Gestion par le Conseil fédéral des événements ayant mené à la démission du président de la BNS: entre dimension politique et compétences de surveillance Rapport des Commissions de gestion des Chambres fédérales du 15 mars 2013

2013-0733

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L'essentiel en bref Le présent rapport est consacré aux événements qui ont conduit M. Philipp Hildebrand à démissionner, le 9 janvier 2012, de son poste de président de la Banque nationale suisse (BNS). Cinq semaines auparavant, le 5 décembre 2011, la présidente de la Confédération de 2011 avait, par l'intermédiaire du conseiller national Christoph Blocher, appris qu'il existait des soupçons selon lesquels le président de la BNS aurait effectué des transactions bancaires potentiellement problématiques.

M. Blocher avait lui-même reçu ces renseignements de trois avocats et estimé qu'il était de son devoir d'en informer la présidente de la Confédération. Cette dernière s'est alors emparée du dossier, conjointement avec des représentants de l'administration fédérale, une délégation ad hoc du Conseil fédéral et, à terme, le collège gouvernemental. A partir du 15 décembre 2011, le président de la BNS et le Conseil de banque de la BNS ont été associés à l'affaire1.

Pour les besoins de leur enquête, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont institué un groupe de travail composé de membres des deux CdG. Les investigations de ce groupe ont porté sur le comportement des membres du Conseil fédéral et des représentants de l'administration fédérale pendant les cinq semaines sous revue; l'objectif était d'analyser les décisions prises par les personnes précitées sous l'angle de la légalité, de l'opportunité et de l'efficacité, afin d'en tirer des enseignements pour l'avenir2.

Absence de base légale Se fondant sur leurs investigations et, notamment, sur un avis de droit que le professeur Paul Richli avait remis au Conseil fédéral le 15 février 2012, les CdG sont arrivées à la conclusion que la compétence de vérifier les transactions bancaires du président de la BNS incombait clairement à la BNS, et plus précisément au conseil de banque, qui constitue l'organe de surveillance de la banque. Parallèlement, les investigations des CdG ont montré que la présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc du Conseil fédéral n'avaient pas examiné en profondeur la question de la répartition légale des compétences entre le Conseil fédéral et le conseil de banque avant d'engager des mesures visant à contrôler les comptes bancaires de M. Hildebrand. Les CdG estiment que cette démarche est discutable, même si deux facteurs expliquent (du moins en partie) la décision d'agir sans vérifier au préalable les bases légales: ­

1 2

Dans un premier temps, la présidente de la Confédération de 2011 a clairement donné la priorité à la dimension politique de cette affaire. Elle craignait en effet qu'un éventuel comportement répréhensible du président de la BNS nuise gravement à la réputation de la Suisse et à la crédibilité de la BNS. La primauté de la dimension politique a eu pour conséquence que les obligations et les compétences légales du Conseil fédéral en matière de surveillance de la BNS ont été négligées. Ainsi, les mesures prises entre le Chap. 1.1; cf. également chronologie en annexe Chap. 1.2

5048

5 décembre et le 23 décembre 2011 étaient motivées par des considérations politiques et ne tenaient pas compte du cadre légal en matière de surveillance3.

­

Les personnes ayant transmis à M. Blocher les informations relatives aux transactions du président de la BNS menaçaient de rendre ces informations publiques si rien n'était entrepris sur le plan politique; en conséquence, la présidente de la Confédération de 2011 était soumise à une certaine pression: il fallait vérifier au plus vite la véracité des accusations portées contre M. Hildebrand afin de clarifier la situation4.

Les CdG constatent que les mesures prises par la présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc du Conseil fédéral ne reposaient sur aucune base légale et, de fait, ont contrevenu au principe constitutionnel de la légalité selon lequel toute activité de l'Etat doit se fonder sur une base légale. Par conséquent, les CdG demandent au Conseil fédéral de faire en sorte que les organes de contrôle préventif de la conformité au droit examinent la question des compétences légales suffisamment tôt et de manière adéquate, également pour les affaires urgentes dont la portée politique est importante (recommandation 1)5. En outre, les CdG estiment que, même dans des situations extraordinaires, le Conseil fédéral doit travailler avec ses délégations ordinaires et non avec des délégations ad hoc (recommandation 4)6.

L'une des mesures prises par la présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc était de charger le directeur et le vice-directeur du Contrôle fédéral des finances (CDF) de vérifier, à titre personnel, les comptes bancaires privés de M. Hildebrand. Les investigations des CdG ont révélé que la légalité d'un tel mandat n'a, elle non plus, fait l'objet d'aucun examen approfondi: ledit mandat ne reposait ni sur la loi sur le Contrôle des finances, ni sur la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA).

La décision de confier un mandat à titre personnel ne résolvait pas le problème de l'absence de base légale. En effet, selon les CdG, on ne peut dissocier la fonction de la personne, même si le directeur et le vice-directeur du CDF ont rempli ledit mandat pour ainsi dire à titre privé. En outre, le fait de confier un mandat à des représentants du CDF était incompatible avec l'obligation à laquelle le CDF est soumis de rendre des comptes à la Délégation des finances.

Les CdG se félicitent de ce que le CDF ait reconnu, a posteriori, qu'un tel mandat était problématique et en ait tiré les enseignements qui s'imposaient. En outre, elles demandent au Conseil fédéral de ne plus confier de mandats à titre personnel à des représentants du CDF (recommandation 2) et à vérifier, avant de confier un mandat à un employé de la Confédération à titre personnel, si ledit mandat est compatible

3 4 5 6

Chap. 2.1 Chap. 2.2 Chap. 3.1 Chap. 4.1.4

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avec les fonctions qu'exerce ce dernier; dans le doute, il renoncera à confier ce mandat (recommandation 3)7.

Evaluation de la collaboration et des flux d'information au sein du Conseil fédéral et de l'administration fédérale Les CdG sont arrivées à la conclusion que le collège gouvernemental aurait absolument dû être impliqué plus tôt dans le dossier: la présidente de la Confédération ne l'a informé que le 23 décembre 2011 des reproches formulés à l'endroit du président de la BNS et des mesures qui avaient déjà été prises. Ainsi, jusqu'à cette date, le dossier n'était pas géré par le collège gouvernemental, de sorte que ce dernier n'a pas pu assumer sa fonction de direction collective8.

Les recherches menées par les CdG ont montré que la présidente de la Confédération de 2011 voulait vérifier la véracité des accusations portées contre le président de la BNS avant d'en informer le collège gouvernemental; c'est aussi la crainte d'indiscrétions qui l'a conduite, dans un premier temps, à informer le moins de personnes possible. Les CdG estiment qu'une telle situation est inacceptable: le gouvernement suisse doit être en mesure de gérer dûment les objets sensibles en temps voulu et dans le respect de la confidentialité. C'est pourquoi elles demandent au Conseil fédéral de se doter, pour gérer les situations particulières, d'un système de communication meilleur, c'est-à-dire simple, rapide et sûr (recommandation 8).

Selon les CdG, le Conseil fédéral doit également se donner les moyens de travailler dans un climat de confiance.

Par ailleurs, pour des raisons d'ordre technique, la façon dont le Conseil fédéral a mené sa conférence téléphonique du 8 janvier 2012 n'était pas à même de garantir la confidentialité: au moins une partie des appareils téléphoniques utilisés n'étaient pas sécurisés. Par conséquent, les CdG demandent au Conseil fédéral de prendre les mesures destinées à garantir la confidentialité de ses conférences téléphoniques également d'un point de vue technique (recommandation 8).

D'une manière générale, les CdG saluent le fait que la présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc du Conseil fédéral ont recouru à des spécialistes issus de l'administration fédérale. Rétroactivement, il faut toutefois relever que les ressources dont dispose l'administration n'ont pas été
utilisées de manière optimale, notamment en raison de la crainte d'indiscrétions et de l'urgence de la situation. Les membres du Conseil fédéral devront, à l'avenir, s'attacher à mieux impliquer les collaborateurs de l'administration fédérale, y compris dans le traitement des questions sensibles ou urgentes9.

Les CdG soulignent particulièrement que l'implication du directeur du Service de renseignement de la Confédération ­ à l'instar de celle du directeur et du vicedirecteur du CDF ­ ne reposait sur aucune base légale. En outre, en faisant appel à des collaborateurs de l'administration sans en informer les chefs de département concernés, la présidente de la Confédération de 2011 a enfreint le principe de la 7 8 9

Chap. 3.2 Chap. 4.1 Chap. 4.2

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division en départements. Enfin, la Chancellerie fédérale a elle aussi été impliquée trop tardivement ­ le 22 décembre 2011 ­ et n'a donc pas pu assumer sa fonction d'état-major du Conseil fédéral avant cette date. Pour ces raisons, les CdG demandent au Conseil fédéral d'impliquer la Chancellerie fédérale suffisamment tôt dans la gestion des situations extraordinaires (recommandation 5)10.

Dans le cadre de la présente enquête, les CdG se sont une fois de plus penchées sur la qualité des procès-verbaux des séances du Conseil fédéral. En 2010, à l'occasion de leur inspection relative au comportement des autorités lors de la crise financière, elles avaient déjà critiqué le système d'établissement des procès-verbaux des séances du Conseil fédéral. Ce dernier avait alors modifié le système: depuis le 1er janvier 2011, les séances du Conseil fédéral devaient faire l'objet d'un «procèsverbal élargi des décisions». Ce nouveau système n'ayant pas satisfait aux exigences de la haute surveillance parlementaire, la LOGA a été modifiée en septembre 2012: le nouvel art. 13, al. 3, LOGA prévoit l'obligation intégrale de la forme écrite pour toutes les délibérations et décisions du Conseil fédéral; en outre, il précise que le procès-verbal des séances, instrument de direction du Conseil fédéral, en assure la traçabilité11.

A la demande des CdG, la Délégation des Commissions de gestion (DélCdG) a examiné les procès-verbaux des séances du Conseil fédéral liées à la démission du président de la BNS et a transmis deux d'entre eux aux CdG. Aussi bien la DélCdG que les CdG sont arrivées à la conclusion que les procès-verbaux étaient très courts, mais également parfois erronés et lacunaires, en ce qui concerne tant le nombre que le contenu des informations. Par conséquent, les CdG continuent d'émettre certains doutes quant à la capacité des procès-verbaux du Conseil fédéral à constituer un bon instrument de conduite; en outre, elles estiment qu'ils ne permettent pas de comprendre ce qui a été décidé durant les séances du Conseil fédéral. Pour ces raisons, elles demandent au Conseil fédéral de leur présenter un rapport dans lequel il indiquera comment il compte modifier le système d'établissement des procès-verbaux de ses séances afin de mettre en oeuvre les mesures prévues par le nouvel art. 13, al. 3, LOGA (recommandation
6)12.

Evaluation de la collaboration et des flux d'information entre le Conseil fédéral et les représentants de la BNS Le premier échange entre la présidente de la Confédération de 2011 et le président du Conseil de banque de la BNS n'a eu lieu que le 22 décembre 2011, par téléphone, soit plus de deux semaines après la première rencontre entre la présidente de la Confédération de 2011 et le conseiller national Christoph Blocher. Les CdG estiment que la présidente de la Confédération aurait dû informer immédiatement et personnellement le président du conseil de banque des rumeurs qui avaient été portées à sa connaissance; ensuite, elle aurait dû laisser au président du conseil de banque ­ c'est-à-dire au conseil de banque ­ la responsabilité de mener les investi10 11 12

Chap. 4.3 Ce nouvel article n'est pas encore entré en vigueur. Le Conseil fédéral, qui est chargé de fixer la date de l'entrée en vigueur, n'a pas encore annoncé publiquement cette date.

Chap. 5.2.3

5051

gations. Ce faisant, elle aurait respecté la répartition légale des tâches de surveillance entre le Conseil fédéral et le conseil de banque. En particulier, elle ­ plus précisément, la délégation ad hoc du Conseil fédéral ­ n'aurait pas dû laisser au président de la BNS le soin d'informer le président du conseil de banque: en agissant de la sorte, la délégation ad hoc n'a pas dûment tenu compte du problème de la récusation13.

Les événements se sont précipités le 5 janvier 2012, lorsque de nouveaux documents ont fait surface; ces derniers remettaient en question la crédibilité du président de la BNS et ont conduit le conseil de banque à suggérer à ce dernier, le 7 janvier 2012, de présenter sa démission. Le dimanche 8 janvier 2012, le Conseil fédéral a tenu une conférence téléphonique à ce sujet. Avant sa participation à l'émission «Arena» du 6 janvier 2012, la présidente de la Confédération de 2012 avait pu consulter ces nouveaux documents; toutefois, elle les avait rendus au président du conseil de banque, car elle avait estimé ne pas pouvoir garantir leur confidentialité eu égard aux circonstances. Cette argumentation n'a pas convaincu les CdG. Le collège gouvernemental n'avait donc pas eu accès à ces documents lors de la conférence téléphonique, de sorte qu'il lui était très difficile d'évaluer convenablement la situation. Croyant disposer de suffisamment de temps pour réunir tous les documents nécessaires et se forger une opinion réfléchie sur la recommandation émise par le conseil de banque, il a suspendu l'examen de cette affaire jusqu'au 11 janvier 2012. Entre-temps, le 9 janvier 2012, le président de la BNS a présenté sa démission.

Le Conseil fédéral n'a donc pas eu la possibilité de prendre position avant la démission du président de la BNS, alors que, conformément à la loi sur la Banque nationale, il lui appartient de révoquer ou non le président de la BNS sur la proposition du conseil de banque. En l'espèce, le conseil de banque n'avait déposé aucune proposition en ce sens: il a recouru à un autre moyen, à savoir recommander au président de la BNS de démissionner. Par conséquent, les CdG demandent au Conseil fédéral de vérifier s'il y a lieu de prévoir, dans la loi sur la banque nationale, que le conseil de banque soit tenu de consulter le Conseil fédéral avant de recommander au
président de la BNS de démissionner ou avant de proposer au Conseil fédéral de révoquer le président de la BNS (recommandation 7)14.

Selon les CdG, il s'agit du seul point qui mérite d'être vérifié dans le domaine de la répartition légale des tâches entre le Conseil fédéral et le conseil de banque: pour le reste, les CdG considèrent que la répartition actuelle est adéquate, car elle tient dûment compte de l'indépendance de la BNS. Le professeur Paul Richli est arrivé à la même conclusion dans son avis de droit. Les CdG estiment toutefois qu'il y a lieu de renforcer la coordination entre les différents organes qui exercent la surveillance sur la BNS.

D'une manière générale, les CdG estiment que les mesures prises par le Conseil fédéral pour ce qui est de la communication publique étaient judicieuses. Elles saluent le fait que le Conseil fédéral et la BNS ont coordonné leurs travaux, et se 13 14

Chap. 5.1 Chap. 5.3

5052

félicitent que le Conseil fédéral ait, dès le début, reconnu que la responsabilité en matière de communication avec le public incombait à la BNS15.

Les CdG sont satisfaites de la rapidité avec laquelle le conseil de banque a tiré les enseignements de cette affaire en adoptant, le 9 mars 2012, un nouveau règlement plus strict concernant les placements financiers et les opérations financières à titre privé des membres de la direction de la banque. Elles estiment toutefois que cet aspect doit également être traité dans le règlement d'organisation de la BNS, soumis à l'approbation du Conseil fédéral: à cet effet, elles demandent au Conseil fédéral de faire en sorte que le règlement d'organisation de la BNS impose au conseil de banque de réglementer les opérations passées en nom propre et attribue un rôle adéquat à la cellule Compliance de la BNS (recommandation 9)16. En outre, le professeur Paul Richli estime que la délégation de compétences de surveillance au sein de la BNS est sujette à interprétation. Se fondant sur ce constat, les CdG demandent au Conseil fédéral de faire en sorte que le règlement d'organisation de la BNS dote celle-ci d'une structure de surveillance interne claire et adéquate (recommandation 10)17.

Enfin, dans le cadre de la présente enquête, les CdG ont identifié plusieurs problèmes qu'elles avaient déjà signalés au Conseil fédéral après les inspections de 2010 relatives au comportement des autorités lors de la crise financière et à la gestion par les autorités fédérales de la crise diplomatique entre la Suisse et la Libye. Elles souhaitent notamment: ­

que les organes de contrôle préventif de la conformité au droit examinent la question des compétences légales suffisamment tôt et de manière adéquate,

­

que le collège gouvernemental assume davantage sa fonction de direction collective,

­

que la confidentialité soit garantie au plus haut niveau de l'administration fédérale au moyen de solutions techniques adéquates,

­

que la Chancellerie fédérale soit associée de manière appropriée aux affaires du Conseil fédéral,

­

que le Conseil fédéral améliore son dispositif de gestion de crise,

­

que les procès-verbaux des séances du Conseil fédéral soient de meilleure qualité.

Les CdG critiquent fortement le fait que plusieurs des problèmes qu'elles avaient soulevés lors d'enquêtes antérieures n'ont pas encore pu être résolus, alors que le Conseil fédéral leur avait assuré qu'ils le seraient.

Les CdG invitent le Conseil fédéral à bien vouloir prendre position sur les observations et recommandations formulées dans le présent rapport d'ici au 29 mai 2013.

15 16 17

Chap. 5.4 Chap. 6 Chap. 6

5053

Table des matières L'essentiel en bref

5048

Liste des abréviations

5056

1 Situation initiale 1.1 Rappel des faits 1.2 Mandat d'enquête, procédure et compétences des CdG 1.2.1 Mandat d'enquête et procédure 1.2.2 Compétences en matière de haute surveillance parlementaire sur la BNS

5057 5057 5058 5058 5060

2 Explications sur le comportement des autorités 2.1 La priorité donnée aux considérations politiques 2.1.1 Craintes pour la réputation de la Suisse et de la BNS 2.1.2 Primauté de la dimension politique 2.1.3 Conséquences de l'approche uniquement politique 2.1.4 Evaluation des CdG 2.2 Craintes d'éventuelles indiscrétions 2.2.1 Crainte d'une révélation de l'affaire aux médias par les informateurs de M. Blocher 2.2.2 Garantie de la confidentialité au sein de l'administration fédérale 2.2.3 Evaluation des CdG

5061 5061 5061 5061 5063 5064 5064

3 Absence de compétence du Conseil fédéral 3.1 Bases légales permettant d'enquêter sur les transactions bancaires du président de la BNS 3.1.1 Absence d'analyse préalable des bases légales 3.1.2 Compétences en matière de surveillance 3.1.3 Evaluation des CdG 3.2 Absence d'une base légale permettant de confier un mandat aux représentants du CDF 3.2.1 Mandat confié par la présidente de la Confédération au directeur et au vice-directeur du CDF 3.2.2 Forme du mandat confié à titre personnel 3.2.3 Quid de l'art. 25 LOGA?

3.2.4 Evaluation des CdG

5067

4 Problèmes relatifs à la collaboration et aux flux d'information au sein du Conseil fédéral et de l'administration fédérale 4.1 Information tardive du Conseil fédéral par la présidente de la Confédération/Base de décision du Conseil fédéral 4.1.1 Rappel des faits 4.1.2 Motifs de l'implication tardive du Conseil fédéral 4.1.3 Avis du Conseil fédéral concernant la procédure choisie 4.1.4 Avis des CdG sur l'implication du Conseil fédéral 4.2 Implication de représentants de l'administration fédérale 4.2.1 Participation indue du directeur du Service de renseignement de la Confédération

5064 5065 5066

5067 5067 5069 5073 5074 5074 5075 5077 5078 5079 5079 5079 5081 5081 5083 5085 5085 5054

4.2.2 Absence d'information à l'intention des chefs de département 4.2.3 Implication insuffisante des représentants de l'administration 4.3 Implication tardive de la Chancellerie fédérale

5087 5089 5091

5 Problèmes au niveau de la collaboration et des flux d'informations entre le Conseil fédéral et la BNS (présidents de la direction générale et du conseil de banque) 5.1 Aucune implication directe du conseil de banque avant le 22 décembre 2011 5.1.1 Contacts établis entre le 5 et le 22 décembre 2011 5.1.2 Motifs pour lesquels la présidente de la Confédération et le président du conseil de banque ont suivi des procédures distinctes 5.1.3 Signe de la répartition des rôles: l'existence de deux mandats distincts 5.1.4 Evaluation des CdG 5.2 Séance du Conseil fédéral du 23 décembre 2011 5.2.1 Etablissement des faits 5.2.2 Evaluation des CdG 5.2.3 Digression sur la qualité des procès-verbaux des séances du Conseil fédéral 5.3 Séance du Conseil fédéral du 8 janvier 2012 (conférence téléphonique) 5.3.1 Evénements survenus juste avant la conférence 5.3.2 Evaluation des CdG 5.3.3 Conférence téléphonique du 8 janvier 2012 5.3.4 Evaluation des CdG 5.4 Répartition des tâches de communication 5.4.1 Chronologie des mesures prises en la matière 5.4.2 Evaluation des CdG

5102 5106 5106 5108 5111 5113 5116 5116 5119

6 Conclusions

5120

Annexes: 1 Chronologie des événements 2 Liste des personnes entendues 3 Liste des recommandations

5125 5145 5146

5093 5094 5094 5094 5095 5098 5100 5100 5102

5055

Liste des abréviations AFF BNS BRI CDF CdG CdG-E CdG-N CER CER-N ChF Cst.

CIP CIP-E DDPS DélFin DélCdG DFAE DFF DFI DFJP fedpol FF FSB LBN LCF LMSI LOGA LParl NZZ OFJ OSRC PJF PwC RS SRC 5056

Administration fédérale des finances Banque nationale suisse Banque des règlements internationaux Contrôle fédéral des finances Commissions de gestion Commission de gestion du Conseil des Etats Commission de gestion du Conseil national Commissions de l'économie et des redevances Commission de l'économie et des redevances du Conseil national Chancellerie fédérale Constitution fédérale (RS 101) Commissions des institutions politiques Commission des institutions politiques du Conseil des Etats Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports Délégation des finances Délégation des Commissions de gestion Département fédéral des affaires étrangères Département fédéral des finances Département fédéral de l'intérieur Département fédéral de justice et police Office fédéral de la police Feuille fédérale Conseil de stabilité financière Loi fédérale du 3 octobre 2003 sur la Banque nationale suisse (loi sur la Banque nationale, RS 951.11) Loi fédérale du 28 juin 1967 sur le Contrôle fédéral des finances (loi sur le Contrôle des finances, RS 614.0) Loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (RS 120) Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (RS 172.010) Loi du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale (RS 171.10) Neue Zürcher Zeitung Office fédéral de la justice Ordonnance du 4 décembre 2009 sur le Service de renseignement de la Confédération (RS 121.1) Police judiciaire fédérale PricewaterhouseCoopers Recueil systématique du droit fédéral Service de renseignement de la Confédération

Rapport 1

Situation initiale

1.1

Rappel des faits

Le 9 janvier 2012, M. Philipp Hildebrand a démissionné avec effet immédiat de son poste de président de la Banque nationale suisse (BNS).

Les événements ayant conduit à cette démission ont pour origine des transactions de devises américaines effectuées à titre privé par la famille Hildebrand. C'est notamment l'achat d'un demi-million de dollars américains, le 15 août 2011 ­ c'est-à-dire peu avant que la BNS annonce, le 6 septembre 2011, qu'elle fixerait un taux plancher pour le franc suisse face à l'euro ­, qui sera au coeur de la polémique.

Un collaborateur de la banque chargée de gérer le compte privé du président de la BNS et d'effectuer les opérations en son nom a dérobé des informations relatives aux transactions précitées; ces informations sont finalement parvenues au conseiller national Christoph Blocher. Ce dernier en a alors parlé à la présidente de la Confédération de 2011 une première fois le 5 décembre 2011, puis ils en ont discuté à deux autres reprises en décembre 2011.

Ces informations étaient particulièrement sensibles sur le plan politique: si elles étaient avérées et prouvaient un comportement répréhensible de la part du président de la BNS, les conséquences sur la Suisse et sur la BNS seraient très graves, également au niveau international.

Etant donné que l'authenticité des informations n'avaient pas pu être démontrée de manière définitive et qu'il n'était pas certain que les transactions soient illicites, la présidente de la Confédération de 2011 a pris différentes mesures afin de clarifier la situation. Dans un premier temps, elle a demandé l'appui de plusieurs experts issus de l'administration fédérale. Le 15 décembre 2011, elle a convoqué une délégation ad hoc du Conseil fédéral, qu'elle a chargée de suivre l'avancée des travaux.

D'entente avec le président de la BNS, qu'elle avait entre-temps informé des reproches formulés à son endroit, elle a chargé le directeur et le vice-directeur du Contrôle fédéral des finances (CDF) de contrôler à titre personnel les transactions bancaires privées effectuées par le président de la BNS et sa famille en 2011.

Parallèlement, le président de la BNS a informé le président du Conseil de banque de la BNS, qui constitue l'organe chargé de surveiller la gestion des affaires de la BNS. De son côté, le président du conseil de banque a
chargé la société d'audit PricewaterhouseCoopers (PwC) d'examiner les comptes bancaires privés du président de la BNS. Le 21 décembre 2011, aussi bien le directeur et le vice-directeur du CDF que PwC sont arrivés à la conclusion qu'aucun reproche ne pouvait être adressé au président de la BNS sur le plan légal, étant donné que la transaction du 15 août 2011 n'avait pas été ordonnée par lui, mais par son épouse. Le conseil de banque et le Conseil fédéral se sont penchés sur les résultats des investigations respectivement le 22 décembre 2011 et le 23 décembre 2011. Tous deux ont renouvelé leur confiance au président de la BNS.

Le 23 décembre 2011, la BNS a publié un communiqué de presse dans lequel elle revenait brièvement sur le résultat des deux enquêtes et précisait que le conseil de banque avait renouvelé sa confiance au président de la BNS.

5057

Ces informations ayant suscité l'intérêt des médias et du public, la BNS a dû tenir une conférence de presse le 5 janvier 2012 afin de donner de plus amples informations sur cette affaire.

Peu de temps auparavant, le conseiller à la clientèle du président de la BNS avait transmis à l'avocat du susmentionné un courrier électronique dont l'existence et le contenu n'étaient pas encore connus au moment des deux enquêtes. Le 6 janvier 2012, à la demande du président de la BNS concernant l'existence éventuelle d'autres documents pertinents, le conseiller à la clientèle a transmis à l'avocat du président de la BNS un document supplémentaire jusqu'ici inconnu.

Ces nouvelles informations ont conduit le conseil de banque à recommander au président de la BNS, le 7 janvier 2012, de présenter sa démission: le conseil de banque a estimé que la crédibilité du président de la BNS avait été sérieusement ébranlée et qu'une démission était inévitable. Néanmoins, il n'a toujours pas constaté de violation des dispositions légales ou du règlement de la BNS.

Le 8 janvier 2012, lors d'une séance extraordinaire du Conseil fédéral, la présidente de la Confédération de 2012 a informé le Conseil fédéral des derniers développements de l'affaire.

Le lendemain, M. Hildebrand présentait sa démission18.

1.2

Mandat d'enquête, procédure et compétences des CdG

1.2.1

Mandat d'enquête et procédure

A la suite des événements précités, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont décidé, le 27 janvier 2012, de mener une enquête sur les circonstances de la démission du président de la Banque nationale suisse (BNS). A cet effet, elles ont institué un groupe de travail (ci-après: groupe de travail BNS) composé de membres des deux CdG19.

Les CdG ont défini l'objet de l'enquête comme suit: «Les CdG enquêtent sur la gestion par le Conseil fédéral et les unités administratives concernées des informations bancaires fournies par le conseiller national Christoph Blocher concernant M. Philipp Hildebrand et des événements qui se sont ensuivis (jusqu'à la démission de M. Hildebrand de son poste de président de la BNS).

Elles mettent l'accent sur le contrôle de la légitimité, de la pertinence et de l'efficacité de la gestion de la crise par le Conseil fédéral et l'administration fédérale.

L'enquête a pour but de tirer les enseignements de cette affaire pour savoir comment agir si des cas similaires devaient se reproduire.

18 19

Une chronologie détaillée des événements est disponible en annexe.

Le groupe de travail BNS comptait les membres suivants: le conseiller aux Etats Paul Niederberger (président; président de la CdG-E), la conseillère nationale Corina Eichenberger (vice-présidente), les conseillers aux Etats Peter Föhn, Claude Hêche, Hans Hess, René Imoberdorf, Claude Janiak, Werner Luginbühl et Markus Stadler et les conseillers nationaux Ruedi Lustenberger (président de la CdG-N), Max Binder, Ida GlanzmannHunkeler, Rudolf Joder, Maria Bernasconi et Franziska Teuscher.

5058

Si elles le jugent nécessaire à l'examen de la gestion du Conseil fédéral et de l'administration fédérale, elles enquêtent aussi sur les interactions entre le Conseil fédéral et d'autres acteurs (notamment le conseil de banque et la direction générale de la BNS, le conseiller national Christoph Blocher et les médias).» Entre le 14 février et le 14 mars 2013, le groupe de travail BNS s'est réuni à treize reprises et a auditionné quatorze personnes20. A l'exception des procès-verbaux de ses séances, le Conseil fédéral a fourni au groupe de travail tous les documents nécessaires. Il l'a informé en détail de la façon dont les événements s'étaient déroulés selon lui, notamment en lui remettant une chronologie des faits survenus jusqu'au 23 décembre 2011 établie alors par le secrétaire général du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), une chronologie établie a posteriori par la Chancellerie fédérale et deux notes d'information du secrétaire général du Département fédéral des finances (DFF).

En raison de son statut d'indépendance, la BNS dispose d'une très large autonomie et n'est soumise que partiellement à la haute surveillance parlementaire. Ce point sera abordé plus en détail dans les chapitres qui suivent. Toutefois, la BNS ­ par l'intermédiaire des représentants auditionnés par le groupe de travail ­ a pleinement coopéré avec les CdG en soutenant ouvertement leurs investigations et en répondant à toutes leurs questions.

Le conseiller national Christoph Blocher s'est lui aussi montré disposé à participer à l'enquête en expliquant au groupe de travail comment s'étaient passées ses rencontres avec la présidente de la Confédération de 2011. Le comportement d'un député n'étant pas soumis à la haute surveillance parlementaire, les CdG ne devaient pas juger du comportement de M. Blocher: son audition était uniquement destinée à établir les faits.

Sur la base des droits à l'information dont elle dispose, la Délégation des Commissions de gestion (DélCdG) a été chargée par les CdG de demander au Conseil fédéral qu'il lui fournisse les procès-verbaux des séances concernées ainsi que les documents y afférents. Après avoir analysé ces documents et procédé à plusieurs auditions21, la DélCdG a transmis au groupe de travail les informations essentielles qu'elle a tirées desdits documents et des
auditions22.

Ainsi, les CdG et la DélCdG ont eu accès à tous les documents pertinents qui étaient en possession du Conseil fédéral ou de l'administration fédérale; par ailleurs, pour autant qu'elles puissent en juger, elles ont été informées de manière exhaustive.

20 21 22

Voir en annexe la liste des personnes auditionnées.

La DélCdG a auditionné la chef du DFJP, le chef du DDPS, le directeur du SRC, le directeur de fedpol et le secrétaire d'Etat du DFAE.

La DélCdG a transmis au groupe de travail BNS le procès-verbal de la séance du Conseil fédéral du 23.12.2011.

5059

1.2.2

Compétences en matière de haute surveillance parlementaire sur la BNS

Conformément à l'art. 99, al. 2, de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.)23, la BNS est une banque centrale indépendante, qui mène une politique monétaire servant les intérêts généraux du pays; en outre, «elle est administrée avec le concours et sous la surveillance de la Confédération». La loi fédérale du 3 octobre 2003 sur la Banque nationale suisse (loi sur la Banque nationale, LBN)24 est l'expression de l'indépendance de la BNS ainsi que du concours et de la surveillance de la Confédération.

Au début de l'année 2012, le professeur Paul Richli a présenté un avis de droit dans lequel il examine de manière approfondie les règles qui régissent actuellement la surveillance exercée sur la BNS25. Le Conseil fédéral lui avait confié ce mandat le 25 janvier 2012.

M. Richli arrive notamment à la conclusion que les dispositions générales de la Constitution et de la loi du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale (loi sur le Parlement, LParl)26 en matière de haute surveillance parlementaire ne concernent pas la BNS: seules les dispositions de la LBN s'appliquent27.

La LBN ne prévoit qu'un seul instrument de haute surveillance: à l'art. 7, al. 2, 1re phrase, elle indique que la BNS «présente chaque année à l'Assemblée fédérale un rapport rendant compte de l'accomplissement de ses tâches selon l'art. 5». Chaque printemps, les CdG se penchent sur ce rapport conjointement avec des représentants de la direction générale de la BNS.

De l'avis des CdG, la façon dont le Conseil fédéral assume les compétences que lui attribue la LBN pour ce qui concerne la BNS est également du ressort de la haute surveillance parlementaire28. Ces compétences sont toutefois limitées en raison de l'indépendance de la BNS29.

Dans ce contexte, les CdG ont sciemment restreint leur enquête à la gestion de l'affaire en question par le Conseil fédéral et les unités administratives concernées.

Lorsque cela s'est avéré nécessaire pour évaluer cette gestion, elles se sont également penchées sur les interactions entre les autorités fédérales précitées et la BNS.

Par contre, l'enquête n'a pas porté sur le comportement du président de la BNS ni sur celui de la BNS en tant que telle.

23 24 25

26 27

28

29

RS 101 RS 951.11 Avis de droit du prof. Paul Richli du 15.2.2012 concernant la réglementation actuelle en matière de surveillance et les garanties constitutionnelles d'indépendance de la BNS (avis de droit du prof. Paul Richli; n'existe qu'en allemand).

RS 171.10 Avis de droit du prof. Paul Richli, ch. marg. 138, p. 41; cf. également l'avis de droit du 11.1.2010 intitulé «Surveillance et haute surveillance de la Banque nationale suisse», p. 11, présenté par les prof. Georg Müller et Stefan Vogel à l'intention des CdG (avis de droit des prof. Georg Müller et Stefan Vogel; n'existe qu'en allemand).

Cf. avis de droit des prof. Georg Müller et Stefan Vogel, p. 10 s.; article de presse du prof. Georg Müller intitulé «Nur beschränkte Aufsicht über die Nationalbank» et publié dans la Neue Zürcher Zeitung le 12.1.2012, p. 20.

Cf. avis de droit du prof. Paul Richli, ch. marg. 138 ss, p. 41 ss.

5060

2

Explications sur le comportement des autorités

Comme les CdG ont pu le constater au cours de leur enquête, deux éléments ont fortement influencé le comportement des conseillères fédérales et des représentants de l'administration fédérale, mais également, dans un certaine mesure, celui des représentants de la BNS concernés par l'affaire. Il s'agit, d'une part, de la priorité donnée aux considérations politiques et, d'autre part, de la crainte d'éventuelles indiscrétions. Vu leur importance fondamentale dans cette affaire, le présent chapitre va d'abord traiter dans les grandes lignes ces deux aspects, qui seront ensuite repris au fil des chapitres suivants.

2.1

La priorité donnée aux considérations politiques

2.1.1

Craintes pour la réputation de la Suisse et de la BNS

Le 5 décembre 2011, lorsque la présidente de la Confédération de 2011 ­ informée par le conseiller national Christoph Blocher ­ a pour la première fois eu connaissance des transactions bancaires potentiellement répréhensibles effectuées par le président de la BNS, elle a immédiatement perçu la dimension politique que revêtaient ces soupçons. En effet, un comportement illégal du président de la BNS aurait fortement terni aussi bien la réputation de la BNS que celle de la Suisse, tant au niveau national qu'à l'échelle internationale. Par ailleurs, la collaboration de la BNS avec d'autres banques centrales et avec des organisations internationales telles que le Fonds monétaire international (FMI) aurait pu être mise à mal.

En outre, peu de temps auparavant, le DFAE et la présidente de la Confédération s'étaient engagés sur la scène internationale en faveur de la nomination du président de la BNS à la présidence du Conseil de stabilité financière30. Le 6 novembre 2011, il avait été élu vice-président. Dans ce contexte, une éventuelle atteinte à la réputation de la Suisse et de la BNS aurait pu se révéler encore plus dommageable.

2.1.2

Primauté de la dimension politique

Lors de leurs auditions par les CdG, la présidente de la Confédération de 2011 et les chefs du DFF et du Département fédéral de justice et police (DFJP) ont clairement mis en avant la dimension politique des accusations: selon elles, cette dimension expliquait également l'intervention de la présidente de la Confédération et les travaux subséquents de la délégation ad hoc du Conseil fédéral instituée le 15 décembre 201131.

A son audition, la présidente de la Confédération de 2011 a expliqué aux CdG que: «cette information ne m'est pas apparue au premier chef comme une question juridique mais plutôt comme une question qui touchait l'image et la crédibilité du pays.

Par conséquent, en tant que présidente de la Confédération, j'ai estimé de mon 30

31

Fondé par les pays du G20, le Conseil de stabilité financière réunit les représentants des autorités de surveillance et des banques centrales de 24 pays. Son secrétariat est situé à Bâle, au siège de la Banque des règlements internationaux (BRI).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011), p. 3 ss.

5061

devoir d'examiner la plausibilité de l'information [...]32.» Ou: «C'est une affaire qui n'est pas juridique, mais hautement politique [...]33.» En outre, selon elle, le conseiller national Christoph Blocher s'est adressé à elle car il souhaitait que les accusations en question soient vérifiées sur le plan politique34. Lors de son audition, M. Blocher a expliqué aux CdG qu'il avait considéré, en sa qualité de conseiller national, qu'il devait s'adresser en premier ressort au Conseil fédéral, et non au Conseil de banque de la BNS35.

De même, la présidente de la Confédération de 2011 a estimé que le conseiller national Christoph Blocher avait pris la bonne décision en s'adressant à elle36.

Ainsi, eu égard aux risques que l'affaire représentait pour la réputation et la crédibilité de la Suisse et de la BNS, la présidente de la Confédération de 2011 a considéré qu'il était de son devoir de vérifier les informations que lui avait transmises le conseiller national Christoph Blocher, afin de les confirmer ou de les réfuter. C'est précisément pour cette raison qu'elle a ensuite rencontré M. Blocher une deuxième puis une troisième fois. Par la suite, la présidente de la Confédération a pris d'autres mesures37, sur lesquelles le présent rapport reviendra ultérieurement.

Il faut encore préciser que les représentants de l'administration fédérale et, plus tard, les chefs du DFF et du DFJP ainsi que le collège gouvernemental38 ont conforté la présidente de la Confédération de 2011 dans son idée que cette question était éminemment politique.

Après que la présidente de la Confédération de 2011 avait été informée par le conseiller national Christoph Blocher et qu'elle avait déjà procédé à des investigations, la chef du DFF ­ impliquée dans le dossier à partir du 15 décembre 2011 ­ a elle aussi estimé qu'il était de sa responsabilité politique d'agir comme elle l'a fait et d'assurer la stabilité de l'institution de la BNS39. L'approche politique suivie par la 32 33 34

35 36 37 38

39

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 4.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 16. Elle s'est exprimée dans le même sens à la page 10 du même procès-verbal.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011), p. 9; procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012). Ces déclarations contredisent celles du conseiller national Christoph Blocher à propos de sa première rencontre avec la présidente de la Confédération, le 5.12.2011: «Ich wisse nicht, ob dies der Bundesrat oder der Bankrat tun müsse.» [Je ne sais pas si cette affaire est du ressort du Conseil fédéral ou du conseil de banque.]

(cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 9.3.2012 [audition de Christoph Blocher, conseiller national], p. 17).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 9.3.2012, p. 16.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 10.

Cf. chronologie en annexe.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012 (audition de Corina Casanova, chancelière de la Confédération), p. 12: «Der Bundesrat war sich bewusst, dass es sich hier um eine politische Frage handelte (...)» (Le Conseil fédéral était conscient qu'il s'agissait d'une question politique [...]).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012), p. 18. Ibid., p. 20: «Das Ganze hat am 5. Dezember 2011 begonnen, bis Frau Sommaruga und ich einbezogen wurden, war es schon der 15. Dezember 2011. Verschiedene Weichen waren schon gestellt. Es wäre müssig gewesen, hier noch etwas rückgängig zu machen. Es war richtig, die Abklärungen fortzuführen.» [Tout a comencé le 5 décembre 2011, mais Mme Sommaruga et moi-même n'avons été informées que le 15 décembre. Plusieurs jalons avaient déjà été posés et il aurait été contre-productif de revenir sur ce qui avait déjà été fait. La décision de poursuivre les investigations était juste.]

5062

chef du DFF se reflète également dans sa volonté de confier le contrôle des transactions bancaires effectuées par le président de la BNS à un organe indépendant auquel le Parlement fasse toute confiance40. La chef du DFJP a elle aussi déclaré aux CdG que ce point était essentiel41.

A sa séance du 23 décembre 2011, le collège gouvernemental a été informé de la rencontre entre la présidente de la Confédération de 2011 et le conseiller national Christoph Blocher ainsi que des mesures prises par la présidente et la délégation ad hoc, informations dont il a pris acte sans les remettre en question. Ainsi, il a implicitement confirmé l'approche politique suivie par la présidente et la délégation ad hoc42.

2.1.3

Conséquences de l'approche uniquement politique

En raison de la dimension exclusivement politique donnée à cette affaire, ni les représentants de l'administration fédérale, ni les chefs du DFF et du DFJP, ni le collège gouvernemental ne se sont penchés, avant la démission du président de la BNS survenue le 9 janvier 2012, sur la question de la compétence du Conseil fédéral en la matière43.

Les investigations des CdG ont montré que, dans un premier temps, les conseillers fédéraux concernés et les représentants de l'administration fédérale n'ont pas ­ ou ont très vaguement ­ abordé la question de savoir si le Conseil fédéral avait une obligation légale d'exercer la surveillance sur le président de la BNS dans ce genre de cas.

Dans une phase ultérieure, c'est-à-dire à partir du 23 décembre 2011, le Conseil fédéral a explicitement souligné que le conseil de banque était l'autorité de surveillance de la BNS44. Dans son communiqué de presse du 4 janvier 2012, le Conseil fédéral a expliqué que les mesures prises par la présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc s'étaient fondées sur la responsabilité du Conseil fédéral en tant qu'autorité chargée de nommer le président de la BNS.

Ce n'est qu'à sa séance du 11 janvier 2012 que le Conseil fédéral a décidé de charger un expert juridique externe de délimiter les compétences entre le Conseil fédéral et le conseil de banque en ce qui concerne la surveillance de la BNS45.

40

41 42 43 44 45

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 19. Par la suite, le directeur et le vice-directeur du CDF ont été chargés à titre personnel de procéder à ce contrôle.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale), p. 34.

Cf. notamment procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 27.4.2012 (audition d'Ueli Maurer, conseiller fédéral), p. 14.

La question de la compétence de la présidente de la Confédération et du Conseil fédéral ainsi que celle des bases légales de leur action font l'objet du chap. 3.

Cf. communiqué de presse du Conseil fédéral du 4.1.2012.

Cf. note 25.

5063

2.1.4

Evaluation des CdG

En résumé, il y a lieu de constater que la présidente de la Confédération de 2011, les chefs du DFF et du DFJP, les représentants de l'administration concernés et, en dernier lieu, le collège gouvernemental n'ont vu aucun problème à agir sur la base de considérations d'ordre politique sans chercher à éclaircir ou à approfondir la question des compétences légales en matière de surveillance de la BNS46. Les personnes précitées n'ont abordé les aspects légaux que de manière ponctuelle, par exemple lorsqu'elles se sont demandé si une transaction de devises effectuée à titre privé par le président de la BNS constituait ou non un délit d'initié. En outre, elles n'ont pas non plus modifié leur approche après le 16 décembre 2011, date à laquelle le responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS a mentionné pour la première fois la compétence du conseil de banque en matière de surveillance et demandé que ce dernier cosigne le mandat confié au directeur et au vice-directeur du Contrôle fédéral des finances (CDF)47. La question de savoir dans quelle mesure la procédure suivie par la présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc était légale sera examinée au chapitre 3 du présent rapport.

2.2

Craintes d'éventuelles indiscrétions

2.2.1

Crainte d'une révélation de l'affaire aux médias par les informateurs de M. Blocher

Au cours de leur deuxième rencontre, qui a eu lieu le 13 décembre 2011, le conseiller national Christoph Blocher a indiqué à la présidente de la Confédération de 2011 que les trois avocats qui lui avaient transmis les informations relatives aux transactions bancaires effectuées par le président de la BNS souhaitaient également en informer les médias. Invoquant l'intérêt du pays, M. Blocher les en aurait dissuadés48.

Ainsi, la présidente de la Confédération de 2011 se trouvait à nouveau entre deux feux: d'une part, elle se trouvait en présence d'accusations présumées (car non étayées) à l'encontre du président de la BNS ­ il lui était impossible, sans les vérifier, de considérer ces accusations comme dénuées de fondement, notamment parce que M. Blocher, en sa qualité d'ancien conseiller fédéral et de conseiller national, était une personne fiable, et parce qu'il lui a précisé qu'il connaissait personnellement deux des trois avocats en question49 ­ et d'autre part, M. Blocher lui avait 46

47 48

49

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 10, déclaration de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011: «[...] il ne s'agissait pas pour moi de surveiller la BNS. Il s'agissait de pouvoir examiner les comptes de M. Hildebrand et de sa famille et de savoir s'il avait agi conformément aux usages moraux.». Cf.

également p. 11.

Cf. chronologie en annexe.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 5 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011) et procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 9.3.2012, p. 27 (audition de Christoph Blocher, conseiller national) Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 5. Quant à M. Blocher, il n'a donné que peu de détails concernant ses informateurs; il a toutefois confirmé qu'il connaissait personnellement certains d'entre eux et qu'il leur faisait confiance, cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 9.3.2012, p. 23 (audition de Christoph Blocher, conseiller national).

5064

indiqué que ses informateurs pourraient révéler aux médias les accusations qu'ils portaient à l'encontre du président de la BNS. Ainsi, le 13 décembre 2011, rien ne garantissait que M. Blocher avait définitivement dissuadé ses informateurs de prendre contact avec les médias, au contraire: le 5 décembre 2011, M. Blocher avait déjà informé la présidente de la Confédération de 2011 qu'il fallait faire vite, car il possédait de sérieux indices selon lesquels ses informateurs considéraient que la situation était inacceptable et comptaient informer la presse si «rien ne bougeait»50. Aux dires de la présidente de la Confédération, les informations en question étaient très délicates: «L'affaire était sensible et devait rester absolument secrète, pour éviter de bouleverser la Suisse pour une rumeur qui n'aurait pas été fondée»51.

Étant donné que les informateurs du conseiller national Christoph Blocher pouvaient à tout moment rendre publiques leurs accusations à l'encontre du président de la BNS, la présidente de la Confédération de 2011 et les représentants de l'administration présents à la rencontre du 13 décembre 2011 ont estimé qu'il fallait inviter M. Blocher à venir au plus vite étayer ses informations afin qu'elles soient vérifiées par l'administration fédérale52.

Après la deuxième rencontre avec M. Blocher, le risque était toujours réel pour la présidente de la Confédération ­ mais aussi, à terme, pour la BNS et son président ­ de voir les informations en question publiées avant même leur vérification. Par conséquent, la délégation ad hoc a elle aussi estimé que la vérification des transactions bancaires devait être effectuée dans les plus brefs délais53.

2.2.2

Garantie de la confidentialité au sein de l'administration fédérale

A la crainte de voir les trois informateurs de M. Blocher prendre contact avec les médias s'ajoutait celle de voir l'information filtrer en raison de l'augmentation du nombre de personnes ayant connaissance des transactions bancaires présumées: «[...] nous savions aussi que cette information pourrait se trouver dans la presse dès l'instant où le cercle des gens en possession de l'information s'élargissait.»54.

C'est pour cette raison que la présidente de la Confédération de 2011 a sciemment restreint le nombre de personnes informées: la Chancellerie fédérale n'a été mise au

50 51 52

53 54

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 9.3.2012, p. 18 (audition de Christoph Blocher, conseiller national).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 6.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 5 et 8. La présidente de la Confédération de 2011 a indiqué aux CdG que, en optant pour une procédure rapide, elle avait peut-être été influencée par le fait qu'elle souhaitait clore le dossier avant la fin de son mandat.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 33 ss (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 8 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011).

5065

courant que peu de temps avant la séance du Conseil fédéral du 23 décembre 201155 et les représentants de l'administration présents lors des deux rencontres avec M. Blocher n'ont pas été autorisés à informer leur chef de département respectif ­ DFJP et Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) ­ de leur implication dans le dossier56.

De l'avis des CdG, le fait que la présidente de la Confédération de 2011 n'a informé le Conseil fédéral que tardivement s'explique également par le souci de garantir la confidentialité57. Les membres du Conseil fédéral ont été invités à la séance du 23 décembre 2011 sans que l'ordre du jour leur soit communiqué et aucun document écrit ne leur a été fourni avant la séance58. En outre, ils ont dû déposer leur téléphone portable avant la séance59. La présidente de la Confédération de 2011 ne souhaitait pas convoquer une séance extraordinaire avant celle du 23 décembre 2011 (date de réserve pour les séances ordinaires), car une telle décision aurait justement attiré l'attention60.

Dans ce contexte, le chef du DDPS a expliqué aux CdG que le traitement d'un dossier par le Conseil fédéral sans la participation des proches collaborateurs des chefs de département était souvent impossible: ainsi, selon lui, le Conseil fédéral en tant que collège ne dispose quasiment pas de sphère privée61.

2.2.3

Evaluation des CdG

La crainte que les accusations portées à l'encontre du président de la BNS soient rendues publiques ­ soit par les informateurs de M. Blocher, soit par les représentants des autorités fédérales impliqués ­ avant d'avoir été vérifiées a mis sous pres55

56 57

58

59 60 61

Interrogée par les CdG à propos de l'implication tardive de la Chancellerie fédérale, Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011, a donné la réponse suivante: «Je n'ai pas vu l'intérêt d'élargir encore le cercle des personnes au courant de la rumeur. Je ne voyais pas en quoi la Chancellerie fédérale pouvait être utile, à un stade précoce. [...] Vous avez posé la question du secret: il me paraissait vital que rien ne filtre, et de resserrer donc au maximum le cercle des personnes informées de la recherche et de l'enquête, ce jusqu'à ce que les choses soient claires. A partir du moment où elles l'ont été, la délégation a souhaité informer le Conseil fédéral et la Chancellerie est devenu importante pour la communication du Conseil fédéral.» Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 14 ss.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 30.

Cf. note 29 (dernière partie). A son audition, la chef du DFJP a tenu des propos similaires: «Man wollte ­ bis die Situation geklärt war ­ den Kreis der Informierten so klein wie möglich halten.» [Notre but était de restreindre autant que possible le nombre de personnes informées, jusqu'à ce que la situation soit clarifiée], cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 36 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale).

A partir du milieu de la matinée, les membres du Conseil fédéral avaient la possibilité de consulter, auprès de la Chancellerie fédérale, la note de présentation de la présidente de la Confédération de 2011. Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 7 (audition de Corina Casanova, Chancelière de la Confédération) et avis du Conseil fédéral du 21.1.2013.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 10 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 15 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 27.4.2012, p. 14 (audition d'Ueli Maurer, conseiller fédéral).

5066

sion la présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc. Plus le temps passait, plus le Conseil fédéral risquait de devoir répondre publiquement à ces accusations sans avoir pu établir les faits et sans pouvoir réagir de manière adéquate.

3

Absence de compétence du Conseil fédéral

Conformément au principe de la légalité inscrit à l'art. 5, al. 1, Cst., toute activité de l'Etat repose sur une base légale. En l'espèce, il y a donc lieu de se demander si les activités des représentants de la Confédération ­ notamment la présidente de la Confédération de 2011, la délégation ad hoc et MM. Grüter et Huissoud62 (lesquels avaient été chargés par la présidente de la Confédération de 2011 d'enquêter sur les transactions bancaires effectuées par le président de la BNS) ­ s'appuyaient sur une base légale suffisante.

Le présent chapitre porte sur la période comprise entre le 5 et le 23 décembre 2011, c'est-à-dire la période durant laquelle la présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc s'occupaient du dossier. A partir du 23 décembre 2011, c'est clairement la BNS qui a pris les rênes de l'affaire.

Les chap. 4 et 5 examinent dans quelle mesure certaines dispositions n'ont pas été prises alors qu'elles auraient été adéquates.

3.1

Bases légales permettant d'enquêter sur les transactions bancaires du président de la BNS

3.1.1

Absence d'analyse préalable des bases légales

Lors des auditions qu'elles ont menées, les CdG ont cherché à savoir si la question des compétences légales du Conseil fédéral vis-à-vis de la BNS avait été clarifiée au préalable. Elles ont également examiné les documents reçus et ont constaté qu'aucun d'entre eux ne contenait une analyse écrite des dispositions légales régissant la répartition des compétences entre le conseil de banque et le Conseil fédéral63.

Par ailleurs, les auditions des CdG n'ont pas permis d'établir clairement si ­ et, le cas échéant, dans quelle mesure ­ la présidente de la Confédération de 2011, les représentants de l'administration impliqués et la délégation ad hoc avaient abordé la question des compétences légales dont disposait ou non le Conseil fédéral pour examiner les soupçons pesant sur le président de la BNS. A sa séance du 23 décembre 2011, le Conseil fédéral n'a pas discuté de la question de savoir si les mesures prises par la Confédération reposaient sur une base légale.

62

63

MM. Grüter et Huissoud sont respectivement le directeur et le vice-directeur du CDF. La présidente de la Confédération de 2011 leur a confié un mandat à titre personnel.

Cf. chronologie en annexe.

C'est l'une des raisons pour lesquelles le Conseil fédéral, après la démission du président de la BNS, a chargé le prof. Paul Richli d'éclaircir cette question juridique, comme l'a confirmé la présidente de la Confédération de 2012 lors de son audition. Cette dernière a également expliqué que, s'il était possible de revenir en arrière, la délégation devrait alors dûment réfléchir à la question de savoir si le dossier ne pourrait ou ne devrait pas être transmis au conseil de banque (cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 19)

5067

Les CdG ont demandé à la présidente de la Confédération de 2011 de l'époque si cette dernière avait fait en sorte que la question des compétences du Conseil fédéral soit clarifiée en interne; la présidente a répondu qu'elle avait demandé au directeur de l'Office fédéral de la justice (OFJ) de clarifier le contexte juridique64. Elle a également donné les explications suivantes: «Il est évident que la Confédération nomme le président du directoire et, en conséquence, a une certaine responsabilité, mais dans cette affaire je n'ai pas considéré que mon rôle et le rôle du Conseil fédéral étaient de surveiller la banque. [...] Il ne nous appartenait pas de surveiller la BNS ­ qui n'était pas concernée en tant que telle, sinon pour une question de réputation ­ [...] il s'agissait d'une question politique et non d'une question juridique.65» Les CdG ont reçu des réponses différentes à la question de savoir si les compétences du Conseil fédéral avaient été abordées à la première séance de la délégation ad hoc du 15 décembre 2011. La chef du DFJP a répondu par l'affirmative, expliquant que la délégation ad hoc avait décidé à l'unanimité de clarifier elle-même la situation et de ne pas laisser le conseil de banque s'en charger; toutefois, la délégation n'avait pas cherché à savoir s'il existait une base légale spécifique sur laquelle la présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc pouvaient fonder leur action66.

De son côté, la chef du DFF a affirmé que la délégation ad hoc n'avait pas discuté de la question de savoir s'il appartenait bien à la présidente de la Confédération de 2011 ou au conseil de banque de s'entretenir avec le conseiller national Christoph Blocher67. Après que M. Blocher s'était adressé à la présidente de la Confédération de 2011 et étant donné que les accusations formulées à l'endroit du président de la BNS avaient une dimension politique, les deux chefs précitées avaient estimé à l'époque qu'il incombait à la délégation ad hoc d'examiner plus en détail lesdites accusations68. Ainsi, ni la chef du DFJP, ni la délégation ad hoc n'avaient chargé le directeur de l'OFJ d'examiner la question des compétences d'un point de vue juridique69.

L'ancien secrétaire général du DFAE a informé les CdG que la présidente de la Confédération de 2011 avait déjà abordé avec lui la question
des compétences du Conseil fédéral avant le 6 décembre 2011. Il a affirmé que tous deux étaient rapidement arrivés à la conclusion suivante: «l'exécutif ­ c'est-à-dire le Conseil fédéral ­ n'est qu'indirectement compétent, car il incombe en premier lieu au conseil de banque et non au Conseil fédéral d'exercer la surveillance sur le président de la BNS. Toutefois, c'est bien à la présidente de la Confédération que M. Blocher s'est

64

65 66 67 68

69

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 10 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011). Le directeur de l'OFJ n'a fait que vérifier de manière détaillée, à la demande de la présidente de la Confédération, l'éventuelle responsabilité pénale du président de la BNS; par contre, il ne s'est pas penché sur la question de savoir si le Conseil fédéral avait compétence pour lancer les investigations qui ont suivi (cf. chap. 4.2.3).

Ibid.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 33 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale) Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 18 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012) Cf. procès-verbaux des séances du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 18 s. (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012) et du 4.5.2012, p. 33 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale) Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 35 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale)

5068

adressé et, pour Mme Calmy-Rey, il était important de protéger le Conseil fédéral: pour ce faire, il était indispensable de connaître les faits» [trad.]70.

Le directeur de l'OFJ a déclaré qu'il était dans l'ordre des choses de se poser la question des compétences. Il a également donné les explications suivantes: «une analyse des bases légales a toutefois clairement montré que le Conseil fédéral, en sa qualité d'organe de nomination et de surveillance, était tout à fait compétent du point de vue juridique; par ailleurs, en tant qu'organe de nomination, il avait naturellement une responsabilité politique, bien que le conseil de banque soit aussi concerné et que le Conseil fédéral ne puisse prendre certaines décisions que sur la proposition du conseil de banque» [trad.]71. Toutefois, ni lui-même ni l'OFJ72 n'ont approfondi la question de la responsabilité politique du Conseil fédéral.

M. Hildebrand a expliqué aux CdG que, lors de la rencontre du 15 décembre 2011, personne n'avait abordé la question de savoir qui, du conseil de banque ou du Conseil fédéral, avait la compétence de faire la lumière sur cette affaire73.

En résumé, les CdG sont arrivées à la conclusion que les mesures prises par la présidente de la Confédération de 2011 puis par la délégation ad hoc entre le 5 et le 23 décembre 2011 en vue d'examiner les reproches formulés à l'endroit du président de la BNS ne reposaient pas sur une base légale précise.

3.1.2

Compétences en matière de surveillance

Bien que les membres de la délégation ad hoc aient ­ parfois explicitement ­ déclaré, lors de leurs auditions, qu'ils ne s'étaient référés à aucune base légale relative à la surveillance pour asseoir leur action, il est essentiel d'aborder la question de la répartition des compétences en ce qui concerne la surveillance exercée sur la BNS.

En particulier, il s'agit de vérifier, a posteriori, si une base légale conférait effectivement au Conseil fédéral la compétence de prendre des mesures de surveillance.

70

71

72

73

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 5 (audition de l'ancien secrétaire général du DFAE): Es sei ihnen «relativ schnell klar [gewesen], dass die Exekutive, d. h. der Bundesrat, nur indirekt zuständig ist, weil die Überwachung des Nationalbankpräsidenten primär dem Bankrat und nicht dem Bundesrat zusteht. Tatsache war aber, dass Herr Blocher die Bundespräsidentin informiert hatte. Frau Calmy-Rey war es wichtig, den Bundesrat zu schützen. Um dies tun zu können, [...] war es unabdingbar, zuerst die Fakten zu kennen.» «Eine Analyse der Rechtsgrundlagen machte aber klar, dass der Bundesrat als Wahl- und Aufsichtsorgan rechtlich durchaus kompetent ist. Als Wahlorgan steht der Bundesrat natürlich auch politisch im Fokus, auch wenn der Bankrat dazwischengeschaltet ist und verschiedene Entscheide des Bundesrates nur auf Antrag des Bankrates zustande kommen.», cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 20 (audition du directeur de l'OFJ) L'OFJ n'a pas approfondi cette question notamment parce que la présidente de la Confédération de 2011 avait expressément demandé au directeur de l'OFJ de ne pas impliquer d'autres personnes; cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 20 (audition du directeur de l'OFJ).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 5 (audition de Philipp Hildebrand, ancien président de la BNS).

5069

Compétences générales en matière de surveillance Sur mandat du Conseil fédéral, le professeur Paul Richli a présenté un avis de droit dans lequel il analyse la réglementation qui régit actuellement la surveillance exercée sur la BNS74. Dans cet avis, M. Richli arrive à la conclusion que la LBN attribue les tâches de surveillance et de contrôle exclusivement au conseil de banque (art. 42, al. 1, LBN75). M. Richli précise qu'il s'agit de la mission principale du conseil de banque76.

Par ailleurs, le Conseil fédéral a la compétence de nommer et de révoquer ­ sur proposition du conseil de banque ­ les membres de la direction générale (art. 43, al. 2 et art. 45, al. 1, LBN) et six membres du conseil de banque (art. 39, al. 1 et art. 41, al. 3, LBN). Enfin, l'assemblée générale de la BNS a elle aussi des compétences en matière de surveillance77.

Compétences en matière de surveillance au sein de la BNS Bien que, aux termes de la LBN, il incombe en principe au conseil de banque d'exercer la surveillance au sein de la BNS, le règlement d'organisation de la Banque nationale suisse du 14 mai 200478, qui est soumis à l'approbation du Conseil fédéral, confie des tâches de surveillance à certains organes de la BNS. Ainsi, la haute surveillance sur la gestion a été confiée à la direction générale élargie79, notamment en ce qui concerne le respect des lois, des statuts, des règlements et des directives (compliance)80. Le règlement confère également certaines tâches de surveillance au Comité d'audit du conseil de banque81: ce dernier aide le conseil de banque notamment à surveiller le respect des lois et des directives prudentielles82.

Dispositions relatives aux opérations financières effectuées à titre privé par des membres de la direction générale Au moment où le président de la BNS a effectué les transactions bancaires en question, le règlement du 16 avril 2010 régissant les opérations sur instruments financiers passées en nom propre par les membres de la direction générale élargie était en vigueur83. Ce règlement définissait les restrictions relatives aux opérations préci74 75

76 77 78 79 80 81 82 83

Cf. note 25 Art. 42, al. 1, LBN: «Le conseil de banque surveille et contrôle la gestion des affaires de la Banque nationale; il s'assure en particulier que la loi, les règlements et les directives sont respectés.». L'art. 10, al. 2, let. i, du règlement d'organisation de la Banque nationale suisse du 14 mai 2004 précise ce mandat de la manière suivant: «il [le conseil de banque] exerce la haute surveillance sur la gestion des affaires par la Direction générale élargie, notamment eu égard au respect des lois, des statuts, des règlements et des directives (compliance)». [Le texte français n'est pas clair; il faut lire: «Il exerce, par l'intermédiaire de la direction générale élargie, la haute surveillance sur la gestion des affaires, notamment...»].

Avis de droit du prof. Paul Richli, p. 24, ch. marg. 74.

Avis de droit du prof. Paul Richli, p. 31, ch. marg. 99.

RS 951.153 Cette dernière se compose des trois membres de la direction générale de la BNS et de leurs suppléants.

Art. 10, al. 2, let. i, du règlement d'organisation de la BNS.

Il se compose de trois membres du conseil de banque.

Art. 11, al. 2, du règlement d'organisation de la BNS (première phrase).

Depuis, ce règlement a été remplacé par le règlement du 9 mars 2012 relatif aux placements financiers et aux opérations financières à titre privé des membres de la Direction de la Banque.

5070

tées84 afin d'éviter les conflits d'intérêt ainsi que l'usage abusif d'informations et, partant, de protéger la réputation de la BNS85.

L'art. 3 du règlement portait sur les opérations autorisées: l'al. 2 citait notamment «l'achat et la vente de devises et de billets de banque étrangers en vue de voyages à titre privé ainsi que l'acquisition personnelle de patrimoine non financier», considérant toutefois que le règlement prévoyait aussi certaines limites en la matière86.

Enfin, l'art. 4 portait sur l'usage abusif d'informations privilégiées par les membres de la direction générale élargie.

Compétences du Conseil fédéral en matière de surveillance Dans le chapitre consacré à la surveillance que le Conseil fédéral exerce sur la BNS, M. Richli mentionne l'art. 7, al. 1, LNB87. L'alinéa en question comporte les trois éléments suivants: 1.

«La Banque nationale examine régulièrement avec le Conseil fédéral la situation économique, la politique monétaire et les questions d'actualité en relation avec la politique économique de la Confédération.»

2.

«Avant de prendre des décisions importantes en matière de politique économique et monétaire, le Conseil fédéral et la Banque nationale s'informent mutuellement de leurs intentions.»

3.

«Le rapport annuel et les comptes annuels de la Banque nationale sont soumis à l'approbation du Conseil fédéral avant d'être présentés à l'assemblée générale.»

En outre, le Conseil fédéral a la compétence de nommer, sur la proposition du conseil de banque, les membres de la direction générale et leurs suppléants88. Il désigne également le président et le vice-président de la direction générale89. Il peut aussi, sur proposition du conseil de banque, révoquer un membre de la direction générale ou un suppléant pendant la durée de son mandat si ce dernier ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de son mandat ou s'il a commis une faute grave90.

L'analyse des compétences dévolues en matière de nomination et de révocation montre que ces dernières répondent à deux conditions: premièrement, le Conseil fédéral ne peut nommer ou révoquer un membre que sur proposition du conseil de banque; deuxièmement, considérant qu'un membre de la direction générale doit

84 85 86 87 88

89 90

Art. 1, al. 1.

Art. 1, al. 2.

Cf. en particulier l'art. 6, al. 2, let. c (gestion passive des devises).

Avis de droit du prof. Paul Richli, p. 32, ch. marg. 103 ss.

Art. 43, al. 2, LBN. Selon M. Richli, ces compétences ­ prises au sens large ­ font partie des compétences du Conseil fédéral en matière de surveillance (avis de droit du prof. Paul Richli, p. 42, ch. marg. 144).

Art. 43, al. 3, LBN.

Art. 45, al. 1, LBN.

5071

répondre à certains critères91, le Conseil fédéral doit, avant de nommer ou de révoquer une personne, vérifier que tous les critères fixés dans la loi sont respectés ou, au contraire, qu'ils ne le sont plus.

La limitation des motifs de révocation prévue par la LBN vise à renforcer l'indépendance des membres de la direction générale de la BNS92, et ces critères de révocation ont encore été durcis dans le cadre de la révision de la LBN93.

Enfin, M. Richli indique que l'Assemblée fédérale, le Conseil fédéral et l'assemblée générale de la BNS, en leur qualité d'organes de surveillance de la BNS, doivent, dans une certaine mesure, coordonner leurs travaux94.

Analyse de la répartition des tâches de surveillance. Synthèse L'analyse des bases légales montre clairement que ce sont la BNS et ses organes qui ont la compétence légale de surveiller les transactions bancaires effectuées par le président de la BNS.

Du point de vue de la haute surveillance, il importe de souligner que le conseil de banque, conformément à ses compétences, a édicté des règles de comportement que le président de la BNS est tenu de respecter lorsqu'il procède à des transactions bancaires à titre privé95.

Le 16 décembre 2011, le président du conseil de banque s'est fondé sur les compétences mentionnées plus haut pour confier le contrôle de ces transactions bancaires à la société PwC; cette dernière n'ayant constaté aucune violation du règlement, le conseil de banque a déclaré, le 23 décembre 2011, qu'elle soutenait le président de la BNS.

Le président du conseil de banque a lui aussi expliqué aux CdG que, de son point de vue, il était clair dès le début que le conseil de banque ­ par l'intermédiaire de son président ­ avait compétence pour examiner cette affaire et que, partant, il n'avait pas jugé utile de clarifier la question des responsabilités en la matière96.

De l'avis des CdG, la présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc ne pouvaient pas se fonder sur le droit de révocation dont dispose le Conseil fédéral en vertu de la LBN pour charger le directeur et le vice-directeur du CDF de tirer cette affaire au clair.

91

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96

«Les membres de la direction générale doivent bénéficier d'une réputation irréprochable et avoir une expérience reconnue dans les domaines monétaire, bancaire et financier. Ils doivent être de nationalité suisse et avoir leur domicile en Suisse» (art. 44, al. 1, LBN).

Et: «Ils ne peuvent exercer aucune autre activité professionnelle ou commerciale ni aucune fonction au service de la Confédération ou d'un canton. Le conseil de banque peut autoriser des exceptions si l'exercice de tels mandats est utile à l'accomplissement des tâches de la Banque nationale» (art. 44, al. 2, LBN).

Avis de droit du prof. Paul Richli, p. 26, ch. marg. 82.

Ibid.; FF 2002 5808 s.

Avis de droit du prof. Paul Richli, p. 44 et 67, ch. marg. 156 et 240.

La question de savoir si les transactions bancaires effectuées par le président de la BNS sont conformes au règlement n'est pas du ressort de la haute surveillance parlementaire.

Toutefois, aussi bien le directeur et le vice-directeur du CDF que la société PwC sont arrivés à la conclusion que les transactions bancaires en question n'étaient pas contraires au règlement. Les vérifications ultérieures du conseil de banque et de la présidente de la Confédération de 2012 ont confirmé cet avis.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 26 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

5072

S'il est vrai que le Conseil fédéral a le pouvoir de révoquer un membre de la direction générale de la BNS et doit examiner les motifs qui permettent une telle révocation, il ne faut pas oublier que le conseil de banque, pour des raisons liées à l'indépendance de la BNS, exerce une fonction de surveillance et doit, au préalable, déposer une proposition de révocation fondée à l'intention du Conseil fédéral. En cas de comportement fautif d'un membre de la direction générale, le conseil de banque devrait dans un premier temps vérifier si les critères ayant permis sa nomination sont toujours respectés ­ en d'autres termes, s'il existe des motifs d'incompatibilité ­ avant, le cas échéant, de déposer une proposition de révocation à l'intention du Conseil fédéral.

Selon les informations dont disposent les CdG, le conseil de banque n'a pas envisagé de déposer une telle proposition fin 2011, après avoir pris connaissance des résultats des vérifications opérées par PwC et par la direction du CDF. Il aurait pu se pencher à nouveau sur la question début janvier 2012, lorsque de nouveaux documents ont fait surface; toutefois, il n'a pas non plus déposé de proposition de révocation à ce moment-là. Il est impossible de savoir s'il aurait finalement pris une telle décision dans l'hypothèse où le président de la BNS n'aurait pas présenté sa démission le 9 janvier 2012.

Bien qu'il soit judicieux ­ et même possible, pour autant que cela reste dans le cadre légal ­ que le conseil de banque coordonne ses travaux et échange des informations avec le Conseil fédéral avant de déposer une proposition de révocation, les CdG estiment qu'il incombe au seul conseil de banque de mener la procédure jusqu'au dépôt de la proposition.

3.1.3

Evaluation des CdG

La présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc n'ont pas examiné de manière approfondie la question de savoir si leur action se fondait sur une base légale. Les conseillères fédérales et les représentants de l'administration concernés étaient unanimes à penser que les mesures qui ont été prises ­ notamment le mandat confié au directeur et au vice-directeur du CDF ­ ne relevaient pas de la surveillance, mais étaient motivées par des considérations politiques. Les CdG estiment en outre qu'aucune disposition légale relative à la surveillance et aucune compétence du Conseil fédéral ne peuvent justifier a posteriori ces mesures.

Considérant que la loi confère notamment aux CdG la mission d'examiner la gestion du Conseil fédéral sous l'angle de la légalité, les CdG ne peuvent que critiquer le fait que l'action du Conseil fédéral ne se soit fondée sur aucune base légale. Si elles reconnaissent qu'il existait un intérêt public prépondérant à ce que les accusations portées contre le président de la BNS soient examinées rapidement et de manière confidentielle, elles soulignent toutefois que, à lui seul, cet intérêt ne saurait satisfaire au principe de la légalité.

Les personnes impliquées ont pris des mesures sans avoir au préalable clarifié les questions de la légitimité et des compétences, ce qui, eu égard à l'indépendance dont jouit la BNS de par la Constitution, est particulièrement problématique: les CdG ne peuvent comprendre que la présidente de la Confédération de 2011, les deux autres conseillères fédérales concernées et les membres de l'administration fédérale impliqués dans le dossier n'aient pas accordé davantage d'importance à ce point.

5073

Dans une telle situation, il est essentiel de clarifier en temps voulu les compétences légales du Conseil fédéral.

Recommandation 1 Les CdG demandent au Conseil fédéral de faire en sorte que les organes de contrôle préventif de la conformité au droit examinent la question des compétences légales suffisamment tôt et de manière adéquate, également lorsqu'il s'agit d'affaires urgentes dont la portée politique est importante.

Dans le cadre de l'inspection qu'elles ont menée en 2010 concernant le comportement des autorités lors de la crise financière97, les CdG avaient déjà émis une recommandation (recommandation 14) qui invitait le Conseil fédéral à demander systématiquement, lorsqu'il est appelé à se pencher sur d'importantes questions juridiques, une analyse approfondie et une appréciation à l'OFJ. Le Conseil fédéral avait alors déclaré être disposé, sur le principe, à mettre en oeuvre la recommandation des CdG98.

3.2

Absence d'une base légale permettant de confier un mandat aux représentants du CDF

3.2.1

Mandat confié par la présidente de la Confédération au directeur et au vice-directeur du CDF

Lors de sa rencontre du 15 décembre 2011 avec la présidente de la Confédération et des représentants de l'administration, le conseiller national Christoph Blocher a présenté des copies d'extraits présumés du compte bancaire du président de la BNS.

La présidente de la Confédération et les chefs du DFF et du DFJP ont alors estimé qu'il était important de clarifier rapidement et précisément les faits pour déterminer si le président de la BNS avait bien effectué, à titre privé, des transactions de devises problématiques.

Le même jour, la présidente de la Confédération de 2011 et la chef du DFF ont rencontré le président de la BNS et lui ont fait part des accusations de M. Blocher.

De sa propre initiative, le président de la BNS s'est déclaré disposé à faire toute la transparence sur ses transactions bancaires privées, précisant toutefois que les vérifications qui allaient être opérées devaient respecter l'indépendance de la BNS99.La chef du DFF a également proposé de charger le directeur du CDF de se pencher à titre personnel sur cette question100. Interrogée à ce sujet par les CdG, elle a justifié cette décision de la manière suivante: «Nous avons réfléchi à la question de savoir 97

Les autorités sous la pression de la crise financière et de la transmission de données clients d'UBS aux Etats-Unis, rapport des CdG du 30.5.2010 (FF 2011 2903) (rapport des CdG relatif à la crise financière) 98 Les autorités sous la pression de la crise financière et de la transmission de données clients d'UBS aux Etats-Unis. Avis du Conseil fédéral du 13.10.2010 (FF 2011 3288) 99 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 5 (audition de Philipp Hildebrand, ancien président de la BNS).

100 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 19 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012)

5074

qui pourrait procéder à des vérifications de manière indépendante. Nous avions peu de temps à notre disposition. Pour moi, il était important que nous choisissions une personne qui bénéficie d'une grande crédibilité auprès du Parlement. [...] Nous avons estimé qu'il n'était pas judicieux de confier ce mandat à PwC, à KPMG ou à toute autre entreprise privée, car on aurait pu alors nous reprocher des conflits d'intérêts ou un quelconque lien avec ces entreprises. [...] Considérant que le CDF n'assume aucune fonction de surveillance sur la BNS, j'ai proposé que l'on demande à MM. Grüter et Huissoud d'intervenir à titre personnel» [trad.]101. Les personnes présentes lors de cette rencontre ­ y compris le président de la BNS ­ ont approuvé cette solution102.

Avec l'accord de la présidente de la Confédération de 2011, le directeur du CDF a ensuite fait appel au vice-directeur du CDF. Après quelques échanges entre la BNS et les représentants de la Confédération concernés103, MM. Grüter et Huissoud ont été chargés par la présidente de la Confédération de 2011 d'enquêter à titre personnel sur toutes les transactions bancaires effectuées par le président de la BNS en 2011104. L'enquête devait être achevée dans un délai serré105, la présentation du rapport final ayant été fixée au 21 décembre 2011.

3.2.2

Forme du mandat confié à titre personnel

La loi fédérale du 28 juin 1967 sur le Contrôle fédéral des finances (loi sur le Contrôle des finances, LCF)106 fixe les tâches et les compétences du CDF. En vertu de l'art. 1 LCF, le Parlement et le Conseil fédéral peuvent confier des mandats au CDF. L'activité du CDF ­ et, partant, les mandats qui lui sont confiés ­ doivent entrer dans le champ de surveillance fixé par la loi; or, l'art. 19 LCF exclut explicitement la BNS du champ de surveillance du CDF.

101

102 103 104

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106

Ibid.: «Wir haben uns überlegt, wer für eine unabhängige Überprüfung in Frage kommt.

Es blieb nicht viel Zeit für Abklärungen. Mir war wichtig, dass es jemand macht, der im Parlament eine hohe Glaubwürdigkeit besitzt. [...] Wir haben darüber diskutiert, dass es keinen Sinn macht, PricewaterhouseCoopers (PwC), KPMG oder ein anderes privates Unternehmen zu beauftragen, weil uns sonst irgendwelche Verflechtungen oder Interessenskollisionen hätten zum Vorwurf gemacht werden können. [...] Die EFK hat keine Aufsichtsfunktion über die Nationalbank. Deshalb war ich der Meinung, man könne Herrn Grüter und Herrn Huissoud ad personam einsetzen.»; après la rencontre, le directeur du CDF a fait appel au vice-directeur du CDF, M. Huissoud, en vertu du principe du double contrôle usuellement appliqué par le CDF.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 5 (audition de Philipp Hildebrand, ancien président de la BNS).

Cf. chronologie en annexe.

Examen spécial relatif au Président de la Direction générale de la Banque nationale suisse (BNS), rapport final du directeur et du vice-directeur du CDF du 21 décembre 2011 (ci-après «rapport du CDF»). Aux termes du mandat, l'enquête ne concerne que les comptes bancaires présentés par Philipp Hildebrand dans sa déclaration d'intégralité (y compris les comptes de son épouse et de sa fille).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 9.3.2012, p. 14 (audition du directeur du CDF): «Man sagte uns, dass der Bericht bereits am nächsten Dienstag vorliegen sollte, weil in dieser Woche Gerüchte und Vorwürfe an die Öffentlichkeit gelangen würden.» [On nous a dit que le rapport devait déjà être prêt le mardi suivant, car des rumeurs et des reproches commenceraient à circuler cette semaine-là.]

RS 614.0

5075

La BNS est une société anonyme régie par une loi spéciale et possédant un organe de révision interne ainsi qu'un organe de révision externe107 élu par l'assemblée générale. Le conseil de banque, son comité d'audit et, en dernier recours, l'assemblée générale de la BNS assument également des tâches dans le domaine de la surveillance financière. Cette répartition des compétences est l'expression de l'indépendance de la BNS.

La LCF ne peut donc pas servir de base légale à l'examen des transactions bancaires effectuées par le président de la BNS; par conséquent, le CDF ne pouvait pas faire office d'organe de contrôle. Toutefois, pour pouvoir s'appuyer sur l'avis éclairé d'experts et la bonne réputation du CDF et de ses membres, la présidente de la Confédération a chargé le directeur et le vice-directeur du CDF d'enquêter à titre personnel.

A posteriori, on peut décrire ce mandat de la manière suivante: à la demande de la présidente de la Confédération de 2011, deux experts indépendants (le directeur et le vice-directeur du CDF) ­ que l'on peut considérer comme des particuliers108 ­ enquêtent sur les transactions bancaires effectuées par un autre particulier109 (le président de la BNS), qui leur a au préalable donné son accord.

La forme du mandat confié à titre personnel avait pour objectif de tenir compte de l'indépendance de la BNS110; en outre, elle a notamment permis que le rapport final présentant les résultats de l'enquête ne soit pas soumis à la Délégation des finances (DélFin), contrairement aux rapports du CDF111.

Cette forme n'a toutefois pas été rigoureusement respectée par la suite: par exemple, le directeur et le vice-directeur du CDF ont signé leur rapport en indiquant la fonction officielle qu'ils occupent au sein du CDF.

107 108

Cf. art. 47 s. LBN.

La présidente de la Confédération a notamment fait la déclaration suivante: «Ce n'est donc pas le Contrôle fédéral des finances qui a été mandaté, mais deux personnes chargées de vérifier les dires de M. Hildebrand.» (cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 10 [audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011]).

109 L'ancien secrétaire général du DFAE a notamment fait la déclaration suivante: «Wir argumentierten, dass es nicht um eine Prüfung von Geschäften der SNB durch die EFK, sondern um eine Prüfung der privaten Geschäfte von Herrn Hildebrand durch einen Experten gehe.» [Nous avons estimé qu'il ne s'agissait pas d'un contrôle des affaires de la BNS par le CDF, mais d'un contrôle des affaires privées de M. Hildebrand par un expert.]

(cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 7 [audition de l'ancien secrétaire général du DFAE]); «Es gehe nicht um eine Überprüfung von Geschäften der SNB [...], sondern um eine Überprüfung von Geschäften von Herrn Hildebrand als Privatperson, welcher er im Übrigen zugestimmt habe» [Il ne s'agit pas d'examiner des affaires concernant la BNS (...), mais d'examiner des affaires concernant M. Hildebrand en tant que particulier, lequel nous a d'ailleurs donné son accord] (ibid., p. 8). Le vice-directeur du CDF a notamment fait la déclaration suivante: «Il ne faut pas oublier que nous n'avons pas examiné la Banque nationale mais une personne physique, M. Philipp Hildebrand, qui a donné son acccord pour qu'on vérifie ses comptes.» (cf.

procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 9.3.2012, p. 13 [audition du vicedirecteur du CDF]).

110 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 22 (audition du directeur de l'OFJ).

111 Cf. art. 14, al. 1, LCF.

5076

3.2.3

Quid de l'art. 25 LOGA?

Lors des auditions menées par les CdG, la présidente de la Confédération de 2011 a estimé que112 le mandat qu'elle avait confié au directeur et au vice-directeur du CDF se fondait sur l'art. 25 de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)113. Cet article prévoit notamment que le président de la Confédération peut demander en tout temps des éclaircissements sur des affaires déterminées et propose au Conseil fédéral les mesures qui lui paraissent opportunes114.

Les représentants du CDF ont estimé que le fait de se voir confier un mandat par la présidente de la Confédération de 2011 constituait une raison suffisante d'accepter ce mandat. Interrogé par les CdG, le directeur du CDF a ainsi fait la déclaration suivante: «La présidente de la Confédération nous a formellement chargés de procéder à cette enquête, à laquelle M. Hildebrand avait donné son accord. Nous n'avions donc plus aucune vérification à effectuer concernant la légalité de ce mandat»115. Le vice-directeur du CDF a ajouté que le mandat se fondait sur le code des obligations116.

Lors de sa première rencontre avec les représentants du CDF, le chef de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS ­ que le président de la BNS avait désigné comme interlocuteur ­ s'est enquis de la base juridique sur laquelle reposait le mandat117. La procédure choisie ne l'ayant pas convaincu, il a instamment demandé à ce que non seulement la présidente de la Confédération, mais également la BNS soit la mandante de MM. Grüter et Huissoud. Selon lui, eu égard à l'indépendance de la BNS, la procédure choisie ne pouvait être juridiquement défendable qu'à cette condition118. La présidente de la Confédération de 2011 a toutefois rejeté cette proposition119.

112

113 114 115

116 117 118 119

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 12 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011); cf. également procèsverbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 5 s. (audition de Corina Casanova, chancelière de la Confédération).

RS 172.010 Cf. art. 25, al. 2, let. d, LOGA.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 9.3.2012, p. 13 (audition du directeur du CDF): «Die Bundespräsidentin gab diese Untersuchung ­ der Herr Hildebrand zugestimmt hatte ­ formell in Auftrag. Wir mussten somit keine weiteren rechtlichen Abklärungen mehr machen»; ibid.: «Wir gingen von Folgendem aus: Wenn der Bundesrat den Präsidenten wählt, dann hat er auch gewisse Aufsichtspflichten, in deren Rahmen er Aufträge erteilen kann, z.B. an KPMG, PwC oder an die Herren Huissoud und Grüter ad personam.» [Nous sommes partis du principe que, puisque le Conseil fédéral nomme le président de la BNS, il a également certains devoirs en matière de surveillance qui lui permettent de confier des mandats notamment à KPMG, à PwC ou ­ à titre personnel ­ à MM. Huissoud et Grüter.]

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 9.3.2012, p. 13 (audition du vice-directeur du CDF).

Ibid., p. 9.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 49 s. (audition du chef de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 12 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011).

5077

3.2.4

Evaluation des CdG

La décision de confier un mandat au directeur et au vice-directeur du CDF à titre personnel a été prise le 15 décembre 2011 par la délégation ad hoc du Conseil fédéral, de manière spontanée et avec l'accord du président de la BNS. En effet, comme cela a déjà été mentionné, la situation était urgente. Les représentants de l'administration présents à la rencontre du 15 décembre 2011 n'ont émis aucune réserve quant à la procédure choisie120. Même s'il était clair, pour les susmentionnés, que la LCF ne pouvait constituer une base légale pour ledit mandat, la question d'une autre base légale n'a pas été abordée121.

Les CdG ont ainsi pu constater que les décideurs n'avaient pas non plus examiné la question de la légalité concernant le mandat confié aux représentants du CDF.

Par ailleurs, l'art. 25 LOGA ne confère aucune compétence matérielle supplémentaire au président de la Confédération et ne pouvait donc pas faire office de base légale. En effet, la présidente de la Confédération ne pouvait ordonner une enquête sur la base de cette disposition que si le Conseil fédéral était habilité à mener une telle enquête. La LOGA ne pouvait pas non plus constituer une base légale permettant à la présidente de la Confédération de 2011 de confier le mandat en question122.

L'accord du président de la BNS ne pouvait lui non plus se substituer à une base légale.

La solution proposée par le chef de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS, qui souhaitait que la BNS soit également mandante des représentants du CDF, aurait pu, dans une certaine mesure, pallier l'absence de base légale suffisante et faire en sorte que le mandat soit partiellement fondé sur les compétences de la BNS en matière de surveillance.

Les CdG estiment clairement que le Conseil fédéral devra, à l'avenir, prendre suffisamment en considération la question des bases légales, même si l'affaire est délicate ou la situation urgente, avant que lui-même ­ ou le président de la Confédération ­ ordonne des mesures provisionnelles.

Les CdG ont par ailleurs identifié deux autres problèmes: premièrement, il n'est pas possible de confier un mandat de contrôle privé au directeur et au vice-directeur du CDF hors de leur domaine de compétence en les considérant comme des experts externes à l'administration fédérale. Le fait que le mandat est confié
à titre personnel n'y change rien. La fonction de directeur ou de vice-directeur du CDF est en effet indissociable de la personne qui l'occupe. Ce problème revêt d'autant plus d'importance que, en l'espèce, la BNS est explicitement exclue du champ d'application de la LCF.

120

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 35 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale).

121 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 21 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012): «Es erfolgte keine Abklärung der Rechtsgrundlage [...].» [Nous n'avons pas clarifié la question des bases légales.]; cf. également procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 34 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale): «Wir haben keine Rechtsgrundlagen geprüft.» [Nous n'avons examiné aucune base légale.].

122 Cf. avis de droit du prof. Paul Richli, ch. marg. 120 ss. Les compétences du Conseil fédéral en matière de surveillance prévues dans la LOGA ne peuvent pas non plus être invoquées, car elles ne s'appliquent pas à la BNS.

5078

Deuxièmement, le rôle attribué au CDF était incompatible avec son obligation prioritaire de rendre des comptes à la DélFin. Le rapport du CDF du 21 décembre 2011 a finalement été porté à la connaissance de la DélFin, mais seulement a posteriori, le 11 janvier 2012.

Les personnes concernées ont admis après coup que ces deux aspects posaient des problèmes123. Après avoir analysé de manière rétroactive le mandat confié à son directeur et à son vice-directeur, le CDF a présenté son rapport à la DélFin le 30 janvier 2012. Il arrive notamment à la conclusion que, à l'avenir, les mandats d'examen confiés au CDF devront obligatoirement entrer dans le champ d'application de la LCF; si tel n'est pas le cas, aucune tâche ne pourra être effectuée à titre personnel par des collaborateurs du CDF. En outre, lorsque les mandats portent sur des questions de grande ampleur ou politiquement sensibles, le CDF doit les recevoir par écrit de la part du Conseil fédéral ou de la DélFin124. Les CdG se félicitent des conclusions qui ont ainsi été tirées.

Recommandation 2 Les CdG demandent au Conseil fédéral de ne plus confier de mandats à titre personnel à des représentants du Contrôle fédéral des finances.

Recommandation 3 Les CdG demandent au Conseil fédéral de vérifier, avant de confier un mandat à un employé de la Confédération à titre personnel, si ledit mandat est compatible avec les fonctions qu'exerce ce dernier. Dans le doute, il renoncera à confier ce mandat.

4

Problèmes relatifs à la collaboration et aux flux d'information au sein du Conseil fédéral et de l'administration fédérale

4.1

Information tardive du Conseil fédéral par la présidente de la Confédération / Base de décision du Conseil fédéral

4.1.1

Rappel des faits

Le 5 décembre 2011, la présidente de la Confédération de 2011 a été informée pour la première fois, par le conseiller national Christoph Blocher, des transactions bancaires effectuées par le président de la BNS. Deux autres rencontres ont eu lieu par la suite avec M. Blocher, les 13 et 15 décembre 2011. La présidente de la Confédération de 2011 a convoqué la délégation ad hoc du Conseil fédéral pour la première 123

Cf. notamment procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 34 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale); procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 21 (audition du directeur de l'OFJ).

124 Rapport du CDF à la DélFin du 30.1.2012, p. 6.

5079

fois le 15 décembre 2011; une deuxième séance a eu lieu le 21 décembre 2011, lors de laquelle la délégation a décidé d'informer l'ensemble du Conseil fédéral le 23 décembre 2011.

Le 22 décembre 2011, à la demande de la présidente de la Confédération de 2011, la Chancellerie fédérale a invité le Conseil fédéral à se réunir le 23 décembre 2011.

L'invitation ne donnait aucune indication quant à l'objet de la séance, de sorte que les conseillers fédéraux qui n'étaient pas membres de la délégation ad hoc n'ont été informés que lors de la séance des raisons pour lesquelles ils avaient été convoqués.

A noter qu'aucune documentation relative à la séance ne leur avait été distribuée125.

Lors de la séance du 23 décembre 2011, la présidente de la Confédération a informé le collège gouvernemental des accusations portées contre le président de la BNS ainsi que des mesures qu'elle avait déjà prises (durée: 20 minutes). Le président de la BNS et le président du conseil de banque ont ensuite personnellement exposé leur point de vue devant le Conseil fédéral (durée: 1 heure). Ce dernier a discuté des différentes tournures que pourrait prendre l'affaire et de la stratégie de communication qu'il devait adopter. Il a ensuite interrompu ses délibérations pour procéder à l'attribution des départements; de plus, la chef du DFF a dû quitter la séance au cours de la matinée pour assister aux obsèques de Václav Havel, à Prague. Le Conseil fédéral s'est ensuite penché sur le projet de communiqué de presse que le porte-parole du Conseil fédéral avait entre-temps préparé.

Ainsi, le 23 décembre 2011, c'est essentiellement par oral que les membres du Conseil fédéral ont été informés par la présidente de la Confédération ­ qui s'est appuyée pour ce faire sur une version abrégée de la chronologie des événements, sous la forme d'une note de présentation ­, et par les deux représentants de la BNS.

Les membres du Conseil fédéral n'ont pas disposé de suffisamment de temps pour consulter la note de présentation ­ elle n'a pas été distribuée mais ils pouvaient la consulter s'ils le désiraient ­ qui comptait plusieurs pages et était rédigée en français. Le rapport du CDF, qui comptait lui aussi plusieurs pages, était aussi à leur disposition; de plus, au début de la rencontre, les représentants de la BNS leur ont remis le rapport
de PwC ­ qui a quant à lui été récupéré ensuite126 ­ ainsi qu'un projet de communiqué de presse que le porte-parole du Conseil-fédéral avait entretemps préparé. Aucun autre document n'a été distribué au Conseil fédéral.

Entre le 5 et le 23 décembre 2011, le Conseil fédéral a tenu deux séances ordinaires ­ les 9 et 16 décembre ­ sans que le collège gouvernemental ait été informé sous quelque forme que ce soit des accusations portées contre le président de la BNS et des mesures qui avaient déjà été prises. Le 16 décembre 2011, le président de la BNS a même pris part à la séance du Conseil fédéral à l'occasion de l'entretien annuel relatif à la conjoncture, à la politique monétaire et au contexte international127. Aucune déclaration n'a été faite, même de manière informelle, sur les transactions bancaires potentiellement répréhensibles.

125

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 4 (audition de Corina Casanova, chancelière de la Confédération).

126 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 12 (audition de Corina Casanova, chancelière de la Confédération).

127 Cf. chronologie en annexe.

5080

4.1.2

Motifs de l'implication tardive du Conseil fédéral

La raison pour laquelle le Conseil fédéral n'a été impliqué que tardivement dans le dossier a été présentée aux CdG de la façon suivante: la présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc souhaitaient au préalable clarifier l'ensemble des faits avant d'informer le Conseil fédéral des accusations en question.

La présidente de la Confédération de 2011 a ainsi déclaré expressément avoir voulu clarifier la situation juridique avant d'informer le Conseil fédéral128. La chef du DFF a indiqué la même chose aux CdG: «Au sein de la délégation ad hoc, nous souhaitions au préalable examiner le dossier de façon plus approfondie; nous ne voulions informer le Conseil fédéral qu'une fois que nous aurions pu nous faire une idée précise de l'affaire» [trad.]129. La chef du DFJP s'est, elle aussi, exprimée dans ce sens: «Bien sûr que nous [la délégation ad hoc] avons discuté du moment où il fallait informer le Conseil fédéral. Toutefois, sur le moment, la question principale était plutôt de savoir ce qui devait encore être clarifié et quels documents nous devions nous procurer pour pouvoir déterminer s'il y avait bel et bien un délit» [trad.]130.

Ce n'est que lorsque le directeur et le vice-directeur du CDF ont présenté leur rapport, dans lequel ils constataient que le président de la BNS n'avait pas enfreint la loi ou le règlement de la banque, que la présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc ont estimé que les conditions étaient réunies pour informer le Conseil fédéral131.

La CdG a également demandé à la présidente de la Confédération de 2011 pourquoi elle n'avait pas informé plus tôt les responsables du DFF et du DFJP; la présidente a répondu qu'il lui incombait de vérifier d'abord les rumeurs avant d'en informer la moitié du Conseil fédéral132.

4.1.3

Avis du Conseil fédéral concernant la procédure choisie

Les CdG ont demandé aux membres du Conseil fédéral qu'elles ont auditionnés comment ils avaient réagi, lors de la séance du 23 décembre 2011, aux informations fournies par la présidente de la Confédération de 2011 et à l'annonce de la procédure choisie.

128

129

130

131

132

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 22 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011): «Wir wollten die rechtliche Situation geklärt haben, bevor wir den Bundesrat informierten.» Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 18 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012): «Wir wollten im Ad-hoc-Ausschuss zuerst noch weitere Abklärungen machen und, sobald wir eine konsolidierte Meinung hatten, den Bundesrat informieren.» Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 32 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale): «Wir [der Ad-hoc-Ausschuss] haben sicher darüber gesprochen, wann der Bundesrat zu informieren ist. Im Vordergrund standen damals aber eher die Fragen, was noch alles abgeklärt werden muss und welche Unterlagen zu beschaffen sind, um überhaupt beurteilen zu können, ob ein Vergehen vorliegt.» Cf. procès-verbaux des séances du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 36 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale) et du 3.4.2012, p. 23 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 11 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011).

5081

La présidente de la Confédération de 2011 a donné aux CdG les explications suivantes: «Le Conseil fédéral a pris acte de ce que je lui ai dit. Aucune critique n'a été formulée sur la manière de faire. Au contraire, on nous a remerciées, la délégation et moi-même, d'avoir pris la chose en main et d'avoir conduit les choses jusqu'à ce que le Conseil fédéral soit informé et en mesure de décider133.» La chef du DFF a fait une déclaration similaire: «Le collège gouvernemental a accepté cette manière de faire. [...] On l'a [la présidente de la Confédération de 2011] assurée qu'elle avait bien pris les choses en main et qu'elle avait tout fait pour mener les investigations nécessaires sans provoquer d'émois» [trad.]134. Le chef du DDPS a quant à lui déclaré: «Nous [les membres du Conseil fédéral] avons estimé que la présidente de la Confédération avait agi correctement» [trad.]135.

Apparemment, la procédure choisie par la présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc n'a pas été explicitement abordée lors de la séance du Conseil fédéral136. Selon la chef du DFJP, le Conseil fédéral s'est concentré sur la situation du moment137. Le chef du DDPS a confirmé cette information: «Pendant la séance, nous avions l'impression que tout était sous contrôle et que l'affaire était plus ou moins réglée; nous avions déjà à notre disposition les avis de droit. Le Conseil fédéral était soulagé d'avoir deux documents qui infirmaient les reproches adressés au président de la BNS.» [Während der Sitzung entstand aber eigentlich der Eindruck, es sei alles unter Kontrolle und der Fall so gut wie erledigt; die Gutachten lagen ja schon vor. Der Bundesrat war erleichtert, über zwei «Persilscheine» zu verfügen, welche die Vorwürfe an den SNB-Präsidenten entkräfteten.]138 On peut également déduire du procès-verbal de la séance (à peine une page) que le Conseil fédéral a pris acte tacitement des informations fournies par la présidente de la Confédération de 2011 et par les représentants de la BNS. Toujours selon le procès-verbal, le Conseil fédéral a essentiellement discuté de l'attitude qu'il devait adopter concernant le communiqué de presse de la BNS annoncé par les représentants de la banque.

La façon dont le Conseil fédéral a traité ce dossier à sa séance du 23 décembre 2011 a par la suite été considérée comme une approbation implicite139, tacite140 et ultérieure141 de la procédure choisie et de l'institution d'une délégation ad hoc.

133 134

135

136 137 138 139 140 141

Ibid., p. 16.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 23 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012): «Das Kollegium hat es so akzeptiert. [...] Man hat ihr [der Bundespräsidentin] attestiert, dass sie die Sache gut an die Hand genommen und ohne grossen Wirbel versucht hat, die notwendigen Abklärungen zu machen.» Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 27.4.2012, p. 4 (audition d'Ueli Maurer, conseiller fédéral): «Wir [die Mitglieder des Bundesrates] fanden, dass die Bundespräsidentin korrekt vorgegangen sei.» Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 37 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale).

Ibid.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 27.4.2012, p. 13 (audition d'Ueli Maurer, conseiller fédéral).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 17 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 27.4.2012, p. 5 (audition d'Ueli Maurer, conseiller fédéral).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 23 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012).

5082

Dans la réponse qu'il a adressée à la DélCdG le 18 avril 2012, le Conseil fédéral indique qu'il n'a pas considéré la délégation ad hoc comme une délégation instituée par le Conseil fédéral en vertu de l'art. 23 LOGA, mais comme un organe institué par la présidente de la Confédération de 2011 dans le cadre des attributions présidentielles qui lui sont dévolues conformément aux art. 25 ss LOGA142.

4.1.4

Avis des CdG sur l'implication du Conseil fédéral

Les CdG estiment que le collège gouvernemental aurait dû être informé plus tôt, notamment en raison de la dimension politique des accusations et considérant que c'est un ancien conseiller fédéral qui a porté ces dernières à la connaissance de la présidente de la Confédération de 2011. Le Conseil fédéral aurait dû et pu être informé le 9 ou, au plus tard, le 16 décembre 2011, et se voir préciser où en étaient les investigations qui visaient à confirmer ou infirmer les accusations.

Si le Conseil fédéral avait été informé le 16 décembre 2011, la délégation ad hoc aurait pu être instituée en temps voulu avec l'approbation du Conseil fédéral. A l'instar du Conseil fédéral, les CdG considèrent que l'institution de la délégation ad hoc constituait une décision que la présidente de la Confédération de 2011 était autorisée à prendre en vertu de sa fonction dirigeante, conformément aux art. 25 ss LOGA; toutefois, elles estiment que la présidente aurait dû en informer le Conseil fédéral à la séance du 16 décembre 2011, afin de lui permettre d'approuver cette décision, ne serait-ce que tacitement.

Il n'est pas acceptable de créer une deuxième catégorie de délégation du Conseil fédéral en se fondant sur les prérogatives dont dispose le président de la Confédération en matière de direction: en l'espèce, la délégation ad hoc du Conseil fédéral assumait une tâche qui, en vertu de la LOGA, incombait à une délégation ordinaire du Conseil fédéral143.

Les CdG estiment que le Conseil fédéral doit faire appel à ses délégations ordinaires et ne pas instituer de délégations ad hoc, même dans des situations extraordinaires.

Recommandation 4 Les CdG demandent au Conseil fédéral de travailler en premier lieu avec les délégations ordinaires du Conseil fédéral prévues par la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA) et non avec des délégations ad hoc, également pour les affaires urgentes et dont la portée politique est importante.

Par ailleurs, informer plus tôt le Conseil fédéral lui aurait permis de clarifier la question des compétences afin de déterminer l'organe juridiquement à même de mener les investigations.

142 143

Cf. lettre du Conseil fédéral à la DélCdG du 18.4.2012.

Conformément à l'art. 23, al. 2, LOGA, la tâche des délégations consiste notamment à préparer les délibérations et les décisions du Conseil fédéral.

5083

Il existe ici un point de convergence avec des constatations déjà établies par les CdG par le passé: dans le cadre de leur enquête sur le comportement des autorités face à la crise financière144, elles avaient notamment souhaité que le rôle des délégations du Conseil fédéral soit renforcé afin de donner davantage de poids au principe de la collégialité145. Elles avaient également demandé un renforcement de la responsabilité collective du Conseil fédéral, afin que ce dernier assume sa responsabilité globale et traite réellement les objets importants en tant que collège146. A cet effet, elles avaient déposé deux motions147, que les conseils avaient ensuite transmises au gouvernement, et elles avaient émis une recommandation148 à l'intention des Commissions des institutions politiques des Chambres fédérales dans le cadre du projet de réforme du gouvernement149.

Dans son avis du 13 octobre 2010 sur le rapport d'inspection des CdG, le Conseil fédéral avait lui-même souligné la nécessité que les délégations transmettent leurs informations régulièrement et en temps voulu: «[...] pour qu'elles [les délégations] contribuent à renforcer la collégialité, il faut que le Conseil fédéral soit informé en permanence et de manière suffisante des travaux qui s'y déroulent.150» Par ailleurs, les CdG ont identifié un autre problème important: certes, le Conseil fédéral a eu accès à des documents de plusieurs pages, mais ces derniers ne lui ont pas été distribués en temps voulu, de sorte qu'il a été contraint de se forger une opinion dans l'urgence, en se fondant sur des informations lacunaires151. Les CdG estiment que le Conseil fédéral aurait dû recevoir les documents disponibles (comme le rapport du CDF) avant sa séance du 23 décembre 2011, afin de pouvoir se préparer au mieux152. Le temps qu'a duré la séance ne lui a manifestement pas permis de rassembler toutes les informations nécessaires; en outre, les renseignements fournis oralement par la présidente de la Confédération de 2011 et par les représentants de la BNS n'ont pas suffi à réduire le décalage entre les informations dont disposait la délégation ad hoc et celles qui étaient en possession des autres membres du Conseil fédéral153.

144 145 146

147 148 149

150 151

152

153

Rapport des CdG relatif à la crise financière (FF 2011 2903).

Ibid., chap. 3.6.5.1.4.

Ibid., chap. 3.6.5.2. Cf. également les motions 10.3394 (CN) et 10.3633 (CE), la recommandation 8 et le rapport de la CdG-E du 3.12.2010 relatif à la gestion par les autorités fédérales de la crise diplomatique entre la Suisse et la Libye (recommandation 6, FF 2011 3909).

10.3393 (CN)/10.3632 (CE) et 10.3394 (CN) / 10.3633 (CE).

Recommandation 17.

Les motions précitées (10.3393 et 10.3632) ont été largement mises en oeuvre dans le cadre du projet de réforme du gouvernement adopté par les Chambres fédérales le 28.9.2012.

FF 2011 3263 3295 La chef du DFJP a fait la même réflexion lorsque les CdG lui ont demandé d'évaluer rétroactivement le processus d'information du Conseil fédéral, cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 36 et 44 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale).

Sur le principe, la chef du DFJP a émis la même opinion: «Es wäre gut gewesen, wenn der Bundesrat die Speaking-Note von Frau Calmy-Rey in Ruhe hätte durchlesen können.» [Il aurait été judicieux que le Conseil fédéral ait pu se pencher en toute sérénité sur la note de présentation de Mme Calmy-Rey], cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 44 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale).

La chef du DFJP a également critiqué ce déséquilibre, qu'elle a décrit comme l'un des problèmes qui ont jalonné le traitement du dossier par le Conseil fédéral à la séance du 23.12.2011, cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 36 et 43 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale).

5084

Informer dûment et précocement le Conseil fédéral aurait nécessité de lui communiquer avant la séance l'objet de cette dernière et, partant, le renseigner sur les accusations formulées à l'endroit du président de la BNS. La situation aurait alors été délicate du point de vue du maintien du secret154; toutefois, comme les CdG l'ont déjà souligné à maintes reprises par le passé, le gouvernement de notre pays doit être en mesure de gérer les objets sensibles en temps voulu et en respectant la confidentialité155. Selon les CdG, le Conseil fédéral doit se doter des moyens lui permettant d'éviter qu'un climat de défiance règne en son sein.

En résumé, les CdG constatent que, dans un premier temps ­ c'est-à-dire jusqu'au 23 décembre 2011 ­, ce dossier n'a pas été traité par l'ensemble du Conseil fédéral.

4.2

Implication de représentants de l'administration fédérale

4.2.1

Participation indue du directeur du Service de renseignement de la Confédération

Rappel des faits Après avoir appris que, à la demande de la présidente de la Confédération de 2011 ­ elle-même conseillée par le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères156 ­, le directeur du Service de renseignement de la Confédération (SRC) avait pris part aux rencontres des 13 et 15 décembre 2011 avec le conseiller national Christoph Blocher, la Délégation des Commissions de gestion (DélCdG) a décidé d'enquêter de manière approfondie sur le rôle du SRC dans cette affaire157.

154

A la question des CdG, qui souhaitaient savoir s'il eût été adéquat d'informer immédiatement le collège gouvernemental, un membre du Conseil fédéral a répondu de la manière suivante: «Es ist meist sehr schwierig, an die Bundesrätinnen und -räte zu gelangen und ausschliesslich sie zu informieren: Im Moment befinden sich z. B. gerade drei oder vier von uns an Sitzungen, also müsste man es über die Vorzimmer, Generalsekretäre oder persönlichen Mitarbeiter probieren. In der Verwaltung können sich Stichworte schnell zu Geschichten weiterentwickeln ­ ganz ohne böse Absichten ­, noch bevor die Nachricht bei einem Bundesrat angekommen ist. Meiner Ansicht nach ist es ein Problem, dass der Bundesrat als Gremium praktisch keine Intimsphäre mehr hat.» [La plupart du temps, il est très difficile de s'adresser exclusivement aux conseillers fédéraux. Par exemple, en ce moment même, trois ou quatre d'entre nous sont en séance; il faudrait alors passer par les antichambres, par les secrétaires généraux ou par les collaborateurs personnels. Or, dans l'administration, de simples bribes d'information peuvent rapidement prendre une ampleur considérable ­ sans qu'il y ait de mauvaises intentions ­, avant même que l'information ne parvienne au conseiller fédéral concerné. A mon avis, le fait que le Conseil fédéral en tant que collège ne dispose pratiquement pas de sphère privée pose un problème.]

155 Cf. rapport des CdG relatif à la crise financière (FF 2011 3038).

156 Cf. annexe à la lettre de la DélCdG du 25.4.2012 à l'intention du groupe de travail BNS.

157 Le 23.2.2012, la DélCdG a interrogé le directeur du SRC et le chef du DDPS. Les informations recueillies à cette occasion ont conduit la DélCdG à organiser deux rencontres supplémentaires: le 24.2.2012, elle s'est entretenue avec la chef du DFJP au sujet de la rencontre du 15.12.2011 entre la présidente de la Confédération de 2011 et le conseiller national Christoph Blocher, à laquelle un représentant de la Police judiciaire fédérale (PJF) avait aussi participé; le 19.3.2012, la délégation a également évoqué la question avec le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, M. Peter Maurer (cf. lettre de la DélCdG du 25.4.2012 à l'intention du groupe de travail BNS).

5085

Le secrétaire d'Etat a conseillé à la présidente de la Confédération de 2011 de convoquer le directeur du SRC car il estimait que le SRC pouvait être en possession d'informations susceptibles de se révéler utiles pour faire la lumière sur d'éventuels soupçons. Le secrétaire d'Etat ne s'est cependant pas demandé dans quelle mesure le SRC était habilité à traiter les sujets que la présidente de la Confédération de 2011 comptait aborder avec M. Blocher. Pour justifier sa décision d'impliquer le directeur du SRC, la présidente de la Confédération de 2011 a expliqué qu'elle était partie du principe que les compétences du SRC s'étendaient au domaine financier158.

Le directeur du SRC a été chargé de faire venir à la réunion du 15 décembre 2011 un spécialiste à même d'analyser des documents bancaires. Le SRC ne disposant pas dans ses rangs d'un expert ayant le profil recherché, son directeur a demandé au directeur de fedpol de bien vouloir lui fournir les services d'un tel spécialiste. Ce faisant, le directeur du SRC a évoqué un mandat émanant de la présidente de la Confédération de 2011, sans pour autant en révéler les tenants et les aboutissants. Le directeur de fedpol a donné suite à cette requête en mettant à la disposition du directeur du SRC un collaborateur de la Police judiciaire fédérale (PJF); ce dernier a participé à la rencontre du 15 décembre 2011 et a essayé de vérifier l'authenticité des documents bancaires fournis par M. Blocher.

Lors de la réunion organisée par la présidente de la Confédération de 2011 pour dresser le bilan de la rencontre du 15 décembre 2011, le directeur du SRC est parvenu à la conclusion que l'affaire en question ne concernait pas le SRC et que sa résolution ne nécessitait pas le recours à ses services spécifiques. Par la suite, le directeur du SRC n'a plus été impliqué dans ce dossier.

Evaluation de la DélCdG et des CdG La DélCdG a conclu que les transactions bancaires privées effectuées par le président de la BNS n'entraient en aucun cas dans le champ d'action du SRC159 au sens de la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI)160, car ces transactions n'avaient aucun lien avec le terrorisme, l'extrémisme violent, le commerce illicite de biens tels que des armes ou des substances radioactives ou le service
de renseignements prohibé visé aux art. 272 à 274 et 301 du code pénal (CP)161. Il n'est notamment pas possible d'invoquer le service de renseignements économiques en ce qui concerne la divulgation des don158

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 6 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011). L'ancien secrétaire général du DFAE a confirmé ces affirmations: «Die Bundespräsidentin wusste damals noch nicht, um was es ging, vermutete aber, dass Wirtschaftsspionage im Spiel sein könnte, oder dass jemand aus irgendeinem Grund falsche Informationen über Herrn Hildebrand verbreiten wollte. Deswegen wollte sie jemanden dabei haben, der sich im Bereich des Nachrichtendienstes auskannte, und lud Herrn Seiler ein» [A ce moment-là, la présidente de la Confédération ne savait pas encore de quoi il s'agissait; toutefois, elle supposait qu'il pouvait être question d'espionnage économique ou qu'un tiers, quelle qu'en soit la raison, voulait diffuser des informations erronées sur M. Hildebrand. C'est pour cette raison qu'elle souhaitait être secondée par une personne connaissant bien le domaine du renseignement et qu'elle a invité M. Seiler (le directeur du SRC).], cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 10 (audition de l'ancien secrétaire général du DFAE).

159 Art. 2, 5­13 et 14­17, LMSI; art. 2 de l'ordonnance du 4 décembre 2009 sur le Service de renseignement de la Confédération (OSRC); RS 121.1.

160 RS 120 161 RS 311.0

5086

nées bancaires du président de la BNS, puisque ces dernières n'ont pas été fournies dans le dessein de satisfaire des intérêts étrangers, condition sine qua non à l'application de l'art. 273 CP.

Par ailleurs, la DélCdG est parvenue à la conclusion que l'implication du directeur du SRC ne pouvait pas se fonder sur l'art. 1, let. a, de la loi fédérale du 3 octobre 2008 sur le renseignement civil (LFRC)162.

Ainsi, aucune base légale ne permettait au SRC d'être impliqué dans ce dossier. Les CdG estiment que la présidente de la Confédération de 2011 ­ qui, en sa qualité de chef du DFAE, a été pendant plusieurs années membre de la Délégation du Conseil fédéral pour la sécurité ­ aurait dû en prendre conscience plus tôt. Il était tout à fait judicieux de faire appel à un spécialiste de la PJF pour vérifier les documents fournis par M. Blocher, mais c'est le DFJP qui aurait dû s'en charger directement.

L'ancien secrétaire général du DFAE a indiqué aux CdG que le directeur du SRC avait estimé, lors de la rencontre du 13 décembre 2011, que le SRC n'avait aucune compétence dans cette affaire; ainsi, selon l'ancien secrétaire général du DFAE, la question a été réglée163. Il n'est dès lors pas compréhensible que le directeur du SRC ait tout de même pris part à la rencontre du 15 décembre 2011. Comme il est expliqué plus bas, la procédure choisie par la présidente de la Confédération de 2011 a mis les directeurs d'office directement impliqués face à un conflit de loyauté, une situation que chacun d'eux a gérée différemment.

4.2.2

Absence d'information à l'intention des chefs de département

Rappel des faits Le 6 décembre 2011, la présidente de la Confédération a décidé d'inviter le directeur du SRC (DDPS), le directeur de l'OFJ (DFJP) ainsi que son secrétaire général (DFAE) à se joindre à elle le 13 décembre 2011 pour rencontrer M. Blocher164. Par ailleurs, outre les personnes précitées, un spécialiste de la PJF (DFJP) a également participé à la rencontre du 15 décembre 2011.

Lors de ces deux rencontres, plusieurs personnes ont donc été impliquées alors qu'elles n'étaient pas subordonnées à la chef du DFAE, même en sa qualité de présidente de la Confédération.

Dans le cadre de son audition par les CdG, la chef du DFJP a déclaré, concernant les circonstances dans lesquelles elle avait eu connaissance de la participation du directeur de l'OFJ: «Le jour même, M. Leupold m'a donné des informations sur la séance du 13 décembre 2011 et sur la suite de la procédure ­ contrairement à ce qui avait été convenu lors de la séance, à savoir que les chefs de département concernés ne

162 163

RS 121 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 10 (audition de l'ancien secrétaire général du DFAE) 164 Cf. chronologie des événements survenus entre le 12 et le 23 décembre 2011, établie par le secrétaire général du DFAE, p. 1

5087

devaient pas être informés» [trad.]165. Le directeur de l'OFJ lui avait déjà indiqué le 9 décembre 2011 qu'il avait été invité à participer à la séance du 13 décembre 2011166. Ainsi, la chef du DFJP avait été dûment informée, et en temps voulu, par le directeur de l'OFJ167.

Le directeur de l'OFJ a estimé qu'il était de son devoir d'informer immédiatement sa supérieure hiérarchique de son implication dans ce dossier, par loyauté envers elle168. Il l'a également informée de la participation du spécialiste de la PJF169.

Selon les informations obtenues par la DélCdG, le directeur du SRC n'a fait part de son implication au chef du DDPS qu'après la rencontre du 15 décembre 2011 avec M. Blocher. Eu égard aux instructions de la présidente de la Confédération de 2011, il l'a toutefois uniquement informé que cette dernière avait requis sa participation dans un dossier sensible et que l'ensemble du Conseil fédéral allait vraisemblablement être mis au courant de cette affaire170. Le chef du DDPS a confirmé aux CdG qu'il n'avait eu connaissance des accusations formulées à l'endroit du président de la BNS que le 23 décembre 2011171.

Evaluation des CdG La chef du DFJP ayant été immédiatement informée par le directeur de l'OFJ, elle avait la possibilité de prendre ses responsabilités de chef de département. Au contraire, le chef du DDPS ne pouvait pas assumer ses responsabilités avant le 15 décembre 2011: par exemple, il n'a pas eu l'occasion d'interdire la participation du directeur du SRC à la rencontre du 15 décembre 2011 pour cause d'absence de base légale. En outre, les CdG estiment que le directeur du SRC aurait dû donner de plus amples informations au chef du DDPS le 15 décembre 2011.

Bien que la procédure suivie par la présidente de la Confédération de 2011 n'ait finalement eu aucune conséquence grave, elle pose néanmoins certains problèmes de fond, ainsi que la DélCdG l'a indiqué à juste titre aux CdG172. Si ces dernières constatent que les art. 25 et 26 LOGA attribuent certaines prérogatives au président de la Confédération, elles précisent que celles-ci ne peuvent être invoquées par le président de la Confédération pour recourir de manière systématique aux services de collaborateurs d'autres départements, sans respecter la division en départements et sans en informer les chefs de département
concernés. Certes, cette disposition peut, en cas d'urgence, constituer une base légale permettant au président de la Confédération de faire appel à des collaborateurs d'un autre département sans en informer au 165

166 167 168 169 170 171 172

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 30 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale): «Herr Leupold informierte mich noch am gleichen Tag über die Sitzung vom 13. Dezember 2011 und über das weitere Vorgehen ­ entgegen der an der Sitzung getroffenen Abmachung, wonach die zuständigen Vorsteherinnen nicht informiert werden sollten.» Ibid.

Ibid., p. 31 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 23 (audition du directeur de l'OFJ).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 30 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale).

Cf. annexe à la lettre de la DélCdG du 25.4.2012 à l'intention du groupe de travail BNS, p. 2.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 27.4.2012, p. 4 (audition d'Ueli Maurer, conseiller fédéral).

Cf. annexe à la lettre de la DélCdG du 25.4.2012 à l'intention du groupe de travail BNS, p. 2.

5088

préalable le chef de département concerné; toutefois, cela n'est autorisé que si ce dernier n'est pas joignable.

Il n'est pas possible de se fonder sur les art. 25 et 26 LOGA pour justifier le fait de ne pas informer le chef de département concerné en invoquant le maintien du secret.

Ainsi, il n'est pas acceptable que la présidente de la Confédération, pour des raisons de confidentialité ­ c'est-à-dire par crainte d'éventuelles indiscrétions ­ ait recouru aux services de collaborateurs d'autres départements dans un dossier qu'elle gérait, sans en informer au préalable les chefs de département concernés; le fait que l'affaire était sensible n'y change rien.

La division en départements est le corrélat du principe de la collégialité173: elle implique que, en pareil cas, une demande soit au préalable adressée aux membres concernés du Conseil fédéral, ou du moins que ceux-ci soient au plus tôt informés de la démarche en cours. Les responsables de département doivent pouvoir assumer leur responsabilité en temps opportun, aussi bien en leur qualité de chef de département qu'en leur qualité de membre du Conseil fédéral. En outre, le recours aux services d'un représentant de la PJF était problématique, particulièrement en raison du rôle de la PJF et des tâches particulières qui lui sont confiées en sa qualité de police judiciaire.

A posteriori, la chef du DFJP a indiqué à juste titre qu'il était important de ne pas mettre les collaborateurs dans une situation délicate vis-à-vis de leur chef de département. Elle s'est félicitée que le directeur de l'OFJ l'ait informée en temps voulu et a souhaité que, si un cas similaire devait se reproduire, ses collaborateurs continuent d'ignorer toute demande visant à ne pas l'informer de leur implication dans un dossier174.

4.2.3

Implication insuffisante des représentants de l'administration

Evaluation des CdG De manière générale, les CdG saluent le recours à des spécialistes issus de l'administration fédérale en pareil cas. Toutefois, elles estiment que, en l'espèce, les ressources dont dispose l'administration n'ont pas été utilisées de manière optimale.

Les représentants de l'administration impliqués dans un premier temps (le directeur de l'OFJ, le directeur du SRC et le secrétaire général du DFAE) ont été choisis, à l'issue d'une rencontre entre la présidente de la Confédération de 2011 et le secrétaire d'Etat du DFAE175, que la présidente avait consulté en sa qualité de président du Comité de sécurité. Dans l'avis qu'il a fait parvenir au groupe de travail BNS le 21 janvier 2013, le Conseil fédéral a expliqué que les représentants de l'administration impliqués étaient membres du Comité de sécurité. Il a ajouté que le recours au directeur de l'OFJ était également justifié. Les CdG peuvent accepter ce dernier argument; par contre, elles ne comprennent pas dans quelle mesure l'appartenance au Comité de sécurité justifie l'implication du directeur du SRC: le Comité de sécu173 174

Art. 177 Cst.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 31 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale).

175 Cf. chronologie des événements survenus entre le 12 et le 23 décembre 2011, établie par le secrétaire général du DFAE, p. 1.

5089

rité a notamment pour mission de soutenir les délégations du Conseil fédéral dans les affaires liées à la politique de sécurité. Enfin, le secrétaire général du DFAE ne faisait pas partie du Comité de sécurité: en appliquant ce critère, c'est le directeur de fedpol qui aurait dû être impliqué en tant que troisième membre du Comité de sécurité, aux côtés du secrétaire d'Etat du DFAE et du directeur du SRC. Il est apparu par la suite que la loi ne conférait au SRC aucune possibilité d'intervenir, de sorte que le directeur du SRC s'est finalement retiré de l'affaire le 15 décembre 2011.

La décision de faire vérifier les comptes bancaires du président de la BNS par le directeur et le vice-directeur du CDF a elle aussi été prise spontanément, sans qu'une réflexion plus poussée ait été effectuée176. Par ailleurs, les représentants de l'administration concernés n'avaient pour ainsi dire plus leur mot à dire quant au choix de la procédure, car cette dernière avait, de fait, déjà été fixée177.

Pour des raisons liées à la confidentialité, les personnes mentionnées ont été impliquées dans l'affaire à titre personnel. Dans le cas du directeur de l'OFJ, par exemple, cela signifie qu'il ne pouvait pratiquement pas utiliser les ressources disponibles au sein de son office178. Par ailleurs, ses recherches ont été soumises à certaines restrictions: plusieurs documents ­ notamment le règlement interne régissant les transactions financières effectuées par les membres de la direction générale élargie ­ ont été explicitement exclus du champ de recherche179. La volonté de garantir la confidentialité a aussi mené à ce que le directeur et le vice-directeur du CDF n'aient de contacts qu'avec le secrétaire général du DFAE180. Par exemple, ils n'ont pas été informés du mandat que la présidente de la Confédération de 2011 avait confié au directeur de l'OFJ visant à clarifier l'éventuelle responsabilité pénale du président de la BNS181.

La décision de confier des mandats confidentiels à titre personnel devait contribuer à ce que les représentants de l'administration concernés se limitent à accomplir la mission que leur avait confié la présidente de la Confédération de 2011, sans assumer pleinement leur fonction de cadre supérieur de l'administration fédérale ou de directeur d'office. Ainsi, le directeur de l'OFJ, à la
demande de la présidente de la Confédération de 2011, n'a fait que vérifier de manière détaillée l'éventuelle responsabilité pénale du président de la BNS; par contre, il ne s'est pas penché sur la question de savoir si le Conseil fédéral avait compétence pour lancer les investigations qui ont suivi182. Les CdG estiment que des personnes revêtant de telles fonctions doivent le cas échéant rendre attentif à la nécessité d'éclaircissements supplémentaires ou y procéder de leur propre chef. L'ancien secrétaire général du DFAE a fait la déclaration suivante devant les CdG: «La question de la compétence n'a pas 176

177 178 179 180 181 182

«Es gab keine vertiefte Prüfung, weil die Idee in Anwesenheit von mindestens zwei Bundesrätinnen und auch von Herrn Hildebrand ,sur place' entwickelt worden war.» [La question n'a pas été examinée plus en détail, car l'idée a germé sur le moment, en l'absence d'au moins deux conseillères fédérales et de M. Hildebrand], procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 20 (audition du directeur de l'OFJ).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 22 (audition du directeur de l'OFJ).

Ibid.

Ibid., p. 18 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 9.3.2012, p. 9 (audition du directeur du CDF).

Ibid., p. 15 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 20 (audition du directeur de l'OFJ).

5090

été soumise à M. Leupold; il ne l'a donc pas examinée» [trad.]183. Les représentants du CDF ont eux aussi respecté le mandat de la présidente de la Confédération de 2011: ils se sont contentés de vérifier les transactions bancaires effectuées par le président de la BNS sans se pencher plus avant sur la question des bases légales184.

En résumé, la façon dont ce «projet» a été mené ­ considérant notamment que les étapes avaient très probablement été fixées dès le départ en raison de l'urgence présumée de la situation ­ n'as pas permis d'utiliser pleinement les ressources dont disposait l'administration fédérale. De l'avis des CdG, même s'il s'agissait d'une situation extrêmement sensible sur le plan politique et que l'agenda de la présidente de la Confédération de 2011 fût très chargé, la marge de manoeuvre était suffisante pour que les représentants de l'administration concernés soient impliqués plus tôt dans le processus, par exemple dans le cadre d'un groupe de travail interdépartemental. Cela aurait permis, le cas échéant, de clarifier en temps voulu la question de l'organe qui avait compétence pour se pencher sur les accusations en question.

Les CdG estiment que les membres du Conseil fédéral devront, à l'avenir, s'attacher à mieux impliquer l'administration fédérale, y compris dans des situations sensibles, que l'on présume urgentes ou qui le sont effectivement.

4.3

Implication tardive de la Chancellerie fédérale

Rappel des faits Alors qu'elle constitue l'état-major du Conseil fédéral185, la Chancellerie fédérale a été tenue à l'écart jusqu'au 22 décembre 2011 et n'a même pas été informée des accusations formulées à l'endroit du président de la BNS ainsi que des mesures prises par la présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc186.

L'existence même de cette délégation lui était inconnue jusqu'à cette date.

183

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 6 (audition de l'ancien secrétaire général du DFAE): «Die Frage der Zuständigkeit wurde Herrn Leupold nicht unterbreitet; deswegen ging er auch nicht darauf ein».

184 Cf. chap. 3.2.3.

185 Art. 30, al. 1, LOGA.

186 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 4 (audition de Corina Casanova, chancelière de la Confédération).

5091

A l'issue de leurs auditions, les CdG sont parvenues à la conclusion que les conseillères fédérales et les membres de l'administration concernés n'ont tout simplement pas examiné l'éventualité d'intégrer plus tôt la Chancellerie fédérale187.

A partir de 23 décembre 2011, le porte-parole du Conseil fédéral (et vice-chancelier de la Confédération) a participé de manière active à la stratégie de communication du Conseil fédéral188. Toutefois, en raison de son implication tardive, la Chancellerie fédérale a éprouvé des difficultés à préparer la communication du Conseil fédéral en vue de la séance de ce jour-là189. La Chancellerie fédérale n'a reçu les premières informations concernant le déroulement des événements que le 23 décembre 2011, sous la forme d'une note de présentation de la présidente de la Confédération de 2011190; c'est notamment sur la base de ce document que le Conseil fédéral a chargé la Chancellerie fédérale, le 11 janvier 2012, de dresser une chronologie des événements.

La chef du DFJP et la présidente de la Confédération de 2012 ont toutes deux déclaré aux CdG qu'elles estimaient, rétrospectivement, que la Chancellerie fédérale aurait dû être impliquée plus tôt191, rejoignant ainsi ­ a posteriori ­ l'avis de la chancelière de la Confédération192.

Evaluation des CdG Au cours de plusieurs enquêtes menées récemment, les CdG ont constaté que la Chancellerie fédérale ne pouvait pas toujours assumer pleinement son rôle d'étatmajor du Conseil fédéral, pourtant prévu par la loi193. C'est la raison pour laquelle elles ont demandé que le rôle de la Chancellerie fédérale soit renforcé194. L'implica187

188 189 190

191

192 193 194

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 36 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale): «[...] es war einfach kein Thema. Es war sicher kein bewusster Entscheid gegen die Bundeskanzlei. Wahrscheinlich waren wir einfach bestrebt, den Kreis der informierten Personen möglichst klein zu halten.» [(...) nous n'en avons simplement pas parlé. Je peux vous assurer que ce n'était pas une décision que nous avons prise sciemment contre la Chancellerie fédérale. C'est probablement parce que nous nous efforcions de restreindre le plus possible le cercle des personnes informées.] La chef du DFF a déclaré aux CdG qu'elle ne pouvait répondre à leur question de savoir pour quelle raison la Chancellerie fédérale n'avait pas été impliquée plus tôt (cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 22 [audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012]); cf. également procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 10 (audition de l'ancien secrétaire général du DFAE): «Wir dachten nicht daran, ehrlich gesagt. Wahrscheinlich war der Mehrwert eines Einbezugs der BK nicht ersichtlich.» [En toute honnêteté, nous n'y avons pas pensé. Il est probable que nous ne nous sommes pas rendu compte que la participation de la Chancellerie fédérale pouvait être utile.]

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 14 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 4 s. (audition de Corina Casanova, chancelière de la Confédération).

La Chancellerie fédérale n'a reçu la chronologie complète du DFAE que dans le courant du mois de janvier 2012, en vue d'établir une chronologie à l'intention du Conseil fédéral (cf. avis du Conseil fédéral du 21.1.2013).

Cf. procès-verbaux des séances du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 43 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale) et du 3.4.2012, p. 32 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 15 (audition de Corina Casanova, chancelière de la Confédération).

Cf. plusieurs exemples in 01.080 Message additionnel sur la réforme du gouvernement: co-rapport des Commissions de gestion des Chambres fédérales du 27.1.2011, p. 3­4.

Ibid., p. 8 s.

5092

tion tardive de la Chancellerie fédérale dans ce dossier montre clairement que ce problème est toujours d'actualité.

Recommandation 5 Les CdG demandent au Conseil fédéral d'impliquer la Chancellerie fédérale suffisamment tôt dans la gestion des situations extraordinaires.

Le fait que la délégation instituée par la présidente de la Confédération de 2011 a siégé à plusieurs reprises avant que la Chancellerie fédérale et le Conseil fédéral n'apprennent son existence démontre également la légitimité d'une autre revendication des CdG, à savoir que les secrétariats des délégations ad hoc du Conseil fédéral soient rattachés à la Chancellerie fédérale195. Le 28 septembre 2012, l'Assemblée fédérale a adapté en ce sens l'art. 23, al. 4, LOGA196.

Enfin, les CdG se sont demandé s'il n'y aurait pas lieu d'informer en temps voulu la Chancellerie fédérale des mandats que le président de la Confédération ou un membre du Conseil fédéral confie directement au CDF, au cas où lesdits mandats concerneraient plusieurs départements ou revêtiraient une importance politique majeure.

Toutefois, si le CDF applique sa décision de n'accepter les mandats portant sur des questions importantes ou politiquement sensibles que s'il les reçoit par écrit de la part du Conseil fédéral ­ la Chancellerie fédérale en serait donc informée en temps voulu ­, il n'est pas nécessaire d'examiner cette question plus avant.

5

Problèmes au niveau de la collaboration et des flux d'informations entre le Conseil fédéral et la BNS (présidents de la direction générale et du conseil de banque)

Les informations que le conseiller national Christoph Blocher a fournies à la présidente de la Confédération de 2011 le 5 décembre 2011 revêtaient une dimension politique; par ailleurs, sur le plan légal, elles relevaient de la surveillance. Par conséquent, aussi bien le Conseil fédéral, en tant qu'organe de nomination et de révocation, que le conseil de banque, en sa qualité d'organe de surveillance de la BNS, étaient concernés, même s'ils l'étaient de façons très différentes, comme cela a pu être constaté a posteriori.

Dans ce contexte, les CdG se sont demandé si ­ et, le cas échéant, de quelle façon ­ le Conseil fédéral et le conseil de banque (ou le président de la BNS) avaient coordonné leurs travaux et échangé des informations.

195 196

Ibid., p. 7­8 Cette disposition n'est pas encore entrée en vigueur.

5093

5.1

Aucune implication directe du conseil de banque avant le 22 décembre 2011

5.1.1

Contacts établis entre le 5 et le 22 décembre 2011

Au cours de leur reconstitution des faits, les CdG ont constaté que le premier contact avec la BNS avait été établi le 15 décembre 2011, lorsque la présidente de la Confédération de 2011 et la chef du DFF ont confronté le président de la BNS aux accusations qui pesaient sur lui. Le lendemain, le président de la BNS en a informé le président et le vice-président du conseil de banque197. Le 22 décembre 2011, soit sept jours plus tard, le président du conseil de banque a téléphoné à la présidente de la Confédération de 2011 pour l'informer des conclusions du conseil de banque, qui avait siégé le jour même. Il a alors exprimé le souhait de présenter personnellement au Conseil fédéral, le 23 décembre 2011, la position du conseil de banque dans cette affaire198.

Ainsi, le premier contact direct entre la présidente de la Confédération de 2011 et le président du conseil de banque a eu lieu 17 jours après la première rencontre entre la présidente de la Confédération et le conseiller national Christoph Blocher. A ce moment-là, l'ensemble des travaux engagés par la présidente de la Confédération de 2011 pour clarifier la situation étaient terminés, tout comme l'étaient les investigations relatives aux transactions bancaires du président de la BNS, réalisées par PwC à la demande du président du conseil de banque.

Avant le 22 décembre 2011, ni la présidente de la Confédération de 2011, ni le président du conseil de banque n'ont cherché à entrer en contact l'une avec l'autre199 ou à coordonner leurs efforts200. Les contacts avec la BNS ont eu lieu exclusivement par l'intermédiaire du président de la BNS, et le secrétaire général du DFAE ainsi que le directeur et le vice-directeur du CDF se sont adressés uniquement au responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS.

5.1.2

Motifs pour lesquels la présidente de la Confédération et le président du conseil de banque ont suivi des procédures distinctes

Les CdG ont demandé à Mme Calmy-Rey pourquoi elle n'avait pas pris contact avec la présidence du conseil de banque et le président de la BNS immédiatement après sa première rencontre avec M. Blocher. La présidente de la Confédération de 2011 a avancé les mêmes raisons que celles invoquées pour expliquer son refus d'impliquer précocement le Conseil fédéral: elle souhaitait d'abord vérifier la pertinence des accusations afin de ne pas faire part de soupçons infondés à la BNS201.

197 198

199 200 201

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 8 (audition de Philipp Hildebrand, ancien président de la BNS).

Cf. procès-verbaux des séances du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 14 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011) et du 28.3.2012, p. 30 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 25 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 27 et 29 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 11 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011).

5094

Après que M. Blocher eut présenté à la présidente de la Confédération, le 15 décembre 2011, des copies des extraits présumés du compte du président de la BNS, la délégation ad hoc a décidé de confronter le président de la BNS aux accusations qui pesaient sur lui. La prise de contact avec le président de la BNS s'inscrivait dans une logique d'établissement des faits relatifs aux transactions bancaires concernées: «[...] il s'agissait pour moi-même et pour la délégation du Conseil fédéral d'être au clair sur les faits. Il n'y avait donc pas nécessité de contacter le conseil de banque. Et nous ne surveillions pas la banque: il s'agissait pour nous de nous occuper de la crédibilité et de l'image de la Suisse202».

Quant à savoir si la délégation ad hoc a envisagé de prendre contact avec le conseil de banque avant le 23 décembre 2011, la question reste en suspens203.

La prise en charge de la situation par le président du conseil de banque était conforme à la perception qu'avaient la présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc de la répartition des rôles. Le président du conseil de banque a ainsi déclaré aux CdG: «L'affaire est arrivée entre les mains de la présidente de la Confédération, qui a immédiatement pris des mesures. Je n'avais aucune réserve à émettre concernant le mandat [qu'elle avait confié au directeur et au vice-directeur du CDF], mais j'ai quand même agi de mon côté. Il était de mon devoir de tirer cette affaire au clair et de ne pas simplement m'appuyer sur des vérifications effectuées par des tiers. Je me suis moins occupé de son devoir que du mien» [trad.]204.

Ainsi, il y a lieu de constater que le président du conseil de banque n'a pas attiré l'attention de la présidente de la Confédération de 2011 sur le fait que la surveillance était de la seule compétence du conseil de banque.

5.1.3

Signe de la répartition des rôles: l'existence de deux mandats distincts

Rappel des faits Le 15 décembre 2011, la délégation ad hoc a décidé, en accord avec le président de la BNS, de charger le directeur du CDF ­ le vice-directeur a été impliqué le lendemain ­ de vérifier les transactions bancaires du président de la BNS. Le lendemain, après que ce dernier eut informé le président et le vice-président du conseil de banque des accusations et du mandat confié par la présidente de la Confédération de 2011 à la direction du CDF205, le président du conseil de banque a décidé de son 202

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 14 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011); cf. également procèsverbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 34 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale).

203 Mme Widmer-Schlumpf a répondu par l'affirmative (procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 22), Mme Sommaruga a déclaré le contraire (procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 35).

204 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 28 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque): «Der Ball kam zur Bundespräsidentin und sie hat umgehend agiert. Ich hatte keinen Vorbehalt gegen den Auftrag, habe aber selbst auch gehandelt. Es war meine Aufgabe, diese Angelegenheit selbst überprüfen zu lassen und mich nicht einfach auf einen anderen Prüfauftrag abzustützen. Ich habe mich weniger mit ihrer Aufgabe befasst als mit meiner.» 205 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 26 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

5095

côté ­ eu égard aux compétences du conseil de banque en matière de surveillance ­ de charger l'organe de révision externe de la BNS, la société PwC, de vérifier les transactions bancaires effectuées par le président de la BNS.

Le 18 décembre 2011, le directeur et le vice-directeur du CDF ont appris par hasard que le président du conseil de banque avait confié un mandat à PwC206. Par la suite, le secrétaire général du DFAE a informé la présidente de la Confédération de 2011 du mandat confié à PwC207.

Le 19 décembre 2011, le vice-directeur du CDF, qui souhaitait coordonner les informations sur lesquelles les deux enquêtes devaient se fonder, a fait une proposition en ce sens au responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS.

Ce dernier a pu convaincre le président du conseil de banque de faire en sorte que les enquêtes se fondent sur les mêmes documents bancaires; par contre, en ce qui concerne la demande du vice-directeur du CDF, le président du conseil de banque a émis certaines réserves, car il préférait que PwC lui livre un rapport distinct208. Plus tard, PwC a confirmé au vice-directeur du CDF, avec l'accord du président du conseil de banque, qu'aucune violation du règlement n'avait été constatée concernant les transactions bancaires des années précédentes209.

Le 20 décembre 2011, le directeur et le vice-directeur du CDF ont soumis leur projet de rapport, pour avis, au responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS210. Par contre, ils n'ont eu accès au rapport de PwC que le jour de sa publication, soit le 4 janvier 2012211.

Perception de leur rôle par les acteurs impliqués La présidente de la Confédération de 2011 a estimé qu'il n'était pas judicieux qu'elle-même et le conseil de banque confient un mandat commun à la direction du CDF, «puisqu'il ne s'agissait pas de vérifier quoi que ce soit du côté de la BNS et que nous n'allions pas la mettre en cause»212. La chef du DFF a corroboré ces déclarations: «Nous avons appris a posteriori que PwC avait été mandatée par le conseil de banque pour procéder aux mêmes investigations. Il n'y avait rien à redire. Jamais je n'ai estimé que le conseil de banque et le Conseil fédéral devaient travailler ensemble: ce sont deux institutions parfaitement distinctes» [trad.]213.

206 207 208 209 210 211 212 213

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 9.3.2012, p. 6 (audition du directeur du CDF).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 8 (audition de l'ancien secrétaire général du DFAE).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 27 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 51 (audition du chef de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 9.3.2012, p. 7 (audition du vice-directeur du CDF).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 9.3.2012, p. 6 (audition du directeur du CDF).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 12 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 22 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012): «Im Nachhinein haben wir erfahren, dass die PwC vom Bankrat eingesetzt worden ist, dieselben Abklärungen zu machen. Das ist gut so; ich war nie der Meinung, Bankrat und Bundesrat hätten gemeinsam abklären sollen. Das sind zwei ganz getrennte Institutionen».

5096

Comme cela a déjà été souligné plus haut, il était important, pour le président du conseil de banque, que les deux enquêtes soient menées le plus possible indépendamment l'une de l'autre, car elles avaient été commandées dans le cadre de deux compétences distinctes. C'est également la raison pour laquelle il a déclaré aux CdG qu'il ne s'était pas tenu au courant de l'avancée de l'enquête menée par la direction du CDF: «Non, cela ne faisait pas partie de mes compétences» [trad.]214. M. Hildebrand a expliqué le mandat confié à PwC et la non-implication de la présidente de la Confédération de 2011 et de la délégation ad hoc de la manière suivante: «[Le 16 décembre 2011,] il a été décidé que les deux conseillères fédérales ne devaient pas être immédiatement informées de cette deuxième enquête. Les raisons en étaient les suivantes: la BNS est indépendante et peut décider elle-même de ce qu'elle veut.

En outre, nous pensions qu'un deuxième avis serait une bonne chose et qu'il valait mieux que les deux organes chargés des investigations ne sachent rien l'un de l'autre afin de pouvoir établir leurs rapports de manière totalement indépendante» [trad.]215.

Problèmes rencontrés par le directeur et le vice-directeur du CDF dans le cadre de leur enquête Outre les problèmes pratiques rencontrés par la direction du CDF lors de la mise en oeuvre du mandat que leur a confié la présidente de la Confédération de 2011 et mentionnés plus haut (notamment les efforts du responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS pour confier un mandat commun au directeur et au vice-directeur du CDF ou la possibilité limitée de la direction du CDF et PwC de coordonner leurs travaux), un autre problème est survenu. Au cours de ses investigations, le vice-directeur du CDF a souhaité s'entretenir avec le président de la BNS; le responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS a d'abord rejeté cette demande et a tenu à ce qu'on lui soumette au préalable, par écrit, les questions qui seraient posées au président de la BNS216, ou du moins qu'on l'informe des sujets qui seraient abordés. Plus tard, les deux représentants du CDF ont toutefois précisé qu'un tel entretien n'était pas indispensable.

En résumé, il y a lieu de constater que la communication entre les représentants de l'administration fédérale
(le secrétaire général du DFAE, le directeur et le vicedirecteur du CDF) et le responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS a parfois été laborieuse, même si la BNS a généralement fourni aussi vite que possible les documents, les informations et les renseignements qui lui avaient été demandés.Aussi bien le président du conseil de banque que les membres de la délé-

214

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 29 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque): «Nein, das lief ausserhalb meines Geschäftsfelds».

215 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 8 (audition de Philipp Hildebrand, ancien président de la BNS): «Es wurde entschieden [am 16.12.2011], dass die beiden Bundesrätinnen nicht sofort informiert werden sollen über dieses zweite Gutachten. Die Logik dahinter war: Die Nationalbank ist unabhängig und kann selber entscheiden, was sie will. Zudem fanden wir, ein zweites Gutachten sei eine gute Sache und es sei gar nicht schlecht, wenn die beiden Gutachter nichts voneinander wissen und die Gutachten wirklich unabhängig voneinander erstellt werden können».

216 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 9.3.2012, p. 6 (audition du directeur du CDF).

5097

gation ad hoc n'ont eu connaissance de ces difficultés qu'a posteriori, c'est-à-dire après la conclusion de l'enquête du directeur et du vice-directeur du CDF217.

5.1.4

Evaluation des CdG

Nécessité d'une implication plus précoce du conseil de banque Comme pour l'implication du Conseil fédéral218, les CdG estiment que la présidente de la Confédération de 2011 aurait dû informer plus tôt le président du conseil de banque des accusations portées contre le président de la direction générale, soit immédiatement après la rencontre du 5 décembre 2011. Les CdG avancent les trois motifs suivants: 1.

Le fait que les accusations du 5 décembre 2011 n'étaient accompagnées d'aucune preuve et n'avaient été formulées qu'oralement par le conseiller national et ancien conseiller fédéral Christoph Blocher ne s'opposait pas à ce que le conseil de banque soit informé plus tôt.

2.

Sur le plan institutionnel, le Conseil fédéral était impliqué depuis le début, par l'intermédiaire de la présidente de la Confédération de 2011. Quant à la deuxième institution concernée, la BNS, elle n'a été informée que dix jours plus tard des accusations. Or, même si les compétences légales du Conseil fédéral et du conseil de banque n'avaient pas été déterminées, il devait être clair dès le début, pour la présidente de la Confédération de 2011 et, plus tard, pour les représentants de l'administration impliqués, que la BNS (en tant qu'institution) et le conseil de banque, en sa qualité d'organe de surveillance, étaient également concernés: dès lors, les CdG considèrent que la présidente de la Confédération de 2011 aurait dû prendre contact avec le conseil de banque immédiatement après la rencontre du 5 décembre 2011.

3.

Eu égard à la compétence du conseil de banque d'ordonner des investigations (cf. chap. 3.1.2), la présidente de la Confédération de 2011 aurait dû informer le président du conseil de banque des accusations immédiatement après la première rencontre avec M. Blocher et aurait dû laisser le conseil de banque prendre la responsabilité des investigations. En fin de compte, de par la procédure choisie par la présidente de la Confédération de 2011, le Conseil fédéral n'a pas respecté la répartition des compétences définie de manière exhaustive par la Constitution et la loi sur la Banque nationale et, partant, a outrepassé ses compétences.

Selon les CdG, informer immédiatement le président du conseil de banque n'aurait pas contraint la présidente de la Confédération de 2011 et le Conseil fédéral à se retirer totalement des investigations. En effet, eu égard à la dimension politique de l'affaire et à la responsabilité du Conseil fédéral au cas où le conseil de banque déposerait une proposition de révocation, le Conseil fédéral aurait très bien pu ­ et même dû ­ demander au président du conseil de banque de l'informer régulièrement

217

Cf. procès-verbaux des séances du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 21 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012), du 4.5.2012, p. 35 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale) et du 28.3.2012, p. 29 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

218 Cf. chap. 4.1.4.

5098

de la procédure et du résultat des investigations. De cette façon, le Conseil fédéral aurait correctement assumé ses compétences.

Même en suivant l'argument de la présidente de la Confédération de 2011, qui souhaitait que les accusations soient vérifiées au préalable, il n'en reste pas moins qu'elle aurait dû informer le président du conseil de banque au plus tard le 15 décembre 2011.

Rétrospectivement, deux raisons plaident en faveur de ce raisonnement: d'une part, les documents produits par M. Blocher le 15 décembre 2011 ­ même si, à ce moment-à, leur authenticité n'avait pas encore pu être définitivement établie ­ constituaient un indice supplémentaire de l'existence de transactions bancaires suspectes effectuées par le président de la BNS. D'autre part, la délégation ad hoc du Conseil fédéral a décidé, le même jour, de donner au président de la BNS la possibilité de prendre position sur les accusations; or, cette décision aurait dû être discutée au préalable avec le président du conseil de banque, ce dernier constituant l'organe supérieur chargé de la surveillance de la BNS.

Négligence du problème de la récusation par la présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc Les CdG peuvent comprendre les raisons qui ont conduit la délégation ad hoc du Conseil fédéral à auditionner le président de la BNS le 15 décembre 2011: il s'agissait de la seule possibilité qu'il lui restait de vérifier les accusations. Toutefois, elles déplorent que la délégation ad hoc ait laissé au président de la BNS le soin d'informer le président du conseil de banque de ces accusations.

L'art. 26, al. 1, du règlement d'organisation de la BNS prévoit les règles de récusation suivantes: «Les membres du Conseil de banque, les membres de la Direction générale et leurs suppléants sont tenus de se récuser lorsque les affaires à traiter: a)

touchent leurs intérêts propres;

b)

concernent des personnes ou touchent les intérêts de personnes avec lesquelles ils sont parents ou alliés jusqu'au troisième degré ou liés par mariage ou par une communauté de vie;

c)

[...]»

Il n'est pas du ressort des CdG de vérifier la mise en oeuvre des règles de récusation au sein de la BNS. Toutefois, compte tenu de la pratique largement répandue des règles de récusation dans l'administration publique et de leur application à tout organe exécutif, il s'agit d'un principe essentiel qui mérite une attention particulière.

Considérant que le règlement d'organisation de la BNS est approuvé par le Conseil fédéral, la délégation ad hoc aurait dû connaître les règles de récusation mentionnées ci-dessus. Dès lors, il aurait dû en conclure qu'il ­ ou la présidente de la Confédération de 2011 ­ devait lui-même informer le président du conseil de banque et que ce dernier devait être son interlocuteur pour la suite de la procédure. Lors de son audition, le président du conseil de banque a également estimé qu'il aurait effectivement dû être informé des accusations avant le président de la BNS219.

219

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 31 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

5099

Les CdG précisent toutefois que, au cours de leurs investigations, elles n'ont décelé aucun indice prouvant que le président de la BNS n'aurait pas informé correctement ou exhaustivement le conseil de banque des accusations et des investigations de la délégation ad hoc.

Problèmes de coopération à l'échelle de l'administration en raison de l'absence de dialogue au plus haut niveau Les difficultés pratiques ­ mentionnées plus haut ­ concernant la coopération au niveau de l'administration découlent de l'absence de dialogue entre la présidente de la Confédération de 2011 et le président du conseil de banque. Si les différentes compétences avaient été clarifiées en temps voulu au plus haut niveau, un examen efficace des transactions bancaires du président de la BNS aurait pu être effectué; cela dit, les problèmes de coopération n'ont finalement pas eu de conséquences sur le résultat des investigations.

Les CdG ne s'expliquent pas pourquoi le président du conseil de banque n'a pas informé la présidente de la Confédération de 2011 du mandat qu'il avait confié à PwC. Cela n'aurait nullement affecté l'indépendance de la BNS. Par ailleurs, elles s'étonnent que la présidente de la Confédération de 2011 n'ait pas pris contact avec le président du conseil de banque lorsque son secrétaire général lui a fait part des investigations menées par PwC.

5.2

Séance du Conseil fédéral du 23 décembre 2011

5.2.1

Etablissement des faits

Au début de la séance du Conseil fédéral du 23 décembre 2011, la présidente de la Confédération de 2011 a pris 20 minutes pour informer le Conseil fédéral des accusations qui pesaient sur le président de la BNS et des mesures qu'elle-même et la délégation ad hoc avaient prises. Le président du conseil de banque et le président de la BNS ont ensuite pris part à la séance pour être auditionnés ­ comme ils en avaient eux-mêmes fait la demande ­ par le Conseil fédéral pendant une heure. Après cette audition, ils ont quitté la séance220.

Au cours de leur enquête, les CdG ont voulu connaître la teneur des discussions qui ont eu lieu entre le Conseil fédéral et les représentants de la BNS; elles ont souhaité savoir dans quelle mesure cette audition avait donné lieu à un véritable échange et à une coordination entre les deux parties. A cette fin, elles ont consulté l'extrait concerné du procès-verbal de la séance et ont interrogé les membres du Conseil fédéral qu'elles avaient convoqués à une audition ainsi que le président de la BNS et le président du conseil de banque.

Les CdG ont constaté que, le 23 décembre 2011, le président du conseil de banque avait informé le Conseil fédéral du rapport d'enquête de PwC et des conclusions du conseil de banque221. Comme indiqué précédemment, les représentants de la BNS ont distribué ledit rapport aux conseillers fédéraux au début de la séance, puis l'ont

220 221

Cf. chronologie en annexe.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 24 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012).

5100

récupéré222. Le président du conseil de banque a informé le Conseil fédéral que le conseil de banque, sur la base de ce rapport, avait décidé à l'unanimité de renouveler sa confiance au président de la BNS223; il a ensuite annoncé que la BNS prévoyait de publier un communiqué de presse le jour même, à 17 heures, et a distribué le projet du texte224. Le président de la BNS a ensuite fourni des renseignements sur l'état de sa fortune et sur les transactions en question225. Ensuite, selon lui, s'en est suivie une discussion ouverte menée par la présidente de la Confédération de 2011226. D'après les souvenirs du président du conseil de banque, les membres du Conseil fédéral ont posé certaines questions destinées à éclaircir les faits227.

Mme Widmer-Schlumpf a également déclaré que, en sa présence, seules quelques questions avaient été posées228.

Il a également été question de la stratégie de communication que devait adopter la BNS: la présidente de la Confédération de 2011 et le porte-parole du Conseil fédéral ont proposé aux représentants de la BNS d'opter pour une stratégie d'information proactive et exhaustive229. Aux dires du président du conseil de banque, c'est surtout le porte-parole du Conseil fédéral qui estimait qu'il fallait informer le public de manière exhaustive; le Conseil fédéral n'a rien dit à ce sujet230. Selon la chronologie établie par la Chancellerie fédérale, le Conseil fédéral a décidé, au terme d'un bref débat, d'interrompre la séance afin de traiter d'autres objets (l'attribution du DFI et du DFAE)231.

La présidente de la Confédération de 2011 a été chargée d'informer la BNS des décisions du Conseil fédéral et de demander à la BNS de quelle façon elle pensait communiquer en définitive (cf. chap. 5.4). Sur la base des informations dont il disposait, le Conseil fédéral a décidé de continuer à assurer son soutien à M. Hildebrand232; après la séance, la présidente de la Confédération de 2011 en a informé le président du conseil de banque et le président de la BNS233.

222 223 224 225 226 227 228

229

230 231 232 233

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 30 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

Ibid.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 15 (audition de Philipp Hildebrand, ancien président de la BNS).

Ibid.

Ibid.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 30 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 23 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012). Le chef du DDPS a confirmé ces affirmations: «Wenn ich mich richtig erinnere, äusserten sich nicht alle Bundesratsmitglieder» [Si je me souviens bien, les membres du Conseil fédéral ne se sont pas tous exprimés]; cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 27.4.2012, p. 7 (audition d'Ueli Maurer, conseiller fédéral).

Cf. procès-verbaux des séances du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 30 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque) et du 5.4.2012, p. 20 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 30 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

Cf. chronologie établie par la Chancellerie fédérale le 18.01.2012.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 16 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 30 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

5101

5.2.2

Evaluation des CdG

En résumé, les CdG ont constaté que l'audition des deux représentants de la BNS, le 23 décembre 2011, avait tout au plus pris la forme d'une séance d'information à l'intention du Conseil fédéral et avait été l'occasion, pour ce dernier, de témoigner sa confiance à M. Hildebrand. Selon le procès-verbal de la séance du Conseil fédéral du 23 décembre 2011 et les auditions des membres du Conseil fédéral et de la chancelière de la Confédération, un seul échange prospectif a eu lieu lors des discussions relatives à la stratégie de communication de la BNS, considérant toutefois que cet échange a eu lieu essentiellement après la séance du Conseil fédéral. Le 23 décembre 2011, le Conseil fédéral était clairement d'avis qu'il n'avait pour l'heure aucune raison de prendre des mesures et que la balle était dans le camp de la BNS234.

De manière générale, les CdG se félicitent qu'un échange ait eu lieu entre le Conseil fédéral et les deux représentants de la BNS le 23 décembre 2011. Elles estiment également que le Conseil fédéral a eu raison de renouveler sa confiance au président de la BNS, après s'être assuré que ni la direction du CDF, ni PwC n'avaient décelé de violation du règlement et que le conseil de banque soutenait le président de la BNS.

Par contre, de l'avis des CdG, la séance du Conseil fédéral ne s'est pas déroulée de manière optimale en ce qui concerne la coordination et la répartition des tâches entre le Conseil fédéral et la BNS: si l'on excepte leur décision d'informer immédiatement le public, le Conseil fédéral et la BNS ne se sont pas penchés conjointement sur les différentes tournures que pourrait prendre l'affaire et sur les mesures qu'ils devaient adopter le cas échéant, alors que cette démarche aurait dû être une évidence.

La dimension politique de cette affaire, qui a joué un rôle déterminant dans l'action de la présidente de la Confédération de 2011 et de la délégation ad hoc jusqu'au 23 décembre 2011, a donc été reléguée au second plan lors de la séance du Conseil fédéral. A posteriori, les CdG ne peuvent que difficilement le comprendre: la question se posant toujours de savoir s'il était nécessaire de durcir les dispositions de la LBN ou du règlement d'organisation de la BNS relatives au comportement des membres de la direction générale de la banque, la dimension politique était
toujours présente et, partant, aurait dû être prise en considération par le Conseil fédéral.

Les CdG estiment par ailleurs que le Conseil fédéral, pour garantir une procédure correcte, aurait dû auditionner le président du conseil de banque séparément, ne serait-ce que pour partie235.

5.2.3

Digression sur la qualité des procès-verbaux des séances du Conseil fédéral

Exigence formulée par les CdG en 2010 Dans le cadre de leur inspection sur le comportement des autorités lors de la crise financière, les CdG avaient critiqué le système d'établissement du procès-verbal des séances du Conseil fédéral. Par exemple, elles regrettaient que les débats du Conseil 234

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 27.4.2012, p. 6 (audition d'Ueli Maurer, conseiller fédéral).

235 Cf. chap. 5.1.4

5102

fédéral sur des objets importants fussent sciemment omis du procès-verbal. Par ailleurs, l'établissement des procès-verbaux prenait parfois trop de temps236.

En mai 2010, les CdG étaient arrivées à la conclusion que le système devait être adapté. Elles avaient alors déposé deux motions de teneur identique, qui visaient à ce que la loi prévoie l'obligation de la forme écrite pour toutes les délibérations et décisions du Conseil fédéral237. L'objectif étaient que les procès-verbaux du Conseil fédéral puissent être utilisés comme instruments de conduite et garantir l'intelligibilité subséquente des délibérations et des décisions du Conseil fédéral238. Les deux motions ont été transmises au Conseil fédéral par le Conseil des Etats (le 1er décembre 2010) et le Conseil national (le 2 mars 2011).

Réaction du Conseil fédéral Le Conseil fédéral a pris les deux mesures suivantes: D'une part, il a proposé, dans le cadre du message additionnel du 13 octobre 2010 sur la réforme du gouvernement, de clarifier les responsabilités et de fixer dans la LOGA les compétences de la Chancellerie fédérale pour l'établissement des procèsverbaux et des décisions.

D'autre part, par lettre du 16 février 2011, il a informé les CdG qu'un nouveau système d'établissement du procès-verbal de ses séances avait été adopté: depuis le 1er janvier 2011, le «procès-verbal élargi des décisions» remplace les notes confidentielles, aussi appelées «procès-verbaux verts». Pour chaque objet sur lesquels il y a eu discussion, le procès-verbal élargi des décisions, établi directement après la séance, résume par ordre chronologique les propos tenus sur un objet. Les propos des intervenants ne sont toutefois pas retranscrits tels quels, et leur nom n'est plus cité. Le Conseil fédéral estime que ce procès-verbal élargi des décisions, complété par d'autres documents (ensemble des décisions du Conseil fédéral, procès-verbaux de décisions de toutes les listes, liste des décisions présidentielles), est un instrument de conduite permettant de reconstituer les délibérations et les décisions du Conseil fédéral.

Evaluation des CdG Les CdG se sont montrées généralement satisfaites de la volonté du Conseil fédéral d'améliorer ses procès-verbaux. Toutefois, elles avaient clairement indiqué, dans leur co-rapport relatif à la réforme du gouvernement239, que l'optimisation des procès-verbaux des séances du Conseil fédéral ne devait pas entraîner une diminution du nombre d'informations qu'ils contenaient.

236 237

Cf. rapport des CdG sur la crise financière, chap. 3.6.5.1.1 (FF 2011 3209 s.)

Le but des CdG était de garantir que les débats et les décisions relatifs à tous les objets traités par le Conseil fédéral soient consignés au procès-verbal; il ne s'agissait pas, comme cela a parfois été interprété, d'établir des comptes rendus intégraux.

238 Motion 10.3392 de la CdG-N et motion 10.3631 de la CdG-E.

239 01.080 Message additionnel sur la réforme du gouvernement: co-rapport des Commissions de gestion des Chambres fédérales du 27.1.2011 (http://www.parlament.ch/f/dokumentation/berichte/berichte-aufsichtskommissionen/ geschaeftspruefungskommission-gpk/berichte-2011/pages/default.aspx)

5103

Dans leur rapport du 1er juillet 2011240, les CdG ont constaté que la nouvelle pratique du Conseil fédéral, qui consiste à ne plus citer le nom ou les propos des intervenants, a conduit à une diminution du contenu informatif. Pour cette raison, les CdG ont décidé de charger la DélCdG d'examiner, en 2012, le contenu informatif des procès-verbaux élargis des décisions, afin de vérifier s'ils constituent un bon instrument de conduite pour le Conseil fédéral et s'ils sont pertinents pour la haute surveillance parlementaire; elles ont également indiqué que, au besoin, elles aborderaient à nouveau la question. Enfin, les CdG ont constaté que le projet de réforme du gouvernement ne permettait pas d'atteindre les objectifs visés par les motions 10.3392 et 10.3631, puisqu'il n'instaurait pas l'obligation intégrale de la forme écrite pour toutes les délibérations et décisions du Conseil fédéral. Celui-ci devait donc encore élaborer un projet de révision dans ce sens.

Evaluation des procès-verbaux relatifs à la présente affaire Dans le cadre de ce dossier, la DélCdG a procédé à un premier examen de la nouvelle forme d'établissement des procès-verbaux des séances du Conseil fédéral: elle a pu constater que le procès-verbal élargi des décisions ne permettait pratiquement jamais de savoir quel membre du Conseil fédéral avait avancé quels éléments essentiels. Or, dans de nombreux dossiers traités par le Conseil fédéral, il est important de savoir qui exprime telle opinion afin de comprendre le processus de décision et le rôle de chacun des départements.

En ce qui concerne la capacité des procès-verbaux du Conseil fédéral à constituer un bon instrument de conduite, la CdG du Conseil des Etats (CdG-E) avait également émis certains doutes, sur la base des investigations menées par la DélCdG. Ces doutes ont été confirmés par le fait que la Chancellerie fédérale a dû, après coup, établir à l'intention du Conseil fédéral sa propre chronologie des événements qui ont entouré la démission du président de la BNS, en se fondant manifestement sur des notes manuscrites.

Forte de ce constat, la CdG-E avait déposé auprès de la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats (CIP-E) une proposition visant à inscrire dans la LOGA la traçabilité des délibérations ainsi que des décisions du gouvernement et à obliger
le Conseil fédéral à utiliser ses procès-verbaux comme instruments de direction. Après que la CIP-E eut adapté le projet concerné (01.080) conformément à la proposition de la CdG-E, l'Assemblée fédérale a adopté cette disposition au vote final le 28 septembre 2012241. Les deux motions des CdG ont ainsi été mises en oeuvre, si ce n'est par le Conseil fédéral, au moins par le Parlement.

Sur mandat de la CdG-E, la DélCdG a examiné, à l'intention du groupe de travail BNS, tous les procès-verbaux des séances que le Conseil fédéral et ses différentes délégations ont tenues entre le 5 décembre 2011 et le 25 janvier 2012. Elle n'a pu que confirmer sa première impression: selon elle, les procès-verbaux élargis du Conseil fédéral sont parfois erronés, mais également très lacunaires, en ce qui concerne tant le nombre que le contenu des informations. Par ailleurs, la DélCdG n'a

240

Inspection des Commission de gestion des Chambres fédérales «Les autorités sous la pression de la crise financière et de la transmission de données clients d'UBS aux EtatsUnis», rapport des CdG du 1.7.2011 (FF 2011 6073).

241 Le nouvel art. 13, al. 3, LOGA, a la teneur suivante: «Les éléments essentiels des négociations et les décisions du Conseil fédéral sont intégralement consignés. Le procès-verbal des séances, instrument de direction du Conseil fédéral, en assure la traçabilité.»

5104

pu obtenir aucun des procès-verbaux des séances de la délégation ad hoc du Conseil fédéral242.

Lors des auditions qu'elles ont elles-mêmes menées, les CdG ont constaté que les membres du Conseil fédéral n'étaient guère en mesure de donner davantage d'informations sur les délibérations de la séance du 23 décembre 2011 que celles fournies par le contenu rudimentaire du procès-verbal; les seuls renseignements qu'ils ont pu donner sont restés vagues. Il convient de rappeler que le procès-verbal de la séance du Conseil fédéral du 23 décembre 2011 tient sur une page; la partie de la séance à laquelle les représentants de la BNS ont participé, qui a pourtant duré une bonne heure, est résumée en une seule phrase: «Le Conseil fédéral auditionne MM. Hildebrand et Raggenbass»243.

La présidente de la Confédération de 2011 a également déclaré aux CdG qu'elle avait chargé son secrétaire général d'établir une chronologie détaillée afin de pouvoir montrer, au besoin, la pertinence des mesures prises244. La chronologie que la Chancellerie fédérale a été chargée d'établir le 11 janvier 2012 visait également à garantir que le Conseil fédéral pourrait retracer le déroulement des événements et en tirer des conclusions pour l'avenir245. Un membre du Conseil fédéral a confirmé que, sous leur forme actuelle, les procès-verbaux du Conseil fédéral ne pouvaient pas garantir la traçabilité des délibérations: «Si nous ne prenons pas nous-mêmes des notes, nous ne pouvons pas vraiment reconstituer les discussions qui ont eu lieu lors de la séance en nous fondant uniquement sur les procès-verbaux» [trad.]246. De l'avis des CdG, les notes manuscrites prises par les membres du Conseil fédéral ne sauraient toutefois se substituer valablement à un procès-verbal en bonne et due forme.

La décision du Conseil fédéral du 23 décembre 2011 est elle aussi lacunaire. Le Conseil fédéral y indique qu'il a pris acte des informations fournies par la présidente de la Confédération de 2011 et par les représentants de la BNS et qu'il ne s'exprimera momentanément pas sur le sujet; par contre, il ne précise pas qu'il continue de soutenir le président de la BNS.

Ces constatations confirment que la modification de la LOGA était nécessaire et qu'il faudra mettre en oeuvre de manière systématique les améliorations qui ont été apportées.

Recommandation 6 Les CdG demandent au Conseil fédéral de leur présenter un rapport dans lequel il indiquera comment il compte modifier le système d'établissement des procès-

242 243 244

Cf. lettre de la DélCdG à l'intention du groupe de travail BNS en date du 31.5.2012.

Cf. procès-verbal de la séance du Conseil fédéral du 23.12.2011.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 19 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011).

245 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 12 (audition de Corina Casanova, chancelière de la Confédération).

246 «Wenn man keine persönlichen Notizen gemacht hat, kann man aufgrund der Lektüre der Protokolle nicht mehr wirklich nachvollziehen, was an einer Sitzung besprochen worden war».

5105

verbaux de ses séances afin de mettre en oeuvre les mesures prévues par le nouvel art. 13, al. 3, LOGA.

5.3

Séance du Conseil fédéral du 8 janvier 2012 (conférence téléphonique)

5.3.1

Evénements survenus juste avant la conférence247

Juste après la séance du Conseil fédéral du 23 décembre 2011, seuls les présidentes de la Confédération de 2011 et de 2012 et le porte-parole du Conseil fédéral se sont chargés, ponctuellement, de la communication dans ce dossier.

Le 5 janvier 2012, l'affaire a soudain pris une nouvelle tournure lorsque le conseiller à la clientèle de la banque Sarasin a transmis au président de la BNS la correspondance électronique des 15 et 16 août 2011. Le 6 janvier 2012, le président de la BNS ayant souhaité disposer d'autres documents éventuellement pertinents, le conseiller à la clientèle a transmis à l'avocat du président de la BNS un document supplémentaire jusqu'ici inconnu («visiting report» [rapport rédigé par le conseiller à la clientèle concernant les contacts qu'il avait eus le 15 août 2011 avec le président de la BNS et son épouse] à l'usage exclusivement interne de la banque). A la demande du président de la BNS, l'avocat de ce dernier a ensuite transmis ce rapport au président du conseil de banque.

Comme il est apparu par la suite, cette correspondance électronique était tombée dans l'oubli et, partant, n'avait pas pu être prise en considération dans les investigations du Conseil fédéral et du président du conseil de banque. Jusqu'à ce moment-là, le président de la BNS n'avait pas connaissance de ce «visiting report». Il ressort de ces documents un fait nouveau: le conseiller à la clientèle de la banque Sarasin y déclare avoir reçu, le 15 août 2011, l'accord oral du président de la BNS pour procéder à un achat de devises américaines à la demande de Mme Hildebrand, au cas où cette dernière aurait l'intention de procéder à une telle transaction. Sur la base de leurs recherches et des déclarations du président de la BNS, les investigateurs avaient estimé jusqu'à ce moment-là que le président de la BNS n'avait pris connaissance de l'intention de son épouse d'acheter des dollars américains qu'après l'exécution de l'ordre d'achat. L'ancien président de la BNS a expliqué au groupe de travail BNS qu'il maintenait sa déclaration selon laquelle son épouse avait procédé à la transaction en question sans qu'il en ait eu connaissance.

L'avocat du président de la BNS a informé la BNS de l'existence des nouveaux documents avant la conférence de presse que la BNS a tenue le jour même à 16 heures. Au cours de
leur enquête, les CdG n'ont pas pu déterminer avec précision dans quelle mesure le contenu exact des courriers électroniques était connu du responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS et du président du conseil de banque. Les personnes interrogées par le groupe de travail BNS ont fourni des informations divergentes à ce sujet. En début de soirée, le président du conseil de banque, le président de la BNS, un membre de la direction générale (M. JeanPierre Danthine) et le responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS ont examiné la correspondance électronique en question.

247

Cf. chronologie en annexe.

5106

Après que la présence de cette correspondance électronique sur le serveur de la BNS eut été vérifiée, confirmant ainsi son authenticité, le comité d'audit a siégé le 6 janvier 2012, en début d'après-midi, en présence du président du conseil de banque. A l'issue d'une longue discussion et après avoir auditionné le président de la BNS et les autres membres de la direction générale de la BNS, il est arrivé à la conclusion248, à l'unanimité, que les nouveaux documents avaient entamé la crédibilité du président de la BNS249 à tel point qu'il fallait recommander à ce dernier de présenter sa démission.

Alors qu'elle se rendait dans les studios de télévision pour participer à l'émission «Arena», la présidente de la Confédération de 2012 a rencontré brièvement le président du conseil de banque ainsi que le président de la BNS et son avocat, qui lui ont appris l'existence des nouveaux documents et l'ont informée de leur contenu. Juste avant, le président du conseil de banque lui avait transmis, en privé, une copie des documents en question, et l'avait informée que lui-même et le comité d'audit estimaient que le président de la BNS devait présenter sa démission; il lui avait également indiqué que le conseil de banque tiendrait une séance à ce sujet le 7 janvier 2012. Le président du conseil de banque a ensuite réitéré ces propos en présence du président de la BNS et de son avocat. La présidente de la Confédération de 2012 a pris acte de ces informations sans se prononcer sur le fond et, à l'issue de la rencontre, a rendu les documents au président du conseil de banque, parce qu'elle a estimé qu'elle ne pouvait pas prendre les documents avec elle pour se rendre à l'émission «Arena», faute de pouvoir en garantir l'indispensable confidentialité.

Lors de l'émission «Arena», la présidente de la Confédération de 2012 a exposé la position que le Conseil fédéral avait arrêtée le 23 décembre 2011250.

Le conseil de banque a siégé le samedi 7 janvier 2012. Après une longue discussion et après avoir auditionné le président de la BNS, il est parvenu à deux conclusions essentielles: d'une part, il a répété qu'il n'y avait eu aucune violation du règlement de la BNS régissant les opérations sur instruments financiers passées en nom propre par les membres de la direction générale élargie; d'autre part, les nouveaux documents
avaient entamé la crédibilité du président de la BNS à tel point que le conseil de banque devait recommander à ce dernier de présenter sa démission.

Le même jour, le président du conseil de banque a téléphoné à la présidente de la Confédération de 2012 et l'a informée de la recommandation du conseil de banque à l'intention du président de la BNS. La présidente de la Confédération de 2012 lui a posé des questions sur les motifs de cette décision ainsi que sur la suite de la procédure, au cas où le président de la BNS ne suivrait pas cette recommandation. Elle a informé le président du conseil de banque que le Conseil fédéral ne pouvait pas prendre de décision tant que le conseil de banque ne lui aurait pas soumis une proposition de révocation251. Cependant, le conseil de banque n'avait pas encore décidé de déposer une proposition en ce sens. Plus tard dans la journée, le président du conseil de banque a à nouveau téléphoné à la présidente de la Confédération de 2012: en

248

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 35 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

249 Ibid., p. 36 250 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 27 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012).

251 Ibid., p. 25

5107

présence de tous les membres de la direction générale, il l'a informée que la BNS allait prendre position publiquement le lundi 9 janvier 2012252.

La présidente de la Confédération de 2012 a alors convoqué le Conseil fédéral en séance extraordinaire le dimanche 8 janvier 2012 à 10 heures (conférence téléphonique)253.

5.3.2

Evaluation des CdG

Les CdG estiment qu'il y a eu deux échanges essentiels entre le président du conseil de banque et la présidente de la Confédération de 2012: 1.

La présidente de la Confédération de 2012 est informée de l'existence des nouveaux documents et des conclusions arrêtées par le comité d'audit le 6 janvier 2012.

Les CdG estiment correctes la décision du président du conseil de banque de vérifier au préalable l'authenticité de l'échange de courriers électroniques et celle du comité d'audit de se pencher sur les nouveaux éléments avant d'en informer la présidente de la Confédération de 2012. Il est cependant regrettable que cette procédure n'ait pas été plus rapide et que les documents n'aient pas été transmis à la présidente de la Confédération de 2012 immédiatement après la séance du comité d'audit. En effet, la présidente de 2012 aurait ainsi pu se pencher plus longuement sur les documents avant la rencontre de l'après-midi du 6 janvier 2012 et avant sa participation à l'émission «Arena», même si, là aussi, elle n'aurait disposé que de très peu de temps.

Après avoir été informée de l'existence de ces nouveaux documents, la présidente de la Confédération de 2012 se trouvait dans une situation délicate: étant donné qu'elle ne disposait pas de suffisamment de temps pour examiner les nouveaux éléments avant l'émission «Arena» ­ qui, à l'origine, ne devait porter que marginalement sur les transactions bancaires du président de la BNS ­, elle n'a pu faire autrement que d'exprimer la position que le Conseil fédéral avait arrêtée à sa séance du 23 décembre 2011. La présidente de la Confédération de 2012 a pu rendre compte de ces difficultés aux CdG de manière convaincante. Elle a également souligné qu'annuler sa participation au dernier moment n'aurait fait qu'alimenter les spéculations254.

Cependant, les CdG ne comprennent pas pourquoi, à l'issue de la rencontre, la présidente de la Confédération de 2012 a rendu au président du conseil de banque les documents qu'il lui avait remis. En effet, le président du conseil de banque l'avait déjà informée que lui-même et le comité d'audit se fonderaient sur ces documents pour recommander au président de la BNS de présenter sa démission. La présidente de la Confédération de 2012 a expliqué aux CdG avoir cru comprendre que le président du conseil de banque souhaitait récupérer les documents après

252

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 34 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

253 La séance du 23.12.2011 était la dernière avant les vacances du Conseil fédéral, qui devait siéger à nouveau le 11.01.2012.

254 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 27 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012)

5108

qu'elle les eut consultés255. Le président du conseil de banque, quant à lui, a déclaré qu'il ne savait pas pourquoi la présidente de la Confédération de 2012 lui avait rendu les documents256. Selon les CdG, la présidente aurait dû conserver ces documents ou aurait dû exiger qu'ils soient immédiatement envoyés à son bureau, même si le conseil de banque restait l'organe compétent pour traiter ces informations. Dans le cadre de la consultation, le Conseil fédéral a indiqué que, vu les circonstances, la présidente de la Confédération de 2012 estimait ne pas être en mesure de garantir la confidentialité des documents257.

La restitution de ces documents a privé le Conseil fédéral d'informations importantes pour évaluer correctement la situation le 8 janvier 2012 (cf. ci-dessous): 2.

La présidente de la Confédération de 2012 est informée de la décision prise par le conseil de banque le 7 janvier 2012, à savoir la recommandation faite au président de la BNS de démissionner.

Point de vue de la présidente de la Confédération de 2012: le 6 janvier 2012, le président du conseil de banque a, dans un premier temps, informé la présidente de la Confédération de 2012 de la décision du comité d'audit: à l'unanimité, ce dernier a proposé au conseil de banque de recommander au président de la BNS de présenter sa démission. Le 7 janvier 2012, le président du conseil de banque a téléphoné à la présidente de la Confédération pour l'informer que le conseil de banque s'était rallié à cette proposition. Il a précisé que cette décision se fondait sur le courrier électronique mis au jour le 5 janvier 2012 et que, selon le conseil de banque, elle était nécessaire afin de préserver la réputation de la BNS258. Répondant à une question de la présidente de la Confédération de 2012, le président du conseil de banque a déclaré que le conseil de banque ne s'était pas entretenu avec le conseiller à la clientèle259.

Les CdG constatent que la présidente de la Confédération de 2012 a demandé à juste titre de plus amples informations sur les motifs de la décision du conseil de banque.

Elles saluent également sa décision de convoquer le Conseil fédéral en séance extraordinaire le dimanche 8 janvier 2012 afin de l'informer des derniers développements de l'affaire.

Après avoir examiné le contenu exact des informations fournies par le président du conseil de banque à la présidente de la Confédération de 2012, le 7 janvier 2012, concernant la position du président de la BNS vis-à-vis de la recommandation émise par le conseil de banque, les CdG sont parvenues à la conclusion suivante: considérant que la présidente de la Confédération de 2012 avait demandé au président du conseil de banque ce qui se passerait dans l'hypothèse où le président de la BNS ne suivrait pas cette recommandation260, on pourrait éventuellement conclure que le 255 256 257

258 259 260

Ibid., p. 30 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 43 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque) Dans le cadre de la consultation, le Conseil fédéral a également souligné, le 21.1.2013, que la présidente de la Confédération de 2012 avait rendu les documents après que le président du conseil de banque lui eût promis qu'il lui en ferait parvenir une version complète. Il s'agit là d'une nouvelle information: bien que, lors de l'audition de la présidente de la Confédération de 2012 et de l'ancien président du conseil de banque, au printemps 2012, les CdG se soient informées précisément des raisons à l'origine de la restitution des documents, la promesse du président du conseil de banque n'a pas été évoquée.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 26 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012).

Ibid., p. 25 Ibid.

5109

président du conseil de banque n'avait rien dit de la position du président de la BNS.

Dans la lettre qu'il a adressée le 12 janvier 2012 à la présidente de la Confédération de 2012, le président du conseil de banque a donné les explications suivantes: «Philipp Hildebrand a toujours déclaré qu'il suivrait bien évidemment l'avis du conseil de banque si ce dernier lui recommandait de démissionner. Cependant, les déclarations qu'il a faites au conseil de banque lors de la séance du 7 janvier 2012 semblaient remettre en question cette certitude. C'est pour cette raison que le conseil de banque a chargé une délégation (composée de son président, de son vice-président et du président du comité d'audit) de mener des négociations avec le président de la BNS en vue de son départ» [trad.]261.

Point de vue de la BNS: le président du conseil de banque a expliqué aux CdG que le conseil de banque et le président de la BNS étaient parvenus ensemble à la conclusion, le 7 janvier 2012, qu'une démission était nécessaire pour le bien de la BNS262; le président du conseil de banque a également affirmé que, dans l'aprèsmidi, il avait informé la présidente de la Confédération de 2012 de cette «décision prise d'un commun accord»263. Le 7 janvier 2012, «il était clair, et donc certain, que M. Hildebrand démissionnerait. La seule incertitude portait sur la question de savoir si les nouveaux documents devaient être publiés et quand la conférence de presse devait avoir lieu» [trad.]264.

Dans le cadre de la consultation du projet du présent rapport, la BNS a confirmé les affirmations de l'ancien président du conseil de banque et a ajouté que, dans le courant de la soirée du samedi 7 janvier 2012, le président du conseil de banque et le président de la BNS ont décidé d'un commun accord que la démission serait annoncée le lundi matin. Le même soir, le président du conseil de banque en a encore informé la présidente de la Confédération, en présence du président de la BNS et des autres membres de la direction générale. Enfin, le dimanche matin, le président de la BNS a donné son accord à ce que les nouveaux documents soient publiés.

La présidente de la Confédération de 2012 a expliqué que le président de la BNS avait également pris contact avec elle par téléphone après l'appel du président du conseil de banque du samedi soir et que, de son côté, il l'avait mise au courant de la recommandation du conseil de banque. Elle a déclaré aux CdG: «je lui ai dit que

261

«Philipp Hildebrand hatte sich immer dahingehend geäussert, dass ­ sobald der Bankrat ihm empfehlen würde, zurückzutreten ­ er diesen Rat selbstredend befolgen würde. Aufgrund seiner Äusserungen anlässlich der Bankratssitzung vom 7. Januar 2012 war dies nicht mehr klar. Der Bankrat beauftragte deshalb eine Delegation bestehend aus Präsident, Vizepräsident und Präsident des Prüfungsausschusses, Abgangsverhandlungen mit Philipp Hildebrand zu führen.» 262 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 34 et 37 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

263 Ibid., p. 34. Le président du conseil de banque a déclaré qu'il avait informé la présidente de la Confédération «über den gemeinsamen Beschluss».

264 Ibid., p. 43: «[...] war klar, und damit sicher, dass Herr Hildebrand zurücktreten wird.

Offen war nur noch, ob die neu aufgetauchten Dokumente veröffentlicht werden und wann die Medienkonferenz stattfinden soll.». Le président du conseil de banque a donné cette réponse aux CdG, qui souhaitaient savoir si, lors de leur conversation téléphonique du 7 janvier 2012, il avait déclaré à la présidente de la Confédération de 2012 qu'il n'était pas certain que M. Hildebrand suive la recommandation du conseil de banque et démissionne.

5110

c'était à lui de prendre une décision, que je ne pouvais pas la prendre à sa place» [trad.]265.

M. Hildebrand a confirmé aux CdG qu'il avait finalement présenté sa démission car, s'il ne l'avait pas fait, la BNS aurait été mise à rude épreuve266. Il n'a toutefois pas précisé à quel moment précis il avait pris sa décision.

Les CdG estiment que ces éléments sont essentiels, car les informations fournies au Conseil fédéral le 8 janvier 2012 dépendaient directement de celles fournies la veille par le président du conseil de banque à la présidente de la Confédération de 2012.

5.3.3

Conférence téléphonique du 8 janvier 2012

Le Conseil fédéral s'est réuni en conférence téléphonique le dimanche 8 janvier 2012, à 10 heures. A cette occasion, la présidente de la Confédération de 2012 a transmis aux autres membres du Conseil fédéral les informations qu'elle avait reçues la veille de la part du président du conseil de banque; elle leur a notamment fait part de la mise au jour, le 5 janvier 2012, du courrier électronique et du «visiting report» du conseiller à la clientèle de la banque Sarasin267, dont le Conseil fédéral ignorait l'existence jusqu'à ce moment-là268. Avant la conférence téléphonique, le porteparole du Conseil fédéral avait transmis aux membres du Conseil fédéral un projet de communiqué de presse intitulé «Retrait de M. Hildebrand: Prise de position du Conseil fédéral»269.

La principale question qui s'est posée lors de cette conférence était de savoir pourquoi l'avis du conseil de banque concernant le maintien à son poste du président de la BNS avait changé de manière radicale entre la conférence de presse du 5 janvier 2012 et la séance du 7 janvier 2012270.

La conférence téléphonique du 8 janvier 2012 a donné lieu à un procès-verbal d'une demi-page, à une décision du Conseil fédéral et à une note d'information du secrétaire général du DFF. Les CdG souhaitaient également que les membres du Conseil fédéral qu'elles ont auditionnés leur indiquent comment ils avaient perçu ce qui avait été dit lors de cette conférence.

Lors de la conférence téléphonique, le Conseil fédéral est arrivé à la conclusion qu'il devait avoir accès aux nouveaux documents avant de pouvoir se forger une opinion définitive271. Il n'a pas compris ce qui avait motivé le Conseil de banque à recommander au président de la BNS de démissionner. Il a décidé que la présidente de la 265

266 267 268 269 270 271

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 26 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012): «Ich habe ihm gesagt, dann müsse er jetzt entscheiden, was er mache, ich könne ihm diese Antwort nicht abnehmen».

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 22 (audition de Philipp Hildebrand, ancien président de la BNS).

Note d'information du secrétaire général du DFF du 16.1.2012.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 26 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012).

Cf. chronologie établie par la Chancellerie fédérale le 17.1.2012, p. 5.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 26 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 26 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012).

5111

Confédération de 2012 informerait oralement le président de la BNS et le président du conseil de banque du résultat de la conférence téléphonique. En outre, la présidente de la Confédération de 2012 a été chargée de demander au conseil de banque les motifs qui l'ont mené à inviter le président de la BNS à présenter sa démission.

Aux dires de la chancelière de la Confédération, la présidente de 2012 a également été chargée de recueillir l'avis du président de la BNS concernant le revirement du conseil de banque272.

Le Conseil fédéral prévoyait de se pencher sur les informations qu'aurait reçues la présidente de la Confédération de 2012 entre-temps lors de sa séance ordinaire du 11 janvier 2012. A la suite de leurs entretiens avec plusieurs conseillers fédéraux et avec la chancelière de la Confédération, les CdG ont conclu que, à ce moment-là, le Conseil fédéral ne savait pas avec certitude que la démission du président de la BNS avait déjà été décidée par le conseil de banque et l'intéressé et qu'elle devait être annoncée sous peu. Enfin, le Conseil fédéral a chargé son porte-parole d'élaborer, sur la base de la discussion, une stratégie de communication «passive» et de la soumettre aux membres du Conseil fédéral273.

A l'issue de la conférence téléphonique, la présidente de la Confédération de 2012 a téléphoné au président du conseil de banque, puis au président de la BNS. Elle leur a expliqué que le Conseil fédéral ne prendrait pas position tant qu'il n'aurait pas pu se pencher sur les nouveaux documents274. Elle a ajouté que, pour le moment, le Conseil fédéral n'avait pas compétence pour donner un avis sur l'éventuelle démission du président de la BNS275, et qu'il clarifierait la situation le 11 janvier 2012 avant de présenter son point de vue276. En outre, à la demande du Conseil fédéral, elle a prié le président du conseil de banque d'organiser une rencontre avec une délégation de la BNS277.

A ce sujet, le président du conseil de banque a expliqué aux CdG qu'il avait déclaré à la présidente de la Confédération de 2012 par téléphone, le dimanche soir, que le Conseil fédéral devait prendre position avant la séance du 11 janvier 2012; il lui a précisé qu'il fallait que les choses soient claires avant la séance de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (CER-N), qui
aurait lieu le lundi278.

Le lundi 9 janvier 2012, à 8 h 15, la présidente de la Confédération de 2012 a rencontré des représentants du conseil de banque ainsi que de la direction de la BNS.

Elle les a informés une nouvelle fois du point de vue du Conseil fédéral, puis les représentants du conseil de banque lui ont exposé les motifs de la décision que le conseil de banque avait prise le 7 janvier 2012. En outre, la présidente de la Confé272 273 274

275 276 277 278

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 14 (audition de Corina Casanova, chancelière de la Confédération).

Décision du Conseil fédéral du 8.1.2012.

Note d'information du secrétaire général du DFF du 10.1.2012 / procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 29 (audition d'Eveline WidmerSchlumpf, présidente de la Confédération de 2012).

Note d'information du secrétaire général du DFF du 16.1.2012.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 28 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération de 2012).

Note d'information du secrétaire général du DFF du 16.1.2012.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 44 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque) / compléments d'information écrits adressés par le président du conseil de banque au groupe de travail BNS en date du 3.5.2012, p. 22.

5112

dération a été informée que l'élaboration de l'accord visant la démission immédiate du président de la BNS était déjà bien avancée et que le conseil de banque entendait publier un communiqué de presse à ce sujet avant l'après-midi279.

Le même jour, à 14 heures, le président de la BNS a annoncé publiquement qu'il présentait sa démission avec effet immédiat.

5.3.4

Evaluation des CdG

Les CdG n'ont pas pu faire toute la lumière sur les événements du dimanche 8 janvier 2012.

M. Hildebrand a déclaré aux CdG qu'il avait eu la présidente de la Confédération de 2012 au téléphone le dimanche tôt dans la matinée. Peu avant 8 heures, elle lui aurait téléphoné pour l'informer que le Conseil fédéral organiserait une conférence téléphonique280. A 9 h 44, à la demande de la présidente, il lui a transmis les nouveaux documents ainsi que d'autres documents à son adresse électronique privée281; à cette même adresse, à 9 h 18, son avocat avait, sur son ordre, envoyé un mémorandum282 destiné au Conseil fédéral283. Toujours à la même adresse, à 9 h 36, le président de la BNS a envoyé à la présidente de la Confédération de 2012, en vue de la conférence téléphonique du Conseil fédéral, un projet de lettre annonçant sa démission; ce courriel comprend notamment la phrase suivante: «In der Beilage sende ich Ihnen den besprochenen Entwurf» [Je vous joins en annexe le projet dont nous avons parlé].

Après la conférence téléphonique du Conseil fédéral, la présidente de la Confédération de 2012 aurait dit à M. Hildebrand, par téléphone, que le Conseil fédéral souhaitait qu'il attende avant de présenter sa démission, car il avait décidé de se pencher à nouveau sur le sujet le mercredi suivant. De son côté, le président de la BNS aurait réitéré son souhait de rester en poste, tout en précisant une nouvelle fois qu'il n'attendrait pas qu'une procédure de révocation soit lancée contre lui pour démissionner284. Il aurait ensuite informé les deux autres membres de la direction générale, par téléphone et par sms, de cette nouvelle situation285. La BNS a confirmé cette affirmation dans la réponse qu'elle a fait parvenir au groupe de travail BNS le 21 janvier 2013: lors de la séance réunissant une délégation du conseil de banque, MM. Jordan et Danthine et d'autres représentants de la BNS, dont l'objectif était de coordonner la façon dont les informations seraient communiquées, les deux membres de la direction générale ont reçu un sms du président de la BNS. Ce dernier expliquait que le Conseil fédéral avait refusé sa démission et que, partant, il ne 279 280 281 282

283 284 285

Cf. chronologie en annexe.

Lettre de l'ancien président de la BNS adressée aux CdG en date du 26.6.2012.

Cf. annexe 2 de la lettre de l'ancien président de la BNS aux CdG du 26.6.2012 (courriel inclus).

Ce mémorandum contient une chronologie, établie par M. Hildebrand, des événements survenus entre la mise au jour des nouveaux documents, le 5.1.2012, et la séance du conseil de banque du 7.1.2012.

Cf. annexe 2 de la lettre de l'ancien président de la BNS aux CdG du 26.6.2012 (courriel inclus).

Cf. annexe 2 de la lettre de l'ancien président de la BNS aux CdG du 26.6.2012 (courriel inclus).

Lettre de l'ancien président de la BNS adressée au groupe de travail BNS en date du 18.1.2013.

5113

démissionnerait pas. Le président du conseil de banque a alors informé la présidente de la Confédération de 2012 de cette nouvelle donne286.

Réagissant à la version des faits donnée par M. Hildebrand, la présidente de la Confédération de 2012 a envoyé aux CdG une lettre dans laquelle elle a déclaré se souvenir avoir parlé avec le président de la BNS par téléphone le samedi 7 janvier 2012, mais pas le dimanche matin. Elle a confirmé que M. Hildebrand lui avait fait parvenir des documents, qu'elle a lus sur son ordinateur privé le 8 janvier 2012 à Felsberg, après la conférence téléphonique du Conseil fédéral287. Elle aurait ensuite dit au président de la BNS, par téléphone, qu'il devait transmettre ces documents à la Chancellerie fédérale (ce qu'il a fait); le président de la BNS lui aurait également demandé ce qu'il devait faire et quelle attitude il devait adopter: la présidente de la Confédération de 2012 lui aurait répondu que c'était à lui de prendre une décision et qu'elle ne pouvait pas la prendre à sa place288.

Les CdG constatent d'importantes différences dans ces deux présentations des faits en ce qui concerne le nombre et la teneur des contacts téléphoniques que la présidente de la Confédération de 2012 et, notamment, le président de la BNS ont eus les 7 et 8 janvier 2012.

La veille de la conférence téléphonique, la présidente de la Confédération de 2012 a été informée par le président du conseil de banque que le président de la BNS, sur la recommandation du conseil de banque, présenterait sa démission. Cependant, le même jour, la présidente de la Confédération a eu une conversation téléphonique avec le président de la BNS, de laquelle il ne ressortait pas clairement s'il avait déjà pris cette décision. Le samedi soir, la présidente de la Confédération de 2012 n'avait donc pas de certitude quant à l'éventuelle démission du président de la BNS. Force est également de constater que le Conseil fédéral n'avait pas non plus une connaissance exacte de la situation lors de la conférence téléphonique du 8 janvier 2012; le procès-verbal de cette séance ne fait pas état de la position du président de la BNS par rapport à la recommandation du conseil de banque. Pour ces raisons, les CdG peuvent comprendre sur le principe pourquoi le Conseil fédéral a estimé qu'il disposait encore de suffisamment
de temps pour approfondir la question à sa séance ordinaire du mercredi 11 janvier 2012.

Considérant les déclarations de l'ancien président de la BNS à propos de la conversation téléphonique qu'il avait eue avec la présidente de la Confédération de 2012 après la conférence téléphonique du 8 janvier 2012, les CdG comprennent également pourquoi le président de la BNS, dans la lettre qu'il a fait parvenir au Conseil fédéral le dimanche soir, s'engageait à tout mettre en oeuvre afin que de tels événements ne se reproduisent plus et ajoutait qu'il confierait très probablement la gestion de sa fortune à des tiers289.

Sur la bases des informations précitées, les CdG constatent les faits suivants: 286 287

Lettre de la BNS adressée au groupe de travail BNS en date du 21.1.2013.

Selon le procès-verbal de la séance du Conseil fédéral du 8.1.2012 (conférence téléphonique), la présidente de la Confédération a toutefois lu le texte du nouveau courrier électronique à ses collègues lors de la conférence.

288 Lettre de Mme Widmer-Schlumpf au président et au secrétaire du groupe de travail BNS du 12.11.2012.

289 Lettre du président de la BNS au Conseil fédéral du 8.1.2012 (transmise à 19 h 30 par courriel).

5114

­

Lors de la conférence téléphonique du 8 janvier 2012, les informations dont disposait le Conseil fédéral ne lui permettaient pas de se forger une opinion définitive.

­

Cela est notamment dû au fait que les informations essentielles ­ c'est-à-dire les nouveaux documents ­ n'avaient pas encore été transmises au Conseil fédéral, alors que la présidente de la Confédération en avait connaissance depuis le 6 janvier 2012 (elle les avait toutefois rendus à M. Raggenbass) et, partant, était consciente de leur importance. Ces documents auraient été utiles au Conseil fédéral et, par conséquent, auraient pu et dû être mis à sa disposition pour la conférence téléphonique.

­

Se fondant sur ces informations ­ lacunaires ­, le Conseil fédéral a estimé qu'il avait probablement encore le temps d'examiner en détail les documents et la situation lors de sa séance ordinaire du mercredi 11 janvier 2012, avant une éventuelle démission du président de la BNS290.

Quoi qu'il en soit, les CdG estiment que, à partir du moment où le conseil de banque a recommandé au président de la BNS de démissionner ­ c'est-à-dire à partir de la séance du 7 janvier 2012 ­, il n'était plus possible de revenir en arrière. La démission du président de la BNS était inévitable, étant donné que le conseil de banque avait décidé, à l'unanimité, de lui retirer sa confiance. En d'autres termes, même si le Conseil fédéral avait été totalement informé de la situation le dimanche 8 janvier 2012, il n'aurait concrètement rien pu y changer.

La question est de savoir quel est le rôle du Conseil fédéral dans une telle situation.

Aux termes de la LBN, la décision de révoquer le président de la BNS incombe au Conseil fédéral, considérant toutefois qu'il ne peut le faire que sur la proposition du conseil de banque291. En l'espèce, le conseil de banque n'a déposé aucune proposition en ce sens: il a recouru à un autre moyen, à savoir recommander au président de la BNS de démissionner. Or, cet instrument n'est pas explicitement prévu par la LBN.

Les CdG se demandent si, par analogie avec la répartition des compétences entre le conseil de banque et le Conseil fédéral concernant la révocation d'un président de la BNS, il n'aurait pas été nécessaire que le collège gouvernemental ait eu la possibilité de se forger sa propre opinion de la situation avant que le conseil de banque prononce sa recommandation (en l'occurrence, qu'il ait eu l'occasion d'examiner la décision du président du conseil de banque et du comité d'audit de proposer au conseil de banque la chose suivante: recommander à M. Hildebrand de présenter sa démission). L'objectif des CdG n'est pas de remettre en question les compétences légales du conseil de banque, mais d'impliquer dûment le Conseil fédéral dans une procédure qui, de fait, peut conduire au même résultat qu'une procédure de révocation formelle. Dans ce contexte, les CdG se demandent si les dispositions légales selon 290

Le conseiller fédéral Ueli Maurer a fait la déclaration suivante aux CdG: «An der Telefonkonferenz gab es dazu keine einheitliche Meinung. Sehr viele Fragen zum weiteren Vorgehen blieben offen. Mehrheitlich war der Bundesrat wohl der Meinung, dass genug Zeit vorhanden sei, um die Sache gründlich abzuklären und erst am darauffolgenden Mittwoch ...» [Les avis étaient partagés lors de la conférence téléphonique. De nombreuses questions quant à la suite de la procédure étaient encore en suspens. La majorité des membres du Conseil fédéral estimaient qu'il y avait encore suffisamment de temps pour éclaircir la situation et que [cela ne pourrait se faire] que le mercredi suivant], cf. procèsverbal de la séance du groupe de travail BNS du 27.4.2012, p. 9.

291 Art. 45, al. 1, LBN.

5115

lesquelles, d'une part, le Conseil fédéral prend une décision sur la proposition du conseil de banque et, d'autre part, un recours peut être formé contre cette décision, sont adaptées à ce genre de situation.

Recommandation 7 Les CdG demandent au Conseil fédéral de vérifier s'il y a lieu de prévoir, dans la loi sur la Banque nationale, que le conseil de banque soit tenu de consulter le Conseil fédéral avant de recommander au président de la BNS de démissionner ou avant de proposer au Conseil fédéral de révoquer le président de la BNS.

Enfin, les CdG estiment que, sous certains aspects, la façon dont la conférence téléphonique du 8 janvier 2012 a été menée n'était pas optimale. Ainsi, au moins une partie des appareils téléphoniques utilisés n'étaient pas sécurisés292.

Dans le cadre de son inspection concernant la gestion par les autorités fédérales de la crise diplomatique entre la Suisse et la Libye293, la CdG-E avait émis une recommandation en ce sens294 à l'intention du Conseil fédéral; ce dernier avait alors déjà déclaré qu'il était disposé à la mettre en oeuvre.

5.4

Répartition des tâches de communication

5.4.1

Chronologie des mesures prises en la matière

C'est le 21 décembre 2011 que la question de la communication avec le public a été soulevée pour la première fois ­ dans l'optique de la séance du Conseil fédéral du 23 décembre 2011 ­, après que le directeur et le vice-directeur du CDF ainsi que PwC eurent achevé leurs investigations relatives aux transactions bancaires du président de la BNS. Il s'agissait de savoir s'il fallait ou non rendre l'information publique295 et, le cas échéant, sous quelle forme.

Le 21 décembre 2011, la délégation ad hoc du Conseil fédéral estimait qu'il était nécessaire que le président de la BNS communique de manière proactive296. A ce moment-là, le président de la BNS était plutôt défavorable à cette stratégie: lors de son audition, il a expliqué aux CdG que, le 21 décembre 2011, en se fondant sur les données fournies par l'informateur du Conseil fédéral ­ que le secrétaire général du 292 293 294

295 296

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 27.4.2012, p. 10 (audition d'Ueli Maurer, conseiller fédéral).

Gestion par les autorités fédérales de la crise diplomatique entre la Suisse et la Libye, rapport de la CdG-E du 3.12.2010 (FF 2011 3901).

Recommandation 12: Mesures pour garantir le secret aux plus hauts niveaux de l'administration fédérale: La DélCdG invite le Conseil fédéral à prendre les mesures nécessaires pour pouvoir garantir à l'avenir le secret aussi aux plus hauts niveaux de l'administration fédérale. Ce faisant, le Conseil fédéral s'attache également aux aspects techniques des appareils mis à disposition des collaborateurs (FF 2011 3913).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 10 (audition de Philipp Hildebrand, ancien président de la BNS).

Cf. chronologie des événements survenus entre le 12 et le 23.12.2011, établie par le secrétaire général du DFAE; procès-verbaux des séances du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 38 (audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale) et du 4.5.2012, p. 24 (audition du directeur de l'OFJ).

5116

DFAE avait consignées par écrit ­ ainsi que sur ses propres documents bancaires, il avait constaté pour la première fois que certaines parties au moins de ses données bancaires avaient été transmises à des tiers de manière illégale. Lors de la séance du 21 décembre 2011, le nom de l'informateur ne lui avait pas été communiqué. Ainsi, la BNS n'avait pas encore pu déterminer, en interne, s'il était judicieux de communiquer sur cette affaire297.

Le 22 décembre 2011, la présidente de la Confédération de 2011 a téléphoné au président de la BNS pour lui exposer la situation de manière détaillée; elle lui a notamment transmis le nom de l'informateur du Conseil fédéral et lui a indiqué que les informations risquaient d'être livrées à la presse298. Selon M. Hildebrand, cette dernière mise en garde a eu une incidence sur l'atmosphère au sein du conseil de banque299. Le 22 décembre 2011, ce dernier a décidé de prendre position publiquement sur cette affaire; il n'a toutefois pas réussi à s'entendre sur le contenu exact de ce qui devait être communiqué au public300. Le conseil de banque a délégué à son président la compétence de prendre en main la communication, en collaboration avec la direction générale et le Conseil fédéral301.

La communication a fait l'objet d'une attention particulière lors de la séance du Conseil fédéral du 23 décembre 2011: comme il ressort du chap. 5.2.1, la présidente de la Confédération de 2011 et le porte-parole du Conseil fédéral ont proposé aux représentants de la BNS d'opter pour une stratégie d'information proactive et exhaustive302, c'est-à-dire d'organiser une conférence de presse et de publier un communiqué écrit. Aux dires du président du conseil de banque, c'est surtout le porteparole du Conseil fédéral qui estimait qu'il fallait informer le public de manière exhaustive; le Conseil fédéral n'aurait rien dit à ce sujet303. Pendant leur audition, les représentants de la BNS ont distribué au Conseil fédéral un projet de communiqué, précisant que la BNS prévoyait de le publier le jour même, à 17 heures304. Le Conseil fédéral a chargé son porte-parole de préparer, sur cette base, un projet de communiqué de presse du Conseil fédéral; après une interruption de la séance, le Conseil fédéral a examiné et remanié ledit projet305. Pour le Conseil fédéral, il était clair que la
responsabilité en matière de communication incombait à la BNS306.

Le Conseil fédéral a provisoirement décidé de ne pas s'exprimer publiquement sur les événements, car la BNS ne souhaitait publier qu'un court communiqué de presse.

297 298 299 300 301 302

303 304 305 306

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 10 (audition de Philipp Hildebrand, ancien président de la BNS).

Ibid., p. 11 Ibid., p. 14 Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 32 s. (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

Ibid., p. 33 Cf. procès-verbaux des séances du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 30 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque), du 5.4.2012, p. 20 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011) et du 28.3.2012, p. 15 (audition de Philipp Hildebrand, ancien président de la BNS).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 30 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

Cf. chronologie établie par la Chancellerie fédérale le 17.01.2012, p. 3.

Ibid.

Cf. procès-verbaux des séances du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 16 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011), du 27.4.2012, p. 7 (audition d'Ueli Maurer, conseiller fédéral), du 3.4.2012, p. 5 (audition de Corina Casanova, chancelière de la Confédération) et du 28.3.2012, p. 32 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque).

5117

La présidente de la Confédération de 2011 et le porte-parole du Conseil fédéral ont été chargés de suivre l'évolution de la situation et, le cas échéant, de publier le communiqué de presse qui avait été préparé307.

Vers 13 heures, la présidente de la Confédération de 2011 a rencontré le président de la BNS et le président du conseil de banque, en présence du secrétaire général du DFAE. Au nom du Conseil fédéral, elle a renouvelé sa confiance au président de la BNS et l'a assuré de son soutien. Elle a précisé que le Conseil fédéral ne communiquerait pas de manière active, mais qu'il confirmerait, si on lui en faisait la demande, qu'il avait été informé de l'affaire308, dans l'hypothèse où la BNS n'organiserait pas de conférence de presse. Au cas où les trois avocats rendraient publiques leurs accusations, le Conseil fédéral publierait un communiqué de presse dans lequel il apporterait son soutien au président de la BNS309. Les représentants de la BNS ont ajouté que, au besoin, la BNS donnerait une conférence de presse310.

Dans l'après-midi du 23 décembre 2011, la BNS se penchait encore, en interne, sur la forme exacte que devait prendre sa stratégie de communication311.

Après 17 heures, la BNS a publié un communiqué de presse différent du projet présenté dans la matinée312. Sur la base de ce communiqué, la présidente de la Confédération de 2011, d'entente avec le porte-parole du Conseil fédéral, a décidé de ne pas publier le projet de communiqué du Conseil fédéral qui avait été préparé313.

Les 30 et 31 décembre 2011, sur la base du projet de communiqué non publié, le porte-parole du Conseil fédéral a répondu à plusieurs questions posées par des journalistes. Le 4 janvier 2012, à la suite d'autres demandes formulées par les médias, le Conseil fédéral a publié une version remaniée du projet de communiqué ainsi que le rapport du directeur et du vice-directeur du CDF314.

La BNS a tenu une conférence de presse le 5 janvier 2012, durant laquelle le président du conseil de banque a déclaré que c'était le conseiller national Christoph Blocher qui avait informé la présidente de la Confédération de 2011 des transactions effectuées par la famille Hildebrand315.

M. Hildebrand a expliqué aux CdG qu'il avait demandé à la présidente de la Confédération, par téléphone, si la BNS avait l'autorisation de dévoiler
le nom de l'informateur du Conseil fédéral lors de la conférence de presse, et que la présidente avait répondu par l'affirmative. Toutefois, il ne se souvenait pas précisément du 307 308 309

310 311 312 313 314 315

Décision du Conseil fédéral du 23.12.2011.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 16 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011).

Cette information émane de la chronologie du secrétaire général du DFAE du 12.­23.12.2011. Dans le cadre de la consultation du projet du présent rapport a déclaré que cette information était fausse.

Cf. chronologie des événements survenus entre le 12 et le 23.12.2011, établie par le secrétaire général du DFAE.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 16 (audition de Philipp Hildebrand, ancien président de la BNS).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 6 (audition de Corina Casanova, chancelière de la Confédération).

Cf. chronologie établie par la Chancellerie fédérale le 17.01.2012, p. 4.

Ibid.

Conférence de presse de la BNS du 5.1.2012, partie consacrées aux questions des journalistes. Le nom de M. Blocher avait déjà été cité dans différents médias le 1.1.2012 (cf. chronologie en annexe).

5118

moment où il avait fait cette demande à la présidente; il a uniquement pu indiquer que c'était entre le 23 décembre 2011 et la conférence de presse du 5 janvier 2012316. La présidente de la Confédération de 2011 a, pour sa part, déclaré qu'elle ne se souvenait pas si elle avait donné cette autorisation avant Noël 2011317.

Le 6 janvier 2012, lors de l'émission «Arena», la présidente de la Confédération de 2012 a exposé la position que le Conseil fédéral avait arrêtée le 23 décembre 2011.

A partir du 7 janvier 2012, l'idée d'élaborer une stratégie de communication au sujet de la démission de son président a commencé à se dessiner au sein de la BNS318. Sur cette base, le porte-parole du Conseil fédéral a préparé un projet de communiqué de presse portant sur la démission probable du président de la BNS en vue de la conférence téléphonique du 8 janvier 2012. Le matin du 9 janvier 2012, lors de la discussion entre la présidente de la Confédération de 2012 et les représentants de la BNS, le président du conseil de banque a déclaré que le communiqué de presse annonçant la démission de M. Hildebrand allait être publié avant midi et que, au préalable, il serait envoyé au porte-parole du Conseil fédéral319. Le jour même, le projet de communiqué de presse du Conseil fédéral a été remanié sur cette base, puis publié320.

5.4.2

Evaluation des CdG

Les CdG se félicitent que le Conseil fédéral ait reconnu, dès le 23 décembre 2011, que la responsabilité en matière de communication avec le public incombait à la BNS. Le Conseil fédéral a ainsi tenu compte de la répartition des tâches prévue par la loi.

En outre, les CdG soulignent que la compétence dévolue à la BNS a compliqué la tâche du Conseil fédéral en ce qui concerne la préparation et la mise en oeuvre de la communication avec le public. Par exemple, au moment où le Conseil fédéral s'est réuni le 23 décembre 2011, la BNS n'avait pas encore arrêté de position définitive concernant la manière dont elle allait informer le public321. De même, le week-end des 7 et 8 janvier 2012, le moment exact où le président de la BNS devait annoncer sa démission n'avait toujours pas été fixé.

D'une manière générale, la BNS et le Conseil fédéral se sont efforcés de coordonner leurs stratégies de communication aussi bien le 23 décembre 2011 que lors de la démission du président de la BNS. Les CdG saluent ces efforts, qu'elles jugent judicieux et conformes au cadre juridique.

S'il est vrai que la présidente de la Confédération de 2011 et le porte-parole du Conseil fédéral ont expressément recommandé322 au président de la BNS et au 316 317 318 319 320 321 322

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 11 s. (audition de Philipp Hildebrand, ancien président de la BNS).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 21 (audition de Micheline Calmy-Rey, présidente de la Confédération de 2011).

Cf. chap. 5.3.2.

Note d'information du secrétaire général du DFF du 10.1.2012, p. 2.

Cf. chronologie établie par la Chancellerie fédérale le 17.1.2012, p. 5.

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 12 (audition de Corina Casanova, chancelière de la Confédération).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 15 (audition de l'ancien secrétaire général du DFAE).

5119

président du conseil de banque d'opter pour une stratégie d'information proactive et exhaustive, les CdG estiment qu'ils l'ont fait dans le respect du cadre légal.

Les CdG considèrent néanmoins que la communication aurait pu être encore meilleure, si le Conseil fédéral avait également soumis ses projets de communiqué de presse au président du conseil de banque.

6

Conclusions

Les investigations menées par les CdG ont clairement montré que l'examen des reproches formulés à l'endroit du président de la BNS aurait dès le début dû être mené par l'organe chargé de surveiller la gestion des affaires de la BNS, c'est-à-dire le conseil de banque, et non la présidente de la Confédération de 2011 ou le Conseil fédéral.

Même s'il était parfaitement justifié que la présidente de la Confédération de 2011 et la délégation ad hoc invoquent la dimension politique de cette affaire, les mesures qu'elles ont prises ne reposaient pas sur une base légale suffisante. En outre, la dimension politique aurait très bien pu être prise en considération dans le cadre d'investigations menées sous la houlette du conseil de banque: en effet, la présidente de la Confédération de 2011 et le conseil de banque auraient pu conclure, en temps voulu, un accord prévoyant un échange d'informations adéquat.

Eu égard à l'indépendance de la BNS, qui est inscrite dans la Constitution, ces considérations revêtent une importance particulière. L'avis de droit du professeur Paul Richli offre une excellente clarification de la situation juridique; en outre, il permet de poser les jalons des mesures que devront éventuellement prendre le Conseil fédéral et le conseil de banque concernant la BNS, et auxquelles le Conseil fédéral devra se tenir.

En outre, les conclusions de M. Richli montrent clairement que la répartition des tâches qui est actuellement prévue par la loi est adéquate et tient dûment compte de l'indépendance de la BNS323. L'avis de droit soulève toutefois la question de la coordination des différents organes chargés de surveiller la BNS324. Aux yeux des CdG, cette question doit encore être examinée plus en détail. Pour le reste, selon les CdG, le seul point qui mérite d'être vérifié concerne la possibilité de recommander au président de la BNS de démissionner (recommandation 7).

Les CdG n'ont pas été convaincues par l'argument avancé par les conseillers fédéraux et les représentants de l'administration impliqués dans un premier temps, qui ont estimé qu'élargir le cercle des personnes informées aurait entraîné un risque d'indiscrétions trop élevé. Sur la base de leurs investigations, les CdG arrivent à la conclusion que c'est notamment pour cette raison que le collège gouvernemental n'a pas été impliqué plus tôt. Or, comme la haute surveillance parlementaire l'a déjà

323

La présidente de la Confédération de 2012 a émis la même opinion (cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 19 s.; audition d'Eveline WidmerSchlumpf, présidente de la Confédération de 2012). La chef du DFJP a elle aussi estimé qu'il n'y avait pas lieu de modifier les compétences relatives à la BNS (cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 4.5.2012, p. 40 s.; audition de Simonetta Sommaruga, conseillère fédérale).

324 Cf. note 94.

5120

souligné à plusieurs reprises par le passé325, une telle situation est inacceptable. Le gouvernement suisse doit être en mesure de gérer dûment les objets sensibles en temps voulu et dans le respect de la confidentialité. Par ailleurs, les CdG considèrent qu'il est important que les membres du Conseil fédéral et la chancelière de la Confédération disposent d'un système de communication simple, rapide et sûr, qui leur permette ­ lorsque la situation l'exige ­ de travailler en toute confidentialité, notamment sans devoir impliquer des tiers.

Recommandation 8 Les CdG demandent au Conseil fédéral de se doter d'un meilleur système de communication, c'est-à-dire simple, rapide et sûr, qui devra être utilisé par les membres du Conseil fédéral, le chancelier de la Confédération et les vicechanceliers dans des situations particulières. Il veillera notamment à garantir la confidentialité de ses conférences téléphoniques également d'un point de vue technique.

L'implication tardive du collège gouvernemental a eu pour conséquence de mettre ce dernier devant le fait accompli et de ne lui donner aucune possibilité de gérer le dossier. Le Conseil fédéral n'a ainsi pas pu assumer sa fonction de direction, alors que les CdG ont déjà souligné à plusieurs reprises326 l'importance de cette responsabilité.

Les événements qui se sont produits à la suite des transactions bancaires problématiques du président de la BNS et de son épouse auraient pu entraîner une crise majeure, qui aurait dû être gérée par le Conseil fédéral en tant que collège. Même si, au final, ces événements n'ont pas pris une telle ampleur, les CdG estiment que les autorités fédérales n'ont pas satisfait aux exigences d'une gestion de crise efficace327. Comme l'a constaté l'un des membres du Conseil fédéral auditionnés par les CdG, le Conseil fédéral doit améliorer sa façon de gérer les crises328, un constat auquel les CdG ont d'ailleurs déjà abouti à plusieurs reprises par le passé329. La présente affaire montre une fois de plus qu'il reste beaucoup à faire dans ce domaine.

325

326

327

328 329

Cf. rapport des CdG relatif à la crise financière (FF 2011 3210) et rapport de la CdG-E du 3.12.2010 intitulé «Gestion par les autorités fédérales de la crise diplomatique entre la Suisse et la Libye» (notamment la recommandation 12; FF 2011 3989 s.).

Cf. rapport des CdG relatif à la crise financière (notamment la recommandation 17; FF 2011 3215 s.) et rapport de la CdG-E du 3.12.2010 intitulé «Gestion par les autorités fédérales de la crise diplomatique entre la Suisse et la Libye» (recommandation 6; FF 2011 3978).

Les CdG ont critiqué la gestion de crise par le Conseil fédéral dans le cadre de plusieurs enquêtes et ont émis des recommandations à ce sujet: cf. rapport de la CdG-E du 3.12.2010 intitulé «Gestion par les autorités fédérales de la crise diplomatique entre la Suisse et la Libye» (recommandations 2 et 8; FF 2011 3940 et 3980) et rapport des CdG relatif à la crise financière (recommandations 1 et 9; FF 2011 3033 et 3041).

Cf. procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 27.4.2012, p. 13 (audition d'Ueli Maurer, conseiller fédéral).

Cf. rapport des CdG relatif à la crise financière (notamment la recommandation 1; FF 2011 2971 s.) et rapport de la CdG-E du 3.12.2010 intitulé «Gestion par les autorités fédérales de la crise diplomatique entre la Suisse et la Libye» (notamment la recommandation 2; FF 2011 3901).

5121

Comme le présent rapport l'a déjà indiqué, les CdG constatent régulièrement les mêmes problèmes lors de leurs enquêtes. Elles critiquent particulièrement le fait que le Conseil fédéral n'a toujours pas remédié à certaines lacunes constatées lors d'enquêtes antérieures, alors qu'il s'y était engagé. A cet égard, elles soulignent que, dans le cadre des contrôles de suivi relatifs à ces enquêtes, elles examineront dans les détails les mesures prises par le Conseil fédéral pour répondre à leurs préoccupations. Elles s'attendent toutefois à ce que la délégation instaurée le 11 janvier 2012 et le collège gouvernemental examinent également ces aspects dans le cadre de leur suivi des circonstances entourant la démission du président de la BNS, qu'ils prennent les mesures nécessaires et que ces dernières soient mises en oeuvre.

Dans cette affaire, le gouvernement d'entreprise en vigueur au sein de la BNS revêt une importance particulière. Même si, en l'espèce, le président de la BNS n'est contrevenu ni à l'ordre juridique ni au règlement de la banque, les événements ont montré que les règles en vigueur sont insuffisantes et qu'il y a lieu de les adapter afin de garantir la stabilité et l'indépendance de la BNS.

En vertu de l'art. 42 LBN, le conseil de banque est notamment chargé de définir l'organisation interne de la Banque nationale. Les CdG considèrent que l'une des tâches qui en découlent consiste à déterminer le principe du gouvernement d'entreprise. L'organisation de la BNS et les compétences du conseil de banque en la matière ont été définies dans le règlement d'organisation de la BNS330. C'est le conseil de banque qui adopte le règlement d'organisation331, qu'il doit toutefois soumettre à l'approbation du Conseil fédéral332.

Se fondant sur les compétences précitées, le conseil de banque a adopté, le 9 mars 2012, le règlement relatif aux placements financiers et aux opérations financières à titre privé des membres de la Direction de la Banque333. Ce nouveau règlement montre que le conseil de banque a tiré les enseignements qui s'imposaient: il astreint les membres de la direction générale et leurs suppléants, ainsi que d'autres cadres désignés par le conseil de banque, à des restrictions drastiques dans la gestion de leur patrimoine financier. Les opérations sur devises ne seront dorénavant
autorisées que si la gestion du patrimoine financier est confiée à un gérant de fortune indépendant, à l'exception des opérations sur devises relatives à l'achat, la vente ou la détention de patrimoine non financier (par ex. des immeubles). Toute opération sur devises portant sur un montant d'au moins 20 000 francs doit être déclarée à la cellule Compliance de la BNS, et autorisée par celle-ci, conformément à la mesure immédiate prise début janvier 2012. Selon le nouveau règlement, les membres de la direction sont tenus de veiller à ce que leurs proches (partenaires et personnes vivant sous le même toit) observent également les restrictions relatives aux placements financiers et l'obligation de renseigner334.

Les CdG jugent important que, dans les grandes lignes, les opérations passées en nom propre par les membres de la direction générale et leurs proches ainsi que le rôle dévolu dans ce domaine à la cellule Compliance de la BNS soient pris en consi-

330 331 332 333

Règlement d'organisation de la Banque nationale suisse du 14 mai 2004 (RS 951.153).

Art. 42, al. 2, let. a, LBN.

Ibid.

Ce règlement remplace celui du 16.4.2010 régissant les opérations sur instruments financiers passées en nom propre par les membres de la direction générale élargie.

334 Cf. communiqué de presse de la BNS du 12.3.2012 (www.snb.ch/fr/ifor/media/id/media_releases).

5122

dération dans le règlement d'organisation de la BNS335; elles estiment toutefois qu'il ne serait pas judicieux de fixer de telles dispositions au niveau de la LBN.

Dans son avis de droit, le professeur Paul Richli soulève un autre aspect problématique, à savoir le fait que la délégation de compétences de surveillance par le conseil de banque à la direction générale élargie et au comité d'audit est sujette à interprétation336. De l'avis des CdG, il y a lieu de vérifier le règlement d'organisation de la BNS de sorte que la BNS se dote de structures de surveillance internes claires et que des compétences adéquates soient attribuées au conseil de banque.

Dans cette optique, elles attendent du Conseil fédéral qu'il tienne particulièrement compte des aspects lié au gouvernement d'entreprise de la BNS lorsqu'il approuvera la prochaine révision du règlement d'organisation.

Recommandation 9 Les CdG demandent au Conseil fédéral de faire en sorte que le règlement d'organisation de la BNS impose au conseil de banque de réglementer les opérations passées en nom propre et attribue un rôle adéquat à la cellule Compliance de la BNS.

Recommandation 10 Les CdG demandent au Conseil fédéral de faire en sorte que le règlement d'organisation de la BNS dote celle-ci d'une structure de surveillance interne claire et adéquate.

335 336

La dernière révision du règlement d'organisation date de juillet 2011.

Cf. avis de droit du prof. Paul Richli, ch. marg. 157 s., p. 45 s.

5123

Les CdG ont décidé aujourd'hui de publier leurs conclusions et recommandations.

Elles demandent au Conseil fédéral de bien vouloir répondre aux observations et recommandations formulées dans le présent rapport avant le 29 mai 2013 et le prient de leur indiquer comment et dans quels délais il entend mettre en oeuvre leurs recommandations.

15 mars 2013

Au nom des Commissions de gestion des Chambres fédérales: Le président de la CdG-E et du groupe de travail BNS, Paul Niederberger, conseiller aux Etats Le président de la CdG-N, Ruedi Lustenberger, conseiller national La secrétaire des commissions, Beatrice Meli Andres Le secrétaire suppléant des commissions, Christoph Albrecht

5124

Annexe 1

Chronologie des événements Dates

Événements

05.12.2011

Rencontre entre le conseiller national Christoph Blocher et la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey le premier jour de la session d'hiver: M. Blocher informe la présidente de la Confédération qu'il existait des soupçons selon lesquels le président de la BNS, M. Philipp Hildebrand, aurait effectué des transactions de devises à titre privé. M. Blocher a obtenu ces informations de trois avocats; toutefois, en raison d'une promesse faite à ces derniers, il ne donne pas leurs noms. Il déclare à la présidente de la Confédération qu'il a pu consulter les documents bancaires concernés, qu'il présume être authentiques, mais n'est pas en mesure d'étayer ses informations lors de cette rencontre. La présidente de la Confédération et M. Blocher décident de traiter cette rencontre de manière confidentielle337.

09.12.2011

Séance du Conseil fédéral: Le Conseil fédéral n'est pas informé de la première rencontre entre la présidente de la Confédération et le conseiller national Christoph Blocher, ni des reproches formulés à l'endroit du président de la BNS.

13.12.2011

Deuxième rencontre entre le conseiller national Christoph Blocher et la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey, à laquelle participent également le directeur de l'OFJ (M. Michael Leupold), le directeur du SRC (M. Markus Seiler) et le secrétaire général du DFAE (M. Roberto Balzaretti). M. Blocher répète ses déclarations du 5 décembre 2011; il explique avoir informé la présidente de la Confédération car le Conseil fédéral est selon lui l'organe de surveillance compétent en la matière.

La présidente de la Confédération l'informe qu'elle ne peut entrer en matière sur les présomptions concernant les transactions du président de la BNS tant qu'il n'apporte pas la preuve de ses affirmations338. M. Blocher déclare qu'il prendra contact avec les avocats susmentionnés afin de se procurer une copie des extraits de compte bancaire qu'il présumait être authentiques et dont l'authenticité pourra être vérifiée lors d'une rencontre ultérieure. Bien qu'il déclare alors qu'il ne sait pas si ces extraits sont authentiques, il estime que c'est très probablement le cas339.

337 338 339

Procès-verbal du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 9 (audition de la présidente de la Confédération de 2011) et lettre du conseiller national Christoph Blocher adressée au groupe de travail BNS en date du 15.1.2013 Affaire H: Speaking Points MCR, p. 1 Lettre du conseiller national Christoph Blocher adressée au groupe de travail BNS en date du 15.1.2013

5125

Dates

Événements

Après le départ de M. Blocher, le directeur de l'OFJ est chargé d'analyser la situation du point du vue légal (sous l'angle d'une éventuelle violation du devoir de fonction et d'une éventuelle infraction, notamment un délit d'initié), dans l'hypothèse où les informations fournies par M. Blocher seraient correctes. Il s'agit également d'imaginer quelles pourraient être les possibilités d'action du Conseil fédéral. Sur cette base, une délégation ad hoc du Conseil fédéral (comprenant la présidente de la Confédération et les chefs du DFJP et du DFF) sera chargée de préparer l'information à l'intention de l'ensemble du Conseil fédéral. La première séance de cette délégation est fixée au 15 décembre 2011.

13.12.2011

Le conseiller national Christoph Blocher confirme à la présidente de la Confédération qu'il est en mesure de fournir une copie des extraits de compte, qu'il présume être authentiques; une autre rencontre est alors fixée au 15 décembre 2011.

14.12.2011

Dans une note, le directeur de l'OFJ parvient à la conclusion que: ­ les transactions de devises qu'un membre de la direction de la BNS effectue à titre privé avant ou pendant la prise de mesures monétaires par la BNS ne constituent pas une infraction;029932 ­ le droit ne prévoit aucune règle de comportement qui limite ou interdise de telles transactions340.

A ce moment-là, le directeur de l'OFJ ne dispose pas encore du règlement interne de la BNS régissant les opérations passées en nom propre par les membres de la direction élargie.

15.12.2011 (8 heures)

Troisième rencontre entre le conseiller national Christoph Blocher et la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey: Outre les personnes présentes à la rencontre du 13 décembre 2011, un spécialiste de la PJF est présent afin de vérifier le document de trois pages fourni par M. Blocher. La copie, de mauvaise qualité, ressemble à un extrait de compte bancaire; toutefois, le nom de la banque en question n'est pas visible341. Le spécialiste de la PJF ne peut pas confirmer qu'il s'agit bien d'un extrait d'un compte de M. Hildebrand. Le secrétaire général du DFAE recopie des informations relatives à certaines transactions de devises et de titres.

15.12.2011 (13 heures)

La présidente de la Confédération institue une délégation ad hoc du Conseil fédéral. La délégation, composée de la présidente de la Confédération, de la chef du DFF et de la chef du DFJP, examine l'avis de droit du directeur de l'OFJ. Les chefs du DFJP et du DFF sont informées de la rencontre qui a eu lieu dans la matinée avec M. Blocher. La présidente de la Confédération déclare que, selon son informateur, l'information pourrait parvenir aux médias.

340 341

Note du directeur de l'OFJ du 14.12.2011 Affaire H: Speaking Points MCR, p. 1

5126

Dates

Événements

La délégation décide d'auditionner le président de la BNS dans l'après-midi et de lui demander d'autoriser un tiers (un membre du CDF, par exemple) à accéder intégralement à ses comptes bancaires. Le directeur de l'OFJ est chargé d'analyser, sous l'angle de la légalité et s'il existe, le règlement interne de la BNS régissant les opérations passées en nom propre par les membres de la direction. L'objectif principal de la délégation ad hoc est de protéger l'image de la Suisse342.

15.12.2011 (18 heures)

342 343 344 345 346 347

En présence du directeur de l'OFJ et du secrétaire général du DFAE, la présidente de la Confédération et la chef du DFF confrontent le président de la BNS aux informations qu'elles ont reçues concernant ses transactions financières présumées. Le président de la BNS estime que les accusations sont infondées343. Toutefois, il admet se souvenir que son épouse, au cours de l'année 2011, a effectué une transaction de devises américaines; il avait alors porté cette transaction à la connaissance du responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS, en sa qualité de conseiller juridique, qui a confirmé qu'aucune règle de la BNS n'avait été enfreinte.

De son propre chef, le président de la BNS propose d'autoriser l'accès à tous ses comptes bancaires privés ainsi qu'à ceux de sa famille, afin de permettre l'identification d'éventuelles transactions problématiques; toutefois, il s'agira de respecter l'indépendance de la BNS344. Sur la proposition de la chef du DFF et d'entente avec le président de la BNS, le directeur du CDF (M. Kurt Grüter) sera chargé de mener les investigations. Le président de la BNS chargera le responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS (M. Hans Kuhn) de préparer une procuration à l'intention du directeur du CDF et fera parvenir au secrétaire général du DFAE le règlement interne de la BNS régissant les opérations passées en nom propre345.

Au moment de faire le résumé des décisions prises lors de cette rencontre, la présidente de la Confédération déclare que le directeur du CDF devra transmettre les résultats de ses éclaircissements à elle-même ainsi qu'à la chef du DFF; la chef du DFJP et le reste du Conseil fédéral seront informés si besoin est346.

La présidente de la Confédération précise que son informateur aurait déclaré que ses propres informateurs rendraient publics les reproches adressés au président de la BNS si le Conseil fédéral ne prenait pas les mesures qui s'imposaient347.

Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE des événements survenus entre le 12 et le 23.12.2011, p. 3 s Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 3 (audition de Philipp Hildebrand, ancien président de la BNS) Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE (16.12.2011) Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE, p. 4 et procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 8 (audition de la présidente de la Confédération de 2011)

5127

Dates

Événements

16.12.2011 (6 h 30)

Le président de la BNS rencontre le responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS et l'informe de sa rencontre de la veille avec la présidente de la Confédération et la chef du DFF348.

16.12.2011 (7 h 50)

Le secrétaire général du DFAE rencontre le responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS, qui n'approuve pas la procédure choisie et souligne instamment l'indépendance de la BNS et le caractère exceptionnel des investigations menées par le chef du CDF. Le secrétaire général du DFAE ne conteste pas l'indépendance de la BNS; il précise que les investigations visent à donner à la présidente de la Confédération une vue d'ensemble objective des transactions bancaires effectuées à titre privé par le président de la BNS349.

16.12.2011 (8 heures)

Séance du Conseil fédéral: Le Conseil fédéral auditionne le président de la BNS à l'occasion de l'entretien annuel relatif à la conjoncture, à la politique monétaire et au contexte international350. Ni la présidente de la Confédération ni les autres membres de la délégation ad hoc n'informent le Conseil fédéral des reproches formulés à l'endroit du président de la BNS et des mesures qui ont été prises.

16.12.2011 (10 heures)

Rencontre entre le secrétaire général du DFAE, le directeur du CDF, le vice-directeur du CDF (M. Michel Huissoud) et le responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS: Le directeur du CDF justifie la présence du vice-directeur du CDF en invoquant le principe du double contrôle usuellement appliqué par le CDF. Le responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS commence par affirmer que le CDF n'a pas compétence pour examiner les activités de la BNS ou, plus précisément, celles des membres de la direction générale et des employés de la BNS; toutefois, il précise que, eu égard à la situation, il approuve le mandat confié au directeur du CDF.

Le secrétaire général du DFAE estime que l'accord du responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS n'est pas nécessaire, car le président de la BNS a déjà donné son feu vert.

Le secrétaire général du DFAE résume la situation. Selon lui, il s'agit de clarifier rapidement les faits afin de permettre au président de la BNS, mais également à la présidente de la Confédération et à ses collègues, de pouvoir réagir immédiatement au cas où les accusations seraient rendues publiques.

Les représentants du CDF acceptent que le CDF assume ce mandat particulier. S'ils reconnaissent que le CDF n'a aucune compétence en matière de surveillance sur la BNS (cette compétence étant dévolue au conseil de banque), ils précisent que la haute surveillance incombe au Conseil fédéral351. Ils expliquent que le mandat sera traité exclusivement par le directeur et le vice-directeur du CDF et que ce dernier collectera le jour même auprès des banques concernées, en présence du responsable

348 349 350 351

Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 7 (audition de Philipp Hildebrand, ancien président de la BNS) Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 7 (audition de Philipp Hildebrand, ancien président de la BNS) Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE, p. 6, bas de la page

5128

Dates

Événements

de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS, les informations relatives aux transactions bancaires effectuées à titre privé par le président de la BNS en 2011. Le directeur du CDF ajoute qu'il rédigera le mandat d'enquête, que ce dernier sera soumis au secrétaire général du DFAE et au responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS avant d'être transmis à la présidente de la Confédération pour signature.

Le responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS doute qu'un membre du Conseil fédéral puisse confier au CDF un mandat d'enquête concernant le président de la BNS. Il souhaite que la BNS soit elle aussi mandante. Le secrétaire général du DFAE lui répond que cela n'est pas dans l'intérêt du président de la BNS (et donc de la BNS)352.

16.12.2011 (vers 13 h 30)

A l'issue d'une séance du conseil de banque, le président de la BNS rend compte, dans les détails, des événements des 24 dernières heures (sans omettre le mandat confié au directeur du CDF353), dans un premier temps au président et au viceprésident du conseil de banque, puis aux membres de la direction générale de la BNS. Le responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS participe à ces rencontres354.

16.12.2011 (13 h 41)

Après que son secrétaire général l'a informée de la rencontre qui a eu lieu dans la matinée, la présidente de la Confédération signe le mandat confié au directeur et au vice-directeur du CDF355.

16.12.2011 (de 13 h 46 à 15 h 54)

Le responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS émet à l'intention du secrétaire général du DFAE certaines réserves quant à la procédure: il regrette que la BNS ­ contrairement à ce qui, selon lui, avait été convenu ­ n'ait pas été désignée mandante conjointement avec la présidente de la Confédération; il déplore également que le mandat n'ait pas été confié uniquement au directeur du CDF et ne l'ait même pas été à titre personnel. Il interdit l'utilisation des documents qui ont déjà été obtenus. A l'issue d'un échange de courriers électroniques avec le secrétaire général du DFAE, il déclare finalement que la BNS approuve le mandat; toutefois, il souligne encore une fois l'étonnement de la BNS par rapport à la procédure choisie356.

352 353 354 355 356

Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE, p. 6 s.

Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 26 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque) Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 8 s. (audition de Philipp Hildebrand, ancien président de la BNS) Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE (12 h 20) Echange de courriels entre M. Balzaretti et M. Kuhn (annexe 9.4)

5129

Dates

Événements

16.12.2011

Après s'être entretenu avec le responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS, le président de la BNS prend contact avec la présidente de la Confédération et la chef du DFF. Ces dernières l'assurent que la participation du vicedirecteur du CDF ne remet pas en question le principe selon lequel le mandat est confié à titre personnel. Le président de la BNS informe ensuite le responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS qu'il approuve la participation du vice-directeur du CDF357.

16.12.2011

Le président du conseil de banque, M. Hansueli Raggenbass, confie à la société PwC le mandat d'examiner les transactions bancaires effectuées par le président de la BNS entre le 1er janvier 2011 et le 15 décembre 2011358.

17.12.2011 (10 h 16)

Par téléphone, le secrétaire général du DFAE informe la présidente de la Confédération de l'avancement des investigations359.

18.12.2011 (19 h 41)

Le vice-directeur du CDF informe le secrétaire général du DFAE que le conseil de banque a chargé PwC d'examiner les transactions bancaires du président de la BNS; il estime qu'un contact entre le CDF et PwC est nécessaire. En outre, selon lui, il est indispensable que le CDF s'entretienne rapidement avec le président de la BNS en personne. Une demande en ce sens a été déposée auprès du responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS360.

19.12.2011 (10 h 07)

Le président de la BNS déclare à la présidente de la Confédération qu'il n'est guère enthousiasmé par le fait que ses transactions bancaires soient examinées par le CDF, et non ­ comme il le pensait ­ par le directeur du CDF à titre personnel361. Il appelle également la chef du DFF pour lui déclarer que cette procédure n'est pas celle qui avait été convenue et que, en plus, elle pose un sérieux problème institutionnel, considérant que le CDF n'a aucune compétence vis-à-vis de la BNS.

Dans l'après-midi, la chef du DFF prend contact avec le secrétaire général du DFAE, qui fait valoir le principe du double contrôle et lui rappelle qu'il ne s'agit pas de surveiller la BNS, mais d'examiner les transactions bancaires du président de la BNS. Le secrétaire général du DFAE informe la chef du DFF que le président du conseil de banque est au courant et a luimême chargé PwC de vérifier les transactions bancaires362.

19.12.2011 (17 heures)

Eu égard au mandat que le conseil de banque a confié à PwC, le directeur du CDF demande au secrétaire général du DFAE si la présidente de la Confédération souhaite maintenir le mandat qu'elle a confié au CDF. Si oui, le mandat devrait être confié au directeur et au vice-directeur du CDF à titre personnel.

357 358 359 360 361 362

Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 7 Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 25 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque) et rapport de PwC Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE (19.12.2011 / 16 h 30)

5130

Dates

Événements

19.12.2011 (17 h 50)

La présidente de la Confédération souhaite que l'enquête soit indépendante (elle parle d'«avis objectif»363). Elle transforme le mandat qu'elle a confié au directeur et au vice-directeur du CDF en un mandat confié à titre personnel.

20.12.2011 (17 heures)

Rencontre entre le vice-directeur du CDF et les responsables de PwC: Ils comparent les informations relatives aux comptes bancaires du président de la BNS et les documents bancaires obtenus, puis en discutent. Ils évoquent également la disposition du règlement de la BNS qui concerne la gestion passive des comptes.

Les représentants de PwC et le vice-directeur du CDF estiment que le règlement a été respecté364.

21.12.2011 (8 h 30)

Le directeur et le vice-directeur du CDF présentent leur rapport final à la présidente de la Confédération. Ils y concluent que les transactions sont conformes aux règles de la BNS et qu'il n'y a eu aucune utilisation abusive d'informations confidentielles.

21.12.2012 (13 heures)

Séance de la délégation ad hoc du Conseil fédéral (en présence du secrétaire général du DFAE et du directeur de l'OFJ): Selon le secrétaire général du DFAE, le responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS estime que la BNS devrait elle aussi être mandante du directeur et du vice-directeur du CDF. Soutenue par les chefs du DFF et du DFJP, la présidente de la Confédération répète qu'elle est l'unique mandante365.

La délégation ad hoc prend acte du rapport du directeur et du vice-directeur du CDF. Elle conclut que, juridiquement, on ne peut manifestement rien reprocher au président de la BNS, même si tous les doutes n'ont pu être dissipés concernant la durée de détention minimale de six mois applicable aux transactions. Les membres de la délégation se demandent si le règlement de la BNS régissant les opérations passées en nom propre est suffisamment strict.

La délégation conclut que l'affaire est de nature politique. Selon elle, les trois avocats publieront tôt ou tard les informations qu'ils possèdent concernant les transactions privées du président de la BNS; pour remédier à ce problème, elle estime que le président de la BNS et le président du conseil de banque doivent adopter une stratégie de communication proactive. Elle précise que, dans cette affaire, la communication n'incombe pas au Conseil fédéral.

La délégation décide d'informer oralement le Conseil fédéral à la séance du 23 décembre 2011. A cette occasion, elle proposera au Conseil fédéral de prendre acte des mesures qui ont déjà été prises et de fixer une stratégie de communication «passive». Le secrétaire général du DFAE élaborera un projet en ce sens, qu'il soumettra à l'avis du président de la BNS avant de le présenter au Conseil fédéral366.

363 364 365 366

Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE (19.12. 2011 / 17 h 50) Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 9.3.2012, p. 6 s.

Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE (21.12. 2011 / 13 heures) Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE, p. 10

5131

Dates

Événements

21.12.2011

La BNS reçoit le rapport de PwC. La société d'audit ne constate aucune violation, par le président de la BNS, du règlement interne de la BNS régissant les opérations passées en nom propre.

21.12.2011 (après-midi)

La présidente de la Confédération prie la chancelière de la Confédération d'inviter le Conseil fédéral à se réunir le 23 décembre 2011, sans donner d'indication quant à l'objet de la séance367.

21.12.2011 (17 h 10)

Rencontre entre la présidente de la Confédération, la chef du DFJP, le directeur de l'OFJ, le secrétaire général du DFAE, le président de la BNS et le vice-président de la BNS (M. Thomas Jordan): Information concernant les conclusions du rapport du directeur et du vice-directeur du CDF, que toutes les personnes présentes ont reçu. Les participants discutent d'une éventuelle communication proactive du président de la BNS: ce dernier ne peut juger si cette mesure est adéquate étant donné qu'il ne dispose d'aucune information sur la source des accusations. La présidente de la Confédération préconise une communication active avant qu'une indiscrétion n'ait lieu368. Elle annonce également que le Conseil fédéral sera informé le 23 décembre 2011 par oral, c'est-à-dire sans qu'aucun document lui soit remis.

La chef du DFJP souligne que, même si tout problème juridique a été écarté après l'examen des transactions bancaires, un problème politique et éthique subsiste. Si les accusations formulées contre le président de la BNS sont rendues publiques, il ne sera pas possible de ne parler que du caractère privé des transactions et d'argumenter uniquement sur le plan juridique. Pour cette raison, la chef du DFJP préconise une communication proactive de la part du président de la BNS.

Le président de la BNS explique que la direction générale de la BNS a élaboré une stratégie de communication «passive» et rappelle que la compétence revient dans cette affaire à la BNS, y compris en ce qui concerne la communication.

La présidente de la Confédération déclare qu'elle-même et les chefs du DFJP et du DFF examineront si le président de la BNS doit être informé de l'identité de l'informateur. Le président de la BNS décide de discuter avec les membres de la direction générale de la BNS de la stratégie de communication à adopter.

Le président de la BNS doit être informé de la stratégie de communication «passive» du Conseil fédéral après la séance du 23 décembre 2011369.

22.12.2011 (11 h 05)

Par téléphone, la présidente de la Confédération informe le président de la BNS que c'est le conseiller national Christoph Blocher qui lui a remis les informations relatives à ses transactions bancaires. Elle l'informe également des diverses rencontres qui ont eu lieu avec M. Blocher et du fait qu'un expert de la PJF, notamment, a brièvement consulté la copie du

367 368 369

Chronologie établie par la Chancellerie fédérale Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE, p. 10, bas de la page Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE

5132

Dates

Événements

document apporté par M. Blocher le 15 décembre 2011 et n'a pu en vérifier l'authenticité de manière concluante370. La présidente de la Confédération souligne que M. Blocher a indiqué de façon suffisamment claire que les informations seraient transmises à l'hebdomadaire Weltwoche si rien n'était entrepris371.

Le président de la BNS informe la présidente de la Confédération que le conseil de banque se réunira le jour même à 20 heures. Lors de cette séance, le conseil de banque sera informé des événements et décidera de la procédure à suivre par la BNS. Le président de la BNS émet le souhait que lui-même et le président du conseil de banque soient auditionnés par le Conseil fédéral. La présidente de la Confédération lui suggère d'adopter une stratégie de communication proactive; à cet égard, il faudra probablement annoncer un réexamen du règlement de la BNS régissant les opérations passées en nom propre.

Le président de la BNS approuve cette idée, à condition que le Conseil fédéral continue de lui apporter son soutien.

Par la suite, le président de la BNS informe le président du conseil de banque de l'identité de l'informateur372.

22.12.2011 (11 h 30 / 11 h 40)

Par téléphone, la présidente de la Confédération informe tout d'abord la chef du DFF, puis la chef du DFJP, de l'entretien qu'elle a eu avec le président de la BNS. Elle leur indique également qu'elle a invité le président de la BNS et le président du conseil de banque à la séance du Conseil fédéral du 23 décembre 2011.

22.12.2011 (seconde moitié de la journée)

Plusieurs conversations téléphoniques ont lieu entre le secrétaire général du DFAE et le vice-président de la BNS concernant l'information du Conseil fédéral et la stratégie de communication qu'il faut proposer à ce dernier. Le secrétaire général du DFAE informe également son interlocuteur de l'avis de la présidente de la Confédération et de la chef du DFJP selon lequel le président de la BNS doit envisager de communiquer de manière active et, même s'il n'a enfreint aucun règlement, doit assumer une responsabilité morale373.

22.12.2011 (20 heures)

Séance du conseil de banque374.

22.12.2011 (après 20 heures)

Par téléphone, le président du conseil de banque rend compte la présidente de la Confédération de la séance du conseil de banque375.

23.12.2011 (06 h 22)

Le vice-président de la BNS informe le secrétaire général du DFAE que le conseil de banque a décidé, la veille au soir, de prendre position publiquement sur cette affaire le 23 décembre 2011, à 17 heures. Il indique également que, à cette occasion,

370 371 372 373 374 375

Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 11 (audition de Philipp Hildebrand, ancien président de la BNS) Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 31 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque) Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE Entre autres, procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 25 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque) Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 14 (audition de Micheline Calmy-Rey, ancienne présidente de la Confédération)

5133

Dates

Événements

le président de la BNS admettra que certaines transactions bancaires n'ont pas été «idéales»; enfin, il précise que le président de la BNS souhaite, lors de son entretien avec le Conseil fédéral, fixer définitivement la marche à suivre376.

23.12.2011 (de 8 heures à 12 h 30, avec interruptions)

376 377 378 379 380 381 382 383 384

Séance du Conseil fédéral: De 8 heures à 8 h 20377, la présidente de la Confédération informe le Conseil fédéral de ses rencontres avec M. Blocher, des mesures qui ont été prises et de l'institution d'une délégation ad hoc. Le seul document disponible est le rapport du directeur et du vice-directeur du CDF. Après la séance, les conseillers fédéraux ont la possibilité de consulter la note de présentation de la présidente de la Confédération de 2011 auprès de la Chancellerie fédérale378.

De 8 h 20 à 9 h 20379, le Conseil fédéral auditionne simultanément le président du conseil de banque et le président de la direction générale de la BNS. Le président du conseil de banque informe le Conseil fédéral des résultats du rapport de PwC (le rapport est distribué au Conseil fédéral380) et des conclusions qu'en tire le conseil de banque381. Il déclare également que, sur la base de ce rapport, le conseil de banque a décidé à l'unanimité de maintenir sa confiance envers le président de la BNS382.

Le président du conseil de banque informe également le Conseil fédéral qu'un communiqué de presse sera publié à 17 heures.

Le projet de communiqué est distribué.

Le président de la BNS présente l'état de sa fortune et s'explique sur les transactions en question383. La stratégie de communication de la BNS est également discutée. La présidente de la Confédération ainsi que le vice-chancelier de la Confédération et porte-parole du Conseil fédéral, M. André Simonazzi, proposent aux représentants de la BNS d'informer le public de manière active et complète384, c'est-à-dire d'organiser une conférence de presse et de publier un communiqué écrit.

Après une discussion d'une vingtaine de minutes (qui porte notamment sur la tournure que peut prendre l'affaire), le Conseil fédéral décide d'interrompre la séance afin de se pencher sur d'autres objets (l'attribution du DFI et du DFAE)385. La partie de la séance à laquelle les deux représentants de la BNS ont participé n'est pas consignée au procès-verbal.

A 11 h 30, le Conseil fédéral se penche à nouveau sur le sujet: il discute du projet de communiqué de presse préparé par son porte-parole, de la stratégie de communication qu'il doit adopter et des différentes tournures que peut prendre l'affaire. En ce

Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE Chronologie établie par la Chancellerie fédérale Décision du Conseil fédéral du 23.12.2011 Chronologie établie par la Chancellerie fédérale Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 30 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque) Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 24 (audition d'Eveline Widmer-Schlumpf, présidente de la Confédération) Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 30 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque) Chronologie établie par la Chancellerie fédérale Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 5.4.2012, p. 20 (audition de Micheline Calmy-Rey, ancienne présidente de la Confédération) / Procèsverbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 30 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque) 385 Chronologie établie par la Chancellerie fédérale

5134

Dates

Événements

qui concerne le communiqué de presse, le Conseil fédéral souhaite y indiquer qu'il maintient sa confiance envers le président de la BNS386. Il décide de ne pas communiquer de manière proactive pour le moment et de déléguer à la présidente de la Confédération la décision de publier ou non le texte; la présidente devra agir d'entente avec le porte-parole du Conseil fédéral et en fonction de l'évolution de la situation387. La séance est levée à 12 h 30388.

23.12.2011 (12 h 55)

Rencontre entre la présidente de la Confédération, le président de la BNS et le président du conseil de banque, en présence du secrétaire général du DFAE: Au nom du Conseil fédéral, la présidente de la Confédération renouvelle sa confiance au président de la BNS et l'assure de son soutien. Elle explique que le Conseil fédéral ne communiquera pas de manière active ­ dans l'hypothèse où la BNS n'organiserait pas de conférence de presse ­, mais qu'il confirmera, si on lui en fait la demande, qu'il a été informé de l'affaire. Au cas où les trois avocats rendraient publiques leurs accusations, le Conseil fédéral publierait un communiqué de presse dans lequel il apporterait son soutien au président de la BNS.

Le président de la BNS souhaite donner aux auteurs des accusations et à M. Blocher la possibilité de constater que la BNS, en publiant un communiqué de presse, a réagi correctement aux accusations. Et le président de la BNS d'ajouter que si le communiqué de presse de la BNS n'est pas à même de mettre un terme à l'affaire, il faudrait alors qu'il donne une conférence de presse (et qu'il puisse s'appuyer sur le communiqué de presse du Conseil fédéral)389.

23.12.2011 (après 17 heures)

Le conseil de banque publie un communiqué de presse, dans lequel il déclare que les rumeurs lancées contre le président de la direction générale se révèlent infondées. Selon ce communiqué, les transactions bancaires effectuées par le président de la BNS et sa famille en 2011 ont été examinées par PwC ainsi que par le directeur du CDF et son suppléant, qui ont confirmé qu'aucune transaction illicite n'avait été opérée et n'ont constaté aucune utilisation abusive d'informations privilégiées. Le conseil de banque considère que l'enquête est close.

23.12.2011 (après la publication du communiqué de presse de la BNS)

Eu égard au communiqué de presse du conseil de banque, la présidente de la Confédération décide, d'entente avec le porteparole du Conseil fédéral, de ne pas publier l'avis du Conseil fédéral qui avait été préparé390.

24.12.2011

Le quotidien Blick rend compte du communiqué de presse de la BNS. C'est la première fois que l'affaire apparaît dans la presse.

386 387 388 389 390

Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 6 (audition de Corina Casanova, chancelière de la Confédération) Décision du Conseil fédéral du 23.12.2011 Chronologie établie par la Chancellerie fédérale Chronologie établie par l'ancien secrétaire général du DFAE Chronologie établie par la Chancellerie fédérale

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Dates

Événements

01.01.2012

La conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf prend ses fonctions de présidente de la Confédération.

01.01.2012

L'affaire fait la une de la NZZ am Sonntag et de la SonntagsZeitung. Les deux journaux dominicaux révèlent que c'est M. Blocher qui a transmis à la présidente de la Confédération de 2011 les données bancaires volées. Le porte-parole du Conseil fédéral confirme que la présidente de la Confédération de 2011 a reçu en décembre 2011 des informations concernant les transactions bancaires du président de la BNS.

04.01.2012

Communiqué de presse du Conseil fédéral: A la suite des demandes formulées par plusieurs médias, le porte-parole du Conseil fédéral publie, d'entente avec la présidente de la Confédération, une version remaniée du communiqué du 23 décembre 2011391. Le Conseil fédéral y mentionne, de manière générale, les mesures prises par la présidente de la Confédération de 2011, la délégation ad hoc du Conseil fédéral et le Conseil fédéral; par ailleurs, il confirme qu'il a renouvelé sa confiance au président de la BNS. Dans le même temps, il publie le rapport du directeur et du vice-directeur du CDF.

04.01.2012

Communiqué de presse de la BNS: La BNS publie son règlement du 16 avril 2010 régissant les opérations sur instruments financiers passées en nom propre par les membres de la direction générale élargie ainsi que le rapport de PwC du 21 décembre 2011.

05.01.2012

Le conseiller à la clientèle de la banque Sarasin, M. Felix Scheuber, transmet un échange de courriels, datant du mois d'août 2011, entre lui-même, Mme Hildebrand et le président de la BNS, à l'avocat du président de la BNS.

05.01.2012 (avant 16 heures)

L'avocat du président de la BNS informe la BNS de l'échange de courriels. Au cours de leur enquête, les CdG n'ont pas pu déterminer avec précision dans quelle mesure le contenu exact des courriers électroniques était connu du responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS et du président du conseil de banque392.

05.01.2012 (16 heures)

Conférence de presse du président de la BNS et du président du conseil de banque: Le président de la BNS présente les événements et les mesures qui ont été prises. Il évoque également les transactions bancaires spécialement mentionnées dans le rapport de PwC et dans celui du directeur et du vice-directeur du CDF.

Le président de la BNS déclare: «L'ordre relatif à la première opération a été donné à mon insu le 15 août 2011, à 13 h 20, dans un courriel adressé à notre conseiller auprès de la Banque Sarasin & Cie SA par mon épouse, qui avait toujours procuration sur mes comptes» [trad. de la BNS]. Il concède toutefois qu'il a commis une erreur.

391 392

Chronologie établie par la Chancellerie fédérale Les personnes interrogées par le groupe de travail BNS ont fourni des informations divergentes à ce sujet.

5136

Dates

Événements

05.01.2012 (18 h 30)

Rencontre entre le président du conseil de banque, un membre de la direction générale (M. Jean-Pierre Danthine), le responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS, le président de la BNS et son avocat: Le président de la BNS déclare ne pas se souvenir du courrier électronique compromettant. A l'issue de la rencontre, le président du conseil de banque demande des vérifications: il s'agit de vérifier si la BNS a réellement reçu ce courrier électronique et que celui-ci n'ait pas été falsifié393.

06.01.2012 (matin)

Le 6 janvier 2012, à la demande du président de la BNS concernant l'existence éventuelle d'autres documents pertinents, le conseiller à la clientèle a transmis à l'avocat du président de la BNS un document supplémentaire jusqu'ici inconnu («visiting report» [rapport rédigé par le conseiller à la clientèle concernant les contacts qu'il a eus le 15 août 2011 avec le président de la BNS et son épouse]). A la demande du président de la BNS, l'avocat de ce dernier a ensuite transmis ce rapport au président du conseil de banque394.

06.01.2012

Le président du conseil de banque décide de réunir le conseil de banque le 7 janvier 2012395.

06.01.2012 (12 heures)

Le courrier électronique est retrouvé sur le serveur de la BNS. Son authenticité est donc confirmée396.

06.01.2012 (14 h 15)

Séance du comité d'audit de la BNS en présence du président du conseil de banque: Après une longue discussion et après avoir auditionné le président de la BNS et les autres membres de la direction générale, le comité d'audit de la BNS conclut à l'unanimité que les nouveaux documents remettent en question la crédibilité du président de la BNS et que, par conséquent, il faut recommander à ce dernier de présenter sa démission397.

06.01.2012 (16 h 45)

Dans un hôtel situé aux abords de l'aéroport de Zurich, le président du conseil de banque, le président de la BNS et son avocat informent la présidente de la Confédération de l'existence d'un courrier électronique et d'un «visiting report» du conseiller bancaire (Sarasin) de la famille du président de la BNS398. Peu avant l'arrivée du train à l'aéroport, la présidente de la Confédération avait reçu les documents en question, auxquels était joint un commentaire de l'avocat du président de la BNS. Sur le chemin de l'hôtel, le président du conseil de banque informe la présidente de la Confédération que lui-même et le comité

393 394 395 396 397 398

Lettre du président du conseil de banque adressée à la présidente de la Confédération de 2012 en date du 12.1.2012 Lettre de l'ancien président de la BNS adressée au groupe de travail BNS en date du 18.1.2013 Lettre du président du conseil de banque adressée à la présidente de la Confédération de 2012 en date du 12.1.2012 Lettre du président du conseil de banque adressée à la présidente de la Confédération de 2012 en date du 12.1.2012 Lettre du président du conseil de banque adressée à la présidente de la Confédération de 2012 en date du 12.1.2012 Note d'information du SG DFF du 16.1.2012

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Dates

Événements

d'audit de la BNS estiment qu'il faut suggérer au président de la BNS de démissionner; il lui indique également que le conseil de banque tiendra une séance à ce sujet le 7 janvier 2012399.

La présidente de la Confédération consulte les documents, dont le président de la BNS et son avocat estiment qu'ils ne changent rien à la situation. Le président du conseil de banque indique, en présence du président de la BNS et de son avocat, que lui-même et le comité d'audit estiment qu'il faut recommander au président de la BNS de donner sa démission.

La présidente de la Confédération quitte l'hôtel vers 17 h 15, car elle est invitée sur le plateau de l'émission télévisée «Arena». Elle rend alors les documents au président du conseil de banque400.

06.01.2012

La présidente de la Confédération participe à l'émission «Arena». Elle renouvelle sa confiance à M. Hildebrand, dénonce la violation du secret bancaire et souhaite une enquête approfondie.

07.01.2012 (de 10 h 15 à 18 heures)

Séance du conseil de banque. Audition de M. Hildebrand à la lumière des faits nouveaux révélés par les courriels des 15 et 16 août 2011: Après une discussion approfondie, le conseil de banque, sur la proposition de son comité d'audit401, arrive à la conclusion unanime qu'il faut recommander au président de la BNS de présenter sa démission pour des raisons liées à la crédibilité. Le conseil de banque continue de penser qu'il n'y a eu aucune violation du règlement interne de la BNS. Selon la BNS, le président de la BNS prend connaissance de la décision du conseil de banque et déclare être disposé, eu égard aux problèmes de crédibilité, à présenter sa démission avec effet immédiat.

Le conseil de banque charge une délégation (composée de son président, de son vice-président et du président du comité d'audit) de mener des négociations avec le président de la BNS en vue de son départ402.

Dans l'hypothèse où le président de la BNS n'aurait pas démissionné avant la séance de la CER-N du 9 janvier 2012, le conseil de banque rendrait public son avis sur la situation403 [lette du président du conseil de banque à la présidente de la Confédération de 2012 en date du 12.1.2012; description divergente des faits concernant l'avis de la BNS du 21.1.2013].

07.01.2012

Par téléphone, le président du conseil de banque communique à la présidente de la Confédération les décisions du conseil de banque, notamment la recommandation faite à M. Hildebrand de démissionner404. La présidente de la Confédération indique

399 400 401 402 403 404

Lettre de la présidente de la Confédération de 2012 adressée au président du conseil de banque en date du 16.1.2012 Lettre du président du conseil de banque adressée à la présidente de la Confédération de 2012 en date du 12.1.2012 Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 35 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque) Lettre du président du conseil de banque adressée à la présidente de la Confédération de 2012 en date du 12.1.2012 Lettre du président du conseil de banque adressée à la présidente de la Confédération de 2012 en date du 12.1.2012 Lettre du président du conseil de banque adressée à la présidente de la Confédération de 2012 en date du 12.1.2012/ Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 25 (audition de la présidente de la Confédération de 2012)

5138

Dates

Événements

au président du conseil de banque que le Conseil fédéral ne peut révoquer le président de la BNS que sur proposition du conseil de banque; à défaut, il n'a pas compétence pour prendre des mesures405.

A l'issue de la séance du conseil de banque, le président du conseil de banque (en présence de tous les membres de la direction générale) prend à nouveau contact avec la présidente de la Confédération; il lui déclare que, contrairement à ce qui était prévu au départ, il serait plus judicieux d'attendre le 9 janvier 2012 pour prendre position publiquement, car le président de la BNS participe ce week-end-là à une rencontre organisée par la Banque des règlements internationaux406.

07.01.2012

Le président de la BNS téléphone à la présidente de la Confédération pour l'informer de la recommandation que lui a faite le conseil de banque. La présidente de la Confédération lui explique que c'est à lui de prendre une décision407.

07.01.2012

La présidente de la Confédération convoque le Conseil fédéral en séance extraordinaire le dimanche 8 janvier 2012 à 10 heures (conférence téléphonique)408.

07.01.2012

Communiqué de presse du conseil de banque: La BNS annonce que le règlement régissant les opérations passées en nom propre sera révisé. Dans l'intervalle, toutes les transactions sur devises supérieures à 20 000 francs devront recevoir l'aval du responsable de la compliance de la BNS. La banque annonce également son intention de faire examiner toutes les transactions personnelles effectuées par des membres de la direction élargie entre début 2009 et fin 2011.

08.01.2012 (toute la journée)

La délégation du conseil de banque se penche sur la stratégie de communication à suivre409. Au même moment, le président de la BNS se trouve à Bâle pour une rencontre organisée par la Banque des règlements internationaux.

08.01.2012 (de 9 h 18 à 9 h 44)

Le président de la BNS fait parvenir plusieurs documents à l'adresse électronique privée de la présidente de la Confédération (nouveaux courriels, «visiting report», mémorandum destiné au Conseil fédéral [cf. chronologie des événements survenus entre le 5.1.2012 et le 7.1.2012, établie par le président de la BNS] et projet de lettre de démission)410.

405 406 407 408 409 410

Lettre de la présidente de la Confédération adressée au président du conseil de banque en date du 16.1.2012/ Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 25 (audition de la présidente de la Confédération de 2012) Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 28.3.2012, p. 34 (audition de Hansueli Raggenbass, président du conseil de banque) Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 26 (audition de la présidente de la Confédération de 2012) Chronologie établie par la Chancellerie fédérale Lettre de la BNS adressée au groupe de travail BNS en date du 21.1.2013 Lettre de l'ancien président de la BNS adressée au groupe de travail BNS du 26.6.2012

5139

Dates

Événements

08.01.2012 (de 10 h 00 à 10 h 50)

Séance du Conseil fédéral (conférence téléphonique): La présidente de la Confédération transmet aux autres membres du Conseil fédéral les informations que le président du conseil de banque de la BNS lui a données la veille, notamment le courrier électronique mis au jour le 5 janvier 2012 et le «visiting report» du conseiller de la banque Sarasin411. Avant la conférence téléphonique, le porte-parole du Conseil fédéral a transmis aux membres du Conseil fédéral un projet de communiqué de presse intitulé «Retrait de M. Hildebrand: Prise de position du Conseil fédéral»412.

Le Conseil fédéral décide que la présidente de la Confédération informera oralement le président de la BNS et le président du conseil de banque du résultat de la séance du Conseil fédéral. De plus, la présidente de la Confédération devra se renseigner plus en détail auprès du conseil de banque sur les motifs qui l'ont conduit à demander au président de la BNS de présenter sa démission. Le Conseil fédéral se penchera sur les informations qu'aura reçues la présidente de la Confédération lors de sa séance ordinaire du 11 janvier 2012. Enfin, le porte-parole du Conseil fédéral est chargé d'élaborer, sur la base de la discussion, une stratégie de communication «passive» et de la soumettre aux membres du Conseil fédéral413.

08.01.2012

Sur mandat du Conseil fédéral, la présidente de la Confédération téléphone au président du conseil de banque, puis au président de la BNS, pour les informer du résultat de la séance du Conseil fédéral. Elle leur explique que le Conseil fédéral ne prendra pas position tant qu'il n'aura pas pu se pencher sur les nouveaux documents414. Elle leur indique que, pour le moment, le Conseil fédéral n'a pas compétence pour donner un avis sur l'éventuelle démission du président de la BNS415.

En outre, toujours à la demande du Conseil fédéral, elle prie également le président du conseil de banque d'organiser une rencontre avec une délégation de la BNS416.

[Version de l'ancien président de la BNS] A l'issue de la conférence téléphonique du Conseil fédéral, la présidente de la Confédération de 2012 déclare au président de la BNS, au nom du Conseil fédéral, qu'il doit attendre avant de présenter sa démission, car le Conseil fédéral souhaite encore examiner l'affaire dans son ensemble417. [Version de la présidente de la Confédération de 2012] La présidente de la Confédération de 2012 informe le président de la BNS par téléphone que le Conseil fédéral clarifiera la situation le 11 janvier 2012 et rendra un avis à ce moment-là418.

411 412 413 414 415 416 417 418

Note d'information du SG DFF du 16.1.2012 Chronologie établie par la Chancellerie fédérale Décision du Conseil fédéral du 8.1.2012 Note d'information du SG DFF du 10.1.2012 / Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 29 (audition de la présidente de la Confédération de 2012) Note d'information du SG DFF du 16.1.2012 Note d'information du SG DFF du 16.1.2012 Lettre de l'ancien président de la BNS adressée au groupe de travail BNS en date du 18.1.2013 Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 28 (audition de la présidente de la Confédération de 2012)

5140

Dates

Événements

08.01.2012 (Vers midi ­ début de l'après-midi)

MM. Thomas Jordan et Jean-Pierre Danthine, membres de la direction générale, reçoivent un sms du président de la BNS, dans lequel ce dernier explique que le Conseil fédéral a refusé sa démission et que, partant, il ne démissionnera pas.419

08.01.2012 (soir)

Par courrier électronique, le président de la BNS envoie au porte-parole du Conseil fédéral plusieurs documents liés à la transaction du 15 août 2011 ainsi qu'une lettre qu'il adresse personnellement au Conseil fédéral420. Le lendemain matin (lundi), le porte-parole du Conseil fédéral transmet ce courriel à la présidente de la Confédération421.

Dans sa lettre, le président de la BNS explique notamment qu'il ignorait tout de cette transaction au moment où elle a été effectuée, mais admet que des erreurs ont été commises par rapport à cette transaction. Selon lui, les nouveaux documents ne changent rien aux conclusions selon lesquelles il n'a appris l'existence de cette transaction qu'après coup et l'a immédiatement signalée à la cellule Compliance de la BNS. En outre, il s'engage à ce que de tels événements ne se reproduisent plus à l'avenir. Il ajoute qu'il confiera très probablement la gestion de sa fortune à des tiers. Enfin, il prévoit de soumettre, dès que possible, au CDF (à titre personnel) ou à un organe de révision externe désigné par le Conseil fédéral l'ensemble des transactions bancaires effectuées par sa famille depuis juillet 2003422.

09.01.2012 (tôt dans la matinée jusqu'à 14 heures)

Le président du conseil de banque et le président du comité d'audit de la BNS, M. Fritz Studer, négocient les modalités de la démission du président de la BNS avec l'avocat de ce dernier423

09.01.2012 (de 8 h 15 à 9 h 15 environ424)

La présidente de la Confédération rencontre plusieurs représentants du conseil de banque (M. Hansueli Raggenbass, président, et M. Jean Studer, vice-président) et de la direction générale de la BNS (M. Thomas Jordan, vice-président, et M. Jean-Pierre Danthine, membre). Elle commence par constater que le Conseil fédéral, à ce moment-là, ne peut pas prendre position sur une éventuelle destitution ou une démission du président de la BNS, car il ne dispose d'aucune proposition officielle du conseil de banque425.

La présidente de la Confédération est informée en détail des raisons qui ont motivé le conseil de banque à décider à l'unanimité, le 7 janvier 2012, de recommander au président de la BNS de démissionner. Selon le conseil de banque, de nouveaux courriers électroniques présentés par le président de la BNS ont entamé la crédibilité de ce dernier et ébranlé la

419 420 421 422 423 424 425

Lettre de la BNS adressée au groupe de travail BNS en date du 21.1.2013 et lettre de l'ancien président de la BNS adressée au groupe de travail BNS en date du 18.1.2013 Note d'information du SG DFF du 16.1.2012 Chronologie établie par la Chancellerie fédérale Lettre du président de la direction générale de la BNS du 8.1.2012 (19 h 30) Lettre de la BNS adressée au groupe de travail BNS en date du 18.1.2013 Procès-verbal de la séance du groupe de travail BNS du 3.4.2012, p. 29 (audition de la présidente de la Confédération de 2012) Note d'information du SG DFF du 16.1.2012

5141

Dates

Événements

confiance du conseil de banque et des membres de la direction générale426. Les documents concernés sont à nouveau présentés à la présidente de la Confédération (dont une traduction des passages sensibles rédigés en anglais).

La présidente de la Confédération est également informée de l'accord visant la démission immédiate du président de la BNS, dont l'élaboration effectuée conjointement avec l'avocat du président de la BNS est déjà bien avancée. Même s'il doit encore régler les derniers détails, le conseil de banque entend publier un communiqué de presse avant la séance de la CER-N, qui aura lieu dans l'après-midi et au cours de laquelle la présidente de la Confédération, le président du conseil de banque et le président de la BNS seront auditionnés. Il souhaite également soumettre, au préalable, le communiqué de presse au porteparole du Conseil fédéral427.

La présidente de la Confédération déclare qu'elle informera le Conseil fédéral de cette rencontre ainsi que de la séance de la CER-N qui aura lieu dans l'après-midi. En outre, une fois qu'elle aura été informée par le président du conseil de banque de la clôture des négociations avec le président de la BNS, elle décidera de la manière dont elle informera le Conseil fédéral de l'annonce publique de la démission du président de la BNS428.

09.01.2012 (début de l'après-midi)

Le conseil de banque de la BNS et le président de la BNS parviennent à une solution lors de leurs négociations429.

09.01.2012 (vers 14 heures)

M. Philipp Hildebrand annonce sa démission, avec effet immédiat, de son poste de président de la BNS. Lors de la conférence de presse, il affirme n'avoir jamais menti, mais déclare qu'il n'est pas en mesure de fournir la preuve irréfutable qu'il n'est pas à l'origine de la transaction du 15 août 2011.

09.01.2012 (vers 14 heures)

Le conseil de banque et la direction générale de la BNS publient plusieurs communiqués de presse dans lesquels ils regrettent la démission du président de la BNS. Les explications données par le président de la BNS et les nouveaux documents relatifs à la transaction du 15 août 2011 sont publiés sur le site Internet de la BNS.

09.01.2012

Communiqué de presse du Conseil fédéral concernant la démission du président de la BNS: Le Conseil fédéral prend acte de la démission de M. Hildebrand et regrette les développements qui ont conduit à cette issue.

426 427 428 429

Note d'information du SG DFF du 16.1.2012 / Lettre du président du conseil de banque adressée à la présidente de la Confédération en date du 12.1.2012 Note d'information du SG DFF du 10.1.2012 Note d'information du SG DFF du 16.1.2012 Lettre du président du conseil de banque adressée à la présidente de la Confédération de 2012 en date du 12.1.2012

5142

Dates

Événements

09.01.2012 (15 h 50430)

Séance de la CER-N: La CER-N se penche sur les circonstances du départ du président de la BNS; elle auditionne notamment la présidente de la Confédération de 2012, le président démissionnaire de la BNS et le président du conseil de banque.

09.01.2012 (vers 18 heures)

Conférence de presse de la BNS: La BNS regrette la démission du président de la direction générale et assure que la capacité de décision et d'action de la direction générale reste entièrement garantie. Elle ajoute que M. Thomas Jordan assumera jusqu'à nouvel avis la présidence de la direction générale. Enfin, elle déclare que la politique monétaire reste inchangée431.

10.01.2012

En vue de la séance du Conseil fédéral du 11 janvier 2012, la présidente de la Confédération fait parvenir à ses collègues du Conseil fédéral une note d'information (qui comprend les documents transmis par M. Hildebrand le 8 janvier 2012) et une note de discussion.

11.01.2012

Séance du Conseil fédéral: La présidente de la Confédération informe ses collègues de sa rencontre du 9 janvier 2012 avec des représentants de la BNS.

Le Conseil fédéral rédige une lettre de remerciement à l'intention de M. Hildebrand et renonce provisoirement à désigner un nouveau président. Il institue également une nouvelle délégation ad hoc, composée de la présidente de la Confédération, de la chef du DFJP et du chef du DDPS; cette délégation devra préparer un mandat à l'intention d'un expert externe, qui sera chargé d'examiner les modalités prévues par la LBN en matière de surveillance. En outre, la Chancellerie fédérale est chargée d'établir une chronologie des événements432.

11.01.2012

Mandat subséquent confié par la présidente de la Confédération au directeur et au vice-directeur du CDF: examen des nouveaux documents sur la base du mandat du 19 décembre 2011433.

16.01.2012

Rapport du directeur et du vice-directeur du CDF concernant les nouveaux documents: «Die neuen Unterlagen bringen keine neuen Erkenntnisse für unsere Beurteilung, dass kein Reglementverstoss vorgelegen hat. Sie belegen, dass Kashya Hildebrand den Auftrag am 15. August erteilt hat, und nicht Philipp M. Hildebrand. Weder war eine Absicht von Philipp M. Hildebrand ersichtlich, privilegierte Informationen auszunutzen, noch hat er verbotene Geschäftstransaktionen getätigt» [Les nouveaux documents ne modifient en rien nos conclusions selon lesquelles il n'y a eu

430 431 432 433

Procès-verbal de la séance de la CER-N du 9.1.2012 Lettre de la BNS adressée au groupe de travail BNS en date du 21.1.2013 Chronologie établie par la Chancellerie fédérale / Arrêté du Conseil fédéral du 11.1.2012 Mandat subséquent de la présidente de la Confédération du 16.1.2012

5143

Dates

Événements

aucune violation du règlement. Ils prouvent que c'est Mme Kashya Hildebrand qui a ordonné la transaction du 15 août, et non M. Hildebrand. Ils n'indiquent en rien que M. Hildebrand avait l'intention d'utiliser des informations privilégiées, ni qu'il a effectué des transactions illicites]434.

25.01.2012

434 435

Séance du Conseil fédéral. La délégation ad hoc instituée le 11 janvier 2012 reçoit d'autres mandats: ­ Analyser les tâches et les responsabilités qui découlent de la réglementation en matière de surveillance prévue par la LBN et déterminer la marge de manoeuvre que la Constitution attribue au législateur. La délégation confie ce mandat au prof. Paul Richli.

­ Examiner les règles de comportement visant à prévenir les délits d'initié commis par des collaborateurs de l'administration fédérale et des magistrats. En ce qui concerne l'administration fédérale, un groupe de travail interdépartemental est institué.

Autre décision: le DFJP (OFJ) est chargé, en collaboration avec le DFF (Administration fédérale des finances) de présenter au Conseil fédéral une proposition de mandat supplémentaire en vue d'analyser plus en profondeur la question du gouvernement d'entreprise au sein de la BNS435.

Rapport du CDF du 16.1.2012, ch. 4 Décision du Conseil fédéral du 25.1.2012

5144

Annexe 2

Liste des personnes entendues ­ Balzaretti Roberto

Secrétaire général du DFAE (jusqu'au 1.2.2012)

­ Blocher Christoph

Conseiller national

­ Calmy-Rey Micheline

Présidente de la Confédération de 2011, chef du DFAE (jusqu'au 31.12.2011)

­ Casanova Corina

Chancelière de la Confédération

­ Grüter Kurt

Directeur du CDF

­ Hildebrand Philipp

Président de la Banque nationale suisse (jusqu'au 9.1.2012)

­ Huissoud Michel

Vice-directeur du CDF

­ Kuhn Hans

Responsable de l'unité Affaires juridiques et services de la BNS

­ Leupold Michael

Directeur de l'OFJ, DFJP

­ Maurer Ueli

Président de la Confédération 2013, chef du DDPS

­ Raggenbass Hansueli

Président du Conseil de banque de la BNS (jusqu'au 17.4.2012)

­ Richli Paul

Prof. dr. iur. Université de Lucerne

­ Sommaruga Simonetta

Conseillère fédérale, chef du DFJP

­ Widmer-Schlumpf Eveline

Présidente de la Confédération de 2012, chef du DFF

5145

Annexe 3

Liste des recommandations Recommandation 1 Les CdG demandent au Conseil fédéral de faire en sorte que les organes de contrôle préventif de la conformité au droit examinent la question des compétences légales suffisamment tôt et de manière adéquate, également lorsqu'il s'agit d'affaires urgentes dont la portée politique est importante.

Recommandation 2 Les CdG demandent au Conseil fédéral de ne plus confier de mandats à titre personnel à des représentants du Contrôle fédéral des finances.

Recommandation 3 Les CdG demandent au Conseil fédéral de vérifier, avant de confier un mandat à un employé de la Confédération à titre personnel, si ledit mandat est compatible avec les fonctions qu'exerce ce dernier. Dans le doute, il renoncera à confier ce mandat.

Recommandation 4 Les CdG demandent au Conseil fédéral de travailler en premier lieu avec les délégations ordinaires du Conseil fédéral prévues par la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA) et non avec des délégations ad hoc, également pour les affaires urgentes et dont la portée politique est importante.

Recommandation 5 Les CdG demandent au Conseil fédéral d'impliquer la Chancellerie fédérale suffisamment tôt dans la gestion des situations extraordinaires.

5146

Recommandation 6 Les CdG demandent au Conseil fédéral de leur présenter un rapport dans lequel il indiquera comment il compte modifier le système d'établissement des procèsverbaux de ses séances afin de mettre en oeuvre les mesures prévues par le nouvel art. 13, al. 3, LOGA.

Recommandation 7 Les CdG demandent au Conseil fédéral de vérifier s'il y a lieu de prévoir, dans la loi sur la banque nationale, que le conseil de banque soit tenu de consulter le Conseil fédéral avant de recommander au président de la BNS de démissionner ou avant de proposer au Conseil fédéral de révoquer le président de la BNS.

Recommandation 8 Les CdG demandent au Conseil fédéral de se doter d'un meilleur système de communication, c'est-à-dire simple, rapide et sûr, qui devra être utilisé par les membres du Conseil fédéral, le chancelier de la Confédération et les vicechanceliers dans des situations particulières. Il veillera notamment à garantir la confidentialité de ses conférences téléphoniques également d'un point de vue technique.

Recommandation 9 Les CdG demandent au Conseil fédéral de faire en sorte que le règlement d'organisation de la BNS impose au conseil de banque de réglementer les opérations passées en nom propre et attribue un rôle adéquat à la cellule Compliance de la BNS.

Recommandation 10 Les CdG demandent au Conseil fédéral de faire en sorte que le règlement d'organisation de la BNS dote celle-ci d'une structure de surveillance interne claire et adéquate.

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5148