13.021 Fondations. Renforcer l'attractivité de la Suisse Rapport proposant le classement de la motion Luginbühl 09.3344 du 20 mars 2009 du 27 février 2013

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, En réponse à la motion Luginbühl 09.3344 («Fondations. Renforcer l'attractivité de la Suisse»), nous vous soumettons le présent rapport en vous priant d'en prendre connaissance.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

27 février 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2012-3094

1981

Condensé Dans son rapport sur les aspects de la surveillance des fondations à l'exemple des fondations du docteur Gustav Rau (FF 2006 7305), la Commission de gestion du Conseil des Etats a demandé au Conseil fédéral de soumettre le système actuel de surveillance des fondations à une évaluation approfondie. La motion Luginbühl 09.3344 («Fondations. Renforcer l'attractivité de la Suisse») formule des exigences similaires. Ayant pris acte d'un rapport du 23 décembre 2010 sur les perspectives futures de la surveillance des fondations, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de justice et police, le 23 février 2011, d'étudier avant la fin de 2012 s'il était nécessaire de préciser les dispositions relatives à la surveillance des fondations. De plus, pour tenir compte des autres aspects abordés par la motion Luginbühl, il convenait d'examiner l'opportunité d'une adaptation du droit civil et du droit fiscal.

En conclusion de cet examen, le Conseil fédéral présente aux Chambres fédérales le présent rapport proposant le classement de la motion Luginbühl. En effet, il n'est pas nécessaire, à l'heure actuelle, de modifier le droit des fondations, que ce soit sur le plan civil ou fiscal. L'adapter aux développements qui se font jour en Europe, comme le demande la motion, ne peut se faire dans le cadre étroit du droit civil et fiscal. Il faut tenir compte des réflexions sur le gouvernement d'entreprise, de certains aspects relevant du Groupe d'action financière (GAFI) en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme et des réflexions de l'OCDE sur la transparence. En outre, un alignement sur le droit européen risquerait de faire perdre au droit suisse de son attrait précisément parce qu'il se verrait dépouillé des principes libéraux qui le caractérisent. Le but de la révision de 2004 (iv. pa. Schiesser), qui visait à libéraliser le droit des fondations, a été atteint au vu de l'évolution positive des fondations en Suisse. Une nouvelle modification des dispositions de droit civil applicables risquerait d'être mal perçue, sans compter qu'il serait inconsidéré d'anticiper les évolutions en cours dans l'UE, dont l'issue n'est pas encore certaine. Dans le domaine fiscal, un accroissement de l'attractivité ne saurait avoir lieu que par des accords bilatéraux ou multilatéraux,
dont le contenu dépendrait en grande partie du résultat concret des négociations. L'effet, en termes d'attrait de la Suisse pour les fondations, ne serait pas à tous les coups positif. Il convient de prendre du temps pour observer les évolutions en cours dans l'UE, notamment en ce qui concerne le statut de la «fondation européenne».

L'objectif à long terme de la motion est de reforcer l'attrait de la Suisse pour les fondations de manière durable. C'est pourquoi le Conseil fédéral suivra avec grande attention les développements internationaux dans le domaine des fondations et examinera régulièrement les incidences du droit civil et du droit fiscal sur l'attrait de la Suisse en la matière. S'il y a lieu de prendre des mesures, il proposera en temps voulu un projet approprié au Parlement. Mais à l'heure actuelle, les exigences de la motion doivent être considérées comme une tâche à long terme consistant à préserver à l'avenir l'attractivité de la Suisse pour les fondations.

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Table des matières Condensé

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1 Contexte

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2 Aspects de droit civil 2.1 Droit suisse 2.2 Droit européen 2.3 Mesures envisageables pour la mise en oeuvre de la motion 2.3.1 Précision de la définition de la fondation 2.3.2 Facilitations formelles de la constitution d'une fondation et contenu minimal des statuts 2.3.3 Obligation de s'inscrire au registre du commerce 2.3.4 Désignation de l'autorité de surveillance avant l'inscription au registre du commerce 2.3.5 Règles plus détaillées sur l'organisation des fondations 2.3.6 Surveillance des fondations 2.3.7 Réduction ou suppression du délai pour la modification du but par le fondateur 2.3.8 Fondations de famille

1985 1985 1986 1987 1987

3 Aspects relevant de la fiscalité 3.1 Situation des fondations dans le domaine de la TVA 3.1.1 Contexte 3.1.2 Evaluation 3.2 Situation des fondations dans le domaine des impôts directs 3.2.1 Contexte 3.2.2 Exonération des fondations poursuivant des buts de service public ou d'utilité publique 3.2.3 Déductibilité des dons en faveur de fondations d'utilité publique 3.2.4 Déductibilité des dons internationaux à des fondations d'utilité publique 3.2.5 Traitement fiscal des fondations de famille et des fondations d'entretien 3.2.6 Traitement fiscal des «co-fondations» 3.2.7 Comparaisons et relation avec le droit européen 3.3 Situation des fondations dans le domaine des impôts sur les successions et les donations 3.3.1 Impôts sur les successions et les donations en Suisse 3.3.2 Impôts sur les successions et les donations sur le plan international

1995 1995 1995 1997 1997 1997

4 Synthèse et appréciation 4.1 Aspects de droit civil 4.2 Aspects relevant de la fiscalité 4.3 Appréciation d'ensemble

2013 2013 2015 2016

1988 1988 1989 1989 1990 1992 1993

1998 1999 2003 2006 2007 2007 2012 2012 2013

1983

Rapport 1

Contexte

Dans une motion déposée le 20 mars 2009, Werner Luginbühl a demandé des adaptations du droit civil et du droit fiscal pour les fondations d'utilité publique en fonction des développements dans l'UE. Le Conseil des Etats a adopté cette intervention en été 2009 dans la teneur suivante: «Dans le contexte de l'évolution de la politique financière et de l'économie réelle, le Conseil fédéral est chargé de maintenir l'attractivité de la Suisse pour les fondations nationales et étrangères et pour leurs fondateurs. A cet effet, il est notamment invité à procéder à des adaptations et à établir des coopérations en fonction des développements qui se font jour en Europe.

Les fondations d'utilité publique et les fondations de famille doivent bénéficier d'une fiscalité aussi attractive que celle dont elles bénéficient dans les pays voisins. Par ailleurs, l'utilité publique des fondations doit être renforcée.» Le Conseil national a adopté la motion en décembre 2009 après que celle-ci a été complétée suite à la proposition de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (CER-N) qui mandate le Conseil fédéral d'étudier l'opportunité d'une révision de la surveillance des fondations. Le Conseil des Etats a approuvé ces changements le 1er mars 2010.

Selon le développement de la motion, les fondations devraient pouvoir agir sans grands obstacles par-delà les frontières. L'auteur de l'intervention demande entre autres que l'on améliore à cette fin les conditions fiscales, car il serait plus avantageux sur ce plan, selon lui, de créer une fondation à l'étranger. Il cite comme exemple l'Allemagne, qui a optimisé la fiscalité des fondations rétroactivement à compter du 1er janvier 2007, et mentionne l'étude de faisabilité commandée par la Commission européenne (Feasibility Study on a European Foundation Statute).

L'adaptation du droit des fondations en fonction de l'évolution européenne, demandée par la motion, ne pourrait toutefois pas se borner à des modifications du droit civil et fiscal. Il faudrait tenir compte des réflexions sur le gouvernement d'entreprise, de certains aspects relevant du Groupe d'action financière (GAFI) en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme et des réflexions de l'OCDE sur la transparence.

Dans son rapport sur les aspects de la
surveillance des fondations à l'exemple des fondations du docteur Gustav Rau (FF 2006 7305), la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) conclut qu'il faut faire une évaluation approfondie du système actuel de surveillance des fondations. Selon elle, il faudrait aussi examiner d'autres formes d'organisation de la surveillance des fondations au niveau fédéral et tenir compte des développements internationaux en matière de droit des sociétés.

Elle recommande en outre que l'on base sur une loi formelle les principes de la surveillance des fondations, les mesures de surveillance les plus importantes et les conditions de l'application de ces mesures. Le 20 mai 2009, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de justice et police (DFJP) ­ plus précisément l'Office fédéral de la justice (OFJ) et l'Autorité fédérale de surveillance en matière de révision ­ d'examiner à l'horizon 2010, en collaboration avec le Département fédéral de l'intérieur, l'opportunité de concrétiser au niveau de la loi l'art. 84, al. 2, du code civil (CC; RS 210). Après avoir pris acte, le 23 février 2011, d'un rapport daté du 23 décembre 2010 sur les perspectives futures de la surveillance des fonda1984

tions (Grundlagenbericht zur künftigen Ausgestaltung der Stiftungsaufsicht), il a estimé utile d'étudier s'il convenait de préciser les critères régissant la surveillance des fondations et de régler l'obligation des organes des fondations de faire rapport. Il désire cependant que la surveillance des fondations demeure une surveillance purement juridique, c'est-à-dire un simple examen de la conformité de l'activité des organes des fondations avec la loi, les actes de fondation et les règlements. Le DFJP a donc été chargé d'étudier, avec le concours des cantons et des milieux intéressés, s'il fallait préciser ­ et de quelle manière ­ les dispositions légales et de présenter un rapport au Conseil fédéral avant la fin de 2012. Il devait conserver le système de surveillance directe des fondations par les autorités de surveillance de la Confédération et des cantons, car la délégation des tâches de surveillance à des réviseurs externes entraînerait des coûts supplémentaires pour les fondations, sans compter la question de l'agrément spécial requis pour ces réviseurs. Par ailleurs, le Conseil fédéral souhaitait savoir si le système actuel de la surveillance directe exercée par la Confédération et par les cantons devait être complété par une haute surveillance.

Dans ce but, le Département fédéral de l'intérieur (DFI) a été chargé d'examiner cette question.

2

Aspects de droit civil

2.1

Droit suisse

La révision du droit des fondations et du droit fiscal des fondations, entrée en vigueur le 1er janvier 2006, a amélioré notablement les conditions-cadres pour la constitution de fondations. L'auteur de la motion demande de nouvelles mesures destinées à accroître l'attrait de la Suisse pour les fondations, au regard de l'évolution internationale. Depuis l'approbation par le Parlement de la motion Luginbühl, certaines critiques se sont élevées contre une nouvelle modification du droit des fondations, en particulier la perspective d'une adaptation du droit suisse aux développements du droit communautaire.

Le Conseil fédéral considère que la Suisse est actuellement attrayante pour la constitution de fondations, comme le prouve notamment le nombre en constante augmentation des fondations soumises à la surveillance du DFI: alors que 1925 fondations étaient soumises à la surveillance de la Confédération en 2000, ce nombre est passé à 3561 fondations en 20111. Cette évolution positive est certainement, en partie, due à la stabilité et à la prévisibilité du droit suisse. La plupart des fondateurs poursuivent des projets sur le long terme et doivent pouvoir se fier à un ordre juridique pérenne. Il y a donc lieu de renoncer à toute révision législative qui ne s'avérerait pas absolument indispensable. Il y a donc lieu d'adapter avec beaucoup de précautions les conditions qui font de la Suisse une place attractive pour la constitution de fondations.

1

www.edi.admin.ch/esv/05263/05265/index.html?lang=fr

1985

2.2

Droit européen

L'auteur de la motion demande une adaptation du cadre légal civil et fiscal en fonction des développements en matière de fondations d'utilité publique qui se font jour en Europe. Il n'y avait pourtant pas de droit des fondations harmonisé à l'échelon communautaire au moment où la motion a été déposée; seule existait une étude de faisabilité sur la création éventuelle d'un statut de la fondation européenne (Fundatio Europaea; FE)2. L'OFJ a analysé ce texte et conclu, à la fin de l'été 2009, que la fondation suisse présentait pour l'essentiel les caractéristiques de la fondation européenne. Tel est aussi l'avis de Dominique Jakob, professeur de droit privé et membre du centre pour le droit des fondations à l'université de Zurich3.

En février 2011, le Parlement européen s'est prononcé majoritairement pour la création d'un statut commun de la fondation européenne. Le Comité économique et social européen a également pris position en ce sens.Exhortée à concrétiser cette initiative, la Commission européenne a donc présenté, le 8 février 2012, un projet de règlement du Conseil relatif au statut de la FE4. Elle s'est basée dans ses travaux sur les enseignements issus de l'étude de faisabilité et de deux consultations publiques.

Le règlement vise à ce que les fondations dont l'activité s'étend sur plusieurs pays membres de l'UE puissent agir de manière plus efficace et surtout avec moins de charges administratives.

Le projet de règlement définit la FE comme «une entité constituée séparément en vue de poursuivre un objectif d'utilité publique», par exemple les arts, la culture, la protection de l'environnement, les droits civils et les droits de l'homme, ou la science, la recherche et l'innovation. Pour avoir le statut de FE, la fondation doit mener des activités dans deux Etats membres au moins et disposer d'actifs équivalents à 25 000 euros au moins. La FE dispose de la personnalité juridique et de la pleine capacité juridique dans tous les Etats membres. Sauf restrictions prévues par ses statuts, elle a la capacité et la liberté de faire acte de commerce ou d'exercer d'autres activités économiques, à condition d'en affecter tous les bénéfices à la poursuite exclusive de son objectif d'utilité publique. La proposition de règlement définit le contenu minimal des statuts d'une FE. Celle-ci doit être
enregistrée dans un Etat membre, chaque Etat étant libre de désigner le registre idoine. Elle est régie par un conseil d'administration de trois membres au moins, et soumise à la surveillance d'une autorité que chaque Etat membre est chargé de désigner. Cette autorité veille à ce que le conseil d'administration agisse dans le respect des statuts de la FE, du règlement et du droit national applicable. L'Etat membre où la FE a son siège soumet cette dernière à un traitement fiscal identique à celui qui est applicable aux entités d'utilité publique établies dans cet Etat, en ce qui concerne les impôts sur le revenu et sur les plus-values, les droits de donation et de succession, les taxes immobilières et foncières, les taxes de transfert, les taxes d'enregistrement et les droits de timbre et taxes similaires.

2 3 4

http://ec.europa.eu/internal_market/company/docs/eufoundation/feasibilitystudy_en.pdf Voir Dominique Jakob, Das Stiftungsrecht der Schweiz im Europa des dritten Jahrtausends, RSJ 104 (2008), p. 542.

COM(2012) 35 final; voir aussi la proposition sous http://ec.europa.eu/internal_market/company/eufoundation/index_fr.htm

1986

2.3

Mesures envisageables pour la mise en oeuvre de la motion

Eu égard à la motion Luginbühl et à la décision du Conseil fédéral du 23 février 2011, différentes mesures sont examinées ci-après. Ces considérations se fondent d'une part sur l'analyse des prises de position des autorités cantonales de surveillance des fondations concernant le Grundlagenbericht du 23 décembre 2010 et d'autre part sur les travaux effectués au sein de l'administration. Les éventuels changements qui s'imposent sur la base des exigences du GAFI ou de l'OCDE sont également abordés, notament dans les domaines de la transparence, du gouvernement d'entreprise, de l'obligation de faire rapport, etc. L'analyse ainsi faite répond au mandat d'examen de la motion Luginbühl.

2.3.1

Précision de la définition de la fondation

Avant toute chose, il convient d'examiner si la définition légale de la fondation doit être précisée de sorte que ses caractéristiques et son affectation soient mieux décrits et afin de mieux délimiter cette forme juridique par rapport à d'autres personnes morales.

Il n'est pas indispensable d'apporter de telles précisions à la définition légale, d'autant moins que les caractéristiques de la forme juridique de la fondation (l'affectation d'un patrimoine; l'existence de destinataires; l'interdiction de la simple thésaurisation) sont reconnues dans la jurisprudence, la doctrine et la pratique. En raison de cette typicité, les fondations ne peuvent pas être instituées dans n'importe quel but mais doivent respecter les affectations prévues par la loi. Les personnes qui envisagent de créer une fondation doivent s'assurer à l'avance, sur la base du droit actuel, si cette forme juridique correspond à leurs besoins et à leurs objectifs.

Limiter les buts de la fondation à des objectifs d'utilité publique, comme pour la FE, ne correspond pas à la réalité juridique en Suisse, surtout si l'on songe que l'avantprojet de révision du droit de la fondation, selon lequel les fondations ne devaient pas poursuivre des objectifs économiques, a été largement balayé en 1993 en partie pour cette raison. La FE doit être une entité d'utilité publique parce qu'elle agit au-delà des frontières et qu'elle a un rôle subsidiaire par rapport aux fondations de droit national. Pour des raisons de sécurité du droit, la plupart des Etats de l'UE définissent exhaustivement les buts d'utilité publique acceptés dans leur droit civil et fiscal. En droit suisse, l'utilité publique est avant tout une notion pertinente en droit fiscal en particulier pour les exonérations d'impôt. L'utilité publique implique que les activités soient exercées à des fins altruistes et dans l'intérêt général (les intérêts particuliers étant secondaires). Au vu de cette réalité, limiter les buts des fondations aux buts d'utilité publique serait un retour en arrière, incompatible avec les objectifs de la motion Luginbühl. La réglementation suisse serait conforme à celle de la FE, mais elle deviendrait plus restrictive que celle de certains Etats membres de l'UE, qui connaissent des réglementations plus libérales. Il faut donc rejeter cette idée.

Dans ce
contexte, on peut se demander s'il faut régler expressément ce que l'on pourrait appeler les «co-fondations». On se réfère là à la notion de Zustiftung issue du droit allemand: il s'agit d'une contribution faite à une fondation, destinée à accroître son capital. L'argent ainsi capitalisé est soit lié au but général de la fondation, soit affecté à un but plus précis (qui entre dans le cadre du but général de la 1987

fondation). Cette possibilité permet d'intégrer les contributions à une infrastructure existante de sorte à les utiliser plus efficacement et plus durablement, ce qui est dans l'intérêt du donateur. Cette pratique existe en Suisse, sans qu'il y ait de base légale spécifique. Elle repose en général sur des conventions entre le donateur et la fondation. Comme ce système fonctionne dans la pratique sur la base de l'autonomie privée, il n'y a nul besoin de le régler spécifiquement.

2.3.2

Facilitations formelles de la constitution d'une fondation et contenu minimal des statuts

En particulier au regard de la règlementation de la FE, on peut se demander s'il faut ou non supprimer l'obligation légale d'instrumenter par un acte authentique la constitution de la fondation lorsque celle-ci ne résulte pas d'une disposition testamentaire. Renoncer à la forme authentique permettrait de simplifier les modalités de constitution et de les harmoniser avec celles prévues dans le cas de la constitution d'une fondation par une disposition pour cause de mort, tout en tenant compte des développements européens; en contrepartie, il faudrait que le contenu minimal de l'acte de fondation soit précisé dans la loi.

Si cette simplification peut sembler intéressante, elle présente aussi des inconvénients. Pour pouvoir renoncer au concours d'un officier public, il deviendrait nécessaire de fixer plus en détail dans la loi le contenu minimal de l'acte de fondation, afin que le fondateur puisse le rédiger seul. Cela constituerait cependant une atteinte au régime libéral actuel. Le droit en vigueur, qui suit une approche contraire, ne règle pas précisément le contenu minimal de l'acte de fondation, contrairement au droit communautaire, mais exige en contrepartie le concours d'un officier public. Il n'y a pas de raison objective pour bouleverser ce système, d'autant plus que le projet d'experts de 1993, qui a tenté de fixer le contenu minimal de l'acte de fondation, a été avorté et que ce point n'a pas été repris dans la révision du droit des fondations de 2004.

2.3.3

Obligation de s'inscrire au registre du commerce

Les critiques dirigées contre le manque de transparence de la place financière suisse et les efforts du GAFI et de l'OCDE pour accroître la transparence parlent en faveur de l'instauration d'une obligation générale d'inscrire toutes les fondations dans le registre du commerce5.

En obligeant toutes les fondations (de droit privé) à s'inscrire au registre du commerce (y compris les fondations ecclésiastiques et les fondations de famille, qui en sont aujourd'hui exceptées), on améliorerait la transparence. En outre, une telle mesure serait une réponse aux appels toujours plus nombreux sur le plan international à renforcer la transparence pour mieux lutter contre le blanchiment d'argent, le terrorisme et l'évasion fiscale. Toutefois, la motion Luginbühl ne vise pas l'amé5

Selon des estimations, une obligation générale d'inscrire les fondations au registre du commerce entraînerait l'enregistrement de 100 à tout au plus 1000 fondations de famille (voir Grüninger Harold, in: Heinrich Honsell/Nedim Peter Vogt/Thomas Geiser [édit.], Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 4e éd., Bâle 2011, Art. 335 no 3), ce qui n'est pas excessif par rapport au nombre total des fondations inscrites (2011: 17 761).

1988

lioration de la transparence, de sorte qu'il n'y a pas lieu de poursuivre plus à fond l'examen de cette mesure.

Cette question sera analysée de manière approfondie dans le cadre de la mise en oeuvre en droit suisse des exigences du GAFI et de l'OCDE.

2.3.4

Désignation de l'autorité de surveillance avant l'inscription au registre du commerce

A l'exception des fondations de prévoyance professionnelle, l'autorité de surveillance de la fondation ne doit pas être désignée avant même son inscription au registre du commerce (voir ATF 120 II 374 consid. 4, p. 379 ss). Il fut cependant un temps où la pratique n'était pas uniforme et l'inscription d'une fondation au registre du commerce ne pouvait pas toujours se faire sans la déclaration de l'autorité compétente confirmant qu'elle assumerait la surveillance, ou bien sans un examen en règle, par l'autorité de surveillance, de la conformité de la fondation au droit et donc de son aptitude à être inscrite6. Le Tribunal fédéral a estimé que cette pratique n'avait aucune base légale pour les fondations ordinaires7. De plus, la procédure d'inscription des fondations a été expressément réglée dans l'ordonnance du 17 octobre 2007 sur le registre du commerce (ORC; RS 221.411): il découle de ces dispositions que les fondateurs peuvent constituer leur fondation rapidement et l'inscrire au registre du commerce sans l'intervention de l'autorité de surveillance.

Vu la charge administrative actuelle, les devoirs d'information et le travail de coordination qui a lieu après l'inscription au registre du commerce, il pourrait paraître souhaitable de simplifier la procédure. Il en résulterait cependant une nouvelle procédure d'autorisation (anticipée), alors même que les efforts actuels vont dans le sens d'une réduction des procédures.

2.3.5

Règles plus détaillées sur l'organisation des fondations

Il convient d'examiner dans quelle mesure les règles sur l'organisation des fondations méritent d'être détaillées, par exemple au travers d'une concrétisation des tâches de l'organe suprême de la fondation. Cela permettrait de transposer en droit positif les principes du gouvernement d'entreprise dans le droit des fondations («foundation governance»).

La fondation, en tant que patrimoine autonome, ne dispose pas, au contraire des corporations, d'un organe similaire à l'assemblée des associés qui puisse exercer une certaine influence sur la fondation; l'absence d'un tel organe est partiellement compensée par la soumission de la fondation à la surveillance de l'Etat. En définissant clairement les droits et les devoirs des acteurs impliqués, il serait possible de cir6

7

Cf. Rebsamen Karl, Handbuch für das Handelsregister, 2e éd., Bâle 1993, p. 169, Hahnloser Bernhard, Die Stiftungsaufsicht, Schriftenreihe Arbeitsgemeinschaft für gemeinnützige Stiftungen, vol. l, Bâle 1989, p. 9 s, et par ex. JAAC 52 1988 no 55.

Cf. Riemer Hans Michael, in: Arthur Meier-Hayoz [édit.], Berner Kommentar; Band I: Einleitung und Personenrecht, 3. Abteilung: Die juristischen Personen, 3. Teilband: Die Stiftungen, Systematischer Teil und Kommentar zu Art. 80­89bis ZGB, Berne 1975, art. 81, no 99.

1989

conscrire leur marge de manoeuvre et leur responsabilité. Cela correspondrait aussi à la conception de la FE, avec sa règlementation détaillée de l'organisation de la fondation et des tâches des organes.

Les milieux intéressés ont reconnu ce constat: plusieurs codes relevant de l'autorégulation et contenant des directives ou des recommandations plus ou moins détaillées fixent les principes régissant la direction et l'administration des fondations, les tâches du conseil de fondation, la direction opérationnelle, la transparence, les comptes et la responsabilité des organes8. Les fondations sont de plus en plus nombreuses à s'appuyer sur ces règles d'autogouvernance sur une base volontaire, s'en servant d'instrument de direction et de contrôle, si bien qu'il n'apparaît pas nécessaire d'édicter une règlementation légale détaillée à l'instar du droit communautaire en la matière. Cela risquerait de se faire au détriment du libéralisme ­ très apprécié ­ dont bénéficie le droit suisse des fondations, sans qu'il y ait pour cela de raison objective. Actuellement, il vaut mieux donner la préséance aux efforts d'autorégulation des fondations.

2.3.6

Surveillance des fondations

Considérations générales Conformément au mandat d'examen additionnel de la CER-N, il y a lieu d'examiner l'opportunité d'une révision de la surveillance des fondations.

En droit actuel, les fondations donatrices sont soumises de par la loi à la surveillance de l'Etat. Cette surveillance vise à compenser l'absence d'un organe similaire à une assemblée des associés dans la fondation. La surveillance sert donc à protéger les intérêts du fondateur et des destinataires. En d'autres termes, elle vise à préserver les intérêts publics et privés servis par la fondation, qui ne se recoupent pas forcément avec les intérêts subjectifs des organes de cette dernière. L'Etat joue le rôle d'un garant indépendant qui veille au respect du droit par les organes de la fondation. Son activité à ce titre consiste pour l'essentiel à contrôler que la volonté du fondateur est bien respectée. L'autorité de surveillance intervient notamment si la réalisation du but de la fondation est menacée. Il faut noter que la marge de manoeuvre des organes des fondations, en particulier la liberté de décision qui leur est nécessaire, ne doit pas être limitée inutilement et que, sur les questions laissant une marge d'appréciation, l'autorité doit juger avec beaucoup de réserve si cette latitude s'est exercée dans les limites du droit. Les autorités de surveillance examinent, sur la base de l'art. 84, al. 2, CC, si les biens de la fondation sont employés conformément à leur destination, si les prescriptions juridiques (loi, acte de fondation, règlements) sont respectées et quelle est la politique de placement9. Le placement des biens de la fondation doit être conforme aux principes de liquidité, de rendement, de sécurité, de répartition des risques et de conservation de la substance réelle. L'autorité de surveillance vérifie que les décisions concernant le placement des biens se font dans le respect de ces principes, au regard de l'ensemble des circonstances et du principe de 8

9

Swiss Foundation Code de l'Association des fondations donatrices suisses du 25 octobre 2005; Swiss NPO-Code de la Conférence des présidentes et des présidents des grandes oeuvres d'entraide de Suisse du 31 mars 2006.

Cf. en particulier Grüninger Harold, in: Heinrich Honsell/Nedim Peter Vogt/Thomas Geiser [édit.], Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 4e éd., Bâle 2011, art. 84 no 14a s.

1990

proportionnalité, et dans la perspective d'une conformité durable au but de la fondation (voir ATF 124 III 99 consid. 2a). Elle part du postulat d'une bonne gestion fondée sur les principes commerciaux généralement admis tout en reconnaissant aux organes de la fondation la plus grande marge de décision possible en matière de placements. Cet élément d'appréciation lui permet de tenir compte des circonstances du cas particulier; il y a donc lieu de maintenir la réglementation actuelle.

Selon l'art. 84 CC, les fondations sont placées sous la surveillance de la corporation publique (Confédération, canton, commune) dont elles relèvent par leur but. En vertu de cette disposition, il incombe à la Confédération d'assumer la surveillance sur les fondations se vouant à des tâches nationales ou internationales, alors que l'autorité cantonale assume celle des fondations se vouant à des tâches locales ou cantonales. Avec le système de haute surveillance, les autorités cantonales de surveillance des fondations assumeraient la surveillance de toutes les fondations classiques, y compris celles qui selon le droit actuel sont soumises à la surveillance fédérale, et la Confédération se verrait attribuer des compétences de haute surveillance. Au de la diversité des buts et des activités des fondations, qui résulte de l'autonomie privée dont bénéficient les fondations classiques, il ne serait pas possible d'attribuer raisonnablement de nouvelles compétences à une autorité de haute surveillance, notamment au vu d'une éventuelle compétence de cette nouvelle autorité de haute surveillance d'édicter des directives à l'intention des autorités cantonales de surveillance des fondations. Les directives devraient se limiter à des questions «très générales» qui auraient déjà été très largement clarifiées par la jurisprudence ou qui pourraient, au besoin, encore l'être. Un système de haute surveillance n'apporterait aucune plus-value dans le cas des fondations classiques.

Au contraire, il y aurait le risque que les coûts de la surveillance des fondations augmentent et qu'elle se complique inutilement.

Position des autorités de surveillance LPP et des fondations Les formes de surveillance explorées dans le Grundlagenbericht du 23 décembre 2010 ont des conséquences sur l'organisation et les compétences des acteurs impliqués. Les
autorités suisses de surveillance des fondations ont été invitées à donner leur point de vue et à exprimer leurs souhaits dans la perspective d'une décision sur l'orientation de la révision. La Conférence des autorités cantonales de surveillance LPP et des fondations a pris position par écrit, le 24 février 2012, au nom de tous ses membres. Voici le résumé de son avis.

Les autorités cantonales exerçant une surveillance directe estiment inutile de préciser les dispositions légales dans le domaine des fondations classiques. La plupart d'entre elles disposent d'ordonnances cantonales dans lesquelles la surveillance des fondations et leur activité en général sont réglées de manière détaillée. Elles exercent une surveillance de nature juridique: elles vérifient que les organes de direction et d'administration des fondations ont agi conformément au droit, sur la base des rapports du conseil de fondation et du réviseur, des comptes annuels avec leurs annexes et des explications spécifiques que peuvent leur donner d'autres experts. Si d'autres services (organisme subventionnaire par ex.) exercent une surveillance spéciale sur les activités de la fondation, les autorités de surveillance tiennent compte de leurs rapports et constatations.

Les autorités de surveillance cantonales et régionales considèrent que le système actuel de surveillance administrative immédiate est efficace. La proximité géographique leur semble indispensable pour une appréciation des activités des fondations.

1991

Pour le cas où, en plus des constatations des réviseurs et des rapports et informations du conseil de fondation, il s'avère nécessaire de faire appel à des tiers pour faire une évaluation fiable de la fondation, les ordonnances cantonales autorisent à confier des mandats à des spécialistes et à commander des expertises. En outre, la révision ordinaire donne une idée du fonctionnement des mécanismes de contrôle interne de la fondation et des risques encourus, si bien que les autorités de surveillance sont informées d'éventuels problèmes. En conclusion, elles ne jugent pas nécessaire de remplacer le système actuel de surveillance administrative par une surveillance indirecte.

Les ordonnances cantonales règlent de manière détaillée les moyens de la surveillance, ce qui rend inopportunes des normes légales supplémentaires au niveau fédéral. Les autorités de surveillance doivent toujours décider au cas par cas quelle mesure est appropriée et utile. Il est de plus difficile de préciser de manière générale les mesures de surveillance. Les fondations et institutions soumises à la surveillance sont de nature si diverse (des pures fondations donatrices aux fondations d'entreprise) que des normes efficaces dans un domaine seraient inopérantes dans d'autres.

Les pièces justificatives que les fondations doivent fournir sont réglées par ordonnance dans la plupart des cantons (par ex. rapport du conseil d'administration, rapport du réviseur accompagné des comptes annuels avec annexes); il y aurait risque de surréglementer ce point si l'on ajoutait des prescriptions au niveau fédéral.

Si cela devait toutefois être le cas, il faudrait entrer dans le détail de chaque type de fondation dans le cadre des dispositions sur la comptabilité, mais c'est là une question de droit matériel. La révision du droit comptable entrée en vigueur le 1er janvier 2013 a des incidences directes pour les fondations et notamment pour celles qui sont soumises à la révision ordinaire: elles doivent dresser des états financiers (art. 962a, al. 5, CO) ou des comptes consolidés (art. 963b, al. 1, CO) selon une norme comptable reconnue.

La Conférence des autorités cantonales de surveillance LPP et des fondations conclut que le domaine des fondations classiques présente peu de problèmes en matière de surveillance (p. ex. composition des
organes; conflits d'intérêts personnels au sein de la fondation; abus de confiance, enrichissement personnel, etc.). Le cas échéant, l'autorité de surveillance intervient rapidement et essaie d'empêcher un engrenage de difficultés. Les thèmes tels que la loyauté, la transparence et la lutte contre le blanchiment d'argent ont certes de plus en plus d'importance mais ne peuvent être réglés uniquement à coup de dispositions légales. En outre, l'introduction d'un modèle de haute surveillance est également rejetée.

Le Conseil fédéral peut se rallier à cette argumentation. Il y a donc lieu de s'en tenir au système actuel, faute de raison impérative de le réformer.

2.3.7

Réduction ou suppression du délai pour la modification du but par le fondateur

Autre point à examiner: faut-il réduire, voire supprimer, le délai minimal de dix ans prévu à l'art. 86a, al. 1, CC avant lequel il n'est pas possible de modifier le but de la fondation sur requête du fondateur ou en raison d'une disposition pour cause de mort?

1992

Certains participants au 2e Forum suisse des fondations, qui s'est tenu le 8 septembre 2009, y ont fait remarquer que ce délai de dix ans était trop long, car il peut s'avérer nécessaire de modifier le but de la fondation plus rapidement, en particulier si le fondateur est encore vivant.

Avant même l'entrée en vigueur de la révision du droit des fondations le 1er janvier 2006, la possibilité limitée de modifier le but de la fondation faisait déjà l'objet de critiques. Le délai à dix ans devait permettre d'éviter que les fondations soient entravées dans leurs activités par une succession de modifications de leur but10.

Il est difficile de dire objectivement si le délai de dix ans est trop rigide étant donné que les dispositions en question ne sont pas en vigueur depuis très longtemps. Le fait que certaines voix ont demandé un raccourcissement du délai ne signifie pas encore qu'il existe un besoin pressant de modifier la loi. Au contraire, une réduction importante du délai voire sa suppression toucherait à l'essence même de la fondation.

Celle-ci est, de par la loi, une construction relativement rigide, servant un but à long terme. Si le fondateur peut modifier ce but à tout moment, c'est la caractéristique même de la fondation qui disparaît. Faute d'éléments concrets permettant d'affirmer que le délai de 10 ans est un facteur qui rend la Suisse inattractive pour la création de fondations, le Conseil fédéral juge qu'il n'est pas nécessaire de modifier des dispositions légales qui ne sont en vigueur que depuis six ans.

2.3.8

Fondations de famille

Une fondation devient une fondation de famille lorsque sa fortune est reliée à une famille en particulier. Le critère déterminant est le fait que le cercle des destinataires se compose essentiellement de membres d'une famille en particulier. Le fait que le fondateur désigne sa fondation en tant que fondation de famille ou non a peu d'importance. Le sens que l'ensemble des statuts donne à la fondation importe bien plus. Sont déterminantes en particulier les dispositions qui concernent le but de la fondation et les personnes à qui ce but doit bénéficier11.

Les fondations de famille doivent être destinées exclusivement au paiement des frais d'éducation, d'établissement ou d'assistance des membres de la famille ou à des buts analogues (voir art. 335, al. 1, CC). La constitution de fidéicommis de famille est explicitement interdite par la loi (voir art. 335, al. 2, CC). Les fondations de famille ne peuvent donc offrir des prestations aux bénéficiaires que dans certaines situations. Elles ne peuvent pas proposer de prestations «juste comme ça», c'est-à-dire sans conditions particulières. Les fondations d'entretien ou de jouissance surtout ne sont pas autorisées12.

Les fondations de famille ne sont ni inscrites au registre du commerce, ni soumises à la surveillance de l'Etat. Il est donc difficile de les dénombrer13. Ces dernières années, il semble que la fondation de famille ait nettement perdu de son attrait en 10

11 12 13

Cf. Sprecher Thomas, Die Revision des schweizerischen Stiftungsrechts, Zurich 2006, no 217; Grüninger Harold, in: Heinrich Honsell/ Nedim Peter Vogt/Thomas Geiser (édit.), Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 4e éd., Bâle 2011, art. 86a, no 7.

Cf. Grüninger, op. cit., art. 87, N 1.

Cf. Grüninger, op. cit., art. 335, N 6 ss.

D'après Grüninger Harold, in: Heinrich Honsell/Nedim Peter Vogt/Thomas Geiser (édit.), Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 4e éd., Bâle 2011, art. 335 no 3, entre 100 et 1000 fondations relevant du droit suisse ont été constituées.

1993

Suisse, en raison d'une application toujours plus restrictives des exigences de l'art. 335 CC14 . Cet article statue une double restriction: ­

quant aux personnes: le cercle des destinataires est limité aux membres d'une famille.

­

quant à l'objet: les buts admissibles sont énumérés de manière exhaustive (éducation, établissement et assistance des membres de la famille ou buts analogues). Sont donc interdites les fondations de famille qui auraient pour but de procurer à leurs destinataires des avantages leur permettant d'améliorer leur train de vie, sans que soient posées des conditions spéciales liées à une situation de vie déterminée15. Les fondations de famille dites d'entretien ou de jouissance, apportant des avantages sans conditions, sont illicites16.

C'est pour cette raison qu'en pratique, on recourt à des institutions étrangères (par ex. la fondation de famille liechtensteinoise ou le trust). Il faut prendre en compte le fait que l'art. 335 CC n'interdit pas la constitution d'un trust car il n'est plus considéré comme une norme d'application immédiate visée par l'art. 16 de la Convention du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance (RS 0.221.371), au moins depuis l'ATF 135 III 614. Le fait qu'il soit possible de recourir à une institution étrangère pour constituer des fondations d'entretien malgré l'art. 335 CC n'a pas été jugé assez choquant par le Tribunal fédéral pour qu'il exige que le législateur prenne des mesures.

Selon certains auteurs, le manque d'instrument adéquat pour planifier sa succession est un inconvénient concurrentiel du droit suisse17. Il conviendrait, en outre, de réviser l'art. 335 CC vu que les législations allemande, autrichienne et liechtensteinoise autorisent en principe les fondations d'entretien18. Une partie de la doctrine plaide donc pour l'admissibilité de lege ferenda des fondations d'entretien19.

Les critiques émises envers le droit actuel tiennent insuffisamment compte du fait que le législateur historique a voulu combattre l'oisiveté et empêcher la prolifération de biens de mainmorte. Abroger purement et simplement l'art. 335, al. 2, CC permettrait la création de fondations de famille d'entretien ou de jouissance, versant des avantages sans conditions, mais il faudrait les limiter dans le temps pour éviter que cette affectation de la fortune ne soit de durée illimitée. Il serait possible de s'inspirer des trusts anglo-saxons et des institutions juridiques similaires de notre

14 15 16

17 18

19

Cf. arrêt du TF A.457/2001 du 4 mars 2002, consid. 4.5.

Cf.ATF 108 II 393, 394; et ATF 5C.9/2001 du 18 mai 2001, consid. 3b.

Cf. Opel Andrea, Hat die schweizerische Familienstiftung ausgedient?, Eine Analyse unter zivil- und steuerrechtlichem Blickwinkel mit Verbesserungsvorschlägen, in: Jusletter du 31 août 2009, p. 3.

Cf. Opel, op. cit., p. 4.

Cf. Opel, op. cit., p. 2 et 5, avec une référence à Grüninger, BSK-ZGB I, Art. 335 no 18 ss. et Künzle Hans Rainer, Familienstiftung ­ Quo Vadis?, in: Breitschmid Peter et al. (édit.), Grundfragen der juristischen Person, Festschrift Hans Michael Riemer zum 65. Geburtstag, Berne 2007, p. 175 s.

Cf. Grüninger, BSK-ZGB I, Art. 335 no 3; Hamm Michael/Peters Stefanie, Die schweizerische Familienstiftung ­ ein Auslaufmodell?, successio 2008, p. 251; Künzle, op. cit., p. 189 ss.; Wach Thomas, Die angelsächsischen Trusts und die schweizerische Rechtsordnung, RSJ 83 (1987), p. 210 et Opel, op. cit., p. 9.

1994

propre droit (p. ex. l'usufruit) et de limiter l'existence de telles fondations à cent ans20.

On peut cependant douter qu'une nouvelle réglementation des fondations de famille apporte un gain d'attractivité . De simples suppositions ou des considérations purement fiscales ne suffisent pas à motiver une réforme fondamentale du droit privé. De plus, une telle réforme aurait également des conséquences sur les régimes matrimoniaux et le droit des successions.

3

Aspects relevant de la fiscalité

3.1

Situation des fondations dans le domaine de la TVA

3.1.1

Contexte

Droit suisse Le 25 juin 2008, le Conseil fédéral a soumis au Parlement le message sur la simplification de la TVA, lequel prévoyait une réforme de la TVA en deux parties. La partie A proposait une révision totale de la loi sur la TVA avec plus de 50 mesures individuelles pour alléger la charge fiscale des entreprises; la partie B prévoyait l'instauration d'un taux unique et une nette diminution du nombre des exceptions.

Avec l'adoption de la loi fédérale du 12 juin 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (partie A de la réforme; LTVA; RS 641.20), c'est une loi sur la TVA complètement remaniée qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2010. Les objectifs de la réforme étaient essentiellement de simplifier de façon notable le système de la TVA, de garantir une sécurité du droit la plus grande possible pour les assujettis, d'améliorer le niveau de transparence du système et d'axer davantage la travail de l'administration sur le service aux assujettis. Notamment la définition des notions de «dons» et d'«organisation d'utilité publique» aux let. i et j de l'art. 3 LTVA a permis de clarifier les choses en matière de dons. La teneur des réglementations correspond dans une large mesure à l'art. 33a aLTVA et a été élargie avec l'exception concernant les prestations visant à promouvoir l'image d'organisations d'utilité publique ou de tiers (voir art. 21, al. 2, let. 27, LTVA). La notion d'utilité publique se base entièrement sur la définition établie pour l'impôt fédéral direct. Cette notion a son importance avant tout en ce qui concerne la limite du chiffre d'affaires plus élevée de 150 000 francs, en dessus de laquelle les institutions d'utilité publique sont soumises à l'impôt (art. 10, al. 2, let. c, LTVA; la limite du chiffre d'affaires habituelle est de 100 000 francs), et en ce qui concerne certaines dispositions d'exception.

Ainsi, certaines prestations fournies par des organisations d'utilité publique qui prodiguent des soins ou qui sont liées à la promotion ou à la protection de la jeunesse ou, comme il a été mentionné précédemment, des prestations fournies par des organisations d'utilité publique pour promouvoir l'image de tiers ou inversement sont exonérées de la TVA (art. 21, al. 2, ch. 8, 10, 17 et 27 LTVA). Contrairement au droit européen (cf. art. 137 de la Directive 2006/112/CE du Conseil du 20

Cf. art. 749, al. 2, CC sur la durée de l'usufruit; Sprecher Thomas, Die Revision des schweizerischen Stiftungsrechts, Zurich 2006, p. 83; Thorens Justin, L'art. 335 CCS et le trust de common law, in: Bolle Pierre-Henri [édit.], Mélanges en l´honneur de HenriRobert Schüpbach, Bâle 2000, p. 160; Künzle, op. cit., p. 186 et 192, qui mentionne une durée de 50 ans.

1995

28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée e contrario)21, les fondations établies en Suisse peuvent déclarer volontairement dans une bien plus large mesure des chiffres d'affaires exclus de l'impôt et devenir ainsi assujetties à la TVA en vertu de l'art. 10 LTVA. Cette possibilité est intéressante pour elles lorsque l'impôt préalable sur les investissements et sur d'autres dépenses constitue une charge plus grande que la charge fiscale des prestations qu'elles déclarent volontairement. La possibilité pour les fondations d'effectuer leurs décomptes d'après la méthode des taux forfaitaires (art. 37, al. 5, LTVA, en comparaison avec l'art. 97 ss. OTVA) constitue une simplification supplémentaire. Les taux forfaitaires sont des taux spécifiques pour certaines branches, qui tiennent compte de manière forfaitaire de l'ensemble des impôts préalables contenus dans les acquisitions de biens, de prestations de services, de moyens d'exploitation et de biens d'investissement. Avec l'application de la méthode des taux forfaitaires, les travaux administratifs en rapport avec la comptabilité et le décompte TVA sont considérablement simplifiés, puisque la détermination de l'impôt préalable est caduque.

Le 21 décembre 2011, le Parlement a définitivement renvoyé la partie B de la réforme de la TVA (taux unique et suppression de la plupart des exceptions) au Conseil fédéral, en le priant d'élaborer un modèle à deux taux. Le 30 janvier 2013, le Conseil fédéral a adopté le message complémentaire visant la simplification de la TVA (modèle à deux taux) qui maintient les exceptions concernant les fondations.

Droit européen La Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée prévoit à l'art. 132 l'exonération de certaines activités précises réalisées pour le bien de la communauté. D'après l'art. 133 de cette directive, les Etats membres peuvent subordonner, au cas par cas, certaines de ces exonérations accordées à des institutions qui ne relèvent pas du droit public à l'obligation de respecter une ou plusieurs des conditions énumérées. Ainsi, les Etats membres peuvent fixer dans leur législation les conditions qui doivent être remplies pour qu'une institution soit reconnue comme étant d'utilité publique. Le fait qu'une institution
soit reconnue d'utilité publique a des conséquences sur l'exonération des chiffres d'affaires (voir p. ex. art. 132, par. 1, let. g, h et i de la Directive 2006/112/CE) et sur l'application du taux réduit (annexe III, ch. 15 de la Directive 2006/112/CE).

En Allemagne, la loi relative à la taxe sur le chiffre d'affaires du 21 février 2005 (ci-après «UStG»; BGBl. I 2005, 386) prévoit notamment pour les collectivités d'utilité publique l'application, en principe, du taux d'impôt réduit sur le chiffre d'affaires de 7 % (§ 12, al. 2, ch. 8, let. a, première phrase UStG). L'UStG donne aussi la possibilité à ces collectivités d'acquitter un impôt préalable forfaitaire [§ 23a UStG; dans la loi sur le renforcement de l'engagement citoyen («Gesetz zur weiteren Stärkung des bürgerlichen Engagements»), la limite de l'imposition est passée de 30 678 euros à 35 000 euros le 1er janvier 2007] et de se faire rembourser les impôts préalables (§ 4a UStG).

21

JO L 347 du 11.12.2006, p. 1.

1996

3.1.2

Evaluation

La loi entièrement révisée sur la TVA est en vigueur depuis le 1er janvier 2010 seulement. La simplification générale des procédures administratives et l'amélioration de la sécurité du droit grâce à la définition des dons et des organisations d'utilité publique ont des effets résolument positifs pour les fondations. Le rehaussement de la limite du chiffre d'affaires, les nombreuses dispositions d'exception et la possibilité de décompter l'impôt d'après la méthode des taux forfaitaires sont également des avantages pour elles. Le droit suisse relatif à la TVA autorise par ailleurs la déclaration volontaire de la plupart des chiffres d'affaires non soumis à l'impôt et donne ainsi droit à la déduction de l'impôt préalable dans une mesure nettement plus grande que ce que prévoit le droit de l'Union européenne, même si le fait de recevoir des dons n'a pas d'influence sur le droit à la déduction de l'impôt préalable. Seules les subventions entraînent une réduction proportionnelle de la déduction de l'impôt préalable. C'est ce qui a été décidé lors des délibérations parlementaires sur la loi sur la TVA du 12 juin 2009 (art. 33, al. 2, LTVA). Renoncer à la réduction de l'impôt préalable lors de l'octroi de subventions n'est pas possible pour des raisons financières avant tout. Par ailleurs, une telle renonciation n'entraînerait pas automatiquement le droit pour les organisations d'utilité publique de déduire la totalité de l'impôt préalable, étant donné que ce droit est lié à une activité entrepreneuriale correspondante. Une activité entrepreneuriale qui exige, entre autres, une orientation sur la réalisation de recettes provenant de prestations est donnée, selon la pratique de l'AFC, lorsqu'une part d'au moins 25 % des dépenses est couverte à long terme par des contre-prestations provenant de prestations (à l'exclusion des revenus de capitaux et des intérêts).

Avec le renvoi de la partie B de la réforme de la TVA, la situation a changé considérablement depuis le dépôt de la motion Luginbühl. Si les exceptions à l'impôt dans les domaines de la santé, de la formation, du social, de la culture et du sport avaient été supprimées comme le prévoyait la partie B de la réforme, les fondations d'utilité publique qui réalisent elles-mêmes des prestations et ne distribuent pas uniquement des fonds issus du rendement
de leur fortune auraient été plus nombreuses à être assujetties à l'impôt. Suite au renvoi du projet et sa mise en oeuvre prévue dans le message complémentaire du 30 janvier 2013 visant la simplification de la TVA (modèle à deux taux), toutes ces exceptions demeurent. Le nombre des assujettis dans le domaine des fondations d'utilité publique n'augmente donc finalement pas, au contraire de ce qui avait été prévu par le Conseil fédéral dans la partie B de la réforme de la TVA.

En comparaison internationale, des améliorations dans le domaine de la TVA ne s'imposent donc pas.

3.2

Situation des fondations dans le domaine des impôts directs

3.2.1

Contexte

D'après l'art. 49, al. 1, let. b, LIFD, les fondations sont imposées en tant que personnes morales. L'impôt sur le bénéfice des fondations se monte à 4,25 % du bénéfice net (il est de 8,5 % pour les sociétés de capitaux et les coopératives); les bénéfices inférieurs à 5000 francs ne sont pas imposés (voir art. 71 LIFD). Il faut préciser 1997

que cette limite de 5000 francs constitue une limite d'exonération et non pas une franchise22. La détermination du bénéfice des fondations suit les principes uniformes en la matière fixés dans la LIFD. Ces principes sont encore complétés par l'art. 66, al. 1, LIFD, qui précise que les apports à la fortune des fondations ne font pas partie du bénéfice imposable. La LHID prévoit des réglementations similaires (cf. en particulier les art. 20, al. 1 et 26, al. 1, LHID) mais ne prévoit ni barème ni franchise d'impôts.

Les fondations sont par ailleurs aussi soumises à l'impôt sur le capital conformément à l'art. 29 LHID. Le capital propre imposable des fondations se compose de la fortune nette déterminée selon les dispositions applicables aux personnes physiques (cf. art. 29, al. 2, let. c, LHID).

3.2.2

Exonération des fondations poursuivant des buts de service public ou d'utilité publique

Les fondations qui poursuivent des buts de service public ou d'utilité publique sont exonérées de l'impôt sur le bénéfice affecté exclusivement et irrévocablement à ces buts (voir art. 56, let. g, LIFD). En vertu de la LHID, le capital de ces fondations est également exonéré (voir art. 23, al. 1, let. f, LHID).

Pour qu'une fondation soit exonérée au motif qu'elle poursuit des buts d'utilité publique, elle doit poursuivre d'une part un but d'intérêt général et d'autre part un objectif désintéressé. Une activité donnée est jugée d'intérêt général selon les conceptions générales de la population. D'ordinaire, l'intérêt général n'est admis que si le cercle des destinataires des prestations est ouvert. Les activités à caractère caritatif, humanitaire, sanitaire, écologique, éducatif, scientifique et culturel peuvent être considérées comme étant d'intérêt général. D'après le législateur, l'intérêt général au sens de la LIFD ne se limite plus aux activités exercées en Suisse: il est donc possible d'exonérer les activités mondiales d'une personne morale suisse, dans la mesure où ces activités poursuivent des buts d'intérêt général et sont désintéressées23. Le désintéressement exige de la part des membres de la corporation ou de tiers des sacrifices en faveur de l'intérêt général primant leurs propres intérêts. Pour accorder l'exonération, il faut donc toujours exiger qu'on ne poursuive pas ses propres intérêts. Les conditions d'une exonération sont en outre l'absence de buts lucratifs ou d'assistance mutuelle. Les buts économiques ne sont en principe pas des buts d'intérêt public (voir art. 56, let. g, LIFD). Seule une activité lucrative d'importance secondaire est autorisée lorsqu'elle est un moyen d'atteindre le but et ne constitue pas la seule justification économique de la personne morale24. L'acquisition et l'administration de participations en capital importantes à des entreprises ont un caractère d'utilité publique lorsque l'intérêt au maintien de l'entreprise occupe une position subalterne par rapport au but d'utilité publique et que des activités dirigeantes ne sont pas exercées (cf. art. 56, let. g, LIFD).

22

23

24

Cf. Lutz Georg, in: Martin Zweifel/Peter Athanas [éd.], Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, vol. I/2a, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, 2e édition, Bâle 2008, art. 71, N 2.

Cf. circulaire no 12 de l'AFC du 8 juillet 1994 sur l'exonération de l'impôt pour les personnes morales poursuivant des but de service public ou de pure utilité publique ou des buts culturels (ci-après «circ. no 12»), ch. II/3/a.

Cf. circ. no 12, ch. II/3/b.

1998

Les buts de service public ne peuvent couvrir qu'une catégorie limitée de tâches qui sont étroitement liées aux tâches de la collectivité publique et ne supposent pas un sacrifice. En l'occurrence, on relèvera qu'on ne peut en principe pas accorder l'exonération de l'impôt pour des buts de service public aux personnes morales qui poursuivent principalement des buts lucratifs ou d'assistance mutuelle, même si elles poursuivent simultanément des buts de service public. Une exonération de l'impôt reste toutefois réservée, lorsqu'un acte fondé sur le droit public charge une telle personne morale d'exécuter une tâche de service public, ou lorsque la collectivité publique manifeste expressément son intérêt pour cette personne morale et exerce une certaine surveillance et qu'au surplus les statuts précisent l'attribution exclusive et irrévocable du capital propre à un but de service public. Pour les personnes morales sans but lucratif ou sans but d'assistance mutuelle, il suffit qu'elles poursuivent effectivement un but de service public, qu'elles consacrent leurs fonds exclusivement et irrévocablement à leur but statutaire effectif et qu'en cas de liquidation, ces fonds reviennent à la collectivité publique ou à une institution qui a le même but ou un but semblable. Sont en l'occurrence publics tous les buts d'une collectivité publique qui font partie de ses attributions habituelles25.

A cet égard, il convient de souligner que le groupe de travail Exonérations de la Conférence suisse des impôts (CSI) estime qu'il n'est pas nécessaire que la personne morale ait son siège en Suisse26. Cela concerne en particulier les établissements stables de personnes morales étrangères.

Ainsi, le droit en vigueur prévoit déjà la possibilité d'exonérer les fondations d'utilité publique et celles qui poursuivent des buts de service public. Il n'est donc pas nécessaire de revoir l'imposition de ces fondations comme le demande la motion. En revanche, on peut se demander s'il est possible d'augmenter l'attrait de la Suisse pour les fondations en modifiant dans le droit fiscal la déductibilité des versements volontaires consentis à des fondations d'utilité publique.

A cet égard, il faut mentionner la motion 09.3343 déposée par le conseiller aux Etats Alex Kuprecht, le 20 mars 2009. Cette motion demande l'exonération totale
ou jusqu'à un certain montant des associations qui consacrent exclusivement leurs revenus et leur patrimoine à des buts idéalistes. Dans le cadre de sa mise en oeuvre, le DFF travaille actuellement sur une proposition de modification de la loi. Il n'est pas exclu que cette proposition rejoigne le contenu de la motion Luginbühl.

3.2.3

Déductibilité des dons en faveur de fondations d'utilité publique

Il faut avant tout préciser à ce propos que la législation en vigueur autorise déjà la déduction des prestations bénévoles en espèces et sous forme d'autres valeurs patrimoniales accordées à des personnes morales domiciliées en Suisse qui sont exonérées de l'impôt parce qu'elles poursuivent des buts de service public ou d'utilité publique. Peuvent être déduits au plus 20 % des revenus diminués des déductions prévues aux art. 26 à 33 LIFD (voir art. 33a LIFD). Il en va de même dans le cadre 25 26

Cf. circ. no 12, ch. II/4.

Cf. informations pratiques du groupe de travail Exonérations de la CSI du 18 janvier 2008 concernant l'exonération fiscale des personnes morales qui poursuivent des buts de service public ou d'utilité publique ou des buts cultuels, ch. 5/IV.

1999

de la LHID, qui autorise les déductions à concurrence du montant maximal prévu par le droit cantonal (voir art. 9, al. 2, let. i, LHID). En ce qui concerne les personnes morales, les prestations bénévoles sont considérées comme des charges justifiées par l'usage commercial (voir art. 59, al. 1, let. c, LIFD; art. 25, al. 1, let. c, LHID). La LIFD fixe une limite à 20 % du bénéfice net; jusqu'au 1er janvier 2006 elle était de 10 %.

Déductibilité des dons à des organisations d'utilité publique exonérées de l'impôt, par canton [pour les personnes physiques: en pour cent du revenu net; pour les personnes morales: en pour cent du bénéfice net imposable]27:

Confédération Argovie Appenzell Rhodes-Ext.

Appenzell Rhodes-Int.

Bâle-Campagne Bâle-Ville Berne Fribourg Genève Glaris Grisons Jura Lucerne Neuchâtel Nidwald Obwald Schaffhouse Schwyz Soleure St-Gall Tessin Thurgovie Uri Vaud Valais Zoug Zurich

27

Etat au 1er janvier 2011

2000

Pers. physiques

Pers. morales

20 % 20 % 10 % 20 % 100 % 20 % 20 % 20 % 20 % 20 % 20 % 10 % 20 % 5% 20 % 20 % 20 % 20 % 20 % 20 % 10 % 20 % 20 % 20 % 20 % 20 % 20 %

20 % 20 % 3% 20 % 100 % 20 % 20 % 20 % 20 % 20 % 20 % 10 % 20 % 10 % 20 % 20 % 20 % 20 % 20 % 20 % 10 % 20 % 20 % 20 % 10 % 20 % 20 %

Il faut préciser en ce qui concerne la déduction maximale dans le cadre de la LIFD qu'elle a été relevée de 10 % du revenu net après déduction des dons à 20 % des revenus diminués des déductions prévues(art. 26 à 33 LIFD) à la date de l'entrée en vigueur de l'art. 33a LIFD, le 1er janvier 2006. Pour les personnes morales aussi, le pourcentage est passé de 10 % à 20 % (voir art. 59, al. 1, let. c, LIFD). Par ailleurs, les dons jusqu'alors limités à des prestations en espèces englobent aussi ceux sous forme d'autres valeurs patrimoniales depuis le 1er janvier 2006.

Pour renforcer l'attrait de la Suisse pour les fondations, il serait possible de relever une nouvelle fois le pourcentage maximal déductible selon les art. 33a et 59, al. 1, let. c, LIFD. Toutefois, seul l'impôt fédéral direct serait concerné par cette hausse, alors que la possibilité de déduction existe aussi dans le cadre des impôts cantonaux et communaux en vertu des art. 9, al. 2, let. i et 25, al. 1, let. c, LHID. La LHID laisse toutefois aux cantons le soin de fixer le plafond de cette déduction. Cela respecte le souhait du législateur de considérer la LHID comme une loi cadre.

Les dons aux fondations d'utilité publique qui dépassent le montant déductible maximal prévu par la LIFD sont peu attrayants du point de vue fiscal. Un relèvement de ce montant permettrait de rendre la fiscalité de la Suisse plus intéressante pour les fondations. En outre, si seul le pourcentage est rehaussé, le travail administratif des autorités de taxation ne devrait pas augmenter pas de façon notable. Toutefois, une hausse du pourcentage entraînerait des pertes fiscales, pertes qui ne peuvent pas être chiffrées par manque de données pertinentes en la matière.

Les données disponibles sur l'impôt fédéral direct dans le canton de Berne pour la période fiscale 2005 (personnes physiques) indiquent que 69,57 % des contribuables ont fait valoir une déduction pour des versements bénévoles. Ces versements s'élevaient en moyenne à 660 francs, ce qui correspond à un montant de 459 francs par contribuable. Cela montre que la déduction est certes demandée souvent, mais qu'elle constitue en moyenne un montant relativement bas. On ne peut toutefois pas voir à quelle fréquence la déduction maximale est demandée.

Les données sur les impôts cantonaux sur le revenu du
canton de Zoug pour la période fiscale 2007 (personnes physiques) donnent un autre aperçu. (Il faut tout d'abord préciser que la déduction maximale pour les versements bénévoles s'élève à 20 % du revenu net.) Dans ce canton, seuls 23,48 % des contribuables ont fait valoir une déduction pour des versements bénévoles pour cette période. Ces versements s'élevaient en moyenne à 1241 francs, ce qui correspond à un montant de 291 francs par contribuable. La déduction la plus élevée s'est montée à 530 000 francs.

D'après le gfs-moniteur de dons 2011 de l'institut de recherche gfs-Zürich, le montant estimé des dons versés par les ménages privés suisses s'est élevé à un total de 1,3 milliards de francs en 2011 (2010: 1,27 milliards). 72 % des ménages ont fait un don (2010: 69 %), de 684 francs en moyenne (2010: 694 francs). Les sommes versées étaient le plus souvent comprises entre 101 francs et 500 francs. Les montants à quatre chiffres ont été quelque peu plus rares28.

Ces données ne permettent toutefois pas de déduire comment une hausse du montant déductible maximal se répercuterait financièrement. Elles permettent certes d'observer que la possibilité de faire valoir une déduction pour les versements bénévoles

28

Cf. moniteur de dons 2011 de l'institut de recherche gfs-Zürich, communication du 26 avril 2012 sur www.gfs-zh.ch.

2001

n'est pas utilisée à son maximum à l'heure actuelle en situation normale, mais elles ne permettent pas de prouver quoi que ce soit.

Il faut également souligner que la déduction maximale prévue pour les versements bénévoles au sens des art. 33a et 59, al. 1, let. c, LIFD a été rehaussée il y a quelques années seulement. C'est pour cette raison en particulier (et vu les pertes fiscales prévisibles) qu'il vaut mieux refuser une hausse de ce plafond.

Une autre possibilité d'augmenter l'attractivité de la fiscalité suisse pour les fondations serait d'introduire un «report des dons». Il faut comprendre par là la possibilité de demander lors la période fiscale suivante la déduction de la part des dons versés qui dépasse le pourcentage maximal autorisé par la LIFD (ou le droit cantonal). Une limite (p. ex. de cinq ou dix ans) pourrait être fixée, ou le report pourrait n'avoir aucune limite de temps. A l'heure actuelle, ni la LIFD, ni la LHID ne prévoient cette possibilité. Seul un report des pertes est prévu pour les travailleurs indépendants et pour les personnes morales (voir art. 211 et 67 LIFD; art. 25, al. 2 et 67, al. 1, LHID). Le Conseil fédéral estime qu'il faut refuser cette possibilité de reporter les dons, car elle entraînerait une inégalité de traitement par rapport à d'autres déductions. Il ne voit pas pourquoi cette possibilité ne serait accordée que pour les versements bénévoles et pas, par exemple, pour les frais d'entretien des immeubles ou les frais de perfectionnement. En outre, elle compliquerait le système fiscal et entraînerait un surcroît de travail administratif pour les autorités fiscales. Par ailleurs, le report des dons ne serait pas compréhensible facilement par tous les contribuables.

Enfin, introduire une telle possibilité diminuerait les recettes fiscales, dans une mesure qu'il n'est toutefois pas possible de chiffrer.

Une autre mesure possible serait d'introduire une déduction supplémentaire pour les versements bénévoles dans la fortune de fondations ou de personnes morales, à l'instar de l'Allemagne («Spenden in den Vermögensstock»; voir à ce propos le ch. 3.2.7/a). Si une telle déduction était introduite, la fondation devrait détenir les dons correspondants en tant que fortune et ne pourrait utiliser que les revenus qu'elle en tire pour atteindre le but visé. Ni le
droit civil suisse, ni le droit fiscal suisse ne fixe de montant précis en ce qui concerne la fortune de la fondation. Seul un capital initial d'au moins de 50 000 francs est habituellement exigé29. Le montant de la fortune de la fondation dépend du but de la fondation. La question se pose alors de savoir comment ce qui est appelé en Allemagne le «Vermögensstock» (littéralement le «stock de la fortune») doit être défini ou comment sa valeur doit être fixée. Dans la pratique, de telles parts de fortune particulières existent déjà en partie (voir ch. 2.2.1 et 3.2.6). Elles ne sont toutefois pas encore réglementées par une loi. Pour introduire une déduction des versements bénévoles dans le «stock de la fortune» d'une fondation, il faudrait au préalable que ce «stock» soit défini et réglé par une loi, ce pour des raisons liées à la sécurité du droit notamment. Cette réglementation devrait logiquement être inscrite dans le code civil et non pas dans la LIFD ou la LHID, vu que ce «stock» constitue un élément du droit civil (voir les explications concernant les «co-fondations» aux ch. 2.2.1 et 3.2.6). Introduire une déduction pour les versements bénévoles dans le «stock de la fortune» nécessiterait que la surveillance des fondations et/ou les autorités fiscales effectuent un contrôle efficace et de longue durée des fondations afin d'éviter les abus et exigerait un travail administratif supplémentaire. La question de savoir comment les éventuels abus pourraient être 29

Cf. guide pour fondations basé sur les art. 80 ss. CC publié en novembre 2010 par le Département fédéral de l'intérieur, ch. 4.

2002

sanctionnés se pose donc aussi. Par ailleurs, il faut préciser qu'une telle nouvelle déduction compliquerait davantage le système fiscal et qu'elle entraînerait des pertes de recettes. Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral rejette l'introduction d'une déduction supplémentaire pour les versements bénévoles dans le «stock de la fortune» d'une fondation.

Il faut encore préciser ici que l'art. 23, al. 1, let. f, LHID règle l'exonération des personnes morales qui poursuivent des buts de service public ou d'utilité publique.

L'exonération accordée pour ces motifs est donc harmonisée. En pratique, il arrive dans certains cas qu'un canton n'accepte pas la décision d'exonération accordée à la personne morale par son canton de domicile et n'autorise pas la déduction des dons versés à cette personne. Le fait que des cantons n'acceptent pas la décision d'exonération d'un autre canton est aussi lié aux possibilités d'abus dans le système fédéraliste. Parfois, il arrive qu'une personne morale qui s'est vue refuser une exonération dépose successivement une demande d'exonération dans d'autres cantons, jusqu'à ce qu'un canton l'accepte. Le Tribunal fédéral n'a jusqu'à présent pas encore statué sur le fait qu'une décision du canton de domicile sur l'exonération fiscale d'une personne morale devait être contraignante pour les autres cantons. Il n'existe que des arrêts cantonaux sur le sujet30. Etant donné qu'il ne s'agit que de cas isolés, le Conseil fédéral ne juge pas nécessaire de réviser la législation.

3.2.4

Déductibilité des dons internationaux à des fondations d'utilité publique

Dons à des fondations d'utilité publique dont le siège est à l'étranger Une déduction conformément à l'art. 33a LIFD, ou à l'art. 9, al. 2, let. i, LHID n'est autorisée que lorsque le don est versé à une personne morale qui a son siège en Suisse et qui est exonérée de l'impôt en raison de ses buts de service public ou d'utilité publique (il en va de même pour les charges justifiées par l'usage commercial pour les personnes morales; voir art. 59, al. 1, let. c, LIFD et l'art. 25, al. 1, let. c, LHID). Les dons en faveur de fondations d'utilité publique qui ont leur siège à l'étranger ne sont donc pas déductibles par les contribuables suisses ou ne constituent pas des charges justifiées par l'usage commercial.

La doctrine défend toutefois l'avis selon lequel la teneur de l'art. 33a LIFD doit être relativisée et soutient que les versements volontaires à des personnes morales situées à l'étranger dont les établissements stables en Suisse sont exonérés de l'impôt en raison de leurs buts de service public ou d'utilité publique peuvent aussi être déduits.

En outre, les dons versés à des organisations internationales dont la Suisse est membre seraient aussi déductibles31.

30 31

Cf. p. ex. l'arrêt du tribunal administratif d'Argovie du 25 juin 2004, in: Der Steuerentscheid 2005, B27.4, no 16.

Cf Richner Felix/Frei Walter/Kaufmann Stefan/ Meuter Hans Ulrich, Handkommentar zum DBG, 2e édition, Zurich 2009, art. 33a, N 6; Zigerlig Rainer/Jud Guido, in: Martin Zweifel/Peter Athanas [éd.], Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, vol. I/2a, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, 2e édition, Bâle 2008, art. 33a, N 5; concernant la LHID: Reich Markus, in: Martin Zweifel/Peter Athanas [éd.], Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, vol. I/1, Bundesgesetz über die Harmonisierung der direkten Steuern der Kantone und Gemeinden, 2e édition, Bâle 2002, art. 9, N 52.

2003

Le groupe de travail Exonérations de la CSI, toutefois, interprète ces dispositions légales plus étroitement. Il est d'avis que même si une personne morale qui a son siège à l'étranger et des succursales en Suisse pourrait être exonérée sur la base de l'art. 56, let. g, LIFD, les dons qui sont versés à cette personne ou à ses établissements stables en Suisse ne pourraient pas être déduits du revenu conformément à l'art. 33a LIFD ou du bénéfice conformément à l'art. 59, al. 1, let. c, LIFD. Le législateur a prévu expressément que les versements en faveur de l'utilité publique au sens que leur accordent les articles précités ne sont fiscalement déductibles que lorsqu'ils sont consentis en faveur de personnes morales qui ont leur siège en Suisse et qui sont exonérées en raison de leurs buts de service public ou d'utilité publique32.

Dans le domaine des impôts directs tant fédéraux que cantonaux et communaux, il n'existe aucun accord international qui contredit cette réglementation. Partant, les dons de personnes soumises l'impôt en Suisse à des fondations d'utilité publique dont le siège se trouve à l'étranger ne sont en principe pas déductibles.

Il serait certes possible de modifier la LIFD et la LHID de manière à ce que les dons en faveur de fondations d'utilité publique (ou en faveur de personnes morales) qui ont leur siège à l'étranger soient déductibles ou considérés comme des charges justifiées par l'usage commercial. Toutefois, contrairement à la possibilité de déduire les dons versés à des fondations qui ont leur siège en Suisse, la possibilité de déduire les dons versés à des fondations qui ont leur siège à l'étranger n'augmenterait pas l'attrait de la Suisse pour les fondations qui souhaitent s'y implanter; une modification en ce sens des deux lois précitées n'irait pas dans la direction visée par la motion. Cette mesure unilatérale aurait même un effet plutôt négatif, étant donné qu'elle rendrait ces dons à des fondations dont le siège se trouve à l'étranger plus attrayant sur le plan fiscal et que les contribuables verseraient donc leurs dons à l'étranger.

Dons à des fondations d'utilité publique dont le siège est en Suisse Pour augmenter l'attrait du droit suisse concernant les fondations, il serait en principe plus intéressant d'autoriser la déduction des dons versés par des contribuables
étrangers à des fondations d'utilité publique en Suisse. Comme il a été indiqué plus haut, il n'existe pas d'accord international qui règle la déductibilité des dons internationaux dans le domaine des impôts directs fédéraux, cantonaux et communaux; ce sont donc les dispositions légales de l'Etat de résidence ou de l'Etat du siège du donateur qui s'appliquent au versement des dons de contribuables étrangers à des fondations d'utilité publique qui ont leur siège en Suisse.

A ce propos, il faut mentionner le «Final Report der Feasibility Study on a European Foundation Statute», cf. ch. 1, d'après lequel la majorité des Etats membres de l'UE n'autorise pas la déduction des dons versés à des organisations d'utilité publique qui ont leur siège à l'étranger (en particulier dans des pays situés en dehors de l'UE).

Une proposition de règlement du Conseil relatif au statut de la fondation européenne (FE) a été déposée. Cette proposition ne prévoit pas de réglementation fiscale commune pour l'ensemble de l'UE. Elle vise plutôt à soumettre la FE à la réglementation applicableaux institutions d'utilité publique nationales dans l'Etat membre concerné (voir ch. 3.2.7). C'est pourquoi la situation actuelle de la déductibilité des 32

Cf. informations pratiques du groupe de travail Exonérations de la CSI du 18 janvier 2008 concernant l'exonération fiscale des personnes morales qui poursuivent des buts de service public ou d'utilité publique ou des buts cultuels, ch. 5/IV.

2004

dons de contribuables étrangers à des fondations d'utilité publique qui ont leur siège en Suisse ne subira probablement aucun changement pour l'instant. La possibilité de déduire ces dons dépendra des dispositions légales de l'Etat de domicile ou de l'Etat du siège du donateur.

Le fait que les dons de contribuables étrangers à des fondations d'utilité publique qui ont leur siège en Suisse soient déductibles serait un avantage pour la Suisse. Or, vu que cette déductibilité dépend en premier lieu des dispositions légales de l'Etat de domicile ou de l'Etat du siège du donateur, il n'est possible de modifier la situation actuelle qu'au moyen d'accords internationaux. La possibilité de conclure ou de modifier des accords internationaux, ainsi que le contenu qu'ils présenteront, dépend du résultat des négociations au cas par cas. Etant donné que cette procédure est fastidieuse et que le résultat ne serait avantageux pour la Suisse qu'avec certains pays seulement, il ne serait pas judicieux de poursuivre cette voie. En outre, vu qu'il arrive peu souvent que des dons soient versés par des contribuables étrangers à des fondations d'utilité publique dont le siège est en Suisse, on peut se demander s'il serait justifié d'entreprendre une telle démarche étant donné la charge de travail que cela représente.

Il faut toutefois souligner que la Cour de justice de l'Union européenne a affirmé dans son arrêt du 27 janvier 2009 concernant l'affaire C-318/07 (Persche) que lorsqu'un contribuable sollicite dans un Etat membre la déduction fiscale de dons versés à des organismes établis et reconnus d'intérêt général dans un autre Etat membre, ces dons relèvent des dispositions du traité CE relatives à la libre circulation des capitaux. La Cour de justice de l'UE estime que l'art. 56 du traité CE va à l'encontre d'une réglementation d'un Etat membre qui n'accorde la déduction fiscale que des dons effectués en faveur d'organismes reconnus d'intérêt général établis sur le territoire national sans qu'il soit possible pour le donateur de prouver qu'un don à un organisme établi dans un autre Etat membre remplit les conditions prévues par cette réglementation pour l'octroi d'un tel avantage fiscal. Certains auteurs estiment que l'arrêt rendu dans l'affaire Persche est aussi applicable aux dons en faveur d'une organisation ou
d'une fondation établie en Suisse, étant donné que la libre circulation des capitaux vaut aussi pour des Etats tiers tels que la Suisse. La Cour de justice de l'UE affirme toutefois qu'une exclusion des organismes établis dans des Etats tiers est admise lorsqu'il n'existe pas d'obligation contractuelle de l'Etat tiers à fournir des informations. La Suisse satisfait à ces conditions pour la plupart des Etats membres de l'UE. Ainsi, les fondations et organisations suisses d'utilité publique pourraient en principe profiter de l'arrêt rendu dans l'affaire Persche33.

Il faut toutefois préciser que dans la pratique il n'est pas certain que les déductions correspondantes seront effectivement accordées. Le problème est que la libre circulation des capitaux ne serait contraignante que pour les Etats membres de l'UE et pas pour la Suisse. L'Allemagne, en particulier, n'est pas disposée à accorder ces avantages à la Suisse dans ces circonstances (voir aussi le ch. 3.2.7). Vu que le règlement par la voie juridique est long et incertain (la question se pose de savoir si l'échange de renseignements suffit ou si une assistance administrative est nécessaire pour prélever l'impôt, comme l'exige l'Allemagne en vertu de sa législation interne), la question de la déductibilité devrait être réglée dans une convention de

33

Cf. Luuk Jan Ole/Oesterhelt Stefan/Winzap Maurus, EuGH Report 2/09, in: Steuerrevue 6/2009, p. 497 ss., p. 499.

2005

réciprocité (voir les explications données plus haut sous ce chiffre). Les avantages de la Suisse pour les fondations seraient, en conséquence, en partie réduits à néant.

3.2.5

Traitement fiscal des fondations de famille et des fondations d'entretien

Imposition des fondations de famille et des fondations d'entretien La fiscalité fédérale ne contient aucune disposition particulière relative à l'imposition des fondations de famille; autrement dit, valent pour elles les mêmes règles que celles qui s'appliquent aux fondations classiques. Elles sont donc soumises à l'impôt sur le bénéfice en tant que personnes morales conformément aux art. 49, al. 1, let. b, LIHD et 20, al. 1, LHID. Elles sont aussi soumises à l'impôt sur le capital en vertu de l'art. 29 LHID (voir les explications au ch. 3.2.1). En cas de liquidation de la fondation, les réserves latentes constituées à partir de bénéfices non imposés sont soumises à l'impôt avec le bénéfice net ou le bénéfice d'exploitation de l'année précédente. Les reports de pertes non encore imputés peuvent être comptabilisés avec les éléments du bénéfice ordinaires et extraordinaires selon les règles usuelles34.

Il faut préciser que dans le cas d'une fondation de famille non autorisée (fidéicommis de famille), le revenu de la fondation (frappée de nullité) doit être entièrement attribué aux bénéficiaires; en raison du caractère nul d'une telle fondation, elle doit être considérée de manière transparente35.

L'affectation de la fortune n'entraîne aucune imposition dans le domaine de la LIFD et de la LHID. Toutefois, dans la plupart des cantons, la fortune affectée est considérée comme un don en faveur de la fondation et est soumise à l'impôt sur les successions ou à l'impôt sur les donations au taux maximal appliqué aux personnes sans lien de parenté36.

Il faut préciser que les dons des fondations de famille à leurs bénéficiaires ne peuvent pas être déduits du rendement, même si ces dons sont inscrits dans les statuts de la fondation, à l'exception de ceux versés pour l'éducation et dans des situations de détresse qui se justifient37.

Imposition des dons en faveur des bénéficiaires des fondations de famille et des fondations d'entretien En ce qui concerne les dons versés aux bénéficiaires des fondations de famille pendant la durée d'existence de la fondation, il faut distinguer les prestations qui sont autorisées conformément à l'art. 335, al. 1, CC de celles qui ne le sont pas. Les dons destinés au paiement des frais d'éducation, d'établissement ou d'assistance des membres de la famille ou à des buts analogues sont autorisés par le droit civil et doivent en principe être déclarés par les bénéficiaires. D'après la jurisprudence du 34 35 36 37

Cf. Wipfli Hans, Besteuerung der Vereine, Stiftungen und übrigen juristischen Personen, Muri/Bern 2001, p. 305, avec autres références.

Cf. Richner/Frei/Kaufman/Meuter, op. cit., art. 24, N 27.

Cf. Opel Andrea, Familienstiftungen und Trust ­ Postulat für eine kohärente Besteuerung, in: ASA [archives de droit fiscal suisses] 78, p. 265 ss., p. 274.

Cf. instructions de l'AFC sur la manière de remplir la déclaration pour les associations, fondations et autres personnes morales pour la période fiscale 2011, ch. 2.2.

2006

Tribunal fédéral, ces dons (vu l'interprétation étroite et obligatoirement idéaliste du but de la fondation de famille) sont toutefois généralement susceptibles de tomber sous le régime d'exception de la let. d ou e de l'art. 24 LIFD et d'être ainsi exonérés de l'impôt pour les destinataires38. S'il s'agit toutefois de prestations non autorisées par le droit civil, la clause générale fixée à l'art. 16, al. 1, LIFD est appliquée aux revenus imposables des fondations39. Sont en principe aussi soumis à l'impôt sur le revenu les dons provenant de fondations dont le siège se situe à l'étranger, pour autant que les conditions de l'art. 24, let. d ou e ne soient pas remplies.

3.2.6

Traitement fiscal des «co-fondations»

Sous l'aspect du droit civil, il faut encore mentionner les «co-fondations» (dépendantes juridiquement). Il s'agit là de dons versés dans le «stock de la fortune» d'une fondation qui existe déjà; cette fortune «co-affectée» est reliée au but spécifique de la fondation ou est utilisée pour un but particulier parmi ceux poursuivis par la fondation (voir ch. 2.2.1).

Sur le plan fiscal, ces «co-fondations» sont traitées en principe de la même façon que le reste de la fortune de la fondation étant donné que la co-affectation n'est pas une fondation indépendante. Dans certaines circonstances, il est toutefois possible qu'une exonération partielle de l'impôt soit accordée à une «co-fondation». Cela peut arriver lorsque la fondation dans son ensemble ne remplit pas les conditions de l'octroi d'une exonération au sens de l'art. 56, let. g ou h, LIFD, mais que la «co-fondation» les remplit et que des comptes séparés sont tenus40.

En ce qui concerne la déductibilité de ces co-affectations pour le donateur, il faut souligner que ce dernier peut demander la déduction des co-affectations dans certains cas dans le cadre des art. 33a LIFD, 9, al. 2, let. i, LHID, respectivement 59, al. 1, let. c, LIFD et 25, al. 1, let. c, LHID, si les conditions requises sont remplies (voir ch. 3.2.3). Le droit ne prévoit pas d'autre possibilité de déduction au sens d'un «don du stock de la fortune» (voir ch. 3.2.3 et 3.2.7).

3.2.7

Comparaisons et relation avec le droit européen

Allemagne Les fondations qui poursuivent exclusivement et directement des buts charitables, culturels ou d'utilité publique peuvent être exonérées de l'impôt en Allemagne. Une fondation poursuit des buts d'utilité publique lorsque son activité vise à soutenir la collectivité de manière désintéressée sur le plan matériel, spirituel ou moral. Les buts de la fondation sont charitables lorsqu'elle apporte un soutien sans contrepartie à des personnes qui se trouvent dans des situations de détresse (définies par la loi).

Une fondation poursuit des buts culturels lorsque son activité vise à promouvoir de manière désintéressée une communauté religieuse qui est une corporation de droit public. La fondation est autorisée à poursuivre une activité économique lorsqu'elle constitue une entreprise sociale (appelée «Zweckbetrieb» en Allemagne). Elle cons38 39 40

Cf. ATF 2A.668/2004 du 22 avril 2005, consid. 2.4.

Cf. ATF 2A.668/2004, op. cit., consid. 4.1.

Cf. circ. no 12, ch. IV/2.

2007

titue une entreprise sociale lorsque l'exploitation commerciale économique dans son ensemble sert à réaliser les buts privilégiés fiscalement prévus dans les statuts de la fondation, que les buts ne peuvent être atteints qu'au moyen d'une telle exploitation et que l'exploitation commerciale économique n'entre pas en concurrence avec des exploitations non privilégiées de type identique ou semblable dans une plus grande mesure que ce qui est inévitable pour la réalisation des buts privilégiés fiscalement.

Par contre, s'il n'y a aucun lien entre l'activité économique et le but de la fondation, la fondation est soumise à l'impôt lorsque les revenus dépassent 35 000 euros.

Les dons effectués sous forme de versements en espèces, de valeurs patrimoniales et d'autres types de biens économiques (à l'exception des revenus et prestations) sont déductibles. Le montant de la déduction se monte au maximum à 20 % du montant total des revenus ou à 4 pour mille de la somme de l'ensemble des chiffres d'affaires et des salaires et traitements versés pendant l'année civile. Les dons déductibles qui dépassent le montant maximal ou qui ne peuvent pas être pris en compte pendant la période de taxation qui correspond au versement du don sont déductibles lors de la période de taxation suivante à titre de dépenses extraordinaires dans la limite du montant maximal prévu. Les dons versés dans le «stock de la fortune» d'une fondation de droit public ou d'une fondation de droit privé exonérée de l'impôt peuvent être déduits, à la demande du contribuable, lors de la période de taxation correspondant au versement du don et pendant les neuf périodes suivantes jusqu'à un montant total d'un million d'euros en plus des montants maximaux mentionnés précédemment. Cette déduction particulière ne peut être demandée qu'une seule fois pendant cette période de dix ans.

Les dons destinés à des fondations à l'étranger sont déductibles lorsque la fondation est une corporation, une association de personnes ou une masse de fortune située dans un Etat membre de l'UE ou dans un Etat où l'accord sur l'Espace économique européen s'applique et qu'elle serait exonérée en vertu de la législation allemande.

Une autre condition est que l'Etat de résidence de la fondation étrangère fournisse une assistance administrative et offre un soutien lors de
la procédure de recouvrement de créances fiscales.

Dans le cadre de l'impôt sur les successions et les donations, l'exonération fiscale est accordée pour des dons versés à des fondations nationales qui poursuivent exclusivement des buts qualifiés. L'exonération totale de l'impôt sur les successions est accordée lorsque l'héritage est versé à une fondation qui poursuit des buts d'utilité publique dans les deux ans suivant le décès. Sur le plan international, les dons en faveur de fondations étrangères dont le but est d'utilité publique sont exonérés de l'impôt sur les successions et les donations lorsque le pays bénéficiaire a conclu une déclaration de réciprocité avec l'Allemagne.

France En France, les fondations d'utilité publique bénéficient d'allégements fiscaux. Le but de la fondation est considéré comme d'utilité publique lorsque l'activité de la fondation ne vise pas à produire des bénéfices, que la gestion de la fondation n'est pas axée sur la réalisation de bénéfices, que les fondateurs ne retirent aucun avantage et que les activités de la fondation ne profitent pas qu'à un groupe de personnes limité. Les activités économiques liées au but poursuivi par la fondation sont généralement exonérées de l'impôt sur le bénéfice. Les activités économiques qui n'ont aucun lien avec le but poursuivi par la fondation sont soumises à l'imposition ordinaire sur le bénéfice.

2008

Les contribuables français bénéficient d'une imputation d'impôts en ce qui concerne les dons en faveur de fondations. Les fondations privilégiées fiscalement (que leur siège principal se situe en France ou à l'étranger) doivent exercer au moins une partie de leurs activités en France ou doivent agir en faveur de la collectivité nationale. Les dons ne sont pas limités à une forme précise (p. ex. dons en espèces).

La réduction d'impôt pour les personnes physiques s'élève à 66 % de la valeur du don (75 % pour les dons à des fondations qui offrent gratuitement des repas à des personnes en difficulté), mais au plus à 20 % du revenu imposable. Les montants plus élevés peuvent être reportés jusqu'à cinq ans plus tard.

Les personnes morales bénéficient d'une réduction d'impôt de 60 % des dons, jusqu'à un maximum de 0,5 % du chiffre d'affaires annuel. La déduction peut être reportée jusqu'à cinq ans plus tard.

Les dons versés à des fondations établies à l'étranger sont soumis à l'impôt français sur les donations, sauf si un accord fiscal prévoit une autre réglementation. En ce qui concerne la Suisse, la France a conclu de tels accords avec plusieurs cantons dans le domaine des impôts sur les successions et les donations (cf. ch. 3.3.2) Ces accords ne doivent pas être confondus avec la Convention du 31 décembre 1953 entre la Confédération suisse et la République française en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les successions. Il s'agit principalement d'accords portant sur la réciprocité de l'exonération de l'impôt sur les successions et les donations en cas de dons en faveur d'une fondation poursuivant des buts exclusivement désintéressés.

Les fondations d'utilité publique qui destinent leurs fonds exclusivement à l'encadrement, à l'environnement, à la protection des animaux et à des buts scientifiques, culturels ou artistiques sont exonérées de l'impôt sur les successions et les donations.

Autriche Les fondations qui poursuivent exclusivement et directement des buts charitables, religieux ou d'utilité publique bénéficient d'allégements fiscaux. Sont considérés comme d'utilité publique les buts dont la réalisation bénéficie à la collectivité. C'est le cas lorsque la fondation oeuvre en faveur du bien-être commun dans le domaine spirituel, culturel, moral ou matériel. Les buts
sont charitables (humanitaires, de bienfaisance) lorsqu'ils visent à apporter de l'aide à des personnes nécessiteuses.

Les buts sont religieux lorsqu'ils visent à promouvoir des églises et des communautés religieuses reconnues légalement. Ces fondations ne peuvent pas poursuivre d'autres buts que des buts charitables, culturels ou d'utilité publique, exception faite pour les buts accessoires entièrement secondaires, et ne peuvent pas viser le profit.

Les fondations qui poursuivent les buts précités sont exonérées de l'impôt sur les sociétés. Les revenus d'une exploitation économique qui sert à atteindre le but poursuivi par la fondation sont imposés.

Les dons consentis à des fondations pour des buts particuliers, donnant droit à des avantages fiscaux (en particulier des buts charitables, des buts en lien avec la coopération au développement ou l'aide d'urgence nationale ou internationale) sont considérés comme des dépenses exceptionnelles déductibles ou une charge justifiée par l'usage commercial. Les dons diminuent l'assiette de l'impôt jusqu'à un maximum de 10 % du revenu imposable. Les dons en faveur d'organisations similaires établies dans d'autres pays de l'UE ou de l'EEE sont déductibles sous certaines conditions 2009

(l'organisation doit poursuivre pendant une durée d'au moins trois ans l'un des trois buts cités qui méritent d'être encouragés, ne doit exercer que des activités économiques secondaires et les frais d'administration ne doivent pas dépasser 10 % de la somme des dons).

Dans le cadre des successions et des donations, les dons à des fondations sont imposés à un taux de 2,5 %. Les dons sous forme de biens immobiliers sont imposés à un taux de 3,5 %.

Union européenne: proposition de règlement du Conseil relatif au statut de la fondation européenne Le 8 février 2012, la Commission européenne a publié une proposition de règlement du Conseil relatif au statut de la fondation européenne (FE)41. Ce règlement contient principalement des normes qui concernent la constitution de la FE, le contenu de ses statuts, son enregistrement, son organisation, son siège, sa dissolution et la surveillance des Etats membres. Le traitement fiscal n'est réglé qu'à trois articles (49 à 51).

Le paragraphe suivant porte essentiellement sur ces trois articles. Par ailleurs, il s'agit aussi de comparer la notion de but d'utilité publique d'après la proposition de règlement du Conseil avec la notion de but d'utilité publique au sens que lui donne la LIFD.

Traitement fiscal La proposition de règlement prévoit qu'en ce qui concerne les impôts sur le revenu et sur les plus-values, les droits de donation et de succession, les taxes immobilières et foncières, les taxes de transfert, les taxes d'enregistrement, les droits de timbre et taxes similaires, l'État membre où la FE possède son siège social soumet la FE à un traitement fiscal identique à celui qui est applicable aux entités d'utilité publique établies dans cet État membre (art. 49, par. 1 de la proposition de règlement). En ce qui concerne les impôts et taxes visés au par. 1, les États membres autres que celui dans lequel la FE possède son siège social soumettent la FE à un traitement fiscal identique à celui qui est applicable aux entités d'utilité publique établies dans ces États membres (art. 49, par. 2 de la proposition de règlement). Aux fins de l'application des par. 1 et 2, la FE est considérée comme étant équivalente aux entités d'utilité publique établies conformément à la législation des États membres concernés (art. 49, par. 3 de la proposition de règlement).
En vertu de l'art. 50, par. 1 de la proposition de règlement, toute personne physique ou morale qui fait une donation à une FE, qu'elle se trouve dans le même État membre ou dans un autre, est soumise, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les donations, les taxes de transfert, les taxes d'enregistrement, les droits de timbre et taxes similaires, à un traitement fiscal identique à celui qui est applicable aux donations effectuées en faveur des entités d'utilité publique établies dans l'État membre où le donateur est résident fiscal. Aux fins de l'application du par. 1 de cet art. 50, la FE bénéficiaire de la donation est considérée comme équivalente aux entités d'utilité publique établies conformément à la législation de l'État membre où le donateur est résident fiscal (art. 50, par. 2 de la proposition de règlement).

41

COM(2012)35 final

2010

Les subventions ou autres avantages versés aux bénéficiaires de la FE sont traités comme s'ils provenaient d'une entité d'utilité publique établie dans l'État membre où le bénéficiaire est résident fiscal (art. 51 de la proposition de règlement).

En résumé, on peut donc affirmer qu'il n'y a pas d'harmonisation prévue au sein de l'UE en ce qui concerne le traitement fiscal de la FE. La proposition de règlement prescrit uniquement que la FE ainsi que les donateurs et les bénéficiaires sont traités fiscalement de la même manière que les entités d'utilité publique établies dans les Etats membres.

Notion de but d'utilité publique au sens de la proposition de règlement du Conseil La FE est une entité constituée séparément en vue de poursuivre un objectif d'utilité publique qui sert l'intérêt général au sens large (art. 5, par. 1 et 2 de la proposition de règlement). Est considérée comme une entité d'utilité publique une fondation poursuivant un objectif d'utilité publique ou une entité légale similaire ne comportant pas de membres et poursuivant un objectif d'utilité publique, constituée conformément à la législation de l'un des États membres (art. 2, par. 5 de la proposition de règlement). Les objectifs qu'une FE peut poursuivre sont listés de manière exhaustive à l'art. 5, par. 2 de la proposition de règlement.

Sauf restrictions prévues par ses statuts, la FE a la capacité et la liberté de faire acte de commerce ou d'exercer d'autres activités économiques, à condition d'en affecter tous les bénéfices à la poursuite exclusive de son objectif d'utilité publique (art. 11, par. 1 de la proposition de règlement). L'exercice d'activités économiques indépendantes de l'objectif d'utilité publique de la FE est autorisé jusqu'à concurrence de 10 % du chiffre d'affaires annuel net de la FE, à condition que les résultats de ces activités soient présentés séparément dans ses comptes (art. 11, par. 2 de la proposition de règlement).

En ce qui concerne la notion de but d'utilité publique telle qu'elle est utilisée dans le droit fiscal suisse, il faut souligner que le sens que la proposition de règlement donne à cette notion est plus limité, étant donné que la proposition de règlement détermine de manière exhaustive les objectifs qui sont considérés comme étant d'utilité publique. Le droit fiscal suisse ne contient
aucune liste en la matière. Il faut toutefois préciser qu'en vertu du droit suisse une personne morale ne peut être exonérée du fait qu'elle poursuit des buts d'utilité publique que lorsque ces buts sont dans l'intérêt général et que la personne morale agit de manière désintéressée (voir ch. 3.2.2). La proposition de règlement prévoit uniquement que l'entité d'utilité publique doit servir l'intérêt général au sens large.

Par ailleurs, la proposition de règlement autorise avec une certaine largesse les activités économiques de la FE. Le droit fiscal suisse, en revanche, admet que les personnes morales exonérées de l'impôt en raison du caractère d'utilité publique de leurs buts exercent des activités économiques uniquement lorsque ces activités sont d'importance secondaire et sont un moyen pour atteindre le but visé (voir ch. 3.2.2).

Sur ce point, la proposition de règlement est donc moins limitative que la réglementation suisse.

2011

3.3

Situation des fondations dans le domaine des impôts sur les successions et les donations

3.3.1

Impôts sur les successions et les donations en Suisse

Les impôts sur les successions et les donations sont des impôts purement cantonaux.

La Confédération ne prélève aucun impôt de la sorte. En outre, ces impôts ne sont pas prélevés de manière uniforme. En effet, les législations cantonales en la matière sont toutes différentes. On peut souligner par exemple que le canton de Schwyz ne connaît pas d'impôt ni sur les successions, ni sur le donations et que le canton de Lucerne a renoncé à imposer les donations.

Lorsque des successions ou des donations ont lieu à l'intérieur d'un même canton, les personnes morales (et donc les fondations) qui remplissent les conditions d'une exonération en vertu de la loi fiscale cantonale correspondante sont généralement exonérées de l'imposition prévue par la loi concernant l'impôt sur les successions et les donations (ci-après «LISD»; voir p. ex l'art. 6, al. 1, de la LISD du canton de Berne; § 10, al. 1, let. f, de la LISD du canton de Zurich; art. 145, al. 1, de la loi fiscale du canton de St-Gall).

S'agissant des successions et des donations qui ont lieu entre cantons, ces derniers ont souvent conclu entre eux des accords de réciprocité. Ces accords prévoient que les dons de valeurs patrimoniales consentis par testament ou par donation à des institutions d'utilité publique (entre autres) établies dans l'autre canton sont exonérés de l'impôt sur les successions ou sur les donations.

On peut donc affirmer que les fondations d'utilité publique sont la plupart du temps exonérées des impôts sur les successions et les donations sur l'ensemble de la Suisse.

Un système commun et sans faille n'existe toutefois pas sur le plan national. Pour rendre la Suisse attrayante sur le plan de la fiscalité des fondations, il serait certainement souhaitable d'uniformiser les conditions d'exonération des impôts sur les successions et les donations. Etant donné que ces impôts ne sont pas considérés comme des impôts directs (du moins tel que l'a prévu le législateur historique)42, la Confédération n'a pas, en vertu de l'art. 129 Cst., la compétence d'ordonner une harmonisation en la matière. Il incombe donc aux cantons d'adapter leurs législations en matière d'exonération des impôts sur les successions et les donations et, à moins d'adapter la Constitution, il n'est pas possible pour le législateur fédéral de prendre des mesures
allant dans le sens de la motion Luginbühl.

Il faut ajouter qu'à l'heure actuelle l'initiative populaire fédérale «Imposer les successions de plusieurs millions pour financer notre AVS (Réforme de la fiscalité successorale)» a été déposée à la Chancellerie fédérale. Cette initiative prévoit l'instauration d'un impôt fédéral sur les successions et les donations.

42

Cf. Behnisch Urs R., in: Bernhard Ehrenzeller/Philippe Mastronardi/Rainer J. Schweizer/Klaus A. Vallender [éd.], Die Schweizerische Bundesverfassung, 2e édition, Zurich/Bâle/ Genève 2008, art. 128, N 16.

2012

3.3.2

Impôts sur les successions et les donations sur le plan international

Au niveau international, il existe aussi des accords de réciprocité entre les cantons et les Etats étrangers. Ils sont toutefois relativement rares. Vingt-trois cantons ont signé un accord avec la France, onze avec l'Allemagne, quatre avec le Liechtenstein, deux avec les Etats-Unis et un avec Israël.

Les cantons auraient donc en principe la possibilité de conclure d'autre accords de la sorte sur le plan international. Compte tenu de leur autonomie, le Conseil fédéral estime qu'hormis en ce qui concerne les conventions conclues par la Suisse avec différents pays en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur les successions, il incombe aux cantons de décider s'ils souhaitent conclure des conventions plus détaillées dans ce domaine et, le cas échéant, de mandater la Confédération pour qu'elle les négocie.

4

Synthèse et appréciation

4.1

Aspects de droit civil

Les diffféntes mesures envisageables en droit civil (cf. ch. 2.3) peuvent être récapituées comme suit: ­

Précision de la définition de la fondation: il n'est pas indispensable de préciser la définition légale de la fondation, d'autant que ses caractéristiques (l'affectation d'un patrimoine; l'existence de destinataires; l'interdiction de la simple thésaurisation) sont reconnues dans la jurisprudence, la doctrine et la pratique. La fondation européenne étant limitée à des buts d'utilité publique, il n'est pas judicieux de prévoir une restriction similaire en droit suisse.

Il ne sert à rien, à l'heure actuelle, pour l'attractivité de la Suisse, de modifier la définition de la fondation. Il est tout aussi inutile de régler les «co-fondations» (Zustiftungen), qui fonctionnent aujourd'hui sans base légale explicite.

­

Facilitations formelles de la constitution d'une fondation et contenu minimal des statuts: renoncer à la forme authentique permettrait de simplifier les modalités de constitution et de les harmoniser avec celles prévues dans le cas de la constitution d'une fondation par une disposition pour cause de mort, tout en tenant compte des développements européens. En contrepartie, il faudrait que le contenu minimal de l'acte de fondation soit précisé dans la loi. Il n'y a cependant pas de raison objective de bouleverser le système actuel. Le droit en vigueur ne règle pas précisément le contenu minimal de l'acte de fondation, contrairement au droit communautaire, mais exige en contrepartie le concours d'un officier public.

­

Obligation de s'inscrire au registre du commerce: cette mesure est censée contribuer à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (GAFI) et à la transparence dans les questions fiscales (OCDE); elle permettrait à la Suisse de faire face aux reproches contre le manque de transparence de sa place financière. Elle devra être examinée de manière approfondie dans le cadre de la mise en oeuvre en droit suisse des exigences de GAFI et de l'OCDE.

2013

­

Désignation de l'autorité de surveillance avant l'inscription au registre du commerce: il n'existe aucune raison impérative de bouleverser le régime actuel, qui prévoit que l'autorité de surveillance n'est désignée qu'après l'inscription de la fondation. Il en résulterait une nouvelle procédure d'autorisation (anticipée), alors même que les efforts actuels vont dans le sens d'une réduction des procédures.

­

Règles plus détaillées sur l'organisation des fondations: l'amélioration du gouvernement d'entreprise doit se faire avant tout par la voie de l'autorégulation (par ex. Swiss Foundation Code 2009). Il n'y a actuellement aucun motif impérieux pour régler ce point dans la loi.

­

Surveillance des fondations: le rapport daté du 23 décembre 2010 sur les perspectives futures de la surveillance des fondations (Grundlagenbericht) parvient à la conclusion que la conception actuelle de la surveillance juridique présente des avantages dont les autres modèles sont dépourvus. Le Conseil fédéral considère que le système actuel de surveillance directe est adéquat et rejette le modèle de haute surveillance. Une surveillance indirecte entraînerait une charge supplémentaire sans présenter de véritables avantages. Malgré certaines critiques, le modèle actuel donne satisfaction, si bien qu'il n'y a pas de motif objectif pour le remettre en question. Une révision ne s'impose pas non plus, car le système actuel de surveillance, qui a des équivalents dans les législations étrangères, n'a pas d'effets négatifs sur l'attrait de la Suisse pour les fondations.

­

Réduction ou suppression du délai pour la modification du but par le fondateur: il est trop tôt, à peine six ans après son adoption, pour réduire ou supprimer le délai de dix ans à observer avant que le fondateur puisse modifier le but de la fondation.

­

Fondations de famille: on peut douter qu'une libéralisation dans le domaine des fondations de famille permette d'accroître l'attrait de la Suisse pour les fondations. Actuellement, la nécessité de réviser de manière fondamentale les fondations de famille n'est pas avérée, d'autant plus qu'une telle réforme aurait également des conséquences sur les régimes matrimoniaux et le droit des successions.

Au vu de ce qui précède, le Conseil fédéral conclut que sur le plan du droit civil, il n'est pas nécessaire d'adapter le droit des fondations dans le sens voulu par la motion Luginbühl.

Certaines modifications matérielles pourraient être examinées de manière plus approfondie, mais il n'y a pas, à l'heure actuelle, de motifs impératifs et objectifs justifiant une révision législative. La prise en compte de l'évolution dans l'UE pourrait s'avérer contre-productive: adapter le droit suisse aux normes européennes pourrait réduire son attrait, car avec une plus grande densité normative, il perdrait de son caractère libéral. Il n'est pas indiqué d'adapter le droit civil aujourd'hui parce que les modifications envisageables examinées plus haut n'auraient pas ou peu d'influence sur les conditions-cadres qui rendent la Suisse attractive pour les fondations.

On ne saurait argumenter que la législation suisse est insuffisante pour justifier une révision du droit des fondations. Celui-ci a été libéralisé avec succès lors de la révision de 2004, en témoigne l'évolution positive des fondations dans notre pays 2014

ces dernières années. Les difficultés auxquelles certaines fondations donatrices sont confrontées aujourd'hui sont les conséquences directes de la crise financière. La difficulté à se procurer des fonds est avant tout un problème économique et non un problème de droit civil.

4.2

Aspects relevant de la fiscalité

Ci-dessous un résumé et une appréciation des aspects examinés au ch. 3 sur la base de la motion Luginbühl: 1.

TVA: Des modifications ne sont pas nécessaires dans le domaine de la TVA vu les développements qui ont lieu dans le cadre de la révision totale de la loi sur la TVA.

2.

Impôts directs: Dans le cadre des impôts directs, le système fiscal actuel se révèle être compétitif en comparaison internationale. Il n'y a donc pas besoin d'améliorer la compétitivité de la Suisse dans ce domaine. Des précisions peuvent toutefois être données en ce qui concerne les mesures possibles: ­ Rehaussement de la déduction maximale pour les versements volontaires fixée aux art. 33a et 59, al. 1, let. c, LIFD: une hausse de cette déduction a eu lieu il y a quelques années seulement et cette mesure présente un mauvais rapport coût-utilité; c'est pourquoi, en l'état actuel des choses, cette mesure doit être rejetée.

­ Introduction d'un report des dons: introduire la possibilité de reporter la déduction des dons constituerait une cassure dans le système fiscal et entraînerait des inégalités de traitement par rapport à d'autres déductions qui ne peuvent pas être reportées.

­ Introduction d'une déduction supplémentaire pour les dons versés dans la fortune de personnes morales (dons versées dans le «stock de la fortune»): introduire une telle déduction supplémentaire compliquerait le système fiscal, augmenterait la charge de travail administrative (en particulier dans le domaine du contrôle) et entraînerait des diminutions des recettes fiscales. En outre, la manière de faire face aux abus n'est pas clairement définie. C'est pourquoi l'introduction d'une déduction supplémentaire pour les dons versés dans la fortune de personnes morales est rejetée. Par ailleurs, cette mesure ne ferait probablement pas de la Suisse une place plus attrayante pour les fondations qui souhaitent s'y implanter.

­ Déduction des dons versés à des personnes morales d'utilité publique ayant leur siège à l'étranger: l'introduction unilatérale d'une telle déduction est rejetée parce qu'elle ne contribue pas à augmenter l'attrait de la Suisse pour les fondations.

­ Déductibilité des dons consentis par des contribuables étrangers à des fondations d'utilité publique en Suisse: une telle possibilité de déduction serait souhaitable, mais elle dépend essentiellement des dispositions légales en vigueur dans l'Etat de domicile ou du siège du donateur. Une modification de la situation actuelle par la conclusion d'accords internationaux est rejetée parce que cette procédure est fasti2015

­

dieuse et n'aboutirait qu'avec quelques pays à des règlementations avantageuses pour la Suisse. Dans ce contexte, il faut sans aucun doute continuer d'observer les développements futurs dans l'Union européenne, en particulier en ce qui concerne la «Fondation européenne».

Des modifications ne sont toutefois pas nécessaires pour l'instant compte tenu de la situation actuelle de cette fondation.

Impôts sur les successions et les donations: étant donné que ces impôts sont purement cantonaux et que la Confédération n'a pas la compétence d'ordonner une harmonisation en la matière, il n'est pas possible d'agir au niveau fédéral, à moins d'adapter la Constitution.

Pour conclure, on peut donc affirmer que du point de vue fiscal il n'est pas nécessaire à l'heure actuelle de prendre des mesures allant dans le sens de la motion Luginbühl.

4.3

Appréciation d'ensemble

Au vu des résultats de l'examen réalisé dans les domaines civil et fiscal, il n'est pas nécessaire à l'heure actuelle de prendre des mesures pour accroître l'attrait de la Suisse pour les fondations. Le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de classer la motion Luginbühl.

Convaincu cependant de la justesse des objectifs poursuivis par la motion, le Conseil fédéral suivra attentivement l'évolution au plan international et examinera régulièrement la compétitivité des dispositions civiles et fiscales applicables aux fondations. Le cas échéant, il soumettra au Parlement, en temps voulu, des mesures appropriées. Il voit l'objectif de la motion comme une tâche à long terme, visant à préserver l'attrait de la Suisse.

2016