13.057 Message relatif à l'initiative populaire «Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires (abolition des forfaits fiscaux)» du 26 juin 2013

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre l'initiative populaire «Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires (abolition des forfaits fiscaux)» au vote du peuple et des cantons, en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

26 juin 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2013-0968

4847

Condensé L'initiative populaire «Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires (abolition des forfaits fiscaux)» demande la suppression de l'imposition d'après la dépense.

Le Conseil fédéral rejette cette initiative. Il souhaite conserver cet instrument politique important pour l'économie.

Contenu de l'initiative populaire L'initiative populaire «Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires (abolition des forfaits fiscaux)» a été déposée le 19 octobre 2012 avec 103 012 signatures valables. Elle demande la suppression de l'imposition d'après la dépense. L'imposition d'après la dépense repose sur une manière particulière de déterminer le revenu et la fortune. Les impôts ne sont pas calculés sur la base du revenu et de la fortune effectifs, mais sur la base des dépenses occasionnées, en Suisse et à l'étranger, par le train de vie du contribuable et des personnes à sa charge. L'imposition d'après la dépense peut être demandée par des ressortissants étrangers qui s'établissent en Suisse (domicile fiscal) pour la première fois ou après une absence d'au moins dix ans et qui n'y exercent pas d'activité lucrative.

Bénéfices et lacunes de l'initiative En cas d'acceptation de l'initiative, le principe de l'équité fiscale horizontale sera entièrement respecté. L'initiative ne tient toutefois compte ni de l'importance de l'imposition d'après la dépense pour les recettes fiscales et l'économie de certains cantons, ni de l'affaiblissement de l'attrait économique de la Suisse qu'elle entraînerait.

Proposition du Conseil fédéral Par le présent message, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander le rejet de l'initiative populaire «Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires (abolition des forfaits fiscaux)».

4848

Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Teneur de l'initiative

L'initiative populaire «Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires (abolition des forfaits fiscaux)» a la teneur suivante: I La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 127, al. 2bis (nouveau) 2bis Les privilèges fiscaux pour les personnes physiques sont illicites. L'imposition d'après la dépense est interdite.

II Les dispositions transitoires de la Constitution sont complétées comme suit: Art. 197, ch. 9 (nouveau) 9. Disposition transitoire ad art. 127, al. 2bis (Principes régissant l'imposition) La Confédération édicte la législation d'exécution dans un délai de trois ans à compter de l'acceptation de l'art. 127, al. 2bis.

1

2 Si aucune loi d'exécution n'est mise en vigueur dans ce délai, l'art. 127, al. 2bis, s'applique directement.

1.2

Aboutissement et délai de traitement

L'initiative populaire «Halte aux privilèges fiscaux des millionnaires (abolition des forfaits fiscaux)» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 5 avril 20112 et a été déposée avec le nombre requis de signatures le 19 octobre 2012.

Par décision du 20 novembre 2012, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 103 012 signatures valables et qu'elle avait donc abouti3.

L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose pas de contre-projet direct ou indirect. Conformément à l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)4, le Conseil fédéral a donc jusqu'au 19 octobre 2013 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté accompagné d'un message. Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale a 1 2 3 4

RS 101 FF 2011 3353 FF 2012 8512 RS 171.10

4849

jusqu'au 19 avril 2015 pour adopter la recommandation de vote qu'elle présentera au peuple et aux cantons.

1.3

Validité

L'initiative remplit les critères de validité énumérés à l'art. 139, al. 3, de la Constitution5 (Cst.): a.

elle obéit au principe de l'unité de la forme, puisqu'elle revêt entièrement la forme d'un projet rédigé;

b.

elle obéit au principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

c.

elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

L'initiative est donc valable.

2

Contexte

2.1

Réglementation dans la LIFD et la LHID

L'imposition d'après la dépense repose sur une manière particulière de déterminer le revenu et la fortune. Les impôts ne sont pas calculés sur la base du revenu et de la fortune effectifs, mais sur la base des dépenses occasionnées, en Suisse et à l'étranger, par le train de vie du contribuable et des personnes à sa charge. La loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD)6 et la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID)7 prévoient l'imposition d'après la dépense lorsque les conditions cumulées suivantes sont remplies (voir art. 14 LIFD et art. 6 LHID): ­

domicile en Suisse, pour la première fois ou après une absence d'au moins dix ans;

­

nationalité étrangère;

­

pas d'activité lucrative en Suisse.

Les citoyens suisses peuvent être imposés d'après la dépense pendant l'année au cours de laquelle ils s'établissent en Suisse pour la première fois ou après une absence d'au moins dix ans. L'année suivante toutefois, ils sont obligatoirement imposés suivant la procédure ordinaire.

Les dépenses occasionnées par le train de vie du contribuable durant l'année fiscale constituent la base de calcul de l'impôt, pour laquelle la Confédération et les cantons prévoient toutefois une limite plancher (p. ex. le quintuple des frais de logement; pour la révision du 28 septembre 2012 de l'imposition d'après la dépense, voir ch.

2.3). Par ailleurs, l'impôt calculé d'après la dépense est comparé au montant de l'impôt qui serait dû en cas de taxation du revenu et (dans les cantons) des avoirs 5 6 7

RS 101 RS 642.11 RS 642.14

4850

suisses ainsi que, compte tenu des avantages des conventions contre les doubles impositions, de certains revenus étrangers suivant la procédure ordinaire (calcul de contrôle). Le montant le plus élevé entre les dépenses occasionnées par le train de vie du contribuable, la limite plancher et le calcul de contrôle détermine la base de calcul de l'impôt. L'impôt d'après la dépense se calcule au moyen du barème ordinaire. Les cantons sont libres de prévoir ou non l'imposition d'après la dépense.

S'ils l'introduisent dans leur législation, ils sont tenus de respecter les prescriptions de la LHID. S'ils ne l'introduisent pas, l'imposition d'après la dépense reste tout de même applicable pour l'impôt fédéral direct.

2.2

Réglementation dans les conventions contre les doubles impositions

Peuvent bénéficier des conventions contre les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (CDI) signées entre deux Etats les personnes qui résident dans l'un ou dans les deux Etats contractants. Dans le cadre de l'imposition d'après la dépense, la question de la résidence et donc du droit de bénéficier des avantages des CDI suisses est particulièrement importante.

Les CDI conclues par la Suisse se divisent en trois catégories. La catégorie qui compte le plus de CDI regroupe les CDI conclues avec les Etats qui considèrent une personne habitant en Suisse comme un résident de Suisse même si cette personne est imposée d'après la dépense (imposition ordinaire d'après la dépense). D'autres Etats exigent une imposition d'après la dépense «modifiée». Les CDI conclues avec ces Etats (la Belgique, l'Allemagne, l'Italie, le Canada, la Norvège, l'Autriche et les Etats-Unis) constituent la deuxième catégorie. Ces Etats considèrent qu'une personne physique est un résident de Suisse et donc qu'elle peut bénéficier des avantages de la convention correspondante uniquement si elle déclare tous les revenus provenant de l'Etat contractant concerné pour l'imposition sur le revenu en Suisse. Ils demandent une imposition au taux appliqué au revenu global imposable en Suisse.

La CDI signée avec la France contient une particularité; c'est pourquoi elle constitue une troisième catégorie. D'après cette convention, une personne n'est pas un résident de l'un des Etats contractants lorsqu'elle y est imposée sur la base d'un forfait calculé à partir de la valeur locative de son logement. Depuis le 1er janvier 2013, la France considère que les personnes imposées d'après la dépense en Suisse sont imposées sur la base d'un tel forfait et leur refuse par conséquent les avantages de la convention conclue avec la Suisse. La Suisse, quant à elle, continue de partir du principe que les personnes imposées d'après la dépense en Suisse sont des résidents de Suisse au sens de la CDI.

4851

2.3

Révision de l'imposition d'après la dépense

Ces dernières années, l'imposition d'après la dépense a fait progressivement l'objet d'un débat controversé, surtout depuis que le canton de Zurich l'a abolie suite à une votation populaire. Le Conseil fédéral s'est toujours montré favorable a son maintien. Il a toutefois estimé qu'une réforme était nécessaire et a donc soumis un message aux Chambres fédérales le 29 juin 20118 proposant de durcir les conditions de ce mode d'imposition. La réforme a été élaborée en étroite collaboration avec la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances et avec le soutien des cantons.

Le 28 septembre 2012, les Chambres ont adopté le projet de loi sans en modifier le contenu9. Le délai référendaire s'est achevé le 17 janvier 2013 sans avoir été utilisé.

Le 20 février 2013, le Conseil fédéral a donc décidé des dates de l'entrée en vigueur: le 1er janvier 2014 pour la modification de la LHID et le 1er janvier 2016 pour la modification de la LIFD10 (les deux lois entreront en vigueur à des dates différentes car l'art. 72q LHID prévoit un délai d'adaptation de deux ans pour le droit cantonal et que l'objectif est de faire en sorte que les nouvelles réglementations déploient leurs effets en même temps à l'échelon fédéral et cantonal).

L'essentiel des modifications sont les suivantes:

8 9 10

­

Pour l'impôt fédéral direct et pour les impôts cantonaux, le septuple du loyer ou de la valeur locative, ou le triple du prix de la pension pour le logement et la nourriture détermine les dépenses globales minimales.

­

Pour l'impôt fédéral direct, il est aussi fixé une base de calcul minimale de 400 000 francs. Les cantons sont également tenus de fixer une base de calcul minimale, mais sont libres d'en fixer le montant.

­

Il est fixé clairement que les dépenses globales sont déterminantes.

­

Les cantons sont tenus explicitement de tenir compte de l'impôt sur la fortune pour déterminer l'imposition d'après la dépense.

­

Les époux qui font ménage commun doivent remplir tous les deux toutes les conditions nécessaires pour pouvoir bénéficier de l'imposition d'après la dépense.

­

L'imposition d'après la dépense n'est plus possible pour les citoyens suisses pendant l'année au cours de laquelle ils s'installent en Suisse.

­

Aux personnes imposées d'après la dépense au moment de l'entrée en vigueur des modifications de la LIFD, le droit actuel s'applique pendant les cinq ans suivant l'entrée en vigueur, autrement dit jusqu'au 31 décembre 2020.

FF 2011 5605 FF 2012 7637 RO 2013 779 782

4852

2.4

Imposition d'après la dépense dans les cantons

Imposition d'après la dépense abolie dans le canton

ZH, AR, SH, BL, BS

Initiative populaire visant sa suppression rejetée, mais législation durcie

TG, SG, LU, BE, NW

Initiative populaire aboutie, mais pas encore votée

GE (votation au plus tôt en 2014), TI

Initiative populaire lancée

ZG, OW

Initiative populaire non aboutie

VD, AG

3

Buts et teneur de l'initiative

Les auteurs de l'initiative estiment que l'imposition d'après la dépense constitue un privilège fiscal indu. Ils demandent donc qu'elle soit supprimée La question de la portée de la première phrase du nouvel art. 127, al. 2bis, Cst. («Les privilèges fiscaux pour les personnes physiques sont illicites.») se pose.

L'art. 127, al. 2, Cst. fixe les principes de l'imposition: respect de l'universalité, de l'égalité de traitement et de la capacité économique. Ils concrétisent le principe de l'égalité dans le droit fiscal. Le principe de l'universalité doit garantir que la plus grande part possible de la population participe au financement des dépenses de l'Etat. Le respect du principe de l'égalité de traitement doit faire en sorte que les personnes qui se trouvent dans les mêmes conditions soient imposées de la même manière et qu'il soit tenu compte des conditions de vie fondamentalement différentes entre personnes pour déterminer la charge fiscale correspondante. Le principe essentiel est celui du respect de la capacité économique. Suivant ce principe, les contribuables doivent être imposés proportionnellement aux moyens financiers qu'ils ont à disposition; la charge fiscale de chaque contribuable doit être adaptée aux biens économiques à sa disposition et à sa situation personnelle11.

La première phrase du texte de l'initiative n'a donc pas de portée qui va plus loin que celle de l'art. 127, al. 2, Cst., ou du principe de l'égalité fixé à l'art. 8 Cst.

Les dispositions transitoires donnent à la Confédération trois ans, à compter de l'acceptation de l'initiative, pour édicter la législation d'exécution. Si aucune loi d'exécution n'est mise en vigueur dans ce délai, la disposition proposée s'applique directement.

Cela signifie que le texte de l'initiative entrerait en vigueur le jour de son acceptation éventuelle par le peuple et les cantons, conformément à l'art. 195 Cst.; toutefois, l'art. 127, al. 2bis, Cst. ne serait pas applicable immédiatement. La législation d'exécution devrait être édictée dans les trois ans. Jusqu'à l'entrée en vigueur de cette dernière, l'imposition d'après la dépense continuerait de s'appliquer conformément au droit en vigueur.

11

Kurt Vallender/René Wiederkehr, St. Galler Kommentar, St. Gallen, 2008, ad art. 127, al. 2, Cst., ch. 9 ss, avec autres indications

4853

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Appréciation des exigences de l'initiative

4.1.1

Equilibre entre attrait économique et équité fiscale

L'imposition d'après la dépense doit tenir compte à la fois de l'attrait économique de la Suisse et de l'équité fiscale. Il faut donc peser le pour et le contre du recours à cet instrument.

En ce qui concerne l'équité fiscale, l'art. 127, al. 2, Cst. prescrit que le prélèvement de l'impôt doit respecter les principes de l'universalité, de l'égalité de traitement et de la capacité économique, en particulier. Pour ce qui est de la capacité économique, il faut distinguer l'équité fiscale horizontale de l'équité fiscale verticale. Pour respecter l'équité fiscale horizontale, les éléments fiscaux comparables doivent être imposés de la même manière (traitement fiscal comparable d'éléments comparables). Selon le principe de l'équité fiscale verticale, les individus ayant une capacité économique différente doivent être imposés de manière différente (traitement fiscal différent d'éléments différents). En l'occurrence, les personnes ayant une plus grande capacité économique doivent payer davantage d'impôts que les personnes dont la capacité économique est moindre.

En ce qui concerne l'équité fiscale, le Conseil fédéral souligne que des contribuables dont la capacité économique est comparable se trouvent imposés différemment en raison de l'imposition d'après la dépense, ce qui contrevient au principe de l'équité fiscale horizontale12.

L'imposition d'après la dépense a toutefois des retombées positives sur l'économie.

En matière de concurrence fiscale internationale, elle renforce l'attrait de la Suisse aux yeux des ménages internationaux fortunés et très mobiles quiexercent un effet positif sur l'emploi et s'acquittent d'impôts sur le revenu plus élevés que la moyenne.

12 13

14

­

Un rapport de l'Administration fédérale des contributions (AFC)13 estime à 22 497 le nombre des places de travail lié à l'imposition d'après la dépense.

Cependant, l'estimation de l'ampleur de l'effet sur l'emploi est loin de constituer une base fiable: les chiffres mentionnés dans le rapport sont une valeur maximale. Il faut notamment prendre en considération le fait que les travailleurs actifs dans les secteurs concernés (en particulier la construction et l'immobilier) auraient, sans l'arrivée des personnes imposées d'après la dépense, vraisemblablement trouvé du travail dans un autre domaine14. Dans ce contexte, l'imposition d'après la dépense ne devrait avoir d'effets économiques que dans les régions (périphériques) défavorisées.

­

En 2012, 5634 personnes ont été imposées d'après la dépense. Ces personnes ont payé un total de 695 millions de francs à la Confédération, aux canVoir le message du 29 juin 2011 relatif à la loi fédérale sur l'imposition d'après la dépense, FF 2011 5605 5629 Rapport de l'AFC du 25.1.2010 «Die Besteuerung nach dem Aufwand aus ökonomischer Sicht»; disponible (en allemand) sous www.estv.admin.ch/Documentation/Faits et chiffres/Rapports Voir Rentsch, Hans (2012), Pauschalbesteuerung ­ eine Lanze für den Steuerföderalismus. In: G. Schwarz et M. Salvi (Avenir Suisse, Ed.), Steuerpolitische Baustellen.

Zürich 2012, p. 239.

4854

tons et aux communes au titre de l'impôt sur le revenu. Le revenu moyen par personne imposée d'après la dépense s'est ainsi élevé à 123 358 francs sur les trois échelons15.

4.1.2

Comparaison avec d'autres Etats

En comparaison internationale, la Suisse, s'agissant de la possibilité qu'elle offre à certains groupes de contribuables précis de bénéficier d'une imposition particulière, ne fait pas figure d'exception.

Hongkong et Singapour, par exemple, ont aménagé un système fiscal dit territorial. Dans ce système, les revenus provenant de l'étranger sont généralement exemptés d'impôt; seuls les revenus de source nationale sont imposés. D'autres Etats appliquent aussi ce système territorial. Toutefois, dans certains cas, ce système ne s'applique non pas à tous les contribuables, mais uniquement aux personnes qui remplissent certaines conditions et qui établissent leur domicile fiscal dans l'Etat concerné pendant une durée limitée, souvent cinq ou dix ans. La Chine, la Belgique, l'Espagne et le Portugal, notamment, appliquent ce genre de système fiscal.

D'autres Etats n'imposent pas les revenus provenant de l'étranger de certains contribuables, dans la mesure où ces revenus ne sont pas transférés («remitted» en anglais) dans l'Etat concerné. L'exemple le plus connu est celui du Royaume-Uni. Le Japon, l'Irlande ou Malte ont toutefois aussi la possibilité de recourir à ce genre d'imposition dans certains cas16.

4.1.3

Conclusion

Le Conseil fédéral sait l'importance que l'imposition d'après la dépense revêt pour l'attrait de la Suisse et, par conséquent, pour le produit des impôts et pour l'économie.

Le durcissement décidé lors de la réforme récente de l'imposition d'après la dépense contribue pour l'essentiel à mieux tenir compte du principe de l'imposition selon la capacité économique. Le Conseil fédéral estime que cette décision est un compromis équilibré entre les exigences en matière d'équité fiscale et celles en matière d'attrait économique, auxquelles les cantons en particulier doivent aussi satisfaire.

Le Conseil fédéral est donc d'avis que l'instrument de l'imposition d'après le dépense doit être maintenu.

15 16

Source: communiqué de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CDF) du 17.5.2013.

www.ibfd.org/IBFD-Tax-Portal/About-Tax-Research-Platform

4855

4.2

Conséquences de l'initiative en cas d'acceptation

4.2.1

Conséquences juridiques

Si l'initiative populaire est acceptée par le peuple et les cantons, la possibilité d'imposer sur la base de leurs dépenses au lieu de leurs revenus les personnes qui s'installent pour la première fois en Suisse et n'y exercent pas d'activité lucrative disparaît. Les personnes imposées jusqu'à présent d'après la dépense seraient alors, pour autant qu'elles maintiennent leur domicile fiscal en Suisse, imposées en suivant la procédure ordinaire. Si ces personnes quittaient la Suisse, l'assujettissement illimité en Suisse tomberait. Elles demeureraient toutefois soumises à une imposition limitée en raison de l'existence d'une appartenance économique (p. ex. bien immobilier en Suisse). Les nouvelles personnes s'installant en Suisse seraient imposées en suivant la procédure ordinaire.

4.2.2

Conséquences financières

La suppression de l'imposition d'après la dépense aurait des répercussions financières sur les recettes fiscales. Il est toutefois difficile de donner des estimations précises sur ces répercussions, car elles dépendent de la manière dont les personnes concernées réagiraient aux modifications du cadre juridique. Les éventuelles diminutions ou hausses des recettes dépendent: ­

du nombre des contribuables qui quitteraient la Suisse (et en particulier de quels contribuables),

­

du nombre des contribuables qui déménageraient dans un canton grevant leurs revenus d'un impôt moindre,

­

du nombre des contribuables qui resteraient imposables totalement ou en partie dans leur canton de domicile et

­

du montant des impôts ordinaires à acquitter par les contribuables demeurant en Suisse.

Les chiffres du canton de Zurich donnent une certaine idée des répercussions financières possibles. En réaction à la suppression de l'imposition d'après la dépense le 1er janvier 2010, 97 des 201 personnes imposées d'après la dépense avaient quitté le canton de Zurich à la fin 2010, 67 d'entre elles s'étant établies dans un autre canton et 30 ayant quitté la Suisse17. Cela correspond à une émigration de 48 %.

On peut se demander si, à l'échelle de la Suisse, la suppression de l'imposition d'après la dépense conduirait à un taux d'émigration aussi élevé.

­

17

La majeure partie des personnes imposées d'après la dépense qui ont quitté le canton de Zurich se sont installées dans d'autres cantons, où elles peuvent probablement continuer d'être imposées d'après la dépense, ce qui permet de penser que le taux d'émigration sera moindre à l'échelle nationale. En cas de suppression de l'imposition d'après la dépense dans toute la Suisse, les seu-

Source: direction des finances du canton de Zurich; voir notamment le communiqué du 16.3.2012: www.zh.ch/internet/de/aktuell/news/ medienmitteilungen/2012/063_steuerbelastungsmonitor.html

4856

les options possibles seraient toutefois l'imposition ordinaire dans un canton dont la charge fiscale est moindre ou l'émigration à l'étranger.

­

Cependant, l'attrait qu'exerce la ville de Zurich, de par son caractère international et ses possibilités de logement, a probablement fait rester dans le canton certains contribuables imposés d'après la dépense, alors qu'en cas de suppression de l'imposition d'après la dépense dans toute la Suisse, les personnes imposées selon ce mode établies dans d'autres cantons préféreraient émigrer à l'étranger. Dans ce cas, le taux d'émigration à l'échelle nationale serait supérieur à celui enregistré dans le canton de Zurich.

Certaines communes ou certains cantons peuvent voir leurs recettes fiscales augmenter après la suppression de l'imposition d'après la dépense, si les biens immobiliers que quittent les personnes imposées d'après la dépense sont repris par des ménages fortunés arrivant d'autres communes ou cantons. Cet avantage ne profiterait toutefois qu'à certaines communes ou certains cantons, et presque pas à la Confédération ou à la Suisse en général, étant donné que l'arrivée de ménages fortunés dans une commune (et l'augmentation des recettes fiscales pour cette commune) suppose le départ de ces mêmes ménages d'une autre commune (et donc des pertes fiscales pour cette autre commune). Cela dit, il est aussi possible que certains biens immobiliers à reprendre soient acquis par des personnes en provenance de l'étranger, qui amèneraient alors des recettes fiscales supplémentaires.

Comme ces considérations le montrent, il est difficile d'estimer sur la base de l'expérience du canton de Zurich les conséquences financières, à l'échelle nationale, de la suppression de l'imposition d'après la dépense. De manière générale, il faut partir du principe que ce sont surtout les communes et les cantons où la charge fiscale est proportionnellement élevée et/ou qui ne peuvent pas offrir des avantages autres que fiscaux qui sont concernés par le départ de contribuables. Les chiffres du canton de Zurich permettent de supposer que les diminutions des recettes fiscales, sur le plan national, qui suivraient la suppression de l'imposition d'après la dépense devraient rester limitées. La direction des finances du canton de Zurich a constaté18 que les hausses et les diminutions de recettes que l'on peut observer sur la base des chiffres provisoires de l'administration fiscale pour 2010 sont restées équilibrées, ce notamment grâce aux impôts s'élevant à plusieurs millions de francs acquittés par une seule personne. Cette dernière a toutefois quitté le canton dans l'intervalle.

4.2.3

Conséquences économiques

L'importance que revêt l'imposition d'après la dépense est très différente selon les cantons. Ce mode d'imposition est très répandu en Suisse romande, où il a d'ailleurs été introduit en premier lieu (milieu du XIXe siècle). A la fin 2012, les cantons affichant le plus grand nombre de personnes imposées d'après la dépense étaient les cantons de Vaud (1396 personnes), du Valais (1300 personnes) et de Genève (710 personnes)19, ce qui correspond à 60 % du nombre total des personnes imposées 18

19

Source: direction des finances du canton de Zurich; voir notamment le communiqué du 16.3.2012: www.zh.ch/internet/de/aktuell/news/ medienmitteilungen/2012/063_steuerbelastungsmonitor.html Source: communiqué de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CDF) du 17.5.2013.

4857

d'après la dépense (5634 personnes). En Suisse alémanique la même année, ce sont les cantons des Grisons (268 personnes) et de Berne (211 personnes) qui comptaient le plus grand nombre de personnes imposées d'après la dépense. 877 personnes étaient imposées d'après la dépense au Tessin, toujours en 2012. Les 20 autres cantons regroupaient seulement 15 % de la totalité des personnes imposées d'après la dépense. Cette répartition inégale entre les cantons fait que même si les conséquences financières et économiques de la suppression de l'imposition d'après le dépense pourraient être considérées comme faibles, elles pourraient revêtir une importance non négligeable pour certains cantons et communes. Comme c'est le cas pour les conséquences financières (voir ch. 4.2.2), les répercussions sur l'économie sont difficilement quantifiables. Les régions (périphériques) défavorisées pourraient être touchées en particulier, lesquelles ne pourraient pas compenser la suppression de places de travail qu'entraînerait le départ de personnes imposées d'après la dépense.

4.3

Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse

L'initiative n'est pas en contradiction avec les engagements internationaux de la Suisse.

5

Conclusions

Le Conseil fédéral s'est toujours prononcé en faveur du maintien de l'imposition d'après la dépense; il l'a répété une nouvelle fois à l'occasion des débats parlementaires sur la révision de l'imposition d'après la dépense20. Les arguments qui, selon le Conseil fédéral, justifient le maintien de ce mode d'imposition (importance sur les plans économique et fiscal) n'ont pas changé. C'est pourquoi le Conseil fédéral rejette l'initiative proposée.

Les Chambres fédérales ont adopté une révision de l'imposition d'après la dépense lors de la session d'automne 2012. Le but de cette révision est d'améliorer ce mode d'imposition ainsi que son acceptation en uniformisant la réglementation et en durcissant les exigences minimales, le tout en respectant l'équilibre entre les exigences en matière d'équité fiscale et celles en matière de compétitivité économique.

Après un débat approfondi, la grande majorité des parlementaires des deux Chambres a adopté la révision. Cette révision est un compromis politique, que les cantons, notamment, soutiennent. Des durcissements supplémentaires ne sont pas possibles sans saper l'instrument lui-même de l'imposition d'après la dépense. Des demandes allant dans ce sens (p. ex. des exigences minimales plus élevées, l'interdiction d'exercer une activité lucrative à l'étranger aussi, l'introduction d'une limite d'âge) ont clairement été rejetées par le Parlement. Ainsi, le Conseil fédéral est d'avis qu'il n'y a pas lieu d'opposer un contre-projet direct ou indirect à l'initiative populaire.

20

Voir le message du 29 juin 2011 relatif à la loi fédérale sur l'imposition d'après la dépense, FF 2011 5605

4858