13.044 Message relatif à l'approbation de l'accord entre la Suisse et l'Union européenne concernant la coopération en matière d'application de leurs droits de la concurrence du 22 mai 2013

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation de l'accord entre la Confédération suisse et l'Union européenne concernant la coopération en matière d'application de leurs droits de la concurrence, en vous priant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 mai 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2013-0607

3477

Condensé L'accord entre la Suisse et l'Union européenne (UE) concernant la coopération en matière d'application de leurs droits de la concurrence vise à mettre en place une coopération renforcée entre les autorités de la concurrence des deux parties.

Les discussions sur l'accord de coopération entre la Suisse et l'UE ont débuté en 2008. Le mandat de négociation a été approuvé, le 18 août 2010, par le Conseil fédéral. Les négociations ont duré de mars 2011 à avril 2012. L'accord a été signé le 17 mai 2013.

L'intégration croissante de l'économie mondiale rend les pratiques anticoncurrentielles transfrontières plus fréquentes. Or, ne pouvant agir que sur le territoire national, les autorités de la concurrence rencontrent des difficultés à appliquer la législation en la matière. La coopération internationale entre autorités de la concurrence est un instrument important pour mettre en oeuvre de manière effective la législation en matière de concurrence en cas de pratiques transfrontières. La Suisse, avec son économie hautement internationalisée, a un intérêt particulier à une coopération internationale dans le cadre de sa politique de la concurrence.

Dans la mesure où la concurrence est un instrument important pour éviter des prix trop élevés, le présent accord contribuera par ailleurs à la lutte contre l'«îlot de cherté», dû, entre autres, à des pratiques anticoncurrentielles transfrontières.

Du fait de l'imbrication élevée entre les économies suisse et celle de l'UE, l'amélioration de la coopération avec l'UE revêt un intérêt particulier pour la Suisse, d'autant plus que notre pays n'a pas les mêmes moyens de coopération que les Etats membres de l'UE entre eux. La conclusion de l'accord a été rendue possible par le fait que les législations des deux parties en matière de concurrence sont équivalentes. L'accord contribuera à une meilleure protection de la concurrence tant en Suisse que dans l'UE, ce qui est dans l'intérêt des deux parties. La conduite des procédures sera rendue plus effective et les incohérences pourront être évitées lorsque des faits identiques ou connexes seront visés. Depuis de nombreuses années, les autorités de la concurrence de la Suisse et de l'UE sont confrontées à des pratiques transfrontières pour lesquels une coopération formelle aurait permis un travail d'enquête plus
effectif.

L'accord renforcera la coopération entre la Commission suisse de la concurrence (COMCO) et l'autorité de la concurrence de la Commission européenne. La coopération ne sera pas obligatoire. Elle prévoit la possibilité pour les autorités de se notifier réciproquement et de coordonner leurs mesures d'application ainsi que de s'échanger des informations, y compris la possibilité d'échanger, à des conditions strictes, des informations confidentielles nécessaires à la conduite des enquêtes. Les informations confidentielles ne pourront être échangées que si les affaires traitées par les autorités des deux parties sont identiques ou connexes. L'accord permettra un meilleur accès aux moyens de preuve tout en maintenant les garanties nécessaires, en particulier en ce qui concerne la confidentialité, le principe de spécialité

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ainsi que les droits des parties à la procédure et le pouvoir discrétionnaire de l'autorité requise d'entrer en matière ou non sur une demande de l'autre partie.

L'accord règle en outre les notifications, la coordination des procédures, la prise en compte des intérêts de l'autre partie dans la mise en oeuvre du droit de la concurrence (courtoisie passive), la possibilité d'inviter l'autorité de la concurrence de l'autre partie à prendre des mesures dans un cas concret (courtoisie active) et les consultations. En aucun cas l'autorité d'une partie ne sera tenue de prendre une mesure à la demande de l'autorité de l'autre partie (par ex. une perquisition).

Dans le cadre des négociations, la Suisse et la Commission européenne ont convenu d'un échange de notes complémentaire pour traiter certains problèmes pratiques existant en matière de notification d'actes officiels par d'autres autorités. Ces notes prévoient, dans le sens d'une procédure simplifiée, que la Commission envoie ses actes à l'autorité suisse compétente (COMCO) qui les transmettra aux entreprises concernées.

L'accord repose sur le principe de l'équivalence des dispositions respectives du droit de la concurrence des parties. Les parties continueront d'appliquer leurs législations nationales. L'accord est de nature procédurale et ne crée pas d'harmonisation matérielle du droit. La question de la reprise de l'acquis de l'UE et les questions institutionnelles ne se posent donc pas ici. Les aides d'Etat, qui font partie du droit de la concurrence de l'UE mais qui ne sont pas couvertes par la loi fédérale sur les cartels, ne sont pas visées par l'accord.

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Message 1

Présentation de l'accord

1.1

Contexte

Les pratiques anticoncurrentielles relevant des juridictions de la Suisse et de l'Union européenne (UE) sont en augmentation en raison de la forte imbrication des économies respectives. Les autorités de la concurrence rencontrent des difficultés à mettre en oeuvre la législation en matière de concurrence, car elles ont en principe un champ d'action juridiquement limité au territoire national. Au niveau international, il est aujourd'hui largement admis qu'une coopération effective entre autorités de concurrence contribue à améliorer la situation.

A ce jour, la Suisse et l'UE ne disposent pas encore d'instrument spécifique de coopération en matière de concurrence. Parmi les accords en vigueur avec l'UE, seul l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur le transport aérien (accord sur le transport aérien)1 contient des dispositions sur la coopération en matière de concurrence, en l'occurrence limitées à ce secteur.

La coopération entre les autorités de concurrence suisse et de l'UE a donc lieu aujourd'hui essentiellement de manière informelle, au niveau bilatéral ou dans le cadre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du Réseau international de la concurrence (International Competition Network, ICN). Cette coopération est limitée, notamment car elle ne permet pas d'échanger des informations obtenues par l'autorité durant une procédure, qui sont protégées, en droit suisse comme en droit communautaire, par les dispositions concernant les secrets de fonction et d'affaires. De plus, l'autorité de concurrence suisse est aujourd'hui désavantagée par rapport aux autorités de concurrence des Etats membres de l'UE, qui peuvent coopérer et échanger des informations confidentielles entre elles et avec la Commission européenne dans le cadre du Réseau européen de la concurrence (European Competition Network, ECN). Cette situation entrave la mise en oeuvre effective de la législation suisse en matière de concurrence dans le cas des pratiques anticoncurrentielles transfrontières car elle rend difficile l'accès aux moyens de preuve situés hors du territoire suisse. Elle génère également une duplication du travail et un manque de cohérence s'agissant de décisions portant sur les mêmes faits. Ces dernières années, l'autorité de concurrence
suisse a été confrontée à plusieurs dossiers cartellaires transfrontières qui auraient pu être suivis de façon plus effective dans le cadre d'une coopération internationale. Ainsi, les affaires suivantes ont donné lieu à des procédures parallèles entre la Suisse et l'UE: ­

1

Le 13 février 2006, la Commission de la concurrence (COMCO) a ouvert une enquête concernant plusieurs compagnies aériennes pour cause d'accords sur des surtaxes dans le domaine du fret aérien, par exemple celles prélevées sur le carburant et celles perçues au titre de la sécurité, du risque de guerre et du dédouanement. L'enquête en Suisse n'est pas close. L'UE a clos son enquête sur les mêmes ententes le 9 novembre 2010 et prononcé une sanction de 799 millions d'euros aux entreprises participantes.

RS 0.748.127.192.68

3480

­

Le 18 juillet 2007, la COMCO a ouvert une enquête concernant plusieurs entreprises pour accords dans le domaine des ferrements pour fenêtres et portes-fenêtres. Les entreprises en cause étaient actives aux niveaux suisse et international. L'enquête a pris fin le 18 octobre 2010; la sanction prononcée par la COMCO se monte à quelque 7,6 millions de francs. Trois entreprises ont attaqué la décision de la COMCO. La procédure parallèle ouverte par l'UE a pris fin le 28 mars 2012 par une sanction de 85 millions d'euros.

­

Le 10 octobre 2007, la COMCO a ouvert une enquête concernant l'association Spedlogswiss et différentes entreprises de transport et de logistique actives au niveau international. Elle soupçonnait l'existence d'accords illicites dans la fixation de surtaxes, de taxes et de tarifs de transport dans le cadre de prestations de transport. L'enquête en Suisse a pris fin le 11 décembre 2012 par un accord amiable et une sanction de 6,2 millions de francs. La procédure conduite par l'UE s'est close le 28 mars 2012 par une sanction de 169 millions d'euros.

­

Le 16 décembre 2008, la COMCO a ouvert une enquête concernant plusieurs entreprises actives sur le plan international, spécialisées dans les composants d'installations sanitaires (gestion de l'eau), de chauffage et de climatisation. L'enquête s'est achevée le 10 mai 2010; la COMCO a prononcé une sanction de 169 000 francs. La décision est passée en force de chose jugée.

La procédure ouverte parallèlement dans l'UE n'est pas terminée.

­

Le 3 février 2012, la COMCO a ouvert une enquête concernant différentes banques soupçonnées d'avoir manipulé le taux LIBOR par des accords illicites. Les procédures en Suisse et dans l'UE sont en cours.

Partant de ce constat, les autorités de concurrence de la Suisse et de l'UE souhaitent depuis de nombreuses années resserrer la coopération par la mise en place d'un cadre juridique.

1.2

Déroulement et résultat des négociations

L'UE a, en 2008, par la voix de sa commissaire à la concurrence, proposé à la Suisse de renforcer la coopération en matière de concurrence. Un rapport de faisabilité a été rendu par les autorités de concurrence de la Suisse et de l'UE en décembre 2008, concluant à l'utilité d'un tel accord et à sa faisabilité eu égard au degré élevé de convergence existant entre les droits de la concurrence des deux parties. Des discussions exploratoires ont eu lieu à l'automne 2009. Le mandat de négociation a été approuvé le 18 août 2010 par le Conseil fédéral, et les commissions de politique extérieure du Parlement ont ensuite été consultées conformément à l'art. 152, al. 3, de la loi du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale2, de même que la Conférence des gouvernements cantonaux, conformément à la loi fédérale du 22 décembre 1999 sur la participation des cantons à la politique extérieure de la Confédération3.

Les négociations ont débuté en mars 2011 et se sont déroulées à un rythme soutenu, dans une grande mesure par vidéoconférence. Les deux parties ayant une vision commune des différents éléments de l'accord et le fait que les législations des deux 2 3

RS 171.10 RS 138.1

3481

parties en matière de concurrence étaient considérées comme équivalentes, les négociations ont progressé rapidement et ont pu s'achever en avril 2012. Les parties ont confirmé par la voie diplomatique le résultat des négociations en mai 2012. Les directives données dans le mandat de négociation ont été pleinement suivies. Une grande partie des discussions ont porté sur l'aménagement concret de l'échange d'informations. L'objectif des deux côtés était de permettre un échange d'informations rapide et efficace pour les autorités, tout en respectant les règles de confidentialité et les garanties procédurales prévues dans les droits respectifs des parties.

D'autres éléments de l'accord sont fondés sur des accords existant entre les deux parties. Du côté suisse, les négociations en vue d'un accord de coopération sont également apparues comme l'occasion de régler certains problèmes pratiques en matière de notification d'actes officiels par des autorités étrangères. La Suisse s'est par le passé opposée à plusieurs reprises à la notification directe de décisions par la Commission européenne à des entreprises établies en Suisse. Avant les négociations, la Commission européenne avait manifesté son souhait de trouver une solution avec la Suisse sur cette question. Cependant, comme au niveau de l'UE celle-ci relève également de la compétence des Etats membres, son inclusion dans l'accord aurait nécessité la participation de tous les Etats membres de l'UE (accord mixte), ce qui n'aurait été guère pratique. Il a donc été décidé de traiter la question des notifications de manière séparée au moyen d'un échange de notes, lequel rend possibles des négociations ultérieures entre la Suisse et les Etats membres de l'UE (voir ch. 1.5).

Le Conseil fédéral et le Conseil de l'UE ont approuvé l'accord respectivement le 27 mars 2013 et le 22 avril 2013. Le chef du DEFR et, du côté de l'UE, la présidence irlandaise ainsi que le vice-président de la Commission européenne Joaquín Almunia ont signé l'accord le 17 mai 2013 à Bruxelles.

1.3

Aperçu du contenu de l'accord

L'accord de coopération est un accord de nature procédurale et ne prévoit pas d'harmonisation matérielle du droit de la concurrence. Il repose sur le principe de l'équivalence des dispositions respectives du droit de la concurrence des parties. La question de la reprise de l'acquis de l'UE ne se pose donc pas, et chacune des parties continuera d'appliquer son propre droit. Par ailleurs, l'accord ne crée pas d'organe commun, par exemple un comité mixte. Il ne se pose donc pas dans le contexte du présent accord de questions institutionnelles touchant les accords bilatéraux d'accès au marché.

La coopération porte sur les enquêtes et procédures visant les accords, les abus de position dominante et les concentrations. En revanche, les aides d'Etat, qui font partie du droit de la concurrence de l'UE mais qui ne sont pas couvertes par la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les cartels et autres restrictions à la concurrence (LCart)4, ne font pas l'objet de cet accord. La coopération sera exécutée par les autorités de concurrence des parties, à savoir la Commission de la concurrence (COMCO) pour la Suisse et la Commission européenne du côté de l'UE. La coopération entre la COMCO et les autorités des Etats membres de l'UE n'est pas couverte par l'accord.

4

RS 251

3482

L'accord règle les notifications entre autorités de concurrence, la coordination des mesures d'application du droit de la concurrence, la courtoisie active et passive et les consultations entre, d'une part, les parties à l'accord et, d'autre part, les autorités de concurrence. S'agissant de ces domaines, le texte de l'accord est dans une grande mesure basé sur la Recommandation du Conseil de l'OCDE de 1995 sur la coopération entre pays membres dans le domaine des pratiques anticoncurrentielles affectant les échanges internationaux (Recommandation de l'OCDE de 1995)5 ainsi que sur les dispositions convenues par la Suisse et l'UE dans leurs accords respectifs avec le Japon6. Les dispositions de ces accords, de même que la Recommandation de l'OCDE de 1995, ne couvrent toutefois pas l'échange d'informations confidentielles.

A cet égard, l'accord distingue entre transmission d'informations non confidentielles et échange d'informations confidentielles, ce dernier étant soumis à des exigences particulièrement strictes.

1.4

Appréciation

L'accord contribuera à une meilleure protection de la concurrence tant en Suisse que dans l'UE, ce qui est dans l'intérêt des deux parties. Il permet une mise en oeuvre plus effective des législations sur la concurrence. Etant donné que les droits de la concurrence de la Suisse et de l'UE sont matériellement similaires, la probabilité que les autorités enquêtent sur des comportements identiques et donc possèdent des informations intéressant l'autre autorité est élevée. Grâce à la possibilité d'échanger des informations relatives à des cas transfrontaliers et de coordonner les procédures, l'accord améliorera la mise en oeuvre de la législation en matière de concurrence, facilitant la détection et l'évaluation des infractions aux droits de la concurrence de la Suisse et de l'UE. La conduite des procédures sera rendue plus effective et les incohérences pourront être évitées lorsque les mêmes faits seront visés. L'action de la COMCO sera améliorée, car elle pourra sur la base de l'accord bénéficier d'éléments de preuve détenus par la Commission européenne. Cela compensera le désavantage dont elle souffre aujourd'hui par rapport aux autorités de concurrence des pays de l'UE, qui coopèrent entre elles et avec la Commission européenne dans le cadre du Réseau européen de la concurrence (ECN).

L'accord est conforme aux bonnes pratiques préconisées au niveau international, en particulier par l'OCDE. S'agissant de l'élément que représente l'échange d'informations confidentielles dans le domaine de la concurrence, la solution retenue est équilibrée, puisqu'elle permet un meilleur accès aux moyens de preuve tout en maintenant les garanties nécessaires, en particulier en ce qui concerne la confidentialité, le principe de spécialité ainsi que les droits des parties à la procédure et le pouvoir discrétionnaire de l'autorité requise d'entrer en matière ou non sur une demande de l'autre partie.

La mise en oeuvre de l'accord sera facilitée par l'équivalence des deux régimes, résultant du fait que le droit de la concurrence de l'UE et le droit suisse des cartels sont similaires.

5 6

Cette recommandation peut être consultée sur le site suivant: http://acts.oecd.org (Reference: C(95)130/FINAL) Pour la Suisse, ces dispositions font partie de l'accord de mise en oeuvre accompagnant l'accord de libre-échange et de partenariat économique (ALEPE) conclu avec le Japon le 19 février 2009 et entré en vigueur le 1er septembre 2009, RS 0.946.294.632.

3483

Vu sous l'angle des relations avec l'UE, l'accord permet à la Suisse de se doter d'un instrument de coopération en adéquation avec l'imbrication économique existant avec son premier partenaire commercial. La création de mécanismes habilitant les autorités de concurrence de la Suisse et de l'UE à mieux mettre en oeuvre leurs législations en matière de concurrence concernant les pratiques anticoncurrentielles transfrontières est à l'avantage des deux parties. L'intérêt de la Suisse est d'autant plus élevé qu'elle n'a pas les mêmes moyens de coopération que les pays membres de l'UE entre eux et que son marché est relativement limité, ce qui rend plus probable la survenance de pratiques anticoncurrentielles transfrontières. De plus, l'accord contribuera à la lutte contre l'«îlot de cherté». S'agissant d'un accord de coopération et non pas d'accès au marché, il ne prévoit pas d'harmonisation des législations et n'est donc pas concerné par les questions institutionnelles qui sont discutées entre la Suisse et l'UE depuis quelques années. La conclusion de cet accord a été rendue possible par le fait que les législations des deux parties en matière de concurrence sont équivalentes. Cet élément pourrait par ailleurs contribuer au règlement des questions touchant le droit de la concurrence dans d'autres accords en cours de négociation entre la Suisse et l'UE.

1.5

Echange de notes relatives à la notification d'actes de puissance publique

L'accord est accompagné d'un échange de notes concernant la notification d'actes de puissance publique relevant de la politique de la concurrence. Cette question est traitée en dehors de l'accord à la demande de la Commission européenne, car la notification de tels actes à des entreprises situées sur le territoire de l'UE relève de la compétence des Etats membres et une réglementation réciproque aurait exigé la conclusion d'un accord mixte auquel les Etats membres seraient également parties.

Or, la participation des Etats membres aurait compliqué et allongé les négociations et la procédure de ratification de l'accord. Il est cependant envisagé de négocier ultérieurement des accords individuels avec certains pays membres de l'UE.

Les actes de puissance publique émanant d'une autorité de concurrence, tels que des décisions constatant ou sanctionnant des infractions au droit de la concurrence, devraient actuellement être notifiés par la voie diplomatique lorsque l'entreprise concernée n'a pas d'adresse dans la juridiction qui les émet. Or par le passé, la Commission européenne a notifié directement de tels actes à des entreprises établies en Suisse, ce qui a suscité le doute chez les entreprises quant à la suite à donner à des actes ainsi notifiés. L'échange de notes met en place une procédure simplifiée pour la notification des actes de puissance publique de la Commission européenne à des entreprises sises en Suisse et ne possédant pas d'adresse sur le territoire de l'UE.

La Commission européenne enverra dorénavant ces actes à la COMCO, qui les transmettra à leur destinataire. Les documents ne constituant pas des actes de puissance publique, tels que des demandes d'informations sans menace de sanction, pourront continuer d'être envoyés directement aux entreprises établies en Suisse.

L'échange de notes crée ainsi une sécurité juridique accrue pour les entreprises établies dans notre pays.

Eu égard à la compétence des Etats membres pour la réception de notifications en la matière provenant de l'étranger, l'UE n'était pas en mesure d'offrir la même procédure pour des notifications de la COMCO adressées aux entreprises établies dans un 3484

pays membre de l'UE. La Commission européenne, par l'échange de notes, s'engage cependant à informer les Etats membres de l'UE de l'approche convenue avec la Suisse et à leur demander d'envisager une solution similaire s'agissant des notifications de la COMCO sur leur territoire. Ces démarches devront mener à la conclusion d'accords avec les Etats membres de l'UE concernant la notification d'actes de puissance publique en matière de concurrence. Ainsi, bien que la solution trouvée ne puisse être pleinement réciproque, elle permettra de résoudre un problème pratique récurrent des entreprisses suisses et favorisera la conclusion de procédures semblables entre la Suisse et les Etats membres de l'UE vis-à-vis desquels la question des notifications a une importance pratique.

L'échange de notes a été approuvé par le Conseil fédéral sur la base de l'art. 7a, al. 2, let. c, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration7, qui habilite le Conseil fédéral à conclure seul des traités portant sur des objets relevant du pouvoir réglementaire du Conseil fédéral dans la mesure où l'exercice de cette compétence nécessite la conclusion d'un traité international.

En effet, l'art. 31, al. 1, de l'ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration8 prévoit que le Conseil fédéral est compétent en matière d'autorisation de procéder pour un Etat étranger à des actes relevant des pouvoirs publics (cf. art. 271 du code pénal, CP9) s'agissant des cas d'importance majeure. Il a été nécessaire de recourir à un échange de notes pour prévoir une procédure simplifiée, c'est-à-dire une autorisation, au sens de l'art. 271, ch. 1, CP, de notification par l'intermédiaire de la COMCO d'actes de la Commission européenne à des entreprises situées en Suisse. L'échange de notes a eu lieu le 17 mai 2013, à la même date que la signature de l'accord.

2

Commentaire des dispositions de l'accord

Préambule Le préambule de l'accord rappelle en particulier que les régimes de concurrence de l'UE et de la Suisse sont semblables, en ce qui concerne les règles matérielles et la procédure. Cela signifie en pratique que les mêmes actes sont en principe susceptibles d'être illicites selon les deux législations. Les autorités des parties ont également à disposition des instruments d'enquête similaires, et les parties à la procédure ont des droits de défense comparables. Cette proximité des régimes juridiques des parties est un élément indispensable pour la conclusion d'un tel accord de coopération. Le préambule fait également référence à la Recommandation de l'OCDE de 1995, qui représente au niveau international un standard important s'agissant de la coopération en matière de concurrence.

Art. 2

Définitions

L'art. 2 contient les définitions essentielles. Sont ainsi définies les autorités de concurrence des parties (ch. 1), à savoir, pour la Suisse, la COMCO, y compris son secrétariat, et pour l'UE, la Commission européenne s'agissant de ses compétences 7 8 9

RS 172.010 RS 172.010.1 RS 311.0

3485

relevant du droit de la concurrence. Le droit de la concurrence est également défini comme les règles respectives des parties s'appliquant aux accords illicites, aux abus de position dominante et aux concentrations, de même que les modifications y afférentes (ch. 3). Pour la Suisse, il s'agit de la LCart et de ses textes d'application, soit en particulier l'ordonnance du 17 juin 1996 sur le contrôle des concentrations d'entreprises10 et l'ordonnance du 12 mars 2004 sur les sanctions en cas de restrictions illicites à la concurrence11. Pour l'UE, il s'agit en particulier du Règlement (CE) no 1/200312 et des règlements d'exemption. La définition des actes anticoncurrentiels (ch. 4) se réfère pour sa part au droit de la concurrence des parties, de même que celle des mesures d'application (ch. 5). Pour la Suisse, les mesures d'application couvrent les procédures d'enquête au sens de l'art. 27 LCart13 et les procédures d'examen de concentrations au sens de l'art. 33 LCart.

Art. 3

Notifications

Les notifications par l'autorité de concurrence d'une partie de ses mesures d'application pouvant affecter des intérêts importants de l'autre partie sont un instrument classique de la coopération internationale en matière de concurrence, dont elles marquent souvent le point de départ. L'art. 3 s'inspire largement des dispositions de la Recommandation de l'OCDE de 1995 et de l'accord de libre-échange et de partenariat économique (ALEPE) avec le Japon14. L'accord prévoit une voie simple et rapide pour les notifications, puisqu'elles peuvent être effectuées par voie électronique (par. 1, in fine). Le par. 2 prévoit une liste exemplative des cas dans lesquels une notification doit être réalisée, les autorités de concurrence des parties étant libres d'effectuer d'autres notifications si elles estiment que leurs mesures d'application sont susceptibles d'affecter les intérêts de l'autre partie.

Les par. 3 et 4 fixent le moment auquel les notifications doivent être effectuées. Du côté suisse, la notification devra intervenir à l'ouverture de l'examen d'une concentration en vertu de l'art. 33 LCart15 ou à celle d'une enquête selon l'art. 27 LCart (art. 3, par. 3, let. b, et par. 4, let. b). Ce moment coïncide avec celui auquel les indications concernées doivent être publiées selon le droit suisse.

Quant à son contenu, la notification devrait être suffisamment détaillée pour permettre à l'autorité la recevant d'en évaluer les effets probables sur les intérêts de sa juridiction. Les informations devant notamment figurer dans la notification sont ainsi prévues au par. 5 (nom des parties à l'enquête, actes examinés et marchés auxquels ils se rapportent, dispositions juridiques applicables et date des mesures d'application). Elles correspondent aux informations publiées en Suisse lors de l'ouverture d'une enquête ou de l'examen d'une concentration.

10 11 12

13 14 15

RS 251.4 RS 251.5 Règlement (CE) no 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux art. 81 et 82 du Traité sur le fonctionnement de l'UE (art. 101 et 102 de la version consolidée du Traité sur le fonctionnement de l'UE), JOCE L 1 du 4.1.2003, p. 1 RS 251 RS 0.946.294.632 RS 251

3486

Art. 4

Coordination des mesures d'application

L'art. 4, par. 1, permet aux autorités de concurrence des parties de coordonner leurs mesures d'application lorsque celles-ci visent des questions liées. Cette formulation est à dessein large, de manière à permettre une coordination dès que les autorités de concurrence sont en présence de faits liés, à un stade précoce de la procédure (p. ex.

une perquisition). Sur cette base, la COMCO et la Commission européenne peuvent, par exemple, coordonner les conditions et charges attachées à l'autorisation d'une concentration notifiée auprès des deux autorités. Elles peuvent aussi s'échanger des informations sur la délimitation des marchés ou l'avancement des procédures. Les autorités peuvent également, comme le mentionne expressément l'art. 4, par. 1, coordonner le calendrier de leurs perquisitions. Cet aspect est particulièrement important, car si une autorité réalise une perquisition avant l'autre, l'effet de surprise est perdu pour cette dernière et la collecte de preuves est rendue plus difficile.

La possibilité de coordonner des mesures d'application en cas de questions liées est en pratique un facteur à la fois d'efficacité pour les autorités de la concurrence et de cohérence pour les entreprises visées par ces mesures. Ces deux aspects se reflètent dans la liste exemplative des éléments dont tiennent compte les autorités pour déterminer si des mesures d'application peuvent être coordonnées (par. 2). Le par. 3 exprime clairement que la coordination ne porte pas atteinte au droit de chaque autorité de prendre une décision en toute indépendance. Ainsi, l'autorité de concurrence d'une partie peut en tout temps, sous réserve d'une notification appropriée non soumise à une exigence de forme, indiquer à l'autre autorité sa volonté de limiter la coordination et de poursuivre la mise en oeuvre de ses mesures d'application de manière indépendante.

Art. 5 et 6

Prévention des conflits (courtoisie passive) et courtoisie active

L'art. 5 consacre le principe de la courtoisie passive, à savoir la prise en compte par l'autorité de concurrence d'une partie des intérêts essentiels de l'autre partie lors de la mise en oeuvre de son droit de la concurrence. L'art. 6 incorpore le principe de la courtoisie active, qui porte sur les demandes adressées par l'autorité de concurrence d'une partie à celle de l'autre partie et qui vise à requérir des mesures de la part de cette dernière. Ces deux principes font partie des concepts centraux de la coopération internationale en matière de concurrence, et sont notamment consacrés dans la Recommandation de l'OCDE de 1995. La formulation de ces dispositions est peu contraignante, les autorités de concurrence conservant leur entier pouvoir discrétionnaire quant aux mesures d'application à prendre. En particulier, la courtoisie active telle que prévue à l'art. 6 n'entraîne pas d'obligation pour une autorité de concurrence de prendre des mesures d'application à la requête de l'autre autorité.

Par ailleurs, une autorité de concurrence ne peut demander à l'autre d'utiliser ses pouvoirs d'enquête pour collecter des preuves à son bénéfice, par exemple effectuer une perquisition pour son compte. Les art. 5 et 6 permettent essentiellement aux autorités de concurrence d'être informées des développements pertinents pour les intérêts importants de leur juridiction et leur donnent la possibilité de faire valoir leur avis. Les «intérêts importants» d'une partie ne sont pas définis dans ce contexte et leur appréciation est donc laissée aux autorités de concurrence respectives des parties. Ces dernières pourront se référer à titre indicatif à la liste exemplative figurant à l'art. 3, par. 2, de l'accord en matière de notifications.

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En matière de courtoisie passive, selon l'art. 5, par. 2, in fine, les notifications envisagées dans ce contexte ne dispensent pas les autorités de concurrence de leurs obligations de notification au moment de l'ouverture d'une procédure, conformément à l'art. 3, par. 3 et 4.

Art. 7

Echange d'informations

Par. 1: Le par. 1 pose le principe de l'échange de vues et d'informations, qui doit avoir lieu dans les conditions prévues aux art. 7 à 10. Les autorités n'y sont pas obligées, il s'agit d'une simple possibilité. L'échange d'informations non confidentielles n'est pas limité (par. 2). En revanche, conformément aux par. 3 et 4, les informations confidentielles ne peuvent être échangées que dans le cadre d'une procédure d'enquête au sens de l'art. 27 LCart16. Il n'y a plus d'échanges d'informations une fois que les procédures ont été closes par la COMCO. L'art. 7 opère une distinction entre discussions (par. 2), échange d'informations avec le consentement de l'entreprise concernée (par. 3) et échange d'informations obtenues lors d'une procédure d'enquête sans le consentement de l'entreprise concernée (par. 4 ss), ce dernier échange étant soumis à des conditions particulièrement strictes.

Dès l'instant où les autorités décident de coopérer, l'échange d'informations, qu'il s'agisse de partager des avis ou de transmettre des documents, est réglé selon un système de cascade à l'art. 7, par. 2 à 8, en liaison avec les art. 8 à 10. En fonction du niveau de confidentialité des informations, leur transmission est soumise à des conditions graduellement strictes, jusqu'à la possibilité de refuser la transmission pour des motifs importants. La cascade se présente de la manière suivante:

16

­

Les autorités de concurrence peuvent discuter de toute information non confidentielle qu'elles ont obtenue au cours ou en dehors d'une procédure (par. 2).

­

Les autorités de concurrence peuvent s'échanger des documents ou des informations si les entreprises qui les ont fournis ont donné expressément leur consentement. Les informations qui contiennent des données personnelles ne peuvent être échangées que si les deux autorités enquêtent sur un état de faits similaire dans le cadre d'une procédure formelle (par. 3).

­

En l'absence de consentement des entreprises concernées, les autorités ne peuvent transmettre des informations que sur demande formelle de l'autorité de l'autre partie. Les deux autorités doivent enquêter sur les mêmes faits dans le cadre d'une procédure formelle. La demande doit être effectuée par écrit et nommer la procédure exacte, l'état de fait instruit, les dispositions légales violées et les entreprises concernées. L'autorité requise décide des informations qui sont pertinentes dans sa procédure et fixe les conditions à remplir pour leur transmission (par. 4).

­

Les informations qu'une autorité obtient en vertu d'une procédure de clémence ou d'une procédure visant un accord amiable ne doivent pas être transmises, sauf si l'entreprise concernée y consent expressément (par. 6).

RS 251

3488

­

Aucun document ne peut être échangé si son utilisation est interdite par des droits ou protections juridiques (par ex. lorsque le principe de non-autoincrimination n'est pas respecté ou que le secret professionnel de l'avocat est violé). (par. 7).

­

Quelle que soit l'information, l'autorité n'est pas obligée de la transmettre, en particulier si la transmission s'avère incompatible avec des intérêts importants ou si la préparation ou la transmission des informations devait entraîner une charge de travail disproportionnée (par. 5).

Par. 2: Les responsables de dossiers doivent pouvoir discuter oralement de cas qui sont couverts par le secret de fonction. Il s'agit ici d'informations échangées oralement, alors qu'aux par. 3 et 4, l'échange consiste en une transmission de documents.

Cet alinéa permet les contacts informels entre les collaborateurs à un stade précoce de la procédure, avant l'ouverture formelle d'une enquête. De tels contacts peuvent en particulier avoir lieu suite à une notification au sens de l'art. 3, suite à une demande relevant de la courtoisie active au sens de l'art. 6, en vue d'une coordination de mesures au sens de l'art. 4 ou encore en vue d'un échange d'informations au sens de l'art. 7, par. 4 ss. Les par. 5 et 6 ainsi que les limites imposées par l'art. 8 à l'utilisation des informations, de même que les obligations de confidentialité prévues à l'art. 9, s'appliquent également à ces contacts informels.

Par. 3: Le par. 3 règle l'échange d'informations basé sur le consentement, exprès et écrit, de l'entreprise concernée (waiver). Cet alinéa vise la situation dans laquelle une entreprise, par exemple lorsqu'elle notifie une fusion ou fournit d'autres informations à l'autorité de concurrence, renonce à la confidentialité et habilite l'autorité à échanger des informations avec une ou plusieurs autorités étrangères. La précision selon laquelle les données à caractère personnel ne peuvent être transmises que si les autorités de concurrence enquêtent sur un comportement ou une opération identique ou connexe, reflète les exigences de proportionnalité et d'opportunité de la transmission des informations contenues dans la législation relative à la protection des données (art. 4, al. 2 et 3, de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données, LPD)17. Un tel échange d'informations doit en outre être conforme à la LPD, ainsi que l'exprime le renvoi à l'art. 9, par. 3, de l'accord.

Par. 4: Si l'entreprise ayant fourni les informations ne renonce pas à la confidentialité, le par. 4 fixe les conditions auxquelles les informations obtenues au cours de la procédure d'enquête peuvent être transmises par l'autorité de concurrence d'une partie à celle de l'autre partie à des fins d'utilisation comme éléments de preuve. Les exigences visent notamment à exclure le risque de pêche aux renseignements (fishing
expeditions). Par ailleurs, seules les informations déjà en la possession de l'autorité peuvent faire l'objet d'un tel échange, ce qui exclut la collecte d'informations auprès d'entreprises au nom de l'autorité de l'autre partie. Le par. 4, let. a, précise que les informations ne peuvent être transmises que si les deux autorités enquêtent sur un comportement (p.ex. un accord illicite ou un abus de position dominante) ou une opération (p.ex. une concentration) identique ou connexe. Un cas dans lequel les marchés de la Suisse et de l'UE affectés par un cartel ne sont pas exactement identiques constitue un exemple de comportement connexe. Il en va de même pour une situation où les entreprises qui participent au cartel en cause ne sont pas exactement les mêmes en Suisse et dans l'UE. Selon le par. 4, let. b, une 17

RS 235.1

3489

demande formelle, écrite, est ensuite nécessaire à l'échange d'informations, qui doit contenir certaines indications minimales. L'identité de toutes les entreprises faisant l'objet de l'enquête ou de la procédure n'étant pas toujours connue au moment de la demande, il suffit que l'autorité requérante identifie les entreprises sur lesquelles portent l'enquête ou la procédure au moment de la demande. Le par. 4, let. c, permet de limiter en pratique l'échange d'informations aux informations nécessaires pour l'autorité requise. Cette restriction contribue à éviter que la coopération ne représente une charge trop lourde pour les autorités de concurrence.

Par. 5: Même si toutes les conditions sont remplies, l'autorité de concurrence d'une partie demeure libre dans son choix de discuter ou transmettre des informations obtenues au cours de la procédure d'enquête. Elle peut notamment refuser de coopérer si elle n'a pas les ressources nécessaires pour mener à bien l'échange d'informations.

Par. 6: L'échange d'informations ne doit pas mettre en péril l'efficacité des procédures de clémence, dans lesquelles les entreprises sont récompensées pour leur coopération, et celles visant à trouver un accord amiable. Si les informations fournies dans le cadre de ces procédures pouvaient être librement discutées ou transmises par l'autorité de concurrence d'une partie, l'entreprise les ayant fournies pourrait se trouver dans une situation défavorable dans l'autre juridiction, en particulier si elle n'y a pas déposé une demande de clémence. Les autorités de concurrence suisse et de l'UE accordent toutes deux une très grande importance à la protection de la procédure de clémence. Toute information issue d'une procédure de clémence qui serait transmise sans l'accord des personnes concernées mettrait en péril l'institution et entamerait la confiance des entreprises qui ont choisi cette procédure en se fiant à un traitement diligent et confidentiel des informations par les autorités. La procédure de clémence ne pourrait plus donner les résultats qu'elle a permis d'obtenir par le passé grâce au traitement particulier des informations par l'autorité de concurrence.

La problématique est similaire s'agissant de la procédure visant à trouver un accord amiable, qui suppose également une relation coopérative entre l'autorité de
concurrence et une entreprise contrevenant aux règles de concurrence.

Par. 7: Le par. 7 concrétise le principe de «double barrière». En effet, selon ce principe reconnu en droit des cartels, une autorité ne peut transmettre que les informations qu'elle pourrait elle-même utiliser dans ses procédures. Elle doit également appliquer les droits et protections prévus par son ordre juridique lorsqu'elle utilise les informations reçues de la part de l'autre autorité. Ainsi, la COMCO ne pourrait pas transmettre à la Commission européenne la correspondance entre un avocat et son client, et la Commission européenne ne serait pas en droit d'en faire usage, parce qu'une telle correspondance est protégée en droit suisse comme dans le droit de l'UE. Dans ce contexte, il faut relever que lorsque l'ordre juridique de l'autorité transmettant les informations et celui de l'autorité les recevant prévoient des garanties similaires, comme c'est le cas en Suisse et dans l'UE, les risques liés à l'échange d'informations pour les droits des parties sont moindres. La transmission par la COMCO d'informations déjà en sa possession à la Commission européenne, ou inversement, ne constitue pas une décision et n'est donc pas sujette à recours. Les entreprises concernées seront informées de la transmission des informations conformément à la législation sur la protection des données. Dans un domaine tel que le droit des cartels, l'efficacité des mesures d'application requiert un échange rapide et efficace, et une procédure de recours pouvant durer plusieurs mois reviendrait à vider l'accord de sa substance. Par contre, l'accord ne limite pas les possibilités du 3490

droit interne des parties à la procédure, qui considéreraient que leurs droits ont été violés durant la collecte d'informations, de faire recours contre une décision finale ou incidente de la COMCO en invoquant la violation de ces droits. Par ailleurs, si la transmission devait violer les conditions strictes du droit d'être entendu ou une des nombreuses sauvegardes prévues par l'accord, l'entreprise concernée pourrait le faire valoir pour contester la décision de l'autorité ayant reçu ces informations.

Par. 8: Le par. 8 reflète le principe tiré de la protection des données selon lequel celui qui traite des données personnelles doit s'assurer qu'elles sont correctes, en habilitant les tiers concernés à demander la rectification des données inexactes. Cette disposition est motivée par la divergence existant entre les législations de la Suisse et de l'UE en ce qui concerne la possibilité pour les tiers de faire corriger ou supprimer du dossier les données inexactes les concernant. En effet, dans l'UE, les tiers n'ont pas accès au dossier et ne peuvent pas modifier les données les concernant qui y figurent. Le par. 8 corrige cette disparité en permettant aux entreprises concernées de chaque partie de faire corriger leurs données par l'intermédiaire de leur autorité de concurrence.

Art. 8

Utilisation des informations

S'agissant de l'utilisation des informations reçues, l'art. 8, par. 1, consacre le principe de l'affectation à un usage déterminé, car seule l'autorité qui reçoit les informations peut les utiliser, et uniquement pour l'application de son propre droit de la concurrence. Les informations reçues ne seront donc pas transmises à d'autres autorités, telles que des autorités pénales ou fiscales. De surcroît, selon l'art. 8, par. 2, l'autorité de concurrence destinataire ne pourra utiliser des informations obtenues au cours de la procédure d'enquête que dans une procédure visant un comportement ou une opération identique ou connexe. Cette disposition constitue le corollaire de l'art. 7, par. 3 et par. 4, let. a. Conformément à l'art. 8, par. 3, les informations transmises sans le consentement de l'entreprise concernée, ne peuvent être utilisées que dans le but défini dans la demande. L'autorité destinataire ne pourra donc pas utiliser ces informations dans une autre procédure visant la même entreprise. Par ailleurs, selon le par. 4, les informations échangées sur la base de l'accord ne peuvent pas être utilisées pour imposer des sanctions à des personnes physiques. En droit suisse, cette exclusion concerne avant tout les sanctions pénales visées aux art. 54 ss LCart18. Enfin, le pouvoir discrétionnaire dont l'autorité de concurrence requise bénéficie trouve une nouvelle expression au par. 5, qui lui permet d'imposer à l'autorité requérante des conditions supplémentaires à l'utilisation des informations.

Art. 9

Protection et confidentialité des informations

Par. 1: L'autorité de concurrence d'une partie doit traiter de manière confidentielle les demandes d'informations faites et reçues et doit maintenir, conformément à sa propre législation, la confidentialité des informations obtenues sur la base de l'accord. Dans leurs activités, la COMCO et la Commission européenne sont toutes deux soumises au secret de fonction. En droit suisse, cette obligation est prévue à l'art. 25 LCart19. Du côté de l'UE, l'obligation pour les fonctionnaires de l'UE de 18 19

RS 251 RS 251

3491

garder le secret professionnel est consacrée à l'art. 339 du Traité sur le fonctionnement de l'UE20, qui est mis en oeuvre en ce qui concerne le droit de la concurrence par l'art. 28 du Règlement (CE) no 1/200321 et par l'art. 17 du Règlement (CE) no 139/200422. Le par. 1 implique en outre que la COMCO ne pourra pas transmettre des informations reçues au Surveillant des prix, comme le lui permettrait autrement l'art. 25, al. 3, LCart. Les cas dans lesquels les informations peuvent être divulguées sont définis précisément aux let. a à d. Les décisions de justice visées à la let. a concernent les autorisations des tribunaux nationaux nécessaires pour que la Commission européenne puisse effectuer des inspections, qui sont visées aux art. 20, par. 8, et 21, par. 3, du Règlement (CE) no 1/2003. Les décisions visées doivent concerner le même cas que celui pour lequel les informations ont été requises auprès de la COMCO. La let. b recouvre quant à elle le droit de consultation des pièces dont bénéficient les parties à une procédure de droit de la concurrence. La divulgation auprès des tribunaux lors de procédure d'appel prévue à la let. c. constitue également une exception à l'obligation du maintien de la confidentialité, même si ces tribunaux sont tant en Suisse que dans l'UE soumis à des obligations de garder le secret similaires à celles des autorités de concurrence. En Suisse, sont visées par cette disposition les procédures de recours contre les décisions de la COMCO au Tribunal administratif fédéral et au Tribunal fédéral. Enfin, selon la let. d, la divulgation est également possible dans la mesure où elle est indispensable à l'exercice du droit de consulter des documents officiels en vertu du droit d'une partie. En droit suisse, il s'agit des cas visés par la loi fédérale du 17 décembre 2004 sur le principe de la transparence dans l'administration (LTrans)23 et, en droit communautaire, des cas visés par l'art. 42 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE24, mis en oeuvre par le Règlement (CE) no 1049/200125. En droit suisse, la consultation des documents est soumise aux exceptions prévues aux art. 7 ss LTrans. Du côté européen, les documents ne peuvent être consultés que lorsque la procédure concernée est close.

Dans tous les cas où une divulgation au sens du par. 1 est prévue, les secrets
d'affaires doivent être protégés par l'autorité destinataire des informations. Les secrets d'affaires sont définis selon le droit interne respectif des parties, à savoir l'art. 25, al. 4, LCart et l'art. 339 du Traité sur le fonctionnement de l'UE. L'accord laisse ouvert le moment auquel les secrets d'affaires doivent être identifiés. Ainsi, lorsqu'elle transmet des informations, l'autorité requise peut soit déjà indiquer les secrets d'affaires qu'elles contiennent, soit transmettre les documents avec la mention qu'ils peuvent contenir des secrets d'affaires, à charge pour l'autorité les recevant de les identifier de concert avec l'entreprise concernée. En Suisse, les secrets d'affaires sont identifiés de manière conjointe par la COMCO et l'entreprise concernée, et seront indiqués comme tels dès la transmission des informations à la Commission européenne.

20 21 22 23 24 25

Traité sur le fonctionnement de l'UE; version consolidée JO C 83/47 du 30.3.2010 Cf. note de bas de page 12 Règlement (CE) no 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, JO L 24/1 du 29.1.2004.

RS 152.3 Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, JO C 303/01 du 14.12.2007 Règlement (CE) no 49/2001 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, JO L 145/43 du 31.5.2001

3492

Par. 2: Les parties procèdent rapidement à des consultations lorsque des informations ont été utilisées ou divulguées d'une manière contraire aux dispositions de l'art. 9. Ce procédé permet aux parties de minimiser les éventuels préjudices et d'éviter qu'une telle situation ne se reproduise.

Par. 3: Les législations suisse et de l'UE relatives à la protection des données contiennent des exigences à respecter lors de la transmission de données personnelles à une autorité étrangère. L'accord précise donc que ces exigences doivent être respectées lors de l'échange d'informations, chaque partie devant garantir la protection des données personnelles selon sa législation propre. L'accord constitue une base légale au sens de l'art. 17 LPD26 pour le traitement de données personnelles. Il définit le but du traitement, décrit les informations pouvant être transmises ainsi que les personnes concernées (art. 7 ss). La réception et la transmission de données personnelles constituent un traitement au sens de la LPD. S'agissant de la réception d'informations, selon l'art. 18a, al. 3, LPD, lorsque les données ne sont pas collectées auprès de la personne concernée, mais auprès d'un tiers (tel que la Commission européenne), la personne concernée doit être informée au plus tard lors de leur enregistrement ou, en l'absence d'un enregistrement, lors de la première communication à un tiers. Selon les art. 18b, al. 1, et 9, al. 2, LPD, un organe fédéral peut cependant refuser, restreindre ou différer l'information, dans la mesure où cette communication risque de compromettre une instruction pénale ou une autre procédure d'instruction. La COMCO pourra donc refuser, restreindre ou différer l'information de la personne concernée si cette communication est susceptible de mettre en péril son enquête. Pour ce qui est de la transmission d'informations, selon l'art. 6 LPD, les données personnelles ne peuvent être communiquées à une autorité étrangère si la personnalité des personnes concernées devait s'en trouver gravement menacée, notamment du fait de l'absence d'une législation assurant un niveau de protection adéquat. Le Règlement (CE) no 45/200127 offre une protection adéquate s'agissant des personnes physiques. Concernant les personnes morales, qui ne sont pas couvertes par ce règlement, l'analyse comparative montre que
les principes généraux de la protection offerte par la LPD, en particulier les principes de licéité, de proportionnalité, de relation au but, d'exactitude et de sécurité des données ainsi que le droit d'accès, sont respectés dans le cadre des procédures menées par la Commission européenne. Les divergences existant entre les législations suisse et de l'UE, à savoir la possibilité pour un tiers de faire corriger ou supprimer du dossier les données inexactes le concernant, sont traitées spécifiquement dans l'accord (voir art. 7, par. 8). L'accord respecte donc les exigences prévues par la LPD.

Art. 10

Information des autorités de concurrence des Etats membres et de l'Autorité de surveillance de l'Association européenne de libre-échange (AELE)

La Commission européenne est soumise en vertu du droit de la concurrence de l'UE et de l'accord sur l'espace économique européen à certaines obligations d'information vis-à-vis des autorités compétentes des Etats membres (à savoir l'autorité de chaque Etat membre compétente pour la mise en oeuvre du droit de la concurrence, 26 27

RS 235.1 Règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2000 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes de la Communauté et la libre circulation de ces données, JO L 8/1 du 12.1.2001

3493

conformément à l'art. 2, ch. 2, de l'accord) et de l'Autorité de surveillance AELE.

L'art. 10 précise la portée de ces obligations dans le contexte de l'accord. La Commission européenne peut informer les autorités compétentes des Etats membres des notifications faites par la COMCO affectant leurs intérêts importants (par. 1, let. a).

Par ailleurs, dans le cadre de ses activités, la Commission européenne peut informer les autorités compétentes des Etats membres de la coopération et de la coordination ayant lieu sur la base de l'accord (par. 1, let b). Les autorités de concurrence des Etats membres collaborent étroitement avec la Commission européenne à l'application du droit de la concurrence de l'UE. Leur implication est régie par le droit de la concurrence de l'UE, en particulier aux art. 11 et 14 du Règlement (CE) no 1/200328 et à l'art. 19 du Règlement (CE) no 139/200429. La Commission transmet notamment aux autorités de concurrence des Etats membres une copie des pièces les plus importantes qu'elle a recueillies (art. 11, par. 2, Règlement [CE] no 1/2003; art. 19, par. 1, Règlement [CE] no 139/2004). Elle est également tenue, avant de prendre une décision, de consulter un comité consultatif, composé de représentants des autorités de concurrence des Etats membres (art. 14, par. 1 et 2, Règlement [CE] no 1/2003; art. 19, par. 3 et 4, Règlement [CE] no 139/2004). Le par. 1, let. c, de l'accord précise que les informations transmises par la COMCO sur la base de l'art. 7 de l'accord, en particulier des informations obtenues au cours de la procédure d'enquête, ne peuvent être transmises par la Commission européenne aux autorités compétentes des Etats membres que pour qu'elle puisse remplir ses obligations en vertu de ces dispositions. La Commission européenne est également autorisée à transmettre ces informations à l'Autorité de surveillance AELE si elle y est obligée en vertu des art. 6 ou 7 du protocole 23 de l'accord sur l'espace économique européen du 17 mars 1993, traitant de la participation aux comités consultatifs et des demandes de documents qu'une autorité de surveillance peut adresser à l'autre (par. 1, let. d). Dans tous les cas, conformément au par. 2, le respect du principe de l'affectation à un but déterminé doit être respecté, et ni les autorités des Etats membres ni l'Autorité de
surveillance AELE ne pourront divulguer les informations ainsi reçues, ni les utiliser pour leurs propres procédures. Lorsque l'autorité de concurrence suisse transmettra à l'autorité de concurrence de l'UE des informations confidentielles au sens de l'art. 7, par. 3 à 6, elle lui rappellera expressément en particulier que les informations transmises sont protégées par le secret de fonction et le secret d'affaires et qu'elles ne peuvent être transmises aux Etats membres de l'UE et à l'Autorité de surveillance AELE que dans un but de consultation avant que la Commission européenne prenne une décision. La Commission européenne sera tenue de rappeler ces exigences aux Etats membres et à l'Autorité de surveillance lorsqu'elle leur transmettra des informations confidentielles provenant de la Suisse. S'il devait apparaître des doutes laissant présumer que les informations confidentielles livrées par la Suisse ne sont pas suffisamment protégées, la COMCO refuserait toute transmission d'informations tant qu'elle n'obtiendrait pas les garanties nécessaires pour un traitement confidentiel. Si des informations étaient transmises en violation des obligations du secret de fonction et des limites d'utilisation fixées aux art. 8 à 10, la COMCO, avant de transmettre de nouvelles informations, s'en entretiendrait avec la Commission européenne dans le cadre de consultations pour obtenir des explications et des corrections.

28 29

Cf. note de bas de page 12 Cf. note de bas de page 22

3494

Art. 11

Consultations

L'accord prévoit des consultations, d'une part, entre les parties à l'accord et, d'autre part, entre leurs autorités de concurrence. Ces consultations ont lieu de manière ad hoc, à la demande soit d'une partie, soit d'une autorité. L'accord ne crée donc pas d'institution permanente de type comité mixte. S'agissant des consultations entre les parties, le cas particulier des modifications législatives et des changements de pratiques pertinents pour le fonctionnement de l'accord est réglé de manière spécifique à l'art. 11, par. 2. Cet article garantit que les conséquences de tels changements pour l'accord seront identifiées et que ce dernier sera, si nécessaire, amendé conformément à la procédure prévue à l'art. 14 pour en tenir compte.

Art. 12

Communications

Les points de contact des parties seront désignés après l'approbation de l'accord.

Art. 13

Droit en vigueur

L'accord n'a pas pour objet d'opérer une harmonisation matérielle du droit de la concurrence des parties. Ces dernières conservent ainsi toute leur autonomie aussi bien dans la formulation que dans l'application de leur droit de la concurrence.

Art. 14

Entrée en vigueur, modification et dénonciation

L'accord entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date de la dernière notification d'approbation. Les parties peuvent modifier l'accord et chaque partie peut dénoncer l'accord à tout moment dans un délai de six mois.

3

Conséquences

3.1

Conséquences financières et répercussions sur l'état du personnel pour la Confédération, les cantons et les communes

L'accord n'aura pas de conséquences sur les finances de la Confédération, des cantons et des communes. Des effets sur le personnel de la Confédération pourraient résulter du travail supplémentaire entraîné par les activités de coopération. Cependant, les gains de temps et d'efficacité rendus possibles par cette coopération permettront de compenser une éventuelle charge de travail supplémentaire.

3.2

Conséquences économiques

Les effets d'accords nuisibles au bon fonctionnement de la concurrence touchent en premier lieu les entreprises qui ne sont pas parties à ces accords, notamment les entreprises tournées vers l'exportation, qui achètent ou fournissent des marchandises aux entreprises constituant un cartel. Ces pratiques se traduisent par des prix surfaits pour les consommateurs finaux. En Suisse, ces derniers comprennent les entreprises, les consommateurs, mais aussi l'Etat (marchés publics). Les conséquences économiques des cartels prennent par conséquent la forme d'une baisse du niveau de vie des 3495

ménages, de dépenses publiques trop élevées et d'une baisse de la compétitivité des exportations. Ces effets défavorables ne sont pas compensés par les éventuelles rentes cartellaires; les accords relatifs aux tarifs et aux conditions générales sont au contraire souvent liées au maintien de structures d'entreprises peu efficaces dans les branches où règnent les cartels ou entraînent des dépenses excessives pour la publicité ou les acquisitions. Ce type de structures économiques et d'éléments de coût augmente le coût économique de la concurrence parce qu'elle est insuffisante.

Ces observations fondamentales doivent être mises en relation avec l'évolution des structures économiques de par le monde, qui tendent de plus en plus vers des chaînes de valeur ajoutée mondiales. Par cela, on entend que les entreprises des différents pays se spécialisent toujours plus sur des activités spécifiques constituant une étape de la réalisation des prestations économiques, telles que la recherche-développement, le design, les étapes de production requérant beaucoup de savoir-faire, de capital ou de travail, les activités de sièges, etc. Même si le principe des effets demeure, le droit de la concurrence doit s'adapter à l'entrelacement international accru des entreprises, car les actes d'enquête sur le territoire national seront toujours moins souvent à même d'apporter les preuves nécessaires à l'examen d'un cas.

Une amélioration de l'application du droit des cartels dans les cas touchant à la fois au marché suisse et au marché de l'UE forcera les entreprises à réfléchir davantage avant de conclure des accords douteux sous l'angle de la concurrence. Une action plus efficace, car coordonnée, pour des cas ayant des incidences en Suisse et dans l'UE est dans l'intérêt économique de toutes les parties.

4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies nationales du Conseil fédéral

L'accord de coopération en matière de concurrence fait partie de l'objectif 9 intitulé «Les relations entre la Suisse et l'UE sont renforcées», annoncé dans le message du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 201530 et dans l'arrêté fédéral du 15 juin 2012 sur le programme de la législature 2011 à 201531.

En outre, l'accord se rapporte à deux champs d'action de la politique de croissance 2012­2015 du Conseil fédéral, à savoir la stimulation de la concurrence sur le marché intérieur et l'ouverture internationale de l'économie. L'accord, en rendant plus effective l'application de la législation en matière de concurrence, soutient les objectifs de la politique de croissance et crée des conditions favorables à leur réalisation.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

L'accord se fonde sur l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)32, selon lequel les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération. Aux termes de l'art. 184, al. 2, Cst., le Conseil fédéral signe les traités et les ratifie, sous réserve de 30 31 32

FF 2012 418 476 FF 2012 6667 6670 RS 101

3496

l'approbation de l'Assemblée fédérale. La compétence de l'Assemblée fédérale en matière d'approbation des traités internationaux découle de l'art. 166, al. 2, Cst. En vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., sont sujets au référendum les traités internationaux qui sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables, qui prévoient l'adhésion à une organisation internationale et qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales. Le présent accord est de durée indéterminée, mais il peut être dénoncé en tout temps moyennant un préavis de six mois. Il n'implique pas d'adhésion à une organisation internationale. En revanche, l'accord de coopération contient des dispositions importantes fixant des règles de droit. En effet, l'échange d'informations confidentielles constitue un nouvel instrument s'agissant du droit de la concurrence.

En Suisse, de telles dispositions sont en règle générale inscrites au niveau de la loi.

C'est pourquoi l'arrêté d'approbation est sujet au référendum, comme le prévoit l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales

L'accord est compatible avec les obligations internationales de la Suisse. Le seul accord entre la Suisse et l'UE régissant certaines questions de coopération en matière de concurrence est l'accord sur le transport aérien33. Le présent accord est également applicable aux faits couverts par l'accord sur le transport aérien et il est compatible avec les obligations que celui-ci contient. En particulier, la question de la compétence respective des autorités de concurrence doit être réglée selon l'art. 11 de l'accord sur le transport aérien et n'est pas touchée par le présent accord. Les dispositions de l'accord sur le transport aérien relatives à l'échange d'informations et la coopération (art. 19) peuvent être appliquées parallèlement à celles du présent accord. Par ailleurs, le présent accord et la coopération formelle qu'il prévoit n'ont pas d'incidence sur l'accord de libre-échange du 22 juillet 1972 entre la Confédération suisse et la Communauté économique européenne34, qui contient des obligations matérielles en matière de concurrence.

5.3

Conformité à la législation sur la protection des données

La conformité de l'accord à la législation sur la protection des données est traitée au ch. 2 du présent message.

5.4

Procédure de consultation

L'accord n'implique aucune adaptation du droit national. Les autorités de la concurrence appliquent, dans leur coopération, leurs droits respectifs et la Suisse n'est soumise à aucune obligation de coopérer qui ne serait pas compatible avec sa législation. L'accord précise qu'il ne porte en rien préjudice à la formulation et à la mise en oeuvre du droit de la concurrence des parties. Conformément à l'art. 2 de la loi du 33 34

RS 0.748.127.192.68 RS 0.632.401

3497

18 mars 2005 sur la consultation35, il a été renoncé à une procédure de consultation.

Une telle pratique se justifie pour les traités sans incidence ou avec incidences mineures sur le droit national, conformément aux lignes directrices de la Chancellerie fédérale du 30 août 2006 visant à consolider la pratique des procédures de consultation sur les traités internationaux.

La question de la coopération internationale entre autorités de concurrence a été abordée lors de la procédure de consultation menée en 2010 dans le cadre de la révision de la LCart. Les milieux consultés avaient alors reconnu l'utilité d'une coopération internationale accrue en matière de concurrence et exprimé leur préférence pour une solution réciproque reposant sur un accord international, plutôt que pour une disposition unilatérale inscrite dans la LCart.

35

RS 172.061

3498