cas simplifié. Dans l'exemple qui suit, on suppose que le revenu imposable dans le cadre de l'impôt fédéral direct est le même que dans le cadre des impôts cantonaux et communaux et que les déductions liées aux enfants restent les mêmes que dans le droit en vigueur après acceptation de l'initiative.

Les Müller, qui habitent à St-Gall, ont trois enfants de 6, 8 et 17 ans, ce dernier enfant étant en formation. En 2012, le revenu imposable de la famille s'élève à 77 800 francs et se conpose du revenu du père, soit 70 000 francs, et des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle (par mois: 2 × 200 francs d'allocations pour enfant et 1 x 250 francs d'allocations de formation professionnelle). Si l'imposition des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle n'a plus lieu à l'avenir, le couple pourra réaliser les économies

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suivantes dans le cadre de l'impôt fédéral direct ainsi que dans celui des impôts cantonaux et communaux:

Revenu imposable Impôt sur le revenu SG Impôt fédéral direct (barème parental: 3×251 fr.)

Droit en vigueur

Après acceptation de l'initiative

Différence en francs

Différence en pourcentage

77 800 fr.

70 000 fr.

9 526 fr.

7 810 fr.

­1716 fr.

­18,0 %

230 fr.

0 fr.

­230 fr.

­100 %

Les Schmid, qui habitent aussi à St-Gall, ont trois enfants de 6, 8 et 17 ans, ce dernier enfant étant en formation. En 2012, le revenu imposable de la famille s'élève à 157 800 francs et se compose du revenu du père, soit 150 000 francs, et des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle, soit 7800 francs. Si l'imposition des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle n'a plus lieu à l'avenir, le couple pourra réaliser les économies suivantes dans le cadre de l'impôt fédéral direct ainsi que dans celui des impôts cantonaux et communaux:

Revenu imposable Impôt sur le revenu SG Impôt fédéral direct (barème parental: 3×251 fr.)

Droit en vigueur

Après acceptation de l'initiative

Différence en francs

Différence en pourcentage

157 800 fr.

150 000 fr.

28 571 fr.

26 598 fr.

­1973 fr.

­6,9 %

6 323 fr.

5 309 fr.

­1014 fr.

­16,0 %

La comparaison dans le cadre de l'impôt fédéral direct montre que, en raison de la progressivité de l'impôt, l'économie se traduit par un montant nettement plus élevé pour le revenu imposable le plus élevé; il en va de même, mais dans une moindre mesure, dans le cadre des impôts cantonaux et communaux.

Il y a lieu de craindre que l'acceptation de l'initiative n'entraîne des demandes complémentaires visant à soustraire autrement d'autres éléments du revenu de l'assiette de l'impôt et à échapper ainsi au principe de l'imposition selon la capacité économique.

6.3

Conséquences financières

L'exonération fiscale des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle entraînerait une diminution des recettes de l'impôt fédéral direct de 200 millions de francs par an environ (selon les données de l'année fiscale 2009).

Pour ce qui est des impôts cantonaux et communaux, la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CDF) a calculé qu'en cas d'acceptation de l'initiative, la diminution des recettes s'élèverait à environ 760 millions de francs.

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6.4

Mise en oeuvre

D'après l'art. 195 Cst., la Constitution révisée totalement ou partiellement entre en vigueur dès que le peuple et les cantons l'ont acceptée. Le report de l'entrée en vigueur n'est possible que lorsque le projet de révision prévoit celle-ci à une date ultérieure ou lorsqu'il délègue la compétence de régler cette question à l'Assemblée fédérale ou au Conseil fédéral. Aucune de ces conditions ne vaut pour l'initiative populaire déposée. Elle ne contient pas non plus de disposition transitoire. La disposition constitutionnelle proposée se limite à prévoir l'exonération fiscale des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle. Elle est suffisamment précise pour être mise en oeuvre immédiatement. C'est pourquoi, en cas d'acceptation de l'initiative, la disposition constitutionnelle entrera immédiatement en vigueur et sera directement applicable. Ainsi, à partir du mois au cours duquel la votation aura eu lieu, les allocations pour enfant et les allocations de formation professionnelle ne feront plus partie du revenu imposable. Pour inscrire la réglementation dérogatoire dans la loi, il faudra, dans la prochaine étape, compléter la liste des revenus exonérés de l'impôt dans les deux lois fédérales concernées (art. 24 LIFD et art. 7, al. 4, LHID).

7

Conclusions

Le PDC suisse a lancé une initiative populaire pour que des allégements fiscaux supplémentaires soient accordés aux familles avec enfants. Il demande à cette fin l'exonération fiscale des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle.

Le Conseil fédéral s'engage pour une politique sociale en faveur des familles. Une série de mesures fiscales et non fiscales permet déjà d'alléger la charge des parents qui élèvent des enfants. En font partie les montants minimaux des allocations familiales, l'allocation pour perte de gain en cas de maternité ainsi que la réduction individuelle des primes de l'assurance obligatoire des soins. Dans le domaine du droit fiscal aussi, le Conseil fédéral a encouragé les mesures d'allégement des familles ces dernières années. En adoptant la déduction pour frais de garde des enfants par des tiers ainsi que le barème parental dans le cadre de l'impôt fédéral direct, il a mieux pris en compte la capacité économique des familles avec enfants.

Le Conseil fédéral s'oppose à l'exonération fiscale des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle qui est demandée. Les raisons déterminantes en sont les suivantes: ­

en raison des mesures d'allégement qui ont déjà été adoptées dans le domaine fiscal, une réforme n'est pas véritablement nécessaire. C'est avant tout au moyen des mesures non fiscales déjà en vigueur que la Confédération, les cantons et les communes doivent mener leur politique en faveur des familles;

­

le droit fiscal doit être régi par le principe de l'imposition selon la capacité économique. Les frais liés à l'entretien des enfants sont pris en considération dans le droit en vigueur au moyen de déductions correspondantes. Les allocations pour enfant et les allocations de formation professionnelle font partie du salaire et sont donc imposables;

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­

si ces allocations étaient exonérées de l'impôt, les familles à revenus plus élevés bénéficieraient d'allégements d'un montant plus élevé que les familles à revenus plus bas en raison de la progressivité de l'impôt. Cet effet serait encore accentué par le fait que, en dépit d'une harmonisation étendue des conditions matérielles d'obtention des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle, les montants diffèrent d'un canton à l'autre;

­

la mesure est trop peu ciblée. Ainsi, les familles qui ne paient pas d'impôt fédéral direct aujourd'hui ne bénéficieraient d'aucun allégement supplémentaire, du moins à l'échelon fédéral. L'initiative crée aussi des inégalités de traitement. Ainsi modifié, le droit fiscal ne tiendrait plus compte du fait que les parents perçoivent des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle de montants différents, ou, parfois, n'en perçoivent pas;

­

l'exonération fiscale des allocations pour enfant et des allocations de formation professionnelle aurait également des conséquences sur les budgets publics. Elle entraînerait une diminution des recettes d'environ 200 millions de francs pour l'impôt fédéral direct, et d'environ 760 millions de francs pour les impôts cantonaux et communaux.

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