13.056 Message concernant une modification du code pénal et du code pénal militaire (Mise en oeuvre de l'art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels) du 26 juin 2013

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet de modification du code pénal et du code pénal militaire (mise en oeuvre de l'art. 121, al. 3 à 6, Cst., relatif au renvoi des étrangers criminels), en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

26 juin 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2013-0152

5373

Condensé Le Conseil fédéral propose de mettre en oeuvre les nouvelles normes constitutionnelles sur le renvoi des étrangers criminels en inscrivant une nouvelle forme d'expulsion dans le code pénal et le code pénal militaire. La solution proposée vise à réaliser l'automatisme de l'expulsion prévu par la Constitution en tenant compte autant que possible des principes constitutionnels et des droits de l'homme garantis par le droit international.

Contexte Le peuple et les cantons ont approuvé le 28 novembre 2010 l'initiative populaire «Pour le renvoi des étrangers criminels (initiative sur le renvoi)». L'art. 121 de la Constitution a donc été complété des al. 3 à 6, selon lesquels les étrangers condamnés pour certaines infractions ou pour avoir touché abusivement des prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale perdent leur droit de séjourner en Suisse. Les personnes condamnées sont frappées d'une interdiction d'entrer en Suisse allant de cinq à quinze ans. La disposition transitoire donne au législateur cinq ans à dater de l'adoption du nouvel article constitutionnel pour préciser et compléter les éléments constitutifs des infractions visées à l'al. 3 et pour édicter les dispositions pénales applicables aux personnes qui violeront l'interdiction d'entrer en Suisse Contenu du projet La modification proposée cherche à concilier l'automatisme de l'expulsion visé par les nouvelles dispositions constitutionnelles et le respect des principes constitutionnels, des droits de l'homme garantis par le droit international et des règles du droit public international auxquelles la Suisse a souscrit.

Les nouvelles dispositions constitutionnelles sont en conflit avec les garanties de l'Etat de droit inscrites dans la constitution (en particulier le principe de la proportionnalité) et des dispositions non impératives du droit international figurant par exemple dans la convention européenne relative aux droits de l'homme et dans l'accord sur la libre circulation conclu avec l'Union européenne. Le projet vise un durcissement du régime d'expulsion actuel. Certains compromis par rapport aux exigences des nouvelles dispositions constitutionnelles ont été nécessaires pour pouvoir respecter le plus possible le principe de la proportionnalité et les droits de l'homme garantis par le droit international (p. ex. le
droit au respect de la vie privée et familiale). Bien qu'elle ne soit pas pleinement compatible avec l'accord sur la libre circulation, la solution proposée permet de limiter autant que possible les entorses à ce dernier.

Voici les éléments clés de la modification du code pénal et du code pénal militaire: le juge pénal qui condamne une personne étrangère pour un certain nombre d'infractions prononce à son encontre une expulsion, en en fixant la durée. Celle-ci peut aller de cinq à quinze ans, voir jusqu'à 20 ans en cas de récidive. Les infractions et groupes d'infractions mentionnés explicitement dans l'article constitutionnel

5374

ont été complétés d'autres infractions, graves pour la plupart. Une nouvelle infraction de perception illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale est créée pour permettre l'expulsion de ses auteurs. Pour qu'il y ait expulsion, il faut de manière générale que le juge prononce une peine de plus de six mois. Il peut exceptionnellement renoncer à expulser l'étranger si l'expulsion pourrait entraîner une atteinte grave à des droits personnels de celui-ci qui sont garantis par le droit international en matière de droits de l'homme. Par ailleurs, l'exécution de l'expulsion doit être reportée lorsqu'elle risque de violer le principe de non-refoulement.

5375

Table des matières Condensé

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1 Présentation du projet 1.1 Contexte 1.1.1 L'initiative populaire «Pour le renvoi des étrangers criminels (initiative sur le renvoi)» 1.1.2 Principes d'interprétation des normes constitutionnelles 1.1.3 Eléments de l'art. 121, al. 3 à 6, Cst.

1.1.4 Mandat législatif 1.1.5 Les options examinées 1.1.6 Les résultats de la consultation 1.2 Le dispositif proposé 1.2.1 Introduction 1.2.2 Relation avec le droit international et le droit constitutionnel 1.2.3 Acte de destination des dispositions d'exécution 1.2.4 Expulsion 1.2.5 Liste d'infractions 1.2.6 Précision de la notion de «condamnation» 1.2.7 Peine minimale 1.2.8 Perception illicite de prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale 1.2.9 Prononcé et exécution 1.2.10 Personnes dont l'expulsion ne peut pas être exécutée 1.2.11 Procédure de l'ordonnance pénale 1.2.12 Garanties des voies de droit 1.2.13 Validité temporelle et dispositions transitoires 1.2.14 Champ d'application à raison du lieu 1.2.15 Sanction encourue en cas de violation de l'interdiction d'entrée et en cas d'entrée illégale sur le territoire (art. 121, al. 6, Cst.)

1.2.16 Harmonisation avec l'expulsion facultative 1.2.17 Réglementation parallèle dans le code pénal militaire 1.2.18 Pas de dispositions relatives à l'expulsion dans le droit pénal des mineurs 1.2.19 Adaptation de la LEtr et de la LAsi 1.3 Appréciation de la solution proposée 1.4 Comparaison avec le droit étranger 1.4.1 Allemagne 1.4.2 Autriche 1.4.3 France 1.4.4 Italie

5378 5378

2 Commentaires des nouvelles dispositions 2.1 Modification du code pénal 2.1.1 Art. 66a (1a. Expulsion. a. Conditions) 2.1.2 Art. 66b (b. Récidive) 2.1.3 Art. 66c (c. Moment de l'exécution) 2.1.4 Art. 66d (d. Report de l'exécution) 5376

5378 5380 5383 5386 5387 5389 5390 5390 5391 5393 5394 5394 5396 5397 5400 5402 5403 5405 5406 5407 5407 5408 5408 5408 5408 5410 5410 5411 5411 5413 5414 5415 5416 5416 5416 5426 5427 5429

2.1.5 Art. 105, al. 1 2.1.6 Art. 148a (Obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale) 2.1.7 Art. 367, al. 2ter, 2quater, 2quinquies, 2sexies et 2septies 2.1.8 Art. 369, al. 5bis 2.1.9 Art. 371, al. 3, 4, 4bis et 5 2.2 Modification du code pénal militaire 2.2.1 Art. 49a (Expulsion) 2.2.2 Art. 49b (Récidive) 2.2.3 Art. 49c (Exécution) 2.2.4 Art. 60b, al. 1 2.3 Modification du droit en vigueur 2.3.1 Loi sur les étrangers 2.3.2 Loi sur l'asile 2.3.3 Loi sur l'asile dans sa version du 14 décembre 2012 2.3.4 Loi du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales (LOAP) 2.3.5 Code de procédure pénale 2.3.6 Loi fédérale sur le droit pénal administratif (DPA) 2.3.7 Procédure pénale militaire 2.3.8 Loi fédérale du 13 juin 2008 sur les systèmes d'information de police de la Confédération (LSIP) 2.3.9 Loi du 20 juin 2003 sur les profils d'ADN

5431 5431 5435 5436 5437 5438 5438 5439 5439 5439 5439 5439 5441 5442 5443 5443 5444 5445 5445 5445

3 Conséquences 3.1 Hypothèses concernant le nombre de personnes qui devraient être expulsées à l'avenir 3.2 Conséquences pour la Confédération 3.3 Conséquences pours les cantons et les communes 3.4 Conséquences pour les accords avec l'UE et pour la Convention AELE 3.4.1 Respect des prescriptions de l'ALCP et de la Convention AELE 3.4.2 Conséquences pour l'ALCP

5446

4 Lien avec le programme de législature

5451

5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.1.1 Compétence législative 5.1.2 Conformité aux droits fondamentaux 5.2 Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse 5.2.1 CEDH, Pacte II de l'ONU, convention relative aux droits de l'enfant et convention relative au statut des réfugiés 5.2.2 ALCP et Convention AELE

5451 5451 5451 5452 5452

Bibliographie

5454

Liste des sources utilisées plusieurs fois

5456

Code pénal et code pénal militaire (Mise en oeuvre de l'art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels) (Projet)

5457

5446 5447 5448 5450 5450 5450

5452 5453

5377

Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

1.1.1

L'initiative populaire «Pour le renvoi des étrangers criminels (initiative sur le renvoi)»

Le 19 juin 2007, une liste pour la récolte de signatures à l'appui de l'initiative populaire fédérale «Pour le renvoi des étrangers criminels (initiative sur le renvoi)» a été présentée à la Chancellerie fédérale, qui a procédé à son examen préliminaire1.

L'initiative a été déposée le 15 février 2008, avec le nombre de signatures requis.

Par décision du 7 mars 2008, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative, munie de 210 919 signatures, avait abouti2. L'initiative prévoyait pour l'essentiel que les étrangers condamnés pour certaines infractions seraient privés de tous leurs droits à séjourner en Suisse et obligatoirement frappés d'une interdiction d'entrée sur le territoire pour une durée de cinq à quinze ans.

Dans son message du 24 juin 2009, le Conseil fédéral a proposé aux Chambres fédérales de soumettre l'initiative sur le renvoi au peuple et aux cantons en leur recommandant de la rejeter. Parallèlement, il a soumis au Parlement un contre-projet indirect3. Ce contre-projet prévoyait des modifications de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr)4 visant à révoquer systématiquement les autorisations délivrées en vertu de la législation sur les étrangers en cas d'infractions pénales graves, en garantissant cependant le respect du principe constitutionnel de proportionnalité et des dispositions du droit international5.

La Commission des institutions politiques du Conseil des Etats a opté pour un contre-projet direct, qui a reçu l'aval des deux Chambres6. Ce contre-projet prévoyait une liste très étendue d'infractions pouvant entraîner un renvoi, mais exigeait à l'art. 121b, al. 3, de la Constitution (Cst.)7 proposé que les décisions relatives au retrait du droit de séjour, à l'expulsion ou au renvoi soient prises «dans le respect des droits fondamentaux et des principes de base de la Constitution et du droit international, en particulier dans le respect du principe de proportionnalité»8.

1

2

3

4 5 6 7 8

Examen préliminaire du 26 juin 2007 de la liste des signatures à l'appui de l'initiative populaire fédérale «Pour le renvoi des étrangers criminels (initiative sur le renvoi)», FF 2007 4725.

Communication de la Chancellerie fédérale du 7 mars 2008 relative à l'aboutissement de l'initiative populaire fédérale «Pour le renvoi des étrangers criminels (initiative sur le renvoi)», FF 2008 1745.

Message du 24 juin 2009 concernant l'initiative populaire fédérale «Pour le renvoi des étrangers criminels (initiative sur le renvoi) et la modification de la loi fédérale sur les étrangers», FF 2009 4571.

RS 142.20 Cf. message concernant l'initiative sur le renvoi, ch. 5 (Grandes lignes du contre-projet indirect) et annexe (propositions de modification de la loi sur les étrangers).

Synthèse de la procédure parlementaire: www.parlament.ch > Curia Vista > Recherche > numéro d'objet: 09.060 > «Synthèse message/rapport et délibérations».

RS 101 Arrêté fédéral du 10 juin 2010 concernant le contre-projet «Expulsion et renvoi des criminels étrangers dans le respect de la Constitution» (contre-projet à l'initiative populaire «Pour le renvoi des étrangers criminels [Initiative sur le renvoi]»), FF 2010 3855.

5378

Le contre-projet a été assorti d'un article constitutionnel distinct sur l'intégration (art. 121a Cst.). Le 18 juin 2010, l'Assemblée fédérale a déclaré l'initiative valable et décidé de la soumettre au peuple et aux cantons en lui opposant le contre-projet direct9.

Lors de la votation populaire du 28 novembre 2010, l'initiative sur le renvoi a été acceptée par le peuple, par 1 397 923 oui contre 1 243 942 non, ainsi que par les cantons, par 17½ oui contre 5½ non. Le contre-projet direct a quant à lui été rejeté par le peuple, par 1 407 830 non contre 1 189 269 oui, et par tous les cantons10.

L'art. 121 Cst., dans la section 9 «Séjour et établissement des étrangers», a été complété, suite à l'acceptation de l'initiative sur le renvoi, par les al. 3 à 6 et se présente désormais comme suit11: Art. 121 1 La législation sur l'entrée en Suisse, la sortie, le séjour et l'établissement des étrangers et sur l'octroi de l'asile relève de la compétence de la Confédération.

2 Les étrangers qui menacent la sécurité du pays peuvent être expulsés de Suisse.

3 Ils sont privés de leur titre de séjour, indépendamment de leur statut, et de tous leurs droits à séjourner en Suisse: a. s'ils ont été condamnés par un jugement entré en force pour meurtre, viol, ou tout autre délit sexuel grave, pour un acte de violence d'une autre nature tel que le brigandage, la traite d'êtres humains, le trafic de drogue ou l'effraction; ou b. s'ils ont perçu abusivement des prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale.

4 Le législateur précise les faits constitutifs des infractions visées à l'al. 3. Il peut les compléter par d'autres faits constitutifs.

5 Les étrangers qui, en vertu des al. 3 et 4, sont privés de leur titre de séjour et de tous leurs droits à séjourner en Suisse doivent être expulsés du pays par les autorités compétentes et frappés d'une interdiction d'entrer sur le territoire allant de 5 à 15 ans. En cas de récidive, l'interdiction d'entrer sur le territoire sera fixée à 20 ans.

6 Les étrangers qui contreviennent à l'interdiction d'entrer sur le territoire ou qui y entrent illégalement de quelque manière que ce soit sont punissables. Le législateur édicte les dispositions correspondantes.

Les dispositions transitoires de la Constitution ont été modifiées comme suit12: Art. 197, ch. 8 8. Disposition transitoire ad art. 121 (Séjour et établissement des étrangers) Dans les cinq années qui suivent l'acceptation par le peuple et par les cantons de l'art. 121, al. 3 à 6, le législateur définit les faits constitutifs des infractions en vertu de l'art. 121, al. 3, il les complète et il édicte les dispositions pénales relatives à l'entrée illégale sur le territoire visée à l'art. 121, al. 6.

9 10

11 12

Arrêté fédéral du 18 juin 2010 relatif à l'initiative populaire «Pour le renvoi des étrangers criminels (initiative sur le renvoi)», FF 2010 3853.

Arrêté du Conseil fédéral du 17 mars 2011 constatant le résultat de la votation populaire du 28 novembre 2010 («Initiative sur le renvoi» et contre-projet de l'Assemblée fédérale; «Initiative pour des impôts équitables»), FF 2011 2593.

RO 2011 1199 RO 2011 1199 1200

5379

1.1.2

Principes d'interprétation des normes constitutionnelles

Eléments d'interprétation L'interprétation de la Constitution ­ comme celle des lois et ordonnances ­ s'appuie en premier lieu sur la formulation de la norme (élément d'interprétation grammaticale). Lorsque le texte est peu clair ou qu'il permet plusieurs interprétations, il convient d'en déterminer sa portée véritable en considérant d'autres éléments d'interprétation tels que la genèse de la norme (élément d'interprétation historique) et son but (élément d'interprétation téléologique). Il est également important de tenir compte du sens qui se dégage de la norme dès lors qu'elle est placée en contexte avec d'autres dispositions (élément d'interprétation systématique). Dans l'interprétation de la loi comme de la Constitution, aucun élément ne peut s'appliquer de manière privilégiée, et encore moins de manière exclusive. Il faut, au contraire, considérer l'ensemble des éléments d'interprétation et déterminer, dans chaque cas, quelle méthode (ou combinaison de méthodes) est la plus apte à restituer le sens véritable de la norme à interpréter (pluralisme des méthodes)13. La volonté des auteurs de l'initiative à l'origine d'une nouvelle norme constitutionnelle n'est pas un élément décisif, même si elle peut être prise en considération dans le cadre de l'interprétation historique14.

Une particularité de l'interprétation constitutionnelle réside dans le caractère général des normes. Les mandats législatifs découlant de normes d'attribution de tâches, par exemple, ont fréquemment une signification relativement abstraite et ne reflètent qu'un premier consensus quant à la nécessité que l'Etat exécute une tâche et quant au domaine et à la finalité de cette tâche. Bien souvent, l'interprétation de ce type de norme consiste davantage en une concrétisation de la norme qu'en une interprétation proprement dite.

Tant que le constituant n'établit pas lui-même une hiérarchie des normes, le principe qui vaut est celui de l'égalité des normes constitutionnelles15. Ce principe est cependant soumis à deux restrictions: lorsque la Constitution reprend explicitement des normes impératives du droit international, ces normes priment le droit constitutionnel «ordinaire»16. En outre, la primauté d'une norme constitutionnelle peut se dégager de l'examen de tous les éléments pertinents dans un cas donné. Les principes développés
pour l'interprétation législative, selon lesquels la loi postérieure déroge à la loi antérieure («lex posterior derogat legi priori») et la loi spéciale déroge à la loi générale («lex specialis derogat legi generali»), ne peuvent être appliqués sans autre réflexion à l'interprétation constitutionnelle17, en raison du principe, évoqué plus haut, selon lequel les normes constitutionnelles sont en principe de rang équivalent.

13 14

15 16 17

Häfelin/Haller/Keller 2012, no 130.

La relation entre droit international et droit interne. Rapport du Conseil fédéral du 5 mars 2010 en réponse au postulat 07.3764 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats du 16 octobre 2007 et au postulat 08.3765 de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 20 novembre 2008; FF 2010 2067, ch. 8.7.1.2.

Tschannen 2011, § 4 no 13; Tschannen 2011, § 9 no 5; Müller 2010 no 7; cf. également ATF 105 Ia 330, consid. 3c; ATF 2C_828/2011 du 12 oct. 2012, consid. 4.2.1.

Tschannen 2011, § 4 no 16.

Tschannen 2011, § 4 no 16.

5380

La mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles dépend dans une large mesure de l'importance donnée, en plus des éléments généraux d'interprétation, à deux éléments d'interprétation spécifiques aux normes constitutionnelles: ­

L'interprétation harmonisante18 (également appelée mise en concordance pratique), selon laquelle le législateur est tenu d'intégrer dans sa réflexion tous les objectifs constitutionnels concernés par la problématique. Les normes constitutionnelles doivent être interprétées de manière à éviter, dans toute la mesure du possible, des conflits de normes à l'intérieur de la Constitution.

­

L'interprétation conforme au droit international, selon laquelle les normes impératives du droit international priment la Constitution; les autres normes du droit international doivent être «respectées» («beachten», art. 5, al. 4, Cst.). Tous les organes de l'Etat sont donc tenus, dans le cadre de leur activité normative ou d'application du droit, d'interpréter les normes constitutionnelles ­ dans la mesure où cela est nécessaire et possible ­ de manière conforme au droit international.

Proportionnalité Le principe de proportionnalité revêt une importance particulière pour l'interprétation de normes constitutionnelles. Dans la Constitution, il est défini expressément à l'art. 5, al. 2, comme un «principe de l'activité de l'Etat régi par le droit», tandis que l'art. 36, al. 3, en fait une condition à la «restriction des droits fondamentaux». Le principe de proportionnalité est une idée directrice que l'on retrouve en filigrane dans tout l'ordre juridique; en droit pénal, une attention particulière doit lui être prêtée au moment d'ordonner une mesure et lorsque des sanctions sont infligées, le principe de proportionnalité est consubstantiel au principe de la faute.

Conformément à la doctrine, le Tribunal fédéral voit dans le principe de proportionnalité un principe fondamental pertinent pour tous les domaines du droit public, qui doit dès lors régir le droit administratif dans son ensemble et guider aussi bien l'application du droit que l'activité législative19. La doctrine et la pratique sont aussi unanimes quant à la fonction du principe de proportionnalité: «Le principe de proportionnalité a pour but de protéger les citoyens contre des atteintes de l'Etat disproportionnées, [...].»20. Le principe de proportionnalité guidant tous les aspects de l'activité de l'Etat, il déploie aussi ses effets dans l'interprétation des normes constitutionnelles (interprétation harmonisante et interprétation conforme au droit international).

18 19 20

Rhinow/Schefer 2009, no 524, 529; Hangartner 2011, p. 473; ATF 2C_828/2011 du 12 octobre 2012, consid. 4.2.2.

ATF 96 I 234, consid. 5 ATF 102 Ia 234, consid. 5c. Cf. également message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 133.

5381

Relation entre droit international et initiatives populaires21 Selon l'art. 195 Cst., une initiative populaire entre en vigueur dès que le peuple et les cantons l'ont acceptée. Elle devient donc, dès ce moment, du droit constitutionnel valable, que les autorités doivent mettre en oeuvre en en respectant l'esprit.

Seules les initiatives contraires aux règles impératives du droit international doivent être invalidées par l'Assemblée fédérale et ne sont donc pas soumises au peuple et aux cantons. Celles qui violent d'autres règles du droit international sont valables et doivent être appliquées du moment qu'elles ont été acceptées par le peuple et les cantons (art. 139, al. 3, 193, al. 4, et 194, al. 2, Cst.).

L'art. 5, al. 4, Cst., oblige la Suisse à respecter le droit international. Dans sa jurisprudence constante, le Tribunal fédéral confirme que la Suisse est liée par le droit international22. Les normes constitutionnelles contraires au droit international devraient représenter une exception de durée limitée, au nom de la Constitution ellemême, mais aussi des intérêts de politique extérieure de la Suisse et de l'importance du droit international pour la coexistence pacifique des Etats. Cela signifie que si une initiative populaire contraire au droit international venait à être acceptée, il faudrait renégocier, lorsque c'est possible, ou éventuellement dénoncer les engagements internationaux concernés. Qu'en est-il alors des traités non dénonçables ou des engagements auxquels la Suisse ne veut pas renoncer pour des raisons politiques ou économiques? Il peut dans ce cas s'ensuivre une violation du droit international.

Si le traité concerné dispose d'un mécanisme de contrôle, la Suisse s'expose à une condamnation par un organe international. Dans le cas de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)23, un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH) constatant une violation de la CEDH doit être mis en oeuvre; l'exécution de l'arrêt par l'Etat concerné est surveillée par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe.

D'après la pratique constante du Comité des Ministres, les mesures à prendre ne se limitent pas à celles visant à résoudre le cas d'espèce. L'Etat doit également prendre des mesures à caractère général afin
d'éviter que le même type de violation de la Convention ne se répète.

Si une initiative contraire aux dispositions non impératives du droit international est acceptée, les autorités s'efforceront de la mettre en oeuvre conformément au droit international. Dans ce contexte, il n'est pas toujours facile de décider à partir de quel point une mise en oeuvre conforme n'est plus justifiable, si bien qu'il faut envisager la renégociation ou la dénonciation du traité, ou encore la violation des obligations internationales de la Suisse. Si les autorités choisissent la voie de la mise en oeuvre conforme au droit international, elles ne pourront peut-être pas concrétiser l'ensemble des objectifs poursuivis par l'initiative et risquent de décevoir les attentes des citoyens ayant voté en faveur de cette dernière.

21

22

23

Rapport du Conseil fédéral sur la relation entre droit international et droit interne, ch. 9.6; Rapport additionnel du 30 mars 2011 du Conseil fédéral au rapport du 5 mars 2010 sur la relation entre droit international et droit interne, ch. 2.1, FF 2011 3401.

Arrêts du Tribunal fédéral 2C_828/2011 du 12 octobre 2012, consid. 5.1, et 2C_743/2011 du 19 septembre 2012, consid. 5.1; ATF 135 II 243, consid. 3.1; 125 II 417, consid 4d; 136 II 241, consid. 16.1; 122 II 485, consid. 3a.

RS 0.101

5382

1.1.3

Eléments de l'art. 121, al. 3 à 6, Cst.

Conditions Les conditions entraînant les conséquences juridiques prévues dans les dispositions constitutionnelles en question sont les suivantes: ­

condamnation par un jugement entré en force pour certaines infractions déterminées (al. 3, let. a);

­

perception abusive de prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale (al. 3, let. b).

Infractions devant entraîner l'expulsion: Les infractions pénales mentionnées à l'art. 121, al. 3, let. a, Cst. peuvent être regroupées de la manière suivante24: ­

infractions ayant une correspondance directe dans le code pénal (CP)25: ­ homicide intentionnel (art. 111 ss CP); ­ viol (art. 190 CP); ­ brigandage (art. 140 CP); et ­ traite d'êtres humains (art. 182 CP).

­

faits constitutifs d'infractions se rattachant à une ou plusieurs dispositions pénales existantes: ­ trafic de drogue: cf. art. 19 ss de la loi du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants (LStup)26; ­ effraction: cf. en particulier les art. 139 CP (vol), 144 CP (dommages à la propriété) et 186 CP (violation de domicile).

­

catégories d'infractions relativement ouvertes: ­ autres délits sexuels graves et ­ actes de violence d'une autre nature.

Les infractions ayant une correspondance directe dans le CP doivent être converties en normes légales et précisées. L'homicide intentionnel devrait notamment inclure les faits constitutifs du meurtre, de l'assassinat et du meurtre passionnel (cf. art. 111 à 113 CP).

Les infractions se rattachant à une ou plusieurs dispositions pénales existantes doivent également être précisées: la concrétisation du trafic de drogue comme motif d'expulsion pourrait s'appuyer sur les normes pénales de la LStup. La disposition sur le vol avec effraction pourrait se référer aux normes existantes du CP.

24

25 26

Rapport du 21 juin 2011 du groupe de travail pour la mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles sur l'expulsion des étrangers criminels à l'intention du Département fédéral de justice et police, consultable sous: www.ejpd.admin.ch > Thèmes > Criminalité > Mise en oeuvre de l'initiative sur le renvoi > Rapport, p. 31.

RS 311.0 RS 812.121

5383

Le législateur doit ensuite préciser les infractions formulées de manière relativement ouverte: Selon l'art. 121, al. 3, let. a, Cst., ne sont à inscrire dans la loi comme motif d'expulsion que les infractions à l'intégrité sexuelle qui sont de gravité comparable au viol. Une description plus précise de la notion d'«autre délit sexuel grave» pourrait s'inspirer du cinquième titre du deuxième livre du CP (art. 187 à 200 CP).

La notion d'«acte de violence» est difficile à cerner. Elle ne peut guère être circonscrite par des éléments constitutifs d'infractions pénales car il n'existe pas, dans le code pénal, un délit de «violence» à proprement parler. La comparaison établie dans le texte constitutionnel avec le brigandage permet de supposer que sont principalement visées des infractions comprenant l'usage de violence contre la vie et l'intégrité corporelle et qui sont comparables, de par leur degré d'illicéité et leur gravité, aux faits constitutifs de l'art. 140 CP.

Perception abusive de prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale: Le texte constitutionnel ne précise pas si une condamnation entrée en force est nécessaire à la réalisation des conditions, laissant au législateur la latitude de décider si les faits constitutifs de l'abus doivent donner lieu à une sanction administrative ou à une sanction pénale. On ne saurait toutefois en conclure que la perception abusive de prestations sociales qui a été constatée par une autorité mais n'a pas encore fait l'objet d'une décision entrée en force, réunit les éléments constitutifs d'une infraction entraînant l'expulsion. Si l'intention était de renoncer sur ce point à la protection juridique, elle aurait dû être formulée explicitement dans la norme constitutionnelle.

Conséquences juridiques Les conséquences juridiques de la réalisation des faits constitutifs sont les suivantes: ­

privation du titre de séjour (al. 3, phrase introductive);

­

privation de tous les droits à séjourner en Suisse (al. 3, phrase introductive);

­

expulsion du pays (al. 5);

­

interdiction d'entrer sur le territoire d'une durée de cinq à quinze ans, et de 20 ans en cas de récidive (al. 5);

­

punissabilité en cas de non-respect de l'interdiction d'entrer sur le territoire (al. 6).

«Titre de séjour»: Le «titre de séjour» atteste du droit donné à un étranger en application des art. 32 ss de la LEtr de séjourner en Suisse. Les différents titres de séjour existants sont les suivants: ­

autorisation de séjour (permis B; art. 33 LEtr);

­

autorisation d'établissement (permis C; art. 34 LEtr);

­

autorisation de courte durée (permis L; art. 32 LEtr);

­

autorisation frontalière (permis G; art. 35 LEtr);

­

statut des personnes admises à titre provisoire (permis F; art. 41, al. 2 et art. 83 ss LEtr);

5384

­

requérants d'asile (permis N; art. 42 s. de la loi du 26 juin 1998 sur l'asile [LAsi]27).

Les permis F et N ne sont pas des autorisations relevant du droit des étrangers. Ils ne font qu'attester un droit de se trouver en Suisse28.

Le texte de la Constitution prévoit encore que les étrangers concernés sont privés «de tous leurs droits à séjourner en Suisse». Cette formulation recouvre les cas d'une personne étrangère qui, en vertu d'un traité international ou de la loi, satisferait aux critères d'octroi d'une autorisation de séjour ­ ou de sa prolongation ou de sa transformation en un statut plus durable ­ mais pour laquelle une décision formelle n'a pas encore été rendue. On peut penser par exemple au cas d'une personne qui remplirait les conditions prévues à l'art. 42, al. 2, LEtr (droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa validité pour les membres de la famille d'un ressortissant suisse), mais dont l'autorisation de séjour n'a pas encore fait l'objet d'une décision. Si cette personne était condamnée pour meurtre par un jugement entré en force, elle perdrait son droit à séjourner en Suisse en vertu de l'art. 42, al. 2, LEtr.

«Expulsion»: Sur le plan constitutionnel, l'art. 25, al. 1, et l'art. 121, al. 2, Cst. contiennent tous deux le terme d'expulsion. Ce terme signifie que l'Etat impose de manière contraignante à une personne (sous menace d'exécution sous contrainte) de quitter le territoire. L'expulsion est généralement complétée par une interdiction de retour29.

Outre la révocation des autorisations, la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE), restée en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007, prévoyait expressément l'expulsion d'étrangers (art. 10 LSEE). Cette expulsion concernait des étrangers établis. Par souci de systématisation et de simplification, cette expulsion a été remplacée par la révocation de l'autorisation d'établissement, prévue à l'art. 63 LEtr, lors de l'entrée en vigueur de la LEtr. Au niveau de la loi, le terme expulsion n'est plus utilisé aujourd'hui qu'en relation avec les expulsions pour raisons de sécurité intérieure et extérieure (cf. art. 68 LEtr).

Dans la LEtr, en revanche, une «expulsion» prononcée faute de titre de séjour, au sens du terme allemand «Wegweisung», est qualifiée de «renvoi» (cf. art. 64, al. 1, LEtr). Contrairement à la nouvelle forme d'expulsion qu'il est proposé
d'inscrire dans le code pénal, l'expulsion au sens de la LEtr est une mesure qui a une valeur administrative et répond à d'autres critères. Si la personne expulsée n'obéit pas de son propre gré à son devoir de quitter la Suisse, l'exécution a lieu sous contrainte, c'est-à-dire que l'étranger est renvoyé30. Le renvoi (ou «refoulement», «Rückschiebung») signifie donc l'exécution sous contrainte d'une expulsion. Au niveau de la loi, le «renvoi ou l'expulsion» (qui correspondent au terme allemand «Ausschaffung») sont traités aux art. 69 ss LEtr.

Sur la base de ces notions, la question de savoir si une personne étrangère doit quitter la Suisse touche trois niveaux:

27 28 29 30

RS 142.31 Spescha/Kerland/Bolzli 2010, p. 117, 310.

Cf. message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 1, 137, 172; Reich 2008, p. 513.

Rhinow/Schefer 2009, n 1766; Reich 2008, p. 513.

5385

­

la perte du droit de séjour (accordé par une autorisation),

­

l'obligation matérielle de quitter le pays (décision de renvoi), et

­

l'exécution du renvoi (expulsion).

«Interdiction d'entrée»: Le droit en vigueur prévoit la possibilité pour les autorités de prononcer, à certaines conditions, une interdiction d'entrer sur le territoire en vertu de l'art. 67 LEtr. De plus, l'art. 68, al. 3, LEtr lie l'expulsion d'un étranger pour maintenir la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse à une interdiction d'entrée. Cette dernière n'a pas de caractère pénal; il s'agit d'une simple mesure (de droit administratif) visant à maintenir éloigné l'étranger dont la présence en Suisse est indésirable; il lui est dès lors interdit d'entrer légalement en Suisse. Les interdictions d'entrée prononcées par l'Office fédéral des migrations (ODM) sur la base de l'art. 67, al. 1 et 2, LEtr le sont généralement pour une durée maximale de cinq ans, conformément au droit en vigueur; en cas de menace grave pour la sécurité et l'ordre publics, l'interdiction d'entrée peut être prononcée «pour une plus longue durée» (art. 67, al. 3, LEtr). Les interdictions d'entrée prononcées par l'Office fédéral de la police pour cause de menace à la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse peuvent être d'une durée supérieure à cinq ans et même, dans des cas graves, d'une durée illimitée (cf. art. 67, al. 4, et 68, al. 3, LEtr).

L'art. 121, al. 5, Cst. prévoit comme conséquence juridique une «interdiction d'entrer sur le territoire» allant de cinq à quinze ans, et de 20 ans en cas de récidive.

Le législateur peut ainsi inscrire dans la loi, en application du principe de proportionnalité, des critères permettant de fixer la durée de l'interdiction d'entrée dans chaque cas, en respectant la fourchette donnée. La loi peut cependant aussi laisser à l'autorité chargée de son application le soin de fixer la durée de l'interdiction d'entrée au cas par cas, en faisant usage de son pouvoir d'appréciation.

1.1.4

Mandat législatif

Le législateur a cinq ans, à compter de l'acceptation du nouvel article constitutionnel, pour édicter une législation d'exécution qui complète et précise la norme constitutionnelle (art. 197, ch. 8, Cst.). Ce mandat comporte trois volets: ­

Préciser les faits constitutifs des infractions visées à l'al. 3 (al. 4, 1re phrase).

Il s'agit notamment de définir dans la loi quelles formes de trafic de drogue et d'effraction, quels «autres délits sexuels graves», en plus du viol, et quels «actes de violence d'une autre nature tels que le brigandage» entraîneront les conséquences juridiques prévues dans la Constitution. Il s'agit par ailleurs de définir quels comportements permettent de conclure à la perception abusive de prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale au sens de l'al. 3, let. b.

­

Compléter les faits constitutifs des infractions visées à l'al. 3 par d'autres faits constitutifs; la nécessité de compléter les faits constitutifs est laissée à l'appréciation du législateur (al. 4, 2e phrase).

­

Edicter des dispositions pénales applicables aux étrangers qui contreviennent à l'interdiction d'entrer sur le territoire ou qui y entrent illégalement de quelque manière que ce soit (al. 6, 2e phrase).

5386

1.1.5

Les options examinées

Solutions proposées par le groupe de travail mis en place par le DFJP Par décision du 22 décembre 2010, le chef du Département fédéral de justice et police (DFJP) a institué un groupe de travail chargé d'étudier la mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles sur le renvoi des étrangers criminels. Composé de représentants du comité d'initiative, de spécialistes externes et de collaborateurs de l'administration fédérale31, ce groupe de travail avait pour mandat de présenter un rapport contenant des propositions de mise en oeuvre, au niveau de la loi, des nouvelles dispositions constitutionnelles et passant en revue les effets juridiques de ces propositions. Son rapport du 21 juin 2011 à l'intention du DFJP (rapport du groupe de travail) détaillait quatre variantes de mise en oeuvre.

Une de ces variantes (la variante 1) avait été proposée par les représentants du comité d'initiative (voir ci-après). La majorité du groupe de travail a toutefois estimé que cette variante était contraire aux principes fondamentaux du droit constitutionnel et qu'elle était incompatible avec la pratique usuelle de la Suisse selon laquelle les dispositions constitutionnelles doivent être interprétées de manière conforme au droit international.

La majorité du groupe de travail a proposé, de son côté, trois variantes de mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles: deux de ces variantes prévoyaient une mise en oeuvre des nouvelles dispositions dans le code pénal (variantes 2 et 3)32, la troisième proposait une mise en oeuvre dans la LEtr (variante 4)33.

Outre une liste d'infractions, se limitant autant que possible à des infractions graves, les trois variantes soutenues par la majorité du groupe de travail prévoyaient comme condition de l'expulsion (ou du retrait des autorisations de séjour) une peine privative de liberté de six mois au moins ou une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins. Il faut relever que l'expulsion ou la révocation obligatoire des autorisations de séjour était en outre explicitement exclue en l'absence d'une menace réelle et suffisamment grave à l'ordre public au sens de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP)34 et de la
Convention du 4 janvier 1960 instituant l'Association européenne de Libre-Echange (AELE)35, 36.

Un élément central des variantes proposées par la majorité du groupe de travail concernait, enfin, la possibilité de reporter l'exécution d'une expulsion ordonnée (ou d'ordonner une admission provisoire). L'exécution du renvoi pouvait également être 31

32 33 34 35 36

Présidence: professeur Heinrich Koller; pour le comité d'initiative: Manuel Brandenberg et Gregor Rutz; pour la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP): Roger Schneeberger; pour la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS): Margrith Hanselmann; pour l'Office fédéral des migrations (ODM): Albrecht Dieffenbacher; pour l'Office fédéral de la justice (OFJ): Ridha Fraoua.

Variante 2: art. 73a ss AP-CP; variante 3: art. 67c ss AP-CP; rapport du groupe de travail, p. 128 ss.

Art. 62 ss AP-LEtr, rapport du groupe de travail, p. 134 ss.

RS 0.142.112.681 RS 0.632.31 Art. 73c AP-CP (variante 2), art. 67d, al. 1, AP-CP (variante 3), art. 63b AP-LEtr (variante 4), rapport du groupe de travail, p. 128 ss.

5387

suspendue si elle contrevenait à l'interdiction du refoulement selon l'art. 25, al. 2 et 3, Cst., si elle était impossible (pour des raisons sur lesquelles la personne concernée n'a aucune influence, par ex. le refus des autorités de l'Etat d'origine d'établir des documents de voyage) ou si elle ne pouvait être raisonnablement exigée (à cause d'une guerre, d'une guerre civile, d'une situation de violence générale, d'une situation d'urgence médicale ou de motifs personnels graves). Lorsque l'expulsion ne pouvait être raisonnablement exigée en raison de «motifs personnels graves», l'autorité d'exécution était invitée à tenir compte des prescriptions de la CEDH, du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte II de l'ONU)37 et de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant38.

Projet mis en consultation par le Conseil fédéral Le 23 mai 2012, le Conseil fédéral a mis en consultation le rapport explicatif et les avant-projets de modification du code pénal et du code pénal militaire du 13 juin 1927 (CPM)39 (mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles sur le renvoi des étrangers criminels; art. 121, al. 3 à 6, Cst.)40. La consultation a pris fin le 30 septembre 2012.

Les deux avant-projets (variantes 1 et 2) se fondaient sur les propositions du groupe de travail mandaté par le DFJP. Tous deux prévoyaient la création d'une nouvelle forme d'expulsion dans le CP.

La variante 1, qui a la préférence du Conseil fédéral, repose sur les propositions d'une majorité des membres du groupe de travail. Elle tient compte autant que possible des principes constitutionnels et des droits de l'homme garantis par le droit international. Le caractère automatique de l'expulsion implique toutefois certaines entorses à ces principes et droits. La liste des infractions qui donnera normalement lieu à une expulsion comprend, outre celles figurant explicitement à l'article constitutionnel, les formes graves de délit sexuel, d'acte de violence et de crime contre le patrimoine. Les seules exceptions possibles concernent les situations où l'expulsion ne peut être raisonnablement exigée parce qu'elle porterait gravement atteinte à des droits personnels du condamné qui sont garantis par le droit international en matière de droits de l'homme. Si la peine
prononcée ne dépasse pas six mois, une expulsion ne peut être ordonnée que si les intérêts publics à l'expulsion l'emportent sur l'intérêt de l'étranger à demeurer en Suisse.

La variante 1 tient compte autant que possible du droit international, et en particulier de la CEDH et de la convention relative aux droits de l'enfant. Il n'a pas été possible de concilier entièrement la mise en oeuvre du nouvel article constitutionnel, qui rend l'expulsion automatique pour certaines infractions, avec les exigences de l'ALCP.

La liste des infractions retenues et l'instauration d'une peine minimale permettent toutefois de limiter les sources de conflit.

La variante 2, qui reprend la solution proposée par les représentants du comité d'initiative au sein du groupe de travail, prévoit une liste relativement longue d'infractions. Des infractions mineures et des crimes graves s'y côtoient, de sorte que l'expulsion serait également prononcée dans des cas de peu de gravité. L'accent 37 38 39 40

RS 0.103.2.

RS 0.107.

RS 321.0.

Les avant-projets et le rapport explicatif peuvent être consultés sous: www.ejpd.admin.ch > Thèmes > Criminalité > Législation > Renvoi.

5388

est mis sur la nature de l'infraction, et non sur sa gravité. Cette variante ne prévoit donc pas de peine minimale.

La variante 2 part du principe que les nouvelles normes constitutionnelles ont la primauté sur les dispositions constitutionnelles antérieures et sur les dispositions non impératives du droit international, en particulier sur les droits de l'homme garantis par ce dernier et sur l'ALCP. A l'exception du principe de non-refoulement, cette variante ne tient compte ni des exigences de la CEDH, ni de celles de la convention relative aux droits de l'enfant. Par ailleurs, elle est nettement moins conforme à l'ALCP que la variante 1.

1.1.6

Les résultats de la consultation

La procédure de consultation a donné lieu à 85 avis41. Sur les 127 destinataires priés de se prononcer, 74 ont réagi, parmi lesquels 6 ont indiqué renoncer à prendre position. 11 avis émanaient de personnes ou organes ayant pris part spontanément à la procédure de consultation.

Appréciation générale Une majorité des participants soutient la variante 1, tout en exprimant parfois des réserves majeures (20 cantons, 4 partis, 24 organisations). La variante 1 est vue par beaucoup comme une solution de compromis entre l'expulsion automatique visée par le nouvel article constitutionnel, les principes constitutionnels et le droit international. Bon nombre de participants ne la soutiennent toutefois qu'à contrecoeur, considérant que la variante 2 ne constitue pas une alternative crédible.

Seule une minorité de participants soutient la variante 2 (4 cantons, 2 partis, 1 organisation). Elle considère primordiale la mise en oeuvre de la volonté populaire et le respect du texte de l'initiative, et estime que les nouvelles dispositions constitutionnelles prévalent sur le droit constitutionnel antérieur et sur les règles non impératives du droit international.

Une forte minorité de participants rejette les deux variantes (1 canton, 1 parti et 16 organisations). Les principales critiques concernent l'impossibilité d'une mise en oeuvre conforme à la constitution et au droit international. La violation du principe de la proportionnalité est souvent évoquée. En outre, aucune des variantes n'est (entièrement) compatible avec la CEDH, le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte II de l'ONU), la convention relative aux droits de l'enfant et l'ALCP. Des réserves sont aussi exprimées concernant leur compatibilité avec la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés42 et avec le principe de non-refoulement.

41

42

Ont pris position 25 cantons, 9 partis, 2 organisations faîtières des communes et des villes, 6 organisations faîtières de l'économie, le Ministère public de la Confédération, 40 organisations et institutions et 2 particuliers.

RS 0.142.30

5389

Les grandes orientations du projet Une majorité des participants considère que la variante 1 permet de mettre en oeuvre les nouvelles dispositions constitutionnelles. Les avis divergent quant à savoir s'il faut être plutôt fidèle au texte de la nouvelle norme constitutionnelle ou aux principes constitutionnels régissant l'action de l'Etat de droit et au droit international: Une petite majorité des participants (16 cantons, 2 partis et 14 organisations) jugent la variante 1 convenable du point de vue du respect des principes constitutionnels et du droit international, soit qu'ils estiment qu'elle ne viole pas de disposition importante de la Constitution ou du droit international, soit qu'ils admettent certaines entorses à ces dispositions comme rançon du compromis obtenu.

Un groupe de taille à peu près identique (demande soit une meilleure prise en compte de la Constitution et du droit international (droits de l'homme garantis par le droit international et/ou ALCP; 2 cantons, 1 parti et 10 organisations), soit le respect plein et entier de ces normes (1 canton, 1 parti et 16 organisations).

Une minorité politiquement significative souhaiterait qu'on durcisse la variante 1 (3 cantons et 1 parti) ou qu'on mette en oeuvre la variante 2 (4 cantons, 2 partis et 1 organisation) pour mieux tenir compte du texte de la nouvelle norme constitutionnelle.

Nous renvoyons à la synthèse des résultats de la consultation pour les critiques détaillées relatives à chaque variante43.

1.2

Le dispositif proposé

1.2.1

Introduction

S'appuyant sur les résultats de la consultation, le Conseil fédéral propose une réglementation fondée pour l'essentiel sur la variante 1, qui constitue un compromis entre, d'une part, l'expulsion automatique visée et, d'autre part, les dispositions constitutionnelles et le droit international en vigueur. Le gouvernement renonce à aller plus loin dans la prise en compte des principes constitutionnels et des règles de droit international, sans pour autant restreindre plus avant leur application, comme le réclame la variante 2.

Il a toutefois complété la liste des infractions sur plusieurs points touchant aux domaines des contributions de droit public et s'est penché sur le traitement à appliquer aux personnes dont l'expulsion ne peut pas être exécutée (voir plus loin les ch. 1.2.5 et 1.2.10).

43

Rapport et avant-projets relatifs à une révision du code pénal et du code pénal militaire (mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles sur le renvoi des étrangers criminels; art. 121, al. 3 à 6, Cst.), Synthèse des résultats de la consultation du 19 novembre 2012, consultable sous: www.admin.ch > Documentation > Législation > La procédure de consultation > Procédures de consultation et d'audition terminées.

5390

1.2.2

Relation avec le droit international et le droit constitutionnel

Dans son message concernant l'initiative sur le renvoi, le Conseil fédéral relevait qu'en cas d'acceptation de l'initiative populaire, outre des conflits majeurs avec des garanties de l'Etat de droit inscrites dans la Constitution, «d'importantes dispositions du droit international public non impératif ne pourraient plus être respectées, par exemple certaines clauses de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et de l'Accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l'Union européenne». Cette approche était motivée en détail dans le message et illustrée par une analyse de la CEDH, du Pacte II de l'ONU, de la Convention relative aux droits de l'enfant et de l'ALCP44. Elle s'appuie sur le principe de l'égalité des normes constitutionnelles, et non sur celui de la primauté du droit constitutionnel le plus récent.

De nombreux participants à la consultation ont estimé qu'il était impossible de respecter pleinement à la fois la volonté populaire telle qu'elle ressort de l'article constitutionnel adopté et les principes fondamentaux et les engagements internationaux de la Suisse45.

Plusieurs postulent une équivalence des normes constitutionnelles: même si les nouvelles normes ont été acceptés par le peuple, leur mise en oeuvre doit se faire autant que possible en tenant compte des normes internationales et du principe de la proportionnalité. De nombreux participants à la consultation sont d'avis que la mise en oeuvre du texte voté doit respecter pleinement les principes constitutionnels fondamentaux et les obligations découlant du droit international. L'art. 5, al. 4, Cst.

prévoit que la Confédération et les cantons respectent le droit international. Par ailleurs, le Tribunal fédéral a confirmé la primauté du droit international sur le droit national, au moins lorsque des droits de l'homme garantis par le droit international sont concernés46.

A l'inverse, seuls quelques participants estiment que les normes législatives qui mettent en oeuvre des dispositions constitutionnelles qui ne sont pas directement applicables prévalent sur le droit international antérieur. L'art. 5, al. 4, Cst. ne permet pas selon eux de déroger à ce principe. De leur point de vue, la légitimité d'une disposition constitutionnelle est bien plus grande que celle du droit international non impératif. Tout
Etat a en principe le droit d'enfreindre des dispositions non impératives du droit international; la seule conséquence est qu'il doit en assumer la responsabilité vis-à-vis des autres parties, qui sont libres de réagir selon les modalités prévues47.

La réglementation proposée par le Conseil fédéral pour mettre en oeuvre les nouvelles dispositions constitutionnelles se fonde sur les éléments suivants: Les nouvelles dispositions constitutionnelles ne sont pas rédigées avec une précision telle que l'on puisse se fonder sur le seul libellé de l'art. 121, al. 3, Cst. La portée de ces nouvelles normes donnait d'ailleurs lieu à contestation avant même la votation.

Il faut tenir compte de ce que l'art. 121, al. 4, Cst. (de même que l'art. 198, ch. 7, des dispositions transitoires) charge le législateur de préciser les faits constitutifs des 44 45 46 47

Message concernant l'initiative sur le renvoi, FF 2009 4571, 4580 ss.

Synthèse des résultats de la consultation, p. 8.

Synthèse des résultats de la consultation, p. 8 s.

Synthèse des résultats de la consultation, p. 9 s.

5391

infractions visées à l'art. 121, al. 3, Cst. Le constituant lui a donc volontairement laissé une certaine marge de manoeuvre.

Le projet de mise en oeuvre du Conseil fédéral tient compte de la genèse et du but des nouvelles dispositions constitutionnelles. Comparée au régime en vigueur en matière d'exécution des renvois et des expulsions, elle prévoit un net durcissement de la pratique concernant l'expulsion des étrangers criminels. Même si elle ne satisfait pas entièrement à l'objectif de l'«automatisme de l'expulsion» visé par l'initiative, la réglementation proposée tient compte, autant que possible, des principes constitutionnels fondamentaux et des garanties des droits de l'homme inscrites dans le droit international48.

Selon l'art. 5, al. 2, Cst., l'activité de l'Etat doit être proportionnée au but visé. Le projet s'appuie sur le postulat que les nouvelles normes constitutionnelles tiennent déjà compte, dans une large mesure, du principe de la proportionnalité, notamment en ce qui concerne les aspects de l'adéquation et de la nécessité. En revanche, ils n'intègrent pas l'aspect de la proportionnalité au sens strict, c'est-à-dire le rapport entre le but poursuivi et les moyens mis en oeuvre. Il faut comprendre par là le rapport entre le but concret de l'atteinte (intérêt public) et son effet concret (atteinte subie par le particulier). Une mesure n'est pas proportionnée au sens strict lorsque l'atteinte qu'elle représente pour la situation juridique de la personne concernée est excessive au regard de l'importance de l'intérêt public visé49. L'art. 121, al. 3 à 6, Cst. n'interdit pas expressément que l'on tienne compte de ce dernier aspect. Selon les principes de l'interprétation harmonisante, il est même impératif de l'inclure tant dans l'élaboration que dans l'application du droit.

L'art. 121, al. 3 à 6, Cst. n'interdit pas de reporter l'expulsion durant la phase d'exécution. C'est le cas lorsque le droit international impératif le prescrit (principe du non-refoulement) ou que l'exécution de l'expulsion est impossible sur le plan pratique (p. ex. parce que la personne ne possède pas de documents d'identité).

Le conflit de normes entre le nouveau droit constitutionnel et le droit international non impératif doit être résolu en appliquant par analogie la «jurisprudence Schubert» développée
par le Tribunal fédéral et précisée ultérieurement par la «jurisprudence PKK»50. De manière générale, la jurisprudence part de la primauté du droit international. Selon la «jurisprudence Schubert», seul est réservé le cas où l'Assemblée fédérale, en édictant une loi, s'accommodait en toute connaissance de cause d'une dérogation à des dispositions non impératives du droit international51. Toutefois, une telle dérogation ne s'applique pas en cas de violation des droits de l'homme garantis par le droit international52.

48

49 50 51 52

Cf. Hangartner 2011, p. 473 ss, qui considère que les auteurs d'une initiative dérogeant de manière importante à un principe de base du droit constitutionnel et à des obligations correspondantes de droit international (par ex. au principe de proportionnalité et la nécessité qui en découle d'examiner chaque cas individuellement) devraient inclure une réserve explicite dans le texte de leur initiative.

Cf. Tschannen/Zimmerli/Müller 2009, § 21, no 16.

Cf. FF 2011 3401, Rapport additionnel sur la relation entre droit international et droit interne, ch. 5.2 et 5.3 Cf. rapport du groupe de travail, p. 118 Cf. les considérants (notamment le consid. 5.1) du Tribunal fédéral relatifs à l'arrêt 2C_828/2011 du 12 octobre 2012.

5392

En l'espèce, cela signifie que la législation d'exécution doit respecter les garanties des droits de l'homme inscrites dans le droit international. Elle doit en particulier être conçue de telle sorte que les autorités compétentes procèdent à un examen du cas et s'assurent de la proportionnalité de la mesure dans tous les cas d'expulsion posant un problème au regard du bien protégé par l'art. 8 CEDH, l'art. 17 du Pacte II de l'ONU et les art. 3, 9 et 10, al. 2 de la convention relative aux droits de l'enfant.

En cas d'infractions dépassant un certain seuil de gravité, on ne pourra renoncer à une expulsion que s'il en résulterait pour la personne concernée une atteinte grave à ses droits personnels. Certains participants à la procédure de consultation ont critiqué cette restriction, en renvoyant à la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la CourEDH53. Elle constitue toutefois un élément clé de la solution retenue pour concilier l'expulsion automatique avec le droit international.

Au demeurant, le projet prévoit que les nouvelles normes constitutionnelles priment les dispositions contraires du droit international. Cette primauté se vérifie notamment en lien avec l'ALCP et la Convention AELE. Si ces deux accords internationaux demandent aussi, pour l'essentiel, un examen de la proportionnalité, à l'instar de ce qui est prévu par l'art. 8 CEDH, ils disposent en outre que la personne doit constituer, tant au moment de la condamnation pénale qu'au moment de l'exécution de l'expulsion, une menace actuelle et suffisamment grave pour l'ordre, la sécurité et la santé publics. Or il n'est pas possible de tenir compte de ces exigences sans contrevenir aux nouvelles normes constitutionnelles, qui représentent un durcissement par rapport aux réglementations en vigueur.

La solution retenue au final recèle donc un potentiel de conflit avec la CEDH, le Pacte II de l'ONU, la Convention relative aux droits de l'enfant, l'ALCP et la Convention AELE. Dans ce contexte, il convient de rappeler que la jurisprudence constante du Tribunal fédéral s'appuie sur le principe de la primauté du droit international54. Le Tribunal fédéral a expressément confirmé ce principe dans une récente décision du 12 octobre 2012. Dans ce jugement, il a expliqué en faisant référence à l'art. 190 Cst., que le Tribunal fédéral était également lié aux principes développés par la jurisprudence de la CourEDH dans le cadre de l'application de l'art. 121, al. 3 à 6, Cst.55.

1.2.3

Acte de destination des dispositions d'exécution

Une majorité des participants qui se sont exprimés à ce sujet plaident pour une mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles dans la LEtr, y voyant en grand nombre d'avantages56. Le Conseil fédéral a cependant prévu de rétablir l'expulsion judiciaire facultative dans le CP et le CPM (voir son message du 4 avril 2012 relatif à la modification du code pénal et du code pénal militaire ­ Réforme du

53 54 55 56

Cf. Synthèse des résultats de la consultation, p. 7 ss.

ATF 2C_743/2011 du 19 septembre 2012, consid. 5.1; ATF 135 II 243, consid. 3.1; 125 II 417, consid. 4d; 136 II 241, consid. 16.1; 122 II 485, consid. 3a.

ATF 2C_828/2011 du 12 octobre 2012, consid. 5.3.

Cf. Synthèse des résultats de la consultation, p. 11 ss. Voir aussi rapport explicatif concernant la révision du code pénal et du code pénal militaire (mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles sur le renvoi des étrangers criminels; art. 121, al. 3 à 6, Cst.), consultable sous www.ejpd.admin.ch > Thèmes > criminalité > Législation > Renvoi, ch. 1.4.3.

5393

droit des sanctions57). Par souci de cohérence, il souhaite faire de même avec l'expulsion automatique prévue à l'art. 121, al. 3 à 6, Cst.

1.2.4

Expulsion

L'inscription, dans le code pénal (et le code pénal militaire), sous les «autres mesures», d'une nouvelle disposition sur l'expulsion est proposée pour mettre en oeuvre les nouvelles normes constitutionnelles. L'expulsion englobe la perte du titre de séjour et de tous les droits à séjourner en Suisse (phrase introductive de l'art. 121, al. 3, Cst.), l'obligation de quitter le pays (expulsion proprement dite) et une interdiction d'entrer sur le territoire allant de 5 à 15 ans. En cas de récidive, l'interdiction est prononcée pour 20 ans (art. 121, al. 5, Cst.).

1.2.5

Liste d'infractions

L'art. 66a, al. 1, let. a à e, P-CP dresse la liste des infractions qui entraînent une expulsion. Cette liste concrétise en premier lieu les infractions et groupes d'infractions mentionnés à l'art. 121, al. 3, let. a, Cst. Plusieurs de ces infractions n'étant pas précisées en droit pénal, il convient de les définir (c'est le cas de «acte de violence», «trafic de drogue» et «effraction»; voir ch. 1.1.3). L'art. 121 prévoit à son al. 4 la possibilité pour le législateur de compléter la liste. C'est ce qu'il a fait, avec une grande retenue, en tenant compte du principe de la proportionnalité, et en n'ajoutant que les éléments nécessaires pour garantir la cohérence de l'ensemble. Outre les infractions expressément mentionnées dans la Constitution, la liste contient avant tout des crimes graves contre des biens juridiques déterminés (font exception les infractions en matière de contributions de droit public, voir plus bas). Elle est donc conforme aux buts du comité d'initiative, qui a souligné à plusieurs reprises dans la brochure explicative que son projet visait l'expulsion des étrangers ayant commis un «crime grave»58. La gravité des infractions se mesure à l'aune des infractions de viol et de brigandage expressément mentionnées dans les nouvelles dispositions constitutionnelles. L'art. 121, al. 3, let. b, Cst., prévoit que la perception abusive de prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale entraîne une expulsion. Il paraît donc cohérent d'inclure également d'autres infractions liées à la perception d'autres prestations de l'Etat ou au versement des contributions qui lui sont dues. A l'instar de l'abus de prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale, ces infractions doivent être qualifiées de légères, au vu des peines encourues (cf. ch. 2.1.1).

Une partie des participants à la consultation approuve la retenue avec laquelle la liste a été complétée. Soulignant la gravité d'une mesure comme l'expulsion, ils saluent le fait que la liste soit concise et ne comporte que des crimes graves. Un autre groupe relativement important critique à l'inverse le fait que la liste contient des infractions de diverse gravité, que l'on ne saurait mettre sur un pied d'égalité,

57 58

FF 2012 4385 Cf. Votation populaire du 28 novembre 2010, «Initiative populaire sur le renvoi» et contre-projet de l'Assemblée fédérale, «Initiative pour des impôts équitables», consultable sous www.parlement.ch > Elections et votes > Votations populaires > Explications du Conseil fédéral, p. 12 (Arguments du comité d'initiative).

5394

notamment pour des raisons de proportionnalité59. Le texte même de l'art. 121, al. 3, Cst. qui mentionne tant des infractions de peu de gravité que des crimes graves comme motifs d'expulsion, empêche qu'on tienne compte de ces objections. La liste d'infractions a par ailleurs été composée sur la base des réflexions suivantes:

59 60 61

­

Seules les infractions ci-après, qualifiées de crimes, sont intégrées dans la liste des infractions pour concrétiser la notion de «meurtre»: le meurtre (art. 111 CP), l'assassinat (art. 112 CP) et le meurtre passionnel (art. 113 CP).

­

Outre le viol (art. 190 CP), qui figure expressément dans les nouvelles normes constitutionnelles, la liste intègre comme «tout autre délit sexuel grave», la contrainte sexuelle (art. 189 CP), les actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP) et l'encouragement à la prostitution (art. 195 CP). Ces infractions sont passibles soit d'une peine privative de liberté minimale d'un an au moins, soit d'une peine privative de liberté maximale de dix ans au plus.

­

En plus du brigandage (art. 140 CP), qui est lui aussi mentionné expressément dans la Constitution, sont considérés comme des «actes de violence d'une autre nature» les crimes graves contre la vie et l'intégrité corporelle et la liberté, ainsi que les crimes créant un danger collectif passibles d'une peine minimale privative de liberté d'un an ou d'une peine maximale privative de liberté de dix ans ou plus.

­

En application de l'art. 121, al. 4, Cst., la liste des infractions est complétée par des infractions graves contre le patrimoine, pour autant qu'elles soient, là encore, passibles d'une peine privative de liberté minimale d'un an ou plus ou d'une peine privative de liberté maximale de dix ans ou plus. Les infractions telles qu'un abus de confiance qualifié (art. 138, ch. 2, CP), des actes de vol commis par métier ou en bande (art. 139, ch. 2 et 3, CP) des formes qualifiées de chantage et d'extorsion (art. 156, al. 2 à 4, CP) et des actes de recel commis par métier (art. 160, ch. 2, CP) justifient aussi une expulsion du territoire, au même titre, notamment, que le brigandage, le viol et l'escroquerie à une assurance sociale. Les participants à la consultation ont approuvé l'adjonction des délits économiques graves60.

­

L'obtention abusive de prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale au sens de l'art. 121, al. 3, let. b, Cst. est concrétisée par l'escroquerie selon l'art. 146 CP et une nouvelle infraction pénale (cf. art. 148a P-CP). Un grand nombre de participants à la consultation ont jugé cette nouvelle infraction inutile (voir le ch. 2.1.6). Plusieurs estiment que l'expulsion ne devrait s'appliquer qu'en cas d'escroquerie dans le domaine des assurances sociales ou de l'aide sociale61. S'appuyant sur le mandat que constitue l'art. 121, al. 3, let. b, Cst. le Conseil fédéral maintient parmi les infractions justifiant l'expulsion l'obtention illicite de prestations, qui ne remplit pas toutes les conditions de l'escroquerie.

Synthèse des résultats de la consultation, p. 14 ss.

Synthèse des résultats de la consultation, p. 15.

Synthèse des résultats de la consultation, p. 24.

5395

­

Si l'obtention abusive de prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale doit entraîner l'expulsion automatique, il apparaît logique que les infractions relatives aux contributions destinées à l'Etat produisent les mêmes effets juridiques. En vertu de l'art. 121, al. 4, Cst., le législateur propose donc d'ajouter à la liste selon l'avant-projet plusieurs formes d'escroquerie ainsi que les infractions en matière de contributions de droit public qui sont d'une certaine gravité (déterminée par la peine encourue). Plusieurs participants à la consultation ont suggéré d'y inclure notamment la fraude fiscale62.

­

Le trafic de drogue est concrétisé par l'infraction qualifiée à la loi sur les stupéfiants (art. 19, al. 2, LStup). De nombreux participants à la consultation ont approuvé cette définition du trafic de drogue. Seuls quelques-uns l'ont critiquée63.

­

L'effraction doit être définie comme une combinaison de la violation de domicile (art. 186 CP) et du vol (art. 139 CP). Certains participants à la consultation ont approuvé cette délimitation; plusieurs autres définitions ont été proposées (cf. ch. 2.1.1)64.

1.2.6

Précision de la notion de «condamnation»

L'art. 121, al. 3, let. a, Cst. impose d'expulser l'étranger qui a été condamné par un «jugement entré en force» pour l'une des infractions mentionnées (allemand: «rechtskräftig verurteilt», italien: «condannati con sentenza passata in giudicato»).

Le terme «condamnation» est opposé à celui d'«acquittement» et suppose que l'auteur de l'infraction l'a commise en enfreignant la loi et de manière coupable.

Selon la terminologie juridique, la condamnation est indépendante du prononcé d'une sanction65. Dans certaines situations, le juge qui prononce une condamnation renonce à infliger une peine (cf. p. ex. les art. 23 et 52 à 54 CP). Il n'en demeure pas moins que l'auteur est la plupart du temps «condamné» à une certaine peine (et donc «puni» de cette dernière). Dans le langage courant aussi, le terme «condamnation» est généralement associé à une peine66 et suppose donc qu'à la reconnaissance de la culpabilité vient s'ajouter une sanction67.

Le projet pose donc comme condition la condamnation de la personne étrangère à une peine. L'expulsion n'entre pas en ligne de compte lorsqu'aucune peine n'est 62 63 64 65

66

67

Synthèse des résultats de la consultation, p. 16.

Synthèse des résultats de la consultation, p. 16.

Synthèse des résultats de la consultation, p. 15.

Gruber 2007, art. 366 no 15 avec renvoi au message du 21 septembre 1998 concernant la modification du code pénal suisse (dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal) et du code pénal militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, FF 1999 1787.

Le Grand Robert définit le terme «condamner» de la sorte: «frapper (qqn) d'une peine, faire subir une punition à (qqn), par un jugement». Pour les définitions dans les autres langues officielles, voir le Deutsches Universalwörterbuch, Mannheim/Leipzig/Wien/ Zürich 2001, et le Dizionario della Lingua Italiana, Milano 2003.

Message du 10 octobre 2012 relative à l'initiative populaire «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants» et à la loi fédérale sur l'interdiction d'exercer une activité, l'interdiction de contact et l'interdiction géographique (modification du code pénal, du code pénal militaire et du droit pénal des mineurs) en tant que contre-projet indirect, FF 2012 8151, 8171 s.

5396

prononcée. Cette condition non seulement respecte la description donnée ci-dessus du terme «condamnation», elle est imposée par le principe de la proportionnalité.

L'expulsion pour une durée de cinq à quinze ans constitue une grave sanction, que le tribunal ne doit pouvoir ordonner que s'il juge l'infraction d'une gravité telle qu'elle doit entraîner une condamnation. Dans son libellé, l'art. 121, al. 3, let. a, Cst. ne règle pas toutes les conditions d'une «condamnation» ou du prononcé d'une sanction. Il laisse au législateur la possibilité de préciser ces conditions et en particulier de prévoir une peine minimale. C'est pourquoi l'expulsion ne doit être contraignante que si l'auteur étranger a été condamné à une peine de six mois au minimum (voir le ch. 1.2.7).

Si l'auteur n'agit pas de manière coupable, il est acquitté. S'il est déclaré irresponsable (cf. art. 19, al. 1, CP), une mesure peut être ordonnée à son encontre. En l'espèce, il n'est pas nécessaire de déterminer si une interprétation large, conforme à la Constitution, de la notion de «condamnation» permettrait de prononcer une expulsion à l'encontre d'un auteur jugé irresponsable (c'est-à-dire qui a été «acquitté») dès lors qu'une mesure a été ordonnée contre cette personne en raison du danger qu'elle représente pour la sécurité publique. L'expulsion au sens du présent projet serait une mesure excessive pour les personnes qui ne peuvent pas être tenues pour responsables de leurs actes sur le plan pénal. Dans ce type de cas, une mesure d'éloignement au sens de la LEtr (par ex. une interdiction d'entrée) semble être plus appropriée pour tenir compte de la dangerosité de la personne68.

1.2.7

Peine minimale

La gravité d'une infraction résulte d'une part de la peine encourue par son auteur. Le droit pénal suisse établit une distinction, selon la gravité des faits, entre les crimes, les délits et les contraventions (art. 10 et 103 CP). Cette distinction se fonde sur la peine dont est passible chacune des infractions. La peine encourue est, de fait, l'élément dont dispose le législateur pour «catégoriser le degré de gravité» et le degré d'illicéité fondamental d'un acte69.

Cette pondération, fondamentale, est effectuée par le juge, à qui revient la tâche de fixer la peine concrète en se basant sur la culpabilité de l'auteur. Le droit pénal suisse est un droit pénal basé sur la faute. Autrement dit, la peine infligée dans le cas d'espèce est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 CP). Par exemple, les lésions corporelles graves visées à l'art. 122 CP peuvent être qualifiées de crimes graves si l'on considère qu'il s'agit d'une infraction passible d'une peine privative de liberté de dix ans au plus. Dans un cas concret, il se peut toutefois que l'auteur de lésions corporelles graves soit acquitté, après avoir été déclaré irresponsable au sens de l'art. 19, al. 1, CP; il peut alors échapper à une sanction ou être soumis à une mesure (par ex. un internement). Les 68

69

Le message sur la réforme du droit des sanctions (FF 2012 4385) prévoit en outre à la p.

4421 la possibilité d'assortir d'une expulsion facultative certaines mesures (au sens des art. 61 et 64 CP); cf. ch. 1.2.16.

Il est tenu compte, dans la mesure du possible, de cette condition dans la liste des infractions (cf. ch. 1.2.5).

5397

lésions corporelles graves peuvent également avoir été commises en situation de légitime défense et entraîner une sanction atténuée en vertu de l'art. 16, al. 1, CP, par exemple une peine privative de liberté de quelques semaines, assortie d'un sursis.

La gravité d'une infraction découle donc de la peine dont elle est passible et de la peine infligée dans le cas d'espèce compte tenu de la culpabilité de l'auteur. Rappelons à cet égard que la fixation de la peine tient compte, outre de la culpabilité de l'auteur, de ses antécédents, de sa situation personnelle et de l'effet de la peine sur son avenir (art. 47, al. 1, CP). Si le but des nouvelles dispositions constitutionnelles est de permettre l'expulsion de personnes étrangères ayant commis de «graves délits», ce type de mesure ne saurait être prononcé sans tenir compte de la peine infligée en l'espèce70.

L'expulsion est une mesure draconienne, qui ne peut être prononcée que dans le respect des principes de l'activité de l'Etat régi par le droit, tel le principe de proportionnalité (art. 5, al. 2, Cst.). Ce principe joue un rôle déterminant dans le droit des mesures (art. 56 ss CP)71. Dans le cas des mesures thérapeutiques et de l'internement, le CP pose le principe que l'atteinte aux droits de la personnalité de l'auteur ne doit pas être disproportionnée au regard de la vraisemblance qu'il commette de nouvelles infractions et de leur gravité (art. 56, al. 2, CP). Si l'expulsion était une peine accessoire, comme le prévoyait l'ancien droit (art. 55 aCP), il faudrait en revanche tenir compte du principe de culpabilité.

Dans la plupart des cas, l'expulsion permettra d'atteindre le but poursuivi, à savoir empêcher que des personnes étrangères ne commettent de nouvelles infractions en Suisse. La question de la nécessité de cette mesure soulève toutefois des problèmes: dans certains cas en effet, une mesure moins draconienne (par ex. une mesure ambulatoire ou une interdiction d'exercer une profession) permettrait tout aussi bien de protéger l'intérêt public visé. L'expulsion n'apparaîtra pas nécessaire, en particulier, pour certains auteurs pour lesquels le pronostic est favorable. En fixant la durée de l'expulsion, le juge peut certes tenir compte de cet aspect jusqu'à un certain point, mais seulement dans une mesure insuffisante. Enfin, dans les
cas d'infractions légères (en raison de la peine encourue ou de la peine prononcée dans un cas déterminé), l'expulsion ne sera pas strictement proportionnée au but visé. Poser la condition d'une peine minimale (découlant d'un degré de culpabilité minimal) permet de garantir, jusqu'à un certain point, le respect du principe de proportionnalité au sens strict.

On a examiné la possibilité de prendre en compte des circonstances atténuantes plutôt que de fixer une peine minimale, afin de tenir compte du principe de la proportionnalité. Ces circonstances pourraient influer diversement sur l'illicéité de l'acte; la prise en compte d'une circonstance atténuante peut n'avoir que peu d'effets sur une peine grave. Elle porterait à l'inverse préjudice aux auteurs d'une infraction légère qui, parce qu'ils ont commis une infraction mineure et/ou qu'ils présentent un faible degré de culpabilité, ne pourraient pas bénéficier de telles circonstances atténuantes et qui seraient, eux, expulsés. Interprétant l'art. 62, let. b, LEtr (selon lequel «une peine privative de liberté de longue durée» peut justifier la révocation d'une autorisation ou d'une autre décision), le Tribunal fédéral a fixé la limite à

70 71

Explications du Conseil fédéral relatives à la votation du 28 novembre 2010, p. 12.

Stratenwerth 2006, § 8 no 12 ss.

5398

un an72. Cette limite, qui ne s'applique pas de manière absolue73, se rapporte à la révocation d'une d'autorisation de séjour pour laquelle le titulaire ne peut faire valoir de droit particulier. Si l'étranger peut faire valoir un droit particulier à une autorisation de séjour, cette limite est portée à deux ans. Le message du 4 avril 2012 relatif à la modification du droit des sanctions s'inscrit dans le prolongement de la jurisprudence du Tribunal fédéral et prévoit à l'art. 67c, al. 1, P-CP, de soumettre l'expulsion facultative à une peine minimale supérieure à un an (susceptible de sanctionner tous les crimes et délits)74.

Le projet abaisse sensiblement cette limite pour tenir compte du but de l'initiative.

Dans de nombreuses situations, le droit en vigueur prévoit qu'une peine de six mois établit la limite entre une criminalité plutôt légère et une criminalité plutôt grave75.

Cette limite est reprise pour la détermination de la peine minimale (art. 66a, al. 2, P-CP): lorsque le juge inflige une peine privative de liberté de six mois au plus ou une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus, l'étranger ne doit pouvoir être expulsé que si les intérêts publics à l'expulsion l'emportent sur l'intérêt de l'étranger à demeurer en Suisse. L'expulsion devient ainsi facultative lorsque l'auteur est condamné à une peine privative de liberté de six mois au plus, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus ou à du travail d'intérêt général d'une durée équivalente (cette dernière peine devrait être une exception dans les cas où une expulsion est ordonnée; cf. ch. 2.1.3). Dans les cas de délinquance itinérante, l'intérêt public à l'expulsion l'emportera généralement. La LEtr permet déjà, il est vrai, d'ordonner des mesures relevant du droit des étrangers à l'encontre de criminels de passage (délinquance itinérante), qui ne possèdent pas de titre de séjour. De manière générale néanmoins, ces mesures sont prononcées pour une durée inférieure (cinq ans au plus) à celle de la nouvelle expulsion judiciaire (cinq ans au moins).

L'expulsion doit être la règle pour les peines de plus de six mois (art. 66a, al. 3, P-CP). Le législateur part du principe qu'à partir d'une peine de plus de six mois, l'expulsion est considérée comme proportionnée. Une exception n'est possible que dans les cas où l'exécution
de l'expulsion ne peut être raisonnablement exigée parce qu'elle porterait gravement atteinte aux droits personnels de la personne concernée, qui sont protégés par des garanties des droits de l'homme inscrites dans le droit international. Il ressort de la statistique des condamnations pénales de l'Office fédéral de la statistique (OFS) que des peines inférieures à six mois ne sont quasiment jamais prononcées pour des infractions qualifiées de graves au regard de la peine dont elles sont passibles (par ex. le meurtre ou le viol)76.

Lors de la procédure de consultation, la peine minimale a été largement approuvée, notamment du fait qu'elle permet de tenir compte le plus possible du principe de la proportionnalité. Plus de la moitié des participants qui ont pris position à son sujet 72 73

74 75

76

ATF 135 II 377 Si la peine privative de liberté prononcée est inférieure à un an, il est possible de révoquer l'autorisation de séjour conformément aux motifs de révocation visés aux art. 63, al. 1, let. b, et 62, let. c, LEtr (atteinte grave ou répétée à la sécurité et l'ordre publics en Suisse/ menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse), qui s'appliquent à titre subsidiaire.

Message sur la réforme du droit des sanctions, FF 2012 4409.

Art. 37 CP (travail d'intérêt général), art. 40 et 41 CP (limitation de la courte peine privative de liberté), art. 352 CPP (procédure de l'ordonnance pénale). Selon le message sur la réforme du droit des sanctions, la peine pécuniaire et la surveillance électronique seront possibles pour les peines jusqu'à six mois.

Cf. rapport du groupe de travail, ch. 7.10.5, p. 111 ss

5399

n'en estiment pas moins la solution de la peine minimale incompatible avec le respect du principe de la proportionnalité, des droits de l'homme garantis par le droit international et de l'ALCP. Ils sont nombreux à réclamer le respect plein et entier du principe de la proportionnalité; l'expulsion ne doit pouvoir être exécutée selon eux qu'après un examen au cas par cas et une mise en balance correcte de différents critères, comme le type d'autorisation de séjour et la durée de séjour. Un relèvement de la peine minimale est demandé par un grand nombre de participants77. Le présent projet reprend la règle proposée dans l'avant-projet (variante 1). Il semble qu'aller plus loin dans l'examen au cas par cas ne soit que difficilement compatible avec les nouvelles dispositions constitutionnelles, qui lient l'expulsion à la commission de certaines infractions. La majorité des partis et des cantons se sont prononcés pour la solution proposée; elle respecte la volonté populaire tout en tenant compte autant que possible du principe de la proportionnalité et des droits de l'homme garantis par le droit international78. Comme nous l'avons expliqué, l'instauration d'une peine minimale comme condition de l'expulsion est compatible avec l'art. 121, al. 3, Cst.; il revient au législateur de préciser les conditions définissant une «condamnation» au sens des nouvelles dispositions constitutionnelles (voir plus haut le ch. 1.2.6).

1.2.8

Perception illicite de prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale

L'art. 121, al. 3, let. b, Cst. dispose que les étrangers sont privés de leur titre de séjour «s'ils ont perçu abusivement des prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale». La nouvelle disposition constitutionnelle ne soumet donc pas (contrairement à la let. a) l'expulsion au prononcé d'une condamnation. Elle laisse en principe le législateur décider s'il entend définir les éléments constitutifs de l'infraction comme des sanctions administratives ou pénales79.

Si l'on veut faire de l'expulsion une mesure de droit pénal, il faut définir la perception abusive de prestations sociales comme une infraction pénale. Le principe de la légalité l'impose: une mesure (comme l'expulsion) ne peut être prononcée qu'en raison d'un acte expressément réprimé par la loi (art. 1 CP). La réglementation proposée prévoit la création d'une infraction pénale: la perception abusive de prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale est couverte par l'escroquerie au sens de l'art. 146 CP et par une nouvelle infraction (art. 148a P-CP «obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale»). Si l'auteur, usant de l'astuce, induit une personne en erreur (ou la conforte dans cette erreur) pour obtenir indûment des prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale, il remplit les conditions de l'escroquerie au sens de l'art. 146; son acte l'expose à une sanction privative de liberté de cinq ans au plus ou à une peine pécuniaire.

L'art. 148a P-CP est une clause générale couvrant les cas plus bénins, dans lesquels l'infraction d'escroquerie n'est pas réalisée, parce que l'auteur n'agit pas astucieusement. La nouvelle infraction repose sur la compétence législative de la Confédération dans le domaine du droit pénal (art. 123, al. 1, Cst.). Elle est ajoutée sous le titre des infractions contre le patrimoine (art. 137 ss CP). La nouvelle disposition reprend

77 78 79

Cf. synthèse des résultats de la consultation, p. 17.

Cf. synthèse des résultats de la consultation, p. 16 ss.

Cf. rapport du groupe de travail, ch. 3.3.3.3, p. 33.

5400

pour l'essentiel le texte proposé dans les variantes 2 à 4 du groupe de travail80. Elle dispose que «quiconque, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour lui-même ou pour un tiers des prestations indues d'une assurance sociale ou de l'aide sociale, est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire» (art. 148a, al. 1, P-CP).

Dans les cas de peu de gravité, la peine est l'amende (art. 148a, al. 2, P-CP).

Lors de la consultation, une faible majorité des participants ont estimé que la nouvelle infraction était inutile, puisque l'infraction visée est déjà couverte en grande partie par les dispositions spéciales du domaine des assurances sociales et du droit (cantonal) en matière d'aide sociale. Ils jugent suffisante la gradation actuelle, avec l'escroquerie lorsque la perception illicite est commise astucieusement et la contravention de droit cantonal dans les cas bénins. Pour d'autres, une expulsion ne doit pouvoir être prononcée que si la gravité de l'acte est telle qu'on peut assimiler ce dernier à une escroquerie81. Ces avis ont incité au réexamen du bien-fondé de la nouvelle infraction. Il n'est pas possible de baser l'expulsion sur les dispositions spéciales de droit pénal prévues dans le droit des assurances sociales, et encore moins sur le droit cantonal en matière d'aide sociale, dont les détails varient selon les cantons. Une telle solution serait inégalitaire sur le plan juridique. On pourrait se contenter de prévoir l'escroquerie (art. 146 CP). Toutefois, cela ne serait pas conforme au texte du nouvel article constitutionnel, qui accorde une grande importance à la lutte contre les abus en matière d'assurances sociales et d'aide sociale.

C'est pourquoi le projet de loi permet de prononcer l'expulsion même si l'acte n'atteint pas la gravité d'une escroquerie.

Plusieurs participants à la consultation souhaitent qu'on ajoute l'art. 148a P-CP aux listes d'infractions figurant à plusieurs articles du CPP82, à savoir l'art. 269, al. 2, let. a (surveillance de la correspondance par poste et télécommunication), l'art. 281, al. 4 (utilisation de dispositifs techniques de surveillance) et l'art. 286, al. 2
(investigation secrète), afin de disposer des moyens techniques nécessaires pour déceler les abus en matière d'assurance sociale et d'aide sociale83. La perception illicite des prestations en question constitue une infraction relativement bénigne, et l'ajouter aux art. 269, al. 2, et 286, al. 2, CPP84, qui recensent des crimes et quelques délits graves, serait disproportionné. Etant donné que l'escroquerie (art. 146 CP) devrait de manière générale couvrir les cas graves de perception abusive de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale, il suffira que ses éléments constitutifs soient réalisés pour qu'on puisse recourir, à certaines conditions, à des dispositifs de surveillance par la poste et les télécommunications, à des dispositifs techniques de surveillance et à des investigations secrètes85. Par ailleurs, le droit en vigueur prévoit déjà la possibilité, en cas de perception illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale au sens de l'art. 148a P-CP, de recourir, toujours à certaines conditions, à l'observation (art. 282, al. 1, let. a, CPP) et à la surveillance des rela80 81 82 83 84

85

Cf. rapport du groupe de travail, ch. 6.6.3, p. 69 ss.

Cf. synthèse des résultats de la consultation, p. 24.

RS 312.0 Cf. synthèse des résultats de la consultation, p. 25.

En ce qui concerne la surveillance au moyen de dispositifs techniques, en particulier la liste des infractions et les conditions à remplir, l'art. 281, al. 4, CPP renvoie aux art. 269 à 279 CPP.

L'art. 269 CPP pose comme condition l'existence de graves soupçons et que la gravité de l'infraction justifie la mesure.

5401

tions bancaires (art. 284 CPP)86. Le même constat s'applique aux recherches secrètes pouvant être effectuées pendant l'investigation policière au sens du nouvel art.

298b CPP, qui peuvent elles aussi être ordonnées pour poursuivre un délit87.

1.2.9

Prononcé et exécution

En ce qui concerne l'expulsion selon l'art. 55 aCP (version du CP antérieure au 1er janvier 2007), les motifs susceptibles de s'opposer à ce que cette mesure soit ordonnée ou exécutée n'étaient pas définis dans le code pénal, pas plus que les autorités compétentes pour examiner ces motifs. Afin de préserver la sécurité du droit et de garantir l'égalité devant la loi, les compétences et les grands principes relatifs à la nouvelle expulsion seront inscrits dans le code pénal.

La répartition prévue des compétences entre le tribunal et les autorités d'exécution correspond pour l'essentiel à celle qui prévalait pour l'expulsion selon l'ancien droit: ­

Pour le tribunal, sont des motifs susceptibles de s'opposer à ce qu'une expulsion soit ordonnée les prescriptions de la CEDH, du Pacte II de l'ONU et de la Convention relative aux droits de l'enfant (art. 66a, al. 3, P-CP): au premier rang figurent le droit au respect de la vie privée et familiale au sens de l'art. 8 CEDH et de l'art. 17 du Pacte II de l'ONU, le droit d'entrer dans son propre pays au sens de l'art 12, al. 4, du Pacte II de l'ONU, l'intérêt supérieur de l'enfant selon l'art. 3 de la convention relative aux droits de l'enfant, ainsi que l'interdiction de séparer les enfants de leurs parents contre leur volonté au sens de l'art. 9 de ladite convention et le droit à entretenir des relations personnelles et des contacts réguliers visé à son art. 10, par. 2.

­

A titre d'obstacle à l'exécution de l'expulsion, l'autorité d'exécution ne tient compte, d'office ou sur demande, que du principe du non-refoulement (art. 66d, al. 1, P-CP). Il peut aussi arriver que l'expulsion ne puisse pas être exécutée en raison d'obstacles techniques (par ex. refus des autorités du pays d'origine d'établir des documents de voyage).

La réglementation proposée doit permettre d'éviter, dans la mesure du possible, que les tribunaux ordonnent des expulsions dont l'exécution ne pourra ensuite être raisonnablement exigée, car elle violerait des droits de l'homme garantis par le droit international.

Le projet ne prévoit pas de possibilité d'annuler une expulsion entrée en force.

Conséquence: une fois l'expulsion entrée en force, il ne sera plus possible de faire valoir, dans l'attente de son exécution (dans le cas p. ex. où elle serait reportée, en application du principe du non-refoulement), un changement de la situation personnelle ou familiale. Et ce même si la nouvelle situation, si elle avait existé au moment du jugement, aurait justifié que l'on renonce à cette mesure (cf. art. 66a, al. 3, PCP). Cela résulte de l'art. 121, al. 3, Cst., selon lequel la personne condamnée à une

86

87

S'agissant de l'observation, il faut en outre des indices concrets laissant présumer que des crimes ou des délits ont été commis et que d'autres formes d'investigations n'auraient aucune chance d'aboutir ou seraient excessivement difficiles.

Cf. loi fédérale du 14 décembre 2012 sur l'investigation secrète et les recherches secrètes (Modification du code de procédure pénale et de la procédure pénale militaire), RO 2013 1051, en vigueur depuis le 1er mai 2013.

5402

expulsion perd, en plus de son titre de séjour, tous ses droits à séjourner en Suisse dès le moment où cette expulsion entre en force.

Le projet contient en outre des dispositions concernant le moment de l'exécution de l'expulsion et la durée de la mesure (art. 66c P-CP). Ces dispositions ont été précisées sur la base des résultats de la consultation (cf. ch. 2.1.3).

Plusieurs cantons et organisations ont demandé qu'on détaille davantage les compétences, en précisant notamment dans la loi que les services des migrations sont responsables de l'exécution et de l'éventuel report de l'expulsion88. Il ne peut pas être donné suite à cette requête. L'exécution des peines et des mesures en matière de droit pénal est du ressort des cantons, sauf disposition contraire de la loi (art. 123, al.

2, Cst.). Ces derniers exécutent les jugements rendus par leurs tribunaux pénaux en vertu du CP et sont tenus, contre remboursement des frais, d'exécuter les jugements rendus par les autorités pénales de la Confédération (art. 372, al. 1, CP). La Confédération s'est contentée de régler dans le CP les grands principes de l'exécution des peines et des mesures. Elle a agi sur le plan matériel, en réglant l'exécution de certaines sanctions de sorte à en définir le contenu. Bien qu'il existe depuis 2008 une base constitutionnelle autorisant expressément la Confédération à légiférer sur l'exécution des peines et des mesures (art. 123, al. 3, Cst.), la Confédération use de cette compétence avec une grande retenue, et seulement dans les limites décrites ci-dessus.

Le CP ne précise pas quelles sont les autorités cantonales chargées de l'exécution des peines et des mesures. La plupart des cantons ont désigné une autorité administrative pour accomplir cette tâche. Certains ont instauré des tribunaux d'exécution des peines après la révision de la partie générale du CP, entrée en vigueur en 2007.

L'exécution de l'expulsion obéit à un schéma identique: comme sous l'ancien droit, lorsque l'expulsion judiciaire était régie par l'art. 55 aCP, les cantons règlent les modalités de l'exécution, les responsabilités et la collaboration entre les services concernés (police, service des migrations, autorités d'exécution).

La Confédération apportera son soutien aux cantons dans certains domaines pour exécuter l'expulsion (cf. ch. 1.2.19).

1.2.10

Personnes dont l'expulsion ne peut pas être exécutée

Il sera possible de reporter dans certains cas l'exécution de l'expulsion, par exemple si celle-ci enfreint le principe du non-refoulement ou que des obstacles techniques l'empêchent (refus des autorités du pays d'origine de délivrer les documents de voyage, etc.; cf. art. 66d P-CP, ch. 2.1.4).

L'entrée en force de l'expulsion signifiera pour la personne concernée la révocation de son titre de séjour et de la fin de tous ses droits à séjourner en Suisse (art. 121, al. 3, Cst.). Même en cas de report de l'exécution, elle ne sera plus au bénéfice d'un quelconque statut de séjour (cf. ch. 1.1.3). De nombreux participants à la consultation ont critiqué cette situation, arguant que l'Etat créera lui-même des sans-papiers; ils demandent qu'on crée un statut spécial ou à tout le moins qu'on examine la création d'un tel statut89.

88 89

Synthèse des résultats de la consultation, p. 21.

Synthèse des résultats de la consultation, p. 23.

5403

Le droit en vigueur prévoit l'admission provisoire des personnes étrangères dont le renvoi ou l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (art. 83, al. 1, LEtr). Lorsque l'exécution n'est pas possible ou n'est pas raisonnablement exigible, l'admission provisoire peut être refusée dans certains cas, par exemple si la personne a été condamnée à une peine privative de liberté de longue durée, qu'elle a fait l'objet de certaines mesures pénales, qu'elle attente de manière grave ou répétée à la sécurité et à l'ordre public ou qu'elle les met en danger, qu'elle représente une menace pour la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse ou que, par son comportement, elle a rendu impossible l'exécution de l'expulsion (art. 83, al. 7, LEtr.). En l'état, il est déjà possible que des personnes sans statut légal séjournent en Suisse. Le législateur voit là une raison de ne pas instaurer de statut de séjour spécial pour les personnes dont l'expulsion n'est pas exécutable. Cela ne résout en rien le problème mis en lumière lors de la consultation, et il faut s'attendre à ce que la Suisse compte sur son territoire des personnes sans statut légal. D'une part, cette situation est une conséquence directe de la nouvelle disposition constitutionnelle, d'autre part, rien ne justifie qu'on privilégie les personnes frappées d'une expulsion par rapport à celles auxquelles une admission provisoire a été refusée en vertu de l'art. 83, al. 7, LEtr. Ce d'autant moins que les premières ont commis une infraction qualifiée de grave par le constituant et le législateur, et que le nouvel article constitutionnel vise justement un durcissement de l'arsenal pénal90.

Les personnes dont l'expulsion ne pourra être exécutée n'auront pas le droit d'exercer une activité rémunérée ni de bénéficier d'un regroupement familial ou de mesures d'intégration. L'aide sociale leur sera interdite; tout au plus pourront-elles toucher une aide d'urgence en cas de besoin (art. 12 Cst.). Enfin, s'il n'est pas prévu d'octroyer à ces personnes un titre de séjour, les cantons pourront leur délivrer un certificat attestant qu'elles sont sous le coup d'une expulsion inexécutable.

Les réfugiés bénéficient de davantage de droits: la Suisse est en principe tenue de les traiter de la même manière que les étrangers,
et ils bénéficient même de conditions plus favorables dans certains cas (art. 7, ch. 1, de la convention relative au statut des réfugiés).

L'art. 12 de la convention dispose que «le statut personnel de tout réfugié [est] régi par la loi du pays de son domicile». Le séjour des réfugiés est réglé par le droit du pays d'accueil. Comme les autres étrangers qui ne tombent pas sous le champ d'application de la convention, les réfugiés perdent tous leurs droits, et donc leur autorisation de séjour, en cas d'expulsion entrée en force; le même traitement est donc réservé aux deux groupes. L'art. 34 de la convention recommande que l'on facilite l'assimilation et la naturalisation des réfugiés, mais ne prévoit pas d'obligation d'accorder aux personnes ayant qualité de réfugié un droit à des mesures d'intégration.

A l'inverse, les dispositions de la convention sur les réfugiés qui prévoient une égalité de traitement entre les réfugiés et les ressortissants suisses ne laissent aucune marge de manoeuvre aux Etats signataires. Cette égalité concerne la liberté de pratiquer sa religion (art. 4), la protection de la propriété intellectuelle et industrielle (art. 14), l'accès aux tribunaux (art. 16) et l'octroi d'une assistance et de secours publics (art. 23).

90

Voir cependant l'ATF 138 I 246.

5404

Une autre série de dispositions de la convention demande que le traitement accordé aux réfugiés soit «aussi favorable que possible et en tout cas [...] non moins favorable que celui accordé dans les mêmes circonstances aux étrangers en général».

L'égalité de traitement se réfère ici aux étrangers sous le coup d'une expulsion. Elle porte notamment sur l'acquisition de la propriété mobilière et immobilière (art. 13), l'admission d'associations et de syndicats (art. 15) et l'exercice d'une activité professionnelle salariée ou indépendante (art. 17 à 19).

Les précisions correspondantes sont apportées à la LEtr et à la LAsi (cf. ch. 2.3.1 à 2.3.32.3.1 à 2.3.3).

1.2.11

Procédure de l'ordonnance pénale

Dans les cas où elle apparaît probable, l'expulsion doit être ordonnée par le tribunal pénal, dans le cadre de la procédure ordinaire; la procédure de l'ordonnance pénale (ou de l'ordonnance de condamnation selon la procédure pénale militaire du 23 mars 1979 [PPM]91) est ici exclue. Bien que cette réglementation ait soulevé de fortes critiques pendant la procédure de consultation, une faible majorité y a apporté son soutien92.

Le CPP détermine la compétence pour juger les infractions en fonction de la sanction à infliger en l'espèce. Lorsqu'une peine privative de liberté de six mois au plus (ou une peine pécuniaire ou un travail d'intérêt général équivalents) est jugée suffisante et que le cas et simple et clair, tant de fait qu'en droit, le ministère public est habilité à rendre une ordonnance pénale (art. 352 CPP). Ce n'est qu'à ses conditions qu'il paraît admissible que l'accusé puisse renoncer à un jugement rendu par un tribunal indépendant dans un procès public en acceptant une ordonnance pénale et en renonçant à former un recours.

Une expulsion pour une durée de cinq ans ou plus n'est pas une sanction légère, comme en atteste la manière dont sont réglées les compétences du juge unique: si une peine privative de liberté de plus de deux ans doit être prononcée, le jugement ne saurait être rendu par un seul magistrat, même si le sursis à l'exécution de la peine est accordé (art. 19, al. 2, let. b, CPP). Or ce qui vaut pour le juge unique s'applique a fortiori au ministère public qui rend l'ordonnance pénale.

En cas de peine privative de liberté de six mois au plus, la réglementation proposée prévoit une mise en balance des intérêts, tâche pour laquelle une procédure rapide et pour l'essentiel écrite ne semble guère adaptée. Nombre de ces cas ne sont en effet ni simples ni clairs, tant de fait qu'en droit. Les cas de délinquance itinérante peuvent néanmoins constituer l'exception à cette règle. Mais cela ne saurait justifier une généralisation de la procédure de l'ordonnance pénale pour les personnes sans droit de séjour: pour elles aussi, l'expulsion représente une sanction bien trop grave pour qu'elle puisse être ordonnée par ce moyen.

A cela s'ajoute que la procédure de l'ordonnance pénale comporte certains points faibles au regard de l'Etat de droit: cette procédure n'étant pas publique,
elle ne permet aucun contrôle de la jurisprudence par le public, contrairement à la procédure ordinaire. Pendant la phase de la procédure de l'ordonnance pénale, l'accusé n'a pas 91 92

RS 322.1 Synthèse des résultats de la consultation, p. 29 s.

5405

de droit à être défendu et les ordonnances pénales ne sont prononcées que dans la langue de la procédure, que l'accusé comprenne ou non cette langue. Enfin, la sanction infligée dans les ordonnances pénales ne doit pas être motivée et l'audition de l'accusé n'est pas requise.

Il s'ensuit que seules des sanctions relativement légères doivent pouvoir être prononcées dans la procédure de l'ordonnance pénale. Une expulsion de longue durée comprise entre cinq et quinze ans, voire 20 ans dans certains cas, n'est pas ce que l'on peut appeler une sanction légère.

Ces considérations s'appliquent par analogie à l'ordonnance de condamnation selon les art. 119 ss PPM.

Dans ce contexte, il convient de relever que la liste d'infractions contient un grand nombre d'actes passibles d'une peine minimale d'un an ou plus93. Une telle peine exclut d'emblée le recours à la procédure de l'ordonnance pénale.

1.2.12

Garanties des voies de droit

Il est possible d'utiliser les voies de droit usuelles selon la procédure pénale pour attaquer un jugement pénal contenant une décision d'expulsion. Au niveau cantonal, c'est la juridiction d'appel qui statue sur les recours formés contre les jugements de première instance (cf. art. 21 et 398 ss CPP). Sa décision peut à son tour faire l'objet d'un recours de droit pénal devant le Tribunal fédéral (art. 78 ss de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral, LTF94).

L'expulsion ordonnée par le tribunal pénal peut être qualifiée de décision matérielle.

L'acte administratif par lequel l'autorité d'exécution cantonale règle le moment et les modalités de l'exécution proprement dite a valeur de décision d'exécution pouvant faire l'objet d'un recours. Le tribunal doit se prononcer notamment sur la conformité de sa décision avec le principe de non-refoulement (cf. art. 66d P-CP). Si la personne concernée quitte volontairement le territoire, l'autorité d'exécution cantonale peut renoncer à prononcer une décision d'exécution. En revanche, les recours formés contre des décisions rendues en application de l'art. 66d P-CP (report de l'exécution) sont du ressort des autorités cantonales. Les voies de droit varient en fonction des compétences des autorités et de la manière dont elles sont organisées dans le canton concerné. A Berne, par exemple, une décision du Service des migrations, qui dépend de l'Office de la population et des migrations, pourrait d'abord être attaquée devant la Direction de la police et des affaires militaires puis devant le Tribunal administratif ou la Cour suprême. Ce n'est qu'après avoir épuisé ces voies de recours cantonales que l'affaire pourrait être portée devant le Tribunal fédéral (recours unifié en matière pénale ou en matière de droit public).

93

94

Par ex. meurtre (art. 111 CP), assassinat (art. 112 CP), meurtre passionnel (art. 113 CP), interruption de grossesse punissable (sans le consentement de la femme concernée; art. 118, al. 2, CP), brigandage qualifié (art. 140, ch. 2, 3 et 4, CP), extorsion et chantage qualifiés (art. 156, ch. 2, 3 et 4, CP), traite d'êtres humains qualifiée (art. 182, al. 2, CP), séquestration et enlèvement avec circonstances aggravantes (art. 183 et 184 CP), prise d'otage (art. 185 CP), contrainte sexuelle avec cruauté (art. 189, al. 3, CP), viol (art. 190 CP), incendie intentionnel (art. 221 CP), explosion (art. 223, ch. 1, al. 1, CP), emploi d'explosifs (art. 224, al. 1, CP).

RS 173.110

5406

1.2.13

Validité temporelle et dispositions transitoires

Dans trois arrêts prononcés le 12 octobre 2012, le Tribunal fédéral a jugé que les nouvelles dispositions constitutionnelles ne sont pas directement applicables95.

En vertu de l'interdiction de la rétroactivité visée à l'art. 2, al. 1, CP, le juge pénal ne peut prononcer une expulsion que si l'auteur a commis un acte justifiant cette mesure après l'entrée en vigueur de la modification de loi. L'interdiction de la rétroactivité s'applique en principe aussi aux mesures et a fortiori à l'expulsion, qui a un caractère pénal. La seule exception admise concerne les cas où la loi est modifiée entre le moment des faits et le jugement. Selon l'art. 2, al. 1, CP, on recourt alors au principe du droit le plus favorable («lex mitior»): le nouveau droit s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur lorsqu'il est plus favorable que le droit en vigueur au moment des faits. La doctrine n'est pas unanime sur la question de l'applicabilité du principe du droit le plus favorable à des mesures. Cet aspect ne devrait cependant pas être déterminant en l'espèce, puisque la nouvelle expulsion du territoire suisse constitue un durcissement par rapport au droit en vigueur. Si les révisions partielles de lois ­ par exemple pour inscrire une nouvelle expulsion dans le CP ­ sont en principe aussi soumises à l'interdiction de la rétroactivité, les règles de compétence et de procédure ne sont pas concernées.

Il serait certes envisageable que le législateur, s'écartant des principes mentionnés ci-dessus, prévoie des dispositions particulières sur l'application rétroactive des nouvelles normes relatives à l'expulsion. Lors de la révision de la partie générale du code pénal, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, il avait prévu que les nouvelles dispositions sur les mesures (art. 59 à 65 CP) s'appliquent de manière rétroactive.

L'interdiction de la rétroactivité découlant de l'art. 2 CP s'appliquait en revanche aux autres mesures (art. 66 ss CP)96. La réglementation proposée s'en tient aux principes visés à l'art. 2 CP et ne prévoit pas de dispositions transitoires particulières.

1.2.14

Champ d'application à raison du lieu

Les nouvelles dispositions constitutionnelles ne précisent pas si la condamnation exécutoire doit être prononcée par un juge suisse ou si les jugements rendus à l'étranger sont aussi pris en compte. Vérifier quels étrangers ont été condamnés à l'étranger pour une infraction pertinente serait une tâche lourde et complexe, dont le résultat se révélerait arbitraire, car un tel examen ne pourrait jamais être exhaustif.

La réglementation proposée prévoit dès lors que l'expulsion ne puisse être prononcée que par un tribunal pénal dans le cadre d'un jugement rendu en Suisse. Le champ d'application du CP découle des art. 3 à 8 CP. Que l'auteur ait commis l'infraction en Suisse ou à l'étranger n'est pas ici un élément pertinent.

Il y a lieu de signaler que si un étranger a été condamné à l'étranger pour des faits qui auraient entraîné l'expulsion selon le droit suisse, les autorités auront toujours la

95 96

Arrêts du Tribunal fédéral 2C 828/2011 du 12 octobre 2012, consid. 4.3.2, 2C 926/2011, consid. 2.3.2 et 2C 162/2012, consid. 3.2.2.

Cf. CP, ch. 2 des dispositions finales de la modification du 13 décembre 2002.

5407

possibilité de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement relevant du droit des étrangers, par exemple une interdiction d'entrée (art. 67, al. 2, let. a, LEtr.).

1.2.15

Sanction encourue en cas de violation de l'interdiction d'entrée et en cas d'entrée illégale sur le territoire (art. 121, al. 6, Cst.)

L'art. 291 CP punit d'une peine privative de liberté de trois ans au plus celui qui contrevient à une décision d'expulsion du territoire de la Confédération ou d'un canton (rupture de ban). Cette norme n'a plus qu'une portée très restreinte depuis la suppression de l'expulsion judiciaire prévue dans l'ancien droit et de l'expulsion du territoire d'un canton. L'inscription d'une nouvelle expulsion dans le CP pourrait lui rendre sa fonction initiale. L'entrée en Suisse au mépris d'une interdiction d'entrée selon le droit des étrangers est aussi punissable conformément à l'art. 115, al. 1, let. a, LEtr., en relation avec l'art. 5, al. 1, let. d, LEtr.

1.2.16

Harmonisation avec l'expulsion facultative

Le message du 4 avril 2012 relatif à la modification du droit des sanctions propose l'inscription d'une expulsion facultative dans le CP97. Les délibérations parlementaires concernant cet objet sont en cours. Leur issue n'étant pas encore connue, on a renoncé à harmoniser les deux formes d'expulsion dans le présent projet. Si le Parlement approuve les deux projets, le dernier adopté sera complété d'une disposition de coordination.

1.2.17

Réglementation parallèle dans le code pénal militaire

Conformément à l'art. 3, al. 1, ch. 7 à 9, CPM, les civils sont soumis au CPM pour certaines catégories d'infractions. Il peut donc aussi arriver que des civils étrangers commettent des infractions réprimées par le CPM qui entraînent obligatoirement l'expulsion de Suisse en application des dispositions constitutionnelles (par ex. le meurtre, l'«effraction», le brigandage, la contrainte sexuelle et le viol).

C'est pourquoi il importe d'inclure dans le CPM une réglementation analogue à celle prévue dans le CP concernant les conditions qui doivent être remplies pour ordonner l'expulsion. La liste des infractions se limitera ici aux infractions soumises au CPM. Pour ce qui est de l'exécution de l'expulsion, il est possible de renvoyer aux dispositions du CP.

1.2.18

Pas de dispositions relatives à l'expulsion dans le droit pénal des mineurs

La question se pose de savoir si l'expulsion doit aussi s'appliquer aux mineurs. Le libellé de l'art. 121, al. 3, Cst. ne fait pas de distinction explicite entre les auteurs 97

Message sur la réforme du droit des sanctions, FF 2012 4400 ss et 4409.

5408

mineurs et majeurs. Une approche nuancée n'en reste pas moins possible, comme le montre la solution retenue pour la mise en oeuvre de l'initiative pour l'imprescriptibilité des actes de pornographie enfantine98, qui ne prévoit pas d'inclure des dispositions particulières dans le droit pénal des mineurs.

Le droit suisse ne traite pas les auteurs d'infractions pénales de la même manière selon qu'ils sont mineurs ou majeurs. Le CP ne s'applique plus aux mineurs depuis le 1er janvier 2007, date d'entrée en vigueur du droit pénal des mineurs du 20 juin 2003 (DPMin)99. Disposition centrale du droit pénal des mineurs, l'art. 2 DPMin pose la protection et l'éducation du mineur comme principes directeurs. La personnalité du mineur est ici au premier plan: le but visé n'est pas la sanction, mais bien la resocialisation. C'est pourquoi les sanctions prévues ne sont pas déterminées au premier chef par la gravité de l'infraction commise et le degré de culpabilité de l'auteur, mais par les besoins de l'enfant ou de l'adolescent. Le législateur reconnaît ainsi que la criminalité des jeunes ne constitue souvent qu'une manifestation accessoire du développement normal d'une jeune personne et qu'une réaction excessive ne s'impose pas du fait de son caractère passager100.

Comme indiqué plus haut, le droit pénal des mineurs est un droit axé sur la personnalité de l'auteur, à la différence du droit pénal des adultes, qui est lui axé sur l'infraction101. Les dispositions du CP qui complètent le DPMin ne peuvent s'appliquer que par analogie, c'est-à-dire en conformité avec l'esprit et le but du droit pénal des mineurs102. L'expulsion, qui se fonde exclusivement sur l'infraction, est donc en contradiction avec l'idée fondamentale qui sous-tend le droit pénal des mineurs.

Les mesures d'éloignement prévues dans la LEtr (par ex. l'interdiction d'entrée) sont plus appropriées au cas particulier des mineurs, en ce sens qu'elles permettent de tenir compte de la situation personnelle du jeune et de la menace concrète qu'il représente. Comme le montre par exemple la jurisprudence de la CourEDH relative à l'art. 8 CEDH, une expulsion peut avoir des conséquences plus graves pour un jeune que pour un adulte. Beaucoup de jeunes sont encore en formation ou ont grandi en Suisse, ne maîtrisent pas la langue de leur pays d'origine et
n'ont guère de contacts avec des compatriotes.

Le projet ne prévoit donc pas d'inscrire l'expulsion dans le DPMin. La compétence de prononcer une interdiction d'entrée ou une décision de renvoi à l'encontre d'un mineur doit rester du ressort exclusif des autorités compétentes en matière de migrations.

98

Message du 22 juin 2011 relatif à la loi fédérale portant mise en oeuvre de l'art. 123b de la Constitution concernant l'imprescriptibilité des actes d'ordre sexuel ou pornographique commis sur des enfants impubères (Modification du code pénal, du code pénal militaire et du droit pénal des mineurs, FF 2011 5565, 5589 ss.

99 RS 311.1 100 Modification du CP, du CPM et du DPMin, FF 1999 1787, 2022 s.

101 Dans le droit pénal axé sur l'infraction, l'accent est mis sur les faits qui ont été commis et sur la réparation du tort causé.

102 Modification du CP, du CPM et du DPMin, FF 1999 1787, 2027.

5409

1.2.19

Adaptation de la LEtr et de la LAsi

L'expulsion selon le CP et le CPM peut se recouper avec des mesures d'éloignement au sens de la LEtr et des dispositions de la LAsi relatives aux droits de l'homme garantis par le droit international. Les modifications proposées visent à l'éviter. Si le juge pénal renonce à prononcer une expulsion fondée sur une infraction figurant dans la liste, l'autorité compétente en matière de migrations ne doit pas pouvoir ordonner une mesure relevant du droit des étrangers sur la seule base de cette même infraction. La possibilité de prononcer des mesures relevant du droit des étrangers demeure réservée dans les cas où des conditions supplémentaires selon la LEtr sont remplies. Sont en outre réservés les jugements rendus pour des infractions de la liste par un tribunal étranger (cf. ch. 1.2.14).

Sont réglées au demeurant les conséquences de l'expulsion sur les droits que la LEtr, la LAsi et la convention sur les réfugiés confèrent aux intéressés.

Lors de la consultation, les cantons notamment ont évoqué les coûts liés à la mise en oeuvre des nouvelles dispositions légales. Ils ont demandé que ces coûts soient répartis de manière équilibrée entre eux et la Confédération103. Le projet prévoit donc que la Confédération apporte son soutien aux cantons qui seront chargés de cette nouvelle forme d'expulsion, comme elle le fait déjà pour le renvoi et l'expulsion au sens de la LEtr., par exemple en fournissant les documents de voyage ou en organisant le voyage (cf. ch. 2.3.1).

1.3

Appréciation de la solution proposée

Le projet de mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles tient compte aussi bien de l'automatisme de l'expulsion visé par l'art. 121, al. 3 à 6, Cst.

que des principes de l'Etat de droit. Il s'agit là d'un compromis, qui par définition, ne peut répondre entièrement aux attentes de part et d'autre: ­

D'un côté, l'automatisme de l'expulsion est limité par le principe de proportionnalité (au sens strict) et par les droits de l'homme garantis par le droit international. Le droit au respect de la vie privée et familiale selon l'art. 8 CEDH et l'art. 17 du Pacte II de l'ONU, ainsi que les garanties de la convention relative aux droits de l'enfant seront observés autant que possible; le projet prévoit par ailleurs le respect absolu du principe de non-refoulement.

­

De l'autre côté, l'automatisme de l'expulsion visé par les nouvelles dispositions constitutionnelles empêche le respect plein et entier du principe de proportionnalité et de certaines règles de droit international. Concernant le principe de proportionnalité, on estimera ainsi en règle générale, sans examen individuel de chaque cas, que l'expulsion est dans l'intérêt public, qu'elle est nécessaire et qu'elle est adéquate. La nouvelle réglementation de l'expulsion tient compte autant que possible de l'ALCP et de la Convention AELE. Dans de nombreux cas, l'expulsion pourra tenir compte des garanties matérielles de ces deux traités.

Compte tenu des intérêts contradictoires évoqués ci-dessus, la liste des infractions est relativement concise. Ne doivent en effet entraîner l'expulsion que des crimes 103

Synthèse des résultats de la consultation, p. 13.

5410

graves, comparables au viol ou au brigandage qui sont mentionnés dans le texte de la Constitution. On satisfait là aux voeux des auteurs de l'initiative104.

Le projet essaie par ailleurs d'établir une certaine cohérence en ne se limitant pas aux actes de violence graves et aux infractions contre l'intégrité sexuelle, mais en incluant également dans la liste des infractions graves contre le patrimoine. Par ailleurs, on a ajouté à l'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale, parmi les infractions entraînant une expulsion, l'obtention de prestations par escroquerie, ainsi que la soustraction de contributions dues à l'Etat.

En n'incluant dans la liste que des infractions d'une certaine gravité abstraite et en prévoyant une peine minimale de six mois, la variante 1 vise à empêcher que des délits mineurs puissent entraîner l'expulsion de leur auteur. Une clause d'exception ­ visant en particulier les étrangers qui ne seraient venus en Suisse que pour s'y livrer à la délinquance ­ permet néanmoins d'expulser les auteurs quelle que soit la peine qui leur a été infligée. Cette réglementation flexible permet de tenir compte de manière appropriée du principe de proportionnalité (au sens strict).

Enfin, le projet est cohérent, puisqu'il ne permet pas l'admission provisoire, sur la base de l'art. 83 LEtr, des personnes dont l'expulsion n'est pas exécutable. On empêche de la sorte que ces personnes retrouvent un nouveau statut légal, ce qui serait difficilement compatible avec les nouvelles dispositions constitutionnelles.

1.4

Comparaison avec le droit étranger

Les Etats voisins de la Suisse ­ Allemagne, Autriche, France et Italie ­ procèdent aussi à l'expulsion d'étrangers criminels. Les chapitres qui suivent exposent les règles et les principes les plus importants adoptés par ces quatre pays en la matière.

Vu que ces pays sont tous membres de l'UE, leurs législations nationales respectives sont régies par le principe de la primauté et de l'applicabilité directe du droit de l'UE, dont font aussi partie l'Accord sur l'Espace économique européen (EEE) et l'ALCP conclu avec la Suisse. Ce principe du droit de l'UE correspond à la jurisprudence constante et communément admise de la Cour de justice de l'Union européenne (CourEDH).

1.4.1

Allemagne

En Allemagne, les dispositions pertinentes pour l'expulsion d'étrangers criminels figurent dans la loi relative au séjour des étrangers («Gesetz über den Aufenthalt, die Erwerbstätigkeit und die Integration von Ausländern im Bundesgebiet», AufenthG»105)106. Les infractions entraînant ou pouvant entraîner une expulsion n'y sont toutefois pas énumérées. L'AufenthG distingue trois types d'expulsion, en fonction de la gravité de l'infraction commise et de la peine infligée (art. 53 à 55 104

Cf. Explications du Conseil fédéral relatives à la votation populaire du 28 novembre 2020, p. 12.

105 Texte disponible sous http://dejure.org > AufenthG.

106 Conformément au par. 1, al. 2, ch. 1, AufenthG et sauf disposition légale contraire, cette loi ne s'applique pas aux étrangers dont le statut est régi par la loi relative à la libre circulation générale des citoyens de l'Union («Gesetz über die allgemeine Freizügigkeit von Unionsbürgern»).

5411

AufenthG): l'expulsion obligatoire («zwingende Ausweisung»), l'expulsion de principe («Regel-Ausweisung») et l'expulsion discrétionnaire (ou possibilité d'expulsion, «Ermessensausweisung»). Les autorités chargées de prononcer l'expulsion doivent s'assurer, dans chaque cas, que la mesure respecte le principe de proportionnalité et qu'elle n'enfreint ni le droit européen ni le droit international107.

Certains ressortissants étrangers bénéficient cependant d'une protection spécifique contre les expulsions (art. 56 AufenthG) et les dispositions relatives à l'expulsion ne leur sont applicables qu'à certaines conditions: c'est le cas, par exemple, des titulaires d'un permis de séjour de résident de longue durée ­ CE, des personnes possédant une autorisation de séjour et vivant en Allemagne depuis plus de cinq ans, ainsi que des mineurs possédant une autorisation de séjour et vivant en Allemagne depuis plus de cinq ans aussi.

Aux termes de l'art. 53 AufenthG, il y a obligation d'expulser une personne étrangère lorsqu'elle a été condamnée, pour une ou plusieurs infractions intentionnelles, par un jugement entré en force à une peine privative de liberté (ou à une condamnation pénale pour mineurs) de trois ans au minimum ou à plusieurs peines privatives de liberté (ou à plusieurs condamnations pénales pour mineurs) d'une durée cumulée de trois ans au minimum sur une période de cinq ans (par. 1). L'expulsion obligatoire s'applique aussi en cas de condamnation pour infractions intentionnelles à la loi sur les stupéfiants («Betäubungsmittelgesetz») ou de condamnation pour émeute si l'auteur s'est vu infliger une peine privative de liberté (ou une condamnation pénale pour mineurs d'une durée de deux ans au moins) qui n'était pas assortie d'un sursis (par. 2). Les condamnations pour introduction clandestine de migrants tombent aussi sous le coup de l'expulsion obligatoire (par. 3).

Même si la loi parle d'expulsion obligatoire, l'expulsion n'intervient pas automatiquement, les autorités compétentes devant tenir compte des particularités du cas (principe de proportionnalité, art. 8 CEDH108).

Dans les cas de moindre gravité109, l'AufenthG prévoit, à l'art. 54, l'expulsion de principe. Un ressortissant étranger est en principe expulsé s'il a été condamné, par exemple pour une ou plusieurs infractions intentionnelles,
par un jugement entré en force à une condamnation pénale pour mineurs d'une durée minimale de deux ans ou à peine privative de liberté fermes (par. 1). L'introduction clandestine de migrants et certaines infractions à la loi sur les stupéfiants entrent aussi dans le champ d'application de l'expulsion de principe (par. 2 et 3). Les autorités ne peuvent renoncer à l'expulsion qu'en présence d'un cas de figure atypique. Les infractions commises précédemment ne sont prises en compte dans l'examen de l'opportunité de l'expulsion que dans la mesure où elles représentent encore un danger actuel110.

L'expulsion discrétionnaire (art. 55 AufenthG), enfin, s'applique lorsque le séjour d'une personne étrangère porte atteinte à la sécurité et à l'ordre publics ou à d'autres intérêts prépondérants de la République fédérale d'Allemagne111. C'est le cas, entre autres, lorsque la personne a fait des déclarations fausses ou incomplètes pour obte107 108 109

Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 72.

Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 75.

De même que dans les cas où l'infraction commise justifierait une expulsion obligatoire mais que le ressortissant étranger bénéficie d'une protection spécifique contre l'expulsion (cf. art. 56, par. 1, AufenthG).

110 Pour d'autres cas d'application, voir l'art. 54, par. 4 à 7, AufenthG; Fornale/Kurt/Sow/ Stünzi 2011, p. 77 s.

111 Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 78 s.

5412

nir, par exemple, un titre de séjour (art. 55, par. 2, ch. 1, AufenthG) ou qu'elle consomme des stupéfiants et n'est pas disposée à se soumettre à un traitement nécessaire à son sevrage ou qu'elle se soustrait à ce traitement (par. 4). Les autorités compétentes tiennent compte, là aussi, dans leur décision des particularités du cas (par ex. durée du séjour, répercussions de l'expulsion pour la vie de famille; cf.

art. 55, par. 3, AufenthG).

1.4.2

Autriche

Les conditions d'expulsion de ressortissants d'États tiers sont fixées dans la loi sur la police des étrangers («Fremdenpolizeigesetz», FPG112). Tout comme dans le droit allemand, les infractions entraînant ou pouvant entraîner l'expulsion n'y sont pas énumérées. L'expulsion de criminels étrangers dépend, d'une part, du titre de séjour de la personne concernée, d'autre part, de la durée de son séjour en Autriche. Avant de pouvoir prononcer une expulsion (décision administrative), les autorités doivent procéder à un examen individuel du cas et s'assurer que la mesure respecte le principe de proportionnalité113.

Un ressortissant étranger en situation irrégulière peut être renvoyé si, dans les trois mois suivant son entrée en Autriche, il est condamné par un jugement entré en force pour une infraction intentionnelle (art. 53, par. 3, ch. 2, FPG)114.

En revanche, si la personne dispose d'une autorisation de séjour (délivrée selon le principe de la consolidation du séjour, «Aufenthaltsverfestigung») et qu'elle vit en Autriche depuis huit ans au moins, elle ne peut être expulsée que si elle a été condamnée par un tribunal pour un acte pénalement répréhensible et que la poursuite de son séjour en Autriche menacerait l'ordre et la sécurité publics (art. 64, par. 3, FPG). En ce qui concerne les titulaires d'une autorisation de séjour de durée illimitée, de même que les étrangers de la deuxième génération, l'expulsion n'est possible que si la poursuite de leur séjour constitue une menace actuelle et suffisamment grave pour l'ordre et la sécurité publics (art. 64, par. 4, FPG). On entend par menace grave, par exemple, une condamnation, par un jugement entré en force, pour un crime ou pour trafic de migrants (art. 64, par. 5, ch. 1, FPG)115. D'une manière générale, plus une personne réside depuis longtemps en Autriche et plus l'infraction qu'elle a commise doit être grave pour que l'expulsion puisse être ordonnée116.

L'expulsion de ressortissants étrangers de la deuxième ou troisième génération, qui sont nés en Autriche et y ont grandi, n'est pas autorisée. Il en va de même de ceux qui sont arrivés en Autriche avant l'âge de trois ans117.

112 113 114 115 116 117

Texte disponible sous: www.ris.bka.gv.at > Bundesrecht > FPG.

Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 80 s.

Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 81.

Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 82 s.

Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 83.

Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 83.

5413

1.4.3

France

C'est le livre V du «code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit asile» (CESEDA118) qui règle, depuis le 1er mars 2005, les conditions d'expulsion de ressortissants étrangers. Les autorités disposent de trois outils pour expulser un étranger criminel, à savoir la reconduite à la frontière, la mesure d'expulsion et la peine d'interdiction du territoire»119.

Le préfet de département peut prononcer une mesure de reconduite à la frontière à l'encontre d'une personne étrangère qui séjourne depuis moins de trois mois sur le territoire français et constitue une menace pour l'ordre public ou à l'encontre d'une personne étrangère condamnée pour une infraction pénale120, ce qui est plus souvent le cas. Certaines catégories de ressortissants étrangers ne peuvent toutefois pas faire l'objet de cette mesure en raison de leur âge ou de leur situation familiale, ou encore de la durée de leur séjour ou de leur état de santé (cf. art. L.511-4-7° CESEDA)121.

Il en va de même des ressortissants de l'UE et des citoyens suisses. Les mineurs étrangers ne peuvent pas non plus être expulsés (art. L. 511-4-1 CESEDA).

La mesure d'expulsion est une mesure policière visant la protection de la sécurité et de l'ordre publics. Il ne s'agit pas d'une sanction au sens strict. Elle est prononcée par le préfet de département lorsque la présence d'un ressortissant étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. Il n'est pas nécessaire que la personne ait été condamnée. Le préfet procède à chaque fois à un examen individuel du cas: tout comme la reconduite à la frontière, la mesure d'expulsion ne peut pas s'appliquer à certaines catégories de ressortissants étrangers122, en particulier aux mineurs (art. L. 521-4 CESEDA).

La peine d'interdiction du territoire (art. L. 541-1 ss CESEDA) est, en revanche, une sanction pénale, qui est prononcée soit à titre de peine principale, soit en complément d'une autre peine. Lorsque cette sanction est expressément prévue par la loi123, le juge pénal peut interdire (disposition potestative) à une personne étrangère coupable d'un crime ou d'un délit l'entrée en France pour une durée déterminée (dix ans au plus) ou à titre définitif. Le juge procède, là aussi, à un examen individuel de chaque cas. La peine d'interdiction du territoire ne peut pas non plus être prononcée à
l'encontre de certaines catégories de ressortissants étrangers ou seulement dans des cas bien définis: un mineur ou un adulte ayant commis une infraction alors qu'il était encore mineur ne peut pas faire l'objet de ce type de mesure, dont l'application est en principe aussi exclue par exemple si la personne réside en France depuis plus de

118 119 120 121

Texte disponible sous: www.legifrance.gouv.fr.

Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 85.

Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 86.

Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 89. Voir aussi sous: www.vosdroits.servicepublique.fr > Particuliers > Etranger-Europe > Etrangers en France > Eloignement des étrangers non européens > Arrêté de reconduite à la frontière.

122 Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, P. 90; voir aussi les art. L. 521-2 et L. 521-3 CESEDA.

123 Sont concernées quelque 200 infractions sanctionnées par le «code pénal» (par ex. atteintes à la vie et à l'intégrité physique de la personne, crimes et délits contre les biens, et crimes et délits contre l'Etat), le «code du travail» (par ex. travail dissimulé), le «code du sport» ou le «code de justice militaire»; cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 92.

5414

vingt ans ou qu'elle est arrivée en France avant son treizième anniversaire124. Dans d'autres cas enfin (par ex. ressortissant étranger marié à un citoyen français), une interdiction du territoire ne peut être prononcée qu'au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de la personne concernée125.

1.4.4

Italie

En Italie, les dispositions légales sur l'expulsion de ressortissants étrangers figurent, notamment, dans le décret no 286 du 25 juillet 1998 relatif à l'immigration et au statut des étrangers («Testo unico delle disposizioni concernenti la disciplina dell'immigrazione e norme sulla condizione dello straniero», T.U.126), qui est complété par des dispositions pénales spécifiques cf. par ex. les art. 235 et 312 du code pénal (Codice Penale, C.P127). La loi met divers outils à la disposition des autorités compétentes: Comme son nom l'indique, l'expulsion administrative («espulsione amministrativa», art. 13 T.U.) est une mesure de nature administrative prononcée par le préfet à l'encontre de personnes étrangères qui séjournent illégalement en Italie ou qui y sont entrées illégalement ou qui ne remplissent plus les conditions de séjour128.

Parmi les mesures d'expulsion judiciaire que le juge peut prononcer à l'encontre d'un étranger criminel figure l'expulsion à titre de mesure de sécurité («espulsione a titolo di misura di sicurezza», art. 15 T.U.). Pour que cette sanction puisse être appliquée, deux cas de figure sont envisageables: soit le ressortissant étranger a été condamné à une peine privative de liberté de plus deux ans, quelle que soit l'infraction qu'il a commise (cf. art. 235 C.P.), soit il a été condamné pour une infraction de gravité moindre129, indépendamment de la peine qui lui a été infligée.

Dans un cas comme dans l'autre, le ressortissant étranger doit non seulement avoir été condamné, mais il doit aussi constituer une menace réelle et actuelle pour l'ordre public. Le juge procède à un examen individuel de chaque cas130.

L'expulsion à titre de sanction de substitution à la détention («espulsione a titolo di sanzione sostitutiva alla detenzione», art. 16, par 1, T.U.) est une autre mesure d'expulsion judiciaire, qui consiste pour le juge à prononcer une expulsion en remplacement d'une peine privative de liberté d'une durée de moins de deux ans infligée pour une infraction qui n'a pas été commise par négligence. L'expulsion à titre de sanction alternative («espulsione a titolo di sanzione alternativa») est une mesure particulière qui ne s'applique que si certaines conditions sont remplies: le ressortissant étranger concerné doit être formellement identifié et se trouver en détention. Il 124

125

126 127 128 129 130

Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 93; cf. aussi art. 131-30-2 du code pénal. Dans certains cas toutefois (par ex. violence domestique ou infractions particulièrement graves, comme le terrorisme ou l'espionnage), la personne étrangère ne peut pas invoquer cette protection contre l'expulsion.

Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 94; cf. art. 131-30-1 code pénal et www.vosdroits.service-publique.fr > Particuliers > Etranger-Europe > Etrangers en France > Eloignement des étrangers non européens > Interdiction judiciaire du territoire français.

Texte disponible sous: www.interno.it > Legislazione > Immigrazione e Asilo.

Texte disponible sous: www.testolegge.com > Codice Penale.

Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 97.

Par ex. infractions contre l'Etat et infractions à la législation sur les stupéfiants.

Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 98 s.

5415

doit en outre être entré illégalement en Italie ou y séjourner de manière irrégulière.

Enfin, la peine qui lui a été infligée ne doit pas être d'une durée supérieure à deux ans (cf. art. 16, par. 5, et art. 13, par. 2, T.U.)131.

Dans les cas où une personne étrangère représente une menace grave pour l'ordre public et la sécurité nationale ou dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, l'expulsion peut être prononcée directement par le ministère italien de l'intérieur (art. 13, par. 1, T.U.)132.

Certaines catégories de ressortissants étrangers ne peuvent pas faire l'objet d'une mesure d'expulsion (art. 19 T.U.). C'est le cas, par exemple, des étrangers qui séjournent légalement en Italie, depuis longtemps, et des mineurs. Les personnes qui pourraient être persécutées en raison notamment de leur race, de leur langue ou de leurs convictions politiques ou religieuses, ne peuvent pas non plus être expulsées.

2

Commentaires des nouvelles dispositions

2.1

Modification du code pénal

2.1.1

Art. 66a (1a. Expulsion. a. Conditions)

Al. 1 Phrase introductive La phrase introductive pose comme condition de l'expulsion que l'étranger a été «condamné à une peine» pour avoir commis une infraction de la liste des let. a à e. Il en découle qu'une expulsion ne peut être prononcée qu'à l'encontre d'un auteur qui était capable de discernement au moment de son acte (cf. art. 19, al. 1, CP). En outre, une expulsion ne peut pas être ordonnée lorsque le juge renonce à prononcer une peine (cf. ch. 1.2.6).

Conformément aux dispositions générales du CP, en cas de condamnation, l'expulsion n'est pas appliquée uniquement à l'auteur unique ou principal. Les coauteurs d'une infraction sont tous logés à la même enseigne. Les instigateurs et les complices encourent la même peine que l'auteur principal (art. 24 s. CP). En d'autres termes, une expulsion doit être prononcée quelle que soit la forme de culpabilité ou de participation. Si l'auteur n'a pas mené l'acte illicite à son terme ou que celui-ci n'a pas produit de résultat, le chef d'inculpation est la tentative, et le tribunal peut atténuer la peine (art. 22 CP). Si le seuil minimal de la peine est atteint (voir plus bas), il faut prononcer l'expulsion. Peu importe que le juge ait assorti la peine d'un sursis ou d'un sursis partiel (art. 42 s. CP).

Plusieurs participants à la consultation ont critiqué la durée prévue pour l'expulsion, qui va de cinq à quinze ans133. L'art. 121, al. 5, Cst. ne laisse toutefois aucune marge d'interprétation à cet égard. Il revient au juge134 de fixer une durée dans cette fourchette, en tenant compte notamment du principe de la proportionnalité.

131 132 133 134

Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 100.

Cf. Fornale/Kurt/Sow/Stünzi 2011, p. 101 s.

Synthèse des résultats de la consultation, p. 19.

Le ministère public ne peut pas ordonner une expulsion dans le cadre de la procédure de l'ordonnance pénale (cf. ch. 1.2.11).

5416

Let. a La let. a dresse une liste d'infractions graves contre des biens juridiques. Y sont expressément mentionnés les infractions découlant des nouvelles dispositions constitutionnelles (art. 121, al. 3, let. a) et qui sont passibles de peines sévères135. Cette liste inclut le meurtre (art. 111 CP), l'assassinat (art. 112 CP), le meurtre passionnel (art. 113 CP), le brigandage (art. 140 CP), la traite d'êtres humains (art. 182 CP) et le viol (art. 190 CP). Une clause générale fondée sur une fourchette de peines détermine les autres infractions prises en considération. Elle couvre l'ensemble des infractions passibles d'une peine privative de liberté minimale d'un an ou plus ou d'une peine privative de liberté maximale de dix ans ou plus. Cette clause inclut les infractions suivantes: ­

crimes graves contre la vie et l'intégrité corporelle: interruption de grossesse punissable sans le consentement de la femme (art. 118, al. 2, CP), lésions corporelles graves (art. 122 CP);

­

crimes graves contre le patrimoine: abus de confiance qualifié (art. 138, ch. 2, CP), vol par métier (art. 139, ch. 2, CP) et vol en bande (art. 139, ch. 3, CP), dommage considérable à la propriété (art. 144, al. 3, CP), détérioration de données entraînant un dommage considérable et exécution par métier d'actes préparatoires pouvant entraîner un tel dommage (art. 144bis, ch. 1, al. 2, et ch. 2, al. 2, CP), escroquerie par métier (art. 146, al. 2, CP), utilisation frauduleuse par métier d'un ordinateur (art. 147, al. 2, CP), abus par métier de cartes-chèques et de carte de crédit (art. 148, al. 2, CP), extorsion et chantage par métier, en exerçant des violences ou en menaçant de mettre en danger un grand nombre de personnes (art. 156, ch. 2 à 4, CP), usure par métier (art. 157, ch. 2, CP), gestion déloyale aux fins d'enrichissement (art. 158, ch. 1, al. 3, CP) et recel par métier (art. 160, ch. 2, CP);

­

crimes graves contre la liberté: séquestration et enlèvement avec circonstances aggravantes (art. 184 CP) et prise d'otage (art. 185 CP);

­

crimes graves contre l'intégrité sexuelle: contrainte sexuelle (art. 189 CP), acte d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP) et encouragement à la prostitution (art. 195 CP)136;

­

crime grave créant un danger collectif: incendie intentionnel (art. 221, al. 1 et 2, CP), explosion (art. 223, ch. 1, al. 1, CP), emploi, avec dessein délictueux, d'explosifs ou de gaz toxiques (art. 224, al. 1, CP), fabrication, dissimulation et transport d'explosifs ou de gaz toxiques en sachant ou en devant présumer qu'ils sont destinés à un emploi délictueux (art. 226, al. 1, CP), mise en danger en se servant de l'énergie nucléaire, de matières radioactives

135

A l'exception de la traite d'être humains, ces infractions sont toutes couvertes par la clause générale. Il a donc été proposé, lors de la procédure de consultation, de renoncer à les indiquer explicitement et d'ajouter une lettre séparée pour couvrir la traite d'êtres humaines (synthèse des résultats de la consultation, p. 15). Il semble cependant justifié de mentionner expressément les infractions considérées par la Constitution comme impliquant une expulsion.

136 Plusieurs participants à la consultation ont demandé qu'on complète la liste d'autres infractions à l'intégrité sexuelle (p. ex. actes d'ordre sexuel avec des enfants, art. 187 CP; cf. synthèse des résultats de la consultation, p. 15, note de bas de page 117). On y a renoncé, étant donné que les infractions mentionnées ne présentent pas le degré de gravité requis (de par les peines encourues), et qu'elles couvrent également des infraction légères.

5417

ou de rayonnements ionisants (art. 226bis, al. 1, CP), fabrication, obtention, etc. de substances radioactives, d'installations ou d'appareils ou d'objets qui en contiennent ou peuvent en émettre, en sachant ou en devant présumer qu'ils sont destinés à un emploi délictueux (art. 226ter, al. 2, CP) et endommagement d'installations électriques, de travaux hydrauliques ou d'ouvrages de protection (art. 228, ch. 1, al. 1, CP).

Let. b L'«effraction» au sens de l'art. 121, al. 3, let. a, Cst. n'est pas définie pénalement.

Dans son sens général, ce terme désigne le fait de s'introduire de manière illicite dans une maison, un appartement ou un local commercial d'un tiers pour y commettre un vol. L'effraction a donc été définie comme une violation de domicile (art. 186 CP) en lien avec un vol (art. 139 CP).

Plusieurs autres définitions ont été proposées lors de la consultation, dans lesquelles un lien est établi soit avec le vol, soit avec les dommages à la propriété (art. 144 CP), ou avec ces deux infractions137. La personne qui pénètre dans un bâtiment ou un local fermé dont elle n'a pas la jouissance procède généralement en en forçant l'entrée. L'évolution technique lui permet aujourd'hui de le faire sans forcément causer de dommages. Il y a lieu de rejeter une définition de l'effraction qui poserait comme condition, outre le vol (ou la tentative de vol) et la violation de domicile, les dommages à la propriété, car une telle définition avantagerait les auteurs les plus habiles. La définition proposée inclut aussi l'auteur d'un vol qui se sera introduit dans la place sans briser de serrures, portes, fenêtres ou autres. Par ailleurs, il faut éviter de définir l'effraction en liant la violation de domicile et les dommages à la propriété, ces actes étant tous deux poursuivis sur plainte. Dans la plupart des cas, lorsque d'importants dégâts sont commis, on a affaire à une violation de domicile avec tentative de vol (les auteurs, déçus, se vengent sur les biens mobiliers).

L'expulsion ne doit intervenir que dans les cas où l'auteur s'est au moins rendu coupable d'une tentative de vol (qui est couverte par la liste d'infractions).

Les critiques se sont concentrées sur le fait que la violation de domicile est uniquement poursuivie sur plainte, et que l'expulsion dépend donc au final de la volonté du
lésé. Certains redoutent que le criminel étranger ne monnaie le retrait de la plainte pour échapper à l'expulsion. Les participants en question ont demandé que l'expulsion ne puisse pas dépendre du dépôt de la plainte138. Le législateur décide qu'une infraction est poursuivie sur plainte lorsqu'il apparaît qu'il est plutôt dans l'intérêt de l'Etat ou du particulier de renoncer à la poursuivre (c'est souvent le cas pour des infraction mineures). Un autre élément déterminant est que la poursuite de ce genre d'infractions peut affecter gravement les droits personnels de la victime139. Il faut éviter d'engager des poursuites contre la volonté de la personne habilitée à porter plainte140. Cette protection doit lui être garantie même lorsque l'infraction est susceptible d'entraîner l'expulsion de l'auteur. Renoncer à la nécessité du dépôt d'une plainte dans ce cas reviendrait à violer le principe de l'égalité devant la loi: les auteurs d'effraction seraient poursuivis d'office s'ils sont étrangers, et uniquement sur plainte s'ils sont Suisses. Le fait que l'expulsion dépende de la volonté du plaignant et que l'étranger puisse monnayer le retrait de la plainte est une conséquence 137 138 139 140

Synthèse des résultats de la consultation, p. 15.

Synthèse des résultats de la consultation, p. 15 s.

Riedo 2007, ad art. 30 CP, no 11 et 8 s.

Cf. définition du droit de plainte dans Riedo 2007, art. 30 CP, no 4.

5418

difficilement évitable des nouvelles dispositions constitutionnelles, qui mentionnent expressément l'effraction comme motif d'expulsion. A noter toutefois que, pour plus de 90 % des infractions en général, les poursuites engagées par les autorités pénales le sont à la suite d'informations communiquées par la population. Le problème mentionné pour les infractions poursuivies sur plainte se pose donc aussi pour celles poursuivies d'office141. En d'autres termes, l'expulsion dépendra la plupart du temps, comme la poursuite pénale des infractions en général, de la plainte déposée ou des informations communiquées par un particulier.

Let. c Aux termes de l'art. 121, al. 3, let. b, Cst., l'étranger doit être expulsé s'il a perçu abusivement des prestations des assurances sociales ou de l'aide sociale. L'escroquerie au sens de l'art. 146 CP couvre déjà la perception astucieuse de telles prestations. C'est pourquoi elle est ajoutée à la liste des infractions. L'ajout d'une clause générale couvrant les infractions commises sans astuce est proposé (cf. ch. 2.1.6).

Let. d La possibilité laissée au législateur de compléter la liste d'infractions (art. 121, al. 4, Cst.) permet d'y ajouter plusieurs formes d'escroquerie et d'autres infractions en matière de contributions de droit public.

Par contributions de droit public, on entend les prestations en argent que l'Etat prélève auprès des particuliers, sur la base de la souveraineté qui lui est reconnue, pour accomplir notamment les tâches qui lui incombent142. De nombreux actes législatifs contiennent des dispositions pénales sanctionnant par exemple des comportements visant à frauder l'Etat143.

Seules doivent pouvoir entraîner l'expulsion les infractions en matière de contributions qui sont passibles d'une peine d'une certaine sévérité. La plupart des infractions en matière de contributions qui sont régies par le droit fédéral ou le droit cantonal144 sont des contraventions et sont donc punies de l'amende (art. 103 CP). Ces infractions ne doivent pas figurer dans la liste. Les délits sont des infractions passibles d'une peine privative de liberté n'excédant pas trois ans ou d'une peine pécuniaire (art. 10, al. 3, CP). Au niveau fédéral, on en trouve surtout dans le domaine des contributions fiscales, des taxes douanières et des cotisations aux assurances
sociales. La plupart des infractions sont relativement légères, comme en attestent les peines encourues145, qui n'entraîneront pas l'expulsion. Les délits graves voire les crimes, passibles d'une peine privative de liberté, sont relativement rares dans ce domaine.

141 142

Riedo 2007, ad art. 30 CP, no 4.

P. ex. les impôts et les taxes causales (émolument, contribution, TVA ou taxe de remplacement). Cf. Tschannen/Zimmerli/Müller 2009, p. 530 s.

143 P. ex. fraude fiscale, soustraction d'impôt, mise en péril de l'impôt, détournement de l'impôt à la source, soustraction de cotisations aux assurances sociales, etc.

144 En vertu de l'art. 335, al. 1, CP, les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.

145 Souvent, la peine encourue est une peine pécuniaire pouvant aller jusqu'à 180 joursamende. Cette sanction est appliquée notamment dans le domaine des contributions aux assurances sociales.

5419

Pour toutes ces raisons, la liste des infractions ne mentionne, dans le domaine des contributions de droit public, que celles qui sont passibles d'une peine privative de liberté maximale d'un an ou plus. Sont concernées au niveau fédéral les infractions en matière de contributions explicitement mentionnées, comme l'escroquerie (art. 146, al. 1, CP), l'escroquerie en matière de prestations et de contributions prévue par le droit pénal administratif (art. 14, al. 1, 2 et 4 de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif [DPA]146, 147)148, la fraude fiscale et le détournement de l'impôt à la source149. La clause générale permet d'inclure dans la liste des infractions d'autres actes passibles de peines similaires, comme la soustraction qualifiée d'impôt dans les domaines suivants: TVA (art. 97, al. 2, de la loi du 12 juin 2009 sur la TVA [LTVA]150), impôt sur les tabacs (art. 35, al. 3, de la loi du 21 mars 1969 sur l'imposition du tabac [LTab]151), charges fiscales prévues par la législation sur l'alcool (art. 54, al. 1bis, de la loi fédérale du 21 juin 1932 sur l'alcool152) et taxe sur la bière (art. 35, al. 2, de la loi fédérale du 6 octobre 2006 sur l'imposition de la bière [LIB]153). Sont également couvertes la soustraction douanière qualifiée et la mise en péril douanière qualifiée (art. 118, al. 3, et 119, al. 2, de la loi du 18 mars 2005 sur les douanes [LD]154)155.

Au niveau cantonal, les infractions pouvant entraîner une expulsion concernent plutôt le droit fiscal156, régi par le droit administratif cantonal. Dans ce domaine, les cantons peuvent édicter des sanctions pour des infractions ayant valeur de délit (cf.

art. 335, al. 2, CP).

Let. e La notion «trafic de drogue» mentionné à l'art. 121, al. 3, let. a, ne correspond lui non plus à aucune infraction existante en droit pénal. Il s'agit donc de le concrétiser.

Etant donné que les spécialistes utilisent les termes «stupéfiants» et «substances

146 147

148

149

150 151 152 153 154 155 156

RS 313.0 L'escroquerie en matière de prestations est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 14, al. 1, DPA en relation avec l'art. 333, al. 2, CP), l'escroquerie en matière de contributions est punie d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 14, al. 2, DPA en relation avec l'art. 333, al. 2, CP). Les formes qualifiées de ces infractions sont passibles d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 14, al. 4, DPA).

P. ex. fraude douanière ou escroquerie dans les domaines de la TVA, des droits de timbre ou de l'impôt anticipé. Dans ces domaines, la compétence de poursuivre et de juger les infractions appartient aux autorités fédérales (cf. art. 1 DPA). La fraude fiscale en matière d'impôt fédéral direct n'est en revanche pas couverte par l'art. 14, al. 2, DPA. Il revient aux autorités cantonales de poursuivre et de juger les infractions dans ce domaine.

Ces deux infractions fiscales sont punies d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 186, al. 1, et 187, al. 1, LIFD RS 642.11 en relation avec l'art. 333, al. 2, CP).

RS 641.20 RS 641.31 RS 680 RS 641.411 RS 631.0 Ces infractions sont passibles, selon les cas, d'une peine privative de liberté d'un an, de deux ans ou de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Notamment la fraude fiscale et le détournement de l'impôt à la source (cf. art. 59, al. 1, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) RS 642.14], et p. ex. l'art. 223, al. 1, et 224, al. 1, du CP du canton de BE, ou les par. 261 et 262 du CP du canton de ZH).

5420

psychotropes» pour désigner la drogue, nous parlerons ici de «trafic de stupéfiants».

Conformément à la norme constitutionnelle, qui vise des infractions, seul le trafic illicite de stupéfiants est concerné. Le terme «illicite» traduit l'absence d'une autorisation de faire le commerce des substances en question (il revient à Swissmedic, à l'Office fédéral de la santé publique [OFSP], aux cantons ou au Département fédéral de l'intérieur de délivrer une telle autorisation) ou le fait que les stupéfiants en question sont interdits aux termes de l'art. 8, al. 1, LStup.

Le trafic illicite de stupéfiants couvre en principe tous les actes commis illégalement d'une manière intéressée en vue de permettre ou de favoriser le commerce illégal de produits stupéfiants157. Le trafic illicite ne se limite donc pas au fait de vendre ces substances, de les mettre à disposition ou de les remettre gratuitement; il couvre toute la chaîne des actes qui, au final, aboutissent à une mise en danger de la santé publique. C'est pourquoi des activités facilitant l'acquisition, le stockage et la livraison de stupéfiants ou le financement de leur achat sont-elles également prises en compte.

Nous renonçons à définir ici de manière exhaustive la notion de «trafic illicite de stupéfiants». Une telle définition n'apparaît pas pertinente, compte tenu du très grand nombre d'éléments potentiellement constitutifs d'infraction qui pourraient permettre ou favoriser le trafic de stupéfiants. Il n'existe d'ailleurs à ce jour aucune définition de ce genre au niveau international. La Commission de l'UE a bien tenté en 2001 de formuler une définition uniforme de la notion de trafic illicite de stupéfiants, mais elle s'est heurtée à l'opposition de certains Etats membres158.

De manière générale, les sanctions visant le trafic illicite de stupéfiants sont définies dans la LStup. Cette dernière a pour but de protéger la santé contre les effets de substances et de préparations qui créent une dépendance ou produisent des effets similaires (art. 1 LStup). Par stupéfiants, on entend au sens de l'art. 2, let. a, LStup les substances et préparations qui engendrent une dépendance et qui ont des effets de type morphinique, cocaïnique ou cannabique, et celles qui sont fabriquées à partir de ces substances ou préparations ou qui ont un effet semblable
à celles-ci. Sont assimilées à des stupéfiants les substances psychotropes, à savoir les substances et préparations engendrant une dépendance qui contiennent des amphétamines, des barbituriques, des benzodiazépines ou des hallucinogènes tels que le lysergide ou la mescaline ou qui ont un effet semblable à ces substances ou préparations (art. 2, let. b, LStup).

La LStup désigne à son chapitre 4 (art. 19 ss) différents comportements qui sont punissables. Le groupe de travail a suggéré d'ajouter un renvoi à la disposition pénale de l'art. 19 LStup pour concrétiser le terme «trafic de drogue»159. Cet article décrit à son premier alinéa toute la palette des actes constitutifs d'infraction; ceux-ci comprennent, pour autant qu'ils soient pratiqués illégalement, la culture, la fabrication et la production de stupéfiants, leur entreposage, expédition, transport, importation, exportation, passage en transit et commercialisation, leur possession ou déten157

Cf. Fingerhuth/Tschurr 2007, art. 19, no 191, avec renvoi vers Albrecht 2007, art. 19, no 190; selon la jurisprudence constante allemande, on entend par trafic l'ensemble des actes commis de manière intéressée dans le but de permettre ou de favoriser le commerce de stupéfiants («unter Handeltreiben ist jedes eigennützige Bemühen zu verstehen, das darauf gerichtet ist, den Umsatz von Betäubungsmitteln zu ermöglichen oder zu fördern»); in Weber 2007, p. 43 s.

158 Weber 2007, p. 178 s.

159 Cf. rapport du groupe de travail, ch. 6.4.1, p. 62 s.

5421

tion, le financement du trafic illicite et les actes préparatoires liés à ces infractions.

Les éléments constitutifs de l'infraction principale visés à l'art. 19, al. 1, LStup englobent des situations abstraites de mise en danger. La disposition doit permettre de punir d'une peine toute personne dont le comportement augmente le risque que le bien juridique concerné puisse être blessé, qu'il y ait ou non mise en danger réelle160. Il suffit d'une petite quantité de stupéfiants ou qu'un petit nombre de personnes soit en cause pour que les éléments constitutifs de l'infraction soient réalisés. Toutefois, dans de tels cas, le risque potentiel pour la santé publique est généralement minime et ne justifie pas une mesure aussi drastique que l'expulsion automatique de Suisse161.

Tel qu'il est énoncé, l'art. 19, al. 2, LStup établit un lien plus explicite avec la santé en tant que bien juridique protégé, et plus particulièrement avec le champ délimité ici par le trafic de drogue, en tant qu'activité visant à permettre au final un acte dommageable pour la santé publique. On applique ici l'al. 2, sanctionnant l'infraction qualifiée, lorsqu'il existe un risque concret de mise en danger de la santé publique, en raison des quantités en jeu, de la composition des stupéfiants ou du nombre de personnes concernées. La mise en danger concrète de la santé publique place l'intérêt général au premier plan et justifie une sanction plus élevée.

L'art. 19, al. 2, LStup énumère différents critères d'une infraction qualifiée: Dans sa let. a, il désigne comme des cas graves les infractions qui peuvent mettre en danger directement ou indirectement la santé de nombreuses personnes. Le danger que représente un stupéfiant pour la santé ne dépend cependant pas uniquement du critère quantitatif. D'autres facteurs entrent en compte, comme le risque d'overdose, la forme d'application ou le mélange avec d'autres drogues162. Le Tribunal fédéral applique une interprétation extensive de la notion de danger: à ses yeux, pour que le critère de «nombreuses personnes» soit réalisé, il faut que celles-ci soient au moins au nombre de 20163. En d'autres termes, l'infraction est qualifiée lorsque la substance stupéfiante a été remise à 20 personnes au moins. Les seuils de quantité minimaux définis par le Tribunal fédéral pour les différentes
sortes de stupéfiants sont peu élevés, raison pour laquelle l'art. 19, al. 2, let. a, LStup est souvent appliqué164.

L'affiliation à une bande criminelle et le fait de se livrer au trafic par métier constituent deux autres critères de qualification (art. 19, al. 2, let. b et c, LStup). Selon la jurisprudence, il y a bande lorsque deux ou plusieurs auteurs manifestent expressément ou par un acte concluant la volonté de s'associer en vue de commettre ensem160 161

Fingerhuth/Tschurr 2007, art. 19, no 2; même avis: Albrecht 2009, p. 3.

Lors des débats ayant précédé la votation, il a toujours été question de «graves délits» (voir les arguments des auteurs de l'initiative, p. 12 de la brochure «Explications du Conseil fédéral»).

162 Initiative parlementaire. Révision partielle de la loi sur les stupéfiants. Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national; FF 2006 8141, 8178.

163 ATF 108 IV 65 s.; 120 IV 337 s.; 121 IV 334 164 Albrecht 2007, p. 104; le Tribunal fédéral a émis un arrêt de principe (ATF 109 IV 144 s.)

fixant à 12 g d'héroïne pure, à 18 g de cocaïne pure ou à 200 trips de LSD (confirmé dans l'ATF 121 IV 332) les quantités minimales pouvant mettre en danger la santé de nombreuses personnes et qui sont donc constitutives d'un cas grave. Le seuil fixé pour les amphétamines se situe à 36 g (ATF 113 IV 34 ss). Le trafic d'ecstasy (ATF 125 IV 90 ss) ou de cannabis (ATF 117 IV 314 modifiant l'ATF 109 IV 145) n'est à l'inverse pas constitutif d'un cas grave, étant donné que contrairement aux cocaïnomanes et aux héroïnomanes, on n'observe pas chez les consommateurs de ces drogues de phénomène de décrochage sociale ni de hausse de la criminalité.

5422

ble plusieurs (plus de deux) infractions indépendantes, même s'ils n'ont pas de plan et que les infractions futures ne sont pas encore déterminées165. Toujours selon la jurisprudence, la circonstance aggravante du métier est réalisée lorsque le chiffre d'affaires ou le gain est à qualifier d'important; c'est le cas à partir de respectivement 100 000 francs166 et 10 000 francs167. Depuis l'entrée en vigueur de la révision partielle de la LStup du 4 mai 2006, est également considéré comme une circonstance aggravante le fait de proposer, de céder ou de permettre de toute autre manière à des tiers, par métier, d'avoir accès à des stupéfiants dans les lieux de formation principalement réservés aux mineurs ou dans leur périmètre immédiat (art. 19, al. 2, let. d, LStup). Peu importe dans ce cas que l'auteur réalise un chiffre d'affaires ou un gain important.

Dans l'ancienne loi, les raisons fondant un cas grave étaient énumérées de manière non exhaustive, en raison de l'utilisation du terme «notamment»168, 169. Le Tribunal fédéral a précisé qu'on pouvait le cas échéant admettre l'existence d'un cas grave en présence d'infractions répétées dont aucune n'implique une mise en danger de nombreuses personnes: peu importe selon lui que l'auteur mette en circulation la drogue en une seule grande quantité ou sous forme de nombreuses petites doses.

Dans ce dernier cas, l'auteur doit finir par se rendre compte que la quantité totale de stupéfiants qu'il a mise en circulation est susceptible de mettre en danger la santé d'un grand nombre de personnes170. Le terme «notamment» ayant disparu du nouvel art. 19, on peut se demander s'il faut continuer de considérer comme non exhaustive la liste des critères de qualification énumérés. Le législateur ayant par ailleurs renoncé, dans l'art. 19, al. 2, let. a, à préciser la quantité de stupéfiants à considérer171, l'infraction impliquant de petites quantités peut désormais être considérée comme grave lorsqu'elle est commise de manière répétée. Ce n'est pas la quantité de stupéfiants composant chaque dose isolée qui est considérée, mais le fait que l'auteur, par la répétition de ses actes, peut menacer la santé d'un grand nombre de personnes. Selon les circonstances, cette définition s'applique également aux «trafiquants de boulettes».

Al. 2 Le principe de la proportionnalité
(au sens strict) commande de conditionner l'expulsion à un acte d'une certaine gravité, qui résulte à la fois de la sanction prévue par la loi et de la peine prononcée dans le cas concret (cf. ch. 1.2.7). La sanction minimale prévue par le projet dépasse donc une peine privative de liberté de six mois ou une peine pécuniaire de 180 jours-amende.

Ces seuils minimaux n'ont cependant pas une valeur absolue: en vertu de l'al. 2, le juge pourra exceptionnellement prononcer l'expulsion même si la peine ne dépasse pas respectivement six mois (peines privatives de liberté), 180 jours-amende (peines pécuniaires) ou 720 heures (travaux d'intérêt général), lorsque les intérêts publics à l'expulsion l'emportent sur l'intérêt de l'étranger à demeurer en Suisse.

165 166 167 168 169 170 171

ATF 122 IV 265, consid. 2 b avec renvois; ATF 124 IV 86 ss.

ATF 129 IV 188 ATF 129 IV 253 Art. 19, ch. 2, aLStup: Le cas est grave notamment lorsque l'auteur [...].

ATF 120 IV 332 s.

ATF 114 IV 164, consid. 2 b; ATF 6S.190/2000 du 11 juillet 2001.

Art. 1, al. 2, let. a: [...] s'il sait ou ne peut ignorer que l'infraction peut directement ou indirectement mettre en danger la santé de nombreuses personnes; [...].

5423

Cela pourra être le cas par exemple pour des infractions mineures commises par des délinquants itinérants. A l'instar d'autres étrangers qui séjournent en Suisse sans y être autorisés, ces personnes peuvent déjà être expulsées administrativement en vertu de la LEtr. La solution retenue permettra au juge pénal de prononcer une expulsion judiciaire à l'encontre de ceux qui auront commis une infraction au sens de l'art. 66a P-CP. En d'autres termes, toutes les expulsions découlant d'une infraction de la liste seront en principe prononcées par le juge pénal. Ces expulsions judiciaires constituent des mesures plus incisives que celles prévues par la LEtr, puisqu'elles sont assorties d'une interdiction d'entrée sur le territoire suisse de cinq ans au moins.

Nous renonçons à introduire une règle qui viserait à expulser également les auteurs condamnés plusieurs fois à de courtes peines pour avoir commis des infractions prévues dans la liste, et dont les peines cumulées sur dix ans dépasseraient le seuil minimum justifiant l'expulsion172. Une telle règle apparaît superflue: le juge pourra expulser un récidiviste condamné plusieurs fois à une faible peine en s'appuyant sur l'al. 2. La récidive multiple est un cas typique où, en cas de peine ne dépassant pas six mois, les intérêts publics à l'expulsion peuvent l'emporter sur les intérêts privés de l'auteur à rester en Suisse.

Al. 3 Le juge qui inflige à l'auteur d'une infraction figurant dans la liste de l'al. 1 une peine privative de liberté de plus de six mois ou une peine pécuniaire de plus de 180 jours-amende est en principe tenu de prononcer également son expulsion.

Cette règle connaît toutefois une exception: on renoncera à l'expulsion si celle-ci ne peut être raisonnablement exigée, parce qu'elle porterait gravement atteinte à des droits personnels de l'étranger qui sont garantis par le droit international en matière des droits de l'homme. On songe ici en premier lieu aux droits définis à l'art. 8 CEDH et à l'art. 17 du Pacte II de l'ONU. Sont également à prendre en considération les droits garantis par la convention relative aux droits de l'enfant, comme l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 3), l'interdiction de séparer l'enfant de ses parents contre leur gré (art. 10, al. 1) et le droit de l'enfant d'entretenir des contacts directs réguliers avec
ses parents (art. 10, al. 2).

Selon la jurisprudence constante de la CourEDH, la CEDH ne reconnaît pas un droit automatique à entrer ou à séjourner dans un Etat signataire. Si l'étranger est établi légalement dans un Etat signataire, son expulsion constitue toutefois une ingérence dans son droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH).

172

Cf. rapport du groupe de travail, variantes 2 à 4 , ch. 6.7.4, p. 75. Une proposition similaire a été formulée lors de la consultation pour les récidivistes (Synthèse des résultats de la consultation, p. 19).

5424

La jurisprudence de la CourEDH impose de prendre en compte de nombreux critères au moment d'examiner l'admissibilité d'une telle ingérence173. Pour l'essentiel, ces critères s'appliquent également à l'examen des ingérences visées à l'art. 17 du Pacte II de l'ONU.

L'al. 3 prévoit certaines restrictions quant aux critères à prendre en compte. C'est ainsi qu'une condamnation à une peine de plus de six mois pour une infraction à l'art. 66a, al. 1, P-CP justifiera en principe une expulsion automatique. Par ailleurs, l'impossibilité d'exiger raisonnablement l'expulsion ne pourra découler que de l'existence d'atteintes graves aux droits personnels. Cette formulation indique que des atteintes mineures à la vie privée et familiale, même si elles sont multiples, ne suffiront pas à justifier une dérogation. De la même manière que l'al. 2 dispose que l'intérêt public doit l'emporter pour qu'on puisse exceptionnellement ordonner une expulsion, il faut selon l'al. 3 que l'intérêt privé l'emporte sur l'intérêt public pour qu'il puisse être exceptionnellement dérogé à l'expulsion. Par ailleurs, la mise en oeuvre de l'art. 121, al. 3, Cst. oblige à ne plus accorder d'importance au statut de séjour du condamné, actuellement pris en compte au moment de fixer une mesure en vertu du droit des étrangers. Selon cet article constitutionnel, un étranger condamné est, indépendamment de son statut, privé de son titre de séjour et de tous ses droits à séjourner en Suisse. Cette restriction pourrait amener la CourEDH (ou le Tribunal fédéral) à constater dans certains cas une violation de la CEDH.

Il convient dans ce contexte de mentionner un arrêt de la CourEDH du 15 novembre 2012, concernant l'affaire Sahal c. Suisse, qui n'est toutefois pas encore entré en force. Le requérant, un étranger au bénéfice d'une autorisation d'établissement (permis C), avait été condamné à plusieurs reprises par un tribunal suisse (office du juge d'instruction cantonal) à des peines privatives de liberté d'un à quatre mois ainsi qu'à des peines pécuniaires. Mises bout à bout, les sanctions prononcées totalisaient une peine privative de liberté de cinq mois et demi et une peine pécuniaire de 120 jours-amende. Une expulsion pour une durée de dix ans a ensuite été prononcée à l'encontre du requérant. Selon l'arrêt de la CourEDH, malgré la faible
peine prononcée dans chaque cas, l'expulsion ne viole pas l'art. 8 CEDH, compte tenu de tous les critères pris en compte174.

Selon l'al. 3, le juge devra tenir compte avant tout, dans sa décision, de motifs résultant de la situation personnelle et familiale du condamné. Les motifs d'empêchement potentiels, liés en premier lieu à la situation du pays d'expulsion du 173

Nature et gravité de l'infraction ou des infractions; durée du séjour, temps écoulé depuis la commission de l'infraction ou des infractions et conduite de l'intéressé depuis lors; durée d'un éventuel éloignement; situation familiale de la personne concernée (durée du mariage, caractère effectif de la vie familiale, degré d'information du partenaire concernant l'infraction au moment du mariage, présence d'enfants et âge de ces derniers); gravité des difficultés que le conjoint pourrait connaître dans le pays de destination, intérêt et bien-être des éventuels enfants et notamment difficultés qu'ils pourraient connaître dans le pays de destination; disparités des liens sociaux, culturels et familiaux entre le pays de résidence et le pays de destination.

Lorsque l'auteur est arrivé très jeune voire qu'il est né dans le pays de résidence et qu'il y a accompli toute sa scolarité, la CourEDH tient en outre compte des critères suivants: connaissances linguistiques de l'intéressé; âge de l'intéressé au moment de l'expulsion; présence de parents dans le pays de destination; potentiel d'intégration dans le pays de destination, par rapport au pays de résidence.

174 Arrêt de la CourEDH Shala c. Suisse, requête no 52873/09 du 15 novembre 2012. Une demande de renvoi devant la Grande Chambre de la CourEDH est en cours. Celle-ci devrait statuer dans le courant de 2013.

5425

condamné, ne pourront être complètement ignorés. Ainsi, la perspective que le condamné (et sa famille) puissent rencontrer de graves difficultés dans le pays de destination, voire un traitement inhumain, fera que son expulsion ne pourra pas être raisonnablement exigée au sens de l'art. 8 CEDH et imposera de renoncer exceptionnellement à cette mesure. Il reviendra à l'autorité d'exécution de veiller à ce que le principe de non-refoulement soit respecté, conformément à la jurisprudence élaborée par le Tribunal fédéral sous l'ancien droit à propos de l'expulsion judiciaire175. L'art. 66d P-CP constitue une norme spéciale de l'art. 66a, al. 3, P-CP (cf. ch. 2.1.4) Al. 4 L'al. 4 apporte une précision pour le cas où l'étranger est condamné pendant la même procédure pour plusieurs infractions dont certaines ne figurent pas dans la liste. En effet, si l'on s'appuyait sur la peine totale prononcée pour l'ensemble des infractions, alors que seule une partie d'entre elles peut justifier une expulsion176, cela aurait pour conséquence de relativiser la définition de la peine minimale de six mois: dans ce cas, le dépassement du seuil minimal résulterait de l'addition des diverses peines prononcées pour toutes les infractions concomitantes.

Lorsqu'un juge prononce une condamnation pour différentes infractions, il doit déterminer, en vertu de l'al. 4, la part de la peine imputable à des infractions figurant dans la liste. Le total imputable à ces dernières détermine si le seuil minimum et dépassé et s'il faut appliquer l'al. 2 ou l'al. 3. On considérera en revanche l'ensemble des infractions sur lesquelles porte la condamnation pour déterminer si les intérêts publics l'emportent sur l'intérêt de l'étranger à demeurer en Suisse.

2.1.2

Art. 66b (b. Récidive)

Cette disposition concrétise l'art. 121, al. 5, 2e phrase, Cst.

Dans la variante 1 mise en consultation, il ne pouvait y avoir récidive que si la personne condamnée était déjà sous le coup d'une expulsion. C'était le cas à partir de l'entrée en force du jugement jusqu'au terme de la durée fixée pour l'expulsion.

La récidive correspondait donc, dans son principe, à un échec de la mise à l'épreuve au sens des art. 46 et 89 CP. Plusieurs participants à la consultation ont objecté que cette condition était trop restrictive et qu'elle ne pouvait pas être déduite des nouvelles dispositions constitutionnelles. La définition retenue étend donc la portée de la récidive à l'art. 66b P-CP. En conséquence, il peut y avoir récidive même si la durée de la précédente expulsion est écoulée.

Si l'auteur pénètre en Suisse avant que l'expulsion ne soit arrivée à son terme et qu'il y commet de nouveaux délits entraînant une nouvelle expulsion, la première sera remplacée par la suivante, dont la durée plus longue courra à partir du nouveau jugement. Il n'y aura donc pas cumul des expulsions, mais absorption de la première par la seconde177. L'expulsion durera toujours 20 ans en cas de récidive.

175 176

ATF 116 IV 105.

Comme cela est proposé dans les variantes 2 à 4 du groupe de travail (cf. art. 73a, al. 2 et 3 de la variante 2, rapport du groupe de travail, p. 128.

177 Voir la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'art. 55 aCP, in: Keller 2003, art. 55 CP, no 56 s.

5426

L'expulsion d'une durée de 20 ans est prononcée en même temps que la deuxième condamnation. Elle n'est donc possible que sur la base de nouvelles infractions condamnées par des tribunaux suisses, mais pas de condamnations prononcées à l'étranger (cf. ch. 1.2.14).

2.1.3

Art. 66c (c. Moment de l'exécution)

Al. 1 Toute expulsion est en principe exécutable dès l'entrée en force du jugement, indépendamment du type de sanction prononcée en sus. En vertu de l'art. 437, al. 2, CPP, l'entrée en force prend effet à la date à laquelle la décision a été rendue.

Al. 2 Même si l'expulsion pourrait dans chaque cas être exécutée immédiatement après le constat de l'entrée en force, il ne serait pas pertinent que l'auteur de l'infraction soit expulsé avant même que ne soit exécutée une peine ou une mesure infligée simultanément. En effet, ce serait contraire au principe de l'égalité des droits et à l'obligation de l'Etat d'appliquer le droit. De plus, une telle solution serait contre-productive eu égard à la prévention spécifique et générale. Par conséquent, il faut en principe procéder à l'exécution de la sanction principale prononcée contre la personne condamnée avant d'exécuter l'expulsion. Déjà sous l'ancien régime d'expulsion prévu à l'art. 55 aCP, on admettait que la peine ou la mesure privative de liberté devait être partiellement ou totalement purgée avant que l'expulsion judiciaire ne soit exécutée178. Cette manière de procéder est également prévue dans l'expulsion facultative nouvellement proposée par le Conseil fédéral179.

L'expulsion doit être ordonnée pour certains crimes ou délits. Les crimes et les délits sont passibles de peines privatives de liberté, de peines pécuniaires et de travaux d'intérêt général. Ces peines peuvent être fermes ou assorties d'un sursis ou d'un sursis partiel. De plus, des mesures privatives de liberté sont possibles en lien avec l'expulsion, c'est-à-dire une mesure thérapeutique stationnaire au sens des art. 59 à 61 CP ou l'internement visé à l'art. 64 CP.

178 179 180

­

Les peines pécuniaires fermes doivent être exécutées avant l'expulsion.

L'épuisement de toutes les possibilités d'exécution proposées par le code pénal (art. 35 s. CP) n'est pas toujours compatible avec l'esprit et l'objectif de l'expulsion. Mais si l'autorité d'exécution a de sérieuses raisons de penser que le condamné veut se soustraire à la peine pécuniaire, elle peut en exiger le paiement immédiat ou demander des sûretés (art. 35, al. 2, CP).

­

Le travail d'intérêt général est un type de peine dont l'objectif est de fournir réparation en faveur de la communauté locale et de préserver le réseau social de la personne condamnée. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, son prononcé ne se justifie donc que si la personne condamnée peut envisager de rester en Suisse après l'exécution de sa peine180. Le juge n'infligera donc Keller 2003, art. 55 CP, no 57.

Message sur le réforme du droit des sanctions, FF 2012 4385, 4409.

ATF 134 IV 97 consid. 6.3.3.4

5427

pas, parallèlement à une expulsion, un travail d'intérêt général comme peine principale, car en l'occurrence, celle-ci semblerait inopportune.

­

En cas de peine avec sursis, il paraît approprié d'exécuter l'expulsion dès le constat de l'entrée en force du jugement. Le fait que la période probatoire ne puisse dans ce cas pas être surveillée en Suisse ne s'y oppose pas. Déjà sous l'ancien droit, on partait du principe que l'expulsion devait être exécutée immédiatement181.

­

En vertu de l'art. 43 CP, le juge peut également suspendre partiellement l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus. Pour ce qui est de la partie de la peine à exécuter, les aspects de l'exécution mentionnés ci-dessus sont valables. En ce qui concerne la partie de la peine dont l'exécution est suspendue, la période probatoire ne peut pas non plus être surveillée en Suisse, ce dont il convient aussi de s'accommoder.

Al. 3 Si la peine ou mesure privative de liberté est ferme, une fois celle-ci exécutée, l'expulsion doit être appliquée immédiatement. En cas de libération conditionnelle, la période probatoire ne s'oppose pas à l'exécution de l'expulsion. L'expulsion doit également être exécutée dès que la mesure privative de liberté est levée, sauf s'il reste une partie de la peine à exécuter ou qu'une autre mesure privative de liberté est ordonnée (cf. art. 62c, al. 2 à 4 et 6, CP); dans ce cas, il faut attendre que ces sanctions aient été exécutées. En revanche, aucune mesure de protection de l'adulte au sens de l'art. 62c, al. 5, CP ne doit s'opposer à l'exécution de l'expulsion.

Al. 4 L'al. 4 crée une réserve à l'al. 2. Une sanction privative de liberté, dont l'exécution devrait précéder l'expulsion au sens de l'al. 2, peut également être exécutée dans le pays d'origine de la personne concernée182. Le transfèrement vers ce pays a dans ce cas valeur d'exécution de l'expulsion.

Al. 5 La règle définie à l'al. 5 relative au calcul de la durée de l'expulsion a été reprise de l'ancien code pénal183.

Théoriquement, la durée de l'expulsion pourrait commencer à courir dès le constat de l'entrée en force. Cela ne serait toutefois pas judicieux compte tenu des sanctions privatives de liberté qui doivent être exécutées avant que la personne condamnée ne soit expulsée. En outre, il pourra arriver que la personne expulsée reste un certain temps en Suisse avant d'être expulsée, pour des raisons familiales, de santé ou autre.

Dans d'autres cas, l'expulsion ne pourra pas être exécutée parce que les personnes à expulser ne posséderont pas de pièces d'identité et qu'on ne pourra établir leur identité. Enfin, certaines personnes, comme les délinquants itinérants, dont l'identité 181 182

Keller 2003, art. 55 CP, no 57.

Cf. entre autres la Convention du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées, RS 0.343.

183 Cf. art. 55, al. 3, 2e phrase, aCP.

5428

est établie et qui possèdent des documents valables, pourront être expulsées très rapidement184. C'est pourquoi la durée de l'expulsion doit commencer de courir le jour où la personne condamnée quitte la Suisse.

La durée de l'expulsion correspondra en principe à celle prévue dans le jugement.

2.1.4

Art. 66d (d. Report de l'exécution)

Al. 1 L'art. 66d P-CP laisse aux cantons le soin de désigner l'autorité chargée d'exécuter l'expulsion (cf. ch. 1.2.9). L'autorité compétente doit tenir compte d'office des obstacles à l'exécution qui sont portés à sa connaissance par l'étranger condamné ou dont elle apprend l'existence par d'autres sources. L'obligation matérielle de quitter la Suisse et, donc, la perte du droit de séjour subsistent; seule l'exécution forcée est provisoirement suspendue. Sans cette «ouverture» au niveau de la phase d'exécution, l'initiative sur le renvoi aurait dû être invalidée pour causse de violation règles impératives du droit international.

L'art. 66d, al. 1, P-CP fait une distinction entre l'application relative et l'application absolue du principe de non-refoulement.

Let. a L'application relative du principe de non-refoulement concerne les réfugiés qui bénéficient d'une protection particulière du fait de leur statut (art. 25, al. 2, Cst.).

L'art. 33, ch. 1, de la convention relative au statut des réfugiés et l'art. 5, al. 1, LAsi précisent qu'un réfugié reconnu ne peut être refoulé dans un pays où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social déterminé ou de ses opinions politiques. Cette protection n'est toutefois pas absolue (art. 33, ch. 2, convention relative au statut des réfugiés, et art. 5, al. 2, LAsi): «l'interdiction du refoulement ne peut être invoquée lorsqu'il y a de sérieuses raisons d'admettre que la personne qui l'invoque compromet la sûreté de la Suisse ou que, ayant été condamnée par un jugement passé en force à la suite d'un crime ou d'un délit particulièrement grave, elle doit être considérée comme dangereuse pour la communauté». Lorsque l'expulsion concerne un réfugié, l'autorité d'exécution doit donc toujours procéder à une pesée d'intérêts, pour déterminer si le délit ou le crime à l'origine de l'expulsion est suffisamment grave pour justifier son exécution. Selon la jurisprudence, la protection contre le refoulement peut être levée seulement si la personne a commis un crime particulièrement grave et qu'il existe un risque concret de récidive185. Le fait qu'une infraction figure dans la liste de l'art. 66a, al. 1, P-CP n'en fait pas automatiquement une infraction grave au sens de l'art. 33, al. 2,
de la convention relative au statut des réfugiés ou de l'art. 5, al. 2, LAsi. Au contraire, certains des actes visés à l'art. 66a, al. 1, let. b, c et d, P-CP peuvent dans le cas d'espèce représenter des infractions mineures, qui ne justifient pas qu'on puisse enfreindre le principe de nonrefoulement186. En d'autres termes, la possibilité d'une dérogation au principe de Cf. art. 64d LEtr: délai de départ et exécution immédiate.

ATF 2A.139/1994 du 1er juillet 1994, consid. 6, avec renvois à la doctrine, confirmé dans l'arrêt 2A.51/2006 du 8 mai 2006, consid. 5.2.

186 Cf. Keller 2003, art. 55CP, no 15 s.

184 185

5429

non-refoulement est beaucoup plus limitée pour les réfugiés que pour les autres étrangers.

Let. b L'art. 25, al. 3, Cst. dispose que nul ne peut être refoulé sur le territoire d'un Etat dans lequel il risque la torture ou tout autre traitement ou peine cruels et inhumains.

Cette disposition a une valeur absolue et s'applique à tous les étrangers, quel que soit leur statut juridique. Même un terroriste ayant tué un grand nombre de personnes ne peut être refoulé dans un pays où il risque de subir des traitements cruels et inhumains.

L'impossibilité d'une exécution n'est pas explicitement mentionnée, puisque le report de l'exécution en constitue la conséquence logique. Cette impossibilité se réfère à des obstacles techniques au sens large et ne revêt pas, contrairement à l'illicéité, une fonction protectrice pour la personne concernée. L'impossibilité doit donc être fondée sur des motifs externes à sa sphère d'influence. Principal motif pratique rendant impossible le renvoi: le refus des autorités du pays d'origine de délivrer des documents de voyage. L'art. 121, al. 3 et 5, Cst. permet un examen par l'autorité d'exécution pénale, ce qui répond également à des impératifs pratiques.

La LEtr prévoit à son art. 83 que l'expulsion peut également être temporairement suspendue lorsque l'exécution de la décision ne peut être raisonnablement exigée pour cause de guerre, de guerre civile ou de nécessité médicale. Si ce motif de nonrefoulement n'est pas explicitement mentionné, c'est parce qu'il ne constitue pas un droit de l'homme dont la protection est garantie par le droit international. Le juge pourra toutefois tenir compte des situations mentionnées à l'art. 83 au moment d'examiner, dans le cadre de sa pesée d'intérêts, les droits de l'homme garantis par le droit international qu'il y a lieu de prendre en compte. S'il décide que la situation qui règne dans le pays rend le renvoi illicite, les autorités d'exécution devront se plier à sa décision. Si le pays vers lequel l'expulsion doit se faire est un pays médicalement sous-équipé et que ce sous-équipement peut entraîner des conséquences graves pour l'expulsé, voire mettre sa vie en péril, il pourra aussi, exceptionnellement, interdire l'expulsion au motif qu'elle violerait l'art. 3 CEDH (traitements inhumains)187.

La jurisprudence du Tribunal fédéral
relative à l'expulsion sous l'ancien droit188 considérait déjà que le principe de non-refoulement ne devait être en principe pris en compte qu'au moment de l'exécution de l'expulsion. Comme sous l'ancien droit, le juge qui prononcera une expulsion, en plus d'une peine privative de liberté avec sursis ou une peine pécuniaire, ne pourra guère ignorer les circonstances qui pourraient justifier l'application du principe de non-refoulement189. Ces circonstances devront également être examinées dans le cadre de la pesée des intérêts prévue à l'art. 66a, al. 2, P-CP et de l'examen du respect des droits de l'homme garantis par le droit international au sens de l'art. 66a, al. 3, P-CP. Si l'examen fait apparaître que l'expulsion pourrait entraîner un risque tel qu'il justifie l'application du principe de non-refoulement, le juge pourra s'appuyer sur ce constat, sans avoir à se baser sur l'art. 66a, al. 3, P-CP, pour renoncer à l'expulsion.

187 188 189

Illes 2006/2007, p. 40 s.

ATF 116 IV 105 Keller 2003, art. 55 CP, no 20.

5430

Al. 2 L'autorité chargée d'exécuter l'expulsion est tenue de vérifier périodiquement que les conditions du report sont toujours réunies.

2.1.5

Art. 105, al. 1

La liste d'infractions de l'art. 66a P-CP ne contient que des délits et des crimes. Pour néanmoins éviter tout malentendu, il est précisé à l'art. 105, al. 1, P-CP que les dispositions relatives à l'expulsion ne s'appliquent pas aux contraventions.

2.1.6

Art. 148a (Obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale)

En vertu de la compétence de la Confédération de légiférer en matière pénale (art. 123, al. 1, CP) et des nouvelles dispositions constitutionnelles (art. 121, al. 3, let. b Cst.), une nouvelle infraction est proposée pour punir l'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide social190. L'art. 148a P-CP correspondant est ajouté sous le titre «Infractions contre le patrimoine» (art. 137 ss CP), à la suite des art. 146 à 148 CP relatifs à l'escroquerie et à d'autres formes d'abus. Son titre marginal est «Obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale». La nouvelle infraction ne reprend par le terme «abus», qui figure dans la disposition constitutionnelle, car elle ne vise pas l'abus d'un droit, un tel droit n'existant pas en tant que tel, mais plutôt le fait que quelqu'un obtienne des prestations qui ne lui reviennent pas: l'auteur touche donc des prestations de manière illicite. Selon ce nouvel article, est puni quiconque, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour luimême ou pour un tiers des prestations indues d'une assurance sociale ou de l'aide sociale.

Sur le plan de la systématique, la nouvelle infraction constitue une clause générale de l'escroquerie (art. 146 CP). Cette dernière peut aussi punir l'obtention illicite de prestations sociales191. L'art. 146 CP suppose que l'auteur induit astucieusement en erreur une personne ou qu'il la conforte astucieusement dans son erreur. Si l'énoncé de fait légal (plus grave) définissant l'escroquerie n'est pas réalisé, parce que l'astuce fait défaut, c'est la clause générale qui s'applique. Pour que la nouvelle infraction soit réalisée, il n'est pas nécessaire que l'auteur agisse astucieusement lorsqu'il induit une personne en erreur ou qu'il la conforte dans son erreur.

L'art. 148a P-CP vise les comportements délictueux en matière d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale qui ne seraient pas déjà couverts par les éléments constitutifs de l'escroquerie. Cette technique correspond à la tradition du CP et à la logique qui lui est inhérente.

190

Les éléments constitutifs de l'infraction correspondent dans les grandes lignes à la proposition faite par le groupe de travail dans les variantes 2 à 4, cf. rapport du groupe de travail, ch. 6.6.3, p. 69 ss.

191 Cf. p. ex. ATF 6B_542/2012 du 10 janvier 2013.

5431

La sanction prévue à l'art. 148a P-CP est par conséquent moins sévère que pour l'escroquerie. L'auteur d'une infraction au sens de l'art. 146, al. 1, CP s'expose à une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou à une peine pécuniaire. D'après la jurisprudence et la doctrine, il faut qu'il y ait astuce pour qu'une tromperie soit punissable en droit pénal suisse. Une personne qui induit quelqu'un en erreur par un simple mensonge ne l'est pas192. La nouvelle infraction ne pose pas l'astuce comme condition. Cette différence qualitative doit se refléter dans la fourchette des sanctions. Les dispositions pénales comparables prévues dans le droit fédéral des assurances sociales et le droit cantonal en matière d'aide sociale prévoient des sanctions très faibles193. Les nouvelles dispositions constitutionnelles mentionnent l'obtention abusive des prestations en question sous une lettre séparée et la placent sur un pied d'égalité, du point de vue de ses conséquences pénales (l'expulsion), avec d'autres infractions en partie bien plus graves. La gravité des comportements visés est donc revue à la hausse. C'est pourquoi l'art. 148a P-CP prévoit à leur encontre une peine privative de liberté d'un an au plus ou une peine pécuniaire. La nouvelle infraction se situe dans la catégorie des délits de faible gravité (art. 10, al. 3, CP). Les cas légers, punis de l'amende, sont considérés comme des contraventions (art. 103 CP), ce qui exclut une expulsion au sens de l'art. 66a P-CP.

Faits constitutifs objectifs L'infraction inclut le fait d'induire une personne en erreur ou de la conforter dans son erreur, d'une quelconque manière. Sont donc couvertes toutes les formes de tromperie. En principe, il y a tromperie si l'auteur fournit des informations fausses ou incomplètes. Le principal cas d'application est donc explicitement cité: celui où quelqu'un dissimule sa situation financière ou personnelle réelle (p. ex. à propos de son état de santé). La tromperie peut aussi se traduire par le fait de passer certains faits sous silence. On observe un tel comportement passif lorsque quelqu'un omet de signaler que sa situation s'est améliorée par exemple. Selon les lois cantonales en matière d'aide sociale, les personnes requérant de l'aide sont tenues de fournir des renseignements complets et véridiques sur leur situation
personnelle et économique.

Elles doivent présenter les documents nécessaires et communiquer sans délai tout changement de leur situation. Si une personne simule un état de détresse par des indications fausses ou incomplètes, en taisant ou en dissimulant des faits, il s'agit d'un cas classique d'obtention illicite de prestations194. L'expression «ou de toute autre façon» permet de pénaliser les autres cas éventuels de simulation d'une situation de détresse en vue d'obtenir illicitement des prestations sociales (voir plus bas).

Les faits constitutifs n'incluent donc pas le simple maintien d'une situation de détresse ni la violation de l'obligation d'améliorer sa situation personnelle ou de mettre fin à sa situation de détresse (s'il n'en résulte pas des prestations illicites).

N'est pas punissable non plus l'utilisation contraire au but des prestations obtenues de manière licite. Outre le fait qu'un tel comportement ne paraît pas condamnable, sa définition en tant qu'infraction poserait de sérieux problèmes de délimitation.

192

ATF 135 IV 79 ss; Arzt 2007, art. 146 CP, no 55 s.; Stratenwerth/Jenny/Bommer 2010, § 15, no 17.

193 Art. 87, al. 1, LAVS: peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus; art. 85 LASoc BE: amende; § 48a SHG ZH: amende.

194 CSIAS, Contrôles et sanctions dans le cadre de l'aide sociale. Mesures d'assurance qualité et de prévention d'abus de l'aide sociale. Berne 2010, p. 3, consultable sous: www.skos.ch > Positions > Documents de base > Contrôles et sanctions dans le cadre de l'aide sociale.

5432

Il n'y a pas que les administrations, autorités ou institutions (fédérales, cantonales ou communales) qui peuvent être victimes d'une tromperie ou d'une omission: n'importe quel particulier peut l'être. La tromperie peut viser tout sujet de droit privé qui remplit directement des tâches administratives (p. ex. des caisses-maladie de droit privé dans le domaine de l'assurance-maladie obligatoire), ou le médecin, amené à établir un faux diagnostic ou un rapport médical inexact.

La réalisation de l'infraction résulte de l'obtention de prestations d'une assurance sociale auxquelles la personne n'a pas droit195. Le bénéficiaire de la prestation peut être le requérant lui-même ou un tiers. L'art. 121, al. 3, let. b, utilise le synonyme «percevoir». Il ressort donc tant de la disposition constitutionnelle que de la nouvelle infraction que l'auteur (ou un tiers) doit avoir effectivement perçu ou obtenu la prestation, c'est-à-dire qu'elle doit lui avoir été versée. Si le simple fait d'allouer la prestation suffisait à réaliser l'infraction, cela engendrerait divers problèmes: l'allocation n'est pas toujours communiquée par une décision ou une garantie de prise en charge des frais; le moment précis de l'infraction serait difficile à déterminer; il en résulterait des incertitudes et il serait difficile de prouver l'infraction. Si la prestation a été allouée, mais pas versée, l'auteur est punissable de la tentative d'infraction si son acte était intentionnel.

Eléments subjectifs de l'infraction Considérée d'un point de vue subjectif, la nouvelle infraction, pour qu'elle se réalise, suppose que l'auteur a agi intentionnellement (art. 12, al. 1, CP). Selon l'art. 12, al. 2, CP, «agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait».

L'auteur agissant par négligence notamment ne se rendra pas punissable au sens de l'art. 148a P-CP.

En d'autres termes, il faut d'une part que l'auteur sache, au moment des faits, qu'en agissant d'une certaine manière, il induit quelqu'un en erreur ou le conforte dans son erreur et que, d'autre part, il ait l'intention d'obtenir une prestation sociale à laquelle lui-même ou le tiers auquel il la
destine n'a pas droit.

Contrairement aux éléments constitutifs de l'escroquerie, l'infraction n'exige pas explicitement qu'il y ait un dessein d'enrichissement illicite, de soi-même ou du tiers (voir aussi les art. 14 DPA et 87 LAVS). Un tel dessein existe du seul fait que l'auteur a prémédité son acte (et agit donc intentionnellement) et que cette préméditation vise l'obtention d'une prestation qui ne lui revient pas.

Cas de peu de gravité L'art. 148a, al. 2, P-CP prévoit l'amende pour les cas de peu de gravité d'obtention illicite de prestations sociales. En ce qui concerne le bien juridique protégé, à savoir le patrimoine, on aura affaire à un cas de peu de gravité essentiellement lorsque l'infraction portera sur une prestation d'un faible montant. Cette définition est conforme à l'art. 172ter CP, qui prévoit que l'acte visant un élément patrimonial de 195

Dans l'avant-projet (variante 1), elle était réalisée par «l'obtention illégale des prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale». Cette formulation a été revue sur la base des résultats de la consultation, pour mieux faire ressortir que seul est punissable le fait d'obtenir des prestations auxquelles on n'a pas droit. Cf. Synthèse des résultats de la consultation, p. 24 s.

5433

faible valeur est poursuivi sur plainte et puni d'une simple amende. Doivent être pris en considération l'ensemble des éléments susceptibles de réduire la culpabilité de l'auteur (cf. art. 47 CP). Le cas est de peu de gravité par exemple lorsque le comportement de l'auteur ne traduit pas une intention marquée d'enfreindre la loi ou qu'on peut comprendre ses motivations ou ses buts. Songeons ici à la personne qui, tout en sachant qu'elle est en principe tenue d'annoncer une augmentation de son taux d'activité (et donc de son salaire), attend d'être sûre qu'elle supportera la charge de travail supplémentaire. Il reviendra aux tribunaux de fixer la limite entre les cas couverts par l'al. 1 et ceux qui relèveront de l'al. 2.

Rapport avec le droit en vigueur Le droit fédéral en matière d'assurance sociales contient des normes pénales destinées entre autres à sanctionner les personnes qui obtiennent, pour elles-mêmes ou pour des tiers, des prestations indues, en fournissant des indications fausses ou incomplètes196. L'art 148a P-CP contient des formulations similaires à celles définissant les infractions en matière d'assurances sociales, avec comme élément supplémentaire constitutif de l'infraction le fait d'induire quelqu'un en erreur ou de le conforter dans son erreur. Ainsi, dans le cas d'une demande motivée par des indications fausses, les éléments constitutifs de l'infraction pourront être réalisés même lorsque l'institution (la caisse de compensation p. ex.) accorde les prestations bien qu'elle connaisse le caractère mensonger des indications fournies197. Les infractions pénales prévues par la législation en matière d'assurances sociales sont donc définies de manière un peu plus large, de sorte qu'elles punissent des actes qui ne sont pas couverts par l'art. 148a P-CP. Pour cette raison, il n'y a pas lieu de les modifier. En outre, on peut exclure un concours parfait entre l'art. 148a P-CP et les normes relevant des assurances sociales, ces dernières prévoyant une réserve pour les délits et crimes frappés d'une lourde peine dans le code pénal198. Lorsqu'un comportement remplira les conditions d'une infraction aussi bien au sens des normes relevant des assurances sociales qu'à celui de l'art. 148a P-CP, c'est ce dernier, plus sévère, qui s'appliquera199.

L'art. 14 DPA punit l'escroquerie en matière
de prestations et de contributions. A son al. 1, il sanctionne notamment toute personne «qui aura astucieusement induit en erreur l'administration, une autre autorité, ou un tiers par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou les aura astucieusement confortés dans leur erreur, et aura de la sorte, pour lui-même ou pour un tiers, obtenu sans droit [...]

une [...] prestation des pouvoirs publics». Cette disposition s'applique lorsque la poursuite et le jugement des infractions sont confiés à une autorité administrative fédérale (cf. art. 1 DPA). Dans le domaine des assurances sociales fédérales toutefois, la poursuite pénale des infractions a été confiée aux cantons, raison pour laquel196

Cf. art. 87, al. 1, LAVS (RS 831.10), art. 76, al. 1, LPP (RS 831.40), art. 92, let. b, LAMal (RS 832.10), art. 31, al. 1, let. a, LPC (RS 831.30), art. 105, al. 1, LACI (RS 837.0); art. 23 LAFam (RS 836.2) en relation avec l'art. 87, al. 1, LAVS, art. 25, LAPG (RS 834.1) en relation avec l'art. 87, al. 1, LAVS, art. 70 LAI (RS 831.20) en relation avec l'art. 87, al. 1, LAVS.

197 Homberger 1993, p. 59.

198 Cf. art. 87, al. 8, LAVS, art. 76, al. 8, LPP, art. 31, al. 1, LPC, art. 92 LAMal, art. 105, al. 5, LACI; art. 23 LAFam en relation avec l'art. 87, al. 8, LAVS, art. 25 LAPG en relation avec l'art. 87, al. 8, LAVS, art. 70 LAI en relation avec l'art. 87, al. 8, LAVS.

199 Les infractions au droit des assurances sociales sont passibles d'une «peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus», alors que l'art. 148a P-CP prévoit «une peine privative de liberté d'un an au plus ou une peine pécuniaire».

5434

le l'application de l'art. 14, al. 1, DPA est exclue dans le cas de l'escroquerie en matière de prestations et de contributions. En cas de tromperie astucieuse, c'est encore l'art. 146 CP (escroquerie) qui s'appliquera.

La Constitution attribue aux cantons la compétence d'assister les personnes dans le besoin. Cette compétence inclut celle de légiférer dans ce domaine. Les cantons sont donc habilités à définir des sanctions pour punir les infractions aux normes cantonales régissant l'aide sociale (art. 335, al. 2, CP). A titre d'exemple, l'art. 48a, al. 1, de la Sozialhilfegesetz du canton de Zurich contient la disposition suivante: «Wer für sich oder andere durch unwahre oder unvollständige Angaben, durch Verschweigen von veränderten Verhältnissen oder in anderer Weise Leistungen nach diesem Gesetz unrechtmässig erwirkt, wird mit Busse bestraft» («Sera puni de l'amende quiconque obtient de manière illicite, pour soi-même ou pour un tiers, des prestations au sens de la présente loi, en fournissant des indications fausses ou incomplètes, en taisant un changement de situation, ou de toute autre manière»).

Le nouvel art. 121, al. 3, let. b, Cst. demande que l'on expulse également la personne étrangère qui perçoit abusivement des prestations de l'aide sociale. Le fait que l'expulsion est définie comme une mesure de droit pénal semble justifier, au nom du principe de la légalité (art. 1 CP), qu'on crée une nouvelle infraction dans le CP. Les conditions de l'expulsion seront ainsi les mêmes dans toute la Suisse. Opter pour un renvoi aux dispositions cantonales aurait pour conséquence qu'une même mesure pénale ne serait pas appliquée selon des critères identiques. C'est là une chose à éviter. Par ailleurs, il s'agit de garantir que l'acte déclencheur de l'expulsion présente un certain degré de gravité. Selon les nouvelles dispositions constitutionnelles, mais aussi d'après la compétence générale de légiférer en matière de droit pénal (art. 123, al. 1, Cst.), il revient à la Confédération de créer dans le CP une norme uniforme punissant entre autres l'obtention illicite de prestations de l'aide sociale cantonale. L'art. 146 CP s'applique déjà aux cas d'obtention illicite de l'aide sociale qui relèvent de l'escroquerie. Le nouvel art. 148a P-CP ne sera pas systématiquement appliqué à la place des normes
pénales cantonales en matière d'aide sociale.

Dans les cas où ces dernières prévoient un champ d'application plus large que celui de l'art. 148a P-CP, elles pourront rester en vigueur (cf. p. ex. l'art. 48a de la Sozialhilfegesetz du canton de Zurich, qui n'exige pas que le service d'aide sociale soit induit en erreur ou conforté dans son erreur). Leur application devrait cependant rester l'exception. Les cantons sont libres d'examiner l'opportunité de conserver, de modifier ou d'abroger leurs propres dispositions.

En ce qui concerne l'obtention illicite de l'aide sociale, il existera donc trois niveaux d'infractions: les infractions mineures seront sanctionnées par le droit pénal cantonal en matière d'aide sociale et par le droit fédéral régissant les assurances sociales.

Lorsque l'auteur aura induit autrui en erreur ou l'aura conforté dans son erreur, on appliquera l'art. 148a P-CP. Enfin, s'il trompe quelqu'un astucieusement, c'est l'escroquerie au sens de l'art. 146 CP qui sera réalisée.

2.1.7

Art. 367, al. 2ter, 2quater, 2quinquies, 2sexies et 2septies

En vertu de l'art. 369, al. 5bis, les jugements dans lesquels une expulsion est prononcée doivent être inscrits dans le casier judiciaire jusqu'au décès de la personne concernée (ch. 2.1.8). Une fois la durée de l'expulsion écoulée, ces données ne doivent plus être accessibles qu'aux autorités de poursuite pénale, au cas où la 5435

personne condamnée récidiverait (nouvelle expulsion d'une durée de 20 ans). Les autorités d'exécution des peines doivent également pouvoir utiliser ces données, de même que l'Office fédéral de la justice, responsable de la gestion du casier judiciaire, et les services de coordination cantonaux qui participent à cette gestion. Les autres autorités (celles visées à l'al. 2, let. c, et à l'al. 2septies) ne doivent plus pouvoir consulter le jugement, une fois l'expulsion arrivée à son terme.

Il peut cependant arriver qu'une expulsion parvienne à son terme avant que ne soient écoulés les délais ordinaires calculés en vertu de l'art. 369, al. 1 à 5, CP pour les jugements n'entraînant pas une expulsion. La 2e phrase de l'al. 2ter garantit dans un tel cas que le droit de consulter les données est préservé au moins jusqu'au terme des autres délais applicables aux infractions n'entraînant pas l'expulsion. Les autorités visées à l'art. 367, al. 2, let. c à l, et al 2septies CP bénéficient donc d'un droit de consultation au moins aussi étendu qu'actuellement.

Les al. 2quater à 2sexies CP restent inchangés sur le fond, seuls leurs numéros et ceux des alinéas cités dans le texte sont modifiés pour tenir compte du nouvel al. 2ter200.

2.1.8

Art. 369, al. 5bis

Tout jugement prévoyant une expulsion est inscrit au casier judiciaire.

L'art. 369 CP prévoit que les jugements sont éliminés (de sorte qu'il n'en reste aucune trace) du casier judiciaire au terme d'un certain délai, qui dépend en principe du genre de sanction (cf. al. 1 à 5 et 6).

A l'inverse, lorsque le jugement comporte une expulsion, l'al. 5bis prévoit son élimination du casier judiciaire seulement au décès de la personne concernée. Les délais fixés aux al. 1 à 5 et 6 ne s'appliquent pas dans un tel cas.

Pourquoi l'inscription est-elle maintenue jusqu'au décès de la personne concernée?

L'art. 66b P-CP prévoit la possibilité de prononcer une expulsion qualifiée (20 ans) en cas de récidive. Cela n'est possible que si les autorités de poursuite pénale et les autorités d'exécution peuvent savoir que l'auteur a déjà été condamné à une expulsion par le passé. L'auteur pouvant récidiver à tout moment, il faut que la condamnation figure dans le casier judiciaire jusqu'à son décès. Faute de quoi le projet ne mettrait pas en oeuvre la nouvelle disposition relative à la récidive figurant à l'art.

121, al. 5, Cst.

A l'heure actuelle, les décès ne sont pas communiqués au casier judiciaire. Il faudra donc attendre l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur le casier judiciaire, en cours d'élaboration, pour pouvoir mettre en oeuvre la règle prévue. Le Conseil fédéral a ouvert le 31 octobre 2012 la consultation sur un avant-projet de loi sur le casier judiciaire (AP-LCJ)201. Ce projet prévoit à son art. 66, al. 1, la communication, au registre VOSTRA du casier judiciaire, de tous les décès de personnes enregistrées dans le système d'information central sur la migration (SYMIC). Certains partici200

Cf. RO 2010 6015, 6027 s. et annexe, ch. II, pour la numérotation originale (et le texte des alinéas).

201 Avant-projet de loi fédérale sur le casier judiciaire informatique VOSTRA (loi sur le casier judiciaire, LCJ), consultable sous: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation et d'audition terminées > 2012 > Département fédéral de justice et police.

5436

pants à la consultation ont objecté qu'il sera pratiquement impossible de constater le décès d'une personne qui a été expulsée de Suisse et qui n'y est pas revenue. Pour pallier ce problème, le projet prévoit que le jugement soit automatiquement éliminé au plus tard 100 ans après la naissance de l'intéressé.

Pour le respect du principe de la proportionnalité, il est prévu de limiter l'accès à ces données à certaines autorités, une fois la durée de l'expulsion passée (cf. ch. 2.1.7).

Une personne de nationalité suisse ne peut pas être expulsée. Il ne sera donc pas possible d'expulser en vertu de l'art. 66b P-CP une personne ayant acquis la nationalité suisse qui récidive. Il n'est pas nécessaire de laisser dans le casier judiciaire dans un tel cas la mention de l'expulsion jusqu'au décès de la personne. L'art. 360, al. 5bis donne donc la possibilité à la personne naturalisée de demander après huit ans l'élimination du jugement au terme des délais visés aux al. 1 à 5202.

2.1.9

Art. 371, al. 3, 4, 4bis et 5

L'art. 371 définit à partir de quand la condamnation pénale est effacée des extraits du casier judiciaire destinés à des particuliers (tout en restant enregistrée dans le casier judiciaire), afin de permettre la réinsertion sociale de la personne condamnée203. Ces délais se fondent sur ceux fixés à l'art. 369 CP (Elimination de l'inscription), mais sont plus courts que ces derniers.

Etant donné que l'expulsion figure dans le casier judiciaire jusqu'au décès du délinquant (art. 369, al. 5bis, P-CP), sa durée ne peut pas être déterminante pour l'élimination de l'inscription sur les extraits du casier judiciaire. On a donc précisé aux al. 3 et 4 de l'art. 371, qui fixent les règles de calcul des délais pertinents, les alinéas de l'art. 369 CP auxquels il est renvoyé (al. 1 à 5 et 6). Ces dispositions restent inchangées du point de vue matériel.

Le nouvel al. 4bis prévoit une règle spéciale pour les jugements dans lesquels une expulsion est prononcée. Selon cette règle, un jugement dans lequel est prononcée une expulsion continuera de figurer sur l'extrait du casier judiciaire aussi longtemps que l'expulsion sera valable. L'expulsion est valable à partir du moment de l'entrée en force de la condamnation jusqu'au terme de sa durée ou jusqu'à la levée de l'expulsion. En d'autres termes, le jugement cessera en principe de figurer sur l'extrait dès que l'expulsion sera arrivée à son terme204. La règle spéciale de l'al. 4bis ne s'appliquera pas si l'expulsion prend fin avant que les délais normaux mentionnés à l'art. 371, al. 3 ou 4205, ne soient écoulés A titre d'exemple, si un étranger est condamné à une peine pécuniaire assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de deux ans, ainsi que d'une expulsion de cinq ans,

202 203

Art. 41 de la loi du 29 septembre 1952 sur la nationalité (LN, RS 141.0).

Une fois ces délais écoulés, la personne condamnée peut à nouveau se déclarer «sans antécédents judiciaires» à l'égard de tiers (bailleur p. ex.).

204 La durée de l'expulsion est calculée à partir du jour où la personne condamnée a quitté la Suisse (art. 66c, al. 2, P-CP).

205 L'art. 371, al. 3bis, CP n'est pas pertinent dans ce contexte, puisque l'expulsion est prononcée pour une durée de cinq à quinze ans, ce qui signifie que sa durée minimale correspond à la durée maximale du délai d'épreuve (cinq ans) applicable en cas de peine assortie d'un sursis (partiel).

5437

l'expulsion sera, du fait de sa durée, maintenue sur l'extrait du registre au-delà du délai d'épreuve, jusqu'à ce que sa durée soit écoulée (cf. art. 371, al. 3bis).

L'application de la règle spéciale de l'al. 4bis entraîne un allongement de la durée pendant laquelle un jugement peut figurer sur un extrait du casier judiciaire, notamment lorsque le jugement prévoit, outre une peine avec sursis ou une courte peine privative de liberté ferme, une expulsion plus longue que la peine. Il n'apparaît pas normal qu'on puisse délivrer à une personne condamnée à une expulsion un extrait du casier judiciaire «vierge», une fois écoulés les délais «ordinaires» prévus à l'art. 371, al. 3 à 5, alors que celle-ci est sous le coup de l'expulsion, c'est-à-dire qu'elle n'a pas le droit de séjourner en Suisse. Certains tiers peuvent avoir un intérêt à connaître sa situation réelle (bailleur, employeur). Le même constat s'applique aux cas où la personne condamnée reste en Suisse parce que l'expulsion ne peut être exécutée (pour des raisons techniques ou sur la base du principe de non-refoulement). L'intérêt de la sécurité publique l'emporte dans ce cas sur l'intérêt à une réinsertion sociale de la personne condamnée.

Enfin, il est proposé d'étendre la règle visée à l'al. 5, qui prévoit de prolonger les délais prévus à l'al. 4 de la durée de la peine restante, au jugement contenant une expulsion (art. 4bis).

2.2

Modification du code pénal militaire

2.2.1

Art. 49a (Expulsion)

Cette disposition s'applique aux civils ou militaires étrangers qui ont commis une infraction au sens de l'art. 3, ch. 2 et 7 à 9, CPM et qui sont à ce titre passibles d'une expulsion.

Les principes qui régissent l'expulsion du territoire sont les mêmes que ceux prévus à l'art. 66a P-CP. Seule différence: la liste des infractions à l'al. 1 est plus courte, puisqu'elle porte uniquement sur des délits poursuivis en vertu du CPM.

Les infractions visées aux let a et b de l'al. 1 sont les infractions prévues par le CPM qui correspondent à celles figurant à l'art. 66a P-CP.

La liste n'inclut pas l'escroquerie à une assurance sociale ou à l'aide sociale, mentionnée à l'art. 66a, al. 1, let. c, P-CP. Il est en effet improbable qu'un civil ou un militaire étranger commette une telle infraction comme employé ou mandataire de l'armée ou de l'administration militaire dans le cadre de la collaboration avec la troupe (art. 3, ch. 8, CPM). La nouvelle disposition prévue à l'art. 148a P-CP, qui fonde l'infraction d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale, n'est donc pas reprise dans le P-CPM.

Quant aux infractions à la LStup, elles sont jugées par les tribunaux civils, d'où l'inutilité de reprendre dans le P-CPM les infractions visées à l'art. 19, al. 2, LStup, qui figurent dans la liste de l'art. 66a, al. 1, let. e, P-CP.

Les infractions visées à l'art. 3, ch. 7, CPM, ne sont pas ajoutées à la liste des infractions pertinentes, vu qu'elles ne correspondent à aucune de celles mentionnées à l'art. 66a P-CP et qu'elles ne sont pas visées par la nouvelle disposition constitutionnelle, qui a pour cible la criminalité étrangère.

5438

Il est à noter que les étrangers condamnés en vertu du CPM peuvent être expulsés en application de l'art. 68 LEtr afin de maintenir la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse (cf. ch. 1.1.3).

2.2.2

Art. 49b (Récidive)

Cet article est identique à l'art. 66b P-CP.

2.2.3

Art. 49c (Exécution)

Comme pour les peines privatives de liberté (art. 34b, al. 1, CPM) et les mesures (art. 47, al. 3, CPM), l'exécution de l'expulsion est régie par les dispositions du CP, auxquelles il est renvoyé.

2.2.4

Art. 60b, al. 1

L'al. 1 de l'art. 60b P-CPM a été complété de la même manière que l'al. 1 de l'art. 105 P-CP (cf. ch. 2.1.5).

2.3

Modification du droit en vigueur

2.3.1

Loi sur les étrangers

Art. 5 A l'art. 5, al. 1, let. d, P-LEtr, l'expulsion au sens du CP ou du CPM est mentionnée, à côté de la mesure d'éloignement relevant du droit des étrangers, comme pouvant empêcher l'entrée en Suisse.

Art. 59, al. 3 L'art. 28 de la convention sur les réfugiés prévoit que les réfugiés reconnus ont le droit de se voir délivrer des titres de voyages, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d'ordre public ne s'y opposent. Une décision d'expulsion entrée en force est une condition suffisante pour refuser un titre de voyage.

Art. 61 L'autorisation de séjour dont bénéficie l'étranger, quelle qu'elle soit (de courte durée, de séjour, d'établissement, de frontalier) prend fin automatiquement au moment où la décision d'expulsion entre en force.

Art. 62 et 63 La modification de l'art. 62, al. 1, let. b, LEtr n'est pas directement liée à la mise en oeuvre des nouvelles normes constitutionnelles. Selon cette disposition, une autorisa5439

tion ou une autre décision ne peut être révoquée qu'en cas de condamnation à une peine privative de liberté de longue durée ou d'une mesure pénale prévue aux art. 64 CP (Internement) ou 61 CP (Mesures applicables aux jeunes adultes). Une révocation devrait néanmoins également être possible en cas de mesure thérapeutique institutionnelle selon l'art. 59 CP (Traitement des troubles mentaux) ou l'art. 60 CP (Traitement des addictions). Dans son message du 8 mars 2002 concernant la LEtr206, le Conseil fédéral estimait déjà qu'avoir fait l'objet d'une mesure pénale pouvait être un motif de révocation, mais aucune explication n'était fournie pour la limitation à certains types de mesures.

La clause d'exclusion prévue aux art. 62, al. 2, et 63, al. 3, LEtr vise à éviter le dualisme qui caractérisait l'expulsion dans l'ancien code pénal (art. 55 aCP)207, et qui avait fait l'objet de critiques à l'époque. La nouvelle clause interdit à l'autorité compétente en matière de migrations de révoquer une autorisation de séjour en se fondant uniquement sur une infraction selon l'art. 66a P-CP pour laquelle un juge pénal a déjà prononcé une peine qu'il a renoncé à assortir d'une expulsion. Cette autorité pourra toutefois reconsidérer sa position dès lors qu'elle aura connaissance de nouveaux éléments non liés à l'infraction qui n'étaient pas connus au moment du jugement ou qui sont survenus après coup, ou d'autres éléments ne relevant que de la législation sur les étrangers.

La formulation modifiée par rapport à l'avant-projet tient compte de certaines objections soulevées lors de la consultation208. Une révocation sera donc également possible dans les cas où l'auteur d'une infraction visée à l'art. 66a P-CP a été exempté d'une peine pour cause d'irresponsabilité (il peut avoir fait l'objet d'une mesure institutionnelle). Dans le cas d'une personne condamnée simultanément pour plusieurs infractions dont une seule est visée à l'art. 66a P-CP, la révocation pourra se fonder sur les autres infractions. Enfin la révocation sera aussi possible lorsque le juge a renoncé à infliger une peine (et donc à prononcer une expulsion) pour une infraction selon l'art. 66a P-CP.

L'avertissement reste possible aux conditions de l'art. 96, al. 2, LEtr. Lors de la consultation, l'idée a été avancée de prévoir explicitement la
possibilité d'un avertissement dans les cas où le juge n'a pas prononcé une expulsion alors qu'elle était possible209. L'idée semble toutefois peu convaincante. Une procédure judiciaire dans laquelle la possibilité de prononcer une expulsion est examinée et à l'issue de laquelle une peine est prononcée constitue un avertissement suffisant.

Art. 71 L'al. 1 est complété pour préciser que la Confédération fournit son assistance aux cantons pour l'exécution d'expulsions non seulement au sens de la LEtr, mais aussi au sens de l'art. 66a P-CP; par exemple pour l'obtention de documents de voyage ou l'organisation du voyage de retour (cf. art. 71, al. 1, let. a et b, LEtr). Il est ainsi tenu compte de certaines objections soulevées de diverses parts lors de la consultation210.

206 207 208 209 210

Message du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469, 3565.

Keller 2003, art. 55 CP, no 62.

Synthèse des résultats de la consultation, p. 30 s.

Synthèse des résultats de la consultation, p. 31.

Synthèse des résultats de la consultation, p. 13.

5440

Art. 75, 76 et 78 Une nouvelle base légale est créée dans la loi sur les étrangers, qui vient s'ajouter aux mesures d'éloignement que les cantons peuvent prononcer. Le Tribunal fédéral s'était déjà prononcé sur la détention administrative en lien avec l'expulsion selon l'ancien code pénal (art. 55 aCP): «La loi ne désigne pas expressément l'expulsion (judiciaire) comme une mesure d'éloignement pouvant justifier une détention en vue du renvoi»211 (traduction de l'allemand). Il a cependant décidé il y a quelque temps déjà ­ en accord avec la doctrine ­ qu'une expulsion judiciaire pouvait aussi justifier la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion212.

Les cantons seront libres de prononcer une mesure d'éloignement en s'appuyant sur le CPP ou sur la LEtr.

Art. 83, al. 7, let. a et al. 9 La let. a est complétée afin que l'admission provisoire ne soit pas non plus ordonnée pour des personnes ayant fait l'objet d'une mesure pénale au sens des art. 59 ou 60 CP (cf. le commentaire des art. 62 et 63 LEtr).

Le nouvel al. 9 prévoit qu'un étranger ne peut être admis provisoirement (cf. art. 83, al. 2 à 4, LEtr) lorsqu'il fait l'objet d'une décision d'expulsion au sens de l'art. 66a CP entrée en force. Le cas échéant, l'admission provisoire déjà prononcée prend fin.

Néanmoins, dans des circonstances très particulières, la jurisprudence du TF admet exceptionnellement l'existence d'un droit à un titre de séjour213.

Art. 86, al. 1 En vertu de l'art. 23 de la Convention sur les réfugiés, les réfugiés reconnus ont droit au même traitement que les nationaux en matière d'assistance et de secours publics (principe du traitement national). Cette règle s'applique également aux réfugiés frappés d'une décision d'expulsion entrée en force.

2.3.2

Loi sur l'asile

Art. 37 et 109 Grâce au principe du non-refoulement, les réfugiés reconnus comme tels (art. 3 LAsi) jouissent d'une plus large protection que les autres étrangers (cf. ch. 2.1.4).

L'autorité d'exécution, qui est tenue de respecter les règles impératives du droit international, doit dès lors attendre la décision de l'ODM ou du Tribunal administratif fédéral (TAF) pour savoir si une personne ayant déposé une demande d'asile se voit effectivement accorder le statut de réfugié. L'ODM et le TAF sont donc tenus de traiter prioritairement les dossiers des candidats qui sont sous le coup d'une expulsion entrée en force.

211 212

ATF 128 II 103, 105, consid. 1.3 ATF 2A.405/1996 du 29 août 1996, confirmé par les arrêts 2A.1/1998 du 23 janvier 1998 et 2A.13/1999 du 28 janvier 1999.

213 ATF 138 I 246 ss

5441

Selon un avis exprimé lors de la consultation, une décision devrait déjà avoir été prise sur la demande d'asile au moment où s'achève la procédure pénale, faute de quoi la procédure d'asile devrait encore être menée à terme avant l'exécution de l'expulsion. L'ODM (respectivement le TAF) devrait donc statuer avec diligence dès lors que le ministère public requiert, pour l'une des infractions visées à l'art. 66a P-CP, une peine privative de liberté de plus de six mois214. Cette proposition peut sembler logique, mais elle n'est guère compatible avec la présomption d'innocence.

Elle renforce par ailleurs les réserves soulevées lors de la consultation au sujet de la diligence particulière avec laquelle l'ODM ou le TAF devrait statuer, qui pourrait déjà mettre à mal l'examen minutieux du cas et la garantie d'un procès équitable215.

Art. 53 et 64 Que la qualité de réfugié lui soit ou non reconnue, un étranger sous le coup d'une expulsion au sens de l'art. 66a P-CP n'a pas ou n'a plus droit à l'asile.

Art. 59 La modification de cet article permet de préciser que la convention relative au statut des réfugiés s'applique également aux personnes qui ont la qualité de réfugié (art. 3 LAsi) et qui ont été condamnées à être expulsées. Or ces personnes ne doivent en principe pas être admises à titre provisoire (cf. art. 83, al. 9, P-LEtr). La formulation actuelle de l'article est donc trop restrictive, puisqu'elle ne concerne que les réfugiés au bénéfice d'une admission provisoire.

Art. 73 et 79 Les étrangers qui ne sont pas des réfugiés au sens de la convention sur les réfugiés ou de la LAsi mais qui fuient les conséquences, dans leur pays d'origine, de la guerre, de la guerre civile, de la violence générale ou de violations graves et systématiques des droits de l'homme, sont des personnes à protéger ou des «réfugiés de la violence» et peuvent, à ce titre, se voir accorder la protection provisoire pour des raisons humanitaires (cf. art. 66 ss LAsi)216.

2.3.3

Loi sur l'asile dans sa version du 14 décembre 2012217

Art. 88, al. 3 L'art. 88 LAsi a été modifié à la faveur de la révision de la loi sur l'asile adoptée par le Parlement le 14 décembre 2012 mais dont l'entrée en vigueur n'est pas encore fixée. La disposition prévoit que la Confédération participe aux dépenses de l'asile par le versement aux cantons d'indemnités forfaitaires couvrant principalement les 214 215 216

Synthèse des résultats de la consultation, p. 31.

Synthèse des résultats de la consultation, p. 31.

Cf. message du 4 décembre 1995concernant la révision totale de la loi sur l'asile ainsi que la modification de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, FF 1996 II 1 11 s.

217 FF 2012 8943

5442

coûts dans le domaine social. A l'avenir, ces forfait devront également être versés pour les réfugiés reconnus frappés d'une décision d'expulsion qui ne peut pas être exécutée.

2.3.4

Loi du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales218 (LOAP)

Art. 74, al. 1, let. gbis La let. gbis de l'al. 1 est complétée pour inclure l'expulsion dans la liste des peines et mesures qui peuvent être ordonnées par les autorités pénales de la Confédération et dont les cantons sont chargés de l'exécution. La 2e phrase de l'art. 372, al. 1, CP prévoit déjà que les cantons sont tenus, contre remboursement des frais, d'exécuter les jugements rendus par les autorités pénales de la Confédération.

2.3.5

Code de procédure pénale

Art. 130, let. b Certains des participants à la consultation ont suggéré qu'en raison de sa gravité, la menace d'une expulsion devrait être mentionnée dans le CPP parmi les cas rendant une défense obligatoire219.

L'obligation d'avoir une défense est motivée par le devoir d'assistance de l'Etat; elle sert également à la manifestation de la vérité et à l'égalité des armes. L'Etat a un devoir d'assistance particulier envers les personnes qu'il prend à partie, ce qui est notamment le cas d'un prévenu dans une procédure pénale, au vu des conséquences possibles220.

De par son intensité, l'expulsion est comparable à une peine privative de liberté d'un an ou plus ou à une mesure entraînant une privation de liberté (art. 130, let. b, CPP).

Compte tenu des conséquences graves que peut avoir une procédure pénale dans laquelle le prévenu encourt l'expulsion (atteinte à des droits de l'homme garantis par le droit international, par ex. le droit au respect de la vie privée et familiale selon l'art. 8 CEDH), et compte tenu du devoir d'assistance de l'Etat, il paraît indiqué d'inclure l'expulsion dans les cas nécessitant une défense obligatoire selon le CPP.

Prévoir une défense obligatoire peut sembler superflu pour certaines catégories d'étrangers pour lesquels une expulsion ne saurait être considérée comme particulièrement grave (par ex. des personnes qui n'ont aucun lien avec la Suisse, qui n'y sont venues que pour y commettre des infractions, ou des réfugiés économiques qui n'ont aucune chance d'obtenir l'asile). Il n'est cependant guère possible de restreindre la défense obligatoire. On pourrait certes envisager de ne la rendre obligatoire que pour les personnes disposant d'une autorisation relevant du droit des étrangers (autorisation de séjour, autorisation d'établissement, autorisation de courte durée, autorisation frontalière), mais les personnes admises à titre provisoire et les requérants 218 219 220

RS 173.71 Synthèse des résultats de la consultation, p. 29.

Cf. Keller 2011, art. 130 CPP No 1 ss.

5443

d'asile en seraient alors exclus. L'exemple des requérants d'asile montre précisément que chaque catégorie comprend des personnes qui seraient durement touchées par une expulsion (requérant d'asile persécuté politiquement dans son pays d'origine) et d'autres pour lesquelles l'expulsion n'aurait pas des conséquences si graves (réfugiés économiques sans perspective d'obtenir l'asile).

Art. 220, al. 1 et 2 La modification de l'al. 1 s'impose pour des raisons de cohérence grammaticale (le présent remplace le subjonctif) avec l'al. 2 qui, lui, est modifié sur le fond. Par ailleurs, l'ordre d'énumération est modifié par souci de clarté.

S'agissant de l'al. 2, les dispositions en vigueur permettent en principe déjà d'assurer l'exécution de l'expulsion; encore faut-il que les mesures prévues par le droit des étrangers s'appliquent à l'expulsion judiciaire. C'est pourquoi la disposition pertinente de la LEtr est précisée (cf. ch. 2.3.1).

L'expulsion selon l'art. 66a P-CP est une mesure pénale et, à ce titre, elle doit être exécutée à l'aide des moyens prévus pour l'exécution des sanctions pénales. Les dispositions du CPP sont donc complétées pour mentionner expressément la détention pour des motifs de sûreté comme moyen d'assurer l'exécution de l'expulsion.

Formellement, les cantons pourront s'appuyer soit sur le CPP (détention pour des motifs de sûreté), soit sur la LEtr (détention en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion) pour assurer l'exécution de l'expulsion.

Art. 352, al. 2 Si une expulsion entre en considération, le jugement pénal doit être rendu au terme d'une procédure ordinaire; la procédure de l'ordonnance pénale est exclue dans un tel cas (cf. ch. 1.2.11). La précision apportée à l'art. 352, al. 2, tient compte de ce principe.

2.3.6

Loi fédérale sur le droit pénal administratif (DPA)

Art. 21, al. 1 L'art. 21, al. 1, DPA est complété pour que le tribunal soit aussi compétent lorsqu'une expulsion au sens de l'art. 66a CP est envisagée.

L'expulsion est une sanction très sévère, qui justifie qu'on retire à l'administration la compétence matérielle de l'ordonner. Cette compétence doit revenir au juge pénal, comme c'est déjà le cas de la compétence d'ordonner une peine ou une mesure privative de liberté. On établit par ailleurs un certain parallélisme avec la procédure pénale: le ministère public appelé à rendre une ordonnance pénale221 n'est pas non plus habilité à ordonner une expulsion; seul le juge pénal en a le droit (cf.

ch. 1.2.11).

221

La procédure de l'ordonnance pénale n'est applicable que dans des cas simples, lorsque les faits sont clairement établis et que les conditions juridiques sont réunies. En outre, elle n'intervient que si les sanctions encourues sont relativement peu sévères.

5444

Art. 73, al. 1 Compte tenu de ce qui précède, l'art. 73, al. 1 (1re phrase), P-DPA prévoit donc que lorsqu'une expulsion est envisagée, l'administration compétente devra aussi envoyer au ministère public cantonal les dossiers concernés, pour que celui-ci les transmette au tribunal pénal responsable.

2.3.7

Procédure pénale militaire

Art. 56, let. a Alors que la formulation française en vigueur («si sa fuite est à craindre») est assez générale pour inclure le nouveau cas de figure, la formulation allemande, qui évoque le risque que l'inculpé ne se soustraie «à la poursuite pénale», est complétée par une formule générale analogue à celle de l'art. 221, al. 1, let. a, CPP et qui couvre toutes les sanctions.

Art. 119, al. 2, let. e Si une expulsion entre en considération, le jugement pénal doit être rendu au terme d'une procédure ordinaire; la procédure de l'ordonnance de condamnation est exclue dans un tel cas (cf. ch. 1.2.11). La précision apportée à l'art. 119, al. 2, let. e, tient compte de ce principe.

Contrairement à ce qui est le cas dans le CPP (cf. ch. 2.3.5), il n'est pas nécessaire, dans la PPM, de préciser qu'un prévenu encourant une expulsion doit obligatoirement être défendu, car l'art. 127, al. 1, PPM prévoit déjà qu'aux débats, l'accusé doit être assisté d'un défenseur.

2.3.8

Loi fédérale du 13 juin 2008 sur les systèmes d'information de police de la Confédération (LSIP)222

L'art. 15, al. 1, let. d, LSIP, qui concerne l'exécution des mesures d'éloignement et de contrainte, est complété pour inclure l'expulsion selon l'art. 66a P-CP et l'art. 49a P-CPM. Les autorités de la Confédération et des cantons chargées d'exécuter les expulsions pourront ainsi s'appuyer sur le système informatisé de recherches policières utilisé pour mettre en oeuvre ces mesures.

2.3.9

Loi du 20 juin 2003 sur les profils d'ADN223

L'expulsion selon l'art. 66a P-CP ou 49a P-CPM sera en principe prononcée pour des crimes graves. Elle est comparable, dans ses effets, à une peine ou une mesure privative de liberté. Pour permettre l'identification d'une personne en cas de récidive, les profils d'ADN établis en lien avec une condamnation pour expulsion doivent pouvoir être conservés pendant une longue durée. Il est donc justifié de prévoir, 222 223

RS 361 RS 363

5445

à l'art. 16, al. 4, du projet de loi sur les profils d'ADN, qu'ils sont effacés 20 ans après l'exécution de l'expulsion.

3

Conséquences

3.1

Hypothèses concernant le nombre de personnes qui devraient être expulsées à l'avenir

En 2010, le Forum suisse pour l'étude des migrations et de la population (SFM) et le Centre de droit des migrations (CDM) de l'Université de Neuchâtel ont réalisé une enquête visant à en savoir plus sur la pratique des cantons en matière de renvoi des étrangers délinquants. 20 cantons ont accepté d'y participer. Dans ces cantons, 480 étrangers ont été renvoyés en 2008 après avoir fait l'objet d'une condamnation pénale. Ce nombre est passé à 615 en 2009. D'après le rapport du SFM et du CDM, si l'on procède à une extrapolation à l'ensemble de la Suisse, on peut partir de l'idée que le nombre de personnes au bénéfice d'un droit de séjour en Suisse ayant été renvoyées suite à une condamnation s'élevait à au moins 615 en 2008 et à au moins 750 en 2009224.

Afin d'évaluer le nombre d'étrangers qui devraient être expulsés en vertu de la réglementation prévue, on peut se fonder sur les relevés concernant la variante 2 qui figurent dans le rapport du groupe de travail225. La liste des infractions de cette variante correspond à peu près à celle du projet226.

En 2009, selon les chiffres publiés par l'OFS, quelque 2670 étrangers auraient en principe été concernés par une expulsion (art. 66a, al. 3, P-CP)227: ­

Environ 23 % d'entre eux étaient des citoyens de l'UE et bénéficiaient à ce titre de la libre-circulation.

­

Environ 970 étaient titulaires d'une autorisation de séjour ou d'établissement et avaient donc le droit de séjourner sur le territoire suisse.

­

40 étaient titulaires d'une autorisation temporaire (frontaliers, autorisations de courte durée).

224

Pour en savoir plus: Pratique actuelle des renvois, rapport succinct, Commission fédérale pour les questions de migration (CFM), Berne, 19 octobre 2010, p. 1, 2, 3, 4 et 7.

225 Le rapport se fonde sur des enquêtes menées par l'OFS durant la campagne précédant la votation relative à l'initiative sur le renvoi. Voir à ce propos le rapport du groupe de travail, ch. 7.10, p. 107 ss.

226 Outre les infractions expressément mentionnées dans la Cst., la liste comprend aussi les crimes graves contre la vie et l'intégrité corporelle, le patrimoine, la liberté, l'intégrité sexuelle, et les crimes créant un danger collectif qui sont passibles d'une peine privative de liberté d'au moins un an ou de dix ans au maximum. Cette liste correspond ainsi pour l'essentiel à celle de la variante 2 qui a été proposée par la majorité du groupe de travail et qui contient, outre les infractions prévues par l'article constitutionnel, tous les crimes passibles d'une peine privative de liberté d'au moins un an ou de dix ans ou plus au maximum. Le projet inclut également d'autres infractions en matière de contributions de droit public, qui ne figurent pas dans la variante 2 du groupe de travail (cf. ch. 1.2.5).

227 Les chiffres qui suivent ne comprennent pas les expulsions qui auraient pu être prononcées, à titre exceptionnel, en application de l'art. 66a, al. 2, P-CP (peine privative de liberté de six mois au plus ou peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus).

5446

­

250 relevaient du domaine de l'asile. Pour ces personnes, la demande d'asile ou la levée de l'admission provisoire aurait dû être examinée à titre préjudiciel228.

­

Environ 1070 ne disposaient d'aucune autorisation de séjour. Dans 345 cas, le statut de séjour n'était pas connu. Pour les personnes ne disposant pas d'une autorisation de séjour, on peut partir du principe qu'elles n'avaient pas le droit de se trouver en Suisse et qu'elles auraient dû quitter le territoire national, qu'elles aient ou non commis une infraction. Les nouvelles dispositions de la Constitution ont néanmoins une conséquence pour ces personnes, puisqu'en cas de condamnation pénale, elles seront expulsées pour une durée de cinq ans au moins, alors qu'actuellement, la durée de l'interdiction d'entrée est en général de cinq ans au plus.

On notera que les chiffres ci-dessus ne tiennent pas compte du fait que le juge sera tenu de se conformer aux règles de la CEDH, du Pacte II de l'ONU et de la convention relative aux droits de l'enfant au moment d'ordonner une expulsion (art. 66a, al. 3, P-CP), ce qui diminuera quelque peu le nombre de personnes à expulser. Deux autres facteurs devraient en revanche contribuer à augmenter le nombre d'expulsions: d'une part, les statistiques de l'OFS ne comprennent pas de condamnations pour des infractions en matière de contributions de droit public (art. 66a, al. 1, let. d, P-CP) et, d'autre part, certaines personnes pourront être expulsées même si la peine prononcée est inférieure au minimum prévu, lorsque l'intérêt public à l'expulsion l'emporte sur l'intérêt de l'étranger concerné à demeurer en Suisse (art. 66a, al. 2, P-CP)229.

3.2

Conséquences pour la Confédération

Il est difficile d'estimer l'ampleur des coûts qu'entraînera la mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles.

Dans le domaine des migrations, les compétences et les obligations financières sont partagées entre la Confédération et les cantons.

S'agissant des coûts liés à l'asile, le droit en vigueur prévoit que la Confédération y participe par le versement aux cantons d'indemnités forfaitaires couvrant principalement l'aide sociale. A l'avenir, ces forfaits devront également être versés pour les personnes relevant du domaine de l'asile et frappées d'une décision d'expulsion, lorsque celle-ci ne peut pas être exécutée (en raison du principe de non-refoulement ou par impossibilité technique). Il n'y a donc pas de transfert des coûts aux cantons, qui recevraient aussi les indemnités forfaitaires pour ces personnes selon le droit actuel. Il en va de même pour la participation de la Confédération aux frais d'exécution (en particulier pour l'obtention de documents de voyage et l'organisation du voyage). La Confédération prend déjà à sa charge les frais de départ des personnes du domaine de l'asile. Les coûts d'exécution liés aux personnes relevant de la compétence de la Confédération (domaine de l'asile) se sont élevés à 34 millions de francs en 2012.

228 229

Rapport du groupe de travail, ch. 7.10.3.2, p. 109 s.

Il s'agira cependant en général de personnes qui ne sont venues en Suisse que pour y commettre des infractions et qui, n'ayant pas d'autorisation de séjour, devraient quitter le territoire national (qu'une sanction pénale soit ou non prononcée à leur encontre).

5447

Même s'il n'est guère possible d'estimer combien de personnes relevant du domaine de l'asile seront effectivement frappées d'une décision d'expulsion, il est vraisemblable que le nouveau régime n'aura que des conséquences minimes sur la situation dans le domaine de l'asile. A l'heure actuelle, en effet, la plupart des personnes qui déposent une demande d'asile ne remplissent pas les conditions nécessaires à l'octroi de l'asile et sont donc déjà tenues de quitter la Suisse (avec les coûts que cela suppose pour la Confédération). En outre, les étrangers qui commettent des infractions en Suisse ne satisfont pas aux conditions d'obtention du statut de réfugiés et doivent également quitter le territoire national.

L'examen des décisions d'expulsion entraînera en premier lieu un surcroît de travail pour les tribunaux pénaux cantonaux, qui devront notamment examiner, dans chaque cas, si les autres conditions permettant l'expulsion sont remplies (pas de violation grave d'un droit personnel garanti par le droit international en matière de droits de l'homme). Compte tenu de l'augmentation probable des renvois qu'entraîneront les modifications législatives proposées, les organes d'exécution cantonaux compétents dans le domaine des étrangers auront sans doute eux aussi également davantage de travail, notamment pour les personnes titulaires d'une autorisation de séjour ou d'établissement (cf. ch. 3.3).

Dans le cadre de l'entraide administrative, l'ODM sera vraisemblablement amené plus souvent à rendre des avis, dans des cas particuliers, sur l'existence d'obstacles à l'exécution d'une expulsion (principe de non-refoulement). En contrepartie, la réglementation proposée selon laquelle l'asile ne sera pas accordé, ou sera retiré, aux personnes frappées d'une décision d'expulsion apportera aussi quelques simplifications de la procédure. Il en sera de même pour l'admission provisoire, qui ne sera plus accordée aux personnes sous le coup d'une décision d'expulsion.

Au final, les coûts supplémentaires auxquels la Confédération fera face avec les modifications législatives proposées seront, selon toute vraisemblance, minimes.

L'ODM devrait pouvoir assumer ces tâches supplémentaires (rapports de l'office à destination des autorités d'exécution cantonales) avec le personnel actuel. Si une augmentation significative du volume travail devait se présenter dans le cadre de la mise en oeuvre, de nouvelles places de travail devraient alors être créées.

3.3

Conséquences pours les cantons et les communes

L'exécution de la nouvelle expulsion judiciaire incombera aux cantons. Le projet leur laisse la liberté de choisir à qui ils souhaitent confier cette tâche: aux autorités d'exécution des peines, aux autorités compétentes en matière d'étrangers ou aux deux. Les frais seront également à la charge des cantons (art. 380, al. 1, CP).

Lors de la consultation, de nombreuses voix se sont élevées, à juste titre, pour signaler que la mise en oeuvre de l'expulsion judiciaire entraînera des frais supplémentaires pour les cantons (les communes)230 et pour demander que la Confédération en assume une part.

Comme il est mentionné plus haut, il est difficile de donner à l'heure actuelle des estimations précises. Sur la base des chiffres de 2009 (cf. ch. 3.1), on peut simplement estimer grosso modo que le nombre d'étrangers titulaires d'une autorisation 230

Synthèse des résultats de la consultation, p. 13 s.

5448

de séjour devant être expulsés en raison d'une infraction devrait augmenter d'environ un tiers pour l'ensemble de la Suisse231.

Comme exigé lors de la consultation, la Confédération soutiendra cependant les cantons aussi pour l'exécution de l'expulsion judiciaire. La Confédération fournit ainsi une entraide administrative aux cantons (art. 97 LEtr), qui peuvent demander un avis à l'ODM sur l'admissibilité d'un renvoi lorsque des motifs sont avancés qui s'opposeraient à son exécution (principe de non-refoulement). La Confédération assistera donc les cantons non seulement pour l'exécution des renvois et des expulsions administratives, mais aussi pour l'exécution de l'expulsion judiciaire (cf. art. 71, al. 1, P-LEtr), par exemple en participant à l'obtention de documents de voyage ou en organisant le voyage (cf. ch. 2.3.1). Enfin, conformément à l'art. 92, al. 2, LAsi, la Confédération prend à sa charge, si les personnes sont indigentes, les frais de départ notamment des requérants ou des personnes dont la demande d'asile a été rejetée.

Il faut par ailleurs souligner que le renvoi de personnes relevant du domaine des étrangers (LEtr) est en général moins coûteux que celui de personnes relevant du domaine de l'asile (LAsi), parce que leur identité est en principe connue, ce qui élimine les frais liés à l'obtention de documents de voyage, à la reconnaissance par l'ambassade du pays d'origine et, dans la plupart des cas, à la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion. En outre, ces personnes quittent souvent le territoire d'elles-mêmes et il n'est donc pas nécessaire de les renvoyer sous contrainte.

Enfin, les cantons peuvent également avoir un surplus de coûts à prendre en charge dans les domaines de l'aide d'urgence et de l'aide sociale. En effet, une fois qu'une décision d'expulsion entre en force, l'étranger concerné se retrouve privé de son droit de séjour en Suisse, mais il se peut qu'il doive encore y rester quelque temps.

C'est le cas par exemple lorsqu'une enquête est menée afin de savoir si l'expulsion est exécutable ou lorsque l'expulsion ne peut pas être exécutée (par ex. parce qu'elle est contraire au principe de non-refoulement). Pendant cette période, la personne concernée n'a pas l'autorisation de travailler, si bien qu'elle ne peut souvent plus subvenir à ses besoins. Dans ce cas,
la possibilité de faire valoir le droit d'obtenir de l'aide dans des situations de détresse, conféré par l'art. 12 Cst., peut occasionner des coûts supplémentaires aux cantons. Si la personne a déposé une demande d'asile, la Confédération verse cependant un forfait d'aide d'urgence au canton chargé de l'exécution.

231

Cette estimation se fonde sur l'étude du SFM et du CDM, selon laquelle, en 2009, quelque 750 personnes titulaires d'une autorisation de séjour ont dû quitter la Suisse. Les statistiques de l'OFS montrent que la même année, environ 1000 personnes titulaires d'une autorisation d'établissement ou d'un droit de séjour (ou d'une autorisation temporaire) auraient été touchées par une expulsion judiciaire. Les personnes dont la demande d'asile est en cours d'examen ou celles qui ont été admises à titre provisoire ne sont pas comprises dans ce chiffre. N'ont pas non plus été pris en considération les cas dans lesquels les autorités compétentes en matière d'étrangers peuvent révoquer une autorisation, également en raison d'une condamnation pénale, ou pour d'autres motifs (cf. ch. 1.2.19 et 2.3.1).

5449

3.4

Conséquences pour les accords avec l'UE et pour la Convention AELE

La question se pose avant tout des conséquences que pourrait avoir le projet sur l'ALCP et les six autres traités bilatéraux existants entre la Suisse et l'UE.

3.4.1

Respect des prescriptions de l'ALCP et de la Convention AELE

Pour que la mise en oeuvre de l'initiative soit conforme à l'ALCP, il ne doit pas être possible de prononcer une expulsion ou une interdiction d'entrée en l'absence d'une menace actuelle, réelle et suffisamment grave pour l'ordre public. Une réglementation conforme à l'ALCP doit en outre engager toute autorité qui ordonne une mesure limitant la libre circulation à examiner ces critères au cas par cas. Cette obligation concerne déjà l'autorité appelée à statuer dans la procédure sur la décision ou la mesure prononcée, qu'il s'agisse du tribunal pénal ou de l'autorité compétente en matière d'étrangers.

Le projet diminue clairement le risque que soient prononcées des mesures d'éloignement contraires aux règles de l'ALCP, car la liste des infractions ne comprend autant que possible que des infractions graves, ce qui permet de garantir l'existence effective d'une menace suffisamment grave pour l'ordre public. De plus, une expulsion ne devrait en principe pas être prononcée dans des cas de moindre gravité, dans lesquelles une telle menace fait défaut. Lorsque la peine infligée est de six mois au plus, l'étranger ne peut être expulsé que si l'intérêt public à l'expulsion l'emporte sur l'intérêt de la personne concernée à demeurer en Suisse (art. 66a, al. 2, P-CP).

La condition d'une peine minimale de six mois et l'obligation de prendre en considération les droits de l'homme garantis par le droit international dans les cas où la peine excède six mois permettent, enfin, de tenir compte du principe de proportionnalité (au sens strict).

La réglementation proposée par le Conseil fédéral permet d'assurer, autant que possible, que l'expulsion ne concernera que des cas dans lesquels on constate une violation suffisamment grave de l'ordre public. On réduit ainsi au minimum les conflits potentiels avec l'ALCP, tout en respectant la volonté populaire. Un point de friction subsiste cependant avec la question des infractions en matière de contribution de droit public (art. 66a, al. 1, let. d, P-CP, cf. ch. 1.2.5 et 2.1.1). Comme ces infractions sont plutôt de moindre gravité, compte tenu des peines encourues, les mesures d'éloignement prononcées en association avec elles seront difficilement compatibles avec les règles de l'ALCP.

Les règles de la Convention AELE en la matière étant largement analogues à celles de l'ALCP, les considérations qui précèdent valent également pour les rapports avec les autres Etats membres de l'AELE.

3.4.2

Conséquences pour l'ALCP

On ne peut exclure que l'application des nouvelles dispositions sur l'expulsion judiciaire amène la Suisse à violer les engagements qu'elle a pris avec l'ALCP.

L'UE devrait alors constater et condamner ces violations. Il ne reste pas moins que 5450

l'UE a, elle aussi, un intérêt marqué à ne pas résilier l'ALCP. En outre, le projet essaie de limiter, autant que faire se peut, les cas qui pourraient déboucher sur des conflits avec les prescriptions de l'ALCP. Il est difficile d'estimer quelles pourraient être les conséquences politiques ou juridiques concrètes d'une telle situation232.

L'UE et différents Etats membres avaient déjà suivi attentivement l'acceptation de l'initiative sur le renvoi. L'initiative et sa mise en oeuvre sont par ailleurs à l'ordre du jour de la réunion du comité mixte ALCP du mois de juin 2013.

Une solution pour sortir de cette impasse serait que la Suisse et l'UE entament de nouvelles négociations concernant le point controversé (expulsion automatique) et s'entendent sur une exception à l'ALCP concernant l'art. 121, al. 3 à 6, Cst. Au vu de la pratique de la Cour de justice de l'UE (CJUE), il n'y a toutefois pas lieu d'escompter que l'UE consente à trouver une solution spéciale dans le cas de la Suisse. L'Allemagne, l'Espagne et les Pays-Bas ont en effet déjà été condamnés par cette cour pour des réglementations nationales233 violant des dispositions du droit européen en la matière. Dans le cas des Pays-Bas, par exemple, il s'agissait d'une disposition du droit des étrangers qui aurait, elle aussi, établi un automatisme entre une condamnation pénale et une expulsion, sans qu'il soit obligatoire de tenir compte de la situation personnelle et familiale de l'intéressé234.

4

Lien avec le programme de législature

Dans le message du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 2015235, le présent message concernant la mise en oeuvre de l'initiative sur le renvoi est mentionné au titre des «autres objets» permettant d'atteindre l'objectif 16 «Les chances offertes par la migration sont saisies et ses risques combattus».

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

5.1.1

Compétence législative

Aux termes de l'art. 121, al. 1, Cst., la législation sur l'entrée en Suisse, la sortie, le séjour et l'établissement des étrangers et sur l'octroi de l'asile relève de la compétence de la Confédération. Il en va de même pour la législation en matière de droit pénal et de procédure pénale, conformément à l'art. 123 Cst.

Selon la disposition transitoire ad art. 121 Cst. (art. 197, ch. 8, Cst.), le législateur doit, dans les cinq années qui suivent l'acceptation par le peuple et les cantons de l'art. 121, al. 3 à 6, Cst., définir les faits constitutifs des infractions en vertu de l'art. 121, al. 3, les compléter et édicter les dispositions pénales relatives à l'entrée illégale sur le territoire visée à l'art. 121, al. 6, Cst. La compétence législative pour

232 233

Jaag/Priuli 2010, p. 7.

Dispositions relatives à l'expulsion pour «menace pour l'ordre public et les intérêts fondamentaux de la société».

234 Jaag/Priuli 2010, p. 5.

235 FF 2012 480

5451

la mise en oeuvre de l'initiative sur le renvoi découle donc directement de l'art. 121, al. 3 à 6, Cst.

5.1.2

Conformité aux droits fondamentaux

Le projet est fondé sur le principe de l'égalité des normes constitutionnelles et sur celui d'une interprétation harmonisante. Cependant, le poids accordé aux nouveaux al. 3 à 6 introduits à l'art. 121 Cst. atténue quelque peu la prise en compte des principes de l'activité de l'Etat régi par le droit, fixés à l'art. 5, al. 2 et 4, Cst.

L'application des dispositions de la loi peut entraîner des atteintes au droit au respect de la vie privée et familiale, consacré par l'art. 13, al. 1, Cst.

Le principe de proportionnalité (au sens strict) est respecté par le choix des infractions inclues dans la liste (cf. ch. 1.2.5) et par la nécessité d'une peine minimale (cf.

ch. 1.2.7), de même que par la prise en considération des droits de l'homme garantis par le droit international (cf. ch. 1.2.2).

5.2

Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse

5.2.1

CEDH, Pacte II de l'ONU, convention relative aux droits de l'enfant et convention relative au statut des réfugiés

La réglementation proposée prend en compte les normes impératives du droit international en obligeant expressément l'autorité compétente à reporter l'exécution d'une expulsion aussi longtemps qu'il existe des motifs interdisant le refoulement (art. 66d, al. 1, let. a et b, P-CP).

Les droits de l'homme garantis par le droit international non impératif sont aussi pris en considération au moment de prononcer une expulsion (art. 66a, al. 3, P-CP et 49a, al. 3, P-CPM). On songe ici en premier lieu au droit au respect de la vie privée et familiale conféré par les art. 8 CEDH et 17 du Pacte II de l'ONU. L'art. 12, al. 4, du Pacte II de l'ONU interdit en outre aux Etats parties de priver arbitrairement une personne du droit d'entrer dans son propre pays; dans certaines conditions bien précises, des étrangers peuvent invoquer cette disposition236. Entrent également en ligne de compte les droits garantis par la convention relative aux droits de l'enfant, comme la prise en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant (art. 3), l'interdiction de séparer l'enfant de ses parents contre leur gré (art. 9) et le droit d'entretenir des relations personnelles et d'avoir des contacts réguliers avec ses deux parents (art. 10, al. 2).

Les critères à prendre en compte peuvent être largement pondérés en examinant les conditions propres au cas d'espèce. Il existe des exceptions relatives à la gravité de l'infraction et au statut de séjour de l'intéressé. Par ailleurs, les motifs personnels invoqués doivent présenter un certain degré de gravité (cf. ch. 1.2.2). Il convient de souligner qu'on ne tient pas compte ici d'un critère unique et rigide (faits constitutifs 236

Comité des droits de l'homme de l'ONU, Nystrom contre Australie, communication No 1557/2007, décision du 18 juillet 2011, § 7.5 ss.

5452

d'une infraction). Les restrictions que l'on vient d'évoquer permettent d'examiner chaque cas d'espèce en réalisant une pesée des intérêts dont le résultat est ouvert.

Les art. 1 du protocole no 7 à la CEDH237 et 13 du Pacte II de l'ONU prévoient un certain nombre de garanties procédurales en cas d'expulsion d'un étranger. En particulier, l'intéressé doit avoir la possibilité de faire valoir les raisons qui plaident contre son expulsion et de faire examiner la décision rendue concernant son cas, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ne s'y opposent. Ces garanties ne sont accordées qu'aux personnes qui se trouvent légalement sur le territoire d'un Etat partie au Pacte. Elles ne se rapportent directement qu'à la procédure et non au contenu des motifs de l'expulsion; elles ont cependant pour but de prévenir les expulsions arbitraires. Ces garanties sont respectées, vu que le projet ne formule aucune restriction procédurale en lien avec une expulsion.

Des précisions sont par ailleurs apportées dans la LEtr et dans la LAsi pour garantir que les réfugiés se voient reconnaître les droits garantis par la convention relative au statut des réfugiés (cf. ch. 1.2.10 et 2.3.1 à 2.3.3).

5.2.2

ALCP et Convention AELE

La liste des infractions se concentrant sur des infractions graves, la législation de mise en oeuvre proposée sera autant que possible conforme à l'ALCP et à la Convention AELE. Des conflits sont possibles dans le cas de peines plus légères prévues pour les infractions en matière de contributions de droit public (art. 66a, al. 1, let. d, P-CP). La nouvelle réglementation de l'expulsion sera également contraire à l'obligation d'examiner chaque cas individuellement, conformément à l'ALCP et à la Convention AELE. Le projet permettra cependant de respecter les garanties matérielles dans de nombreux cas (cf. ch. 1.2.2 et 3.4.1)238.

237

Protocole no 7 du 22 novembre 1984 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, entré en vigueur pour la Suisse le 1er novembre 1988 (RS 0.101.07).

238 A ce sujet cf. rapport du groupe de travail, ch. 3.4.4.

5453

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