13.049 Message concernant la révision du code civil suisse (Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce) du 29 mai 2013

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons, par le présent message, le projet de révision du code civil suisse (partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce), en vous proposant de l'adopter. Nous vous proposons également de classer les interventions parlementaires suivantes: 2006

M 05.3713

Droit du divorce. Révision des dispositions relatives à la compensation de la prévoyance et aux questions qui touchent les enfants (N 15.3.06, Commission des affaires juridiques N 04.405; E 18.12.06)

2010

M 08.3821

Versement de prestations de vieillesse (N 20.3.09, Amacker; E 3.3.10)

2010

M 08.3956

Prévoyance professionnelle. Assurer un juste partage des prestations de sortie en cas de divorce (N 20.3.09, Humbel; E 2.12.10)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

29 mai 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2013-0019

4341

Condensé Les dispositions relatives au partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce, entrées en vigueur le 1er janvier 2000, sont largement critiquées. Trop rigides et laissant une part trop limitée au libre arbitre des candidats au divorce pour les uns, ces règles continuent selon d'autres de défavoriser plus ou moins systématiquement le conjoint non actif. D'aucuns regrettent par ailleurs que ces règles ne soient pas facilement applicables et qu'elles mettent à mal le principe de la sécurité du droit.

Le projet propose un partage des prétentions de prévoyance acquises durant le mariage même si l'un des conjoints perçoit une rente de vieillesse ou d'invalidité au moment de l'introduction de la procédure de divorce.

Il assouplit les conditions permettant aux conjoints ou au juge de déroger au principe du partage par moitié des avoirs de prévoyance acquis durant le mariage.

Les institutions de prévoyance et de libre passage devront chaque année déclarer leurs assurés à la Centrale du 2e pilier pour faciliter la tâche du juge du divorce, qui doit prendre en compte l'ensemble des avoirs disponibles pour effectuer le partage.

Le projet indique comment régler le partage en cas de sortie de capital, avec la perte des intérêts correspondants, lorsque l'avoir de prévoyance a été investi dans un logement.

Les nouvelles règles permettront de garantir que les avoirs de prévoyance transférés dans le cadre d'un divorce conserveront leurs propriétés, c'est-à-dire que les avoirs qui relevaient de la partie obligatoire de la prévoyance professionnelle continueront d'y être affectés. L'institution de prévoyance ne sera autorisée à fournir des prestations en capital pour la prévoyance autre qu'obligatoire (prévoyance étendue) que si le conjoint donne son consentement. Cette proposition sert aussi à garantir la constitution d'une prévoyance solide. La règle s'inspire de la situation actuelle pour le paiement en espèces.

L'institution supplétive sera tenue de prendre en charge les fonds de prévoyance qu'une personne divorcée obtient en cas de partage de la prévoyance professionnelle et de les convertir en rente à la demande de cette personne.

La loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé affirmera la compétence exclusive des tribunaux suisses pour connaître du partage de la prévoyance professionnelle et de la répartition des avoirs détenus auprès d'institutions de prévoyance suisses.

4342

Table des matières Condensé

4342

1 Présentation du projet 1.1 Contexte 1.2 Travaux de révision 1.3 Critique du droit en vigueur 1.3.1 Aperçu 1.3.2 Calcul de l'avoir de prévoyance à partager 1.3.3 Exceptions au principe du partage par moitié 1.3.4 La situation précaire de la personne divorcée après le décès de son ancien conjoint 1.3.5 Garantir la prévoyance 1.3.6 Droit international privé 1.4 Résultats de la consultation 1.5 Grandes lignes de la révision 1.5.1 Maintien du statu quo 1.5.2 Partage des prétentions après la survenance d'un cas de prévoyance 1.5.3 Exceptions au partage par moitié 1.5.4 Autres propositions 1.5.5 Classement d'interventions parlementaires

4345 4345 4346 4346 4346 4347 4347 4348 4349 4350 4352 4353 4353 4353 4355 4356 4357

2 Commentaire des dispositions 2.1 Code civil 2.2 Code des obligations 2.3 Code de procédure civile 2.4 Loi sur le droit international privé 2.5 Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité 2.6 Loi sur le libre passage

4357 4357 4377 4377 4378

3 Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes 3.3 Conséquences pour l'économie et les institutions de prévoyance

4402 4402 4402 4403

4 Liens avec le programme de la législature

4403

5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 5.3 Délégation de compétences législatives

4404 4404 4404 4404

4383 4392

4343

Annexes 1 Estimation de la part de rente de vieillesse acquise durant le mariage, en % 2 Procédure de partage de la prévoyance professionnelle

4406 4408

Code civil (Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce) (Projet)

4409

4344

Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

En cas de divorce, les prétentions des époux à l'encontre de leurs institutions de prévoyance professionnelle (prévoyance et libre passage) sont parfois les seuls biens dont ils disposent ou, du moins, elles représentent une part importante de leur patrimoine, dont il est primordial de régler la répartition.

La loi du 17 décembre 1993 sur le libre passage (LFLP)1, entrée en vigueur le 1er janvier 1995, a institué l'utilisation des avoirs de la prévoyance professionnelle (2e pilier) pour couvrir les prétentions issues d'un divorce. Le nouveau droit du divorce, entré en vigueur le 1er janvier 2000, a marqué une nouvelle avancée en statuant un droit au partage de la prévoyance professionnelle indépendant des dispositions sur l'entretien après le divorce et du régime matrimonial (art. 122 à 124 du code civil [CC]2). Depuis lors, chaque époux a droit à la moitié des prestations de sortie acquises pendant la durée du mariage, une indemnité équitable étant due lorsque les prestations ne peuvent être partagées.

Si, aujourd'hui, nul ne conteste le bien-fondé et la nécessité du partage de la prévoyance professionnelle, des voix s'élèvent pour critiquer le fait que la loi laisse de nombreuses questions en suspens ou y répond d'une manière difficilement transcriptible dans la pratique, faisant ainsi naître une grande insécurité juridique3. Les juges se voient reprocher de ratifier des conventions sur les effets du divorce qui ne satisfont pas aux normes légales et de violer leur obligation de prendre d'office les mesures permettant le partage de la prévoyance professionnelle (art. 280, al. 3, du code de procédure civile [CPC]4). Les principales victimes en seraient les femmes qui ont assumé l'essentiel des tâches familiales pendant le mariage et de ce fait ne disposent pas d'une prévoyance professionnelle suffisante5. D'autres personnes exigent une plus grande flexibilité, notamment lorsque les candidats au divorce sont d'accord sur les termes du partage de la prévoyance professionnelle6.

A la lumière de ces critiques, la Commission des affaires juridiques du Conseil national a déposé le 10 novembre 2005 la motion 05.3713 intitulée «Droit du divorce. Révision des dispositions relatives à la compensation de la prévoyance et aux questions qui touchent les enfants». Celle-ci a été adoptée par le Conseil national
et le Conseil des Etats respectivement le 15 mars et le 19 décembre 2006, conformément à la proposition du Conseil fédéral. Le Conseil national a par contre décidé, le 15 mars 2006, de ne pas donner suite aux initiatives parlementaires Thanei 04.405 «Compensation de la prévoyance en cas de divorce» et Carlo Sommaruga 04.409 1 2 3

4 5

6

RS 831.42 RS 210 Cf. Office fédéral de la justice (OFJ), Rapport consécutif au sondage portant sur l'application du droit du divorce auprès des juges, des avocats et des médiateurs, mai 2005, p. 9 ss.

RS 272 Cf. Katerina Baumann/Margareta Lauterburg, Programme national de recherche «Problèmes de l'Etat social» (PNR 45), projet de recherche «Evaluation Vorsorgeausgleich» (4045­64783), p. 4 s.

Cf. OFJ, op. cit. (note 3), p. 11 s.

4345

«Divorce. Egalité de traitement effective de la femme en matière de partage des prestations de sortie LPP».

1.2

Travaux de révision

En 2007, l'Office fédéral de la justice a institué une commission d'experts chargée d'évaluer les travaux législatifs nécessaires dans le domaine du partage de la prévoyance professionnelle et de lui soumettre des propositions.

La commission d'experts était constituée de Mme Ruth Reusser (présidente jusqu'en décembre 2007), de Mme Monique Jametti (présidente jusqu'en janvier 2008), de Mme Armida Bianchi Lerch, de M. Thomas Geiser, de M. Alex Keel, de Mme Beatrix Schönholzer Diot, de Mme Marta Trigo Trinidade Laurin, de M. JacquesAndré Schneider et de M. Roger Weber.

Elle s'est réunie à quinze reprises et a clos ses travaux en mai 20097. Le 3 juillet 2009, la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle (Commission LPP) s'est prononcée sur les propositions de la commission d'experts8.

Le Département fédéral de justice et police a élaboré un avant-projet, que le Conseil fédéral a mis en consultation en décembre 2009. Le gouvernement a pris connaissance des résultats de la procédure de consultation le 20 octobre 2010 et chargé la Commission LPP de revoir les bases de calcul inscrites dans l'avant-projet. La commission a mis un point final à ses travaux en novembre 2011.

Le projet soumis au Parlement se fonde sur les propositions de la commission d'experts et de la Commission LPP et tient compte des résultats de la procédure de consultation (cf. ch. 1.4). Il a été présenté à la Commission LPP le 21 mars 2013, laquelle a donné son aval aux points révisés.

1.3

Critique du droit en vigueur

1.3.1

Aperçu

Les dispositions régissant le partage de la prévoyance professionnelle sont critiquées de toutes parts (cf. ch. 1.1). La palette des points critiqués, pour des raisons souvent contradictoires, s'étend du manque de clarté des dispositions et de la difficulté de leur mise en oeuvre aux préjudices plus ou moins systématiques que subissent les femmes n'exerçant pas d'activité professionnelle. Si certains jugent les dispositions trop rigides et souhaitent davantage de flexibilité sur le modèle du régime matrimonial, d'autres exigent que les actions des juges et des candidats au divorce soient mieux encadrées.

Il convient de relativiser ces critiques en rappelant que la plupart se fondent sur des appréciations données au lendemain de l'entrée en vigueur du nouveau droit du divorce. Le Tribunal fédéral a depuis clarifié nombre des points sujets à controverse,

7

8

Le projet et le rapport de la commission d'experts (disponible uniquement en allemand) peuvent être consultés à l'adresse www.bj.admin.ch/bj/fr/home/themen/ gesellschaft/gesetzgebung/vorsorgeausgleich.html L'avis de la Commission LPP n'est pas publié.

4346

en s'exprimant notamment sur l'interprétation à donner à l'art. 124 CC9 et sur sa délimitation par rapport aux art. 122 et 123 CC10. On ne saurait toutefois occulter certains problèmes, devenus plus aigus dans l'intervalle ou constatés ultérieurement, en particulier le destin des veuves divorcées (cf. ch. 1.3.4).

1.3.2

Calcul de l'avoir de prévoyance à partager

La prévoyance professionnelle ne peut être partagée dûment que si les candidats au divorce et le juge ont connaissance des prétentions à l'égard des institutions de prévoyance et de libre passage acquises durant le mariage. Deux cas de figure problématiques peuvent se présenter.

Il se peut d'une part qu'un époux taise intentionnellement le montant de ses avoirs ou qu'il oublie une part des prestations auxquelles il a droit, ce qui est fâcheux dans la mesure où, pour le 2e pilier, il n'existe pas de registre central semblable à celui du 1er pilier pour fournir des informations sur la localisation et le montant des avoirs de prévoyance détenus par un assuré.

D'autre part, l'avoir de prévoyance à partager entre les époux est calculé, en vertu de l'art. 122, al. 1, CC, pour la durée du mariage. Or cette dernière dépend de la date d'entrée en force du jugement de divorce, qui n'est encore connue ni du juge ni des parties. Il apparaît qu'en théorie, aucune estimation du montant de l'avoir de prévoyance n'est possible au moment du prononcé du divorce11. Les juges se montrent pragmatiques en acceptant que les époux s'entendent par le biais d'une convention ou d'un accord de procédure sur une date à laquelle les institutions de prévoyance calculent les prestations de sortie entrant en ligne de compte. Toutefois, cette incertitude conduit souvent à des erreurs de calcul12.

D'autres problèmes de calcul se font jour lorsque l'avoir de prévoyance a été employé pour financer l'acquisition d'un logement. Si l'art. 30c, al. 6, de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP)13 prévoit expressément les modalités du partage, au moment du divorce, de tout versement anticipé obtenu durant le mariage, la loi élude l'épineuse question de celui qui doit assumer les conséquences financières de la perte d'intérêts et d'une éventuelle sortie de capital14.

1.3.3

Exceptions au principe du partage par moitié

Le droit en vigueur est fondé sur le principe du partage par moitié des prestations de sortie acquises durant le mariage (art. 122, al. 1, CC). A certaines conditions particulières, un époux peut renoncer en tout ou en partie à son droit (art. 123, al. 1, CC).

De même, le juge peut refuser le partage (art. 123, al. 2, CC). Si un époux renonce à 9 10 11 12 13 14

Arrêt 5A_623/2007 du 4 février 2008 ATF 134 V 384 ss et 132 III 401 ss ATF 132 V 236 ss Cf. Katerina Baumann/Margareta Lauterburg, Teilen? Teilen!, FamPra.ch 2003, p. 756.

RS 831.40 Pour plus de détails: Andrea Bäder Federspiel, Wohneigentumsförderung und Scheidung, Vorbezüge für Wohneigentum in der güterrechtlichen Auseinandersetzung und im Vorsorgeausgleich, Zurich/Bâle/Genève 2008, ch. marg. 550 ss.

4347

sa part, le juge vérifie d'office si les conditions fixées par la loi sont réunies (art. 280, al. 3, CPC).

Les époux ne peuvent donc en principe décider de leur propre chef du partage de la prévoyance professionnelle que dans une mesure très restreinte, à la différence des prétentions relevant du régime matrimonial, à propos desquelles ils ont une grande latitude, du moins au moment du divorce.

Ces exceptions dans le droit en vigueur sont critiquées, d'une part, pour leur manque de précision. D'autres critiquent la rigidité de la loi, qui dans certains cas ne permet pas selon eux d'adopter des solutions satisfaisantes, notamment lorsque les deux conjoints ont une activité lucrative et disposent d'une bonne prévoyance professionnelle, même si elle n'est pas équivalente. Une dernière critique porte sur le partage obligatoire alors même que l'entretien après le divorce a été refusé en tout ou en partie (art. 125, al. 3, CC)15.

1.3.4

La situation précaire de la personne divorcée après le décès de son ancien conjoint

Selon le droit en vigueur, le partage des prestations de sortie acquises durant le mariage ne peut avoir lieu si un cas de prévoyance est déjà survenu (art. 122, al. 1, CC), étant donné que toute utilisation ultérieure de l'avoir de prévoyance est alors exclue (art. 124 CC). Lorsque le conjoint débiteur est à la retraite ou est invalide au moment du divorce, la seule possibilité de procéder au partage de la prévoyance professionnelle est de garantir au conjoint créancier une indemnité équitable financée sur le reste de la fortune dont dispose le conjoint débiteur. A défaut de fortune, le conjoint créancier doit se contenter d'une rente, financée à partir de la rente d'invalidité ou de vieillesse du conjoint débiteur.

Pour le créancier, cette solution est acceptable tant que son ex-conjoint est en vie.

Mais sa situation peut considérablement se dégrader lorsque celui-ci décède et que la rente s'éteint. Il arrive que l'ex-conjoint ait droit à des prestations de survivant (art. 20 OPP 216), mais il s'agit uniquement d'une prétention inscrite dans la loi. Si les règlements des institutions de prévoyance prévoient des rentes de survivants allant au-delà de la prétention minimale, ils réservent souvent cette prétention supplémentaire aux personnes mariées ou en partenariat enregistré. Cela étant, les institutions de prévoyance calculent souvent le montant de la prétention du conjoint divorcé uniquement en fonction de la partie obligatoire et non sur la totalité des avoirs de prévoyance (partie surobligatoire comprise)17. Au décès de l'ex-conjoint, il n'est pas rare que la personne divorcée soit contrainte de recourir à l'aide sociale.

Elle se retrouve souvent dans une situation moins favorable que celle du veuf ou de

15 16 17

ATF 133 III 497 ss; cf. OFJ, op. cit. (note 3), p. 10 s.

Ordonnance du 18 avril 1984 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, RS 831.441.1.

Cf. Katerina Baumann/Margareta Lauterburg, Scheidung und Sozialversicherungen, FamPra.ch 2004, p. 879.

4348

la veuve d'un deuxième mariage18, qui a droit en principe aux prestations surobligatoires de l'institution de prévoyance.

Cette situation est d'autant plus choquante que les avoirs de prévoyance dont profite maintenant le veuf ou la veuve ont souvent été acquis du temps où la personne décédée était encore mariée à son premier conjoint. Le Tribunal fédéral a jugé que la manière d'agir des institutions de prévoyance était licite et que la différence de traitement entre les personnes divorcées et les veufs n'était contraire ni à la loi ni à la Constitution19. Il arrive souvent que des ex-épouses soient concernées par ce genre de situations, si bien qu'on parle dans ce contexte de «veuves divorcées».

Le «trou» dans la prévoyance du conjoint créancier, qui ne peut plus être comblé si le cas de prévoyance est déjà survenu au moment du divorce, et le défaut de protection de la femme divorcée après le décès de son ex-mari ont donné lieu à diverses interventions parlementaires20.

1.3.5

Garantir la prévoyance

Le partage de la prévoyance professionnelle devrait, dans l'idéal, permettre aux deux conjoints de disposer d'un avoir de prévoyance de qualité égale. Il s'avère souvent impossible d'atteindre pleinement cet objectif.

Le but visé par la prévoyance risque de ne pas être atteint lorsque, dans le cadre du partage de la prévoyance professionnelle prévu à l'art. 122 CC, la part obligatoire (avoir de vieillesse) est versée à la part surobligatoire21. Il est alors impossible de garantir qu'une institution de prévoyance rémunérera cet avoir au taux d'intérêt minimal fixé par la loi (art. 15 LPP) et qu'il sera converti en rente aux conditions fixées par la loi lors de la survenance d'un cas de prévoyance22.

18

19

20

21

22

Il convient de préciser que les institutions de prévoyance n'agissent pas toujours pareillement non plus en ce qui concerne l'attribution de prestations de survivants surobligatoires aux personnes mariées. Si le conjoint survivant est beaucoup plus jeune ou que le mariage a été célébré après le début de la retraite du conjoint défunt, les règlements des institutions limitent souvent la prétention au minimum légal, sauf s'il y a des enfants mineurs communs.

Arrêts B 112/05 du 22 décembre 2006, consid. 4.2 et 4.3; B 85/04 du 20 décembre 2005, consid. 3.2 et 3.4.2; B 87/04 du 21 décembre 2005, consid. 5.5; ATF 134 V 208, consid. 3.4.

Interpellation 07.3134 Hubmann Vreni «Veuves divorcées dans l'indigence?»; postulat 07.3135 Hubmann Vreni «Veuves divorcées. Lacunes du système de prévoyance». Ces interventions, pendantes depuis plus de deux ans, ont été classées. Initiative parlementaire 07.454 Hubmann Vreni «Effets du divorce après la survenance d'un cas de prévoyance.

Modifier l'article 124 CC». Cette intervention a été classée dans la perspective de la révision présentée ici.

Cf. question 04.1028 Rechsteiner Rudolf «Avoir de prévoyance LPP en cas de divorce.

Distinction entre part obligatoire et part surobligatoire»; motion 04.3331 Rechsteiner Rudolf «Deuxième pilier. Obligation de faire mention des prestations obligatoires et surobligatoires». Le Conseil national a rejeté cette motion après que le Conseil fédéral a expliqué dans son avis qu'il serait judicieux d'examiner et de coordonner les modifications proposées dans le cadre des travaux découlant de l'initiative parlementaire 04.409 «Egalité de traitement effective de la femme en matière de partage des prestations de sortie LPP». Dans l'intervalle, une nouvelle motion, la motion 08.3956 Humbel Näf Ruth «Prévoyance professionnelle. Assurer un juste partage des prestations de sortie en cas de divorce», a été déposée sur le même thème.

ATF 132 V 278 ss

4349

La garantie de la prévoyance est encore plus sujette à caution lorsqu'une partie de l'avoir est employée pour accéder à la propriété du logement. S'il est vrai que le conjoint doit donner son consentement à cette utilisation de l'avoir de prévoyance (art. 30c, al. 5, LPP et art. 331e, al. 5, du code des obligations [CO]23) ­ comme il le ferait lors d'un paiement en espèces (art. 5, al. 2, LFLP) ­, cela ne permet pas d'éviter que le bien immobilier acquis à partir de la prévoyance professionnelle ne soit grevé de droits de gage ultérieurement. En cas de réalisation forcée, il peut en résulter la perte de l'immeuble, mais aussi d'une partie de la prévoyance professionnelle24.

La situation est également problématique lorsqu'une prestation en capital est versée.

L'art. 37, al. 2, LPP prévoit que l'assuré peut demander que le quart de son avoir de vieillesse lui soit versé sous la forme d'une prestation en capital. Si le règlement de l'institution de prévoyance le permet, la totalité de l'avoir de vieillesse peut être versée sous forme de prestation en capital (art. 37, al. 4, let. a, LPP). Tandis que le conjoint doit donner son consentement à la prestation en capital pour la prévoyance professionnelle obligatoire (art. 37, al. 5, LPP), tel n'est pas le cas pour la prévoyance étendue ni pour le libre passage. Le Tribunal fédéral a refusé d'y voir une lacune de la loi25. Il revient donc au législateur de remédier à cette situation. Autre point jugé insatisfaisant, ce n'est pas l'institution de prévoyance mais le conjoint dont on a omis de requérir le consentement qui doit aujourd'hui assumer le risque lié au paiement en espèces découlant d'une éventuelle falsification de sa signature26.

1.3.6

Droit international privé

Dans plusieurs de ses arrêts27, le Tribunal fédéral a constaté que le partage de la prévoyance professionnelle, traité à la section «Divorce et séparation de corps» (art. 59 à 65 de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé [LDIP]28), était soumis aux dispositions générales relatives aux effets accessoires du divorce (art. 63 LDIP) et non aux dispositions spéciales régissant l'entretien après le divorce et le régime matrimonial. On peut donc considérer que la place du partage de la prévoyance professionnelle dans la LDIP, controversée dans la doctrine, a été clarifiée par la jurisprudence. Le partage de la prévoyance professionnelle est soumis au même droit que le divorce en tant que tel (art. 63, al. 2, LDIP) et non, comme le défendaient certains auteurs, au droit applicable à l'institution de prévoyance.

Un divorce jugé devant un tribunal suisse est en principe régi par le droit suisse (art. 61, al. 1 et 4, LDIP). Toutefois, lorsque les époux ont une nationalité étrangère commune et qu'un seul est domicilié en Suisse, leur droit national commun est 23 24 25

26

27 28

RS 220 ATF 132 V 332 ss Arrêt 9C_212/2007 du 8 mai 2007, consid. 4.3. La motion 08.3821 Amacker-Amann Kathrin «Versement de prestations de vieillesse» demande que le droit en vigueur soit modifié à cet égard. Le Conseil fédéral a proposé au Parlement de l'accepter le 11 février 2009.

ATF 133 V 205 ss, consid. 2. Elisabeth Glättli, Die Folgen der Barauszahlung der Austrittsleistung ohne Zustimmung des Ehegatten (Art. 5 Abs. 2 FZG) in den neueren Entscheiden des Eidgenössischen Versicherungsgerichts (EVG), SZS 2005, p. 184 ss; Felix Schöbi, Barauszahlung trotz fehlender Zustimmung des Ehegatten, recht 2005, p. 139 ss.

Pour un arrêt représentatif: ATF 134 III 661, consid. 3.1 RS 291

4350

applicable (art. 61, al. 2, LDIP). Cette règle implique que le droit étranger régit la liquidation des avoirs détenus auprès d'une institution de prévoyance suisse. Le fait que les dispositions du CC sur le partage de la prévoyance professionnelle, malgré leur caractère impératif, doivent s'effacer devant le droit national commun des époux semble aujourd'hui en contradiction avec les considérations qui ont présidé à leur élaboration. Techniquement, le partage est d'ailleurs plus aisé à mettre en oeuvre s'il est réalisé selon le droit national auquel l'avoir lui-même est soumis. C'est là la seule manière de garantir une interaction parfaite entre les règles de partage relevant du droit civil et les dispositions du droit des assurances sociales relatives aux avoirs de prévoyance.

Le Tribunal fédéral a contribué à améliorer la situation en confirmant l'avis exprimé dans une partie de la doctrine, selon lequel le juge compétent pouvait exceptionnellement, en vertu de l'art. 15 LDIP, décider du partage de la prévoyance professionnelle en fonction du droit applicable à l'institution de prévoyance29 lorsque l'avoir concerné était déterminant pour la prévoyance professionnelle des époux. Il n'a cependant pas explicité ce que cela signifiait en l'espèce. Il en résulte une grande insécurité juridique. Une grande partie de la doctrine estime qu'il n'est pas satisfaisant d'invoquer l'art. 15 LDIP, simple clause d'exception, pour régler ce type de cas30.

L'applicabilité du droit étranger au divorce proprement dit fait l'objet de critiques.

Le nombre de divorces prononcés en Suisse a presque doublé au cours des 25 dernières années. 18 % des divorces environ concernent des époux qui sont tous deux de nationalité étrangère31. Les divorces constituent aujourd'hui une part importante des affaires que traitent les tribunaux de première instance. Même si le contenu du droit étranger peut être établi (art. 16 LDIP), les tribunaux et les parties consacrent souvent beaucoup de temps et d'argent à réunir des preuves. Tout porte à croire, au vu de la mobilité croissante de la société, que le nombre de divorces en lien avec l'étranger continuera d'augmenter. Puisque depuis l'adoption de la LDIP il y a 25 ans, le droit du divorce réglé dans le CC a été simplifié et rendu plus libéral, il ne semble plus justifié d'imposer
aux tribunaux d'appliquer le droit national commun des époux au divorce proprement dit.

Même dans les cas où, du point de vue de la Suisse, le partage serait soumis au droit national, les époux peuvent toujours contourner les dispositions contraignantes du CC en transférant la compétence de procéder au partage de la prévoyance professionnelle à un tribunal étranger (l'art. 5 LDIP, qui permet l'élection de for en matière patrimoniale, est considéré comme applicable aux aspects patrimoniaux du droit du mariage par la doctrine dominante). Cet état de fait est lui aussi critiqué dans les ouvrages doctrinaux.

La reconnaissance de jugements de divorce étrangers constitue une autre source de problèmes. Lorsque le jugement étranger n'évoque pas les avoirs de prévoyance détenus en Suisse, le dilemme est de savoir s'il faut considérer que les époux se sont mis d'accord sur tous les aspects patrimoniaux du divorce ou s'il faut au contraire 29 30

31

ATF 134 III 661, consid. 3.1 Cf. Andreas Bucher, Prévoyance et divorce dans le contexte international, in: Margareta Baddeley/Bénédict Foëx (éd.), La planification du patrimoine, Genève/Zurich/Bâle 2008, pp. 194 ss, et Daniel Trachsel, Der Vorsorgeausgleich im internationalen Verhältnis, in: Die Praxis des Familienrechts 2/2010, p. 244.

Chiffres de l'Office fédéral de la statistique, www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/01/06/blank/key/06/06.html

4351

trancher ces questions dans le cadre d'un jugement complémentaire ultérieur en Suisse32.

1.4

Résultats de la consultation

La consultation relative à l'avant-projet de révision partielle du code civil (partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce) s'est déroulée du 16 décembre 2009 au 31 mars 2010. Le Tribunal fédéral, les cantons, les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale, les facultés de droit des universités suisses et d'autres organisations intéressées ont été invités à y participer. 25 cantons, cinq partis politiques et 22 organisations ont pris position.

L'extension du partage de l'avoir de prévoyance aux situations où le cas de prévoyance est déjà survenu et l'amélioration de la situation de la veuve divorcée ont été considérées comme des points positifs. Plusieurs participants ont néanmoins regretté que le mode de calcul de la prestation de sortie après la survenance de l'invalidité ou après le début de la retraite ne soit pas compréhensible dans le texte de loi et ont demandé qu'il soit revu.

Concernant les exceptions au partage par moitié proposées dans l'avant-projet, plusieurs participants ont indiqué que le terme «manifestement inéquitable» était trop vaste ou trop restrictif et qu'il devait donc être défini plus précisément. Certains ont indiqué, en particulier, que la jurisprudence sur le partage des déficits dans le droit de l'entretien ne devait pas être appliquée au partage de la prévoyance professionnelle.

Plusieurs participants ont approuvé la modification relative à l'exigence du consentement en cas de constitution d'un droit de gage immobilier sur une propriété foncière qui a été acquise à l'aide d'un versement anticipé dans le cadre de l'encouragement à la propriété du logement. Les avis étaient contrastés sur la date de référence pour le calcul des prestations de sortie à partager.

La majorité des participants ont approuvé la proposition de prélever proportionnellement sur la part obligatoire et surobligatoire du conjoint débiteur le montant à transférer et de l'attribuer dans les mêmes proportions au conjoint créancier.

L'obligation d'annoncer, dont le but est de donner sans complication aux époux et au juge du divorce un aperçu des comptes de prévoyance et de libre passage du couple, a été bien accueillie. Cela dit, plusieurs participants ont déploré qu'elle engendre une charge de travail disproportionnée ou du moins difficile à estimer et donc des coûts à la
charge des institutions de prévoyance, qui seraient reportés sur les assurés actifs.

Le projet tient compte des critiques exprimées en consultation. Le ch. 1.5 (Grandes lignes de la révision) et le commentaire des dispositions rendent compte du traitement de ces remarques.

32

Arrêt 5A 835/2010 du 1er juin 2011, consid. 2.4.2

4352

1.5

Grandes lignes de la révision

1.5.1

Maintien du statu quo

Le partage de la prévoyance professionnelle est l'un des aspects patrimoniaux pris en considération en cas de divorce. Le régime matrimonial est un autre de ces aspects (art. 181 ss CC), ce qui impliquait, du fait du lien étroit qui l'unit au partage de la prévoyance professionnelle, de répondre en premier lieu à la question de la nécessité de réformer le régime matrimonial.

Conformément à l'art. 197, al. 2, ch. 1, CC, le produit du travail d'un époux fait partie des acquêts sous le régime ordinaire de la participation aux acquêts. Une éventuelle épargne en résultant doit par conséquent être partagée par moitié entre les époux en cas de divorce (art. 215, al. 1, CC). La loi prévoit une exception pour le cas de la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité. Les prétentions qui y sont liées ne sont pas prises en compte lors de la liquidation du régime matrimonial. Le législateur en a voulu ainsi lors de la révision du droit du mariage en 1984 et a confirmé implicitement sa décision en 2000 lors de la mise en place du partage de la prévoyance professionnelle en rapport avec le nouveau droit du divorce. Les prétentions liées au partage de la prévoyance professionnelle doivent par conséquent être prises en considération indépendamment de celles découlant du régime matrimonial et des dispositions sur l'entretien, et ce malgré les liens existant entre ces différents aspects patrimoniaux. Le Conseil fédéral, se rangeant à l'avis d'une petite majorité de la commission d'experts, entend conserver cette conception.

Le projet se limite donc au partage de la prévoyance professionnelle.

Le Conseil fédéral souhaite également conserver le statu quo en ce qui concerne le versement anticipé d'avoirs de prévoyance destinés au financement d'un logement pour les besoins propres de l'assuré. Si la critique exprimée à ce sujet par la commission d'experts est compréhensible sous l'angle théorique, il n'en demeure pas moins que les versements anticipés effectués dans le cadre de l'encouragement à la propriété du logement (EPL) revêtent une grande importance tant sur le plan pratique que sur le plan politique. 33 243 versements anticipés ont été effectués en Suisse en 2010 pour un montant total de 2,52 milliards de francs33.

1.5.2

Partage des prétentions après la survenance d'un cas de prévoyance

Les dispositions sur le partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce, entrées en vigueur le 1er janvier 2000, ne permettent pas de partager les prétentions acquises durant le mariage si un cas de prévoyance (vieillesse ou invalidité) est déjà survenu. Une indemnité équitable est versée dans ce cas (art. 124 CC). Faute de base légale, le juge ne peut ordonner le transfert de cette prestation sous forme liée à l'institution de prévoyance du conjoint créancier ou à une institution de libre passage34. L'indemnité est versée sous forme de capital, pour autant que le conjoint débiteur dispose des fonds nécessaires. Pour calculer la part du conjoint créancier, le juge applique le principe du partage par moitié des prétentions de prévoyance acqui33 34

Office fédéral des assurances sociales, Statistique des assurances sociales suisses 2012, p. 69.

ATF 132 III 152 ss, consid. 4

4353

ses durant le mariage. Si le conjoint débiteur ne dispose pas des fonds nécessaires, le juge doit procéder au partage sous forme de rente35. C'est ce qui a souvent lieu en pratique. La rente s'éteint au décès du conjoint débiteur, si bien qu'il est fréquent de ne pas pouvoir imposer le partage par moitié des prétentions acquises durant le mariage après la survenance d'un cas de prévoyance.

On compte chaque année un bon millier de divorces dans lesquels au moins un conjoint touchait une rente de vieillesse de la prévoyance professionnelle au moment du divorce. Ce nombre tend à augmenter. On compte un nombre semblable de divorces dans lesquels au moins un conjoint touchait une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle. Selon le droit en vigueur, le versement d'une indemnité équitable offre une compensation dans ce genre de situations (art. 124 CC).

On a envisagé d'obliger les institutions de prévoyance à appliquer un traitement égal aux veuves divorcées et aux veuves encore mariées eu égard à la prévoyance étendue. Le Conseil fédéral a rejeté cette proposition, qui équivaudrait à une nouvelle intervention dans le champ de compétence des institutions de prévoyance (art. 49, al. 1, LPP)36 et qui comporterait le risque que ces dernières réduisent d'emblée les prestations versées aux veuves et aux veufs au strict minimum fixé par la loi. Cette évolution ne serait bénéfique pour personne, d'autant plus que les prestations attribuées aux veuves et aux veufs dans le premier pilier sont elles aussi de plus en plus menacées37.

Le Conseil fédéral a proposé dans son avant-projet de décembre 2009 d'étendre le partage des prétentions de prévoyance même après la survenance d'un cas de prévoyance (vieillesse ou invalidité). Contrairement au droit en vigueur, l'avant-projet traitait le partage de la même manière qu'un cas de prévoyance soit survenu avant le divorce ou non.

Cette proposition a rencontré une large approbation lors de la procédure de consultation38, mais a été critiquée notamment par les institutions de prévoyance et les experts des caisses de pensions pour le manque de praticabilité et la complexité du mode de calcul projeté. Certains ont exigé que le Conseil fédéral revoie sa copie sur ce point39. Le Conseil fédéral s'est exécuté en chargeant la Commission LPP le 20 octobre 2010 de
revoir les règles de calcul de l'avant-projet et de vérifier si elles étaient applicables. Dans ses conclusions adressées au Conseil fédéral le 28 novembre 2011, la commission constatait qu'en effet, la plupart des institutions de prévoyance ne pourraient appliquer les règles proposées. Elle a donc suggéré un nouveau mode de partage, que le projet reprend. Si l'un des conjoints perçoit une rente d'invalidité provenant de la prévoyance professionnelle et que le divorce intervient avant qu'il ait atteint l'âge réglementaire de la retraite, on partagera la prestation de sortie à laquelle il aurait droit s'il reprenait sa vie professionnelle (art. 124 p-CC).

35 36 37

38 39

Arrêt 5C.13/2003 du 30 août 2004, consid. 4.3.1 Cf. arrêt B 84/03 du 30 juin 2005. En l'espèce, le Tribunal fédéral a donné raison à une institution de prévoyance qui ne voulait pas verser de rente pour les enfants du conjoint.

Cf. postulat 08.3235 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSS-CN), «Rentes de veuves et de veufs». Pour donner suite à ce postulat, le Conseil fédéral a fait réaliser une étude visant à vérifier si les rentes de veuves et de veufs prévues par les dispositions actuelles répondaient à un besoin social. Le rapport est paru le 4 avril 2012 sous le titre «La situation économique des veuves et des veufs» (www.news.admin.ch/message/index.html?lang=fr&msg-id=44034).

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation (oct. 2010), p. 4.

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation (oct. 2010), p. 5.

4354

Dans ce cas, le mode de partage est le même qu'avant la survenance du cas de prévoyance. Si la personne considérée perçoit une rente de vieillesse ou d'invalidité et qu'elle a déjà atteint l'âge réglementaire de la retraite au moment du divorce, on partagera la rente de vieillesse ou d'invalidité en cours (art. 124a p-CC). Dans ce cas, le conjoint créancier bénéficiera d'une prétention à vie à une part de la rente du conjoint débiteur. Cette modification permettra de garantir le partage des prétentions de prévoyance acquises durant le mariage même après la survenance d'un cas de prévoyance.

1.5.3

Exceptions au partage par moitié

Comme la commission d'experts, le Conseil fédéral est en faveur du principe du partage par moitié des prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage. Il tient également au principe selon lequel le juge procède d'office au partage de la prévoyance professionnelle (art. 280 CPC). Il ne voit pas comment le législateur pourrait exprimer encore plus clairement que le partage ne relève pas uniquement de la sphère privée, mais qu'il affecte au contraire des intérêts publics en raison de son lien étroit avec la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité. Pourtant, il estime indispensable de prévoir des exceptions au principe du partage par moitié. Il croit en particulier qu'il s'impose de laisser aux époux la marge de manoeuvre nécessaire, car ce sont eux qui ont la meilleure perception de leur situation économique et de leurs besoins de prévoyance. Il faut donc leur conférer le droit de décider d'un commun accord s'ils entendent partager les prétentions ou s'ils préfèrent renoncer partiellement ou totalement au partage, pour autant qu'ils continuent de bénéficier d'une prévoyance adéquate (art. 124b, al. 1, p-CC). Le juge devra examiner d'office si les conditions d'une renonciation sont réunies (art. 280, al. 3, p-CPC).

L'avant-projet se bornait à prévoir le refus par le juge du partage par moitié si celuici était manifestement inéquitable. Certains participants à la consultation ont trouvé cette règle trop restrictive et ont critiqué le manque de précision de la notion d'iniquité manifeste40. Reprenant la proposition de la commission d'experts, le projet impose au juge de refuser le partage par moitié en présence de «justes motifs». Deux exemples viennent concrétiser cette notion. Comme dans le droit actuel, le juge doit refuser le partage s'il est manifestement inéquitable en raison de la liquidation du régime matrimonial ou de la situation économique des époux suite au divorce. Il doit également le refuser s'il existe une grande différence d'âge entre les deux époux et que la prise en compte des besoins de prévoyance laisse apparaître qu'un partage par moitié des prétentions serait inéquitable. En cas de grande différence d'âge, un partage schématique par moitié pourrait affecter le conjoint le plus âgé bien plus que le conjoint le plus jeune.

La commission
d'experts avait proposé de permettre, à des conditions strictement définies, un partage autre que par moitié des prestations de sortie acquises durant le mariage. A l'heure où il approuvait l'avant-projet de décembre 2009, le Conseil fédéral avait rejeté cette proposition, afin d'éviter de compliquer la situation juridique. Plusieurs participants à la procédure de consultation ont regretté ce choix, arguant que le besoin se faisait sentir, dans la pratique, de s'écarter du partage par 40

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation (oct. 2010), p. 13 s.

4355

moitié41. Le Conseil fédéral a par conséquent intégré cette option dans le projet: l'attribution de plus de la moitié de la prestation de sortie au conjoint créancier pour de justes motifs (art. 124b, al. 3, p-CC). Les parties peuvent par ailleurs convenir d'un tel mode d'attribution (art. 124b, al. 1, p-CC). Le Conseil fédéral tient compte de cette manière de la nécessité de mieux protéger la partie économiquement la plus faible.

1.5.4

Autres propositions

Le projet vise à empêcher que le divorce n'entraîne un transfert des avoirs de la partie obligatoire à la partie surobligatoire de la prévoyance professionnelle (art. 22c p-LFLP), et ce même si des avoirs de prévoyance ont été utilisés pour acquérir un logement et seront remboursés ultérieurement (art. 30d, al. 6, p-LPP). Il améliore la protection du conjoint de l'assuré lorsqu'un immeuble financé à partir d'avoirs de prévoyance est ensuite grevé de droits de gage (art. 30c, al. 5, p-LPP) et que l'assuré se fait verser ses avoirs de prévoyance et de libre passage sous forme de prestation en capital plutôt que sous forme de rente (art. 37a en relation avec l'art. 49, al. 2, ch. 5a, p-LPP). La proposition visant à obliger l'institution supplétive à transformer la prestation de sortie qui lui est transférée en une rente en cas de divorce (art. 60a, al. 2, p-LPP) est également une garantie pour la prévoyance. Le Conseil fédéral propose de réviser les art. 61, 63 et 64 LDIP et 283 CPC pour clarifier le statut du partage de la prévoyance professionnelle dans le contexte international. A l'avenir, le partage de la prévoyance et le divorce en tant que tel seront régis exclusivement par le droit suisse. Les tribunaux suisses auront une compétence exclusive pour le partage des avoirs détenus auprès des institutions de prévoyance suisses. Les participants à la procédure de consultation ont majoritairement approuvé les propositions visant à garantir la prévoyance et les modifications du droit international privé42.

Lorsqu'un versement anticipé a été effectué durant le mariage pour financer la propriété du logement, le projet prévoit de faire porter proportionnellement la perte d'intérêts et la sortie éventuelle de capital sur la prestation de sortie constituée avant et sur celle constituée durant le mariage (art. 22a, al. 3, p-LFLP). Certains participants à la procédure de consultation ont fait valoir qu'il ne fallait grever que l'avoir de prévoyance constitué durant le mariage, mais la majorité des participants se sont exprimés en faveur de cette nouvelle règle43.

Les institutions de prévoyance et de libre passage seront tenues d'annoncer périodiquement leurs effectifs d'assurés à la Centrale du 2e pilier (art. 24a p-LFLP). Les époux et le juge du divorce pourront de la sorte obtenir sans complications un
aperçu des avoirs de prévoyance et de libre passage du couple. Les échos de la consultation ont été globalement positifs quant à cette mesure, bien que certains y voient une source de coûts disproportionnellement élevés44. Le Conseil fédéral a chargé la Commission LPP d'évaluer ces coûts le 20 octobre 2010. Lors de sa séance du 28 novembre 2011, la commission a proposé de limiter la portée de l'obligation d'annoncer aux avoirs détenus auprès d'institutions et de renoncer en raison du coût de cette mesure à faire signaler les rentes en cours. Le Conseil fédéral a décidé de 41 42 43 44

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation (oct. 2010), p. 15.

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation (oct. 2010), pp. 17, 20 s. et 25.

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation (oct. 2010), pp. 11, 17, 20 s.

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation (oct. 2010), p. 23.

4356

suivre cette proposition, puisque les avoirs détenus auprès d'institutions sont les plus susceptibles d'être oubliés ou cachés. De fait, avant d'être exigibles, ils ne figurent pas sur les déclarations d'impôts, contrairement aux rentes en cours. La commission a annoncé pour les institutions de prévoyance et de libre passage des coûts uniques de l'ordre de trois millions de francs dus à la mise en place de la mesure et des coûts supplémentaires de 400 000 francs par an pour la Centrale du 2e pilier. Le Conseil fédéral est convaincu que les coûts engendrés sont raisonnables au vu des objectifs de la révision. Il maintient donc l'obligation d'annoncer dans le projet, car le partage en bonne et due forme de la prévoyance relève, comme il l'a déjà souligné, non seulement d'intérêts privés, mais aussi d'un intérêt public (cf. ch. 1.5.3).

Le Conseil fédéral estime qu'il n'est pas nécessaire d'adopter une disposition complémentaire pour empêcher un conjoint d'obtenir un versement en espèces au moyen d'une signature falsifiée (cf. ch. 1.3.5). Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a indiqué clairement que les institutions de prévoyance devaient faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter de tels actes frauduleux45. Elles assument par conséquent une partie du risque de falsification, ce qui les incite à agir très prudemment, en demandant généralement au conjoint du preneur de prévoyance de se présenter en personne avant que ne soit effectué le versement en espèces. Si, exceptionnellement, cela s'avère impossible, la signature du conjoint doit avoir été légalisée.

1.5.5

Classement d'interventions parlementaires

En proposant une nouvelle réglementation, le Conseil fédéral exécute les mandats formulés dans les interventions parlementaires mentionnées en début de message46.

2

Commentaire des dispositions

2.1

Code civil

Art. 89a, al. 6, ch. 3a, 3b et 4a L'art. 89a CC fournit une liste des dispositions par lesquelles sont régies les fondations de prévoyance en faveur du personnel dont l'activité s'étend au domaine de la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité. La liste actuelle sera complétée par les art. 24, al. 5, et 37a p-LPP (ch. 3a et 4a, cf. commentaire de ces articles). Le nouveau ch. 3b correspond au ch. 3a en vigueur.

Remarque préliminaire concernant les art. 122 à 124e Les art. 122 à 124e forment un tout et constituent le coeur des dispositions régissant le partage de la prévoyance professionnelle. L'art. 122 pose le principe du partage.

45 46

ATF 130 V 103 ss et 133 V 205 ss Motion 05.3713 Commission des affaires juridiques CN «Droit du divorce. Révision des dispositions relatives à la compensation de la prévoyance et aux questions qui touchent les enfants»; motion 08.3821 Amacker-Amann Kathrin «Versement de prestations de vieillesse»; motion 08.3956 Humbel Ruth «Prévoyance professionnelle. Assurer un juste partage des prestations de sortie en cas de divorce».

4357

Les art. 123, 124 et 124a exposent la manière d'exécuter le partage dans trois situations différentes: ­

lorsqu'aucun cas de prévoyance n'est encore survenu, le partage est exécuté, comme actuellement, sous forme de partage par moitié des prestations de sortie (art. 123);

­

lorsque l'un des conjoints perçoit une rente d'invalidité sans avoir atteint l'âge réglementaire de la retraite, le partage s'effectue sur la base de la prestation de sortie hypothétique à laquelle il aurait droit en cas de suppression de sa rente (art. 124);

­

lorsque l'un des conjoints perçoit une rente alors qu'il a déjà atteint l'âge réglementaire de la retraite, la rente est partagée (art. 124a).

Des exceptions sont prévues pour la prise en compte et le partage des prestations de sortie acquises durant le mariage, afin de permettre aux conjoints une plus grande souplesse, et au juge de corriger des résultats inéquitables (art. 124b, al. 1 et 2).

L'attribution de plus de la moitié de la prestation de sortie est possible dans certaines circonstances (art. 124b, al. 3). Pour le partage de la rente acquise durant le mariage, le juge doit tenir compte de la situation concrète de chacun des conjoints.

Dans les autres cas, c'est-à-dire lorsqu'un partage au moyen des fonds de la prévoyance professionnelle n'est pas possible, par ex. parce que ces fonds ont déjà été versés sous la forme d'une prestation en capital, il est remplacé, comme dans le droit actuel, par le versement d'une indemnité équitable (art. 124e, al. 1). Une solution spéciale est prévue pour les cas où l'exécution du partage au moyen de la prévoyance professionnelle serait en principe possible, mais ne peut être raisonnablement exigée compte tenu des besoins de prévoyance de chacun des conjoints. Dans ces cas, d'autres fonds peuvent être utilisés (art. 124d).

La grande nouveauté par rapport au droit en vigueur consiste en ce que les prétentions de prévoyance seront aussi partagées si, au moment du divorce, le cas de prévoyance «vieillesse» ou «invalidité» est déjà survenu (art. 124 et 124a). Ces cas ne donneront donc en principe plus lieu au versement d'une indemnité équitable.

Puisqu'on pourra procéder au partage de prétentions de prévoyance même lorsque des rentes sont déjà versées, il faut prévoir, outre la réglementation du partage, diverses adaptations de la procédure et du calcul des prestations versées après le partage. Le Conseil fédéral sera habilité à édicter par voie d'ordonnance les dispositions nécessaires pour les cas particuliers, qui devraient rester rares, et pour les règles de détail d'ordre technique (art. 124, al. 3, et art. 124a, al. 3). Les dispositions sur le partage de la prévoyance en cas de divorce seront également applicables à la dissolution judiciaire du partenariat enregistré (art. 33 de la loi du 18 juin 2004 sur le partenariat [LPart]47).

Art. 122

Prévoyance professionnelle. Principe

En cas de divorce, les prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage seront partagées entre les conjoints, qu'elles proviennent de la prévoyance obligatoire ou de la prévoyance non obligatoire. Les prestations de sortie, les rentes en cours et les éventuels avoirs de libre passage seront considérés comme des prétentions de prévoyance. Peu importe que le conjoint débiteur soit salarié ou qu'il se 47

RS 211.231

4358

soit volontairement affilié à une institution de prévoyance professionnelle en tant qu'indépendant (art. 44 s. LPP). On ne partage pas les prétentions du 1er et du 3e piliers. Le 1er pilier est totalement réglé par le droit des assurances sociales48: les cotisations des conjoints sont portées au compte de chacun par moitié («splitting»).

Le «pilier 3a», épargne liée à un but de prévoyance et bénéficiant d'un allègement fiscal, est soumis ­ à l'instar de toute la prévoyance du 3e pilier ­ au régime matrimonial (art. 120, al. 1, en relation avec les art. 196 ss CC). En cas de divorce, cette forme de prévoyance doit être partagée dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial selon les principes applicables au régime choisi par les époux. Il s'agit en effet de droits concrets et non pas d'expectatives49. La séparation de corps (art. 117 s. CC) n'entraîne pas non plus de partage de la prévoyance.

Selon le droit en vigueur, les prestations de sortie sont calculées avec, pour point de référence, l'entrée en force du jugement de divorce. Cette solution présente l'avantage que le partage inclut l'ensemble des prestations de sortie acquises durant le mariage. L'inconvénient, c'est qu'elle peut inciter le conjoint créancier à faire traîner la procédure pour des raisons tactiques. Par ailleurs, ni les parties ni le juge ne sont en mesure de déterminer avec certitude quand le jugement de divorce entrera en force. Il en résulte, du moins en théorie, que les institutions de prévoyance impliquées doivent fournir régulièrement des attestations concernant le montant des prestations de sortie à partager. Comme il est évident qu'une telle situation n'est pas satisfaisante, la commission d'experts avait proposé de permettre au juge et aux parties de déterminer le moment où le calcul doit avoir lieu, précisant qu'il ne devait pas s'écouler plus de six mois entre ce moment et l'entrée en force du jugement de divorce. Le Conseil fédéral estime cependant que cette proposition ne résout pas réellement le problème, puisque le juge et les parties ne sauront toujours pas quand le jugement de divorce entrera en force. Seule une solution se fondant sur une date passée peut selon lui être convaincante. Le plus logique est de se référer à la même date que dans le régime matrimonial, c'est-à-dire au jour où la procédure
de divorce est introduite (art. 204, al. 2, CC)50.

Suivant ce raisonnement, le projet prévoit le partage des prétentions acquises entre la date du mariage et celle de l'introduction de la procédure de divorce. Ainsi, le moment déterminant sera dorénavant celui du dépôt d'une requête commune en divorce ou d'une demande unilatérale tendant au divorce (art. 274 CPC). Sur le plan procédural, il s'agit du moment marquant le début de la litispendance au sens de l'art. 62 CPC. Dans l'intérêt d'une solution simple les prestations de sortie accumulées pendant la procédure de divorce ne seront pas partagées par moitié.

Art. 123

Partage des prestations de sortie

Al. 1: Le projet ne prévoit pas de changement d'ordre matériel en ce qui concerne le partage des prétentions de prévoyance professionnelle avant la survenance du cas de prévoyance. Dans ce cas de figure, les prestations de sortie acquises par les conjoints durant le mariage seront partagées entre eux par moitié. L'al. 1 précise expressément

48 49 50

FF 1996 I 103 FF 1996 I 104 Selon Roland Fankhauser, Die Ehekrise als Grenze des Ehegattenerbrechts, Berne 2011, ch. marg. 529, le début de la litispendance doit aussi marquer la fin des droits de succession réciproques des conjoints (art. 120, al. 2, CC).

4359

que ces prestations comprennent les avoirs de vieillesse placés sur un compte de libre passage ou investis pour la propriété du logement.

L'art. 123 est applicable lorsque, à l'introduction de la procédure de divorce, aucun cas de prévoyance (vieillesse ou invalidité) n'est encore survenu. Il l'est aussi lorsqu'un cas de prévoyance survient alors que la procédure de divorce est pendante. Si un partage par moitié s'avère inéquitable, il est envisageable de s'écarter de l'art. 123 (cf. art. 124b, al. 2). Si un partage au moyen de la prévoyance professionnelle s'avère impossible, l'art. 124e, al. 1, est applicable.

Si un cas de prévoyance est survenu avant l'introduction de la procédure de divorce et que l'un des conjoints bénéficie déjà de prestations de la prévoyance professionnelle (rente de vieillesse ou d'invalidité), le partage selon l'art. 123 porte sur les prestations de sortie du conjoint qui ne bénéficie pas encore de prestations. Les prétentions de prévoyance du conjoint bénéficiaire de prestations sont en revanche partagées selon les règles de l'art. 124 ou de l'art. 124a.

Si l'un des conjoints a obtenu un versement anticipé pour la propriété du logement, cet avoir reste affecté à la prévoyance vieillesse et fait donc partie ­ lorsqu'aucun cas de prévoyance n'est encore survenu ­ des prétentions de prévoyance à partager.

Comme le prévoit le droit en vigueur, les avoirs, intérêts compris, qui existaient déjà au moment du mariage seront exclus des prestations de sortie à partager (art. 122 p-CC: «prétentions acquises durant le mariage»). Conformément à l'al. 2, les versements uniques (rachats), y compris les intérêts, issus de biens propres au sens de l'art. 198 CC (art. 22a, al. 2, p-LFLP) ne seront pas non plus soumis au partage. Si les époux ont défini les biens propres d'une autre manière qu'à l'art. 198 CC par contrat de mariage ou dans le cadre du régime matrimonial convenu, ces biens ne sont pas pris en compte dans le partage, puisqu'il est indépendant du régime matrimonial et de sa liquidation.

Al. 3: Cet alinéa renvoie aux articles de la loi sur le libre passage déterminants pour établir avec précision les prétentions de prévoyance à partager.

Art. 124

Partage en cas de perception d'une rente d'invalidité avant l'âge réglementaire de la retraite

L'art. 124 règle la manière dont s'effectue le partage de la prévoyance lorsque le bénéficiaire de rente perçoit, à l'introduction de la procédure de divorce, une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle et qu'il n'a pas encore atteint l'âge réglementaire de la retraite51.

Al. 1 et 2: Jusqu'au moment où l'assuré atteint l'âge de la retraite, il est possible que son droit à la rente d'invalidité s'éteigne en cas de disparition de l'invalidité (cf. art. 26, al. 3, LPP) et soit converti en un droit à une prestation de sortie. S'il perçoit une rente d'invalidité avant l'âge de la retraite, le partage peut donc s'effectuer dans une large mesure de façon analogue à la règle applicable avant la survenance d'un cas de prévoyance: il y a lieu de se baser, en vertu de l'al. 1, sur la 51

Selon la LPP, les rentes d'invalidité du 2e pilier obligatoire constituent des prestations à vie, c'est-à-dire qu'une rente d'invalidité du 2e pilier n'est pas convertie d'office en une rente de vieillesse au moment où l'assuré atteint l'âge de la retraite, comme c'est le cas dans le 1er pilier. De nombreux règlements prévoient néanmoins une rente d'invalidité temporaire qui, au moment où la personne atteint l'âge de la retraite, se trouve remplacée par une rente de vieillesse réglementaire.

4360

prestation de sortie hypothétique à laquelle l'assuré pourrait prétendre en cas d'extinction de son droit à la rente d'invalidité qui courait au moment où la procédure de divorce a été introduite. Parmi les dispositions légales en vigueur, seul l'art. 2, al. 1ter, LFLP52 mentionne expressément une telle prestation de sortie, qui prend naissance après la disparition du droit à une rente d'invalidité et englobe la part surobligatoire de la prévoyance. C'est la raison pour laquelle l'al. 1 renvoie à cet article de la loi sur le libre passage. Si, au moment de son mariage, l'assuré avait déjà droit à une rente d'invalidité avant l'âge réglementaire de la retraite, il y aura aussi lieu de se baser sur la prestation de sortie hypothétique au moment du mariage.

Selon l'al. 2, une fois déterminée la prestation de sortie hypothétique, le partage de la prévoyance s'effectuera de manière analogue à ce qui est prévu à l'art. 123. Le juge pourra, pour de justes motifs, ordonner l'attribution de moins de la moitié de la prestation de sortie hypothétique (art. 124b, al. 2).

Les versements anticipés pour la propriété du logement ne s'ajouteront plus à la prestation de sortie hypothétique mentionnée à l'al. 1. Ces montants sont en effet définitivement sortis de la prévoyance au moment où survient le cas de prévoyance et seront traités en conséquence comme des paiements en espèces (cf. art. 30c, al. 6, p-LPP et le commentaire).

Les effets du partage de la prévoyance lorsqu'une rente d'invalidité est versée présentent d'autres particularités quand il faut recourir à la prestation de sortie hypothétique mais que celle-ci a déjà été utilisée pour financer la rente d'invalidité. Ces questions sont commentées ci-après plus en détail (cf. notamment le commentaire des art. 124b et 124c p-CC et des art. 24 et 25 p-LPP).

On peut se demander pour quelle raison, lorsqu'une rente d'invalidité est versée avant l'âge de la retraite, on ne partage pas la rente comme c'est le cas lors du partage des prestations d'invalidité quand l'ayant droit a déjà atteint l'âge de la retraite ou lors du partage des prestations de vieillesse (cf. art. 124a). En fait, cette manière de procéder fausserait le résultat: lors du calcul d'une rente d'invalidité, on postule en effet que l'assuré aurait continué à constituer sa prévoyance jusqu'à
l'âge réglementaire de la retraite. Si l'on partageait la rente d'invalidité, la part de la prévoyance qui aurait été constituée entre le divorce et l'âge réglementaire de la retraite serait elle aussi partagée par moitié. A l'inverse, l'exclusion de la «partie postérieure au divorce» compliquerait singulièrement le calcul. Un partage de la rente avant l'âge de la retraite poserait également des problèmes d'application en cas de révision de la rente. On songe par exemple au cas d'une personne qui verrait son trois-quarts de rente, d'un montant de 1500 francs, abaissé à une demi-rente de 1000 francs par l'effet d'une révision. Il serait alors impératif de «réviser» la répartition établie dans le cadre du partage de la prévoyance, opération relativement compliquée sur le plan technique. Cela signifierait que les effets du divorce en ce qui concerne la prévoyance professionnelle ne pourraient pas être définitivement réglés dans le cadre de la procédure de divorce, ce qui reviendrait à empêcher une séparation nette et entière des intérêts des ex-conjoints. Pour ces motifs, il est indispensable et matériellement 52

Cette disposition, introduite dans le cadre de la 6e révision de l'AI, premier volet, est entrée en vigueur le 1er janvier 2012. Dans le deuxième volet de cette révision, le Conseil fédéral propose un système de rentes linéaire pour le 1er et le 2e piliers. Il s'attend à ce qu'à l'avenir, grâce à l'abolition des effets de seuil, de plus en plus de rentes d'invalidité puissent être supprimées ou à tout le moins réduites. Si cette attente se réalise, les institutions de prévoyance seront plus souvent contraintes de calculer une prestation de sortie au sens de l'art. 2, al. 1ter, LFLP.

4361

justifié de se baser sur la prestation de sortie hypothétique à laquelle le bénéficiaire de rente aurait droit en cas de disparition de l'invalidité au moment de l'introduction de la procédure de divorce.

Contrairement au partage de la rente, prendre pour base la prestation de sortie hypothétique est une solution relativement simple en cas d'invalidité partielle. L'assuré qui perçoit une rente d'invalidité partielle avant l'âge réglementaire de la retraite a droit à une prestation de sortie pour la part active de la prévoyance. Pour l'autre partie, qui relève de l'invalidité, une prestation de sortie hypothétique sera calculée en vue du partage de la prévoyance. Les deux parts seront additionnées et partagées selon les règles prévues à l'art. 123. Si l'assuré partiellement invalide est débiteur, les montants à verser seront pris dans toute la mesure du possible sur la prestation de sortie disponible et non sur la prestation de sortie hypothétique qui lui reviendrait uniquement en cas de disparition de l'invalidité. En procédant ainsi, on évite de devoir réduire la rente d'invalidité partielle en cours53. L'assuré aura en outre la possibilité de combler par des rachats la lacune créée par le partage de la prévoyance (cf. art. 22d p-LFLP). Si le bénéficiaire d'une rente d'invalidité a encore des avoirs dans une institution de libre passage, il est également opportun de recourir à ces montants pour l'exécution du partage, afin d'éviter une réduction de la rente d'invalidité en cours.

Si la personne invalide est bénéficiaire du partage, aucun problème particulier ne se pose: les montants qui lui reviennent n'entraînent pas une augmentation ultérieure de la rente d'invalidité. Lorsqu'il ne s'agit pas d'une rente d'invalidité partielle ou que, pour d'autres raisons, il n'est pas possible de procéder à un rachat dans une institution de prévoyance, ces montants peuvent être transférés dans une institution de libre passage. Si cette personne perçoit une rente d'invalidité entière, elle peut également demander le versement de la prestation (cf. art. 16, al. 2, de l'ordonnance du 3 octobre 1994 sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité [OLP]54).

Il est primordial que la procédure appliquée au partage de la prévoyance soit compatible dans toute la mesure
du possible avec des solutions réglementaires largement répandues55. Nombre d'institutions prévoient pour les rentes d'invalidité un système dans lequel la rente d'invalidité réglementaire n'est versée que jusqu'à l'âge réglementaire de la retraite. Tant que cette rente d'invalidité temporaire est versée, l'avoir de vieillesse réglementaire continue à s'accumuler et porte intérêts, tout en étant exempt de cotisations, donc financé par la solidarité. Au moment où la personne atteint l'âge réglementaire de la retraite, cet avoir est converti en une rente de vieillesse. Il sera sans doute très facile aux institutions de prévoyance appliquant ce genre de système de déterminer la prestation de sortie hypothétique au moment de l'introduction de la procédure de divorce. Cette prestation coïncide en effet la plu-

53

54 55

Cette affirmation se réfère aux rentes d'invalidité de la LPP qui continuent d'être versées une fois l'âge de la retraite atteint. Dans le cas des solutions réglementaires prévoyant le versement d'une rente d'invalidité temporaire (voir deux paragraphes plus loin), la réduction de la prestation ne déploie en général d'effets qu'après l'âge de la retraite, mais ceux-ci sont alors d'autant plus importants.

RS 831.425 Les dispositions légales se bornent à définir les prestations obligatoires; les institutions de prévoyance sont libres de donner dans leur règlement une définition différente de leurs prestations. Toutefois, ces prestations réglementaires doivent être au moins aussi élevées que le seraient les prestations obligatoires calculées sur la base des dispositions légales.

4362

part du temps avec l'avoir de vieillesse actif détenu auprès de cette institution, exempt de cotisations et qui comprend aussi la prévoyance surobligatoire56.

Al. 3: Les prestations d'invalidité de la prévoyance professionnelle sont parfois réduites pour cause de surindemnisation; en d'autres termes, elles ne sont versées que partiellement, voire pas du tout, parce que l'assuré perçoit d'autres prestations qui compensent déjà la perte de gain due à l'invalidité. Si l'institution de prévoyance versait sa prestation sans effectuer de coordination, l'assuré bénéficierait, en raison de son invalidité, d'un revenu plus élevé que celui qu'il obtiendrait sans invalidité.

Par exemple, une telle rectification est souvent nécessaire lorsque trois rentes pour enfant ou plus s'ajoutent à la rente d'invalidité ou lorsque, parallèlement à l'assurance-invalidité, l'assurance-accidents verse aussi une rente. Pour de telles situations, il importe de disposer d'une réglementation différenciée afin d'éviter qu'en raison du divorce, des fonds de prévoyance plus importants que ceux auxquels la personne assurée aurait eu droit si elle n'avait pas divorcé ne lui reviennent durablement, ainsi qu'à son (ex-)conjoint. Une telle situation serait choquante par rapport aux autres assurés, obligés de participer au financement de ces prestations. Par ailleurs, il faut éviter de multiplier les cas dans lesquels le partage de la prévoyance serait rendu impossible ou devrait être remplacé par le versement d'une indemnité équitable (cf. art. 124e, al. 1). Etant donné que les situations visées par cette disposition sont des cas particuliers qui requièrent une réglementation technique différenciée, il revient au Conseil fédéral d'édicter les dispositions d'exécution nécessaires.

Ce faisant, il veillera à respecter l'objectif du présent projet, qui est de permettre le partage des prétentions de prévoyance le plus souvent possible, y compris après la survenance d'un cas de prévoyance.

Art. 124a

Partage en cas de perception d'une rente d'invalidité après l'âge réglementaire de la retraite ou d'une rente de vieillesse

Al. 1: Cette disposition règle le partage des prétentions de prévoyance au cas où, au moment de l'introduction de la procédure de divorce, l'un des conjoints perçoit une rente d'invalidité alors qu'il a déjà atteint l'âge réglementaire ordinaire de la retraite ou perçoit une rente de vieillesse. Il n'est alors plus possible contrairement à la situation d'une personne invalide qui n'a pas encore atteint l'âge de la retraite ­ de calculer une prestation de sortie. Lorsque l'assuré atteint l'âge de la retraite, le cas de prévoyance devient effectif: l'avoir de vieillesse de l'assuré est converti en une rente; par ailleurs, dès ce moment, les titulaires d'une rente d'invalidité ne peuvent plus bénéficier de mesures de réadaptation qui leur donneraient droit à une prestation de sortie (cf. commentaire de l'art. 124). Les prétentions de prévoyance qui se présentaient auparavant sous la forme de prestations de sortie sont ainsi définitivement transformées en revenu sous forme de rente. Dans ces cas, le partage devra s'effectuer sous la forme du partage de la prétention de prévoyance effectivement disponible à ce moment donné, c'est-à-dire la rente. Cette solution est considérablement plus proche de la procédure actuelle, en cas de divorce après l'âge de la retraite, que celle proposée dans la consultation, qui prévoyait le partage de la valeur capitalisée de la rente. Elle présente le grand avantage de procurer au conjoint créancier une prétention viagère sur une part de la rente de prévoyance professionnelle de son ex-conjoint. Cette prétention à vie existe indépendamment du décès 56

Ce ne sera pas le cas notamment dans les systèmes appliquant le principe de la primauté des prestations.

4363

ultérieur du conjoint débiteur ou d'un remariage du conjoint créancier (al. 3, ch. 1: «rente viagère», cf. ci-après). Cette forme de partage porte sur la part obligatoire de la rente et une éventuelle part surobligatoire de celle-ci (cf. art. 22c p-LFLP), comme dans le cas du partage des prestations de sortie (art. 123).

La détermination de la part de la prévoyance acquise durant le mariage (cf. art. 122) est singulièrement plus complexe après la survenance du cas de prévoyance «vieillesse» puisque, dès lors, le versement de la rente de vieillesse implique l'utilisation du capital épargné à cette fin et que, de ce fait, celui-ci s'amenuise en un certain sens. Si l'on comparait les parts acquises durant le mariage, on aboutirait à de graves distorsions lorsque les conjoints n'ont pas le même âge, voire que l'un d'entre eux est encore en train de constituer sa prévoyance. Selon les cas, on comparerait entre elles des périodes de constitution de l'épargne de longueurs très différentes. Il se pourrait même que, dans un cas extrême, le calcul aboutisse à ce qu'un conjoint plus jeune, disposant d'une rente plus basse, doive encore céder au conjoint plus âgé, disposant d'une rente plus élevée, une part de ses prétentions de prévoyance. En outre, plus le cas de prévoyance est ancien, plus il est difficile de réunir les données nécessaires pour effectuer le calcul. De surcroît, une fois le cas de prévoyance survenu, le conjoint débiteur ne peut plus combler par des rachats la lacune créée par le partage, ni poursuivre d'une autre manière la constitution de sa prévoyance.

L'extrême diversité des conditions de vie consécutives à un divorce après l'âge de la retraite requiert dès lors l'application d'une procédure moins schématique que pour une situation antérieure à la survenance du cas de prévoyance. A la différence du partage de la prévoyance en vertu de l'art. 123, cette procédure ne peut pas se fonder sur une solution mathématique. C'est pourquoi le juge doit déterminer la part de la rente qui doit être attribuée au conjoint créancier en fonction des circonstances concrètes et en s'appuyant sur son appréciation.

Le juge devra constamment s'inspirer du principe du partage par moitié des avoirs de prévoyance acquis durant le mariage. Vu la spécificité de la situation qui se présente lorsque l'âge de la
retraite a déjà été atteint, la prise en considération de la durée du mariage permet de tenir compte du fait que le partage ne doit pas toujours porter sur l'ensemble de la prévoyance. Lorsque le mariage a eu une grande influence sur la situation professionnelle des conjoints durant de longues années, pendant lesquelles la plus grande partie de la prévoyance a été constituée, un partage de la rente entière par moitié devrait en règle générale être équitable. Du point de vue du partage de la prévoyance, il ne serait par contre guère équitable de prendre l'ensemble de la rente en considération si le mariage, conclu quelques années avant la retraite, a été de courte durée. Dans ce cas, le juge ne partagera qu'une partie de la rente. A titre indicatif, l'annexe 1 présente un tableau indiquant à quel âge quelle part de la prévoyance globale pourrait être considérée comme « acquise durant le mariage », suivant une constitution de la prévoyance vieillesse fortement schématisée. Les années de mariage postérieures à l'âge de la retraite sont aussi prises en considération.

Etant donné qu'en règle générale, la constitution de la prévoyance professionnelle ne se poursuit pas une fois atteint l'âge de la retraite et qu'il n'est plus possible non plus d'en combler les lacunes, les besoins de prévoyance de chacun des conjoints constituent le second facteur important à prendre en considération dans la décision de partage de la rente. Il ne faut donc pas tenir compte des besoins de prévoyance de chacun des conjoints pris isolément, mais toujours mettre en balance les besoins des deux. Le seul fait que le conjoint débiteur ne touche qu'une rente de vieillesse très 4364

modeste ne peut justifier de n'accorder au conjoint créancier qu'une très petite part de cette rente, ou aucune.

Il est impératif de prêter une attention toute particulière aux besoins de prévoyance de chacun des conjoints lorsque l'un d'eux a atteint l'âge de la retraite avant le divorce et que le processus de constitution de la prévoyance est donc terminé pour lui, alors que l'autre conjoint, considérablement plus jeune, a constitué sa prévoyance pendant cette période et devra peut-être continuer à le faire après le divorce. La prestation de vieillesse que ce dernier peut s'attendre à percevoir à l'âge ordinaire de la retraite, et qui est en général indiquée sur le certificat d'assurance, peut constituer un repère utile pour déterminer ses besoins de prévoyance, d'autant qu'elle permet une comparaison avec la prestation de vieillesse que l'autre conjoint perçoit déjà.

La rente à partager et la prestation de sortie acquise durant le mariage ne peuvent être compensées entre elles sans l'accord des conjoints. Dans une telle situation, il convient d'examiner si, pour le partage de la prestation de sortie, un juste motif autorise le juge à s'écarter du principe du partage par moitié (cf. commentaire de l'art. 124b p-CC).

En ce qui concerne l'ordre dans lequel les effets du divorce sont pris en compte, il s'agit d'abord, comme dans le droit en vigueur, de la liquidation du régime matrimonial, puis du partage de la prévoyance et enfin de la fixation de la contribution d'entretien57. Cet ordre devra aussi être respecté lorsque le partage de la prévoyance s'effectuera sous forme de partage de la rente. Les aspects relevant du régime matrimonial et du droit de l'entretien devront être pris en compte lorsque cela s'avère nécessaire pour éviter un partage inéquitable de la rente.

Etant donné que la prévoyance vieillesse sert à garantir la situation économique des assurés à l'âge de la retraite, les besoins de prévoyance et la situation économique des bénéficiaires de rente ayant déjà atteint l'âge réglementaire de la retraite devraient largement coïncider. Il ne serait par conséquent guère concevable de rendre une décision de partage de la rente après avoir apprécié les besoins de prévoyance et de la corriger ensuite, par ex. en raison de la situation économique consécutive au divorce, au motif qu'elle
serait inéquitable (art. 124b, al. 2, p-CC).

L'énumération des circonstances à prendre en compte par le juge lorsqu'il rend une décision fondée sur son pouvoir d'appréciation n'est pas exhaustive. Mais s'il prend en considération d'autres circonstances que la durée du mariage et les besoins de prévoyance de chacun des conjoints, il doit préciser lesquelles, afin que son arrêt soit fondé. Entrent notamment en ligne de compte les circonstances justifiant l'attribution de moins ou de plus de la moitié de la prestation de sortie (cf. art. 124b), ou des motifs d'une importance comparable.

Al. 2 et al. 3, ch. 1: La part de rente attribuée sera convertie en une prétention viagère du conjoint créancier. Il est vrai que la rente a été calculée, et financée en conséquence, pour l'assuré. En cas de décès de ce dernier, elle aurait été remplacée par une rente de survivant souvent sensiblement plus basse. Le projet prévoit au contraire que la prétention du conjoint créancier n'est pas influencée par le décès du conjoint assuré, débiteur, et qu'elle englobe la part de rente surobligatoire. L'institution de prévoyance communiquera au juge ou aux parties, sur demande, le montant de la part de rente convertie au bénéfice du conjoint créancier. Le Conseil fédéral réglera les dispositions d'exécution techniques nécessaires à cette conversion et aux 57

ATF 130 III 537, consid. 4

4365

flux d'information entre les institutions de prévoyance, le juge et les conjoints (cf.

art. 24, al. 3 et 4, p-LFLP).

Exemple de conversion: Un homme de 70 ans perçoit une rente de vieillesse de 2000 francs par mois et le règlement de l'institution de prévoyance compétente fixe le montant de la rente de survivant à 60 % de la rente de vieillesse en cours. L'épouse a cinq ans de moins que son mari et n'a pas de 2e pilier.

Situation 1: Il s'agit d'un mariage de longue durée et la prévoyance vieillesse du mari a été constituée pour l'essentiel au cours des années de mariage. Le juge décide dès lors que la totalité des prétentions de prévoyance (soit la rente de vieillesse en cours) doit être partagée par moitié. Le mari percevra donc 1000 francs par mois. La rente viagère de l'épouse, qui représente en valeur la moitié de la rente de vieillesse en cours de son mari, se monte dans ce cas à 930 francs par mois58.

Situation 2: Le mariage a été conclu lorsque le mari avait 41 ans. Par conséquent, une grande partie de l'avoir de prévoyance de celui-ci a été acquise avant le mariage.

Le juge décide alors que les prétentions de prévoyance ne doivent pas être partagées dans leur totalité, mais seulement à raison de 80 % (= 1600 francs). Cette part des prétentions de prévoyance sera partagée par moitié (= 800 francs chacun). Le mari conservera un droit à la rente de 1200 francs (400 francs + 800 francs). La part attribuée à l'épouse (800 francs) sera convertie en une rente viagère. L'épouse recevra dès lors 744 francs par mois.

Si l'épouse n'avait pas cinq ans de moins, mais cinq ans de plus que son mari, la conversion aboutirait à des valeurs plus élevées: l'institution de prévoyance lui verserait 1320 francs par mois dans la situation 1 et 1056 francs dans la situation 2.

En revanche, la part du mari resterait la même que ci-dessus.

Même en cas de partage en vertu de l'art. 124a, les fonds qu'obtient un conjoint créancier ne percevant pas encore lui-même de prestations de la prévoyance professionnelle doivent par principe servir à la prévoyance et ne pas être consommés avant l'heure. Au cas où le conjoint créancier n'aurait pas encore atteint l'âge de la retraite, ses prétentions sur la rente de son conjoint ne lui seront donc pas versées directement: les montants attribués seront transférés à son
institution de prévoyance. S'il n'en a pas ou qu'il n'a plus de possibilité de rachat, l'institution de prévoyance du conjoint débiteur sera tenue par le juge de transférer cette rente viagère directement à l'institution de libre passage de son choix ou à l'institution supplétive. Les modalités du transfert sont précisées à l'art. 22c p-LFLP. L'art. 22e p-LFLP fixe les conditions auxquelles le versement direct de la rente viagère peut être demandé (cf.

commentaire des art. 22c et 22e p-LFLP).

58

Cette valeur est plus basse que la moitié de la rente de vieillesse du mari (1000 francs par mois), du fait que l'institution de prévoyance a financé la rente de vieillesse déjà versée jusqu'au moment (statistique) du décès du mari, de même que les expectatives de rente de survivant. Mais comme, dans cet exemple, l'épouse est plus jeune et que, statistiquement, elle a en outre une plus grande espérance de vie, la rente viagère devra vraisemblablement lui être versée plus longtemps que ce qui avait été calculé au départ pour la rente de vieillesse de son mari. L'institution de prévoyance calcule cette valeur en appliquant les paramètres, fondés sur des valeurs actuarielles, définis par l'Office fédéral des assurances sociales. Ces paramètres tiennent compte, outre l'âge de la personne assurée et de son conjoint, du montant de la rente que le règlement prévoit pour le conjoint en l'absence de divorce. De très nombreux règlements prévoient un montant de 60 % de la rente de vieillesse, mais la question peut être réglée différemment par des institutions de prévoyance enveloppantes ou pratiquant exclusivement le régime surobligatoire.

4366

L'al. 3, ch. 2, donne au Conseil fédéral la compétence d'édicter les dispositions d'exécution nécessaires pour les cas où les prétentions de prévoyance professionnelle sont différées (prestations de vieillesse) ou lorsqu'elles sont réduites pour cause de surindemnisation (invalidité): ­

Si la rente de vieillesse est différée, il n'y a en principe pas de prétention à une prestation de sortie susceptible d'être partagée selon l'art. 123. Par ailleurs, il n'existe pas encore de prétention à une rente susceptible d'être partagée selon l'art. 124a. Comme il s'agit de cas particuliers, il est judicieux d'en prévoir la réglementation au niveau d'une ordonnance. Le Conseil fédéral tiendra compte au mieux des règlements des institutions.

­

Les rentes d'invalidité de la prévoyance professionnelle sont en principe des prestations viagères qui ne sont pas converties d'office en rentes de vieillesse. S'il y a surindemnisation, les prestations sont aussi réduites après l'âge de la retraite (cf. art. 24, al. 2bis, OPP 2). C'est pourquoi il est nécessaire que le Conseil fédéral ait aussi une compétence de régler ces cas, qui devraient être relativement rares.

L'introduction de la possibilité de partager la rente devrait faire fortement diminuer le nombre de cas dans lesquels le juge ordonne en plus une contribution d'entretien.

Ces cas peuvent se présenter en particulier lorsqu'une épouse nettement plus jeune que le conjoint débiteur et bénéficiaire de rente doit consacrer beaucoup de temps, après le divorce, à l'éducation d'enfants en bas âge et que de ce fait, durant un certain temps, elle ne peut pas exercer d'activité lucrative, ou seulement dans une mesure limitée.

Le partage de la rente entre les conjoints n'aura pas d'influence sur les rentes pour enfant en cours au moment de l'introduction de la procédure de divorce (cf. commentaire relatif à l'art. 17, al. 2, p-LPP). En revanche, si le droit du conjoint débiteur à une rente pour enfant naît après cette date, ce droit sera calculé uniquement sur sa part de rente.

La solution proposée à l'art. 124a déploie aussi des effets sur le montant des prestations pour survivants que recevrait un futur nouveau conjoint du débiteur. Les prétentions du conjoint assuré sont réduites à demeure par l'effet du partage de la rente.

La part de la prétention à une rente qui a été attribuée au conjoint créancier ne sera plus déterminante pour le calcul des prestations auxquelles le conjoint débiteur a droit, même en cas de décès du conjoint créancier.

Le conjoint créancier ne pourra percevoir à l'avenir d'autres prestations de prévoyance que s'il a pu verser les fonds perçus lors du partage de la prévoyance professionnelle dans sa propre institution de prévoyance. C'est le seul cas dans lequel ces montants ont un effet sur d'éventuelles futures prestations pour enfants ou pour survivants.

La part de rente du conjoint créancier, tout comme celle du conjoint débiteur, sera adaptée au renchérissement et prise en compte dans le cadre d'éventuelles mesures d'assainissement. La prétention à une part de la rente ne sera toutefois pas modifiable, contrairement à ce qui est le cas pour une rente d'entretien. Un changement de situation intervenant après l'entrée en force du jugement de divorce pourra être ignoré, parce que le partage de la prévoyance n'est pas fondé sur le principe de la solidarité postérieure au mariage mais qu'il a pour objectif de partager les prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage.

4367

Si l'assuré s'est fait verser tout ou partie de sa prestation de vieillesse sous forme de capital (art. 37 LPP), cet argent est sorti de la prévoyance. Dans ce cas, le partage des capitaux issus de la prévoyance a lieu, d'une part, au titre de la liquidation du régime matrimonial et, d'autre part, au titre du partage de la prévoyance.

Les dispositions spéciales relatives aux prestations des institutions de prévoyance s'appliquent en principe en matière de régime matrimonial: toutes les prestations de prévoyance, en tant que remplacement du revenu, sont versées aux acquêts si les époux sont mariés sous le régime de la participation aux acquêts (art. 197, al. 2, ch. 2, CC) ou aux biens communs s'ils sont mariés sous le régime de la communauté universelle (art. 222, al. 2, CC). Il importe d'accorder le même traitement aux prestations de vieillesse sous forme de capital et aux prestations de vieillesse sous forme de rente. Une prestation en capital, perçue avant la dissolution du régime matrimonial, tomberait intégralement dans la masse à partager, bien que l'indemnisation en capital ait lieu en remplacement d'une rente, laquelle aurait continué d'être versée après la dissolution du régime matrimonial et n'aurait donc pas été partagée. Une personne qui toucherait une prestation en capital serait donc défavorisée par rapport à une personne qui toucherait une rente. Il faut donc que la partie du capital qui doit lui servir à assurer son entretien futur ne soit pas prise en compte dans la dissolution du régime matrimonial. C'est dans cette optique que l'art. 207, al. 2, CC (pour la participation aux acquêts) et l'art. 237 CC (pour la communauté universelle) disposent que le capital versé à un époux par une institution de prévoyance est compté dans les biens propres à concurrence de la valeur capitalisée de la rente qui aurait appartenu à cet époux à la dissolution du régime. Le montant concerné n'est pas pris en compte lors de la liquidation du régime matrimonial, qu'il soit encore disponible ou non.

La liquidation de la prévoyance a lieu après la liquidation du régime matrimonial. Le capital versé par l'institution de prévoyance a quitté le circuit de la prévoyance, si bien qu'il n'est plus possible de réaliser un partage au moyen de la prévoyance professionnelle. Le conjoint débiteur doit verser au
conjoint créancier une indemnité équitable au sens de l'art. 124e, al. 1, p-CC pour couvrir le montant qui n'a pas été pris en compte dans la liquidation du régime matrimonial59.

Art. 124b

Exceptions

L'art. 124b règle les conditions auxquelles le juge ou les époux peuvent déroger au principe du partage par moitié. Comme le droit en vigueur, il distingue les cas où ce sont les époux qui conviennent d'y déroger (al. 1) de ceux où c'est le juge qui décide de faire une exception (al. 2). Le projet institue la possibilité pour les conjoints de convenir de l'attribution de plus de la moitié de la prestation de sortie au conjoint créancier et pour le juge de l'ordonner (al. 1 et 3).

Al. 1: Comme le leur permet déjà le droit en vigueur, les époux pourront, dans une convention sur les effets du divorce, renoncer en tout ou partie au partage. On assouplit néanmoins les conditions auxquelles la renonciation peut avoir lieu. Tandis que l'art. 123, al. 1, CC prescrit que le conjoint qui renonce à sa part doit pouvoir bénéficier d'une autre manière d'une prévoyance vieillesse et invalidité équivalente, 59

Cf. pour plus de détails Myriam Grütter, Beispiele zum Vorsorgeausgleich gemäss Vorentwurf Dezember 2009, in: Andrea Büchler, Ingeborg Schwenzer (éd.), Fünfte Schweizer Familienrecht§Tage, Berne 2010, p. 216 ss.

4368

le nouvel art. 124b dispose qu'une prévoyance vieillesse et invalidité adéquate doit rester assurée. Cette règle est applicable, qu'un cas de prévoyance soit déjà survenu ou non au moment du dépôt de l'introduction de la procédure de divorce.

Selon le droit en vigueur, le juge ne peut permettre aux époux de déroger au partage qu'à la seule condition que la partie qui renonce à son dû dispose d'une autre manière d'une prévoyance équivalente. Les prestations fournies en remplacement doivent correspondre quantitativement à la part à laquelle le conjoint créancier renonce. S'il a droit à 40 000 francs et dispose d'un pilier 3a d'une valeur de 30 000 francs ­ lequel ne doit pas forcément être partagé en vertu du régime matrimonial ­, il peut renoncer à 30 000 francs. Si son capital de prévoyance provenant du 3e pilier se monte à 40 000 francs ou plus, il peut renoncer totalement à son droit. Le projet prévoit la renonciation au partage dans d'autres cas, notamment lorsqu'il s'avère que le conjoint qui renonce à sa part dispose d'une prévoyance vieillesse et invalidité adéquate, même sans bénéficier du partage de la prévoyance professionnelle. C'est le cas principalement lorsque les deux époux sont demeurés pleinement actifs durant le mariage et n'ont pas eu à subir de désavantages en termes de prévoyance. Même dans ce cas, la renonciation sera subordonnée à l'accord des deux époux. Si l'un d'entre eux refuse de renoncer au partage, le juge ordonnera le partage par moitié des prétentions, que les époux aient restreint leur activité professionnelle durant le mariage ou non.

Les participants à la consultation se sont dans l'ensemble montrés favorables à cette flexibilité, certains craignant toutefois que cette nouvelle règle accorde trop d'autonomie aux époux60. Le fait d'assortir la renonciation de conditions plus souples ne signifie pas que les parties pourront disposer librement de leur prévoyance.

La partie qui renonce au partage devra, comme précédemment, expliquer au juge pourquoi elle agit ainsi et dans quelle mesure sa prévoyance est assurée. Le juge devra ensuite vérifier d'office que le conjoint qui renonce au partage bénéficie tout de même d'une prévoyance adéquate (art. 280, al. 3, p-CPC). Il importe d'éviter que le conjoint qui renonce à sa part finisse par être à la charge des pouvoirs publics.
Par analogie aux pouvoirs conférés au juge (art. 124b, al. 3, p-CC), le projet accorde aux époux la compétence de décider d'attribuer plus de la moitié de la prestation de sortie au conjoint créancier, à la condition que le conjoint qui transfère plus de la moitié de ses prétentions continue de bénéficier d'une prévoyance adéquate. Les époux pourront effectuer un partage de ce type, que le conjoint créancier prenne en charge des enfants communs après le divorce ou non.

Pour déterminer si la prévoyance de la personne qui renonce à sa part ou transfère plus de la moitié de sa prestation de sortie est adéquate, le juge tiendra compte de ses conditions de vie, et en particulier de son âge. Si cette personne ne dispose que d'une prévoyance modeste au moment de l'introduction de la procédure de divorce, le juge vérifiera si elle peut se constituer une prévoyance adéquate après le divorce.

Il acquerra une vue d'ensemble de la situation des parties en termes de prévoyance en incluant l'ensemble des avoirs qu'elles détiennent, y compris ceux qu'elles détenaient avant le mariage. La renonciation au partage ne devrait en général poser aucun problème chez les couples dont le mariage a été court et qui n'ont pas eu d'enfants. Les époux pourront également renoncer au partage pour les raisons qui justifient la renonciation du juge au sens de l'al. 2.

60

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation (octobre 2010), p. 14 s.

4369

Le partage de la prévoyance professionnelle est une institution juridique indépendante du régime matrimonial et du droit relatif à l'entretien. Il n'est pas permis par conséquent de compenser l'inadéquation de la prévoyance par des contributions d'entretien plus élevées ou un partage plus généreux du régime matrimonial. Tout comme aujourd'hui, le capital de prévoyance se composera des troisièmes piliers liés, des assurances vie à capital garanti en cas de vie, des immeubles, du droit d'habitation et de l'usufruit non limité dans le temps. La fortune dont une personne dispose ne saurait constituer une prévoyance adéquate.

Le projet maintient la règle selon laquelle la renonciation au partage ou l'attribution de plus de la moitié des prétentions de prévoyance n'est valable que si elle est inscrite dans une convention sur les effets du divorce. Il demeurera donc impossible de renoncer totalement ou partiellement au partage ou de prévoir l'attribution de plus de la moitié des prétentions de prévoyance acquises durant le mariage dans le contrat de mariage (art. 181 CC)61.

Al. 2: Le projet assouplit les conditions auxquelles le juge peut exclure totalement ou partiellement le partage, même contre l'avis des parties. L'avant-projet disposait que le juge refuse le partage par moitié, en tout ou en partie, lorsque celui-ci s'avère manifestement inéquitable (art. 122, al. 2, ap-CC). Certains participants à la consultation ont trouvé la notion d'iniquité manifeste trop imprécise et trop restrictive et demandé une formulation qui laisserait une plus grande marge d'interprétation au juge62. La solution mise en avant dans le projet, inspirée de la proposition de la commission d'experts de mai 2009, est moins restrictive.

La dérogation au partage par moitié s'impose en présence de justes motifs, mais uniquement en ce qui concerne la prestation de sortie, c'est-à-dire lorsque le conjoint concerné n'a pas encore atteint l'âge réglementaire de la retraite. Pour les cas où l'un des époux aurait atteint cet âge, l'art. 124a, al. 1, confère au juge la latitude nécessaire pour partager les prétentions en fonction des besoins de chacun d'entre eux. Le juge devra prendre en compte les motifs de refus aussitôt qu'il décide des modalités du partage (cf. commentaire de l'art. 124a). Il n'est pas nécessaire de prévoir des
exceptions supplémentaires pour ce type de partage. Cependant, l'art. 124b prévoit un correctif pour les situations où l'on partage la rente d'un conjoint conformément à l'art. 124a, tandis qu'on doit partager par moitié la prestation de sortie de l'autre conjoint acquise durant le mariage. Il est particulièrement important de prévoir un correctif pour le partage de la prestation de sortie également, pour éviter une issue inéquitable.

Le projet mentionne deux aspects parmi d'autres qui peuvent rendre le partage par moitié manifestement inéquitable: ­

61 62 63

Le ch. 1 évoque la liquidation du régime matrimonial et la situation économique des époux après le divorce. Il couvre pratiquement tous les cas dans lesquels le partage est exclu en vertu du droit en vigueur. Il y a par exemple iniquité lorsqu'une épouse active finance la formation de son mari et que celui-ci va exercer une profession qui lui permettra de se constituer une meilleure prévoyance vieillesse que sa femme63. De même, il y a iniquité lorsque l'un des époux est employé et dispose d'un revenu et d'un deuxième pilier Pour plus de détails, cf. Carmen Ladina Widmer, Gestaltungsmöglichkeiten von Eheverträgen und Scheidungskonventionen, ZBJV 2009, p. 419 ss.

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation (octobre 2010), p. 13.

Arrêt 5A_79/2009 du 28 mai 2009, consid. 2.1

4370

modestes, tandis que l'autre conjoint est indépendant, ne dispose pas d'un deuxième pilier, mais se porte beaucoup mieux financièrement.

­

Les besoins de prévoyance des époux figurent au ch. 2 comme raison possible de s'écarter du partage par moitié. Au sens large, les besoins de prévoyance pourraient être inclus dans la situation économique des époux et par conséquent être couverts par le ch. 1. Mais la nouvelle règle du partage des prétentions après la survenance d'un cas de prévoyance pourrait, notamment eu égard aux besoins de prévoyance, entraîner une multiplication des situations inéquitables si aucune exception n'était faite au partage par moitié. Il semble donc justifié de traiter les besoins de prévoyance à part. Là aussi, le partage est inéquitable lorsque l'un des époux subit des désavantages flagrants par rapport à l'autre conjoint.

Le juge doit tenir compte du fait que le conjoint invalide ne sera plus à même de combler un défaut de prévoyance en effectuant des rachats (cf.

commentaire de l'art. 124). Il n'y a pas forcément iniquité pour autant. Le seul fait qu'un conjoint perçoive une rente d'invalidité au moment du divorce et que celle-ci couvre le minimum vital ne constitue pas une raison suffisante de déroger au partage par moitié des prétentions de prévoyance.

L'iniquité se mesure à l'aune des besoins de prévoyance de l'autre conjoint.

Il peut également être justifié de déroger au partage par moitié lorsque les deux époux ont des revenus et des prestations de vieillesse futures comparables, mais ont constitué des avoirs de niveaux très différents durant le mariage du fait qu'ils ont une grande différence d'âge. C'est pourquoi la différence d'âge est citée expressément.

L'al. 2 ne fournit pas une liste exhaustive des justes motifs pour lesquels le juge pourra renoncer au partage par moitié. D'autres cas de figure sont envisageables, celui notamment où le conjoint créancier ne se serait pas conformé à son obligation d'entretien, auquel cas il paraîtrait insatisfaisant qu'il puisse exiger la moitié de la prestation de sortie du conjoint débiteur64.

Il importe, en cas d'application de l'al. 2, de ne pas vider de sa substance le principe du partage par moitié. Des différences de fortune ou de perspectives de gains ne constituent pas un motif suffisant de déroger à ce principe65. Le partage porte sur les prétentions acquises durant le mariage. On ne saurait faire cas des ressources des conjoints dans le cadre du partage de la prévoyance professionnelle66. Toute inégalité consécutive au partage par moitié ou persistant après le partage par moitié ne constitue pas forcément un juste motif au sens de cet alinéa. Les proportions du partage ne doivent toutefois pas être inéquitables.

Al. 3: Le juge pourra ordonner une attribution de plus de la moitié de la prestation de sortie au conjoint créancier. Les avis divergent dans la doctrine quant à la légalité de 64 65 66

ATF 133 III 497 ss Arrêt 5A_79/2008 du 28 mai 2009, consid. 2.1 Cf. Alexandra Rumo-Jungo, Berufliche Vorsorge bei Scheidung, in: Pascal Pichonnat/Alexandra Rumo-Jungo (éd.), Berufliche und freiwillige Vorsorge in der Scheidung, 5. Symposium zum Familienrecht 2009, Université de Fribourg, Zurich 2010, p. 28 s.; Myriam Grütter, Vorsorgeausgleich durch Entschädigung im Alter und bei Invalidität, in: Pascal Pichonnaz/Alexandra Rumo-Jungo (éd.), Berufliche und freiwillige Vorsorge in der Scheidung, 5. Symposium zum Familienrecht 2009, Université de Fribourg, Zurich 2010, p. 195 ss.

4371

cette forme de partage67. Elle permet de tenir compte du fait que le conjoint créancier, s'il prend en charge les enfants communs, ne pourra pas forcément exercer une activité professionnelle à temps plein après le divorce et aura par conséquent du mal à se constituer une prévoyance digne de ce nom. Le partage asymétrique peut permettre de compenser le défaut de prévoyance consécutif au divorce, à la condition toutefois que le conjoint grevé continue de disposer d'une prévoyance vieillesse et invalidité adéquate. Le juge appliquera les mêmes principes pour déterminer si la prévoyance vieillesse et invalidité du conjoint débiteur est adéquate que pour évaluer les effets de la renonciation au sens de l'al. 1. Bien que l'attribution de plus de la moitié de la prestation ne soit pas expressément citée à l'art. 124a, le juge pourra déjà prendre en compte les motifs pouvant conduire à un tel partage dans le cadre de son pouvoir d'appréciation. Il se peut donc qu'il attribue plus de la moitié de la rente au conjoint créancier.

Le juge applique les mêmes principes pour décider de la part à attribuer qu'il le fait pour fixer le montant de la contribution d'entretien conformément à l'art. 12568. Par rapport à une contribution d'entretien servant à alimenter la prévoyance, l'attribution de plus de la moitié de la prestation de sortie au conjoint créancier a l'avantage de permettre un transfert de fonds liés c'est-à-dire durablement dédiés à la prévoyance.

Un jugement relatif au partage de la prévoyance ne peut être modifié après être entré en force, contrairement à un jugement relatif à la contribution d'entretien (art. 129, al. 1).

Art. 124c

Compensation des prétentions réciproques

Al. 1: La nouvelle réglementation prescrit la procédure à suivre lorsque les conjoints ont des prétentions réciproques. Lorsque chacun d'eux a des prestations de sortie à partager, celles-ci sont compensées entre elles, ce qui correspond à l'art. 122, al. 2, du droit en vigueur, selon lequel seule la différence entre les créances des deux conjoints doit être partagée.

Les prétentions à la rente doivent être compensées s'il s'agit de partager deux rentes de vieillesse ou d'invalidité (après l'âge de la retraite). Comme pour la compensation des prétentions à des prestations de sortie, le juge n'attribue que la différence entre les rentes. La différence ainsi attribuée est ensuite convertie en une prétention viagère en faveur du conjoint créancier en vertu de l'art. 124a, al. 2.

Dans les cas où deux prétentions à une rente sont compensées, le partage de la prévoyance représente une rupture nette: le décès ultérieur de l'un des conjoints divorcés ne change plus rien aux prétentions de l'autre conjoint divorcé.

Al. 2: Si seul l'un des conjoints perçoit une rente de vieillesse ou une rente d'invalidité à l'âge de la retraite alors que l'autre a encore des prétentions à une prestation de sortie (hypothétique), le partage de la prévoyance s'effectue en principe sous la forme du partage de la rente pour l'un des conjoints et de celui de la prestation de sortie pour l'autre. En pareil cas, il n'est possible de procéder à une compensation que si l'institution de prévoyance du conjoint bénéficiaire de rente 67

68

Pour un avis positif, Roland Fankhauser, Einverständliche Scheidung nach neuen Scheidungsrecht, Bâle/Genève/Munich 1999, 98 ss; pour un avis négatif, Thomas Geiser, in: Heinz Hausheer (éd.), Vom alten zum neuen Scheidungsrecht, Berne 1999, no 2.83.

Pour plus de détails, Daniel Summermatter, Zur Berechnung des Vorsorgeunterhalts FamPra.ch 2011, pp. 665 ss; Thomas Geiser, Aufbau einer angemessener Altersvorsorge und Dauer des nachehelichen Unterhalts, in: FamPra.ch 2012, pp. 356 ss.

4372

prévoit un transfert sous forme de capital en faveur du conjoint créancier et si les conjoints y consentent69. Cette solution est appropriée, car le conjoint qui perçoit la rente ne peut plus combler par des rachats la lacune créée par le partage de la prévoyance, ni non plus déposer dans son institution de prévoyance la part de la prestation de sortie à laquelle il a droit en raison du partage. L'institution de prévoyance du conjoint débiteur elle aussi a intérêt à proposer le transfert sous forme de capital lorsque le cas peut être liquidé par la compensation au titre du partage de la prévoyance sans qu'il faille verser une rente viagère. Néanmoins, un conjoint qui est encore un assuré actif et qui acquiert une part de rente en raison du partage de la prévoyance peut avoir, pour des motifs de prévoyance, un intérêt compréhensible à tenir au transfert sous forme de rente. Tel est par exemple le cas lorsqu'il ne pourra probablement plus déposer le montant du partage sous forme de capital dans son institution de prévoyance avant l'âge de la retraite. Ses besoins de prévoyance seraient considérablement mieux couverts si, après avoir atteint l'âge de la retraite, il pouvait percevoir directement sous forme de rente la rente viagère provenant du partage de la prévoyance70.

Art. 124d

Exécution ne pouvant être raisonnablement exigée

La nouvelle réglementation permet que, dans certains cas, le partage de la prévoyance ne soit pas réalisé au moyen de la prévoyance professionnelle, alors même que cela serait possible, et offre ainsi davantage de souplesse. Il se peut qu'une autre solution s'impose lorsqu'il sera possible de recourir aux fonds de la prévoyance (art. 124 et 124a). Il importe alors de toujours tenir compte des besoins de prévoyance de chacun des conjoints et de peser leurs intérêts respectifs. Cette nouvelle possibilité constitue une exception au principe selon lequel le partage de la prévoyance s'effectue au moyen des fonds de prévoyance. Mais il faut pour cela, en vertu des nouvelles dispositions, que le recours à la prévoyance du conjoint débiteur ne puisse être raisonnablement exigé en raison des besoins de prévoyance des deux conjoints. Une solution s'appuyant sur l'art. 124d n'est donc possible que s'il y a suffisamment de fonds libres à disposition.

Dans certains cas, il est concevable qu'un transfert des fonds de la prévoyance ne présente pas d'intérêt pour le conjoint créancier. La plupart du temps, c'est le cas lorsque ce dernier entend percevoir ses prétentions sous forme de capital immédiatement après le partage de la prévoyance, par exemple s'il se propose d'émigrer et qu'il veut retirer ses avoirs de prévoyance professionnelle (cf. art. 5, al. 1, let. a, LFLP). En pareille occurrence, le fait que le conjoint débiteur s'acquitte du partage au moyen de fonds de la prévoyance professionnelle ou par d'autres montants non liés ne joue aucun rôle pour le conjoint créancier. On ne peut raisonnablement exiger le transfert de fonds de la prévoyance par le conjoint débiteur s'il lui cause un sérieux préjudice, par exemple parce qu'un cas de prévoyance est déjà survenu et

69

70

Au vu des résultats de la consultation, le Conseil fédéral renonce à prévoir l'obligation de convertir en capital une part de la rente de vieillesse ou de la rente d'invalidité après l'âge de la retraite. Les institutions de prévoyance pourront toutefois le proposer (cf. art. 22c, al. 3, p-LFLP).

Il est certes prévu de faire transformer en rente un avoir provenant du partage de la prévoyance par l'institution supplétive (art. 60a p-LPP). Toutefois, il n'est pas possible à celle-ci d'appliquer un pourcentage du taux de conversion LPP, car cela entraînerait un subventionnement croisé par les autres assurés de l'institution supplétive.

4373

qu'il ne pourra donc plus combler cette lacune par des rachats, alors qu'il dispose de suffisamment d'autres moyens.

Dans d'autres cas, il pourrait certes être intéressant pour le conjoint créancier de bénéficier d'un tel transfert, mais les besoins de prévoyance du conjoint débiteur sont prépondérants. On peut prendre comme exemple la situation du bénéficiaire d'une rente d'invalidité entière qui n'a pas encore atteint l'âge de la retraite et dont le conjoint, créancier, n'a plus de possibilité de rachat dans son institution de prévoyance et n'en aura probablement plus jusqu'à sa propre retraite. Si une partie de la prestation de sortie hypothétique du bénéficiaire de la rente d'invalidité était transférée, cette rente devrait être réduite durablement, ce qui affecterait considérablement ses besoins de prévoyance. Pour le conjoint créancier, le transfert des fonds de la prévoyance n'est important que dans la mesure où il obtient ainsi une part de la partie obligatoire de l'avoir de prévoyance. Mais cet argument devient caduc dès lors que ce conjoint ne peut plus transférer cet avoir dans sa propre institution de prévoyance. Plus la probabilité est faible qu'il puisse encore le faire, moins un transfert des fonds de la prévoyance est important pour ses besoins de prévoyance, d'autant qu'avec la nouvelle base légale créée à l'art. 22f, al. 3, p-LFLP, les prestations en capital prévues aux art. 124d et 124e, al. 1, p-CC pourront aussi être transférées dans l'institution de prévoyance du conjoint créancier et ainsi être liées.

Le versement de montants non liés dans un but de partage de la prévoyance ne pourra être effectué que sous forme de capital. La prestation sous forme de rente ne sera pas possible, sinon les mêmes problèmes qu'actuellement se poseraient après le décès du conjoint débiteur (problématique des «veuves divorcées»). Lorsque les conjoints y consentent, on pourra admettre qu'ils sont les meilleurs juges pour déterminer leurs besoins de prévoyance et ce qu'il est raisonnablement possible d'exiger dans leur situation. Le juge restera néanmoins tenu d'examiner si la prise en considération des besoins de prévoyance est à l'origine de l'exception, car c'est à cette condition que l'art. 124d est applicable. Les autres motifs, notamment d'ordre fiscal, ne suffiront pas pour s'écarter du principe du partage de la prévoyance au moyen de fonds de la prévoyance professionnelle.

Art. 124e

Exécution impossible

Al. 1: Le nouvel art. 124e règle la situation lorsqu'il n'est pas possible de recourir aux fonds du 2e pilier suisse pour procéder au partage de la prévoyance, à savoir lorsqu'il n'y a pas de prestation de sortie disponible, lorsqu'il n'y a pas de prétentions hypothétiques à une prestation de sortie (invalidité) ou qu'il n'est pas possible d'y recourir en raison d'une réduction pour surindemnisation ou lorsque le partage des prétentions à une rente en vertu de l'art. 124a n'est pas réalisable. Il en va ainsi par exemple du régime des retraites71, ou lorsque les avoirs de prévoyance entrant en ligne de compte se trouvent à l'étranger. Comme dans le droit en vigueur, le juge pourra aussi ordonner le versement d'une indemnité équitable sous forme de prestation en capital ou de rente lorsque, pendant le mariage, un versement en espèces ou en capital aura été effectué ou qu'un versement anticipé aura été obtenu pour l'acquisition du logement et que, dans l'intervalle, le cas de prévoyance «vieillesse»

71

Régimes des retraites: la Confédération, certains cantons et diverses communes prévoient ce genre de prévoyance en faveur de groupes de personnes déterminés tels que les magistrats et les professeurs.

4374

ou «invalidité» sera survenu, de sorte que les avoirs ne pourront plus être pris en compte dans la liquidation du régime matrimonial.

Contrairement à la contribution d'entretien fondée sur l'art. 125 CC, la rente attribuée sur la base de l'art. 124e, al. 1, ne s'éteint pas avec le remariage du conjoint créancier. Elle ne sera pas modifiable72. Si le débiteur du paiement sous forme de rente en vertu de l'art. 124e, al. 1, p-CC décède, son ex-conjoint aura droit, pour autant que les conditions requises soient remplies, aux prestations pour survivants prévues à l'art. 20, al. 1, OPP 2. Toutefois, les prestations pour survivants de la prévoyance professionnelle prendront fin en cas de remariage.

Al. 2: L'art. 124e s'étend aussi aux situations dans lesquelles le partage des prétentions de prévoyance à l'étranger par un tribunal suisse ne pourrait déployer ses effets. Le partage par le biais d'une rente ou d'une prestation en capital doit alors aussi être possible. Si, postérieurement au jugement suisse, un jugement concernant le partage des avoirs concernés est rendu à l'étranger et entre en force, les mesures supplétives ordonnées par le tribunal suisse deviendront sans objet en tout ou en partie. Le juge suisse doit avoir la possibilité de lever ces mesures ou de les adapter, à la demande du conjoint débiteur. L'al. 2 lui fournit la base légale pour ce faire. Il y a lieu de préférer un partage direct des avoirs à l'étranger à une solution supplétive sous forme de rente à verser par le conjoint débiteur. Par conséquent, un jugement ultérieur rendu à l'étranger et prévoyant un partage direct est tout à fait bienvenu lorsqu'une rente a été attribuée sur la base de l'al. 1. Une décision à prendre en compte en vertu de l'al. 2 sera rendue en règle générale dans l'Etat dans lequel les prétentions de prévoyance concernées existent. Mais elle pourra aussi provenir d'un Etat tiers dont les décisions sont reconnues par l'Etat en question. Ce qui est déterminant, c'est que la décision soit contraignante pour l'institution à l'égard de laquelle les prétentions existent (le débiteur des prestations de prévoyance) et qu'ainsi le partage des prétentions soit effectivement réalisé.

Art. 7d du titre final

Prévoyance professionnelle

Matériellement, les principes régissant les dispositions transitoires sont les mêmes que lors de l'entrée en vigueur du nouveau droit du divorce du 26 juin 199873 (art. 7a s. tit. fin. CC). Ainsi, le nouveau droit s'appliquera aux procès en divorce pendants devant une instance cantonale supérieure au moment de l'entrée en vigueur, comme le prévoit l'art. 7b, al. 1, tit. fin. CC. Le début de la litispendance est déterminé par le dépôt de la requête en divorce ou de la requête commune (art. 62 et art. 198, let. c, CPC).

Art. 7e du titre final

Conversion de rentes existantes

Al. 1: Si une personne divorcée s'est vu attribuer une indemnité équitable sous forme de rente au moment du divorce en vertu de l'art. 124 CC en vigueur, elle a la possibilité de la faire adapter au nouveau droit en prévision du futur, c'est-à-dire de la faire convertir en une prétention à une rente viagère qu'elle pourra faire valoir auprès de l'institution de prévoyance de son ex-conjoint. Cette conversion modifie la nature juridique de la rente puisqu'au lieu de dépendre du droit civil, elle dépendra 72 73

Cf. Myriam Grütter, Vorsorgeausgleich durch Entschädigung im Alter und bei Invalidität, op. cit. (note 66), pp. 182 ss, note de bas de page 61.

RO 1999 1118

4375

du droit de la prévoyance professionnelle. Elle ne sera plus versée par l'ex-conjoint, mais par son institution de prévoyance, directement au créancier, en cas d'invalidité ou une fois celui-ci à la retraite (art. 22e p-LFLP), ou à son institution de prévoyance ou de libre passage (art. 22c p-LFLP).

Premièrement, la conversion est subordonnée à la réalisation de plusieurs conditions matérielles. Dans le jugement de divorce, le juge doit avoir donné à l'indemnité la forme d'une rente de durée illimitée («une rente ... qui ne s'éteint qu'au décès du conjoint débiteur ou du conjoint créancier»). S'il était prévu que le conjoint débiteur ne soit tenu de verser une rente que pour une certaine durée, il sera impossible d'effectuer une conversion en rente viagère. Dans ce cas, le conjoint créancier devra assumer le risque, comme pour les contributions d'entretien, que son ex-conjoint meure avant la fin de la durée de prestation fixée dans le jugement.

Deuxièmement, la conversion ne sera possible que si le juge a ordonné l'attribution d'une indemnité parce qu'un cas de prévoyance était déjà survenu au moment du divorce. Elle ne pourra avoir lieu si le juge a attribué une indemnité du fait que les prétentions de prévoyance professionnelle n'ont pu être partagées pour d'autres raisons, par exemple lorsqu'un conjoint s'est fait verser sa prestation de sortie en espèces durant le mariage (art. 5 LFLP). Enfin, la conversion ne pourra avoir lieu si le jugement prévoyait une indemnité équitable sous forme de prestation en capital.

En ce cas, on pourra partir du principe que le partage a été réalisé sous la forme du versement de cette prestation en capital.

Troisièmement, la conversion présuppose que le débiteur perçoive une rente d'invalidité après l'âge réglementaire de la retraite ou une rente de vieillesse au moment où le créancier dépose sa demande de conversion. Si le débiteur était invalide, mais n'avait pas encore atteint l'âge réglementaire de la retraite, le créancier se verrait attribuer selon le nouveau droit non pas une rente viagère, mais une prestation de sortie en vertu de l'art. 124 CC. Par ailleurs, la conversion ne sera plus possible si le débiteur est déjà décédé au moment où le créancier dépose sa demande car la prétention à une rente de droit civil attribuée au moment du divorce s'éteint
au moment du décès du débiteur; il n'existe donc plus de part de rente à convertir. De plus, cela signifie que le cas de prévoyance décès sera déjà survenu; ses effets, par exemple rente d'orphelin ou rente de survivant, ne peuvent être modifiés rétroactivement.

Le créancier devra présenter sa demande de conversion dans un délai d'un an suivant l'entrée en vigueur de la révision. Pour des raisons pratiques, il devra le faire auprès du tribunal qui a prononcé le jugement de divorce ou qui a ratifié la convention sur les effets du divorce.

Al. 2: Si un tribunal étranger a attribué une indemnité équitable au sens de l'art. 124 CC au créancier, ce dernier pourra demander la conversion en rente viagère à un tribunal suisse conformément à l'art. 59 ou 60 LDIP.

Al. 3: Le montant de la rente viagère au sens de l'art. 124a p-CC que devra verser à l'avenir l'institution de prévoyance se calcule d'après le montant de la rente que l'ex-conjoint versait jusqu'à la conversion. Ce montant sera considéré comme équivalent à la part de rente attribuée, puis converti mathématiquement. Les circonstances sont déterminantes, en particulier l'âge des ex-époux au moment de la conversion et non l'âge qu'ils avaient au moment du divorce.

4376

2.2

Code des obligations

Tout comme dans le droit actuel, il est nécessaire d'inscrire certains principes de la LPP dans les dispositions sur le contrat de travail, afin qu'ils s'appliquent également aux preneurs de prévoyance pour la partie surobligatoire.

Art. 331d, al. 5, 2e phrase, et 6 Le tribunal civil remplacera le tribunal à l'al. 5 afin d'éviter toute confusion: le tribunal des assurances sociales n'est pas compétent pour déterminer la légalité du refus de consentement.

La modification de cet article est l'occasion de corriger les renvois de l'al. 6. Ils n'avaient pas été adaptés en raison d'un oubli rédactionnel lors de l'insertion de l'art. 30f LPP (l'ancien art. 30f est devenu l'art. 30g LPP en vigueur74).

Art. 331e, al. 5, 6 et 8 Les raisons qui motivent la modification proposée à l'al. 5 sont les mêmes que pour l'art. 30c, al. 5, p-LPP (cf. ch. 2.6).

Les modifications proposées entraînent l'adaptation des renvois à l'al. 6. Comme dans le droit en vigueur, les versements anticipés pour la propriété du logement ne seront considérés comme des avoirs de prévoyance intégrés dans le partage que dans la mesure où aucun cas de prévoyance n'est survenu. Si un cas de prévoyance survient, le retrait de ces avoirs devient définitif et ceux-ci devront être considérés comme un paiement en espèces. En cas de divorce après la survenance d'un cas de prévoyance, ces prétentions devront être compensées par une indemnité équitable (art. 124e, al. 1, p-CC; cf. commentaire de l'art. 30c p-LPP).

Seuls les renvois sont corrigés à l'al. 8 (cf. le commentaire de l'art. 331d CO).

2.3

Code de procédure civile

Art. 280, titre et al. 1, phrase introductive et let. a et b, et 3 Convention de partage de la prévoyance professionnelle Le nouveau mode de partage proposé pour le cas où l'un des époux ou les deux auraient atteint l'âge réglementaire de la retraite au moment du divorce (art. 124a p-CC) implique de compléter l'al. 1. Les nouvelles règles de renonciation et la proposition d'attribuer plus de la moitié des prétentions de prévoyance au conjoint créancier, inscrites à l'art. 124b, al. 1, p-CC, imposent quant à elles une adaptation de l'al. 3. Les autres modifications visent à corriger une erreur rédactionnelle.

Art. 281, titre et al. 1 et 3, phrase introductive et let. c et d Désaccord sur le partage de la prévoyance professionnelle Le nouveau mode de partage proposé pour le cas où l'un des époux au moins aurait déjà atteint l'âge réglementaire de la retraite (art. 124a p-CC) implique de compléter 74

Introduit par le ch. 1 de la LF du 18 juin 2004, en vigueur depuis le 1er janvier 2005 (RO 2004 4635; FF 2003 5835).

4377

l'art. 281, al. 1. Les autres modifications sont de nature rédactionnelle et concernent le renvoi au code civil (art. 122 à 124a) et à la LFLP (art. 22 à 22b).

Art. 283, al. 3 Cet alinéa concerne le partage de prétentions de prévoyance à l'étranger. S'il est possible d'obtenir une décision du tribunal compétent dans l'Etat concerné, le tribunal suisse pourra renvoyer l'ensemble du partage à une procédure séparée et suspendre celle-ci en attendant la décision étrangère. Cette règle est pertinente lorsque le tribunal étranger compétent peut procéder à un véritable partage des avoirs de prévoyance alors que le tribunal suisse ne le peut pas et lorsque l'un des époux est prêt à engager une telle procédure. La compétence globale du tribunal suisse ne sera nullement entamée par la décision étrangère, pas plus que ne le seront l'applicabilité du droit suisse à l'ensemble du partage de la prévoyance (cf. art. 63 et 64 LDIP) ni le principe du partage par moitié. La décision étrangère n'impliquera que la prise en compte dans la procédure suisse des prestations attribuées dans la procédure étrangère. Si le juge suisse estime que la part attribuée au conjoint créancier par le tribunal étranger est trop restreinte, il pourra adapter le résultat de la décision étrangère en vertu de l'art. 124e p-CC.

Le tribunal qui suspend la procédure peut établir une clé de répartition si le tribunal étranger est susceptible de reconnaître sa décision. Selon le droit en vigueur (et contrairement aux art. 63 et 64 p-LDIP), un tribunal suisse pourrait reconnaître une décision étrangère concernant les proportions du partage d'un avoir détenu en Suisse75.

L'art. 283, al. 3, p-CPC est une disposition potestative. Il est du pouvoir du juge de décider s'il souhaite l'appliquer ou attribuer en lieu et place une indemnité équitable en vertu de l'art. 124e p-CC. Il prendra sa décision en fonction des circonstances du cas précis. Il vérifiera en particulier si la procédure risque d'être ralentie substantiellement par l'inclusion du tribunal étranger et si un tel retard peut être raisonnablement infligé aux époux. Il pourra y avoir d'éventuelles complications actuarielles si un cas de prévoyance survient au cours de la procédure en raison du retard pris.

Art. 284, al. 1 La modification de cette disposition découle de la nouvelle
possibilité offerte au juge à l'art. 124e, al. 2, p-CC de modifier un jugement de divorce ayant force de chose jugée. Il faut donc ajouter une référence à cet article.

2.4

Loi sur le droit international privé

Art. 61

Droit applicable

L'art. 61 LDIP détermine le droit qui régit les conditions du divorce76 devant un tribunal suisse. Selon l'art. 63 LDIP, le droit applicable régit également les effets accessoires du divorce. Il existe néanmoins plusieurs exceptions puisque les effets 75 76

ATF 130 III 336, consid. 2.5 ss Les règles de la LDIP relatives au divorce sont également applicables à la séparation de corps, dont il ne sera pas question expressément dans ce qui suit.

4378

du divorce relatifs au nom, à l'obligation alimentaire entre époux, au régime matrimonial et à la filiation sont régis par des dispositions spéciales. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la règle énoncée à l'art. 63 LDIP s'applique au partage de la prévoyance professionnelle (cf. ch. 1.3.6).

Selon l'art. 61 LDIP en vigueur, tous les divorces dont est saisi un tribunal suisse sont régis par le droit suisse. L'al. 2 prévoit une exception pour les couples ayant une nationalité étrangère commune lorsqu'un conjoint seulement est domicilié en Suisse (al. 2). Les al. 3 et 4 restreignent cette exception dans certains cas. La suppression des al. 2 à 4 permettra de simplifier l'art. 61 LDIP et de rendre le droit suisse applicable à tout divorce ayant lieu en Suisse, pour tenir compte des préoccupations exposées au ch. 1.3.6.

L'art. 61 LDIP est modifié principalement pour que le droit suisse soit applicable au partage de la prévoyance professionnelle. Mais cette modification concerne aussi le divorce même, auquel il semble judicieux d'appliquer exclusivement le droit suisse.

Comme l'expose le ch. 1.3.6, il ne semble plus proportionné aujourd'hui d'obliger les tribunaux à appliquer le droit national étranger commun des époux. En faisant coïncider le for et le droit applicable, on tient compte de l'étroite relation entre le droit du divorce et le droit de la procédure.

En rapport avec le règlement Rome III77, la doctrine critique le fait que cette modification, déjà proposée dans l'avant-projet, empêche le droit national étranger commun des époux de s'appliquer même si ceux-ci le souhaitent. A cela, on pourrait rétorquer que si les époux divorcent sur requête commune, ils n'ont nul intérêt à ce qu'un autre droit s'applique, étant donné que le CC ne leur impose pas d'obstacles notables. La possibilité de choisir le droit applicable a par contre des implications pratiques pour les effets accessoires du divorce, mais ceux-ci sont de toute manière soumis à de nombreuses règles spéciales. Donner le choix du droit applicable ne semble pas approprié pour le partage de la prévoyance professionnelle.

Lorsque les époux ne divorcent pas sur requête commune, un seul d'entre eux a un intérêt à ce que le droit national étranger commun s'applique: le conjoint qui dépose la requête en divorce, si le droit étranger
est plus libéral que le droit suisse (absence de délai de carence) ou l'autre conjoint s'il est plus restrictif. La solution proposée ne présente donc aucun aspect défavorable aux intérêts des époux.

Art. 63, al. 1bis et 2, 1re phrase Selon l'art. 63, al. 1, LDIP en vigueur, le tribunal suisse compétent pour connaître d'une action en divorce l'est également pour se prononcer sur les effets accessoires.

Le tribunal suisse est donc compétent également pour se prononcer sur le partage de la prévoyance professionnelle (cf. ch. 1.3.6).

Al. 1bis: Cet alinéa dispose que la compétence du tribunal suisse est exclusive en ce qui concerne les avoirs détenus auprès d'une institution de prévoyance suisse. Le partage de ces prétentions devra impérativement avoir lieu devant un tribunal suisse.

Cette règle a deux conséquences: premièrement, les époux ne pourront convenir d'un autre for et deuxièmement, les décisions étrangères relatives au partage d'avoirs détenus auprès d'institutions de prévoyance suisses ne seront pas recon77

Règlement (UE) no 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en oeuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, JO L 343 du 29.12.2010, p. 10.

4379

nues. Le projet vise à faire appliquer systématiquement le droit suisse pour éviter que les nouvelles règles du CC, conçues comme des normes impératives, ne soient détournées dans le cadre de procédures étrangères (cf. ch. 1.3.6). Les époux seront libres de convenir d'un autre for s'ils ont des prétentions de prévoyance à l'étranger.

Certains participants à la consultation avaient critiqué le fait que l'avant-projet ne statue pas la compétence exclusive des tribunaux suisses et s'en tienne au statu quo.

L'art. 63 LDIP s'applique sous réserve d'une disposition contraire de la Convention de Lugano78 (art. 1, al. 2, LDIP). Le champ d'application de celle-ci s'étend également aux effets accessoires du divorce découlant du droit civil, et en particulier à l'obligation alimentaire (art. 5, ch. 2, CL). Il ne couvre pas par contre l'état des personnes physiques ni les régimes matrimoniaux (art. 1 CL). Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne79, une rente au sens de l'art. 124e, al. 1, p-CC ne relèverait pas du champ d'application de la convention dès lors que cette mesure est étroitement liée au régime matrimonial. La cause est donc claire pour le partage effectif de prestations de sortie ou de rentes au sens des art. 122 ss p-CC. La doctrine allemande relie sans exception le partage des droits à la retraite (Versorgungsausgleich), institution juridique comparable au partage de la prévoyance professionnelle en Suisse, aux questions de régime matrimonial et l'exclut du champ d'application du règlement Bruxelles I80, le pendant européen de la Convention de Lugano81.

Al. 2: La modification proposée à l'art. 61 LDIP implique la révision de l'art. 63. Le droit suisse, qualifié d'exclusif à l'art. 61 p-LDIP, sera également déterminant pour le partage de prétentions de prévoyance à l'étranger. L'idée consistant à soumettre le partage de la prévoyance professionnelle au droit en vigueur dans l'Etat concerné a été balayée au cours des travaux législatifs, de crainte que le conjoint de la personne qui détient les avoirs ne reparte trop souvent les mains vides. Les Etats pourvus d'une institution juridique semblable au partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce tel que l'applique la Suisse sont en effet rares. Certains Etats procèdent à une forme de partage par le biais
de l'entretien ou du régime matrimonial.

Quelles que soient les règles applicables dans l'Etat concerné, l'art. 124e, al. 1, p-CC permettra aussi d'effectuer le partage sous forme de rente ou de prestation en capital.

Si le partage de prétentions de prévoyance étrangères effectué en vertu du CC ne peut être reconnu dans l'Etat concerné, le juge décidera de procéder au partage sous forme de prestation en capital ou de rente, conformément à l'art. 124e, al. 1, p-CC. Il pourra par ailleurs attribuer au conjoint créancier une part plus élevée de l'avoir de prévoyance (art. 22f p-LFLP). Si, par la suite, l'avoir de prévoyance est partagé à 78 79

80

81

Convention du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, CL (RS 0.275.12).

Arrêt du 27 mars 1979 dans l'affaire 143/78, Jacques de Cavel contre Luise de Cavel, recueil 1979 1066, ch. marg. 7, et arrêt du 27 février 1997 dans l'affaire C-220/95, Antonius van den Boogaard contre Paula Laumen, recueil 1997 I-1147, ch. marg. 21 s.

Règlement (CE) no 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO L 12 du 16.1.2001.

Cf. Peter Mankovski, in: Thomas Rauscher (éd.), Europäisches Zivilprozess und Kollisionsrecht EuZPR/EuIPRG, Bearbeitung 2011, Munich 2011, no 12 ad art. 1 du règlement Bruxelles I, avec les références qui y sont citées; Jan Prokholler/Jan von Hein, Europäisches Zivilprozessrecht, 9e édition, Francfort 2011, no 27 ad art. 1 du règlement (CE) no 44/2001.

4380

l'étranger, un jugement prononcé en vertu de l'art. 124e, al. 1, p-CC pourra être adapté en application de l'art. 124e, al. 2, p-CC.

Si, en l'espèce, il est possible d'obtenir une décision judiciaire dans l'Etat concerné, le tribunal suisse pourra renvoyer le partage de la prévoyance professionnelle dans son ensemble à une procédure séparée et suspendre celle-ci en attendant que le tribunal étranger ait pris sa décision (art. 283, al. 3, p-CPC). Cela a particulièrement de sens lorsque le tribunal étranger compétent peut procéder à un partage effectif de l'avoir de prévoyance étranger. Le partage dans son ensemble demeurera néanmoins de la compétence du tribunal suisse et restera soumis au droit suisse. Le tribunal suisse devra veiller à ce que le résultat final corresponde aux principes du CC. Il pourra soit définir les proportions du partage au moment où il suspend la procédure, soit compléter ultérieurement une décision étrangère inéquitable d'un point de vue suisse en adoptant des mesures au sens de l'art. 124e, al. 1, p-CC.

Il n'est possible de renvoyer au droit suisse que s'agissant des aspects de droit civil.

La LFLP n'est pas applicable en principe aux institutions de prévoyance étrangères.

Le partage effectif des avoirs de libre passage ne peut se faire que si le droit applicable à l'institution de prévoyance étrangère prévoit également le libre passage ou ­ comme le fait la loi allemande sur le partage des droits à la retraite (§ 10 Versorgungsausgleichsgesetz) ­ le droit pour le conjoint créancier à un avoir supplémentaire auprès de l'institution de prévoyance concernée. La notion de «prestation de sortie» mérite donc d'être interprétée dans un sens fonctionnel s'agissant d'avoirs étrangers. On partagera l'équivalent, en droit étranger, de la prestation de sortie au sens de la LFLP.

Même si les conditions du partage sont remplies, il n'est pas certain qu'un tribunal suisse puisse réellement exécuter le partage d'un avoir auprès d'une institution de prévoyance étrangère. La doctrine suisse émet des doutes quant au fait que les injonctions de tribunaux suisses puissent déployer de quelconques effets contraignants sur des institutions de prévoyance étrangères82. Le juge devra donc vraisemblablement s'appuyer de manière générale sur les art. 124e p-CC et 283, al. 3, p-CPC s'agissant du
partage d'avoirs étrangers. Le problème serait le même si on soumettait le partage d'avoirs étrangers au droit de l'Etat concerné.

L'art. 63 p-LDIP présente l'avantage de permettre à un tribunal suisse unique d'effectuer le partage même si les époux détiennent des avoirs de prévoyance dans plus d'un Etat (à l'exception des cas où le tribunal, conformément à l'art. 281, al. 3, CPC, défère l'affaire au tribunal des assurances sociales compétent) et d'épargner au conjoint créancier la charge de s'adresser à un autre tribunal. Mais le projet laisse tout de même à celui-ci la possibilité de demander le partage au tribunal compétent au siège de l'institution de prévoyance (cf. art. 124e, al. 2, p-CC), étant donné que seul un partage indirect en vertu de l'art. 124e p-CC devrait être possible dans la plupart des cas impliquant des avoirs de prévoyance étrangers. Comme cela a déjà été dit, le tribunal suisse pourra pour ce faire suspendre sa propre procédure. Les époux peuvent également transférer préalablement la compétence de procéder au partage de l'avoir à un tribunal étranger (art. 5 LDIP).

82

Cf. entre autres Daniel Trachsel, Der Vorsorgeausgleich im internationalen Verhältnis, op. cit. (note 30), p. 246 s., et Audrey Leuba, Le partage de la prévoyance professionnelle dans un contexte de divorce international, Jusletter du 12 décembre 2011, ch. marg. 24.

4381

Le Tribunal fédéral a établi que le partage de la prévoyance professionnelle dans le cadre de la LDIP devait être considéré comme effet accessoire à part entière du divorce et ne pas être soumis aux dispositions spéciales sur l'entretien ni sur le régime matrimonial (cf. ch. 1.3.6). Cette jurisprudence s'applique également aux cas où le tribunal décide l'attribution d'une rente83. Une rente au sens de l'art. 124e, al.

1, p-CC pourra par conséquent être attribuée en vertu du droit applicable au divorce, c'est-à-dire du droit suisse.

Art. 64, al. 1bis et 2, 1re phrase L'art. 64, al. 1, LDIP en vigueur dispose que les tribunaux suisses sont compétents pour connaître d'une action en complément ou en modification d'un jugement de divorce ou de séparation de corps s'ils ont prononcé ce jugement ou s'ils sont compétents pour connaître d'une action en divorce ou en séparation de corps dans son ensemble. Le nouvel al. 1bis attribue aux tribunaux suisses la compétence exclusive de procéder au partage des avoirs détenus auprès d'institutions de prévoyance suisses. On se reportera ici au commentaire de l'art. 63 p-LDIP, également en ce qui concerne la modification de l'al. 2.

Le juge n'aura plus besoin d'examiner, comme il le fait aujourd'hui dans de nombreux cas, si une décision étrangère relative à des avoirs suisses mérite d'être complétée, puisque les décisions étrangères de ce type ne seront plus reconnues84. La question du caractère incomplet d'une décision étrangère pourra encore se poser en rapport avec des avoirs détenus à l'étranger, mais elle devrait revêtir moins d'importance en pratique. Si une décision qui doit être reconnue selon les dispositions de la LDIP règle totalement le partage des prétentions étrangères, la compétence de la Suisse se limitera au partage des avoirs suisses. Le juge suisse tiendra compte dans ce cas de la décision étrangère (art. 124b, al. 2, p-CC). S'il n'est pas possible de reconnaître cette décision, on déterminera la compétence des tribunaux suisses sur la base de l'art. 63 p-LDIP. Cette compétence vaut également en principe pour l'ensemble des prétentions de prévoyance détenues à l'étranger. Il n'importe de prendre en compte la décision étrangère que si son contenu est contraignant pour une institution de prévoyance étrangère et crée par conséquent un fait accompli.
Puisque le Tribunal fédéral a qualifié le partage de la prévoyance professionnelle d'effet accessoire à part entière (cf. ch. 1.3.6), les décisions étrangères qui prévoient des prestations périodiques du type d'une rente au sens de l'art. 124e, al. 1, p-CC ne devraient pas être considérées comme «décisions relatives aux obligations alimentaires» au sens de la Convention du 2 octobre 1973 concernant la reconnaissance et l'exécution de décisions relatives aux obligations alimentaires85 (ci-après Convention de La Haye du 2 octobre 1973). Une éventuelle obligation de reconnaissance est toujours soumise à la réserve d'une modification du jugement pour cause de nouvelles circonstances. Un tribunal suisse chargé de modifier une décision en vertu de l'art. 64 LDIP pourrait donc procéder à un partage d'avoirs suisses conformément aux art. 122 ss p-CC et adapter ou annuler la rente attribuée par la décision étrangère.

83 84 85

Cf. arrêt 6A_83/2008 du 28 avril 2008, consid. 3.2 A ce sujet, cf. commentaire de l'art. 64, al. 1bis, ap-LDIP dans le rapport accompagnant l'avant-projet de décembre 2009, ch. 2.4.

RS 0.211.213.02

4382

La Convention de Lugano ne devrait pas être applicable aux rentes qui découlent purement d'un partage de la prévoyance professionnelle (cf. commentaire de l'art. 63 p-LDIP). Il en est autrement des obligations de paiement qui n'ont pas uniquement un but de prévoyance, mais servent directement à l'entretien du conjoint créancier. La convention devrait donc être applicable aux «prestations compensatoires» du droit français86. Les décisions des autorités des Etats parties relatives à ce type de prestations devront donc être reconnues si les autres conditions de reconnaissance de la convention sont remplies. Il devrait en être de même sous le régime de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973. Le tribunal suisse compétent pour connaître d'une action en complément d'un jugement conformément à l'art. 64 LDIP ne pourra donc adapter les contributions attribuées dans le domaine d'application de la Convention de Lugano que s'il est compétent en vertu de l'art. 2, 1re phrase, ou de l'art. 5, ch. 2, de la convention. Si l'adaptation n'est pas possible, le conjoint créancier devra se faire imputer les contributions attribuées par la décision étrangère dans le cadre de l'art. 124b, al. 2, p-CC.

Le nouvel al. 1bis ne devrait pas non plus s'opposer à une reconnaissance de jugements étrangers s'ils prévoient une compensation par le régime matrimonial des prétentions de prévoyance non constituées en attribuant au conjoint créancier une partie plus importante des biens à partager. L'art. 58 LDIP régit la reconnaissance des décisions étrangères relatives au régime matrimonial. Si le juge suisse reconnaît une telle décision, le conjoint créancier devra se faire imputer les valeurs patrimoniales attribuées par la décision étrangère dans le cadre de l'art. 124b, al. 2, ch. 1, p-CC.

Puisque les tribunaux suisses seront systématiquement compétents pour procéder au partage de prétentions détenues auprès d'institutions de prévoyance suisses, il importe de veiller à ce que la loi désigne dans tous les cas un tribunal compétent. La deuxième phrase de l'al. 1bis comble à cet égard une lacune de l'al. 1. En l'absence de compétence d'un tribunal suisse au sens de l'al. 1, le conjoint créancier pourra demander une action en complément au tribunal compétent au siège de l'institution de prévoyance. Si le défendeur détient des
avoirs auprès de plus d'une institution de prévoyance suisse, le demandeur pourra exiger le partage de ces avoirs aux tribunaux compétents au siège de chacune de ces institutions, comme le permet l'art. 8a, al. 2, LDIP. S'il intente différentes actions pour obtenir le partage des avoirs, les tribunaux saisis ultérieurement pourront transmettre l'action au tribunal saisi en premier lieu conformément à l'art. 127 CPC.

2.5

Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité

Art. 15, al. 1, let. c à e, et 4 Al. 1: En vertu de l'art. 15, al. 1, let. b, LPP, l'avoir de vieillesse comprend l'avoir de vieillesse versé par les institutions précédentes et porté au crédit de l'assuré, avec les intérêts. Or la loi ne précise pas si l'expression «institutions précédentes» désigne également les institutions ayant transféré l'avoir de vieillesse LPP dans le cadre du 86

Cf. arrêt du 6 mars 1980 dans l'affaire 120/79, Luise de Cavel contre Jacques de Cavel, recueil 1980 731, ch. marg. 3 ss.

4383

partage de la prévoyance professionnelle. En incluant cet avoir dans la définition de l'avoir de vieillesse LPP, on clarifie ce point. Comme à la let. b, le projet dit que l'avoir de vieillesse transféré dans le cadre du partage (let. d) doit également être considéré, dans la nouvelle institution de prévoyance, comme un avoir de vieillesse LPP.

Par ailleurs, cet alinéa prévoit explicitement qu'en cas de rachat après un divorce, la partie qui correspond à l'avoir de vieillesse LPP transféré sera ajoutée à l'avoir de vieillesse LPP (let. e; cf. aussi le commentaire de l'art. 22d p-LFLP). Il en va de même pour les montants remboursés suite à un versement anticipé EPL: ils seront répartis entre avoir de vieillesse LPP et avoir surobligatoire dans la même proportion qu'au moment du versement anticipé EPL (let. c; cf. aussi le commentaire de l'art.

30d, al. 6, p-LPP)87. Mais pour que cette répartition soit possible, il faut que la distinction entre part obligatoire et part surobligatoire soit faite par l'institution de prévoyance initiale et que celle-ci consigne cette information et la transmette lors du transfert de la prestation de sortie restante dans une autre institution de prévoyance ou dans une institution de libre passage. L'art. 16 OPP 2 doit être adapté en ce sens.

Al. 4: Lorsqu'un assuré quitte une institution de prévoyance, celle-ci doit indiquer à la nouvelle institution de prévoyance ou de libre passage à combien s'élève le montant de l'avoir de vieillesse LPP (art. 16 OPP 2). Il arrive cependant que, sans qu'elle y soit pour rien, l'institution de prévoyance ne dispose pas de cette information parce que celle-ci ne lui a pas été communiquée. Cela peut créer un flou juridique pour les assurés et les institutions de prévoyance, et produire des situations choquantes, notamment lorsque la nouvelle institution de prévoyance considère la totalité de l'avoir transféré comme surobligatoire. L'al. 4 permettra au Conseil fédéral de fixer des critères uniformes pour la détermination de l'avoir de vieillesse LPP dans ces cas. Les institutions de prévoyance n'en demeureront pas moins tenues de déterminer le montant de l'avoir de vieillesse LPP et de transmettre cette information. Si une institution de prévoyance ne dispose pas de cette information, elle devra commencer par demander toutes les
clarifications nécessaires et exigibles aux institutions de prévoyance précédentes. C'est seulement lorsqu'il n'est plus possible de retrouver la répartition effective entre part obligatoire et part surobligatoire que les nouvelles dispositions s'appliqueront.

Art. 17, al. 2 A l'avenir, une rente de vieillesse en cours pourra pour une part être attribuée au conjoint créancier (art. 124a p-CC). L'art. 17, al. 2, p-LPP précise que dans ce cas, le droit à une rente pour enfant qui préexiste au moment de l'introduction de la procédure de divorce ne sera pas touché. Les rentes pour enfant ayant été financées avant le partage de la rente, il n'y a en effet pas lieu de les réduire. Cette disposition est parfaitement compatible avec le principe selon lequel on applique à une rente en cours la réglementation et les bases de calcul en vigueur au moment de la naissance du droit à cette rente, sauf dispositions contraires expresses.

87

Lors des délibérations relatives à la motion 04.3331 Rechtsteiner Rudolf «Deuxième pilier. Obligation de faire mention des prestations obligatoires et surobligatoires», le Conseil fédéral avait promis d'étudier, dans le cadre des travaux relatifs à la présente révision, comment établir une distinction claire entre l'avoir surobligatoire et l'avoir de vieillesse LPP afin de s'assurer que ce dernier reste considéré comme tel dans certaines situations et le cas échéant de prendre des mesures.

4384

En revanche, lorsque le droit à une rente pour enfant ne naît qu'après l'introduction de la procédure de divorce, elle sera calculée sur la partie du droit à la rente qui revient à l'assuré après le partage de la prévoyance. L'autre partie étant octroyée définitivement à l'autre conjoint, elle ne donnera plus droit à de nouvelles rentes pour enfant ou de survivant.

Dans de rares cas, des prétentions à une rente de vieillesse et à une rente pour enfant peuvent naître après l'introduction de la procédure de divorce, mais avant qu'un jugement ayant force de chose jugée n'ait été prononcé sur le partage de la prévoyance. On ne peut alors pas attendre que le tribunal civil ou le tribunal des assurances sociales (cf. art. 280 et 281 CPC) ait statué sur le partage de la prévoyance.

On commence donc par calculer les prétentions à la rente en l'absence de partage et à verser ces rentes à l'assuré. Le montant des rentes pour enfant sera adapté dès l'entrée en force de la décision sur le partage de la prévoyance, afin de correspondre au droit de l'assuré après ce partage.

Art. 21, al. 3 et 4 Al. 3: L'art. 21 définit le montant des prestations de survivants. Lors du décès d'une personne qui bénéficiait d'une rente de vieillesse ou d'invalidité, cette dernière sert de base pour le calcul de la rente de survivants. Le nouvel al. 3 précise que les parts de rente de vieillesse ou d'invalidité attribuées au conjoint créancier en vertu de l'art. 124a p-CC ne seront plus prises en compte pour le calcul des rentes de survivants. La part de rente transférée dans le cadre du partage de la prévoyance ne pourra donc pas donner naissance à de nouveaux droits pour le conjoint débiteur (cf.

commentaire de l'art. 124a p-CC).

Al. 4: Dans le droit en vigueur, les rentes pour enfant et les rentes d'orphelin correspondantes sont généralement d'un montant identique. Ce principe, qui est cohérent avec le financement des rentes en question, sera maintenu. Cependant, à l'avenir, les rentes d'orphelin LPP seront d'un montant différent selon que le droit à la rente pour enfant octroyée avant le décès de l'assuré sera né avant ou après l'introduction de la procédure de divorce, car le partage de la prévoyance sera possible également après la survenance d'un cas de prévoyance (cf. commentaire de l'al. 3).

Art. 24, al. 5 A l'avenir,
le partage de la prévoyance professionnelle pourra aussi se faire après la survenance d'une invalidité. Si la personne invalide n'a pas encore atteint l'âge de la retraite, les prétentions de prévoyance seront partagées en vertu de l'art. 124 p-CC.

Si par ailleurs la personne invalide est débitrice dans le cadre du partage et qu'aucune prestation de sortie n'est plus disponible, le partage de la prévoyance se fondera sur la prestation de sortie hypothétique à laquelle cette personne aurait droit si elle n'était plus invalide. Mais comme cet avoir a déjà été utilisé pour le calcul et le financement de la rente d'invalidité en cours, celle-ci doit être adaptée à compter de l'entrée en force de la décision sur le partage de la prévoyance, afin de tenir compte du fait qu'une partie de l'avoir a été transférée à l'autre conjoint. La rente d'invalidité ne peut être réduite qu'en fonction de la part de rente attribuée lors du partage de la prévoyance; elle ne peut être réduite une nouvelle fois en raison de l'application de nouvelles bases. Le droit à la rente sera calculé selon le taux de conversion qui était déterminant pour cette rente avant le partage de la prévoyance.

Le Conseil fédéral réglera les modalités techniques au niveau de l'ordonnance. Etant 4385

donné que le partage de la prévoyance concerne tant la prévoyance obligatoire que la prévoyance surobligatoire, cette conséquence du partage vaudra pour l'ensemble de la prévoyance. Il serait tout à fait choquant d'attribuer au conjoint créancier, en cas de divorce après la survenance du cas de prévoyance, une partie de l'avoir surobligatoire en autorisant une réduction disproportionnelle des prétentions surobligatoires de l'assuré. Il faut donc que ces règles s'appliquent aussi à la prévoyance surobligatoire (cf. art. 89a, al. 6, ch. 3a, p-CC et art. 49, al. 2, ch. 3a, p-LPP).

De nombreuses institutions prévoient dans leurs règlements des prestations d'invalidité proportionnelles au salaire assuré qui sont versées jusqu'à l'âge de la retraite.

Elles sont ensuite remplacées par une prestation de vieillesse calculée sur la base d'un avoir de vieillesse hypothétique. Dans ce cas de figure, l'adaptation après le partage de la prévoyance n'interviendra en général qu'à l'âge de la retraite, mais sera plus importante. Le Conseil fédéral tiendra compte des règlements des institutions lorsqu'il définira les modalités de calcul de l'adaptation au niveau de l'ordonnance.

Art. 25, al. 2 Si, dans le cadre du partage de la prévoyance, une partie de la prestation de sortie hypothétique d'une personne qui touche une rente d'invalidité et n'a pas atteint l'âge de la retraite est transférée à son conjoint, sa rente sera adaptée (cf. ci-dessus art. 24, al. 5, p-LPP). Cependant, les rentes pour enfant qui préexistent au moment de l'introduction de la procédure de divorce ne seront pas touchées par le partage.

En revanche, si le droit à une rente pour enfant ne naît qu'après l'introduction de la procédure de divorce, le calcul de la rente tiendra compte des nouvelles circonstances. La part de rente définitivement octroyée à l'autre conjoint lors du partage de la prévoyance en vertu de l'art. 124 p-CC ne donnera plus droit à de nouvelles rentes pour enfant. Si le droit à une rente pour enfant naît après l'introduction de la procédure de divorce, mais avant qu'un jugement ayant force de chose jugée n'ait été prononcé sur le partage de la prévoyance, les mêmes règles s'appliqueront que pour les rentes pour enfant d'un assuré touchant une rente de vieillesse (cf. commentaire de l'art. 17, al. 2, p-LPP, dernier
paragraphe). Dans un premier temps, la rente pour enfant sera calculée sur la rente d'invalidité touchée par l'assuré avant le partage.

Elle sera adaptée ultérieurement à la situation en vigueur après le partage, en même temps que la rente d'invalidité (cf. commentaire de l'art. 24, al. 5, p-LPP).

Le partage de la prévoyance lorsque le conjoint débiteur touche une rente d'invalidité alors qu'il a déjà atteint l'âge de la retraite suit les règles de l'art. 124a p-CC.

Le commentaire de l'art. 17, al. 2, p-LPP en décrit les conséquences sur les rentes pour enfant en cours et futures.

Art. 30c, al. 5 et 6 Al. 5: Lorsqu'un logement financé au moyen de fonds de la prévoyance professionnelle est vendu à perte, l'assuré subit lui aussi une perte ou du moins voit sa prévoyance menacée. Le législateur a délibérément accepté ce transfert de risques sur l'individu88. Dans la mesure où la réduction potentielle des futures prétentions de prévoyance concerne également le conjoint ou le partenaire enregistré, le législateur 88

ATF 132 V 332 ss

4386

a décidé qu'un versement anticipé ne serait possible qu'avec le consentement écrit de celui-ci.

Après un versement anticipé, le propriétaire du bien immobilier peut le grever de droits de gage immobilier supplémentaires. Là aussi, il s'agit d'une décision délibérée du législateur, en vue de permettre de couvrir des besoins financiers ultérieurs, comme une grosse réparation. Cela dit, ces gages supplémentaires peuvent menacer un peu plus encore l'avoir de prévoyance investi dans le logement. Par exemple, lorsqu'une personne acquiert un logement d'une valeur de 500 000 francs pour ses propres besoins, elle peut obtenir un versement anticipé de 200 000 francs et prendre un prêt hypothécaire d'un montant de 250 000 francs. Elle peut par la suite souscrire un autre prêt, de 150 000 francs par exemple, garanti par un gage immobilier.

Comme rien ne l'oblige à souscrire ce prêt auprès d'une banque, le durcissement des prescriptions des banques en matière de fonds propres n'a pas toujours les effets de protection escomptés. Etant donné que la somme des droits de gage immobilier (400 000 francs) et du versement anticipé (200 000 francs) dépasse la valeur du bien immobilier (500 000 francs), le retour des fonds dans l'institution de prévoyance n'est plus garanti en cas de vente ultérieure du bien.

A l'avenir, le conjoint ou le partenaire enregistré devra donner son consentement écrit pour la constitution d'un gage immobilier portant sur un bien financé par des fonds de la prévoyance professionnelle. En effet, la constitution d'un gage immobilier met en péril les fonds de prévoyance investis dans le bien immobilier. Le Conseil fédéral ne souhaite par contre pas imposer le consentement du conjoint ou du partenaire enregistré pour la constitution de droits de gage immobilier en l'absence de versement anticipé EPL. Donc, sauf en cas de versement anticipé EPL, c'est toujours l'actuel art. 169, al. 1, CC, qui s'appliquera: le consentement exprès du conjoint ne sera obligatoire que pour aliéner la maison ou l'appartement familial, ou restreindre par d'autres actes juridiques les droits dont dépend le logement de la famille.

S'il n'est pas possible de recueillir ce consentement ou s'il est refusé, le conjoint intéressé pourra, comme pour le versement anticipé, en appeler au tribunal civil.

Celui-ci pourra statuer
sur la requête en procédure sommaire. Cette possibilité n'est pas mentionnée explicitement à l'art. 271 CPC, mais l'énumération qui y figure n'est pas exhaustive: le tribunal civil peut donc décider d'appliquer cette procédure à d'autres cas.

C'est au registre foncier qu'il revient de vérifier, au moment de l'inscription d'un droit de gage immobilier, si le consentement du conjoint ou du partenaire enregistré est requis, et, le cas échéant, si ce consentement a été donné. L'institution de prévoyance n'a ni l'obligation ni d'ailleurs la possibilité de procéder à cette vérification.

La solution proposée ne fournit pas d'amélioration pour le cas où les avoirs de prévoyance ne font pas l'objet d'un versement anticipé, mais d'une mise en gage. En effet, lors de la mise en gage de fonds de prévoyance, il n'y a pas d'inscription au registre foncier; l'inscription a lieu uniquement lors de la réalisation du gage, c'està-dire du versement anticipé des avoirs de prévoyance (art. 30e, al. 2, LPP). Si l'on voulait changer cela, il faudrait qu'une inscription au registre foncier soit requise dès la mise en gage des fonds de prévoyance. Cependant, cela n'a guère de sens de restreindre le droit d'aliéner avant le versement anticipé des avoirs de prévoyance,

4387

puisqu'aucun avoir de prévoyance ne doit être remboursé à l'institution de prévoyance en cas d'aliénation.

Al. 6: Cette adaptation, d'ordre purement rédactionnel, concerne uniquement les renvois. La possibilité de partage après la survenance d'un cas de prévoyance prévue dans la présente révision n'a pas d'impact sur les dispositions applicables aux versements anticipés EPL. Les fonds investis dans le logement restent considérés comme prestations de sortie uniquement si le divorce a lieu avant la survenance d'un cas de prévoyance, car ils ne sont ensuite plus liés à la prévoyance. Si le logement est vendu après la survenance d'un cas de prévoyance, les fonds en question ne sont en effet plus remboursés à l'institution de prévoyance (cf. art. 30d, al. 3, LPP). Il en va de même si, après un versement anticipé EPL, la prestation de libre passage a été versée en espèces. Le versement anticipé est considéré comme faisant partie du paiement en espèces et ne doit plus être remboursé en cas de vente ultérieure du logement (cf. art. 30d, al. 3, let. c, LPP). Par conséquent, dès la survenance du cas de prévoyance, le versement anticipé est considéré comme un versement en capital: en cas de divorce, il est traité comme les autres prestations en capital de la prévoyance professionnelle versées au conjoint pendant le mariage89. Dans le régime de la participation aux acquêts, ces fonds sont compris dans les acquêts du conjoint (art. 197, al. 2, ch. 2, CC), que les avoirs de prévoyance utilisés pour le versement anticipé aient été acquis avant ou pendant le mariage et que le versement anticipé ait eu lieu avant ou pendant le mariage. Ils sont toutefois comptés dans les biens propres du conjoint à concurrence de la valeur capitalisée de la rente qui lui aurait appartenu à la dissolution du régime (art. 207, al. 2, CC). Pour cette partie, qui n'est pas partagée lors de la liquidation du régime matrimonial, une indemnité équitable est due en vertu de l'art. 124e, al. 1, p-CC. Par exemple, si, pour un versement anticipé EPL de 100 000 francs, 1/5 de la valeur capitalisée de la rente concerne la période comprise entre la survenance du cas de prévoyance et le divorce et 4/5 la période postérieure au divorce, 20 000 francs sont considérés comme acquêts et 80 000 francs comme biens propres. Pour les 80 000 francs qui
ne sont pas soumis à la liquidation du régime matrimonial, une indemnité équitable est versée, le cas échéant.

Art. 30d, al. 6 Cette disposition a un objectif de clarification. En cas de versement anticipé EPL, les fonds de prévoyance restent liés. Le versement anticipé se distingue en cela du paiement en espèces de la prestation de libre passage prévu à l'art. 5 LFLP. En conséquence, le retour dans une institution de prévoyance ou de libre passage des fonds investis dans la propriété du logement ne constitue pas un rachat, car, en cas de vente du logement, les fonds ­ pour autant qu'ils soient encore disponibles ­ doivent obligatoirement être reversés à l'institution de prévoyance ou de libre passage.

Puisque le remboursement du versement anticipé EPL n'est pas un rachat, la somme remboursée ne peut pas être simplement créditée à l'avoir surobligatoire. Si le versement anticipé provient en partie de l'avoir de vieillesse LPP (part obligatoire), ces fonds doivent également être reversés à l'avoir de vieillesse LPP lors du remboursement, dans la même proportion. Une adaptation de l'art. 15, al. 1, let. c, LPP est 89

En cas divorce, les effets et le traitement juridique sont les mêmes que pour le versement de la prestation de vieillesse sous forme de capital (cf. commentaire de l'art. 124a p-CC).

4388

également nécessaire pour préciser cela. A l'avenir, les institutions de prévoyance devront fixer cette proportion au moment du versement anticipé EPL et transmettre cette information en cas de changement d'institution de prévoyance. Le Conseil fédéral adaptera l'art. 16 OPP 2 en conséquence. Cette obligation étant nouvelle, il est possible que l'information ne soit pas disponible pour les versements anticipés déjà effectués. Le Conseil fédéral édictera des prescriptions au niveau de l'ordonnance pour résoudre ces cas (cf. commentaire de l'art. 15 p-LPP).

Art. 37, al. 5 Cf. commentaire de l'art. 37a p-LPP.

Art. 37a

Consentement au versement de la prestation en capital

Le droit en vigueur prévoit qu'un preneur de prévoyance qui souhaite se voir verser des fonds de prévoyance en espèces ou les investir dans la propriété du logement doit obtenir au préalable le consentement de son conjoint ou de son partenaire enregistré (art. 5, al. 2, LFLP, art. 30c, al. 5, LPP et art. 331e, al. 5, CO). La même règle s'applique lorsque le preneur de prévoyance fait usage de son droit d'obtenir le versement d'une partie de son avoir de vieillesse sous forme de capital, et non de rente (art. 37, al. 5, LPP).

En revanche, le consentement n'est pas requis lorsque le versement en capital est prélevé sur la partie surobligatoire de la prévoyance professionnelle, sauf si le règlement de l'institution de prévoyance l'exige. Le consentement n'est pas nécessaire non plus lorsqu'une institution de libre passage verse des prestations sous forme de capital. Le Tribunal fédéral, bien qu'exprimant quelques réserves à ce sujet, a refusé d'y voir une lacune à combler par le juge90 et a délibérément renvoyé la balle au législateur.

Tout comme la commission d'experts, le Conseil fédéral juge insatisfaisant le fait que le preneur de prévoyance puisse entrer en possession d'avoirs de prévoyance suite à un versement en capital sans que son conjoint ait à se prononcer ni même l'apprenne. Un versement en capital peut en effet avoir de graves conséquences car, si le preneur de prévoyance spécule avec ces fonds, son conjoint et toute sa famille peuvent en pâtir.

Conformément à l'al. 1, le consentement du conjoint ou du partenaire enregistré sera donc aussi requis lorsque le preneur de prévoyance n'a pas le choix entre une rente et une prestation en capital, car, dans ce cas également, il faut pouvoir garantir que le conjoint ou le partenaire enregistré sera à même d'influencer le devenir de la prestation en capital. Les mesures qu'il est possible d'adopter découlent des dispositions sur la protection de l'union conjugale (en particulier l'art. 178 CC) et de la LPart. Grâce au consentement obligatoire, le conjoint ou le partenaire enregistré apprendra à temps qu'un versement en espèces doit avoir lieu et disposera, le cas échéant, de suffisamment de temps pour demander au juge d'ordonner les mesures de protection nécessaires.

Ce raisonnement étant également valable pour les avoirs surobligatoires, la disposition doit être ajoutée à la liste des dispositions applicables de l'art. 49, al. 2, p-LPP

90

ATF 134 V 182 ss

4389

et de l'art. 89a, al. 6, p-CC. L'actuel art. 37, al. 5, LPP peut par conséquent être abrogé.

Il reviendra au tribunal civil de déterminer si le consentement a été refusé en toute légalité (cf. art. 30c, al. 5, p-LPP et art. 5, al. 3, p-LFLP).

Le consentement du conjoint ou du partenaire enregistré sera également requis pour les prestations en capital versées par des institutions de libre passage. Le Conseil fédéral adaptera l'ordonnance sur le libre passage à cette fin.

L'al. 2 règle la question des intérêts: tant que l'assuré n'a pas apporté la preuve du consentement de son conjoint ou de son partenaire enregistré, l'institution de prévoyance ne doit pas d'intérêts sur la prestation en capital. Cette disposition vise à protéger les institutions de prévoyance des abus lorsqu'elles sont de toute manière censées verser une prestation sous forme de capital à une date donnée. Cela peut par exemple être le cas pour les prestations de vieillesse exclusivement surobligatoires, si le règlement de l'institution prévoit uniquement des prestations en capital: l'assuré pourrait délibérément ne pas apporter la preuve du consentement de son conjoint ou de son partenaire enregistré ou ne pas en appeler au tribunal civil dans le but de profiter plus longtemps des intérêts versés par l'institution de prévoyance. Or c'est à l'assuré de faire en sorte d'obtenir la signature nécessaire ou une décision judiciaire avant la date du versement.

Lorsque les prestations sont normalement versées sous forme de rente, mais que l'assuré peut opter pour un versement en capital, on peut partir du principe que, sans le consentement du conjoint ou du partenaire enregistré, les conditions légales de ce choix ne sont pas remplies, qu'il n'y aura pas de versement en capital et que la prestation sera donc versée sous forme de rente. Il en va de même pour les demandes de versement en espèces en vertu de l'art. 5 LFLP: sans consentement ou décision judiciaire, ces demandes seront considérées comme incomplètes. L'institution de prévoyance ou de libre passage procédera donc pour ces prestations de sortie comme pour les autres fonds pour lesquels aucune demande valable de versement en espèces n'a été déposée.

Art. 49, al. 2, ch. 3a, 3b et 5a Cf. commentaire de l'art. 24, al. 5, et celui de l'art. 37a p-LPP.

Art. 53g, al. 1 Cette adaptation est d'ordre purement rédactionnel.

Art. 60, al. 2, let. f

Tâches

L'art. 60a p-LPP attribue une nouvelle tâche à l'institution supplétive. Il faut par conséquent compléter la liste de ses tâches à l'art. 60, al. 2, p-LPP. Cf. commentaire de l'art. 60a p-LPP.

Art. 60a

Avoirs de prévoyance transférés suite à un divorce

Al. 1: L'objectif de l'art. 60a est de garantir la prévoyance. Il permet au conjoint créancier de faire transformer en rente de vieillesse la prestation de sortie obtenue

4390

lors du divorce91. A cette fin, il doit la faire transférer à l'institution supplétive. Il en est de même lorsque le conjoint créancier se voit octroyer une part de rente qu'il ne peut pas encore se faire verser (cf. art. 22e p-LFLP).

Le conjoint créancier peut demander le transfert de la prestation de sortie à l'institution supplétive. Le transfert est subsidiaire, c'est-à-dire que la prestation de sortie (art. 123 et 124 p-CC) ou les versements de rente (art. 124a p-CC) attribués doivent être rachetés dans l'institution de prévoyance du conjoint créancier si un rachat est encore possible. C'est par exemple le cas lorsque le conjoint créancier augmente son taux d'occupation après le divorce, ce qui lui ouvre des possibilités de rachat. Si les capitaux de prévoyance à transférer ne peuvent plus être versés à l'institution de prévoyance du conjoint créancier car ils n'auraient pas d'impact sur les prestations, ils peuvent toujours être transférés dans une institution de libre passage. Si le conjoint créancier ne désigne aucune institution de libre passage, c'est l'institution supplétive qui remplit cette fonction. La nouveauté réside dans le fait que le conjoint créancier pourra opter pour l'institution supplétive en vue de faire transformer son avoir en rente.

Al. 2: Cet alinéa règle les modalités de la solution proposée. L'avoir accumulé à transformer en rente comprend également les intérêts (1re phrase). Il n'est délibérément pas prévu d'imposer à l'institution supplétive des prescriptions quant au montant de ces intérêts. Ceux-ci dépendront donc principalement de ses possibilités de placement et du contexte économique. Dans le cadre de l'art. 60a, l'institution supplétive doit fonctionner sans assurés actifs et ses prestations ne sont pas garanties par le fonds de garantie: sa capacité à supporter les risques est donc très limitée.

L'avoir accumulé pourra être transformé en rente au plus tôt à l'âge de la retraite fixé par le règlement de l'institution supplétive (2e phrase). Si la personne continue d'exercer une activité lucrative, la transformation en rente de l'avoir transféré à l'institution supplétive pourra être repoussée jusqu'à la cessation de cette activité.

Aucun âge maximum n'est fixé en revanche pour le transfert de fonds dans le cadre du partage de la prévoyance, car il faut
faire la différence avec l'ajournement d'une prestation de sortie transférée. C'est en effet souvent lorsque le conjoint créancier a déjà atteint l'âge de la retraite au moment du partage de la prévoyance et qu'il ne peut donc plus rien verser à sa propre institution de prévoyance qu'une transformation de l'avoir en rente devient judicieuse.

Les prestations versées ne sont pas des prestations de vieillesse LPP: l'institution supplétive se contente de transformer l'avoir disponible en rente. Les survivants n'ont donc pas droit à des prestations au décès du bénéficiaire de la rente (5e phrase), sinon le taux de conversion devrait être réduit. Cette solution semble acceptable dans la situation particulière du conjoint créancier dans le cadre d'un divorce. Il est effectivement justifié de ne pas prévoir de prestations de survivant en faveur du conjoint débiteur. De même, il n'est pas impératif de financer, lors du partage de la prévoyance en cas de divorce, des prestations de survivant en faveur d'un éventuel futur conjoint.

Al. 3: Pour garantir le bon fonctionnement de l'institution supplétive, il faut qu'elle puisse utiliser ses propres bases pour le calcul de la rente (règlement). Elle ne doit

91

On parle ici uniquement du divorce, mais, en vertu de l'art. 33 LPart, le partenaire enregistré possède le même droit en cas de dissolution judiciaire du partenariat enregistré.

4391

pas être tenue de respecter le taux de conversion LPP et doit pouvoir appliquer des taux de conversion différents selon les risques encourus.

L'institution supplétive ne bénéficie d'aucun avantage concurrentiel par rapport aux institutions de libre passage et aux fournisseurs de polices de libre passage. Rien n'empêche ces derniers de proposer leurs solutions d'assurance aux mêmes conditions qu'elle, voire à de meilleures conditions. Mais en pratique, les polices de libre passage avec rente de vieillesse viagère sont peu répandues et les personnes à la recherche d'une telle solution ont du mal à trouver une offre.

Le Conseil fédéral est conscient du fait que la possibilité de transformer la prestation de sortie en rente serait aussi intéressante dans d'autres situations que le divorce ou la dissolution d'un partenariat enregistré, notamment pour les chômeurs qui n'ont pas la possibilité de transférer leur prestation de sortie dans une nouvelle institution de prévoyance. La question de la rente pour le conjoint survivant doit toutefois être examinée séparément pour les chômeurs, car, sur cet aspect, la situation diffère de celle du conjoint divorcé créancier (cf. ci-dessus). L'élaboration d'une telle solution aurait considérablement alourdi le projet de partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce. C'est pourquoi le Conseil fédéral a souhaité ne traiter dans le présent projet que la question du divorce.

Avant le versement de la rente ou si le conjoint créancier renonce à demander la transformation de la prestation de sortie en rente, la prestation de sortie est traitée au sein d'une fondation de libre passage comme n'importe quelle autre prestation de sortie. Cela vaut par exemple pour l'ordre des bénéficiaires (art. 15 OLP) ou pour la possibilité de demander un versement en espèces si le conjoint créancier perçoit une rente entière de l'AI (art. 16, al. 2, OLP).

Al. 4: Comme il ne faut pas non plus que l'institution supplétive soit tenue de verser de très petites rentes lorsqu'elle remplit cette nouvelle tâche, l'art. 37, al. 3, LPP est applicable par analogie. L'institution supplétive pourra allouer une prestation en capital en lieu et place d'une rente lorsque celle-ci serait inférieure à 10 % de la rente minimale de vieillesse de l'AVS. Il est opportun d'appliquer ici la même règle que pour les rentes de vieillesse.

Art. 62, al. 2 Cette adaptation est d'ordre purement rédactionnel.

2.6

Loi sur le libre passage

Art. 5, al. 3 Il est précisé que la décision mentionnée ici ressortit au tribunal civil.

Art. 18a Le contenu du nouvel art. 18a correspond à celui de l'actuel art. 23 LFLP. La nouvelle systématique rend plus compréhensibles les dispositions de la LFLP sur le partage de la prévoyance professionnelle. Les dispositions à ce sujet ont été considérablement développées depuis la rédaction de la loi, ce qui a nécessité l'inclusion de toute une série d'articles.

4392

Art. 19, al. 2 Le déplacement de l'art. 23 actuel rend nécessaire l'adaptation du renvoi.

Art. 22

Principe

Le nouvel art. 22 se limitera à signaler les articles du CC et du CPC déterminants pour le divorce92. L'adaptation a lieu du fait que la notion de prestation de sortie comprendra aussi, en relation avec le nouvel art. 124 p-CC, la prestation de sortie hypothétique, et que, par ailleurs, les prétentions à des rentes seront également partagées.

Art. 22a

Calcul de la prestation de sortie à partager

Al. 1 et 2: L'al. 1 répète le principe de l'art. 122 p-CC, selon lequel la date de référence pour le calcul des prestations de sortie à partager est celle de l'introduction de la procédure de divorce. Les prestations de sortie comprendront aussi les prestations de sortie hypothétiques prises en compte dans le partage en vertu de l'art. 124 p-CC.

Etant donné que les prétentions de prévoyance seront partagées même après la survenance d'un cas de prévoyance, les versements en capital sont également mentionnés; pour eux, cependant, le partage s'effectuera d'une autre manière, car les fonds ont définitivement quitté la prévoyance. Pour le reste, l'al. 1 correspond à l'actuel art. 22, al. 2, LFLP, tandis que l'al. 2 correspond matériellement à l'actuel art. 22, al. 3, LFLP.

Al. 3: Le droit en vigueur ne règle pas la question de savoir sur quelle partie de la prestation de sortie ­ celle acquise avant le mariage ou celle acquise durant le mariage ­ un versement anticipé EPL est prélevé. Cette question a son importance, puisque les avoirs de prévoyance investis dans la propriété du logement ne produisent plus d'intérêts. Le droit en vigueur ne permet pas de dire clairement qui doit supporter la perte d'intérêts en cas de versement anticipé EPL. D'un côté, le conjoint qui a engagé des fonds de la prévoyance professionnelle pour financer la propriété du logement a intérêt à ce que la valeur de la prestation de sortie apportée dans le mariage reste entière. De l'autre, l'autre conjoint a un intérêt à toucher sa part de la prestation de sortie à partager93.

Le Tribunal fédéral s'est déjà prononcé sur la question de la perte d'intérêts, estimant que c'est en priorité l'avoir de prévoyance constitué durant le mariage qui est utilisé pour le versement anticipé et que le capital accumulé avant le mariage est conservé autant que possible94.

Le Conseil fédéral estime au contraire que la perte d'intérêts doit grever proportionnellement la fortune de prévoyance acquise avant le mariage et celle constituée durant le mariage, et être partagée en conséquence. Il rejette donc l'idée que le versement grève en priorité la seconde. D'une part, le conjoint qui a demandé le versement anticipé transfère délibérément une part de la prestation de sortie apportée 92

93 94

On ne mentionne ci-après que le divorce mais, conformément à l'art. 23 p-LFLP, les considérations qui suivent s'appliquent aussi à la dissolution judiciaire du partenariat enregistré.

Cf. Andrea Bäder Federspiel, Vorbezüge für Wohneigentum ­ Umgang mit Wert- und Zinsverlusten, ZBJV 2010, p. 396.

Arrêt du B 8/06 du 16 août 2009, publié partiellement dans l'ATF 132 V 332, consid. 4.3.2.

4393

dans le mariage dans un bien qui ne produit pas d'intérêts, de sorte qu'il paraît justifié qu'il supporte une partie de la perte d'intérêts. D'autre part, étant donné qu'un versement anticipé durant le mariage n'est possible qu'avec le consentement de l'autre conjoint (art. 30c, al. 5, LPP), il est justifié que les deux conjoints supportent ensemble les conséquences de la décision concernant le versement anticipé.

Pour le reste, les versements anticipés EPL ne sont possibles que pour l'acquisition d'un logement à usage personnel, si bien qu'ils bénéficient normalement aux deux conjoints, qui profitent tous deux de la propriété du logement et de la baisse des frais de logement qui en résulte. Avec la proposition du Conseil fédéral, la perte d'intérêts sera supportée, proportionnellement, par le preneur de prévoyance seul et par les conjoints ensemble95.

Si le bien acquis grâce au versement anticipé est vendu à perte ou sans bénéfice, les mêmes principes s'appliqueront: la perte d'intérêts grèvera proportionnellement la partie de la prestation de sortie acquise avant le mariage et la partie constituée durant le mariage. Si en revanche ce bien gagne de la valeur, la plus-value sera partagée dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial. En cas d'aliénation, seul le montant nominal du versement anticipé sera remboursé à l'institution de prévoyance. C'est pourquoi seul ce montant nominal sera inclus dans le partage de la prévoyance (art. 30d, al. 5, LPP)96.

Lorsqu'un versement anticipé EPL aura été effectué avant la conclusion du mariage, il sera compté sans intérêts dans le calcul du partage de la prévoyance. Dans ce cas, en effet, le conjoint qui a demandé le versement anticipé a décidé en connaissance de cause, sans l'accord de l'autre conjoint, de transférer des fonds de la prévoyance professionnelle dans un bien qui ne produit pas d'intérêts97.

Al. 4: Le Conseil fédéral sera habilité à régler la question particulière du calcul de la prestation de sortie à partager lorsque, durant la procédure de divorce, une rente d'invalidité est en cours, qu'une rente de vieillesse commence à courir ou que le bénéficiaire d'une rente d'invalidité atteint l'âge de la retraite. Le moment déterminant pour juger du partage de la prestation de sortie (art. 123 et 124 p-CC) ou de la rente (art. 124a p-CC)
sera la date de l'introduction de la procédure de divorce (art. 122 p-CC). Mais dans ces cas, il faudra tenir compte du fait que des rentes sont déjà versées. Cette question extrêmement technique, qui devrait ne concerner qu'un faible nombre de cas, sera réglée par le Conseil fédéral au niveau de l'ordonnance.

En principe, les déductions éventuellement nécessaires devraient affecter aussi également que possible les deux conjoints. Il doit néanmoins rester possible au Conseil fédéral de ne pas prévoir de correction pour les cas où les déductions seraient minimes.

95

96 97

La solution proposée est reprise de Thomas Koller, Vorbezüge für den Erwerb von Wohneigentum und Vorsorgeausgleich bei der Scheidung: Wer trägt den Zinsverlust?

ZBJV 2001, p. 137 ss, et Andrea Bäder Federspiel, Vorbezüge für Wohneigentum ­ Umgang mit Wert- und Zinsverlusten, op. cit. (note 93), p. 396.

Cf. Andrea Bäder Federspiel, Wohneigentumsförderung und Scheidung, op. cit. (note 14), ch. marg. 612.

Cf. Andrea Bäder Federspiel, Wohneigentumsförderung und Scheidung, op. cit. (note 14), ch. marg. 537 ss.

4394

Art. 22b

Calcul de la prestation de sortie à partager en cas de mariage antérieur au 1er janvier 1995

Le nouvel art. 22b correspond à l'art. 22a LFLP en vigueur. Seul le renvoi figurant à l'al. 1 est adapté à la nouvelle systématique, et l'al. 2 actuel est scindé en deux. Les nouvelles dispositions relatives au partage des prétentions de prévoyance (art. 122 ss p-CC) ont pour effet une réorganisation des art. 22b ss, afin que leur ordre corresponde pour l'essentiel au déroulement effectif de la procédure: la réglementation porte d'abord sur le partage, puis sur le transfert et sur le rachat, ensuite sur le versement de la rente viagère pour cause de vieillesse ou d'invalidité, et enfin sur l'utilisation d'une partie de la prestation de sortie pour satisfaire le droit à une indemnité équitable et le transfert d'une prestation en capital dans la prévoyance du conjoint créancier.

Art. 22c

Transfert de la prestation de sortie et de la part de rente

La réglementation en vigueur ne comporte pas, s'agissant du transfert des avoirs dans le cadre du partage de la prévoyance, de dispositions expresses relatives aux parts obligatoire et surobligatoire. De nombreuses institutions de prévoyance ont pour principe de prélever la somme de manière proportionnelle sur la partie obligatoire et sur la partie surobligatoire de l'avoir du conjoint débiteur. Il arrive souvent aussi qu'elles informent l'institution de prévoyance du conjoint créancier de la part d'avoir de vieillesse LPP prélevé. Ayant reçu cette information, il arrive parfois que l'autre institution crédite ces avoirs aux parts obligatoire et surobligatoire du conjoint créancier, comme c'est le cas en situation de libre passage. Cette pratique ne s'est toutefois pas généralisée. Il arrive que l'avoir de vieillesse LPP provenant de l'institution de prévoyance du conjoint débiteur soit traité par l'institution de prévoyance du conjoint créancier comme un rachat et que la somme ainsi transférée soit inscrite entièrement à la part surobligatoire de ce dernier, ce qui est particulièrement choquant. Puisque les dispositions minimales de la LPP, surtout en matière de taux d'intérêt et de taux de conversion, ne s'appliquent pas aux prétentions découlant de la partie surobligatoire, ce procédé peut avoir pour conséquence que des prestations bien inférieures soient versées au conjoint créancier en cas de survenance d'un cas de prévoyance, et ce malgré le partage par moitié98.

Al. 1: Afin d'éviter une telle situation, l'al. 1 prévoit que la somme à transférer sera prélevée de l'avoir obligatoire et de l'avoir surobligatoire en fonction de leurs parts respectives dans l'avoir total du conjoint débiteur.

Exemple: au moment du divorce, un assuré dispose d'un avoir de 100 000 francs dans son institution de prévoyance, dont 80 000 francs d'avoir de vieillesse LPP et 20 000 francs d'avoir surobligatoire. Le ratio est donc de 4 contre 1, c'est-à-dire que l'avoir total se compose de 4/5 d'avoir de vieillesse LPP et d'1/5 d'avoir surobligatoire. Si l'on constate, dans le cadre du partage par moitié, que 40 000 francs doivent être transférés à l'institution de prévoyance du conjoint créancier, cela signifie que cette somme doit se composer de 32 000 francs (= 4/5) d'avoir de vieillesse LPP et de 8000 francs (= 1/5) d'avoir surobligatoire.

98

Les parts surobligatoires sont aussi moins bien protégées en cas de liquidation totale ou partielle, du fait que les déficits actuariels peuvent être déduits (cf. art. 53d, al. 3, LPP) et que l'adaptation des rentes d'invalidité au renchérissement, prescrit par la loi, concerne uniquement les prestations obligatoires.

4395

La solution proposée est relativement simple à mettre en oeuvre, puisqu'elle se fonde sur des informations dont l'institution de prévoyance dispose99. On a renoncé délibérément à tenter de calculer le ratio de la part obligatoire et de la part surobligatoire acquises pendant le mariage. Outre le fait qu'un calcul supplémentaire et souvent complexe serait nécessaire, il arriverait fréquemment qu'il soit impossible de déterminer l'avoir de vieillesse LPP disponible au moment du mariage, car aujourd'hui la saisie de cette information n'est pas obligatoire, et qu'il faille donc en remplacer le montant exact par des valeurs hypothétiques. On a renoncé aussi à inclure dans le calcul les avoirs de vieillesse LPP et les parts surobligatoires de tous les avoirs de prévoyance du ou des partenaires. Ces deux aspects supplémentaires auraient en effet compliqué les processus au point de les rendre inapplicables.

Souvent, au moment du divorce, chacun des conjoints a l'ensemble de son avoir auprès d'une seule institution de prévoyance ou de libre passage. Dans ce cas, la réglementation proposée constitue une solution claire et acceptable. Par contre, lorsque le conjoint débiteur a son avoir de prévoyance dans plusieurs institutions, plusieurs solutions sont possibles. La répartition en part obligatoire et part surobligatoire peut varier suivant l'institution désignée comme institution transférante.

Cependant, ni les conjoints ni le tribunal ne pourront fixer pour la prétention à transférer une autre proportion de la part obligatoire que celle qui correspond à l'avoir disponible au sein de l'institution transférante.

Lorsqu'une convention sur les effets du divorce est établie, il faudra y préciser clairement de quelle institution l'avoir est transféré. La convention de partage des prestations de sortie incluse dans la convention sur les effets du divorce est soumise au contrôle du juge (art. 280 CPC). En l'absence de convention, le juge détermine l'institution transférante. Si le conjoint débiteur fait partie à la fois d'une institution de prévoyance LPP et d'une institution pour cadres, il peut être judicieux de prélever le montant à transférer dans les deux institutions. Dans d'autres cas, il se peut que le conjoint créancier ne souhaite pas se voir transférer une part de l'avoir de vieillesse LPP, notamment
s'il a déjà atteint l'âge de la retraite ou s'il remplit les conditions nécessaires au versement en espèces et entend le demander (cf. art. 124d p-CC).

Lorsque des prétentions de prévoyance au sens de l'art. 124a p-CC sont partagées sous forme de rente et transférées dans la prévoyance du conjoint créancier, la part de prévoyance obligatoire doit également être maintenue. Cette part peut être déterminée sans difficulté dans de nombreuses institutions de prévoyance, notamment celles qui prévoient que les prestations de survivant versées aux conjoints divorcés correspondent aux prestations minimales LPP, et qui prennent donc pour base pour les calculer la partie obligatoire des prestations de vieillesse ou d'invalidité. En vertu de l'application par analogie de la réglementation relative au transfert des prestations de sortie, le Conseil fédéral pourra régler les modalités de calcul de la part de l'avoir de vieillesse LPP pour les rentes pour lesquelles cette part ne peut plus être déterminée, en se fondant sur l'art. 15, al. 4, p-LPP. La conséquence logique du transfert proportionnel des prestations découlant des parties obligatoire et surobligatoire est que, pour le droit à la rente du conjoint débiteur, le rapport entre partie obligatoire et partie surobligatoire reste le même. Cependant, dans la grande majorité des cas, les rentes viagères versées en vertu de l'art. 124a, al. 2, p-CC ne seront probablement pas transférées dans une institution de prévoyance ou de libre passage, mais versées 99

L'art. 15, al. 4, p-LPP charge le Conseil fédéral d'édicter les dispositions applicables aux avoirs pour lesquels ces informations ne peuvent plus être retrouvées.

4396

au conjoint créancier. Dans ces cas, l'avoir de vieillesse LPP est manifestement sans importance.

Al. 2: Comme pour un cas de libre passage, l'institution de prévoyance du conjoint débiteur devra communiquer les informations concernant la partie obligatoire des prétentions de prévoyance à l'institution de prévoyance du conjoint créancier. Cette dernière répartira en conséquence les fonds transférés entre la partie obligatoire et la partie surobligatoire de l'avoir de prévoyance du conjoint créancier.

Al. 3: Si, lors d'un partage au sens de l'art. 124a p-CC, la rente viagère attribuée est transférée dans la prévoyance du conjoint créancier, le règlement de l'institution de prévoyance du conjoint débiteur peut prévoir que le conjoint créancier a la possibilité d'opter pour une prestation unique en capital. Le partage est alors effectué, comme lors d'un divorce avant la survenance d'un cas prévoyance, par le transfert de l'intégralité du montant dans l'institution de prévoyance ou de libre passage du conjoint créancier. Dans ce cas, la partie obligatoire de cet avoir devra également être désignée. Il est souhaitable que les institutions de prévoyance offrent cette possibilité car, surtout lorsque le conjoint créancier est jeune, le transfert de la rente viagère dans la prévoyance pendant de longues années peut s'avérer relativement pénible. Il n'est pas prévu cependant de contraindre les institutions à convertir en capital une rente en cours. Cette conversion ne sera pas non plus imposée au conjoint créancier (cf. commentaire de l'art. 124c, al. 2, p-CC). Le Conseil fédéral aura la compétence de régler dans l'ordonnance les détails des conditions de transfert (par ex. fréquence des virements et réglementation des intérêts) si, malgré cette possibilité, la rente viagère est transférée durant une période donnée dans la prévoyance du conjoint créancier.

Al. 4: En cas de transfert de fonds de prévoyance, les institutions de prévoyance et de libre passage impliquées devront toujours communiquer quelle part de ces fonds provient de l'avoir de vieillesse LPP. Sous l'angle de la préservation de l'avoir de vieillesse LPP et de l'obligation d'informer qui s'y rapporte, cette procédure correspond au fond à celle concernant le transfert de l'avoir de prévoyance de l'assuré qui change d'institution.

Art. 22d

Rachat après un divorce

Selon le droit en vigueur, le conjoint débiteur a la possibilité de compenser la réduction de son avoir de prévoyance en rachetant le montant qui a été transféré dans le cadre du partage de la prévoyance. Cette possibilité sera étendue en ce qui concerne l'avoir de vieillesse LPP. Mais comme la révision prévoit qu'un partage pourra aussi avoir lieu après la survenance d'un cas de prévoyance, il est nécessaire d'instaurer une solution différente pour le rachat suivant qu'un cas de prévoyance est déjà survenu au moment du rachat ou non.

Al. 1: Avant la survenance d'un cas de prévoyance, l'assuré, comme dans le droit en vigueur, a le droit de racheter la prestation de sortie transférée. Pour rétablir la protection d'assurance antérieure, il est nécessaire de combler la lacune créée dans l'avoir de vieillesse LPP, car sinon les prestations futures risqueraient d'être considérablement réduites. C'est pourquoi la nouvelle disposition prévoit que les montants rachetés seront répartis entre l'avoir de vieillesse obligatoire et l'avoir surobligatoire dans la même proportion que pour le montant transféré dans le cadre du partage de la prévoyance. Il ne devrait pas être difficile de déterminer cette propor-

4397

tion, car ces informations seront forcément disponibles immédiatement après l'exécution du partage (cf. commentaire de l'art. 22c, al. 1, p-LFLP).

Al. 2: L'assuré n'aura par contre pas droit au rachat s'il perçoit une rente d'invalidité et qu'une prestation de sortie hypothétique a été transférée avant qu'il atteigne l'âge de la retraite (art. 124 p-CC). En effet, il n'aura plus qualité d'assuré actif auprès d'une institution de prévoyance pour cette partie de sa prévoyance. A titre de comparaison, un rachat du versement anticipé EPL n'est plus possible non plus pour le bénéficiaire d'une rente d'invalidité (cf. art. 30d, al. 3, let. b, LPP et commentaire de l'art. 30c, al. 6, p-LPP). Si l'assuré n'est que partiellement invalide et qu'il reste assuré actif pour l'autre partie, le partage de la prévoyance devrait autant que possible être opéré sur la prestation de sortie effectivement disponible et non sur la prestation de sortie hypothétique, car ainsi un rachat restera possible pour la partie assurée en qualité d'actif. Si, en cas de rente d'invalidité temporaire, l'institution de prévoyance continue de gérer un avoir de vieillesse exempté de cotisations, elle pourra prévoir dans son règlement une possibilité de rachat dans cet avoir.

Art. 22e

Versement pour cause de vieillesse ou d'invalidité

Al. 1: Si le conjoint créancier a droit à une rente entière de l'assurance-invalidité, le cas de prévoyance est intégralement survenu au sens de la prévoyance professionnelle. Toutes les prétentions que cette personne a au titre de la prévoyance professionnelle devraient servir à couvrir ses besoins. Elle peut donc exiger que la rente viagère qui lui a été attribuée lors du partage au sens de l'art. 124a p-CC lui soit versée directement. Si elle n'exige pas que la rente lui soit versée directement, ces versements seront transférés dans une institution de libre passage. En effet, en règle générale, elle ne pourrait transférer ces versements de rente dans une institution de prévoyance: même si elle exerce encore une activité lucrative à un taux d'occupation réduit, elle n'est plus assujettie à la prévoyance professionnelle obligatoire (cf.

art. 1j, al. 1, let. d, OPP 2).

Le conjoint créancier au sens de l'art. 124a p-CC peut également exiger que la rente viagère lui soit versée directement s'il a déjà atteint l'âge minimal fixé dans la prévoyance professionnelle pour la retraite anticipée (actuellement: 58 ans, cf.

art. 1i, al. 1, OPP 2). S'il n'atteint cet âge que plus tard, il ne pourra exiger le versement direct de la rente qu'à partir de ce moment-là. Cette règle tient compte du fait qu'un grand nombre de personnes, et de femmes en particulier, qui se sont consacrées dans une grande mesure à l'éducation de leurs enfants ne peuvent plus, par la suite, s'intégrer à part entière dans la vie professionnelle. Suivant les circonstances, elles n'ont pas de 2e pilier, ou alors leur salaire assuré est très bas. Pour une personne dans cette situation, il est plus utile de pouvoir toucher directement sous forme de rente les prestations auxquelles elle a droit. Il ne faut toutefois pas que ce soit possible avant qu'elle ait atteint l'âge minimal fixé pour la retraite anticipée.

Dans d'autres cas, il est plus judicieux de combler les lacunes de prévoyance apparues pour beaucoup lors d'un retour à la vie active ou d'une augmentation du taux d'occupation. C'est pourquoi, si le conjoint créancier ne demande pas le versement direct de la rente viagère, celle-ci doit être transférée dans l'institution de prévoyance ou, si ce n'est plus possible, dans l'institution de libre passage jusqu'au moment où il atteint
l'âge ordinaire de la retraite.

Al. 2: Si le conjoint créancier au sens de l'art. 124a p-CC a atteint l'âge légal ordinaire de la retraite (actuellement: 64 ans pour les femmes et 65 ans pour les hom4398

mes, cf. art. 13 LPP), la rente viagère à laquelle il a droit lui est versée, sauf instruction contraire. Il en va de même à partir du moment où il atteint l'âge ordinaire de la retraite après le partage. C'est uniquement lorsqu'un rachat est encore possible dans sa propre institution de prévoyance qu'il peut exiger que la rente versée y soit transférée au-delà de l'âge légal de la retraite (2e phrase). Le règlement peut autoriser de tels versements par exemple lorsque l'âge réglementaire ordinaire n'est pas encore atteint. Certaines institutions prévoient en effet pour les femmes un âge ordinaire de la retraite plus élevé que l'âge légal, le fixant à 65 ans pour tous. Il arrive également que l'institution de prévoyance offre la possibilité, pour les personnes qui continuent de travailler au-delà de l'âge ordinaire de la retraite, de maintenir la prévoyance conformément à l'art. 33b LPP et qu'un rachat soit encore possible.

Art. 22f

Indemnisation

Les al. 1 et 2 de cette disposition correspondent à l'actuel art. 22b LFLP, le renvoi à la disposition du CC (art. 124e p-CC) fait à l'al. 1 devant toutefois être adapté.

La possibilité de procéder à un partage de la prévoyance au moyen de fonds de la prévoyance professionnelle après la survenance d'un cas de prévoyance au sens des art. 124 et 124a p-CC devrait avoir pour effet de réduire considérablement le nombre de cas d'indemnité équitable. Mais il continuera d'y avoir de tels cas, et il n'est pas exclu qu'il existe encore alors une prestation de sortie, le cas échéant sur la base d'un rapport de prévoyance bien antérieur. Cette possibilité est par exemple utile lorsqu'il existe des prétentions de prévoyance à l'étranger. Si le conjoint tenu de verser une indemnité équitable possède un avoir de prévoyance en Suisse, il peut y recourir sur la base de cette disposition pour régler l'indemnité. Il est par conséquent judicieux de maintenir la possibilité de versement d'une indemnité équitable au moyen de fonds de la prévoyance professionnelle.

Al. 3: Cet alinéa crée une possibilité nouvelle: lorsque le partage de la prévoyance est réalisé par le biais d'une prestation en capital au sens de l'art. 124d ou 124e p-CC, ce montant pourra être affecté à la prévoyance du conjoint créancier même si ce dernier, à ce moment-là, n'a pas d'institution de prévoyance ou n'a plus de possibilité de rachat. Le juge devra dans ce cas désigner avec précision le montant à transférer ainsi que l'institution dans laquelle celui-ci doit être transféré. Cette nouvelle disposition permet de garantir que le montant transféré servira effectivement à la prévoyance du conjoint créancier et ne pourra pas être dépensé prématurément s'il n'y a pas de raison de procéder à un versement en espèces.

Art. 23 L'art. 23 LFLP actuel est déplacé pour des raisons de systématique et son contenu, inchangé, se trouve maintenant à l'art. 18a p-LFLP (cf. commentaire de cet article).

Le nouvel art. 23 correspond à l'art. 22d LFLP en vigueur.

Art. 24, al. 3 et 4 La nouvelle réglementation implique des flux d'information supplémentaires entre le juge du divorce ou les conjoints et les institutions de prévoyance. Elle prévoit en effet l'obligation de fournir des renseignements sur l'avoir de vieillesse LPP. Pour le partage de la prévoyance après la survenance d'un cas de prévoyance, en particulier, le tribunal doit examiner plus précisément les besoins de prévoyance des conjoints, 4399

car ils n'ont plus de possibilité de rachat. Il doit donc aussi pouvoir estimer quelles seront les prestations après l'exécution du partage. Lorsque le règlement prévoit des rentes d'invalidité temporaires, la prestation de vieillesse projetée à l'âge de la retraite fait également partie des informations importantes dont le juge doit disposer.

Le Conseil fédéral élaborera une solution applicable, avec le concours de représentants des tribunaux et des institutions de prévoyance.

Art. 24a

Obligation d'annoncer

Conformément aux dispositions en vigueur, les institutions de prévoyance et de libre passage ont deux possibilités lorsqu'elles annoncent des avoirs oubliés: soit n'annoncer à la Centrale du 2e pilier que les avoirs pour lesquels elles n'arrivent plus à établir le contact avec les bénéficiaires, soit annoncer tout leur effectif d'assurés.

Cette dernière solution est surtout utilisée par les institutions de libre passage.

En cas de divorce, il n'est jamais certain que les personnes concernées déclarent l'ensemble de leurs avoirs de prévoyance. Il arrive souvent que les conjoints ne s'informent pas des contrats de prévoyance qu'ils ont souscrits, ou ne le fassent que partiellement, et ce d'autant plus s'ils vivent longtemps séparés avant le divorce. Si les conjoints sont tenus de collaborer à la procédure de divorce et d'indiquer les institutions auprès desquelles se trouvent leurs avoirs de prévoyance, il s'avère difficile, voire impossible, d'imposer cette obligation de collaborer à des personnes peu coopératives ou absentes.

Les déclarations d'impôt ­ actuelles ou anciennes ­ ne permettent pas toujours de retrouver les avoirs de prévoyance ou de libre passage d'assurés actifs, puisque ces avoirs ne sont pas imposables tant qu'ils ne donnent pas droit à des prestations, si bien qu'ils ne doivent pas être déclarés, pas plus que les éventuels transferts entre institutions de prévoyance. Les informations de l'AVS peuvent certes aider à reconstituer l'historique des revenus, mais il n'en demeure pas moins que c'est une tâche complexe, de longue haleine, qui ne permet pas toujours d'atteindre le but visé. En effet, si l'assuré a souvent changé de poste, une telle reconstitution peut vite s'avérer très difficile, les anciens employeurs et leurs institutions de prévoyance n'existant souvent plus au moment du divorce. Il ne suffit pas non plus de recueillir des informations sur le montant des avoirs de prévoyance acquis. Pour chaque changement, il faut établir si les prestations de sortie ont été transférées à la prochaine institution de prévoyance ou à une institution de libre passage et si, dans ce dernier cas, elles ont été intégrées ultérieurement au reste de l'avoir de prévoyance.

L'obligation d'annoncer tous les avoirs de prévoyance à la Centrale du 2e pilier permettra de lever ce genre de
doutes. Il sera possible de contacter les institutions de prévoyance et de libre passage concernées et de leur demander où se trouve l'avoir de prévoyance, s'il a déjà été transféré ou versé, ou sinon quel est le montant de la partie de l'avoir constituée durant le mariage, et si celle-ci peut être partagée.

Seule l'existence de l'avoir devra être annoncée à la Centrale du 2e pilier, mais non le montant de l'avoir ni la date à laquelle il a été versé à l'institution. Cela permettra de réduire la procédure d'annonce au strict nécessaire. Mais l'annonce des avoirs devra être complète. L'obligation d'annoncer concernera tous les assurés actifs qui étaient affiliés début décembre ou qui sont entrés dans l'institution courant décembre. Elle concernera cependant aussi les avoirs de personnes déjà sorties de l'institution ou qui en sont sorties courant décembre, mais qui n'ont pas encore été transférés dans une autre institution de prévoyance ou de libre passage, ou ne l'ont été que 4400

courant décembre. Même les avoirs transférés par erreur dans une autre institution de prévoyance ou de libre passage devront être annoncés. On évitera ainsi que des avoirs transférés au cours du mois de décembre ne soient annoncés par aucune institution. Si un avoir est annoncé par deux institutions parce qu'il a été transféré en décembre, ce n'est pas un problème, la chose pouvant aussitôt être éclaircie lorsque le tribunal demandera des précisions. Les bénéficiaires d'une rente de vieillesse ou d'invalidité, en revanche, ne devront pas être annoncés, car cette information est plus facile à trouver et ressort, par exemple, de la déclaration d'impôt. Le travail supplémentaire que cela exigerait n'en vaut donc pas la peine.

Les détails techniques seront réglés dans l'ordonnance, comme c'est d'ailleurs déjà le cas.

Art. 24b Puisqu'il n'existe plus qu'une seule possibilité sur les deux citées plus haut pour annoncer des avoirs oubliés, l'art. 24b LFLP peut être abrogé.

Art. 25a, al. 1 L'adaptation de la LFLP aux prescriptions du CPC relatives à la procédure de divorce, qui était encore lacunaire, sera complétée.

Le tribunal des assurances sera compétent lorsque le montant des prétentions de prévoyance ou la possibilité de les partager ne sont pas établis. Ce sera par exemple le cas lorsqu'une prestation de sortie a été mise en gage, ou qu'une rente d'invalidité a été réduite pour surindemnisation et qu'il faudrait en conséquence se rabattre sur la prestation de sortie hypothétique correspondant à cette rente d'invalidité. Le tribunal des assurances sera aussi compétent quand l'un des conjoints ou une institution de prévoyance conteste le montant des prétentions de prévoyance. Un autre élément sera aussi susceptible d'être contesté: le bien-fondé de la conversion en une rente viagère au sens de l'art. 124a, al. 3, ch. 1, p-CC. Enfin, le tribunal des assurances sera compétent lorsque l'institution de prévoyance refusera de remettre une attestation du caractère réalisable.

Lors du partage d'une rente de vieillesse ou d'une rente d'invalidité à l'âge de la retraite (art. 124a p-CC), la clé de répartition portera aussi sur le pourcentage de la rente de vieillesse ou d'invalidité que le tribunal accorde au conjoint créancier (cf.

art. 281, al. 3, let. e, CPC).

La deuxième phrase comble la lacune
juridique qui subsistait pour les cas dans lesquels le divorce a été prononcé à l'étranger100.

Art. 26, al. 3 Il s'agit ici d'une simple adaptation du renvoi au nouveau droit.

100

ATF 135 V 425, consid. 1.2

4401

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

Le projet n'a aucune conséquence pour les finances ni pour le personnel de la Confédération.

Il ne devrait pas non plus y avoir de conséquences notables sur les recettes fiscales.

Puisque les prétentions de prévoyance professionnelle devront être partagées même après la survenance d'un cas de prévoyance, il sera plus rare de recourir à des fonds libres pour procéder au partage (art. 124, al. 1, CC). La question controversée du traitement de ces fonds en droit fiscal devrait ainsi perdre en importance. Aucune pratique ne semble s'être établie en la matière. Informations prises auprès de l'Administration fédérale des contributions, l'indemnité équitable désignée à l'art. 124, al. 1, CC doit être considérée comme une rente viagère et est par conséquent imposable à 40 % (art. 22, al. 3, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct [LIFD]101). Certaines autorités fiscales cantonales sont quant à elles d'avis que ce type de prestations peuvent être imposées à 100 % chez un conjoint et déduites du revenu chez l'autre (art. 23, let. f et art. 33, al. 1, let. c, LIFD). Les représentants de la doctrine tendent également à être de cet avis102. Par ailleurs, les montants versés à la prévoyance professionnelle dans le cadre d'un rachat suite au partage pourront continuer d'être déduits pleinement du revenu imposable (art. 33, al. 1, let. d, LIFD et art. 79b, al. 4, LPP). Le Conseil fédéral, en accord avec la majorité de la commission d'experts, refuse de revenir sur ces dispositions, qui jouent un rôle central dans l'acceptation du partage de la prévoyance professionnelle. Il ne voit par contre aucune raison de prévoir la possibilité d'un rachat lorsqu'un cas de prévoyance est déjà survenu au moment du divorce. Un tel droit serait diamétralement opposé au principe d'assurance et poserait des problèmes d'antisélection.

Les propositions relatives au partage de la prévoyance professionnelle après la survenance d'un cas de prévoyance (art. 124 et 124a p-CC) n'auront pas davantage d'incidences en termes fiscaux, puisque ces fonds continueront d'être destinés à la prévoyance. C'est notamment le cas lorsque la prestation de sortie est versée à l'institution supplétive (art. 60a p-LPP). Seule la rente en elle-même sera dans ce cas imposable (art. 22 LIFD et art. 83 LPP). Les conséquences fiscales
pour les prestations que le conjoint créancier touche en espèces en cas de divorce dépendront de la personne qui verse ces prestations et de la forme sous laquelle elles seront versées.

L'informatique de la Confédération ne devrait pas être affectée par le projet de loi.

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Les cantons et les communes doivent adopter la même pratique fiscale que la Confédération en ce qui concerne le partage de la prévoyance professionnelle (art. 81, al. 2, et 83 LPP). S'agissant des conséquences pour le personnel et les 101 102

RS 642.11 Cf. Thomas Ramseier, in: FamKommentar Scheidung, Ingeborg Schwenzer (éd.), 2e édition, Berne 2011, annexe Steuerrechtliche Aspekte und Berechnungen, ch. marg. 45; Peter Locher, Auswirkungen einer Scheidung/Trennung im Bereich der Steuern, FamPra.ch 2008, p. 463 ss, en particulier 474 s.

4402

finances des cantons et des communes, on se reportera au commentaire relatif aux conséquences pour la Confédération (cf. ch. 3.1).

Les offices du registre foncier seront confrontés à une charge de travail supplémentaire, dans la mesure où ils devront examiner si le conjoint a donné le consentement nécessaire à la constitution d'un droit de gage immobilier après le versement anticipé (art. 331e p-CO et art. 30c, al. 5, p-LPP).

Les nouvelles dispositions devraient occasionner une charge supplémentaire pour les tribunaux lorsqu'il s'agira de déterminer la part de rente à partager. Il est en effet prévu qu'ils tiennent compte des besoins de prévoyance des deux parties, ce qui implique qu'ils recherchent les informations nécessaires. Le projet ne devrait plus peser sur les tribunaux une fois la pratique du nouveau droit acquise. Il est source de clarification. Les tribunaux de 1re instance devraient se voir déchargés dans la mesure où ils pourront à l'avenir obtenir plus facilement de la Centrale du 2e pilier des renseignements sur les avoirs de prévoyance dont dispose le conjoint au moment du divorce (art. 24a p-LFLP).

3.3

Conséquences pour l'économie et les institutions de prévoyance

La révision proposée n'entraînera pas d'augmentation ni de diminution systématique de la charge financière des institutions de prévoyance, des employeurs ni des assurés. Les fonds destinés à la prévoyance sont considérés comme un montant fixe que les personnes concernées doivent se partager équitablement en cas de divorce. Il est toutefois indéniable que les institutions de prévoyance seront confrontées à une charge administrative supplémentaire découlant notamment de l'obligation d'annoncer périodiquement les effectifs d'assurés à la Centrale du 2e pilier (art. 24a p-LFLP). L'institution de cette obligation devrait coûter quelque trois millions de francs à l'ensemble des caisses de prévoyance de Suisse, cela en comptant large les frais de programmation et le nombre de caisses. Le fait de devoir donner les indications demandées chaque année ne devrait pas engendrer de frais conséquents. La Centrale du 2e pilier devra par contre compter avec des frais annuels de l'ordre de 400 000 francs (frais informatiques compris). On considère dans ces calculs que tous les acteurs remplissent déjà leurs obligations d'informer et de documenter, en indiquant en particulier le montant de la prestation de sortie au moment du mariage sur le certificat personnel de l'assuré. Des frais supplémentaires résulteront également de la vérification, étendue à de nouveaux cas, du fait que le conjoint a donné son consentement au versement d'une prestation en capital. Les institutions de prévoyance seront confrontées à un surplus de travail administratif lorsqu'il s'agira de verser la rente viagère au sens de l'art. 124a, al. 2, p-CC et d'assurer un échange d'informations avec les tribunaux.

4

Liens avec le programme de la législature

Le projet est annoncé dans le message du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 2015103. Le Conseil fédéral a inscrit l'approbation du message 103

FF 2012 349 481

4403

concernant la révision du code civil (partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce) parmi ses objectifs 2013104.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

La Confédération se fonde, pour régler le partage de la prévoyance professionnelle, sur sa compétence législative en matière de droit civil et de procédure civile (art. 122, al. 1, de la Constitution [Cst.]105) et en matière de prévoyance professionnelle (art. 113, al. 1, Cst.). Ces dispositions ne sont pas un blanc-seing au législateur.

Il doit notamment tenir compte de l'exigence d'égalité entre homme et femme (art. 8, al. 3, Cst.) et des objectifs de prestations des trois piliers de la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité. Le 1er et le 2e pilier doivent ensemble permettre à l'assuré de maintenir de manière appropriée son niveau de vie antérieur (art. 113, al. 2, let. a, Cst.). Le projet respecte les limites fixées par la Constitution.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La Suisse n'a pas d'obligations internationales ayant des répercussions directes sur la conception du partage de la prévoyance professionnelle.

Les propositions sont en outre en adéquation avec les engagements généraux qu'a pris la Suisse, par exemple en vertu de la Convention du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes106 ou encore de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)107 (art. 8 Droit au respect de la vie privée et familiale). L'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes108 ne pose pas de problèmes non plus. Enfin, on se reportera en la matière au commentaire relatif aux modifications de la LDIP (cf. ch. 2.5).

5.3

Délégation de compétences législatives

Le projet délègue des compétences législatives au Conseil fédéral dans les domaines suivants: a.

104 105 106 107 108

manière de procéder au partage lorsque la rente d'invalidité perçue avant l'âge réglementaire de la retraite est réduite pour cause de surindemnisation (art. 124, al. 3, p-CC);

Objectifs du Conseil fédéral 2013, vol. I, p. 13.

RS 101 RS 0.108 RS 0.101 RS 0.142.112.681

4404

b.

conversion actuarielle de la part de rente attribuée au conjoint créancier lorsque l'un des époux au moins a déjà atteint l'âge réglementaire de la retraite au moment du divorce ou manière de procéder lorsque la prestation de vieillesse est différée ou que la rente d'invalidité perçue après l'âge réglementaire de la retraite est réduite pour cause de surindemnisation (art. 124a, al. 3, ch. 1 et 2, p-CC);

c.

détermination de la part de l'avoir de vieillesse LPP dans l'ensemble des avoirs de prévoyance lorsque cette part ne peut plus être établie (art. 15, al. 4, p-LPP);

d.

modalités de calcul de l'adaptation de la rente d'invalidité si un avoir analogue à celui visé à l'art. 2, al. 1ter, LFLP est transféré dans le cadre du partage de la prévoyance professionnelle (art. 24, al. 5, p-LPP);

e.

manière de procéder pour le transfert des prestations de sortie ou le remboursement des versements anticipés pour la propriété du logement lorsqu'il n'est plus possible de déterminer quelle partie de ces montants doit être attribuée à la part obligatoire et laquelle à la part surobligatoire (art. 22b, al. 1, p-LFLP et art. 30d, al. 6, p-LPP);

f.

calcul des prétentions si des rentes d'invalidité sont en cours ou si le cas de prévoyance «vieillesse» est survenu entre l'introduction de la procédure de divorce et l'entrée en force du jugement sur le partage de la prévoyance professionnelle (art. 22a, al. 4, p-LFLP);

g.

modalités du transfert de rente pour le cas où le conjoint créancier et l'institution de prévoyance ne s'accordent pas sur le transfert sous forme de prestation unique en capital (art. 22c, al. 3, p-LFLP);

h.

autres obligations d'information en rapport avec le partage de la prévoyance professionnelle, en particulier pour prendre en compte les besoins de prévoyance et lorsque le cas de prévoyance «invalidité» ou «vieillesse» est déjà survenu (art. 24, al. 3 et 4, p-LFLP).

4405

Annexe 1

Estimation de la part de rente de vieillesse acquise durant le mariage, en % Age au début de la retraite Mariage
25
26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69

4406

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69

70

100.0 98.1 96.3 94.4 92.5 90.6 88.8 86.9 85.0 83.2 81.3 78.6 75.9 73.3 70.6 67.9 65.2 62.6 59.9 57.2 54.5 50.5 46.5 42.5 38.5 34.5 30.5 26.5 22.5 18.4 14.4 9.6 4.8

100.0 98.2 96.4 94.6 92.9 91.1 89.3 87.5 85.7 83.9 82.1 79.6 77.0 74.5 71.9 69.4 66.8 64.3 61.7 59.2 56.6 52.8 49.0 45.2 41.3 37.5 33.7 29.8 26.0 22.2 18.4 13.8 9.2 4.6

100.0 98.3 96.6 94.9 93.2 91.5 89.8 88.0 86.3 84.6 82.9 80.5 78.0 75.6 73.2 70.7 68.3 65.9 63.4 61.0 58.5 54.9 51.2 47.6 43.9 40.2 36.6 32.9 29.3 25.6 22.0 17.6 13.2 8.8 4.4

100.0 98.4 96.7 95.1 93.5 91.8 90.2 88.6 86.9 85.3 83.6 81.3 79.0 76.6 74.3 72.0 69.6 67.3 65.0 62.6 60.3 56.8 53.3 49.8 46.3 42.8 39.3 35.7 32.2 28.7 25.2 21.0 16.8 12.6 8.4 4.2

100.0 98.4 96.9 95.3 93.7 92.2 90.6 89.0 87.4 85.9 84.3 82.1 79.8 77.6 75.3 73.1 70.9 68.6 66.4 64.1 61.9 58.5 55.2 51.8 48.4 45.1 41.7 38.3 35.0 31.6 28.3 24.2 20.2 16.1 12.1 8.1 4.0

100.0 98.5 97.0 95.5 94.0 92.5 90.9 89.4 87.9 86.4 84.9 82.8 80.6 78.4 76.3 74.1 72.0 69.8 67.7 65.5 63.4 60.1 56.9 53.7 50.4 47.2 44.0 40.7 37.5 34.3 31.0 27.2 23.3 19.4 15.5 11.6 7.8 3.9

100.0 98.5 97.1 95.6 94.2 92.7 91.3 89.8 88.4 86.9 85.5 83.4 81.3 79.3 77.2 75.1 73.0 71.0 68.9 66.8 64.7 61.6 58.5 55.4 52.3 49.2 46.1 42.9 39.8 36.7 33.6 29.9 26.1 22.4 18.7 14.9 11.2 7.5 3.7

100.0 98.6 97.2 95.8 94.4 93.0 91.6 90.2 88.8 87.4 86.0 84.0 82.0 80.0 78.0 76.0 74.0 72.0 70.0 68.0 66.0 63.0 60.0 57.0 54.0 51.0 48.0 45.0 42.0 39.0 36.0 32.4 28.8 25.2 21.6 18.0 14.4 10.8 7.2 3.6

100.0 98.6 97.3 95.9 94.6 93.2 91.9 90.5 89.2 87.8 86.5 84.6 82.6 80.7 78.8 76.8 74.9 73.0 71.0 69.1 67.2 64.3 61.4 58.5 55.6 52.7 49.8 46.9 44.0 41.1 38.2 34.7 31.3 27.8 24.3 20.8 17.4 13.9 10.4 6.9 3.5

100.0 98.7 97.4 96.1 94.8 93.5 92.2 90.9 89.6 88.2 86.9 85.1 83.2 81.3 79.5 77.6 75.7 73.9 72.0 70.1 68.3 65.5 62.7 59.9 57.1 54.3 51.5 48.7 45.9 43.1 40.3 36.9 33.6 30.2 26.9 23.5 20.1 16.8 13.4 10.1 6.7 3.4

100.0 98.7 97.5 96.2 94.9 93.7 92.4 91.2 89.9 88.6 87.4 85.6 83.8 81.9 80.1 78.3 76.5 74.7 72.9 71.1 69.3 66.6 63.9 61.2 58.5 55.8 53.1 50.4 47.7 44.9 42.2 39.0 35.7 32.5 29.2 26.0 22.7 19.5 16.2 13.0 9.7 6.5 3.2

100.0 98.8 97.6 96.3 95.1 93.9 92.7 91.4 90.2 89.0 87.8 86.0 84.3 82.5 80.8 79.0 77.3 75.5 73.8 72.0 70.3 67.7 65.0 62.4 59.8 57.2 54.5 51.9 49.3 46.7 44.1 40.9 37.8 34.6 31.5 28.3 25.2 22.0 18.9 15.7 12.6 9.4 6.3 3.1

100.0 98.8 97.6 96.4 95.3 94.1 92.9 91.7 90.5 89.3 88.1 86.4 84.7 83.1 81.4 79.7 78.0 76.3 74.6 72.9 71.2 68.6 66.1 63.6 61.0 58.5 55.9 53.4 50.8 48.3 45.8 42.7 39.7 36.6 33.6 30.5 27.5 24.4 21.4 18.3 15.3 12.2 9.2 6.1 3.1

Estimation de la part de rente à partager: manière de procéder (exemple de partage en vertu de l'art. 124a p-CC) Le tableau de la page précédente se réfère à l'âge du bénéficiaire de rente au moment du mariage et au début de la retraite. Il n'est qu'un pur outil qui s'appuie sur une conception schématisée de la constitution d'une prévoyance vieillesse.

Selon les circonstances concrètes et l'influence du mariage sur la situation professionnelle des époux, il s'agit de déterminer une proportion pour les années comprises entre le début de la retraite et l'introduction de la procédure de divorce. Dans les exemples ci-dessous, on considère un pourcentage de 2,5 % par an109 comme équitable. Le nombre d'années comprises entre le début de la retraite et l'introduction de la procédure de divorce est donc multiplié par 2,5 et le résultat de ce calcul est additionné à la valeur déterminée à partir du tableau. (Si le résultat final est supérieur à 100, cela signifie en principe qu'on partage la totalité de la rente.)

Exemple 1: Age au moment du mariage Age au début de la retraite Age au moment de l'introduction de la procédure de divorce Valeur déterminée à partir du tableau Valeur pour les années suivant le début de la retraite Total

35 60 70 82,9 10 2,5 = 25 107,9

Dans cet exemple, on partage la totalité de la rente.

Exemple 2: Age au moment du mariage Age au début de la retraite Age au moment de l'introduction de la procédure de divorce Valeur déterminée à partir du tableau Valeur pour les années suivant le début de la retraite Total

45 67 75 68,3 8 2,5 = 20 88,3

Dans cet exemple, on partage 88,3 % de la rente.

109

Selon cette conception schématisée, la constitution de la prévoyance se fait sur plus de 40 ans. Une année correspond alors à 2,5 % de la durée totale. Mais en fonction des circonstances, on pourrait tout aussi bien appliquer un autre pourcentage.

4407

Annexe 2

Procédure de partage de la prévoyance professionnelle Ce schéma indique dans quelles situations on procède au partage de la prestation de sortie ou de la rente et dans quelles autres situations le conjoint débiteur verse une indemnité équitable.

Les époux n'ont pas conclu de convention sur les effets du divorce.

Les époux ont conclu une convention sur les effets du divorce.

Le conjoint débiteur ne perçoit pas de rente de la prévoyance professionnelle au moment de l'introduction de la procédure de divorce.

Le juge vérifie que le conjoint débiteur continue de disposer d'une prévoyance adéquate.

Le conjoint débiteur perçoit une rente de la prévoyance professionnelle au moment de l'introduction de la procédure de divorce.

Rente d'invalidité avant l'âge réglementaire de la retraite

Rente de vieillesse / rente d'invalidité après l'âge réglementaire de la retraite

Montant au sens de l'art. 2, al. 1ter LFLP = prestation de sortie

Partage de la prestation de sortie Existe-t-il des motifs de renoncer au partage par moitié?

Non

Partage de la rente selon l'appréciation du juge

Oui Le juge définit une autre clé de répartition.

Un partage au moyen de la prévoyance professionnelle est-il possible?

Non

Oui Un partage au moyen de la prévoyance professionnelle peut-il être raisonnablement exigé ?

Oui

Transfert de la prestation de l'institution de prévoyance ou de libre passage du conjoint débiteur à l'institution de prévoyance ou de libre passage du conjoint créancier

4408

Compensation des prétentions à une rente et conversion

Non

Indemnité équitable provenant de fonds libres

L'institution de prévoyance du conjoint débiteur verse une rente viagère.