12.098 Message relatif à l'initiative populaire «Contre l'immigration de masse» du 7 décembre 2012

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire fédérale «Contre l'immigration de masse», en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

7 décembre 2012

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Eveline Widmer-Schlumpf La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2012-2553

279

Condensé L'initiative «Contre l'immigration de masse» propose une réorientation générale de la politique suisse d'immigration par une réglementation concernant l'ensemble des catégories d'immigrés. La solution qu'elle propose n'est, en particulier, pas compatible avec l'Accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne (UE) et la convention correspondante de l'Association européenne de libre-échange (AELE). Une acceptation de l'initiative remettrait en question les relations bilatérales mises en place avec les pays qui sont nos partenaires en Europe et serait préjudiciable à l'économie suisse. Elle entraînerait également une charge administrative supplémentaire. Le Conseil fédéral propose donc à l'Assemblée fédérale de soumettre l'initiative au peuple et aux cantons sans contre-projet, en leur recommandant de la rejeter.

Teneur de l'initiative L'initiative populaire «Contre l'immigration de masse» a été déposée à la Chancellerie fédérale le 14 février 2012. Elle entend notamment permettre à la Suisse de gérer l'immigration en soumettant tous les types d'admissions à des plafonds annuels, l'objectif visé étant d'éviter les effets négatifs de l'immigration.

Mérites et lacunes de l'initiative La politique mise en oeuvre par la Suisse en matière d'immigration est fondée sur l'Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) que la Suisse a conclu avec l'UE et sur la convention correspondante de l'AELE. Elle préconise une admission restrictive de ressortissants des autres Etats en cas d'intérêts économiques majeurs ou pour des raisons humanitaires. Ce système d'admission dual a fait ses preuves.

En effet, c'est aujourd'hui la situation économique de la Suisse, et notamment la demande de main-d'oeuvre qualifiée, qui détermine et «pilote» l'immigration. Le Conseil fédéral entend maintenir sa politique d'immigration actuelle et prendre les mesures nécessaires pour remédier à d'éventuelles répercussions négatives, en particulier concernant certains aspects de l'infrastructure.

Déjà lors de l'introduction de la libre circulation des personnes, des mesures d'accompagnement avaient été mises en oeuvre afin de prévenir les abus, notamment en matière de conditions de rémunération et de travail. Le Conseil fédéral n'ignore pas que la croissance économique et l'immigration
relativement élevée enregistrées ces dernières années en Suisse ont entraîné une croissance démographique, ce qui place le pays face à de nouveaux défis en matière d'intégration, de logement, d'infrastructures, d'aménagement du territoire et de formation. Cette forte immigration renforce la nécessité de procéder à des réformes dans les domaines cités. Le Conseil fédéral s'engage à s'atteler aux réformes nécessaires. A cet effet, il peut se baser sur le rapport du groupe de travail chargé d'examiner les effets de la libre

280

circulation des personnes et de l'immigration, qu'il a adopté le 4 juillet 20121.

L'élément déterminant pour le succès de la politique menée en matière d'immigration est au final l'intégration professionnelle et sociale des étrangers. Aujourd'hui, malgré une forte immigration, cette politique s'avère efficace dans l'ensemble. En outre, le Conseil fédéral prévoit de nouvelles mesures liées à la politique d'intégration.

La libre circulation des personnes garantie par l'ALCP fait partie des libertés fondamentales indissociables, du point de vue de l'UE, d'une participation au marché intérieur européen. Aussi l'UE et ses Etats membres ne pourraient-ils accepter que les citoyens européens soient discriminés dans ce domaine par rapport aux ressortissants suisses. En cas d'acceptation de l'initiative, il faudrait plutôt s'attendre à ce que l'ALCP ne puisse pas être maintenu. Or, une dénonciation de cet accord aurait de graves conséquences pour l'économie suisse, qui gagne un franc sur deux dans l'UE. En effet, l'ALCP est l'un des sept accords sectoriels conclus simultanément entre la Suisse et l'UE (accords bilatéraux I), et sa dénonciation entraînerait l'extinction automatique de l'ensemble de ces accords, liés par la «clause guillotine».

La révocation de l'ALCP entraînerait également la disparition du droit de séjour dans tous les Etats de l'UE et de l'AELE aujourd'hui accordé aux citoyens suisses (accès au marché du travail compris).

La réglementation en matière d'admission demandée par l'initiative entraînerait par ailleurs une surcharge considérable aussi bien pour les employeurs suisses que pour les autorités, tant cantonales que fédérales, compétentes en matière de marché du travail et de migration. Le développement de la bureaucratie qui en découlerait serait en contradiction non seulement avec la simplification des procédures administratives demandée de toutes parts, mais également avec l'objectif d'une immigration qui réponde aux besoins de notre économie.

Il est possible d'interpréter l'initiative de manière à ce qu'elle ne soit pas contraire aux dispositions impératives du droit international public (principe du non-refoulement). Si elle devait passer le cap du scrutin populaire, sa mise en oeuvre devrait encore être aménagée de manière à garantir le respect du principe de nonrefoulement
ainsi que d'autres engagements de la Suisse en matière de droits de l'homme. Il conviendrait notamment d'y veiller pour les plafonds dont l'introduction est également exigée concernant les admissions accordées pour raisons humanitaires. Une telle restriction serait en effet contraire à la tradition humanitaire de la Suisse.

1

Rapport du Conseil fédéral du 4 juillet 2012 sur la libre circulation des personnes et l'immigration en Suisse, sous: www.ejpd.admin.ch > Documentation > Communiqués > 2012 > Rapport sur les conséquences de la libre circulation des personnes et de l'immigration

281

Proposition du Conseil fédéral Le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de soumettre l'initiative populaire «Contre l'immigration de masse» au vote du peuple et des cantons, en leur recommandant de la rejeter.

282

Table des matières Condensé

280

1 Aspects formels et validité de l'initiative 1.1 Texte de l'initiative 1.2 Aboutissement et délais de traitement 1.3 Validité 1.3.1 Compatibilité avec les règles impératives du droit international 1.3.2 Compatibilité des plafonds avec le principe de non-refoulement 1.3.3 Conclusion

285 285 286 286 287 288 289

2 Contexte 2.1 Evolution historique de la pratique en matière d'admission 2.2 Le système d'admission actuel dans le domaine des étrangers 2.2.1 Admission de personnes en provenance d'Etats de l'UE/AELE 2.2.2 Admission de personnes en provenance d'Etats tiers 2.3 Admission dans le domaine de l'asile 2.4 Initiatives populaires liées à la migration depuis 2000 2.5 Principales répercussions de l'introduction de l'ALCP 2.5.1 Offres et demandes d'emplois 2.5.2 Salaires et chômage 2.5.3 Régions frontalières 2.5.4 Marché du logement 2.6 Motif de l'initiative

289 289 291 291 292 293 294 296 297 298 299 299 300

3 Buts et contenu 3.1 Les dispositions du texte de l'initiative 3.1.1 Art. 121 Cst. [titre] 3.1.2 Art. 121a Cst. [nouveau] 3.1.3 Art. 197, ch. 9, Cst. [nouveau] 3.2 Interprétation du texte de l'initiative

300 300 300 301 302 302

4 Appréciation de l'initiative 4.1 Appréciation des buts de l'initiative 4.2 Conséquences en cas d'acceptation de l'initiative 4.2.1 Renégociation de l'ALCP 4.2.2 Répercussions sur d'autres traités 4.2.3 Mise en oeuvre de l'initiative 4.2.4 Répercussions sur les finances et le personnel 4.2.5 Entrée en vigueur et dispositions transitoires 4.3 Défauts de l'initiative 4.3.1 Graves conséquences pour l'économie suisse 4.3.2 Apporter une meilleure réponse que celle de l'initiative aux problèmes liés à l'immigration 4.4 Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse 4.4.1 Etat des lieux 4.4.2 Accord sur la libre circulation des personnes

305 305 306 306 307 307 309 311 311 311 317 323 323 323 283

4.4.3 Organisation mondiale du commerce (OMC/AGCS) et accords de libre-échange 4.4.4 Traités et accords d'établissement 4.4.5 Accords sur l'échange de stagiaires 4.4.6 CEDH et Pacte II de l'ONU 4.4.7 Convention relative aux droits de l'enfant 4.4.8 Accords d'association à Schengen et Dublin

325 326 326 327 328 329

5 Conclusions

330

Bibliographie

332

Arrêté fédéral relatif à l'initiative populaire «Contre l'immigration de masse» (Projet)

333

284

Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte de l'initiative

L'initiative populaire «Contre l'immigration de masse» a la teneur suivante: I La Constitution2 est modifiée comme suit: Art. 121 Titre (nouveau) Législation dans le domaine des étrangers et de l'asile Art. 121a (nouveau) 1

Gestion de l'immigration

La Suisse gère de manière autonome l'immigration des étrangers.

Le nombre des autorisations délivrées pour le séjour des étrangers en Suisse est limité par des plafonds et des contingents annuels. Les plafonds valent pour toutes les autorisations délivrées en vertu du droit des étrangers, domaine de l'asile inclus.

Le droit au séjour durable, au regroupement familial et aux prestations sociales peut être limité.

2

Les plafonds et les contingents annuels pour les étrangers exerçant une activité lucrative doivent être fixés en fonction des intérêts économiques globaux de la Suisse et dans le respect du principe de la préférence nationale; ils doivent inclure les frontaliers. Les critères déterminants pour l'octroi d'autorisations de séjour sont en particulier la demande d'un employeur, la capacité d'intégration et une source de revenus suffisante et autonome.

3

4

Aucun traité international contraire au présent article ne sera conclu.

5

La loi règle les modalités.

2

RS 101

285

II Les dispositions transitoires de la Constitution sont modifiées comme suit: Art. 197, ch. 93 (nouveau) 9. Disposition transitoire ad art. 121a (Gestion de l'immigration) Les traités internationaux contraires à l'art. 121a doivent être renégociés et adaptés dans un délai de trois ans à compter de l'acceptation dudit article par le peuple et les cantons.

1

2 Si les lois d'application afférentes ne sont pas entrées en vigueur dans les trois ans à compter de l'acceptation de l'art. 121a par le peuple et les cantons, le Conseil fédéral édicte provisoirement les dispositions d'application nécessaires par voie d'ordonnance.

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire «Contre l'immigration de masse» a fait l'objet d'un examen préliminaire de la Chancellerie fédérale le 12 juillet 20114 et a été déposée le 14 février 2012.

Par décision du 19 mars 2012, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait abouti, avec 135 557 signatures valables.5 L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose aucun contre-projet, ni direct ni indirect. Conformément à l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)6, le Conseil fédéral a jusqu'au 14 février 2013 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. L'Assemblée fédérale, pour sa part, a jusqu'au 14 août 2014 pour décider si elle recommandera au peuple et aux cantons d'accepter ou de rejeter l'initiative (art. 100 LParl).

1.3

Validité

L'initiative respecte les exigences de validité prévues à l'art. 139, al. 3, de la Constitution (Cst.): a.

3

4 5 6

286

elle obéit au principe de l'unité de la forme, puisqu'elle revêt entièrement la forme d'un projet rédigé;

L'initiative populaire ne vise pas à remplacer une disposition transitoire en vigueur de la Constitution: c'est pourquoi le chiffre de la disposition transitoire relative au présent article ne sera fixé qu'après le scrutin, en fonction de l'ordre chronologique dans lequel les différentes modifications constitutionnelles auront été acceptées. La Chancellerie fédérale procédera aux adaptations nécessaires avant publication au Recueil officiel du droit fédéral (RO).

FF 2011 5845 FF 2012 3611 RS 171.10

b.

elle obéit au principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

c.

elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles (cf. ch. 1.3.1 à 1.3.3).

1.3.1

Compatibilité avec les règles impératives du droit international

La notion (de droit interne) de «règles impératives du droit international» se rattache d'abord à la notion de droit international du jus cogens, qui comprend notamment les principes fondamentaux du droit international humanitaire («jus in bello»), la prohibition du recours à la force, inscrite dans la Charte de l'ONU, la prohibition du génocide, de la torture et de l'esclavage, de même que l'expulsion dans un Etat dans lequel une personne risquerait d'être torturée ou de subir un autre type de peine ou de traitement cruel et inhumain («principe de non-refoulement»). Enfin, la notion de «règles impératives du droit international» recouvre aussi, en particulier, la plupart des garanties intangibles de la Convention européenne du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)7 et du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques8 (Pacte II de l'ONU)9.

Les règles impératives du principe de non-refoulement sont concernées par la présente initiative (cf. ch. 1.3.2). Par contre, les autres dispositions du droit international impératif ne sont pas affectées.

Les règles impératives du droit international sont les normes fondamentales du droit international dont il ne saurait être question de s'écarter. Elles posent une limite matérielle aux révisions constitutionnelles. Une incompatibilité avec les règles impératives du droit international au sens de l'art. 139, al. 3 et de l'art. 194, al. 2, Cst.

n'est avérée que si une interprétation conforme au droit international du texte de l'initiative est impossible.

A ce jour, une seule initiative populaire a été déclarée nulle en raison de son incompatibilité avec les règles impératives du droit international: il s'agissait de l'initiative «pour une politique d'asile raisonnable», déposée en 1992. En 1996, l'Assemblée fédérale avait en effet conclu que cette initiative contrevenait au principe de nonrefoulement, si bien qu'elle n'avait pas été soumise au vote du peuple et des cantons10.

7 8 9 10

RS 0.101 RS 0.103.2 Cf. le Rapport additionnel du Conseil fédéral au rapport du 5 mars 2010 sur la relation entre droit international et droit interne, du 30.3.2011 (FF 2011, p. 3401 ss) ch. 2.4.1 FF 1994 III 1471 (Message du Conseil fédéral) et FF 1996 I 1305 ss (Arrêté fédéral concernant l'initiative populaire «pour une politique d'asile raisonnable», qui déclare la nullité de cette initiative populaire)

287

1.3.2

Compatibilité des plafonds avec le principe de non-refoulement

Selon le texte de l'initiative, des plafonds devraient désormais également être fixés dans le domaine de l'asile. Dans certains cas de figure, un refus d'accorder le séjour en Suisse au motif que des nombres maximums sont déjà atteints pourrait aller à l'encontre du principe de non-refoulement. Aussi convient-il de vérifier si le texte de l'initiative est contraire au principe de non-refoulement (art. 25, al. 2 et 3, Cst., art. 33 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés [Convention de Genève]11, art. 3 CEDH et art. 3 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants12).

L'interprétation du texte d'une initiative se fonde sur les principes mis en place par le Tribunal fédéral pour apprécier la légalité des initiatives populaires cantonales.

L'initiative doit donc être interprétée en appliquant les méthodes d'interprétation reconnues et en examinant en premier lieu la teneur du texte déposé. Si la volonté subjective des auteurs de l'initiative n'est pas déterminante, les opinions qu'ils expriment peuvent néanmoins être prises en compte. Dès lors qu'une initiative peut être interprétée de manière à être compatible avec les règles impératives du droit international, elle doit être déclarée valable.

Si le texte de l'initiative n'indique pas expressément que le principe de non-refoulement doit impérativement être pris en compte, il n'interdit pas non plus, ni implicitement ni explicitement, aux autorités de le respecter. Il accorde en effet au législateur une certaine marge de manoeuvre dans la fixation des plafonds, et ne contient notamment aucune contrainte quantitative (ce qui aurait été le cas, par exemple, en imposant des chiffres absolus ou un certain pourcentage d'étrangers par rapport à l'ensemble de la population). En conséquence, et conformément à l'expérience accumulée dans ce domaine, les plafonds pourraient être conçus de manière à éviter d'entrer en contradiction avec le principe de non-refoulement. Si ces nombres maximums devaient être dépassés, le principe de non-refoulement serait malgré tout appliqué en tant que norme impérative du droit international. Aussi la nécessité de tolérer temporairement un dépassement des nombres maximums prévus dans le domaine de l'asile devrait-elle être
envisagée. Cependant, vu que le texte de l'initiative n'interdit pas, dans certains domaines, de modifier les plafonds à brève échéance (par exemple en cas de hausse rapide du nombre de demandes d'asile déposées en situation de guerre), un tel dépassement serait sans doute évité. Les auteurs de l'initiative relèvent d'ailleurs également dans leur argumentaire13 (p. 30) que les plafonds fixés dans le domaine de l'asile devront tenir compte des règles impératives du droit international. En cas de mise en oeuvre de l'initiative, il y aurait lieu de préciser quels séjours liés à l'asile devraient effectivement être soumis à des nombres maximums. Dans l'ensemble, l'initiative se prête donc à une interprétation qui respecte le principe de non-refoulement.

L'initiative populaire «pour une réglementation de l'immigration», rejetée par le peuple et les cantons, qui avait pour objectif de réduire à 18 % la proportion de la population étrangère établie en Suisse, soulevait une problématique similaire14. Dans 11 12 13 14

288

RS 0.142.30 RS 0.105 Cf. bibliographie, p. 54 Message du Conseil fédéral concernant l'initiative populaire fédérale «pour une réglementation de l'immigration» (FF 1997 IV 441)

ce cas également, la compatibilité avec des règles impératives du droit international (principe de non-refoulement) d'une limitation quantitative applicable même dans le domaine de l'asile avait trouvé sa justification dans la marge de manoeuvre autorisée au niveau de la mise en oeuvre15.

1.3.3

Conclusion

Il est possible d'interpréter l'initiative de telle manière qu'elle soit compatible avec les règles impératives du droit international (principe de non-refoulement). L'initiative peut donc être déclarée valable.

En cas d'acceptation de l'initiative, il y aurait cependant lieu de s'assurer que sa mise en oeuvre garantisse le respect du caractère absolu de la validité du principe de non-refoulement.

2

Contexte

2.1

Evolution historique de la pratique en matière d'admission

La loi du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr)16 est entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Elle a remplacé la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE), qui donnait au Conseil fédéral une grande marge de manoeuvre dans l'organisation de la politique d'immigration.

Jusqu'au milieu des années 1960, le Conseil fédéral avait une pratique d'admission libérale. Au cours des années soixante, la rapide croissance économique a cependant entraîné une forte augmentation de la population résidante étrangère, si bien que le Conseil fédéral posa des restrictions d'admission en limitant par des ordonnances l'effectif maximal des étrangers par entreprise. En 1970, ce plafonnement fut remplacé par une limitation générale du nombre d'étrangers désireux d'entrer en Suisse pour y exercer une activité lucrative.

Au cours des années septante, à la suite d'une récession, la proportion de la population étrangère résidant en Suisse diminua à nouveau. Alors que le pourcentage d'étrangers n'avait cessé d'augmenter jusqu'en 1974 pour atteindre 16,8 %, il était retombé à 14,1 % en 1979.

La haute conjoncture économique des années quatre-vingt entraîna la création de nombreux emplois, qui ne purent être pourvus qu'en engageant, en majeure partie, une nouvelle main-d'oeuvre étrangère. Aussi la part de population étrangère résidant en Suisse repartit-elle à la hausse (1980: 14,8 %; 1990: 18,1 %).

De 1991 à 1998, le Conseil fédéral a remplacé sa précédente réglementation en matière d'admission («modèle des trois cercles», qui réglait les admissions en fonction du pays d'origine des intéressés) par un «système d'admission dual», qui ne faisait plus de distinction qu'entre, d'une part, les Etats de l'Union européenne (UE) et de l'AELE et, d'autre part, les autres Etats. Ce système est, pour l'essentiel, 15 16

Cf. FF 1997 IV 441, ch. 154.2 RS 142.20

289

toujours en vigueur aujourd'hui17. La possibilité de recruter de la main-d'oeuvre étrangère sans qualifications professionnelles particulières en provenance de certains Etats non membres de l'UE ou de l'AELE a alors disparu. Cette mesure touchait principalement les ressortissants de l'ex-Yougoslavie18. N'étaient pas concernés par ce principe l'admission fondée sur des obligations de droit international public ou des motifs humanitaires importants, le regroupement familial, de même que l'admission pour motif de formation ou perfectionnement professionnels.

En 1996, le Conseil fédéral a institué une commission d'experts sur la migration (commission Hug) qu'il a chargée d'élaborer des propositions concrètes en vue de l'adoption d'une future politique migratoire. Sur la base de ces résultats, en 1998, une autre commission d'experts a été chargée d'élaborer un projet de nouvelle loi sur les étrangers (LEtr). Dans le courant des années nonante, la part des étrangers dans la population résidante est passée de 18,1 à 20,9 %.

L'Accord entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats-membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP19), qui fait partie intégrante des accords bilatéraux I, a été signé le 21 juin 1999. Le 21 mai 2000, le peuple suisse a accepté les accords bilatéraux I par 67,2 % des voix.

L'ALCP est entré en vigueur le 1er juin 2002.

Le 24 septembre 2006, le peuple suisse a accepté la loi fédérale sur les étrangers (LEtr) par 68 % des voix. Outre l'inscription dans la loi du système d'admission dual, la LEtr a notamment introduit de nouvelles dispositions sur l'intégration, le regroupement familial et la lutte contre le contournement des dispositions relatives à l'admission. La LEtr est entrée en vigueur le 1er janvier 2008.

Sous l'angle de la politique migratoire, la coopération établie entre la Suisse et l'UE dans le cadre de «Schengen» (contrôles à la frontière, visas, coopération policière, coopération judiciaire en matière pénale) et de «Dublin» (définition des compétences en matière de procédure d'asile) revêt aujourd'hui une grande importance. Les accords d'association correspondants20 ont été signés le 26 octobre 2004 et la coopération pratique a débuté le 12 décembre 2008. Les contrôles des personnes entre les Etats Schengen
(frontières intérieures) sont en principe supprimés. Simultanément, des mesures ont été adoptées pour renforcer la sécurité intérieure.

L'accord de Dublin règle la coordination des compétences pour l'examen des demandes d'asile, ce qui permet d'éviter de devoir engager plusieurs procédures pour un même requérant. En 2011, dans plus de 7000 cas, d'autres Etats Dublin ont accepté d'assumer la compétence du traitement d'une demande d'asile déposée en Suisse. A l'inverse, la Suisse a dû se déclarer compétente dans quelque 900 cas.

Cette année-là, 22 551 personnes avaient déposé une demande d'asile en Suisse.

En 2000, la part des étrangers par rapport à la population résidante s'élevait à 20,9 %. Depuis, elle a augmenté pour atteindre 22,8 % en 2011.

17 18 19 20

290

FF 1991 III 316 Voir également le rapport du Conseil fédéral sur la politique à l'égard des étrangers et des réfugiés, FF 1991 III 316 RS 0.142.112.681 RS 0.362.31; RS 0.142.392.68

Part de la population résidante permanente étrangère

2.2

Le système d'admission actuel dans le domaine des étrangers

La Suisse connaît aujourd'hui un système d'admission dual qui fait une distinction entre les personnes en provenance des Etats de l'UE/AELE et celles qui proviennent d'Etats tiers.

2.2.1

Admission de personnes en provenance d'Etats de l'UE/AELE

Il est aujourd'hui possible de recruter des travailleurs dans les pays membres de l'UE et de l'AELE quel que soit leur niveau de qualification. L'immigration de ces personnes est régie par l'ALCP et par la Convention du 4 janvier 1960 instituant l'Association Européenne de Libre-Echange (Convention AELE)21; l'immigration fluctue principalement en fonction des besoins du marché de l'emploi. L'ALCP est la pierre angulaire de la première série d'accords bilatéraux entre la Suisse et l'UE; à ce titre, il joue un rôle essentiel dans les relations entre la Suisse et l'UE.

L'accès au marché du travail suisse a été libéralisé lors de l'introduction de la libre circulation des personnes entre la Suisse et les Etats de l'UE/AELE. Simultanément, les citoyens suisses ont également obtenu le droit de choisir librement leur emploi ou leur lieu de séjour sur le territoire des Etats parties à l'accord. Le droit à la libre circulation est complété par la reconnaissance mutuelle des diplômes, le droit à l'acquisition de biens immobiliers et la coordination des systèmes de sécurité sociale. L'ALCP règle également le regroupement familial et le droit de séjour des personnes sans activité lucrative qui disposent de moyens financiers suffisants.

21

RS 0.632.31

291

A la suite de l'élargissement de l'UE, le 1er mai 2004, l'ALCP a été complété par un protocole régissant l'extension progressive de la libre circulation des personnes aux dix nouveaux Etats européens (Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie et Slovénie). Dès l'entrée en vigueur de ce protocole, Chypre et Malte ont été soumises aux mêmes réglementations que les «anciens» Etats membres de l'UE-15; ensemble, ils constituent le groupe des Etats de l'UE-17. Depuis le 1er juin 2007, les citoyens de l'UE-17/AELE bénéficient de la liberté totale de circuler et ne sont plus soumis à aucun délai transitoire. Des réglementations transitoires spéciales étaient en revanche applicables aux huit autres Etats membres (UE-8). En effet, la Suisse a pu, jusqu'au 30 avril 2011, maintenir certaines restrictions relatives au marché du travail, prévues dans l'accord, à l'égard des ressortissants de l'UE-8: contingents séparés, priorité des travailleurs indigènes, contrôle des conditions de travail et de salaire, etc. En cas d'immigration excessive de main-d'oeuvre de l'UE (plus de 10 % de la moyenne des trois années précédentes), la Suisse a par ailleurs la possibilité d'invoquer, jusqu'au 31 mai 2014, une clause de sauvegarde lui permettant de réintroduire des contingents (art. 10, al. 4, ALCP).

Le 18 avril 2012, le Conseil fédéral a décidé d'activer la clause de sauvegarde et de réintroduire pour un an des contingents (autorisations de séjour B) pour les ressortissants des Etats de l'UE-8. Cette mesure, entrée en vigueur le 1er mai 2012, est valable dans un premier temps pour une période d'un an. Elle concerne les personnes en provenance des Etats de l'UE-8 qui disposent d'un contrat de travail en Suisse pour une durée supérieure à un an ou indéterminée, ainsi que les personnes qui souhaitent nouvellement s'établir en Suisse avec le statut de travailleur indépendant.

Le 8 février 2009, le peuple suisse a accepté la reconduction de l'ALCP et le protocole II d'extension de cet accord à la Bulgarie et à la Roumanie. Le Protocole II est entré en vigueur le 1er juin 2009. Il prévoit les dispositions transitoires suivantes: jusqu'en 2016, la Suisse est en droit de maintenir les restrictions prévues dans l'ALCP en matière de marché du travail à l'égard des ressortissants
bulgares et roumains.

Le 9 décembre 2011, la Croatie a signé un accord d'adhésion à l'UE; le peuple croate s'est prononcé en faveur de l'adhésion lors d'un référendum organisé le 22 janvier 2012. Pour autant que cet accord soit ratifié par les Etats membres actuels de l'UE, la Croatie deviendra le 28e Etat membre de l'UE le 1er juillet 2013. Le 24 septembre 2012, le Conseil Affaires générales de l'UE a adopté le mandat concernant l'extension de l'ALCP à la Croatie. Le 17 octobre 2012, l'UE a adressé à la Suisse une requête d'extension de l'ALCP à la Croatie. Une telle extension requiert l'adoption par le Parlement d'un arrêté fédéral sujet au référendum facultatif.

2.2.2

Admission de personnes en provenance d'Etats tiers

L'admission de travailleurs provenant d'Etats tiers est réglée dans la LEtr. Elle est limitée à la main-d'oeuvre qualifiée qui est indispensable à l'économie suisse et dont l'intégration professionnelle et sociale à long terme semble assurée. De plus, elle est soumise à des nombres maximums fixés chaque année par le Conseil fédéral (art. 20

292

LEtr; pour 2012: 3500 autorisations de séjour et 5000 autorisations de séjour de courte durée)22.

Sont par ailleurs prioritaires les travailleurs indigènes et les ressortissants des Etats avec lesquels un accord sur la libre circulation des personnes a été conclu (art. 21 LEtr). En outre, les conditions usuelles de salaire et de travail doivent être respectées (art. 22 LEtr).

Des exceptions à ces prescriptions d'admission très strictes existent, en particulier, dans le domaine du regroupement familial, pour les séjours en vue de suivre une formation ainsi que pour des motifs humanitaires importants (art. 27 à 30 et 42 à 52 LEtr). Des prescriptions d'admission spéciales sont applicables dans ces cas-là, lesquels ne sont aujourd'hui pas soumis à des nombres maximums.

2.3

Admission dans le domaine de l'asile

La politique d'asile suisse s'oriente sur les principes de la Convention de Genève.

Toute personne menacée ou poursuivie dans son Etat d'origine selon des critères reconnus du droit international public obtient l'asile en Suisse. Les conditions d'octroi de l'asile sont réglées dans la loi du 26 juin 1998 sur l'asile (LAsi)23.

Contrairement à l'admission de main-d'oeuvre étrangère en provenance d'Etats situés hors de l'UE ou de l'AELE, le domaine de l'asile ne connaît pas, jusqu'à présent, de nombres maximums tels que ceux demandés par l'initiative et ce, bien que la LAsi ait fait l'objet de nombreuses révisions. Le nombre de requérants d'asile est imprévisible. Qui plus est, la Suisse est tenue d'examiner les demandes d'asile en vertu de ses engagements internationaux.

Actuellement, les Chambres fédérales examinent une révision partielle de la LAsi visant à simplifier le déroulement des procédures. Les points en discussion sont notamment l'octroi de l'asile aux objecteurs de conscience et aux déserteurs, les motifs subjectifs survenus après la fuite, la suppression de la possibilité de déposer une demande d'asile à l'étranger, l'exclusion du régime de l'aide sociale en cas de demandes multiples, l'hébergement des requérants d'asile, la simplification des procédures grâce à des décisions matérielles rapides en lieu et place des décisions de non-entrée en matière, la limitation du choix du lieu de résidence pour les personnes admises à titre provisoire ainsi que le système d'indemnisation des cantons abritant des centres d'enregistrement et de procédure de la Confédération.

Par décision du 28 septembre 2012, l'Assemblée fédérale a adopté une modification urgente de la LAsi, laquelle est entrée en vigueur le 29 septembre 201224. Elle porte notamment sur la suppression de la possibilité de déposer une demande d'asile à l'étranger, la création de centres spécifiquement destinés à héberger les requérants d'asile récalcitrants et le changement d'affectation temporaire de constructions de la Confédération afin d'héberger des requérants d'asile.

22 23 24

Cf. les annexes 1 et 2 de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA), RS 142.201 RS 142.31 RO 2012 5359

293

Une prochaine étape consistera à réorganiser entièrement la procédure d'asile. Le rapport de mars 2011 sur des mesures d'accélération dans le domaine de l'asile établi par le Département fédéral de justice et police (DFJP25) propose notamment une réorganisation visant à ce qu'une majorité des procédures d'asile soient rapidement bouclées dans des centres de procédure fédéraux.

2.4

Initiatives populaires liées à la migration depuis 2000

Les limitations à l'immigration en Suisse ont déjà fait l'objet de nombreuses initiatives populaires au cours du siècle dernier. Tantôt elles n'ont pas abouti, tantôt elles ont été rejetées par le peuple et les cantons, à l'instar de l'initiative populaire «contre l'emprise étrangère et le surpeuplement de la Suisse»26 ou de l'initiative populaire «pour une réglementation de l'immigration»27, qui souhaitait limiter l'effectif de la population résidante étrangère à 18 %.

Depuis 2000, plusieurs thèmes en rapport avec la migration ont fait l'objet d'une initiative populaire: Le 24 novembre 2002, l'initiative populaire «contre les abus dans le droit d'asile»28 a été rejetée par 50,1 % des voix. Elle demandait que la Confédération applique dans le domaine de l'asile, en matière procédurale, pénale et de prévoyance, de nouveaux principes qui, tout en étant conformes aux obligations découlant du droit international, réduiraient l'attrait de la Suisse comme terre d'asile.

Le 13 septembre 2004, l'initiative populaire «Limitation de l'immigration en provenance d'Etats non membres de l'UE»29 a échoué au stade de la récolte des signatures. Elle prévoyait de limiter le nombre annuel d'immigrés admis en Suisse, dans les domaines des étrangers et de l'asile, au nombre de personnes ayant quitté la Suisse au cours de l'année précédente. Ce décompte devait notamment exclure les Suisses de l'étranger, les ressortissants des Etats avec lesquels la Suisse a conclu un accord sur la libre circulation des personnes, de même que les membres de représentations diplomatiques étrangères et d'organisations internationales.

L'initiative populaire fédérale «pour des naturalisations démocratiques»30 souhaitait habiliter les communes à fixer de manière autonome les procédures et compétences en matière d'octroi du droit de cité communal. Les décisions populaires sur la naturalisation n'auraient ainsi plus été soumises au contrôle du pouvoir judiciaire. Le 1er juin 2008, ce projet a été rejeté par 63,8 % des voix.

25 26 27 28 29 30

294

Voir sous: www.bfm.admin.ch > Documentation > Rapports > Rapport sur des mesures d'accélération dans le domaine de l'asile FF 1974 I 183 (Message du Conseil fédéral) et FF 1974 II 1503 (Arrêté fédéral relatif au résultat de la votation populaire) FF 1997 IV 441 (Message du Conseil fédéral) et FF 2001 167 (Arrêté du Conseil fédéral constatant le résultat de la votation populaire) FF 2001 4511 (Message du Conseil fédéral) et FF 2003 665 (Arrêté du Conseil fédéral constatant le résultat de la votation populaire) FF 2004 4942 (Expiration du délai) FF 2006 8481 (Message du Conseil fédéral) et FF 2008 5599 (Arrêté du Conseil fédéral constatant le résultat de la votation populaire)

Le 28 novembre 2010, l'initiative populaire fédérale «pour le renvoi des étrangers criminels (initiative sur le renvoi)»31 a été acceptée par le peuple et les cantons par 52,3 % des voix. Conformément à l'art. 121, al. 3 et 5, Cst., les étrangers condamnés pour certains types d'infractions ou qui ont perçu abusivement des prestations d'assurances sociales ou de l'aide sociale doivent être privés de leur titre de séjour et de tous leurs droits à séjourner en Suisse et être expulsés. Ils doivent également être frappés d'une interdiction d'entrer sur le territoire suisse. La procédure de consultation relative à la mise en oeuvre de cette initiative s'est terminée le 30 septembre 2012. Le Conseil fédéral va prendre connaissance des résultats de la consultation avant de fixer la suite de la procédure.

Le 2 novembre 2012, l'initiative populaire fédérale «Halte à la surpopulation ­ Oui à la préservation durable des ressources naturelles» (initiative ECOPOP)32 a été déposée auprès de la Chancellerie fédérale. Cette initiative a pour objectif de s'assurer que la part de l'accroissement de la population résidant de manière permanente en Suisse qui est attribuable au solde migratoire ne puisse excéder 0,2 % par an sur une moyenne de trois ans. De plus, elle demande que la Confédération affecte au financement de mesures visant à encourager la planification familiale volontaire au moins 10 % de l'ensemble des moyens consacrés à la coopération internationale au développement.

Deux autres initiatives populaires sont actuellement au stade de la récolte des signatures. Le délai de récolte des signatures de l'initiative populaire fédérale «Pour la stabilisation de la population totale»33 expirera le 26 janvier 2013. Son objectif est que la Confédération prenne des mesures pour lutter contre la surpopulation ainsi que pour équilibrer le bilan migratoire. L'initiative ne fournit aucune indication sur la manière dont cet objectif devrait être réalisé ni sur la limite de population souhaitée.

Le délai de récolte des signatures de l'initiative populaire «Pour le renvoi effectif des étrangers criminels (initiative de mise en oeuvre)»34 a commencé à courir le 24 juillet 2012 et prendra fin le 24 janvier 2014. Présentée sous la forme d'un projet rédigé, elle demande de compléter les dispositions transitoires de la
Constitution fédérale par les listes exhaustives des éléments constitutifs d'infractions devant entraîner l'expulsion de leur auteur dès que la condamnation est entrée en force et ce, quelle que soit l'importance de la peine. Elle est immédiatement exécutoire (à quelques exceptions près). Cette initiative populaire a pour but de mettre en oeuvre l'initiative sur le renvoi mentionnée plus haut et de se substituer à toute réglementation au niveau de la loi par application directe des dispositions constitutionnelles proposées.

31 32 33 34

FF 2009 4571 (Message du Conseil fédéral), FF 2011 2593 (Arrêté du Conseil fédéral constatant le résultat de la votation populaire) et RO 2011 1199 (Arrêté fédéral) FF 2011 3565 (Examen préliminaire) FF 2011 5849 (Examen préliminaire) FF 2012 6873 (Examen préliminaire)

295

2.5

Principales répercussions de l'introduction de l'ALCP

La libre circulation des personnes (ALCP) entre la Suisse et l'Union européenne est entrée en vigueur il y a dix ans. Durant toutes ces années, les entreprises ont grandement profité de la possibilité de recruter de la main-d'oeuvre en provenance de l'UE/AELE. En effet, ces dernières années, l'ouverture du marché du travail a largement contribué à la croissance de l'économie et de l'emploi en Suisse et les conséquences négatives restent relativement faibles pour les travailleurs résidants.

Même si elle a peut-être pu légèrement freiner l'évolution des salaires, l'ouverture n'a pas engendré d'érosion des bas salaires.

En 2011, 78 500 ressortissants étrangers ont immigré en Suisse (solde migratoire net), dont 53 200, soit deux tiers, étaient des citoyens de l'UE/AELE. Certes, l'immigration en provenance de la zone UE/AELE a gagné en importance avec la libre circulation des personnes, mais elle a aussi toujours été directement liée à la demande en main-d'oeuvre des entreprises. En 2008, suite à la forte croissance de l'économie suisse durant plusieurs années, le solde migratoire a atteint un pic, se chiffrant à 90 200 personnes. La récession de 2009 a ensuite entraîné une diminution de l'immigration nette, une tendance que la rapide reprise économique de 2010 a toutefois stoppée; le solde migratoire a augmenté à nouveau en 2011. Alors que l'immigration en provenance d'Etats de l'UE a réagi fortement à l'évolution économique, l'immigration en provenance d'Etats tiers est restée à un niveau plus ou moins constant après l'instauration de l'ALCP.

Durant les dix années qui ont précédé l'entrée en vigueur des accords bilatéraux, l'immigration en provenance d'Etats tiers et la croissance naturelle de la population ont chacune contribué à hauteur de 0,3 point de pourcentage par année à la croissance de la population résidante permanente en Suisse. Durant les dix dernières années, le taux de l'accroissement naturel de la population s'est réduit de moitié pour se fixer à 0,14 point de pourcentage, alors que celui de l'immigration a plus que doublé pour atteindre tout juste 0,8 point de pourcentage, dont quelque 0,5 point de pourcentage correspondant à l'immigration en provenance de la zone UE/AELE.

Ces dernières années, la hausse de la demande de main-d'oeuvre qualifiée entraînée par la croissance économique
de la Suisse a pu être satisfaite. Les entreprises ont pu éviter d'avoir à faire face à de coûteuses pénuries de ressources en personnel. Dans certains secteurs d'activités, toutefois, la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée est aiguë, par exemple dans les professions faisant appel aux sciences techniques et aux mathématiques (MINT).

Depuis l'entrée en vigueur de la libre circulation des personnes, l'immigration a eu une incidence positive sur la productivité. La proportion relativement élevée des diplômés du degré tertiaire qui ont immigré en Suisse, notamment, se traduit par un excellent bilan fiscal (cf. Sheldon 2012).

Si la libre circulation des personnes a renforcé la concurrence sur le marché du travail, rien ne vient cependant étayer la thèse selon laquelle l'immigration de ces dernières années aurait évincé la main-d'oeuvre résidante. Dans la majorité des cas, la main-d'oeuvre immigrée en provenance de l'UE vient compléter le potentiel des travailleurs déjà établis en Suisse.

296

Après l'introduction de la libre circulation des personnes, les salaires réels ont poursuivi leur hausse et la structure salariale suisse est restée stable. L'évolution des bas salaires a suivi une courbe similaire à celle des salaires moyens. Les conventions collectives de travail et les mesures d'accompagnement ont contribué à ce résultat.

Par rapport aux années nonante, le taux de chômage des étrangers a diminué et s'est quelque peu rapproché ces dernières années du faible niveau enregistré parmi la population active résidante.

L'immigration ralentit le vieillissement de la population, allégeant ainsi les assurances sociales du premier pilier (AVS/AI/APG/PC), financées selon un mécanisme de répartition. Aujourd'hui, les ressortissants de l'UE/AELE apportent clairement davantage de fonds à ces assurances qu'ils n'en retirent. Alors que l'on croyait que la libre circulation des personnes induirait une augmentation massive du nombre de bénéficiaires étrangers de prestations AI, rien de tel ne s'est produit.

2.5.1

Offres et demandes d'emplois

Entre 2003 et 2011, la proportion des personnes actives occupées âgées de 15 à 64 ans au sein de la population résidante permanente de la Suisse a augmenté en moyenne de 1,2 % par an (= évolution moyenne relative de l'exercice d'une activité lucrative). La progression a été nettement supérieure à la moyenne parmi les ressortissants des Etats membres de l'UE/AELE (+3,8 %) en raison de l'augmentation de l'immigration. La population active en provenance d'Etats tiers enregistre en revanche une progression inférieure à la moyenne (0,8 %).

S'agissant de la population suisse et des ressortissants de l'UE/AELE, la croissance de l'emploi a dépassé celle de la population. En d'autres termes, ces deux groupes sont parvenus à augmenter leur taux d'emploi entre 2003 et 2011. Par contre, le taux d'emploi des ressortissants d'Etats tiers est resté à un niveau bas. Les ressortissants d'Etats tiers qui disposent de qualifications peu élevées sont plus difficiles à intégrer sur le marché du travail.

L'introduction de l'ALCP a sensiblement complété le réservoir de main-d'oeuvre des entreprises suisses. En effet, les étrangers titulaires d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation de courte durée et les frontaliers ont pu augmenter fortement leur niveau d'emploi ces dernières années. De même, le taux des personnes actives occupées parmi les ressortissants suisses et les étrangers établis a enregistré une hausse au cours de ces dix dernières années. Entre 2003 et 2011, tant les ressortissants de l'UE/AELE (+4,4 %) que les Suisses (+2,1 %) ont pu augmenter leur taux d'emploi.

L'immigration en provenance de l'UE représente en majorité un soutien bienvenu aux travailleurs résidants. L'immigration a été particulièrement marquée dans chaque groupe de professions présentant une demande en main-d'oeuvre en forte augmentation et des taux de sans-emploi inférieurs à la moyenne. Au total, 83 % des personnes étrangères actives qui avaient immigré en Suisse après l'entrée en vigueur de l'ALCP possédaient au moins un diplôme du degré secondaire II et 51 % bénéficiaient même d'un diplôme du degré tertiaire. Ainsi, le niveau de qualification moyen des immigrants a dépassé celui de la population active résidante.

297

2.5.2

Salaires et chômage

La structure salariale est restée stable en Suisse après l'entrée en vigueur de l'ALCP.

L'évolution de la répartition salariale entre 2002 et 2010 montre que, depuis l'entrée en vigueur de l'ALCP, les salaires les plus bas n'ont pas été soumis à une pression particulièrement forte. Les conventions collectives de travail et les mesures d'accompagnement ont contribué à ce résultat.

Dans certaines branches, des données indiquent que les salaires d'embauche auraient subi une pression durant les années qui ont suivi l'entrée en vigueur de l'ALCP.

La thèse selon laquelle l'entrée en vigueur de la libre circulation des personnes aurait évincé les Suisses du marché du travail, parfois avancée, est contredite par l'examen des taux de chômage par groupe de professions. En effet, entre 2003 et 2011, les trois groupes de professions où la hausse de travailleurs en provenance de l'UE/AELE a été la plus marquée (cadres, professions académiques, techniciens et professions de même niveau) ont affiché des taux de chômage en baisse et inférieurs à la moyenne.

Le fait que le chômage ait rapidement diminué, en 2010, à la suite de l'évolution favorable de la situation économique en Suisse et qu'il s'inscrive depuis lors constamment à la baisse et ce, chez les travailleurs de toutes les nationalités, démontre que l'arrivée de nouveaux travailleurs étrangers ne se fait pas au détriment des travailleurs résidants. Dans certaines régions frontalières de Suisse, toutefois, on a parfois constaté une aggravation du chômage parmi la population indigène. Par ailleurs, bien qu'aucune étude ne permette de le déterminer de façon concluante, il est probable que les travailleurs étrangers peu qualifiés déjà installés en Suisse aient à subir la concurrence d'autres immigrés sur le marché de l'emploi.

Par rapport aux années nonante, le taux de chômage des étrangers a diminué et s'est quelque peu rapproché, ces dernières années, du faible niveau enregistré parmi la population active résidante. Il est frappant de constater que le taux de chômage de la population issue de l'UE/AELE est inférieur à celui des personnes en provenance d'Etats tiers, qui rencontrent plus de difficultés à s'intégrer dans le marché du travail en raison de leur niveau de qualification inférieur à la moyenne.

Selon les relevés du Secrétariat d'Etat à l'économie
(SECO), à fin octobre 2012, 125 536 personnes étaient inscrites au chômage auprès des offices régionaux de placement (ORP). Le taux de chômage est donc passé à 2,9 % (Suisses: 1,9 %). De manière générale, on peut d'ores et déjà affirmer que le taux de chômage en Suisse est resté stable et relativement bas après l'entrée en vigueur de l'ALCP. Les répercussions de l'ALCP sur le système de sécurité sociale sont en cours d'examen. Dans l'ensemble, on peut dire que l'immigration ralentit le vieillissement de la population, allégeant ainsi les assurances sociales du premier pilier (AVS/AI/APG/PC), financées selon un mécanisme de répartition. Aujourd'hui, les ressortissants de l'UE/AELE versent nettement plus de cotisations en faveur de ces assurances qu'ils n'en retirent.

298

2.5.3

Régions frontalières

A certains égards, l'immigration liée à la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE/AELE n'a pas eu les mêmes effets dans les régions frontalières que dans le reste de la Suisse. Pendant les années 2001 à 2008, en effet, la progression de l'emploi y a été supérieure. Par rapport à d'autres régions de Suisse, elle y a davantage touché les niveaux de qualification inférieurs en comparaison avec l'ensemble des travailleurs immigrés en provenance de l'UE/AELE. Alors que jusqu'en 2008, les chiffres de l'emploi ne laissaient guère entrevoir de répercussions négatives de la hausse de l'emploi frontalier sur l'emploi de la population résidante, le taux de chômage a légèrement augmenté dans trois des cinq régions frontalières ­ région lémanique, Suisse du Nord-ouest et arc jurassien ­ en regard des régions non frontalières35.

2.5.4

Marché du logement

Essentiellement liée à l'immigration, la croissance démographique a un impact sur le développement de la structure de l'habitat. Aujourd'hui, elle est surtout marquée dans les centres urbains et leur périphérie. Ainsi, on constate une forte demande de logements dans des zones où, justement, les réserves de terrains constructibles sont limitées.

Des personnes qui ne peuvent plus se permettre d'habiter au centre-ville déménagent en bordure d'agglomération, ce qui entraîne la construction d'infrastructures publiques supplémentaires (écoles, desserte par les transports publics, etc.). En réalité, l'immigration ne constitue que l'une des raisons de la pression croissante exercée sur les centres urbains. Les migrations intérieures convergent également vers les villes. Du point de vue des personnes en quête d'un logement, après le léger mieux observé en 2010, la situation s'est à nouveau détériorée en 2011. Dans le secteur locatif, l'extension de l'offre à proximité de grandes agglomérations n'est pas parvenue à suivre la cadence imposée par la croissance des ménages. On relève une forte pénurie de logements et, par conséquent, une hausse des loyers, dans pratiquement toutes les régions. Cette hausse est encore plus marquée en Suisse romande ainsi que dans la région zurichoise et en Suisse centrale.

Tandis que l'immigration a une incidence non négligeable sur l'évolution du secteur locatif dans les régions prisées, la demande dans le secteur de l'accès à la propriété d'un logement est presque exclusivement le fait des ménages suisses. Dans toute la Suisse, les ménages étrangers ne représentent qu'un peu plus de 6 % de l'ensemble des propriétaires fonciers, une proportion stable depuis plusieurs années (cf. étude «Libre circulation des personnes et marché du logement»).

35

Pour plus de détails, cf. le Rapport du Conseil fédéral sur la libre circulation des personnes et l'immigration en Suisse, p. 37, et le Huitième rapport de l'Observatoire sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE, du 25 mai 2012, SECO, ODM, OFS et OFAS, cf.: www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/27002.pdf.

299

2.6

Motif de l'initiative

D'après les auteurs de l'initiative, l'introduction de l'ALCP a entraîné des répercussions négatives, en particulier dans les domaines mentionnés ci-dessus. Ils estiment que la Suisse doit gérer l'admission des étrangers de manière autonome et que l'ALCP doit faire l'objet d'une nouvelle négociation car il ne permet pas de gérer l'immigration via des plafonds et des contingents36.

3

Buts et contenu

L'initiative vise à atteindre les buts suivants: ­

Limiter, par des plafonds annuels, le nombre des autorisations délivrées pour le séjour des étrangers en Suisse, toutes provenances confondues. Ces plafonds, qui s'appliqueront à toutes les autorisations délivrées en vertu du droit des étrangers, devront inclure les frontaliers et le domaine de l'asile.

­

Permettre de limiter le droit au séjour durable, au regroupement familial et aux prestations sociales.

­

Concernant l'admission d'étrangers exerçant une activité lucrative, tenir compte, lors de la fixation des plafonds et de l'octroi des autorisations, des besoins économiques globaux de la Suisse et du principe de la préférence nationale. Une demande d'un employeur sera indispensable pour l'octroi d'une autorisation. Deux autres critères devront aussi être vérifiés, à savoir la capacité d'intégration de l'étranger et l'existence d'une source de revenus suffisante et autonome.

­

Interdire la conclusion de traités internationaux contraires à ces principes.

Les traités internationaux en vigueur qui sont contraires aux buts de l'initiative devront, le cas échéant, être renégociés et adaptés dans un délai de trois ans à compter de l'acceptation du nouvel article constitutionnel.

3.1

Les dispositions du texte de l'initiative

3.1.1

Art. 121 Cst. [titre]

L'actuel art. 121 Cst. ne possède pas de titre, car il s'agit du seul article de la section 9 «Séjour et établissement des étrangers». Vu que l'initiative prévoit d'introduire un nouvel article sous cette section (art. 121a Cst.), il est nécessaire, pour des raisons formelles, de donner un titre à l'art. 121 Cst. Selon le texte de l'initiative, l'art. 121 Cst. sera précédé du titre «Législation dans le domaine des étrangers et de l'asile», sa teneur demeurant inchangée.

36

300

Argumentaire, p. 32

3.1.2

Art. 121a Cst. [nouveau]

Les auteurs de l'initiative proposent d'insérer dans la Constitution un art. 121a portant le titre «Gestion de l'immigration».

L'al. 1 de la nouvelle norme constitutionnelle proposée prévoit que la Suisse gère de manière autonome l'immigration des étrangers. Il ressort du contexte que la notion d'«immigration» doit être comprise au sens large et qu'elle doit inclure aussi bien les titulaires d'autorisations de séjour de courte durée et les frontaliers que les personnes relevant du domaine de l'asile (cf. art. 121a, al. 2 et 3). En parlant de gestion «autonome» de l'immigration, les auteurs de l'initiative veulent signifier qu'il doit appartenir aux autorités suisses de décider qui peut ou ne peut pas immigrer en Suisse.

L'al. 2 dispose, à la première phrase, que le nombre des autorisations délivrées pour le séjour des étrangers en Suisse est limité par des plafonds et des contingents annuels. Selon les arguments des auteurs de l'initiative, il s'agit de fixer un plafond annuel, qui sera réparti en différents contingents en fonction des catégories d'autorisations37. Le texte de l'initiative prévoit que des plafonds et des contingents devront aussi être instaurés en matière d'autorisations pour frontaliers, d'admissions pour raisons humanitaires (domaine de l'asile inclus), de regroupement familial et de formation. Conformément à la troisième phrase de l'al. 2, le droit au séjour durable, au regroupement familial et aux prestations sociales pourra être limité. D'après les auteurs de l'initiative, cette disposition vise à souligner que la Suisse est libre de fixer, dans ces domaines, des limites à l'admission d'étrangers38.

Aux termes de l'al. 3, les plafonds et les contingents annuels pour les étrangers exerçant une activité lucrative seraient fixés en fonction des intérêts économiques globaux de la Suisse et dans le respect du principe de la préférence nationale. Ils devraient en outre inclure les frontaliers. Par cette disposition, les auteurs de l'initiative entendent exprimer clairement que l'octroi d'autorisations doit répondre aux intérêts de l'économie suisse et que les intérêts individuels doivent passer au second plan. Un autre objectif des auteurs de l'initiative est d'instaurer des conditions d'admission identiques pour les étrangers exerçant une activité lucrative qui ont des qualifications
professionnelles et une capacité d'intégration égales et de supprimer la différenciation faite en fonction des pays de provenance. Les plafonds et les contingents annuels qui seront fixés devront respecter le principe de la préférence nationale, de manière à éviter que des autorisations soient accordées à des étrangers en vue de l'exercice d'une activité lucrative alors même qu'il y a suffisamment de main-d'oeuvre suisse. L'al. 3 donne ensuite une énumération non exhaustive des critères déterminants pour l'octroi d'autorisations de séjour (demande d'un employeur, capacité d'intégration et source de revenus suffisante et autonome).

L'al. 4, interdit la conclusion de traités internationaux contraires à la nouvelle norme constitutionnelle proposée, c'est-à-dire des traités empêchant une gestion de l'immigration. Selon les auteurs de l'initiative, le but de cette disposition est de réduire le risque de contradictions entre le texte de la Constitution et le texte de traités internationaux.

37 38

Argumentaire, p. 29 Argumentaire, p. 30

301

3.1.3

Art. 197, ch. 9, Cst. [nouveau]

Cette initiative n'incluant pas la modification d'une disposition transitoire en vigueur de la Constitution, le chiffre définitif de la disposition transitoire relative à la nouvelle norme constitutionnelle ne sera fixé qu'après le scrutin, en fonction des modifications constitutionnelles comportant des dispositions transitoires qui auront été acceptées entre-temps.

L'al. 1 prévoit que les traités internationaux contraires à l'art. 121a devront être renégociés et adaptés dans un délai de trois ans à compter de l'acceptation de la nouvelle norme constitutionnelle par le peuple et les cantons. Concrètement, cela signifie qu'il serait nécessaire de renégocier en particulier l'ALCP. En revanche, comme l'indiquent aussi les auteurs de l'initiative, cette disposition ne s'appliquerait pas, par exemple, à la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)39. Les accords internationaux contraires aux dispositions de l'initiative pourront continuer d'être appliqués pendant trois ans. S'il n'est pas possible de les renégocier et de les adapter dans ce délai, leur application ultérieure est interdite (al. 1; concernant l'incompatibilité avec l'ALCP, voir ch. 4.4.2).

Si les lois d'application ne sont pas entrées en vigueur dans les trois ans suivant l'acceptation de l'art. 121a Cst. par le peuple et les cantons, le Conseil fédéral édictera provisoirement les dispositions d'application nécessaires par voie d'ordonnance (al. 2). Selon les auteurs de l'initiative, cette disposition vise à garantir la mise en oeuvre de la nouvelle norme constitutionnelle dans un délai raisonnable.

3.2

Interprétation du texte de l'initiative

Une norme constitutionnelle doit être interprétée avant tout sur la base de sa teneur, de son sens et de son but, y compris les idées générales qui ont présidé à son adoption, à l'aide d'une méthode de compréhension téléologique40. Selon le point de vue adopté, il peut en résulter un éventail de plusieurs résultats possibles, avec une interprétation plus ou moins large du texte. C'est pourquoi, en cas d'acceptation d'une initiative, ses auteurs n'ont jamais la «souveraineté d'interprétation» exclusive d'une norme constitutionnelle. La norme doit au contraire être placée dans le contexte de la Constitution en tant que tout à l'aide de méthodes d'interprétation juridiques reconnues et interprétée sur la base de critères objectifs. La volonté des auteurs de l'initiative peut être prise en considération dans le cadre de l'interprétation historique (cf. Ehrenzeller 2012, p. 3 s.).

Art. 121a, al. 1, Cst.

L'art. 121a, al. 1, qui prévoit une gestion autonome de l'immigration, a un caractère programmatique. Une interprétation du terme «immigration» et de la notion de «gestion autonome» est ici nécessaire. L'immigration désigne le fait pour une personne ou un groupe de personnes de quitter leur lieu de résidence pour s'établir de manière permanente, ou du moins pendant une certaine durée, dans un autre lieu.

Les frontaliers, les touristes et les personnes séjournant brièvement dans un pays 39 40

302

Argumentaire, p. 32 Cf. ATF 131 I 74, consid. 4.1

n'entrent pas dans la définition courante du terme. Les avis divergent cependant en ce qui concerne les travailleurs migrants saisonniers. La disposition est formulée de manière ouverte et n'exclut pas sur le principe, en relation avec l'al. 4 (obligation d'adapter les accords existants), que la Suisse continue d'appliquer des traités internationaux en vigueur en matière d'immigration ou qu'elle en conclue de nouveaux.

Dans un cas comme dans l'autre néanmoins, les conditions visées dans la nouvelle norme constitutionnelle devront être respectées (al. 4): les accords internationaux devront tenir compte en particulier des intérêts économiques globaux de la Suisse; l'immigration ne devra pas dépasser les plafonds fixés (cf. al. 2). Une gestion autonome de l'immigration n'exclut pas non plus que la Suisse accorde, dans les limites du cadre défini, un traitement privilégié à certains Etats en matière d'admission d'étrangers.

Art. 121a, al. 2, Cst.

Cette disposition vise à limiter, par des plafonds et des contingents annuels, le nombre des autorisations délivrées pour le séjour des étrangers en Suisse. Ces plafonds vaudront pour toutes les autorisations délivrées en vertu du droit des étrangers, domaine de l'asile inclus. La disposition prévoit en outre que le droit au séjour durable, au regroupement familial et aux prestations sociales pourra être limité.

La manière dont les différentes catégories d'admissions devront être définies ne ressort pas du texte de la norme. Les plafonds devront néanmoins être fixés tous les ans. La disposition ne précise pas non plus qui fixera ces plafonds et sous quelle forme. La solution consistant à fixer les contingents chaque année dans une loi au sens formel ne serait guère praticable. Le législateur devrait plutôt déléguer cette compétence au Conseil fédéral, comme c'est le cas aujourd'hui pour l'admission de travailleurs en provenance d'Etats tiers. Des nombres maximums sont fixés pour cette catégorie d'étrangers, conformément à l'art. 20 LEtr, dans les annexes 1 et 2 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA)41. La disposition proposée n'est donc pas directement applicable; elle doit être concrétisée par le législateur (voir aussi les explications concernant l'al. 3).

Comme indiqué ci-dessus, le droit en
vigueur fixe des nombres maximums d'autorisations de séjour de courte durée et d'autorisations de séjour pour les travailleurs en provenance d'Etats tiers. L'initiative propose que des nombres maximums, c'està-dire des plafonds, et des contingents s'appliquent dorénavant aussi à l'octroi d'autorisations pour frontaliers, à l'admission pour raisons humanitaires (domaine de l'asile inclus), au regroupement familial et à l'admission à des fins de formation.

Aucun plafond n'est appliqué actuellement pour ces différents types d'admissions, car la marge de manoeuvre pour gérer l'immigration dans ces domaines est très restreinte. Tant en matière d'asile que de regroupement familial, la Suisse est liée par des engagements internationaux en matière d'admissions (Convention relative au statut des réfugiés, CEDH, Convention relative aux droits de l'enfant, etc.), si bien que la fixation de plafonds n'est pas un outil approprié pour limiter l'immigration. A cela s'ajoute que limiter le nombre d'autorisations délivrées pour raisons humanitaires irait à l'encontre de la tradition d'accueil de la Suisse. Il serait donc difficile de mettre en oeuvre l'initiative dans ce domaine. Les plafonds concernant les admissions pour motifs humanitaires devraient être aménagés de manière suffisamment 41

RS 142.201

303

souple, notamment dans le domaine de l'asile, pour que les normes impératives du droit international puissent être respectées dans tous les cas (cf. aussi les ch. 1.3.2 et 4.2.3).

L'art. 121a, al. 2, dispose, à la troisième phrase, que le droit au séjour durable, au regroupement familial et aux prestations sociales peut être limité. Le droit en vigueur prévoit déjà des restrictions pour les ressortissants d'Etats tiers. Les art. 61 à 64 LEtr règlent les conditions d'extinction et de révocation des autorisations. Même l'autorisation d'établissement, qui n'est pas limitée dans le temps, peut être révoquée à certaines conditions (art. 63 LEtr). Les étrangers dont l'autorisation est révoquée ou n'est pas prolongée sont tenus de quitter la Suisse (art. 64 LEtr). Concernant le regroupement familial, des restrictions sont aussi définies dans la loi (art. 42 à 52 LEtr). La LEtr fixe, outre des conditions matérielles, des délais pour le regroupement familial (art. 47) et prévoit aussi l'extinction de ce droit dans un certain nombre de cas (art. 51).

Le droit au séjour en vertu de l'ALCP peut être révoqué si la personne constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour la sécurité et l'ordre publics ou si elle ne remplit plus les conditions fixées dans l'accord. C'est le cas par exemple des personnes bénéficiant d'une autorisation de séjour pour personnes sans activité lucrative qui ne disposent plus de moyens financiers suffisants.

Le versement de prestations sociales est régi par le droit cantonal et peut, dans certaines conditions, être refusé ou réduit, indépendamment de la nationalité des intéressés. Une aide d'urgence permettant de couvrir les besoins vitaux doit néanmoins être garantie dans tous les cas (art. 12 Cst.). Pour les ressortissants d'Etats tiers, la dépendance à l'aide sociale est un motif exprès de révocation des autorisations et autres décisions fondées sur le droit des étrangers (art. 62 LEtr).

L'ALCP met les travailleurs en provenance de l'UE/AELE et les membres de leur famille sur un pied d'égalité avec les citoyens suisses concernant une éventuelle limitation des prestations sociales. Il en va de même pour les réfugiés reconnus, conformément aux dispositions de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés.

Art. 121a, al. 3, Cst.

La première phrase de
l'art. 121a, al. 3, montre elle aussi que la norme constitutionnelle proposée n'est pas directement applicable. Cette disposition doit être comprise comme une instruction à l'attention du législateur.

Les intérêts économiques globaux visés à l'al. 3 constituent déjà un critère d'admission important dans le droit en vigueur. L'admission de travailleurs en provenance de pays non membres de l'UE/AELE se fait aujourd'hui déjà en fonction des intérêts de l'économie suisse, des chances d'une intégration professionnelle et sociale durable et des besoins culturels et scientifiques de la Suisse (art. 3 LEtr). Il est tenu compte, notamment, de la situation sur le marché du travail, le but étant de promouvoir un développement durable de l'économie. L'admission de travailleurs en provenance de l'UE/AELE est régie, dans le cadre de l'ALCP, par des conditions plus simples (cf. ch. 2.2.1). Dans ce cas en effet, l'immigration est fonction avant tout de la demande en main-d'oeuvre des entreprises suisses.

304

Il peut tout à fait être dans l'intérêt économique global de la Suisse d'accorder, dans le cadre de la norme constitutionnelle proposée, un traitement privilégié en matière d'admission aux ressortissants des Etats avec lesquels la Suisse entretient des relations économiques très étroites. L'émergence d'un système d'admission dual tel qu'il existait avant l'entrée en vigueur de l'ALCP ne serait alors pas exclue, une évolution que confirme aussi le fait que l'al. 3 n'énumère pas les conditions d'admission de manière exhaustive.

L'al. 3 prévoit un autre critère déterminant, à savoir que les plafonds et les contingents annuels doivent être fixés dans le respect du principe de la préférence nationale. Si l'on s'en tient au libellé de la disposition, cette préférence vaut uniquement pour les citoyens suisses et non pour les étrangers sans emploi admis par le passé.

Subordonner la fixation des plafonds et des contingents au «respect» du principe de la préférence nationale signifie que ce critère ne doit être négligé ni lors de l'examen de la situation, ni lors de la prise de décision proprement dite. La préférence nationale ne serait cependant pas absolue. Le droit en vigueur permet déjà de déroger, dans des cas déterminés, à l'ordre de priorité prévu dans la LEtr lors de l'admission de ressortissant d'Etats tiers (art. 21 et art. 30, al. 1), par exemple pour simplifier les échanges de cadres supérieurs et de spécialistes indispensables au sein d'une entreprise déployant des activités internationales ou pour simplifier les échanges internationaux dans les domaines scientifique et culturel. On pourrait donc interpréter la nouvelle norme constitutionnelle de telle sorte qu'il soit possible d'y déroger lors de son application afin de tenir compte de ces nécessités.

Art. 121a, al. 4, Cst.

En interdisant la conclusion de nouveaux traités internationaux contraires à la norme constitutionnelle proposée, l'art. 121a, al. 4, règle, en matière d'immigration, un aspect qui relève expressément des affaires étrangères. La compétence que la Constitution confère à la Confédération de conclure des accords internationaux s'en trouverait explicitement restreinte pour les questions touchant au domaine circonscrit de l'immigration. Dans cet alinéa, c'est avant tout le terme «conclure» qui doit être interprété. L'art. 121a,
al. 4, n'interdit pas au Conseil fédéral de signer un traité international qui sera soumis à l'approbation du Parlement. En effet, en vertu de l'art. 141a, al. 1, Cst., l'Assemblée fédérale peut intégrer des modifications constitutionnelles requises par la mise en oeuvre d'un traité international dans l'arrêté d'approbation, ce dernier étant soumis au référendum obligatoire. En revanche, la signature de traités internationaux relevant, conformément aux dispositions de la loi ou d'un accord international, de la seule compétence du Conseil fédéral est strictement interdite.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Appréciation des buts de l'initiative

L'initiative entraînerait une réorientation complète de la politique suisse en matière d'admission, qui ne serait dès lors plus compatible avec l'ALCP. L'immigration résulte aujourd'hui, en premier lieu, de la bonne situation économique de la Suisse et de la forte demande de main-d'oeuvre qualifiée en particulier. Le Conseil fédéral

305

estime que dans l'ensemble, la politique actuelle en matière d'admission a fait ses preuves.

Le Conseil fédéral a présenté, le 4 juillet 2012, un rapport détaillé sur les conséquences pour la Suisse de la libre circulation des personnes et de l'immigration42, selon lequel l'immigration en provenance des Etats de l'UE/AELE a des effets largement positifs sur l'évolution économique de la Suisse.

Ce rapport ne tait pas le fait que la croissance économique de la Suisse et l'immigration relativement élevée qui l'a accompagnée ces dernières années ont entraîné une croissance démographique, ce qui renforce un certain nombre de problèmes, en particulier pour l'intégration, le marché du logement, la planification des infrastructures et l'aménagement du territoire, ou encore la politique de formation. La forte immigration renforce la nécessité de procéder à des réformes dans les domaines cités, et le Conseil fédéral va s'y employer, mais l'initiative n'est pas un instrument adéquat à cette fin. Les mesures proposées par le Conseil fédéral pour traiter les problèmes causé par l'immigration sont présentées en détail au ch. 4.3.2.

4.2

Conséquences en cas d'acceptation de l'initiative

4.2.1

Renégociation de l'ALCP

Comme évoqué au ch. 3.1.3, l'ALCP devrait être dénoncé dans les trois ans, s'il n'était pas possible, dans ce délai, de renégocier l'accord pour le mettre en conformité avec le texte de l'initiative.

Si la renégociation de l'ALCP n'apparaît pas exclue a priori, du moins dans la perspective suisse, il ne faut pas oublier que l'UE conditionne déjà la conclusion de nouveaux accords avec la Suisse à la reprise intégrale du droit communautaire et de ses développements. Elle se heurterait aussi à un obstacle de fond: le principe de la libre circulation des personnes est une liberté fondamentale garantie par l'UE; elle est aussi, pour l'UE, une condition essentielle à la participation à son marché intérieur. Son abolition à l'égard des pays de l'UE/AELE, par le rétablissement de contingents et de la préférence nationale dans l'accès à l'emploi (comme le préconise l'initiative), serait donc en flagrante contradiction avec les principes fondamentaux de l'EU (cf. ch. 4.4.2). Les pays-membres de l'UE ne sauraient, en effet, tolérer dans ce domaine une discrimination de leurs citoyens par rapport aux Suisses.

L'initiative n'est pas conciliable avec l'ALCP, qui devrait selon toute vraisemblance être dénoncé en cas d'acceptation de l'initiative.

En cas d'acceptation de cette initiative, il resterait ainsi à la Suisse à dénoncer l'accord, au plus tard dans les trois ans suivant le scrutin. Une dénonciation qui serait lourde de conséquences pour les relations entre la Suisse et l'UE, puisqu'elle entraînerait l'application de la «clause guillotine», dans les six mois suivant sa notification (art. 25, par. 4, ALCP). Elle signerait donc la fin des accords bilatéraux I, c'est-à-dire de l'accord concernant les marchés publics, de l'accord sur la prévention des obstacles techniques au commerce, de l'accord relatif aux échanges

42

306

Rapport du Conseil fédéral du 4 juillet 2012 sur la libre circulation des personnes et l'immigration en Suisse

de produits agricoles, et des accords sur le transport aérien et sur le transport par rail et par route (cf. ch. 4.3.1).

L'ALCP comprend, certes, dans son art. 14, par. 2, une clause de sauvegarde générale prévoyant qu'en cas de difficultés sérieuses d'ordre économique ou social, le Comité mixte peut se réunir, à la demande d'une des parties contractantes, afin d'examiner des mesures correctives appropriées. Ces mesures doivent, d'une part, se limiter, dans leur champ d'application et leur durée, à ce qui est strictement indispensable et, d'autre part, entraver le moins possible le fonctionnement de l'accord. Théoriquement, le Comité mixte pourrait ainsi se réunir pour décider ­ par consensus unanime ­ de la suite à donner en cas d'acceptation de l'initiative. Mais l'UE serait sans doute peu disposée à considérer l'issue favorable du scrutin comme une «difficulté sérieuse d'ordre économique ou social» de la Suisse, et ce d'autant moins que les Etats membres de l'UE sont aujourd'hui eux-mêmes confrontés à d'importants problèmes économiques et sociaux.

4.2.2

Répercussions sur d'autres traités

Outre les accords liés par la clause guillotine, il n'est pas à exclure que l'UE remette en question d'autres accords conclus avec la Suisse, dont elle estime qu'ils sont corrélés à l'ALCP. Il pourrait en aller ainsi des accords d'association à Schengen et Dublin (AAS et AAD), de l'accord «MEDIA» et de l'accord «Education, formation professionnelle, jeunesse», ou encore de l'accord sur la recherche.

L'AAS et l'AAD ne sont pas juridiquement liés à l'ALCP. Ils échappent, dès lors, à la clause guillotine. Le risque d'une dénonciation de ces accords par l'UE n'en demeure pas moins en cas de dénonciation de l'ALCP, sachant que l'existence d'un accord de libre-circulation entre la Suisse et l'UE était une condition préalable à l'association de la Suisse à l'acquis de Schengen. Les accords d'association à Schengen et Dublin sont, en effet, complémentaires à l'ALCP, en ce qu'ils facilitent la circulation des personnes dans l'espace Schengen. Enfin, du fait de leur étroite corrélation, une dénonciation de l'AAS signifierait automatiquement la fin de l'AAD (art. 14 AAD).

L'accord d'association de la Suisse au 5e programme-cadre de recherche faisait partie des accords sectoriels conclus en 1999 (accords bilatéraux I) et tombait ainsi sous le coup de la clause guillotine. Cette clause n'a certes pas été reprise dans le cadre de la participation suisse aux programmes-cadres suivants, mais l'UE pourrait parfaitement rétablir le lien entre ce dossier et la libre circulation des personnes et dénoncer l'accord sur la recherche, si l'ALCP devait cesser de s'appliquer.

4.2.3

Mise en oeuvre de l'initiative

L'objectif premier des auteurs de l'initiative est de limiter la nouvelle admission de travailleurs étrangers, par l'instauration de plafonds et de contingents annuels d'autorisations pour le séjour d'étrangers en Suisse et par le respect de la préférence nationale (sur l'interprétation de l'initiative, cf. ch. 3.2).

307

Pour ce faire, ils proposent de revenir au régime d'admission qui avait cours avant l'introduction de la libre circulation des personnes, mais sans accorder de régime préférentiel aux ressortissants de l'UE/AELE43. Le libellé des dispositions constitutionnelles proposées est cependant suffisamment large pour permettre de privilégier l'immigration de ressortissants de certains pays, si elle sert les intérêts économiques globaux de la Suisse.

Les auteurs de l'initiative proposent, par ailleurs, d'examiner l'opportunité d'un système à points, sur le modèle australien ou canadien, pour déterminer l'admissibilité des candidats à l'immigration. On notera que cette option avait déjà été étudiée en profondeur dans le cadre des travaux préparatoires de la loi sur les étrangers (entrée en vigueur le 1er janvier 2008). Les arguments qui avaient conduit le Conseil fédéral à y renoncer sont, en substance, les suivants:44 ­

L'uniformisation des critères d'admission compliquerait le traitement des cas spéciaux, par exemple celui des investisseurs, des sportifs, des artistes ou d'autres personnes possédant des connaissances ou des aptitudes particulières. La nécessité d'attribuer un «bonus spécial» dans ces cas relativiserait l'objectivité de tout le système.

­

L'instauration d'un système à points par une législation fédérale supposerait la définition de critères uniformes: ceux-ci réduiraient le pouvoir d'appréciation des autorités, qui demeure nécessaire, même en suivant une politique d'admission restrictive.

­

Sa mise en oeuvre engendrerait une charge considérable pour l'administration.

­

Le système manquerait de souplesse, faute de pouvoir ajuster régulièrement la pondération des critères aux évolutions économiques.

­

Enfin, ce système donnerait une apparence de précision et d'objectivité qui, de fait, ne peuvent être atteintes dans la pratique. Car même dans un système à points, un certain pouvoir d'appréciation doit être laissé aux autorités pour pouvoir tenir compte de cas particuliers.

Soucieux de donner un cadre cohérent à la politique fédérale des étrangers, le législateur a finalement choisi de réglementer l'accès au marché du travail suisse pour les travailleurs d'Etats tiers par le plafonnement des autorisations, la préférence aux travailleurs en Suisse dans l'accès à l'emploi et le contrôle des conditions de rémunération et de travail.

En cas d'acceptation de l'initiative, il faudrait s'assurer, pour chaque autorisation de travail délivrée, que les conditions prévues par l'initiative sont effectivement remplies (demande d'un employeur, respect des plafonds fixés et de la préférence nationale, capacité d'intégration du candidat et justificatif d'une source de revenus suffisante et autonome).

L'initiative exige, ensuite, un plafonnement généralisé des autorisations de séjour.

Ces plafonds s'appliqueraient donc également aux personnes admises dans un but autre que l'exercice d'une activité lucrative, à des fins d'études ou de regroupement familial ou encore pour raisons humanitaires, notamment dans le domaine de l'asile.

43 44

308

Argumentaire, p. 30 Cf. message du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers (FF 2002 3469, ici 3486 ss)

Ce serait une nouveauté pour la Suisse: à ce jour, seules les autorisations de séjour pour prise d'emploi étaient contingentées, cet instrument ne se prêtant pas à tous les motifs d'admission (en particulier aux admissions au titre du regroupement familial ou du droit d'asile), sachant que des considérations légales entrent en jeu, notamment des règles de droit international que la Suisse se doit de respecter. Il ne serait, p. ex. pas concevable de refuser à un Suisse de faire venir son conjoint étranger en Suisse, au motif que le contingent annuel d'autorisations est épuisé.

Dans le domaine humanitaire, un plafonnement strict des autorisations risquerait aussi de conduire, après épuisement des contingents, à enfreindre le droit international impératif (principe du non refoulement). Pour y parer, il faudrait prévoir la possibilité de dépasser ponctuellement ces plafonds ou de les relever. Il faudrait aussi définir plus précisément, pour le domaine de l'asile, quels types de séjours seraient pris en compte dans la définition des plafonds45. Les auteurs de l'initiative reconnaissent, à cet égard, la nécessité de respecter les règles impératives du droit international. Si l'on se réfère à leur argumentaire, le but est uniquement de s'assurer que les restrictions à l'immigration ne puissent être contournées par la voie de l'asile. Il ne s'agit pas de refuser l'admission aux réfugiés authentiques (cf.

ch.1.3.2)46. Sur ce point, rappelons qu'aujourd'hui déjà, il n'est pas entré en matière sur une demande d'asile lorsque celle-ci est motivée uniquement par la volonté de trouver un emploi en Suisse.

La législation en vigueur prévoit, par ailleurs, des dérogations aux restrictions d'admission (art. 30, LEtr; p. ex. dans les cas de rigueur, ou pour simplifier les échanges internationaux en matière de perfectionnement professionnel). Les conditions légales d'admission sont régulièrement réévaluées et adaptées (p. ex. dans le cadre des travaux de révision de la loi sur l'asile en cours).

Enfin, la généralisation des plafonds, voulue par les auteurs de l'initiative, nécessiterait la mise en place de laborieuses et complexes procédures d'autorisation (cf. ch. 4.2.4).

4.2.4

Répercussions sur les finances et le personnel

Aujourd'hui, les autorités fédérales et cantonales compétentes traitent chaque année environ 13 000 demandes d'autorisation de séjour de ressortissants de pays hors UE/AELE qui souhaitent prendre un emploi en Suisse. En cas d'acceptation de l'initiative, il faudrait ajouter à ce nombre quelque 140 000 demandes émanant de ressortissants de l'UE/AELE et 60 000 demandes concernant des frontaliers (extrapolation basée sur les chiffres 2011)47. Cette nouvelle donne nécessiterait un renforcement substantiel du personnel des autorités du marché du travail, pour permettre le déroulement efficace des procédures d'examen qu'entend introduire

45 46 47

Argumentaire, p. 30 Argumentaire, p. 30 Le nombre d'actifs ressortissants de l'UE/AELE nouvellement entrés en Suisse s'est élevé à 144 791 en 2011 (dont 65 574 à titre permanent et 80 217 à titre temporaire).

Ce chiffre comprend aussi les actifs entrés en Suisse par regroupement familial (soit 500 personnes environ). Par ailleurs, 62 306 autorisations de travail pour frontaliers ont été délivrées la même année. En cas d'acceptation de l'initiative, ces effectifs seraient également soumis aux contingents et à la condition d'examen du marché de l'emploi.

309

l'initiative. Il n'est toutefois pas possible d'avancer de chiffres en l'état, faute de connaître les modalités de mise en oeuvre de l'initiative.

Par ailleurs, la politique d'admission préconisée par les auteurs de l'initiative ne permettrait pas de réduire significativement le coût de l'intégration des étrangers nouvellement arrivés. La politique sélective menée aujourd'hui privilégie déjà l'immigration qualifiée, sans compter que la Suisse peut se targuer d'un bilan largement positif en matière d'intégration. Le «plan d'intégration» dont s'est doté le Conseil fédéral, permet, tout à la fois, d'apporter une réponse stratégique aux déficits d'intégration et d'accompagner efficacement les étrangers nouvellement venus dans leur parcours d'intégration. Par contre, l'évaluation de la capacité d'intégration, à laquelle les auteurs de l'initiative entendent conditionner l'octroi d'une autorisation de séjour, alourdirait la charge administrative des autorités dans des proportions difficilement chiffrables. Les cantons ont du reste souligné, lors de la consultation sur la révision partielle de la LEtr, que l'instauration d'un examen systématique des critères d'intégration, comme préalable au renouvellement d'une autorisation de séjour, mettrait à mal leurs capacités. Il n'y aurait pas de sens, non plus, d'y procéder avant l'entrée sur le territoire, faute de pouvoir anticiper le parcours d'intégration des nouveaux arrivants. Il n'est pas davantage possible, en l'état, de chiffrer les répercussions financières d'une dénonciation des accords bilatéraux I liés par la clause guillotine (cf. ch. 4.2.1).

Les conséquences d'une dénonciation de l'ALCP pourraient s'alourdir (en termes de finances et de personnel) si l'UE venait à dénoncer d'autres accords en parallèle (cf.

ch. 4.2.2).

Une dénonciation de l'AAS et de l'AAD aurait, certes, pour conséquence la fin des contributions suisses aux dispositifs de Schengen et Dublin, notamment les contributions aux frais administratifs et aux frais d'exploitation, les contributions aux agences IT et Frontex et les contributions au Fonds pour les frontières extérieures. Mais la sortie du régime de coopération Schengen/Dublin s'accompagnerait aussi de coûts considérables (amortissement des investissements déjà consentis, p. ex. pour le raccordement à l'infrastructure
informatique de Schengen et Dublin, adaptation des systèmes informatiques nationaux tels que SYMIC, AFIS) et d'ajustements structurels (système national d'information sur les visas, introduction d'un nouveau visa suisse et d'un nouveau régime de contrôle aux frontières routières, ferroviaires et aéroportuaires).

La Suisse serait également privée des économies réalisées du fait de sa participation à la coopération au titre de Schengen et Dublin. Rappelons qu'une procédure Dublin dure en moyenne quatre mois de moins qu'une procédure d'asile ordinaire (précédant une décision de première instance). L'addition s'alourdirait ainsi de quelque 26,5 millions de francs en moyenne par an, du fait du recul des décisions de nonentrée en matière (soit environ 4000 décisions rendues par an en vertu des accords de Dublin). Sans compter que la sortie du dispositif de Dublin ferait de la Suisse une destination très attrayante pour les requérants d'asile déboutés dans l'espace européen, lesquels pourraient déposer dans notre pays une nouvelle demande, que la Suisse serait tenue d'examiner. En partant d'un nombre ­ prudemment ­ estimé à 2000 demandes d'asile supplémentaires par an, les coûts d'hébergement et d'aide sociale s'accroîtraient ainsi de quelque 40 millions de francs par an (les sommes transférées aux cantons au titre de l'hébergement et de l'aide sociale sont en moyenne de 20 000 francs par requérant).

310

4.2.5

Entrée en vigueur et dispositions transitoires

Les dispositions constitutionnelles prévues par l'initiative entreraient en vigueur le jour de leur acceptation par le peuple et les cantons (art. 195 Cst.). Les traités internationaux contraires à ces nouvelles dispositions ­ en particulier l'ALCP (cf.

ch. 4.4.2) ­ devraient être renégociés et adaptés dans un délai de trois ans (art. 197, ch. 9, al. 1, Cst. [nouveau]).

Les nouvelles dispositions constitutionnelles ne seraient pas directement applicables: l'art. 121a, al. 5, Cst. dispose, en effet, que les modalités d'application seront réglées par la loi. Il resterait notamment à préciser les modalités du nouveau système d'admission, en veillant à respecter le mieux possible les autres engagements internationaux de la Suisse.

La loi d'application devrait entrer en vigueur dans les trois ans à compter de l'acceptation de l'initiative par le peuple et les cantons; à défaut, le Conseil fédéral devrait édicter les dispositions d'application nécessaires par voie d'ordonnance.

L'ALCP pourrait donc, en principe, continuer de s'appliquer pour une durée maximale de trois ans.

4.3

Défauts de l'initiative

Contrairement à l'initiative, le Conseil fédéral souhaite poursuivre une politique d'admission dont il estime qu'elle a fait ses preuves et qui est fondée sur la libre circulation des personnes dans le cadre défini par l'ALCP et sur des critères d'admission stricts pour les ressortissants de pays tiers. L'introduction générale de plafonds, comme le propose l'initiative, n'est pas un instrument adéquat pour limiter l'immigration, en particulier pour ce qui est de l'admission humanitaire et du regroupement familial. Dans ces domaines, l'immigration ne peut être pilotée que de manière très restreinte, en raison des obligations de droit international de la Suisse.

Une acceptation de l'initiative entraînerait par ailleurs un surcroît de travail administratif, tant pour les employeurs que pour les autorités des cantons et de la Confédération.

L'acceptation de l'initiative nuirait, en outre, à la croissance économique de la Suisse, en dégradant sa compétitivité et son attractivité. Les conséquences les plus graves d'une dénonciation de l'ALCP sont présentées en détail dans les chapitres suivants.

4.3.1

Graves conséquences pour l'économie suisse

S'il est difficile, à ce stade, de prendre la mesure de ce que signifierait la dénonciation de l'ALCP et la dénonciation automatique de tous les accords bilatéraux I qu'elle entraînerait, ainsi que la dénonciation éventuelle d'autres accords, une chose est certaine: de graves conséquences sont à craindre pour l'économie.

Pour une petite économie ouverte comme celle de la Suisse, l'accès aux marchés internationaux est une nécessité vitale. Sans cela, le pays se retrouverait dans une situation économique semblable à celle de la seconde moitié des années 1990 ­ il 311

connaissait alors un taux de chômage plus élevé que la normale. Les exportations de la Suisse sont destinées à près de 60 % aux marchés de l'UE, et ses importations en proviennent à 80 %. Grâce aux accords bilatéraux, la Suisse fait partie du marché intérieur de l'UE, qui compte 500 millions de consommateurs. Forte de ses 27 Etats membres, l'UE est donc, de loin, le principal partenaire commercial de la Suisse.

Sachant que grâce aux mesures d'accompagnement, la libre circulation des personnes a pu être introduite sans produire de grands bouleversements sur le marché suisse du travail, il conviendrait de ne pas mettre en danger ces accords.

Fin de l'accès garanti au marché du travail de l'UE L'ALCP permet aux ressortissants suisses de bénéficier des mêmes chances et conditions d'accès au marché du travail des pays de l'UE que les citoyens de l'UE.

Les Suisses bénéficient également de conditions d'établissement facilitées dans les pays de l'UE. Tel ne serait plus le cas si l'ALCP venait à être dénoncé.

L'ALCP est le pilier central des accords bilatéraux entre la Suisse et l'UE. L'introduction de la liberté de circulation des personnes est, sans doute aucun, la réforme la plus importante intervenue dans la politique économique au cours des deux dernières décennies. Grâce à l'ouverture du marché du travail aux pays de l'UE/AELE, la Suisse a connu une croissance de l'économie et de l'emploi particulièrement soutenue ces dernières années. Même en période de conjoncture difficile, et lors de la crise de 2009, l'immigration a eu un effet stabilisateur sur la conjoncture suisse et, partant, un impact positif sur l'emploi. Ce sont en particulier la consommation des ménages et le bâtiment qui ont profité de l'immigration de ces dernières années. Si l'accès facilité à la main-d'oeuvre des pays de l'UE/AELE est supprimé, les entreprises seront confrontées à une pénurie de personnel, particulièrement lors des périodes de forte conjoncture, durant lesquelles les plafonds se révèlent souvent insuffisants.

La croissance de l'économie et de l'emploi s'en trouveraient nettement affaiblies.

L'acceptation de l'initiative pourrait conduire via la perte d'attractivité de la Suisse à une diminution de la productivité, à une diminution de la croissance avec à la clé des pertes durables d'emplois et une augmentation
structurelle du chômage.

Ce dynamisme, porté par l'attractivité du marché suisse du travail et par des conditions d'accès simplifiées dans le cadre de l'ALCP (p. ex. accords concernant les assurances sociales, reconnaissance mutuelle des diplômes, octroi rapide et sans formalités bureaucratiques des autorisations), permet à la Suisse de recruter à l'étranger pour compléter ses effectifs de main-d'oeuvre qualifiée. Pour la place économique suisse, que ce soit pour les entreprises de haute technologie ou celles à vocation internationale, il est primordial de pouvoir puiser dans le réservoir de talents européens. Or, dans un système d'immigration contingenté, les obstacles administratifs rendraient nettement plus difficile le recrutement de spécialistes étrangers et les entreprises auraient plus de mal à planifier l'avenir. Au final, la place économique suisse connaîtrait une perte d'attractivité générale. La capacité d'attirer des travailleurs étrangers donne aussi un avantage considérable à notre économie dans le contexte du vieillissement de la population. La dénonciation de l'ALCP mettrait un terme au ralentissement du vieillissement de la population induit par l'immigration, et aurait ainsi un impact négatif sur les assurances sociales, fondées sur le principe de répartition.

312

Fin de l'accès garanti aux marchés publics La fin de l'accès garanti aux marchés publics européens (communes, districts, transport par rail, octroi de droits exclusifs, etc.) pour les soumissionnaires suisses entraînerait une perte d'efficacité des marchés publics suisses. Sachant que les conditions d'accès au marché suisse seraient également durcies pour les entreprises européennes, il en résulterait une baisse générale de la concurrence, accompagnée d'une hausse des prix. Dans le même temps, les autorités suisses perdraient accès aux commissions d'adjudication, aux réseaux et aux décideurs européens (Commission européenne et pays membres de l'UE).

Obstacles à l'exportation vers les pays membres de l'UE L'accord du 21 juin 1999 de reconnaissance mutuelle en matière d'évaluation de la conformité48, conclu entre la Confédération suisse et la Communauté européenne et entré en vigueur le 1er juin 2002 (Accord de reconnaissance mutuelle, ARM) revêt une importance majeure pour le libre échange de produits industriels entre la Suisse et l'Union européenne, en ce qu'il confère à la Suisse, dans nombre de secteurs industriels, un statut quasiment identique à celui des Etats membres de l'EEE. Pour l'industrie suisse d'exportation, les conditions d'accès facilitées au marché représentent un allègement administratif et financier, mais aussi un gain de temps considérables.

L'ARM garantit aux producteurs suisses des conditions d'accès au marché européen quasiment identiques à celles dont bénéficient leurs concurrents européens, dans les secteurs couverts par l'accord. Cela signifie notamment que les exportateurs suisses peuvent passer par un seul et même organisme d'évaluation de la conformité (OEC), qui peut être suisse ou européen, pour avoir le droit de mettre leurs produits sur le marché en Suisse comme en Europe. Depuis le 1er février 2007, le champ d'application de l'accord ne se limite plus aux produits originaires des parties contractantes; les exportateurs suisses peuvent donc aussi faire évaluer et certifier des produits qui ne sont pas fabriqués en Europe par un OEC suisse en vue de leur commercialisation dans l'UE avec, à la clé, l'apposition du marquage «CE» s'ils satisfont aux exigences. Cette procédure, d'une part, répond à la mondialisation croissante de l'économie et, d'autre part, permet
aux exportateurs de s'adresser à l'OEC le plus proche, dont ils partagent la langue et qui correspond le mieux à leurs besoins.

Selon les statistiques douanières, le volume des exportations suisses destinées aux Etats de l'UE et concernées par l'ARM est estimé à 47 milliards de francs environ49.

Les importations issues de l'UE sont également de l'ordre de 47 milliards de francs50. Dans l'ensemble, la levée des obstacles au commerce a eu un impact clairement positif sur l'économie, sous l'effet conjugué de la baisse des prix et des avantages concurrentiels apportés par l'ARM.

48 49

50

RS 0.946.526.81 Chiffre 2006. Ce chiffre couvre les secteurs suivants: électroménager, machines, véhicules (à l'exclusion des deux-roues), instruments de mesure et de précision, jouets, dispositifs médicaux et équipements de télécommunications.

La concordance entre la valeur des exportations et celle des importations est purement fortuite; les chiffres varient considérablement d'une catégorie de produits à l'autre.

313

Obstacles aux exportations agricoles vers l'UE L'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif aux échanges de produits agricoles (accord agricole)51 vise l'élimination des obstacles tarifaires et techniques au commerce de certains produits agricoles. La suppression de cet accord pénaliserait lourdement les producteurs suisses ­ en particulier les producteurs de fromage ­ dans l'accès au marché européen. Du fait de la non-reconnaissance mutuelle des normes et prescriptions techniques, ainsi que des conditions de mise sur le marché des produits, le commerce de certains produits (notamment de culture biologique) serait, en outre, entravé par l'introduction de nouveaux contrôles douaniers, nécessitant des formalités administratives et entraînant des coûts supplémentaires; les contrôles vétérinaires à la douane, aujourd'hui abolis, seraient rétablis. Enfin, la Suisse ne bénéficierait plus, sur le territoire de l'UE, du régime de protection de ses appellations d'origine et de ses indications de provenance (AOP/IGP).

Restriction d'accès au marché dans le domaine des transports aériens et terrestres L'accord du 21 juin 1999 entre la CE et la Confédération suisse sur le transport de marchandises et de voyageurs par rail et par route (accord sur les transports terrestres) 52 garantit que la politique des transports dans la région alpine sera coordonnée entre la Suisse et l'UE. Il constitue en particulier la base contractuelle pour l'introduction et le relèvement progressif de la redevance poids lourds liée aux prestations (RPLP). Depuis son introduction en 2001, cette redevance contribue au financement du développement des infrastructures ferroviaires en Suisse et est un instrument important de la politique de transfert des marchandises de la route vers le rail. En contrepartie, la Suisse a accepté l'augmentation de la limite de poids pour les camions autorisés à circuler en Suisse, qui est passée de 28 à 40 tonnes en 2005.

L'accord sur les transports terrestres a également permis de libéraliser le marché des transports routiers et ferroviaires entre la Suisse et l'UE ainsi que de maintenir l'interdiction de circuler la nuit et le dimanche pour les poids lourds.

En cas de suppression de l'accord sur les transports terrestres, les conditions d'accès au marché
des transports ferroviaire et routier dans l'UE deviendraient plus restrictives pour les transporteurs suisses. En effet, les dispositions moins libérales en matière d'accès au marché des accords bilatéraux routiers conclus antérieurement avec la plupart des Etats membres de l'UE entreraient à nouveau en vigueur. Certains de ces accords prévoient des contingents. Cette nouvelle situation conduirait à une multiplication des règlementations applicables et serait moins favorable au secteur suisse des transports que le degré de libéralisation atteint avec l'accord sur les transports terrestres.

En outre, même si la Suisse dispose des bases légales sur le plan interne pour pouvoir maintenir ses objectifs de politique des transports, certains des instruments importants de cette politique, tel que le niveau de la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations, pourraient être remis en cause par l'UE en cas de dénonciation de l'accord sur les transports terrestres.

51 52

314

RS 0.916.026.81 RS 0.740.72

L'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur le transport aérien53 est en vigueur depuis le mois de juin 2002. Il a permis aux compagnies aériennes suisses d'accéder au marché européen libéralisé et d'acquérir des droits de trafic dans l'espace européen. Si cet accord venait à prendre fin, les accords conclus antérieurement avec les pays membres de l'UE seraient à nouveau applicables: or ces accords n'offriraient qu'un accès très limité au réseau de routes européen. Il en résulterait un appauvrissement de l'offre et une diminution de la concurrence, car les routes aériennes devraient à nouveau être négociées bilatéralement avec les différents Etats membres de l'UE. L'isolement croissant de la Suisse dans le trafic aérien en Europe ne manquerait pas d'avoir des conséquences négatives sur le développement d'activités économiques et sur le tourisme en Suisse.

Sans l'accord sur le transport aérien, la participation de la Suisse à l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) serait par ailleurs remise en cause. Cette exclusion constituerait un désavantage concurrentiel pour toutes les entreprises suisses actives dans la construction aéronautique, dans la navigation aérienne ou dans la maintenance.

Comme exposé au ch. 4.2.2, si l'accord d'association à Schengen (AAS) n'est pas formellement relié à l'ALCP, sa dénonciation unilatérale par l'UE n'est pas à exclure (en cas de dénonciation de l'ALCP). Depuis l'introduction du régime Schengen dans les aéroports suisses (séparation des flux de passagers et suppression du contrôle des personnes pour les vols intérieurs à l'espace Schengen), le 29 mars 2009, les dispositions de Schengen sont pleinement applicables aux frontières aériennes également. Depuis cette date, le fonctionnement opérationnel (infrastructure, processus opérationnels, etc.) des aéroports suisses doit donc être conforme aux dispositions de l'acquis. Les coûts d'adaptation des infrastructures sont à la charge de l'exploitant de l'aéroport. On peut en imaginer l'ordre de grandeur pour un aéroport national de la taille de celui de Zurich. Si l'AAS n'avait plus cours, il faudrait revenir au système antérieur (prise en charge des passagers, infrastructure), opération qui impliquerait des réaménagements aussi importants qu'onéreux.

Concernant l'aviation,
une renégociation ou une dénonciation de l'ALCP aurait sans doute aussi des répercussions sur les travaux liés au projet de Ciel unique européen (Single European Sky, SES), auquel la Suisse doit participer sur la base de l'accord sur le transport aérien.

Entraves à la participation aux programmes-cadres européens de recherche Les chercheurs suisses participent aux programmes-cadres européens de recherche (PCR) depuis 1992; depuis 2004, ils y sont associés de plein droit (suite à l'entrée en vigueur de l'accord sectoriel sur la recherche, qui faisait partie de la première série d'accords bilatéraux), avec les mêmes droits et obligations que ceux reconnus à leurs homologues européens.

Le bénéfice que retire la Suisse de cette participation est avéré, sur les plans tant scientifique et technologique qu'économique (SER 2009). Au travers de projets collaboratifs internationaux, qui favorisent la mise en réseau des meilleurs chercheurs européens et mondiaux, les PCR permettent à la recherche de pointe suisse d'accéder à des projets internationaux majeurs, dont la réalisation serait impossible à l'échelle nationale. Par ailleurs, l'ouverture internationale de la Suisse lui permet de 53

RS 0.748.127.192.68

315

se positionner sur le marché très concurrentiel de la recherche de pointe, d'une part, en donnant la possibilité à ses propres chercheurs de parfaire leur formation à l'étranger et, d'autre part, en attirant sur son sol les meilleurs talents mondiaux. En termes économiques, les PCR constituent, après le Fonds national suisse (FNS), la deuxième source publique de financement de la recherche suisse, et même la première pour les PME, l'industrie et les organisations à but non lucratif. La participation de la Suisse aux PCR se traduit ainsi par un apport net de fonds pour la recherche, ceux-ci étant alloués selon des critères de compétitivité: du fait de la qualité de leurs projets, les chercheurs suisses obtiennent, en effet, davantage de fonds que ce que la Confédération verse en contributions au titre de sa participation aux programmes (SER 2011).

Comme exposé au ch. 4.2.2, l'accord sectoriel sur la recherche (accords bilatéraux I), plusieurs fois reconduit, ne tombe plus sous le coup de la clause guillotine.

Mais le risque de dénonciation par l'UE est réel en cas de dénonciation de l'ALCP.

Dans cette hypothèse, les chercheurs suisses ne pourraient plus participer aux mêmes conditions que leurs homologues européens au futur programme-cadre pour la recherche et l'innovation «Horizon 2020», pas plus qu'au programme Euratom. Il n'est pas certain non plus que la Suisse serait admise à participer aux PCR sur le mode «projet par projet» (conditions antérieures aux accords bilatéraux I). Et même dans ce cas, les chercheurs suisses seraient pénalisés (juridiquement et administrativement): 1)

Les chercheurs suisses (des hautes écoles, de l'industrie ou particuliers) ne pourraient plus lancer leurs propres projets, ni en assurer la coordination.

Pour être concrétisés, les projets imaginés par des Suisses devraient obtenir l'appui d'un partenaire européen, tandis qu'un autre chercheur (européen ou issu d'un pays associé) en assurerait la coordination. Les Suisses ne pourraient plus, dès lors, jouer un rôle moteur dans les projets européens et feraient difficilement entendre leur voix dans l'orientation des recherches.

2)

A supposer que la Suisse obtienne un droit de participation sur le mode «projet par projet», il faudrait définir les modalités de financement et de surveillance des partenaires suisses (par la Confédération, le cas échéant). La Confédération devrait supporter des charges administratives supplémentaires, puisqu'un suivi financier des projets directement par la Commission européenne ne serait plus possible.

3)

La Suisse ne pourrait sans doute plus accéder aux résultats d'autres projets menés dans le cadre du programme, comme elle peut le faire aujourd'hui.

4)

Elle ne pourrait plus participer, à titre d'observateur (sans droit de vote), aux divers groupes et comités de pilotage qui interviennent dans la mise en oeuvre des programmes de recherche et dans la création d'un espace européen de la recherche et de l'innovation. Enfin, elle serait exclue d'ententes et de mécanismes facilitant la recherche collaborative avec des partenaires internationaux.

Exclue de participation aux PCR, la Suisse perdrait aussi sur d'autres tableaux: 1)

Selon des sondages réalisés fin 2005, 70 % des participants suisses n'auraient jamais pu réaliser leur projet sans le soutien du PCR.

2)

Dans plus de 50 % des cas, les résultats des projets ont servi au développement de nouveaux produits et services.

316

3)

Chaque participation suisse à un projet européen génère directement deux emplois (à durée limitée) et contribue indirectement à la création de nombreuses entreprises.

4)

Selon les premières estimations, le retour financier sur les PCR ­ qui était déjà positif pour le 6e PCR (2004­2006) ­ a continué de progresser pour le 7e programme (2007­2013).

5)

La participation suisse se caractérise par une forte collaboration entre le monde des hautes écoles et celui de l'économie: près d'un tiers des recherches collaboratives engagées par des Suisses dans le cadre de projets européens se font entre une haute école et une entreprise. Le potentiel de ce type de synergies, qui facilite le passage de l'idée au produit commercialisable, est appelé à se développer à la faveur du programme de recherche «Horizon 2020». Dans une approche axée sur la plus-value économique et sociale, celui-ci s'attaquera à de grands défis sociétaux, tels que le vieillissement démographique, la santé, l'environnement et la gestion des ressources.

L'objectif est de permettre à l'espace économique européen d'occuper durablement une position stratégique sur le marché mondial.

4.3.2

Apporter une meilleure réponse que celle de l'initiative aux problèmes liés à l'immigration

Le Conseil fédéral est conscient que le dynamisme de l'économie suisse, et l'immigration relativement importante qui l'a accompagnée, ont engendré une croissance démographique; celle-ci a rendu plus urgents les défis à relever concernant l'intégration, le marché du logement, l'aménagement du territoire et la planification des infrastructures, ou encore la politique en matière d'éducation. Le niveau élevé de l'immigration souligne la nécessité de lancer des réformes de politique intérieure dans les domaines évoqués, et le Conseil fédéral s'y engage. Les réformes envisagées sont présentées ci-après.

Mesures se rapportant à la mise en oeuvre de l'ALCP Sauvegarde des conditions de rémunération et de travail L'introduction (progressive) de la libre circulation des personnes, le 1er juin 2004, a été assortie de mesures d'accompagnement pour éviter que l'ouverture du marché suisse du travail ne soit synonyme de sous-enchère sur les conditions de travail et de salaire.

Ces mesures permettent de contrôler le respect des conditions de salaire et de travail minimales ou usuelles applicables au lieu de travail ou dans la branche. En cas de constat de sous-enchère salariale, des mesures peuvent être prises au niveau individuel, sous la forme de sanctions à l'encontre de l'employeur fautif, ou au niveau général, sous la forme d'une extension du champ d'application de conventions collectives de travail (CCT) ou de l'établissement de contrats-types de travail (CTT), imposant des salaires minimaux obligatoires. La loi du 8 octobre 1999 sur les tra-

317

vailleurs détachés (Ldét)54 est une composante essentielle de ces mesures, en ce qu'elle impose aux employeurs l'application des conditions minimales de travail et de salaire applicables en Suisse aux employés qui y sont détachés dans le cadre d'une mission de prestation de services.

Les premiers bilans montrent que les mesures d'accompagnement sont appliquées efficacement dans l'ensemble, et permettent ainsi d'éviter les dérives potentielles de la libre circulation des personnes. L'efficacité des mesures est régulièrement soumise à évaluation. L'évaluation 2012 a ainsi fait apparaître certaines lacunes dans la législation. Pour les combler, les Chambres fédérales ont adopté, le 15 juin 2012, une loi fédérale portant modification des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes55. Ces modifications concernent notamment: ­

la lutte contre l'indépendance fictive de prestataires de services étrangers,

­

la possibilité de sanctionner le non-respect, par un employeur, des salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail (CTT),

­

la possibilité de sanctionner les infractions aux conventions collectives de travail (CCT) dont le champ d'application a été étendu, et

­

l'indication du salaire dans la déclaration en ligne que doit compléter l'employeur étranger pour les travailleurs détachés en Suisse dans le cadre d'une mission de prestations de service couverte par l'ALCP.

Les nouvelles mesures entreront en vigueur au 1er janvier 2013; la disposition concernant la déclaration du salaire au 1er mai 2013. Lors du débat sur l'adaptation des mesures d'accompagnement, les Chambres fédérales se sont accordées sur la nécessité d'examiner, dans un autre projet, la question d'un renforcement, dans la Ldét et la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics (LMP)56, de la responsabilité solidaire de l'entrepreneur contractant envers ses sous-traitants, en cas de non-respect des conditions impératives de salaire et de travail. A l'issue de la session d'automne 2012, le Conseil des Etats et la commission d'examen préalable du Conseil national (CER-N) ont avalisé la proposition du DFE (celle de renforcer dans la Ldét la responsabilité solidaire de l'entrepreneur envers ses sous-traitants nationaux et étrangers). Le régime préconisé par le DFE est nettement plus contraignant que celui prévu par la législation actuelle (art. 5 Ldét), puisqu'il étendra la responsabilité solidaire de l'entrepreneur contractuel à l'ensemble de la chaîne contractuelle, à moins qu'il ne puisse apporter la preuve de sa diligence. Il lui appartiendrait ainsi de s'assurer du respect des salaires minimaux sur l'ensemble de la chaîne de sous-traitance. Le Conseil national devrait examiner cet objet à la session d'hiver 2012.

Sur la base d'un postulat et de recommandations de la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N)57, le Conseil fédéral a par ailleurs chargé le DFE d'améliorer la gestion stratégique et opérationnelle des mesures d'accompagnement, en renforçant le soutien accordé aux organes chargés de leur exécution sous forme 54

55 56 57

318

RS 823.20; le titre de cette loi sera modifié le 1er janvier 2013 pour devenir «loi fédérale sur les mesures d'accompagnement applicables aux travailleurs détachés et aux contrôles des salaires minimaux prévus par les contrats-types de travail» (loi sur les travailleurs détachés, Ldét).

FF 2012 5487 RS 172.056.1 cf. sous: www.parlement.ch > Documentation > Rapports > Rapports des commissions de contrôle > Commission de gestion CdG > www.admin.ch/ch/f/ff/2012/1027.pdf

de contrôles et d'un suivi sur le terrain. Il est également prévu de resserrer la coopération entre l'ensemble des services chargés de l'application des mesures.

Activation de la clause de sauvegarde de l'ALCP Le 18 avril 2012, le Conseil fédéral a décidé d'activer, à l'égard des Etats de l'UE-8, la clause de sauvegarde prévue par l'ALCP58. Depuis le 1er mai 2012, l'immigration est donc de nouveau contingentée pour les ressortissants des Etats qui ont adhéré à l'UE en 2004 (hormis Chypre et Malte). Limitée à un an dans un premier temps, cette restriction s'applique uniquement aux autorisations de séjour (de catégorie B), à l'exclusion des autorisations de séjour de courte durée (de catégorie L). Le Conseil fédéral réexaminera, au printemps 2013, si le maintien des contingents se justifie et s'il y a lieu d'en instaurer également pour les autorisations de séjour de courte durée.

Maintien des contingents à l'égard de la Roumanie et de la Bulgarie En mai 2011, le Conseil fédéral a décidé de maintenir jusqu'en 2014 les contingents imposés à l'égard de la Roumanie et de la Bulgarie. Rappelons que les mesures transitoires de restriction applicables aux travailleurs roumains et bulgares pourront être prolongées jusqu'en 2016 au plus tard.

Catalogue de mesures du Conseil fédéral concernant l'application de l'ALCP Adopté par le Conseil fédéral le 24 février 2012, ce catalogue de mesures vise à lutter contre la perception abusive de prestations d'aide sociale et le dumping salarial et social et à renforcer le contrôle des conditions d'admission. Ces mesures, dont l'application sera suivie de près (p. ex. pour le regroupement familial), sont déjà partiellement appliquées. Les autorités compétentes étudient, par ailleurs, la possibilité de mettre en place un «suivi des abus».

Perception abusive d'indemnités d'assurance-chômage et de prestations de l'aide sociale L'une des difficultés que rencontrent les autorités responsables des questions de migration, à cet égard, est le manque d'informations qui conduiraient, dans certains cas de chômage de longue durée ou de dépendance de l'aide sociale, à révoquer l'autorisation de séjour de ressortissants d'Etats-membres de l'UE/AELE. Pour y remédier, il est prévu d'inscrire, dans la législation sur l'asile et sur les étrangers (textes en cours de révision), les
bases légales nécessaires à l'échange d'informations entre autorités compétentes en matière de marché du travail et de migration59.

Contournement de l'obligation de déclaration et d'autorisation dans des cas spéciaux Dans le milieu érotique notamment, le contournement des obligations d'autorisation qui restent applicables aux citoyens bulgares et roumains a conduit l'ODM à rédiger un rapport (paru en janvier 2012), assorti de recommandations visant à harmoniser les pratiques cantonales dans ce domaine60.

58 59 60

Art. 10, par. 4, ALCP Cf. message du Conseil fédéral du 26 mai 2010 concernant la modification de la loi sur l'asile (FF 2010 4035) Cf. sous: www.bfm.admin.ch/content/dam/data/migration/rechtsgrundlagen/ weisungen_und_kreisschreiben/weitere_weisungen/2012/20120101-ber-rotlicht-f.pdf >

319

Un autre problème, de moindre importance numérique, réside dans la mendicité par métier, pratiquée par des citoyens d'Etats récemment entrés dans l'UE. La lutte contre ce phénomène, qui impliquait une trentaine de ressortissants roumains en 2010, passera aussi par un recours plus systématique à des mesures d'éloignement, en exploitant au mieux la marge de manoeuvre qu'offre la législation. L'ODM a émis une circulaire à ce sujet le 4 juin 201061.

Clause de sauvegarde générale de l'ALCP Dans son art. 14, par. 2, l'ALCP comprend une clause de sauvegarde générale, selon laquelle le Comité mixte peut se réunir, à la demande d'une des parties contractantes, en cas de difficultés sérieuses d'ordre économique ou social, afin d'examiner des mesures correctives appropriées.

Le Comité mixte décide des mesures à adopter, en principe dans un délai de 60 jours à compter de la date de la requête ­ ce délai pouvant néanmoins être prolongé. Les mesures retenues devront, d'une part, se limiter dans leur champ d'application et leur durée, au strictement indispensable et, d'autre part, entraver le moins possible le fonctionnement de l'accord.

Cette clause n'a jamais été invoquée à ce jour.

Autres mesures Mesures en matière d'intégration A l'aune de critères tels que l'intégration professionnelle, la participation à la formation, ou encore la ségrégation spatiale, le modèle suisse d'intégration socioprofessionnelle peut, en comparaison européenne, et malgré la présence d'une forte population étrangère, être qualifié de globalement réussi. C'est ce que conclut une étude publiée par l'OCDE en 2012, confirmant l'appréciation que portait le Conseil fédéral sur l'intégration des étrangers en 2006. En dépit de cette bonne note générale, l'OCDE constate que certains groupes, notamment les jeunes issus de la migration, les réfugiés et les personnes admises provisoirement, mais aussi les femmes immigrées qui ont des enfants en bas âge peinent à s'intégrer et que des inégalités subsistent, dans différents domaines, entre autochtones et étrangers (par ex. en matière de formation et d'accès à la santé, cf. Liebig et al. 2012).

Les bonnes performances de la Suisse en matière d'intégration s'expliquent par la forte capacité d'absorption de son marché du travail (en comparaison OCDE), par son système dual de formation professionnelle,
axé sur la pratique, et par la taille relativement modeste de ses agglomérations urbaines. Le développement de la politique d'intégration, ces dernières années, à tous les niveaux du fédéralisme suisse, devrait également y avoir contribué.

Enfin, le bon niveau d'intégration des étrangers sur le marché suisse du travail s'explique aussi par une politique d'immigration qui privilégie l'immigration qualifiée. On observe, en effet, une forte progression des travailleurs qualifiés dans l'immigration issue de l'UE/AELE, même s'il n'est plus opéré de sélection sur les qualifications depuis l'entrée en vigueur de l'ALCP62. Une observation corroborée 61 62

320

Cf. sous: www.bfm.admin.ch/content/dam/data/migration/rechtsgrundlagen/ weisungen_und_kreisschreiben/weisungen_fza/20100604-rs-bettelei-f.pdf Rapport du Conseil fédéral du 4 juillet 2012 sur la libre circulation des personnes et l'immigration en Suisse

par l'Observatoire sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE qui, dans son septième rapport, constatait que les travailleurs nouvellement venus de l'UE/AELE sont, dans leur grande majorité, bien voire très bien qualifiés: 51 % des travailleurs entrés en Suisse entre juin 2002 et mai 2009 bénéficiaient d'une formation de niveau tertiaire, constituant ainsi un complément bienvenu à la main-d'oeuvre indigène63. Or les immigrés qualifiés sont en général mieux outillés pour s'organiser seuls, même s'il ne faut pas sous-estimer leurs besoins d'informations. Il ne faut pas sous-estimer non plus le ressentiment que peut susciter dans la société d'accueil l'arrivée de travailleurs qualifiés64.

Condition sine qua non d'une intégration réussie, l'accès à une activité professionnelle prévient la dépendance à l'aide sociale et diminue le risque de délinquance. Or, compte tenu de l'évolution du marché du travail, les perspectives d'accès à l'emploi reposent aujourd'hui sur les possibilités de formation. Un défi qui concerne tout particulièrement les personnes faiblement qualifiées, notamment celles arrivées en Suisse par regroupement familial ou par la voie de l'asile. Les mesures d'encouragement de l'intégration se concentrent, à cet égard, sur l'acquisition de la langue du lieu de résidence et sur la socialisation locale.

Le défi majeur de la politique d'intégration sera de répondre à l'hétérogénéité des groupes cibles et de développer une politique qui permette une certaine cohérence transversale et verticale, mais aussi assez de souplesse pour pouvoir s'ajuster à des situations nouvelles. Conscient de la nécessité d'agir dans ce domaine, le Conseil fédéral s'est engagé, dans son plan d'intégration, à prendre des mesures pour corriger les déficits identifiés.

Les capacités d'accueil de la Suisse dépendent, au final, de la qualité des liens sociaux entre les habitants. L'intégration des étrangers qui viennent s'y installer a pour effet d'améliorer la cohésion sociale, tout en contribuant au bien-être et à la prospérité du pays. Dans son rapport du 5 mars 2010 sur l'évolution de la politique d'intégration de la Confédération65, le Conseil fédéral a ainsi ébauché les grandes lignes d'une «politique d'intégration porteuse d'avenir sous le régime du système d'admission binaire», à partir
des recommandations de la Conférence tripartite sur les agglomérations (CTA) [recommandations conjointement formulées en juillet 2009 par les cantons, les communes et d'autres milieux associés]. Il en a précisé les contours dans son «plan d'intégration» adopté en novembre 2011, dont l'objectif général est d'inscrire le principe «encourager et exiger» ­ c'est-à-dire la réciprocité du processus d'intégration ­ dans un cadre plus contraignant.

Ce plan d'intégration s'articule autour des piliers suivants: Premièrement, réviser les dispositions de la LEtr relatives à l'intégration afin de renforcer, pour tous les acteurs concernés, le caractère obligatoire de la politique d'intégration. L'idée est de renforcer tout à la fois les exigences posées en matière d'intégration et le dispositif d'encouragement. L'avant-projet de révision de la LEtr 63 64

65

Cf. sous: www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/23136.pdf>.

Cf. rapport et recommandations de la Conférence tripartite sur les agglomérations (CTA) (2009): «Avenir de la politique suisse d'intégration des étrangers», p. 7, sous: www.bfm.admin.ch/content/dam/data/migration/integration/berichte/ ber-tak-integr-f.pdf > Voir sous: www.bfm.admin.ch > Thèmes > Intégration > Politique suisse en matière d'intégration > Avenir de la politique suisse d'intégration des étrangers > Rapport sur l'évolution de la politique d'intégration de la Confédération

321

mis en consultation prévoit de conditionner l'autorisation d'établissement à la preuve d'une bonne intégration ­ mesure qui devrait avoir un effet fortement incitatif. Le degré d'intégration s'appréciera en fonction de critères impératifs énoncés par la loi.

Les membres de la famille de ressortissants d'Etats tiers (hors zone UE/AELE) arrivant en Suisse au titre du regroupement familial, devront faire la preuve d'une maîtrise suffisante d'une langue nationale ou, à défaut, s'engager à apprendre une langue nationale. Les cantons pourront, par ailleurs, conclure une convention d'intégration en présence d'indices d'un déficit d'intégration. Le manquement intentionnel à cette convention pourra être sanctionné par la révocation de l'autorisation de séjour. Quant à l'encouragement de l'intégration, il continuera de passer par les structures dites ordinaires (à savoir l'école, le lieu de travail, etc.).

Deuxièmement, ancrer solidement le principe de l'intégration dans les structures ordinaires, en l'inscrivant dans diverses lois spéciales, notamment dans la loi sur l'aménagement du territoire, la loi sur la formation professionnelle et la législation sur les assurances sociales. Des dispositions en ce sens figurent dans l'avant-projet de révision de la LEtr mis en consultation du 23 novembre 2011 au 23 mars 2012.

Les cantons et les associations faîtières consultés ont salué, pour l'essentiel, les changements proposés. Le Conseil fédéral présentera le message concerné au printemps 2013.

Troisièmement, développer l'encouragement spécifique, là où les structures manquent ou sont inaccessibles, dans le cadre de programmes d'intégration cantonaux.

Les moyens débloqués à ce titre par la Confédération et les cantons seront considérablement renforcés. Le but est d'harmoniser les objectifs, mais aussi d'améliorer le dispositif de primo-information des migrants, le conseil aux particuliers et aux institutions (écoles, entreprises etc.), l'encouragement linguistique et l'intégration professionnelle.

Quatrièmement, convenir, en concertation entre la Confédération, les cantons et les communes, et en y associant les acteurs économiques et sociaux concernés, d'objectifs concrets en matière d'intégration (dans la perspective de la 3e Conférence nationale sur l'intégration des étrangers, qui devrait se tenir en 2016
sous l'égide de la CTA).

Le cadre économique et, indirectement, les politiques économique et fiscale permettent donc d'influer sur l'immigration. Dans ce contexte, les entreprises, en tant que bénéficiaires de la politique d'immigration libérale mise en oeuvre dans le cadre de la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE/AELE, sont particulièrement mises à contribution pour tenir compte et respecter, dans leur politique de recrutement, des exigences de la société d'accueil à l'égard de la population immigrée et de participer à la mise sur pied d'offres d'intégration pour leurs propres employés.

Mesures de lutte contre la traite des êtres humains La Suisse a signé, en septembre 2008, la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, dont la ratification a été approuvée par l'Assemblée fédérale le 23 décembre 201166, parallèlement à l'adoption de la loi fédérale sur la protection extraprocédurale des témoins67.

66 67

322

FF 2011 97 (arrêté fédéral) FF 2011 99

La convention du Conseil de l'Europe établit des normes minimales dans les domaines du droit pénal, de l'aide aux victimes, du droit des étrangers et de la protection procédurale et extraprocédurale des témoins, qui permettent de lutter efficacement contre la traite des êtres humains.

4.4

Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse

4.4.1

Etat des lieux

Au-delà de la conformité aux règles impératives du droit international (cf. ch. 1.3.1­ 1.3.3), l'initiative pose un problème de compatibilité avec d'autres instruments de droit international.

Elle se heurte, en particulier, aux dispositions de l'ALCP, en vigueur depuis le 1er juin 2002. Elle touche également à des obligations découlant de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)68, du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte II de l'ONU)69 et de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant70. Enfin, elle remet en question des engagements contractés par la Suisse au titre de l'OMC/AGCS, ou qui découlent d'accords de libre échange (ALE), de traités d'établissement, d'accords sur l'échange de stagiaires et des accords d'association à Schengen et Dublin (AAS/AAD)71.

Le Conseil fédéral estime, néanmoins, que l'initiative laisse suffisamment de marge d'interprétation, en particulier dans la fixation des plafonds, pour être mise en oeuvre sans violer les engagements internationaux de la Suisse, hormis ceux découlant de l'ALCP.

4.4.2

Accord sur la libre circulation des personnes

L'ALCP permet aux ressortissants suisses, comme à ceux de l'UE et de l'AELE, de choisir librement le lieu de résidence et d'exercice d'une activité professionnelle sur le territoire des Etats membres de l'accord, sous réserve de satisfaire aux conditions requises. Celles-ci sont, notamment, de justifier de l'exercice d'une activité professionnelle ou de moyens suffisants pour subvenir à leurs besoins, pour un séjour sans activité lucrative. L'ALCP permet en outre le regroupement familial, indépendam-

68 69 70 71

RS 0.101 RS 0.103.2 RS 0.107 Accord entre la Confédération suisse, l'Union européenne et la Communauté européenne sur l'association de la Confédération suisse à la mise en oeuvre, à l'application et au développement de l'acquis de Schengen (RS 0.362.31) et Accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif aux critères et aux mécanismes permettant de déterminer l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile introduite dans un Etat membre ou en Suisse (RS 0.142.392.68)

323

ment de la nationalité des membres de la famille72. Il prévoit, par ailleurs, une clause de libre prestation de services, limitée à 90 jours ouvrés par an.

Enfin, il garantit aux bénéficiaires du droit à la libre circulation l'égalité de traitement par rapport aux citoyens nationaux en ce qui concerne les conditions de vie, d'emploi et de travail. Les travailleurs frontaliers bénéficient des mêmes conditions73.

Ces droits ne sont susceptibles de restrictions, à titre exceptionnel, que si des raisons d'ordre public, de sécurité ou de santé publique le justifient74. A noter que la notion d'ordre public s'entend, en droit communautaire, au sens strict75.

L'initiative se heurte en plusieurs points aux dispositions de l'ALCP, dont: ­

La clause «de statu quo», laquelle interdit aux parties contractantes d'introduire de nouvelles restrictions à l'égard de ressortissants d'autres Etats parties76. Or, tel est précisément l'objet de l'initiative.

­

Le droit de séjour garanti en principe77 par l'ALCP et par la Convention AELE aux actifs salariés ou indépendants (frontaliers compris), aux prestataires de services et aux personnes sans activité lucrative ressortissants des pays de l'UE ou de l'AELE. L'instauration de plafonds préconisée par l'initiative serait contraire à ces accords et supposerait de plus un régime d'autorisation au cas par cas, que ne prévoient ni l'ALCP, ni la Convention AELE.

­

Le droit, garanti sous certaines conditions par l'ALCP, de demeurer sur le territoire d'une partie contractante après y avoir exercé un emploi. Selon les termes de l'argumentaire du texte de l'initiative, «celles et ceux qui n'ont plus de travail en Suisse doivent quitter le pays78.»

­

Le droit au regroupement familial, réglementé de façon exhaustive par l'ALCP: ce droit ne saurait faire l'objet de restrictions nationales, comme le prévoit l'initiative.

­

Le principe de l'égalité de traitement par rapport aux citoyens nationaux, principe fondamental de la liberté de circulation des personnes et diamétralement opposé à celui de la préférence nationale d'accès à l'emploi qu'entend établir l'initiative.

­

La possibilité prévue de réduire les prestations d'aide sociale pour les ressortissants de pays de l'UE et de l'AELE, là encore, contraire au principe de l'égalité de traitement.

72

73 74 75 76 77 78

324

Art. 2, al. 2, de l'ordonnance du 22 mai 2002 sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, la Communauté européenne et ses Etats membres, ainsi qu'entre les Etats membres de l'Association européenne de libre-échange (ordonnance sur l'introduction de la libre circulation des personnes, OLCP; RS 142.203) Art. 2 et 7, let. a, ALCP et art. 9 et 15 de l'annexe I ALCP; cf. Jaag (2010, no 4110) Art. 5, annexe I ALCP Arrêt CJCE dans l'affaire 41/74 (van Duyn), rec. 1974, p. 1337, consid. 18 Art. 13 ALCP Des dérogations sont néanmoins prévues, par ex. les restrictions d'accès applicables aux ressortissants roumains et bulgares.

Argumentaire, p. 29

Conformément au principe «pacta sunt servanda», la Suisse est tenue de respecter les accords internationaux qui la lient. Si elle n'est plus en mesure de respecter un accord, elle se doit de le dénoncer, à moins qu'il soit possible de le renégocier de manière à l'adapter aux nouvelles dispositions de droit interne.

L'initiative précise, à cet égard, que les traités internationaux contraires aux nouvelles dispositions constitutionnelles devront être renégociés ou adaptés dans un délai de trois ans à compter de l'acceptation desdites dispositions (art. 197, ch. 9, al. 1, Cst.). Il apparaît cependant impossible d'adapter l'ALCP à ces dispositions, dans la mesure où elles sont incompatibles avec l'idée même de libre circulation des personnes. Se reporter, sur ce point, au ch. 4.2.1 (renégociation et dénonciation de l'ALCP).

4.4.3

Organisation mondiale du commerce (OMC/AGCS) et accords de libre-échange

Le commerce des services est régi, au plan multilatéral, par un accord spécifique dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à savoir l'accord général sur le commerce des services (AGCS). Cet accord compte aujourd'hui 156 membres, dont la Suisse. L'AGCS s'applique à tous les secteurs des services et concerne tant les services que les prestataires de services, dont les personnes physiques fournissant des services. L'AGCS instaure des principes généraux tels que le traitement de la nation la plus favorisée (NPF). Parallèlement aux principes généraux, chaque membre doit contracter des engagements d'accès aux marchés (notamment concernant les limitations quantitatives) et de traitement national, lesquels sont contenus dans une liste individuelle.

La Suisse a pris de tels engagements pour les transferts intrafirmes de dirigeants, de cadres supérieurs et de spécialistes, pour les personnes en voyage d'affaires, les vendeurs de prestations de services et les fournisseurs contractuels de services, catégories de personnes physiques qu'elle s'engage à ne pas soumettre à la préférence nationale prévue par la LEtr. Les autres conditions d'admission relevant du droit des étrangers, telles que l'autorisation de séjour et le respect des conditions de travail et de salaire dans la profession et le lieu, demeurent applicables.

La Suisse a contracté des engagements du même type (accès aux marchés et traitement national) dans le cadre de l'accord de libre-échange et de partenariat économique avec le Japon, comme dans le cadre des accords de libre-échange de l'AELE avec le Chili, la Colombie, la Corée du Sud, Hong Kong, le Mexique, Singapour, l'Ukraine et les pays du Conseil de coopération du Golfe (à savoir les Emirats arabes unis, Bahreïn, l'Arabie saoudite, Oman, le Qatar et le Koweït). Elle s'est ainsi engagée, à l'égard de ces partenaires commerciaux, à ne pas soumettre à la préférence nationale les catégories de personnes physiques susmentionnées. Elle s'est aussi engagée, vis-à-vis de ces mêmes partenaires, à ne pas contingenter l'admission de personnes faisant l'objet d'engagements ­ installateurs et techniciens d'entretien de machines ou de matériels industriels compris ­, hormis pour le Chili, le Mexique et Singapour. Etant donné que les accords internationaux ont force juridique directe
pour la Suisse, ces mesures ne figurent pas dans la LEtr. Afin de déroger à la clause de la nation la plus favorisée de l'AGCS pour ces mesures prévues dans les accords de libre-échange, ainsi que le traitement préférentiel prévu par l'ALCP (cf. 2.2.1), la

325

Suisse a émis une réserve spécifique dans l'AGCS et dans les accords de libreéchange.

Se pose ici la question de la compatibilité de l'esprit de l'initiative avec l'AGCS et les accords de libre-échange, dans la mesure où l'initiative exige le respect du principe de préférence nationale (art. 121a, al. 3), même s'il ne doit pas s'appliquer de manière absolue (cf. ch. 3.2). S'agissant des plafonds et contingents annuels pour les étrangers exerçant une activité lucrative, l'initiative se heurte aux dispositions des accords de libre-échange qui prévoient des engagements spécifiques sans contingents. En cas d'épuisement des contingents, il faudrait soit prévoir un système de compensation sur les autorisations accordées à d'autres catégories de personnes qui ne sont pas visées par lesdits accords de libre-échange, soit pouvoir revoir les contingents annuels à la hausse.

En tout état de cause, il faudra, en cas d'acceptation de l'initiative, rechercher des solutions qui n'entrent pas en conflit avec ces accords, essentiels pour l'économie. Il serait par exemple envisageable d'introduire des contingents préférentiels.

4.4.4

Traités et accords d'établissement

Les traités d'établissement79 remontent, pour la plupart, à l'industrialisation naissante du XIXe siècle. Jusqu'à la Première Guerre mondiale, ils permettaient aux ressortissants des Etats contractants de venir s'établir en Suisse sans restriction. Ces traités ­ qui sont au nombre de 34 ­ ont aujourd'hui perdu leur importance et, d'un accord tacite entre les Etats parties, font désormais l'objet d'une lecture très restrictive, puisque seuls peuvent encore s'en prévaloir les ressortissants des Etats parties déjà titulaires d'une autorisation d'établissement.

Les accords d'établissement (complémentaires aux traités) reconnaissent en général aux ressortissants des Etats parties le droit à une autorisation d'établissement après un séjour régulier et ininterrompu de cinq ans.

Les traités, pas plus que les accords d'établissement, ne règlent les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour en Suisse. Ils ne sont dès lors pas incompatibles avec la présente initiative.

4.4.5

Accords sur l'échange de stagiaires

Les accords sur l'échange de stagiaires permettent à de jeunes professionnels étrangers de venir parfaire leurs connaissances professionnelles et linguistiques en Suisse.

Sur 32 accords de ce type conclus par la Suisse, treize sont encore en application.

Ceux conclus avec les pays de l'UE ne sont quasiment plus appliqués, l'ALCP prévoyant des droits plus étendus.

79

326

Pays avec lesquels la Suisse a conclu un traité d'établissement: Afghanistan, Albanie, Allemagne, Belgique, Bosnie et Herzégovine, Chili, Chine, Colombie, Croatie, Danemark, Equateur, Espagne, Etats-Unis, Ethiopie, Finlande, France, Grande-Bretagne, Grèce, Hongrie, Inde, Iran, Islande, Italie, Japon, Liberia, Liechtenstein, Macédoine, Monténégro, Pays-Bas, Philippines, Pologne, Roumanie, Serbie et Turquie

Ces accords fixent à entre 50 et 400 le nombre maximum d'autorisations délivrées annuellement à ce titre (hormis pour le Japon), indépendamment de la situation de l'emploi dans l'Etat partie.

Le nombre de stagiaires accueillis en Suisse a nettement reculé depuis l'introduction, en 2002, de la liberté de circulation des personnes, puisqu'ils ne comptent plus que pour deux cents autorisations de séjour environ par an. En revanche, on dénombre entre 300 et 400 stagiaires suisses à l'étranger par an.

En cas d'acceptation de l'initiative, il faudrait veiller à préserver les contingents fixés dans ces accords, sans quoi ceux-ci devront être dénoncés, au risque de ne plus permettre à de jeunes professionnels suisses de séjourner à l'étranger par cette voie à des fins de perfectionnement professionnel, par exemple aux Etats-Unis, au Canada, en Nouvelle Zélande ou en Argentine. Les accords sur l'échange de stagiaires scellent aussi les bonnes relations qu'entretient la Suisse avec ses Etats partenaires.

4.4.6

CEDH et Pacte II de l'ONU

Tout étranger peut invoquer le droit au respect de sa vie privée et familiale en application de l'art. 8 CEDH. Le principe de la protection de la vie familiale vise, en premier lieu, le conjoint et les enfants mineurs de l'intéressé, dans la mesure où il entretient une relation effective et intacte avec les membres de sa famille. En dehors de la famille nucléaire, il ne peut être invoqué que pour une personne qui, du fait d'une invalidité physique ou psychique ou d'une maladie grave nécessitant une prise en charge permanente, est à la charge d'un adulte ayant un droit de présence en Suisse80.

Ce principe ne confère pas un droit inconditionnel au séjour. La CEDH laisse, dans ce domaine, une marge d'appréciation aux Etats parties. On ne saurait par exemple invoquer un droit à un titre de séjour en vertu de l'art. 8, par. 1, CEDH, si le regroupement familial a pour but premier d'améliorer les perspectives professionnelles ou économiques d'un membre de la famille81.

En vertu de l'art. 8, par. 2, CEDH, il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale que dans des conditions bien définies. L'ingérence doit d'abord être prévue par la loi. Ensuite, elle n'est admissible que si elle constitue «une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.». Des mesures étatiques prises pour limiter l'immigration et réguler le marché du travail, tel que préconisé par l'initiative, pourraient ainsi rentrer dans la

80

81

Directives de l'Office fédéral des migrations relatives au domaine des étrangers, no 6 ­Regroupement familial (ci-après: Directives ODM Regroupement familial), disponibles sur: http://www.bfm.admin.ch/content/dam/data/migration/rechtsgrundlagen/ weisungen_und_kreisschreiben/weisungen_auslaenderbereich/familiennachzug/ 6-familiennachzug-f.pdf; ATF 120 Ib 257 Voir sous: www.bfm.admin.ch > Documentation > Bases légales > Directives et commentaires > Domaine des étrangers > Regroupement familial; ATF 119 Ib 91 ss

327

définition du «bien-être économique»82. L'autorité compétente devra néanmoins apprécier, au cas par cas, si la mesure envisagée est proportionnée au but visé, c'està-dire mettre en balance l'intérêt privé à l'octroi d'une autorisation de séjour et l'intérêt public à son refus, compte tenu des critères établis par la jurisprudence constante de la CEDH dont: la nationalité de l'intéressé, sa situation familiale dans le pays d'accueil, les difficultés liées à la vie commune dans le pays de destination, l'intérêt de l'enfant ou encore l'intensité des liens sociaux, culturels et familiaux83.

Le refus d'une autorisation de séjour, opposé au demandeur en application de l'initiative, sera ainsi contraire à l'art. 8, par. 1, CEDH, s'il empêche la communauté de vie familiale en Suisse. Or une violation des garanties prévues par la CEDH pourra, après épuisement des voies de droit nationales, être portée devant la Cour européenne des droits de l'homme.

Le Pacte II de l'ONU prévoit, lui aussi, des limites matérielles à la réglementation du séjour des étrangers. Celles-ci résultent, en particulier, de l'art. 17, qui interdit toutes «immixtions arbitraires ou illégales» dans la famille et impose à l'autorité de décision de s'assurer du respect du principe de proportionnalité84.

Il ressort de ce qui précède que le refus automatique d'une autorisation de séjour, pour épuisement de contingent, serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse. Il faudrait pour le moins pouvoir s'assurer, au cas par cas, du respect de la proportionnalité du refus. Si l'initiative était acceptée, il faudrait donc veiller, notamment dans la fixation de plafonds visant le regroupement familial, à respecter les obligations qui incombent à la Suisse au titre de la CEDH et du Pacte II de l'ONU.

4.4.7

Convention relative aux droits de l'enfant

Dans son art. 16, la Convention relative aux droits de l'enfant dispose que «nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales», en particulier dans sa vie privée et sa famille. L'art. 3 pose, par ailleurs, le principe selon lequel l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions qui concernent les enfants ­ qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées ou d'organes législatifs, etc.

L'enfant séparé d'un de ses parents ­ ou des deux ­ a par ailleurs le droit d'entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses deux parents. En vertu de l'art. 9 de la convention, les Etats parties veillent aussi à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré. Dans l'hypothèse où l'enfant et ses parents résident dans des Etats différents, les Etats considéreront dans un esprit positif, avec 82

83 84

328

Cf. arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme: arrêt Berrehab contre Pays-Bas, requête no 10730/84, arrêt du 21 juin 1988; avis de la Commission in: Gül contre Suisse, requête no 23218/94, arrêt du 19 février 1996 et Ahmut contre Pays-Bas, requête no 21702/93, arrêt du 28 novembre 1996. Voir aussi ATF 125 I 153, ATF 2C_693/2008 du 2 février 2009, consid. 2.2; 120 Ib 1 consid. 4b, p. 5, 22 consid. 4a, p. 25; arrêt 2C_437/2008 du 13 février 2009, consid. 2.1 Boultif contre Suisse, requête no 54273/00, arrêt du 2 août 2001; Üner contre Pays-Bas, requête no 5427300, arrêt de la Grande Chambre du 18 octobre 2006 Comité des droits de l'homme, Winata contre Australie, 930/2000 (2001), ch. 7.2 s.; Bakhtiyari et famille contre Australie, 1069/2002 (2003), ch. 9.6; Madafferi et famille contre Australie, 1011/2001 (2004), ch. 9.7 ss

humanité et diligence, toute demande faite par l'enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un Etat partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale (art 10, par. 1, de la convention). Ils s'engagent, en particulier, à respecter le droit de leurs propres ressortissants de quitter leur Etat et d'y revenir, aux fins d'entretenir des relations familiales régulières (par. 2 du même article). Ils ne sont toutefois pas tenus d'autoriser, à cette fin, l'entrée sur leur territoire de ressortissants étrangers.

Ces dispositions sont contraignantes pour la Suisse, en tant que partie intégrante de la Convention relative aux droits de l'enfant, ratifiée par notre pays. Cela étant, l'enfant ou ses parents ne sauraient en tirer un droit, susceptible d'être invoqué en justice, à l'octroi d'un permis de séjour. La Suisse a du reste émis une réserve sur l'art. 10, par. 1, de la convention, la législation suisse en matière de regroupement familial étant expressément réservée.

L'initiative touche aussi bien l'enfant désireux de rejoindre son parent résidant en Suisse, que le parent désireux de rejoindre son enfant en Suisse. Le cas échéant, le refus d'une autorisation pour épuisement de contingent (sur lequel pourrait déboucher l'initiative) pourrait donc, non seulement, rendre impossible la communauté de vie familiale en Suisse, mais aussi porter atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant. Si l'initiative était mise en oeuvre, il faudrait donc veiller à ne pas créer d'incompatibilités avec la Convention relative aux droits de l'enfant et à garantir, dans chaque cas particulier un examen de l'intérêt supérieur de l'enfant.

4.4.8

Accords d'association à Schengen et Dublin

De par son association au règlement Dublin, la Suisse est aujourd'hui intégrée au dispositif de coopération de Dublin (opérationnellement depuis le 12 décembre 2008). Ce règlement fixe les critères permettant de déterminer l'Etat-membre responsable de l'examen d'une demande d'asile déposée dans l'espace européen.

Concrètement, cela signifie que lorsqu'une demande introduite en Suisse relève de la compétence d'un autre Etat Dublin, le demandeur sera transféré vers cet Etat et inversement.

Au-delà de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, ce règlement ne permet pas de déterminer le statut d'un étranger. L'initiative n'a, dès lors, pas d'impact direct sur l'application de l'AAD. Cela étant, le plafonnement des autorisations qu'entend imposer l'initiative vise aussi, en principe, le domaine de l'asile.

Or, si ce plafonnement est trop strict, par exemple pour les admissions humanitaires, il pourrait conduire, après épuisement des contingents, à enfreindre le droit international impératif (principe de non-refoulement). Pour y parer, il faudra, en cas d'acceptation de l'initiative, aménager une certaine souplesse dans le domaine de l'asile, de façon à pouvoir respecter les règles impératives du droit international (cf.

ch. 1.3.2 et 4.2.3).

L'accord d'association à Schengen (AAS) porte sur le trafic transfrontalier de personnes entre la Suisse et les autres Etats de l'espace Schengen. Il abolit le contrôle systématique de personnes aux frontières intérieures des Etats parties. De même, il permet aux ressortissants d'Etats tiers en possession d'un visa Schengen (lorsque nécessaire) de voyager librement dans l'espace Schengen, pour une durée ne dépassant pas trois mois sur un semestre.

329

L'AAS règle le passage des frontières et les séjours de courte durée; l'initiative n'a, dès lors, pas d'impact direct sur l'application de cet accord. Il y a néanmoins lieu de s'interroger si la Suisse pourrait continuer de participer aux dispositifs de Schengen et Dublin en cas d'issue positive du scrutin et d'une dénonciation de l'ALCP (cf. ch.

4.2.2).

La fin de ces accords, et plus particulièrement de l'AAS, signifierait sans doute aucun une perte d'efficacité pour la Suisse. Privée d'accès aux bases de données SIS, VIS, etc., la Suisse se retrouverait, de fait, à l'écart de tout l'arsenal européen de recherches. Sans compter les obstacles et les délais d'attente qu'entraînerait le rétablissement d'un régime de contrôles aux frontières. Il faudrait aussi réexaminer en profondeur l'orientation stratégique de la surveillance des frontières, tout comme le dispositif d'intervention du Corps des gardes-frontière dans le cadre des mesures nationales de substitution.

5

Conclusions

L'acceptation de l'initiative et sa mise en oeuvre permettraient, certes, à la Suisse de régler de façon autonome l'admission de ressortissants étrangers, et également ceux de l'UE et de l'AELE, dont l'admission est réglée aujourd'hui par l'ALCP (libre circulation des personnes). L'introduction de plafonds et du principe de la préférence nationale dans l'accès au marché de l'emploi donnerait aux autorités les moyens d'une gestion globale de l'immigration.

Elle présenterait néanmoins de lourds inconvénients. L'initiative va dans le sens contraire de la politique fédérale menée aujourd'hui en matière d'admission, laquelle conjugue libre-circulation des personnes pour les bénéficiaires de l'ALCP et conditions d'admission restrictives pour les ressortissants de pays tiers. Le plafonnement prévu des autorisations ne se prête pas à toutes les catégories d'admission, en particulier à l'admission au titre du regroupement familial ou pour raisons humanitaires.

L'initiative n'est pas conciliable avec l'ALCP, qui devrait selon toute vraisemblance être dénoncé en cas d'acceptation de l'initiative. Cette dénonciation aurait des conséquences dont on mesure difficilement l'ampleur sur les relations entre la Suisse et l'UE et remettrait en cause toute la voie bilatérale suivie jusque-là.

L'acceptation de l'initiative nuirait, en outre, à la croissance économique de la Suisse, en dégradant sa compétitivité et son attractivité. Le retour au régime d'admission antérieur rendrait plus difficile le recrutement de travailleurs qualifiés originaires de l'UE et de l'AELE, tout en leur conférant un statut nettement moins favorable. Soulignons que, sous le régime de l'ALCP, l'immigration est essentiellement gouvernée par la situation économique du pays et par la demande de maind'oeuvre qui s'ensuit.

Or, tout porte à croire que le marché suisse continuera, à l'avenir, de se caractériser par une forte demande de travailleurs qualifiés, que ne pourront satisfaire les ressources nationales. C'est ce que montre l'évolution conjoncturelle de la Suisse, parallèlement à la croissance de sa population résidante étrangère.

Enfin, la mise en oeuvre de l'initiative engendrerait une charge administrative considérable, pour les employeurs comme pour les autorités cantonales et fédérales dont relèvent le marché du travail et la migration (gestion des plafonds, contrôle des conditions de séjour et de travail, procédures d'autorisation laborieuses, traitement 330

des recours, etc.). Un alourdissement bureaucratique qui irait à l'encontre, non seulement de la simplification des procédures administratives réclamée de toutes parts, mais aussi d'une immigration gouvernée par l'économie85.

Cela étant, le Conseil fédéral est conscient que le dynamisme de l'économie suisse s'est accompagné, ces dernières années, d'une immigration relativement importante, et que la croissance démographique qui en résulte se répercute sur le marché immobilier, l'infrastructure des transports et la consommation d'énergie. Pour contrer ces phénomènes, il entend améliorer la gestion de la migration et la lutte contre ses effets négatifs.

Se fondant sur ces considérations, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de soumettre l'initiative populaire «Contre l'immigration de masse» au vote du peuple et des cantons, en leur recommandant de la rejeter.

85

Dans le cadre de sa politique de croissance, le Conseil fédéral avait ainsi adopté en 2006 un train de mesures d'allègement administratif, destinées à simplifier la vie des entreprises. Pour plus de précisions, voir www.evd.admin.ch > Thèmes > Economie > Mesures d'allégement administratif

331

Bibliographie «Stopper l'immigration massive!», argumentaire de l'Union démocratique du centre concernant l'initiative «Contre l'immigration de masse», (état: juillet 2011), www.immigration-massive.ch > arguments > argumentaire (état au 8.11.2012).

Baumann Robert (2002): Der Einfluss des Völkerrechts auf die Gewaltenteilung, Zurich Biaggini Giovanni (2007): BV Kommentar, Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft Ehrenzeller Bernhard (2012): Résumé de l'expertise relative à l'initiative populaire «Pour le renforcement des droits populaires dans la politique étrangère (accords internationaux: la parole au peuple!)» du 20 avril 2012, à l'attention d'economiesuisse Jaag Tobias (2010), Europarecht, 3e édition, Zurich 2010 Liebig thomas et al. (2012), «L'intégration des immigrés et de leurs enfants sur le marché du travail en Suisse», Documents de travail de l'OCDE sur les affaires sociales, l'emploi et les migrations, No 128, Editions de l'OCDE; Office fédéral des migrations Sheldon George (2012: Der Schweizer Arbeitsmarkt und die Personenfreizügigkeit: Bilanz und Perspektive, contribution au Forum européen de Lucerne 2012 des 23 et 24 avril 2012 SER (2009): Effets de la participation suisse aux programmes-cadres européens de recherche, Rapport intermédiaire 2009, Secrétariat d'Etat à l'éducation et à la recherche SER (2011): La participation suisse au 7e programme-cadre européen de recherche, Bilan intermédiaire 2007­2011, Faits et chiffres, Secrétariat d'Etat à l'éducation et à la recherche Etude «Libre circulation des personnes et marché du logement Suisse; évolution en 2011»

332