Rapport du 15 mars 2013 des Commissions de gestion des Chambres fédérales concernant la démission du président de la BNS le 9 janvier 2012 Avis du Conseil fédéral du 22 mai 2013

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 158 de la loi sur le Parlement, nous nous prononçons comme suit sur votre rapport du 15 mars 2013 intitulé: «Gestion par le Conseil fédéral des événements ayant mené à la démission du président de la BNS: entre dimension politique et compétences de surveillance».

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 mai 2013

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2013-0778

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Avis 1

Point de la situation

En décembre 2011, le Conseil fédéral a reçu des informations selon lesquelles le président de la Banque nationale suisse (BNS) aurait été impliqué dans des transactions bancaires privées contestables, en relation avec la fixation d'un plafond pour le taux de change du franc suisse par rapport à l'euro, et incompatibles avec la fonction de président de la banque nationale. Par la suite, le président de la BNS a démissionné le 9 janvier 2012.

Au cours du mois de décembre 2011 et dans les mois qui ont suivi, le Conseil fédéral s'est penché à plusieurs reprises sur les événements qui ont entraîné la démission du président de la BNS et les a minutieusement analysés.

Le 6 février 2012, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont annoncé qu'elles allaient examiner les circonstances qui ont accompagné cette démission. Elles ont chargé leur propre groupe de travail BNS, créé pour l'occasion, de procéder à l'examen en question. Le 17 février 2012, les commissions ont adressé une demande étendue de documentation et d'information au Conseil fédéral. Le 24 février 2012, la délégation des Commissions de gestion a déposé une demande supplémentaire. Durant cette période et jusqu'au 1er mars 2012, le Conseil fédéral a fourni des documents comprenant quelque 250 pages en tout. Le 20 mars 2012, les CdG ont demandé de nouveaux documents et autres renseignements écrits, qui leur ont été remis le 18 avril 2012. Le groupe de travail BNS a complété son examen par une série d'auditions, au cours desquelles elle a notamment entendu des membres du Conseil fédéral et la chancelière de la Confédération.

Début janvier 2013, le groupe de travail BNS a clos son examen par un projet de rapport qu'il a soumis au Conseil fédéral le 11 janvier 2013, en donnant à celui-ci l'occasion d'exprimer son avis avant le 21 janvier 2013 au plus tard sur les points suivants: le projet de rapport comprenait-il (a) des informations confidentielles qu'il ne fallait pas rendre publiques pour des raisons politiques; (b) des erreurs de fond ou de forme qu'il importait de corriger.

Dans son avis du 21 janvier 2013, le Conseil fédéral a émis une série de propositions. Il s'est entre autres prononcé sur le reproche d'avoir agi de manière non conforme au droit, que lui avait adressé le groupe de travail BNS. En l'espèce, le Conseil
fédéral s'est appuyé sur l'art. 157 de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl; RS 171.10), aux termes duquel «l'autorité concernée a le droit de s'exprimer avant qu'une commission de surveillance ou sa délégation rende compte aux conseils de dysfonctionnements dans sa gestion des affaires ou dans sa gestion financière».

Environ deux mois plus tard, le 15 mars 2013, les CdG ont publié leur rapport définitif. Les propositions faites par le Conseil fédéral dans sa prise de position du 21 janvier 2013 n'y ont trouvé que très peu d'écho.

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2

Avis du Conseil fédéral

Avant d'exprimer son avis sur les dix recommandations présentées dans le rapport des CdG du 15 mars 2013, le Conseil fédéral entend se livrer à quelques considérations fondamentales.

L'art. 157 LParl fixe le principe général d'après lequel la position de l'autorité concernée doit être exposée elle aussi lorsqu'une commission de surveillance établit un rapport sur les incidents qu'elle a examinés. Dans la pratique en vigueur depuis des années, le Conseil fédéral obtient, certes, chaque rapport des CdG à l'état de projet avant finalisation, mais assorti de la seule demande de signaler d'éventuelles erreurs formelles ou matérielles et de désigner les passages qui ne doivent pas être rendus publics. Ce n'est que dans le cadre de son avis relatif au rapport publié que le Conseil fédéral peut exposer sa vision des choses et répondre aux reproches des CdG concernant d'éventuels manquements dans sa gestion des affaires. En d'autres termes, lors de la présentation d'un rapport des CdG, l'avis matériel du Conseil fédéral n'est pas encore disponible; le public n'a donc sous les yeux que les critiques formulées par l'organe chargé de l'examen, à l'exclusion de la position de l'autorité concernée, à savoir le Conseil fédéral. Cette manière de procéder fait naître dans le public l'impression que le Conseil fédéral n'a rien à objecter à la critique et qu'il souscrit sans restrictions à la manière dont l'examen a été mené et aux résultats produits. Lorsque le Conseil fédéral ­ après avoir pris connaissance du rapport et l'avoir évalué, de même qu'après avoir ensuite pris le temps de formuler sa réponse ­ publie son avis quelques mois plus tard, l'intérêt des médias et du public s'est largement dissipé.

Le Conseil fédéral est d'avis que l'application actuelle de l'art. 157 LParl doit être repensée. A l'occasion de l'élaboration de la loi sur le Parlement en 2001, la commission responsable s'est prononcée comme suit dans son rapport consacré au projet de loi (FF 2001 3442): «avant de rendre compte de dysfonctionnements dans la gestion du Conseil fédéral, elles [les CdG] offrent à celui-ci l'occasion de prendre position. Cette pratique résulte de la réflexion selon laquelle la haute surveillance se fonde sur un dialogue entre l'autorité surveillée et celle chargée de surveiller. Le même principe vaut pour la haute
surveillance dans le domaine du budget. Ce droit d'être entendu a donc été instauré ici pour l'ensemble du domaine de la haute surveillance.» Ces explications ont été introduites à l'époque dans le rapport suite au constat que le dialogue auquel il est fait allusion inscrivait dans la loi une pratique établie des CdG. En l'état actuel des choses, force est de constater que cette pratique ne s'est pas maintenue: il ne reste qu'une procédure analogue à une procédure judiciaire dans laquelle le droit d'être entendu n'existerait pas.

Cela dit, le Conseil fédéral s'est écarté pour le cas présent de la pratique usuelle et s'est déjà prononcé en partie sur le fond dans sa réponse du 21 janvier 2013 concernant le projet de rapport. Le 18 mars 2013, jour de la présentation du rapport des CdG lors d'une conférence de presse, il a en outre réagi peu après l'événement en publiant son propre communiqué, pour pouvoir présenter brièvement son point de vue par rapport aux principaux points de la critique au moment où l'intérêt des médias était le plus marqué. La réaction du Conseil fédéral s'imposait d'autant plus que le point de vue qu'il avait exposé dans sa réponse du 21 janvier 2013 n'a quasiment pas été retenu dans la version finale du rapport. Dans cette réponse déjà, le Conseil fédéral réfutait en particulier le reproche que lui avaient adressé les CdG de n'avoir pas disposé d'une base légale pour justifier son action et de ne pas avoir 5151

respecté l'indépendance de la BNS. Le Conseil fédéral réaffirme sa position: il a toujours agi dans le respect de la Constitution et des lois, comme il en résulte notamment des art. 6, 25 et 26 de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010), ainsi que des art. 7, 39 ss et 43 ss de la loi du 3 octobre 2003 sur la Banque nationale (LBN; RS 951.11). Le comportement adopté en l'occurrence par la présidente de la Confédération et par le Conseil fédéral est également conforme aux objectifs prescrits par la Constitution fédérale (Cst.; RS 101), tels qu'ils se présentent p. ex. aux art. 180 et 184 Cst.

Conformément à l'art. 174 Cst., c'est bien le Conseil fédéral qui est l'autorité directoriale et exécutive suprême de la Confédération. Comme on peut d'ailleurs aussi le lire dans le rapport, il ne s'agissait pas simplement de trancher une question d'attribution de compétences, mais de résoudre avant tout un problème politique qui aurait pu compromettre la bonne renommée de la Suisse et de ses autorités. En pareille situation, il incombe au gouvernement d'intervenir activement. Lorsqu'elle a pris connaissance des événements en décembre 2011, la présidente de la Confédération s'est vu confronter à des informations qu'il fallait impérativement vérifier. Se fondant sur l'art. 25, al. 2, let. d, LOGA, elle a demandé des preuves et fait examiner les reproches formulés en l'occurrence. Si la présidente de la Confédération ou le Conseil fédéral étaient restés inactifs, on aurait pu le leur reprocher à juste titre.

De l'avis du Conseil fédéral, le rapport donne faussement l'impression que le Conseil fédéral aurait mal maîtrisé la situation. Le rapport éclaire la marche des événements d'un point de vue rétrospectif, fondé sur une parfaite connaissance du développement et de l'aboutissement de la crise. Il ne tient pas compte du fait que l'état des connaissances au moment des événements était tout autre. In medias res, on ignore comment se présente exactement la situation et quelles en seront les suites.

Pour peu qu'on garde ces circonstances à l'esprit, on constate que la crise a été bien maîtrisée dans l'ensemble. Le Conseil fédéral a pu être informé en temps utile, le déroulement chronologique des événements a été enregistré et la possibilité de contrôler
les décisions prises a été assurée, ce qui n'exclut pas pour autant que des améliorations ponctuelles ne puissent être apportées à la maîtrise d'éventuelles crises futures. Tout d'abord, la Chancellerie fédérale, en tant qu'état-major du Conseil fédéral, doit être mise au courant le plus tôt et le plus complètement possible. En tant qu'organe central de la direction administrative, c'est elle qui dirige et coordonne la communication. Plus la communication intervient en amont, mieux elle peut être planifiée et coordonnée. Il faut aussi que tous les membres du Conseil fédéral soient associés le plus tôt possible à la gestion de la crise. Ils doivent tous bénéficier d'une information complète. Dans la mesure du possible, la convocation de séances extraordinaires du Conseil fédéral doit s'accompagner de documents écrits (ordre du jour, fourniture des documents pertinents avant la séance), pour que la circulation de l'information soit garantie. En cas de convocation ou d'audition de tiers, il faut veiller à ce que ces personnes soient entendues séparément et non toutes ensemble. Il faut éviter d'attribuer des mandats d'examen ad personam à des représentants du Contrôle fédéral des finances. Il est possible de faire appel à des collaborateurs, mais sans leur imposer de conditions quant aux informations qu'ils pourront transmettre à leurs supérieurs: on évitera ainsi des conflits de loyauté.

Point par point, l'avis du Conseil fédéral concernant les dix recommandations des CdG se présente comme suit:

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2.1

Ad recommandation 1

Recommandation 1 Les CdG demandent au Conseil fédéral de faire en sorte que les organes de contrôle préventif de la conformité au droit examinent la question des compétences légales suffisamment tôt et de manière adéquate, également lorsqu'il s'agit d'affaires urgentes dont la portée politique est importante.

Dans leur rapport, les CdG ont conclu que le Conseil fédéral, et notamment la présidente 2011 de la Confédération et la délégation qu'elle a instituée, auraient agi sans base légale. Des le début, ce serait le conseil de banque de la BNS qui aurait dû diriger l'examen des transactions effectuées par celui qui était alors président de la BNS. Le principe de la légalité aurait de ce fait été enfreint. En outre, ni des représentants de l'administration fédérale ni la présidente 2011 de la Confédération ou la délégation ad hoc du Conseil fédéral n'auraient examiné en détail la compétence fondamentale du Conseil fédéral et la répartition juridique des compétences entre Conseil fédéral et conseil de banque de la BNS; cette négligence ne se justifierait ni par le risque initial d'une atteinte portée à la bonne renommée de la Suisse et de la BNS ni par la crainte que les accusations portées contre le président de la BNS ne soient rendues publiques avant d'avoir pu être étayées. Les CdG ont émis leur première recommandation sur la base de ces éléments et rappelé en même temps que la demande correspondante avait déjà été formulée à l'issue des inspections liées à l'action des autorités au moment de la crise financière et lors de la crise diplomatique entre la Suisse et la Libye.

Bien qu'il soit tout disposé à accepter la recommandation d'examiner suffisamment tôt et de manière adéquate la question des compétences légales, le Conseil fédéral n'en affirme pas moins que son comportement mis en examen ne fournit guère de prétexte à renouveler ladite recommandation. En effet, les reproches qui en sont à la base ­ à savoir que le Conseil fédéral aurait agi sans base légale et sans avoir étudié celle-ci avec le soin nécessaire ­ sont à ses yeux largement infondés: Les CdG ont examiné si le comportement du Conseil fédéral pouvait être justifié a posteriori en invoquant une compétence d'autorité de surveillance. Leur exposé présente un caractère rétrospectif, c'est-à-dire qu'il intègre l'ensemble des connaissances
qui n'ont pu être acquises que peu à peu dans le cadre des mesures successives prises à partir du 5 décembre 2011. S'il s'agit toutefois d'examiner sous l'angle de l'attribution des responsabilités au sens large le comportement du Conseil fédéral au moment de traiter les informations bancaires reçues, le Conseil fédéral est d'avis que le seul examen opportun est celui qui se replace dans la situation initiale, à savoir une évaluation excluant les incidents ultérieurs et ceux qui n'étaient pas encore élucidés à une époque antérieure. A ces conditions, il apparaît que le reproche selon lequel le Conseil fédéral aurait agi sans base légale et n'aurait ­ dès le début ­ pas disposé des compétences nécessaires est injustifié: lorsque la présidente 2011 de la Confédération a reçu des informations concernant des transactions privées délicates effectuées par le président de la BNS ou plus exactement par sa femme, on pouvait douter de l'exactitude et de la portée de ces informations. Les accusations à traiter n'avaient qu'un caractère présomptif et l'état des connaissances ne permettait pas de deviner comment la situation allait réellement se présenter et 5153

quelles pourraient être les conséquences d'une confirmation des soupçons. Dès le début, il a toutefois fallu présumer que le cas pouvait devenir politiquement brûlant, dans la mesure où les transactions présumées concernaient le président de la BNS et donc la pointe de la direction générale qui, à titre d'organe gestionnaire et exécutif suprême de la BNS, assume également la représentation publique de celle-ci. Pour peu que les informations reçues se révèlent exactes et qu'elles dévoilent un comportement inadapté de la part du président de la BNS, on pouvait craindre un sérieux dégât d'image pour la BNS et la Suisse au niveau national et international, de même qu'une grave atteinte à la collaboration de la BNS avec des banques centrales étrangères et le Fonds monétaire international. Ces craintes devaient être prises d'autant plus au sérieux que le président de la BNS se trouvait également être vice-président du Financial Stability Board (FSB), ce qui ne pouvait qu'amplifier l'atteinte éventuellement portée à la bonne réputation de la Suisse et de la BNS. Les informations disponibles suggéraient donc l'existence d'un problème politique majeur et pouvaient faire penser que le Conseil fédéral risquait d'être sollicité à titre d'autorité politique directrice et qu'il devait donc intervenir pour préserver les intérêts du pays.

Les mesures prises par le Conseil fédéral pour un examen préliminaire de la situation doivent en outre être analysées en tenant compte du fait que la responsabilité politique incombait au Conseil fédéral, à titre d'organe chargé de nommer et de révoquer les membres de la direction générale de la BNS et leurs suppléants, ainsi que six des onze membres au total du conseil de banque. Comme le Conseil fédéral aurait été requis par la loi de révoquer le président de la BNS en cas de manquements graves, une responsabilité juridique s'ajoutait à la responsabilité politique. Il a déjà fallu clarifier partiellement les faits pour déterminer si le cas relevait de la compétence du Conseil fédéral ou de celle du conseil de banque de la BNS, ce qui a exigé un certain temps. L'action du Conseil fédéral repose ainsi sur les art. 174 et 180, al. 1, Cst., en liaison avec les art. 6, al. 3, et 25 ss LOGA, ainsi que sur les art. 7, al. 1, et 39 ss LBN, et donc sur une base légale en principe
suffisante; le comportement du Conseil fédéral n'a porté atteinte ni à l'indépendance de la BNS ni aux compétences du conseil de banque de la BNS en matière de surveillance. Le conseil de banque de la BNS a été associé à la procédure dès le 15 décembre 2011, soit dix jours après la première information de la présidente 2011 de la Confédération. Rétrospectivement, ce délai peut paraître long aux CdG; si on se remet au point de vue d'alors, il est pourtant justifié. C'est à tort que l'examen des CdG omet ce fait, tout comme il omet de tenir compte des bases légales précitées qui justifient l'action du Conseil fédéral dans son rôle d'organe politique directeur.

Le Conseil fédéral était et reste bien conscient, d'une part, de ce que la législation relative à la BNS attribue dans une large mesure les tâches de surveillance et de contrôle au conseil de banque de la BNS, mais que, d'autre part, c'est à lui, Conseil fédéral, qu'incombe la fonction gouvernementale ainsi que la responsabilité politique et juridique de la nomination et de la révocation des membres de la direction générale de la BNS. Comme il fallait admettre la possibilité de graves manquements de la part du président de la BNS et le risque d'une sérieuse atteinte portée à la réputation et à la crédibilité de la Suisse ­ d'où il découle que le Conseil fédéral avait en l'occurrence clairement compétence d'agir ­ rien ne permet de reprocher au Conseil fédéral, dès qu'on se replace au moment des faits, de n'avoir pas suffisamment examiné la question de la compétence d'agir et de la répartition des compétences en matière de droit de la surveillance par rapport à la BNS. La présidente 2011 de la Confédération a fait appel au directeur de l'Office fédéral de la justice le 13 décembre 2011, ce qui permet d'assurer que les questions de compétence ­ 5154

indépendamment du contenu et de l'étendue des mandats effectivement distribués ­ ont reçu toute l'attention qui leur est due. Si l'on se remet au point de vue d'alors, l'examen des faits montre donc que les compétences légales et les bases de l'action du Conseil fédéral ont été examinées à temps et de manière suffisamment approfondie, contrairement à ce qu'affirment les CdG. Rétrospectivement, c'est-à-dire en pleine connaissance de la situation réelle, on discerne néanmoins un certain potentiel d'optimisation en ce qui concerne la coordination des compétences et la question de leur délimitation. Au surplus, le Conseil fédéral partage l'opinion des CdG quant à l'importance du principe de légalité et du devoir qu'ont les organes chargés du contrôle préventif d'examiner à temps et de manière suffisamment approfondie les compétences des diverses autorités et la question des bases légales de l'action gouvernementale. A ces conditions, le Conseil fédéral est disposé à continuer de mettre en oeuvre la recommandation correspondante et à l'accepter en ce sens.

2.2

Ad recommandation 2

Recommandation 2 Les CdG demandent au Conseil fédéral de ne plus confier de mandats à titre personnel à des représentants du Contrôle fédéral des finances.

Le Conseil fédéral se déclare d'accord avec la recommandation. Pour fonder leur examen, les CdG sont parties du champ d'application de la loi du 28 juin 1967 sur le Contrôle des finances (RS 614.0). Dans la mesure où il n'y a pas de base légale pour justifier une activité de contrôle par le Contrôle fédéral des finances, aucun mandat de cette nature ne devrait être assumé par celui-ci ni, à titre personnel, par un de ses représentants. Cette affirmation recoupe d'ailleurs les conclusions auxquelles le Contrôle fédéral des finances était lui-même parvenu dans son rapport du 30 janvier 2012 à l'attention de la Délégation des finances.

2.3

Ad recommandation 3

Recommandation 3 Les CdG demandent au Conseil fédéral de vérifier, avant de confier un mandat à un employé de la Confédération à titre personnel, si ledit mandat est compatible avec les fonctions qu'exerce ce dernier. Dans le doute, il renoncera à confier ce mandat.

Le Conseil fédéral est d'accord avec la recommandation. Il examinera soigneusement ­ comme il le fait en règle générale déjà ­ à qui il confie un mandat personnel au sein de l'administration fédérale. Par contre, il n'envisage pas de créer une disposition légale particulière à ce sujet. Rien ne justifie en effet l'introduction d'une nouvelle réglementation pour réagir à un cas isolé de décision prise dans des conditions qui n'étaient pas idéales. La recommandation attire par contre l'attention sur 5155

une exigence générale applicable à la bonne gouvernance et qui est déjà mise en pratique. L'objet de la recommandation est rempli dans le cadre de la tâche gouvernementale générale assumée par le Conseil fédéral.

2.4

Ad recommandation 4

Recommandation 4 Les CdG demandent au Conseil fédéral de travailler en premier lieu avec les délégations ordinaires du Conseil fédéral prévues par la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA) et non avec des délégations ad hoc, également pour les affaires urgentes et dont la portée politique est importante.

Ces dernières années, le Conseil fédéral a institué deux délégations ad hoc, en plus des neuf délégations ordinaires: le 4 mars 2011, la délégation pour l'entraide administrative et judiciaire en matière fiscale et, le 11 janvier 2012, la délégation pour la BNS. Le Conseil fédéral est habilité à ce faire en vertu de l'art. 23 LOGA. En présence de situations particulières, il est tout indiqué que le Conseil fédéral opte pour une délégation dont la composition corresponde au mieux aux circonstances et aux besoins. Il serait peu judicieux, voire à l'occasion contreproductif, que le Conseil fédéral s'impose une auto-restriction dans ce domaine. Dans le cas qui nous occupe, la présidente de la Confédération a recouru en décembre 2011 à la délégation ad hoc pour l'entraide administrative et judiciaire en matière fiscale créée le 4 mars 2011, un organe donc qui s'était déjà réuni auparavant sur une base régulière et dont la composition, au regard de l'affaire en cours, était appropriée. En effet, les questions évoquées concernaient au premier chef le DFF, le DFJP et le DFAE. La présidente 2011 de la Confédération a agi sur la base de l'art. 25, al. 2, let. d, LOGA et convoqué une délégation qui existait et fonctionnait déjà depuis des mois. Il est donc faux de parler de la création d'une nouvelle délégation «au pied levé». L'adéquation de l'autre délégation ad hoc, créée le 11 janvier 2012 et mise à contribution aussitôt, vu les événements dans lesquels la BNS se trouvait enveloppée, ne saurait non plus être contestée, à la lumière de l'examen ultérieur de l'affaire par les CdG. Le Conseil fédéral ne peut donc souscrire à cette recommandation.

2.5

Ad recommandation 5

Recommandation 5 Les CdG demandent au Conseil fédéral d'impliquer la Chancellerie fédérale suffisamment tôt dans la gestion des situations extraordinaires.

La révision partielle du 28 septembre 2012 de la LOGA (FF 2012 7585) contient des dispositions qui vont dans le sens de la demande formulée ici. Les art. 32, let. g, et 33, al. 1bis, LOGA, en particulier, chargent la Chancellerie fédérale d'apporter son 5156

soutien au Conseil fédéral pour la détection précoce des crises et d'assumer des tâches de coordination dans ce domaine. En relation avec le devoir d'information nouvellement imposé aux départements et au chancelier de la Confédération par l'art. 12a LOGA, d'une part, et le droit conféré par l'art. 33a LOGA au chancelier de la Confédération d'exiger des informations des départements, d'autre part, on peut garantir que la Chancellerie fédérale sera impliquée suffisamment tôt dans la gestion des situations extraordinaires. Le Conseil fédéral est d'accord avec la recommandation.

Que la Chancellerie fédérale intervienne à temps lorsqu'elle agit en qualité d'étatmajor du Conseil fédéral, va en principe de soi. Cependant, le Conseil fédéral pense lui aussi que cette intervention aurait pu se produire plus tôt dans le cas présent. En ce sens, la recommandation précise qu'une action gouvernementale bien menée implique toujours une réflexion sur le moment opportun de transmettre une information, assortie de mandats éventuels.

2.6

Ad recommandation 6

Recommandation 6 Les CdG demandent au Conseil fédéral de leur présenter un rapport dans lequel il indiquera comment il compte modifier le système d'établissement des procèsverbaux de ses séances afin de mettre en oeuvre les mesures prévues par le nouvel art. 13, al. 3, LOGA.

Le Conseil fédéral considère que l'art. 13, al. 3, LOGA est mis en oeuvre. Les explications qui suivent constituent le rapport demandé.

La recommandation part du principe que les procès-verbaux se sont trouvés être partiellement erronés et lacunaires. Or ce n'est pas le cas. La séance extraordinaire du Conseil fédéral du 23 décembre 2011 a fait l'objet d'un procès-verbal intégral. Le président de la BNS et celui du conseil de banque n'ont pas participé à la séance du Conseil fédéral: ils ont été entendus à part, le Conseil fédéral ayant interrompu sa séance à cet effet. En règle générale, les personnes entendues fournissent des documents concernant les thèmes abordés. Le Conseil fédéral reconnaît toutefois que la présentation préalable de documents écrits pour préparer sa séance a fait défaut.

L'information n'a été fournie que lors de la séance proprement dite, d'une part sous la forme de la note lue par la présidente 2011 de la Confédération, avec une chronologie succincte des événements, d'autre part grâce à la consultation des expertises rédigées par les spécialistes du Contrôle fédéral des finances et de l'expertise mise à la disposition du Conseil fédéral par les représentants de la BNS.

Le fait est que la tenue des procès-verbaux des séances du Conseil fédéral a été adaptée suite à la crise de l'UBS et à la crise financière et que l'essentiel du contenu des délibérations et les décisions du Conseil fédéral sont depuis lors transcrits en continu, sans lacunes et de manière vérifiable.

Avant ce changement de pratique, la Chancellerie fédérale rédigeait, à titre de prestation de service, un procès-verbal dont les membres du Conseil fédéral se contentaient de prendre acte; il n'y avait pas d'approbation formelle par le collège gouver5157

nemental. Aujourd'hui, le procès-verbal de la séance précédente est mis en délibération avant d'être formellement approuvé par le Conseil fédéral, ce qui permet de garantir que chaque procès-verbal (désigné comme «procès-verbal élargi des décisions») est complet et correct. Ces procès-verbaux élargis ne sont pas les seuls documents qui permettent de vérifier les décisions du Conseil fédéral. S'y ajoutent le procès-verbal spécifique à chaque décision ainsi que tous les co-rapports et prises de position, de même ­ comme partie intégrante et sous forme d'extraits effectifs de procès-verbaux ­ que les décisions complètes du Conseil fédéral relatives à chacune des affaires approuvées. Ces documents à leur tour se fondent sur les propositions ou les notes de discussion correspondantes émanant des départements. Toute cette documentation garantit la traçabilité de l'action du Conseil fédéral.

Mesuré à l'aune d'un grand nombre d'autres gouvernements ­ que ce soit dans les cantons ou dans des pays européens comparables au nôtre ­ le système de tenue des procès-verbaux du Conseil fédéral est très développé. Ailleurs, dans le but protéger le secret des délibérations, on se contente souvent de bien moins et les discussions qui se déroulent pendant les séances du gouvernement ne sont délibérément pas consignées par écrit. Ce constat vaut également pour des régimes politiques qui connaissent un camp gouvernemental et une opposition, dans lesquels les séances du gouvernement se caractérisent pourtant par des délibérations bien moins délicates puisqu'il ne s'agit plus que de traiter des projets déjà mis au net avant la séance. Or les membres du gouvernement doivent pouvoir exprimer le fond de leur pensée, échanger leurs réflexions, discuter leurs opinions respectives et changer d'avis, notamment au cours des délibérations, sans pression externe et aussi librement que possible, et sans qu'ils aient à se justifier par la suite. Dans cette perspective, des procès-verbaux trop détaillés pourraient se révéler contreproductifs et exercer une influence négative sur la qualité des délibérations et des décisions du gouvernement.

Ce serait notamment le cas si les procès-verbaux devaient enregistrer nominalement chaque vote. Dans ce contexte, on rappellera qu'aux termes de l'art. 4 LOGA le Conseil fédéral assume collégialement ses responsabilités gouvernementales.

2.7

Ad recommandation 7

Recommandation 7 Les CdG demandent au Conseil fédéral de vérifier s'il y a lieu de prévoir, dans la loi sur la banque nationale, que le conseil de banque soit tenu de consulter le Conseil fédéral avant de recommander au président de la BNS de démissionner ou avant de proposer au Conseil fédéral de révoquer le président de la BNS.

Le Conseil fédéral a étudié la recommandation. Il ne juge pas nécessaire de modifier la loi. Conformément aux art. 42, al. 2, let. h, et 43, al. 2 et 3, LBN, c'est le Conseil fédéral qui nomme les membres de la direction générale et désigne le président et le vice-président, sur proposition du conseil de banque. Une révocation par le Conseil fédéral est possible à certaines conditions, mais présuppose une proposition correspondante du conseil de banque (art. 45, al. 1, LBN). Ces attributions du Conseil fédéral sont l'expression de la compétence de la Confédération de concourir à l'administration de la BNS, fixée à l'art. 99, al. 2, Cst.

5158

Si le conseil de banque parvient à la conclusion qu'un membre de la direction générale (président y compris) ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de son mandat (art. 45, al. 1, LBN), elle en propose la révocation au Conseil fédéral. Il va de soi que le conseil de banque entendra au préalable la personne concernée et la mettra au courant de son intention de proposer sa révocation. Si cette personne, après avoir analysé la situation, quitte sa fonction de son plein gré, la procédure de révocation devient sans objet. Par contre, le conseil de banque n'a pas la compétence de proposer formellement à la personne en cause de démissionner, même s'il consulte au préalable le Conseil fédéral. Introduire une consultation préalable obligatoire irait donc à l'encontre du système et le Conseil fédéral est d'avis qu'il faut y renoncer. Par ailleurs, le conseil de banque n'a pas seulement le droit, mais encore le devoir, de proposer une révocation au Conseil fédéral quand les conditions fixées par la loi sont réunies. Si donc le conseil de banque juge que ces conditions sont remplies, une proposition formelle de révocation doit être soumise sans délai au Conseil fédéral. La décision quant à cette proposition est alors laissée à l'appréciation du Conseil fédéral, en conformité avec les devoirs qui sont les siens. On ne voit pas pour quelle raison une consultation préalable serait nécessaire: elle ne ferait que compliquer davantage les choses et irait à l'encontre de l'intérêt qu'il y a de prendre une décision rapidement.

2.8

Ad recommandation 8

Recommandation 8 Les CdG demandent au Conseil fédéral de se doter d'un meilleur système de communication, c'est-à-dire simple, rapide et sûr, qui devra être utilisé par les membres du Conseil fédéral, le chancelier de la Confédération et les vicechanceliers dans des situations particulières. Il veillera notamment à garantir la confidentialité de ses conférences téléphoniques également d'un point de vue technique.

Le Conseil fédéral est disposé à mettre la recommandation en oeuvre. Il procède actuellement à l'évaluation d'un système de téléphonie mobile, comprenant aussi les communications brèves, pour le degré de classement «confidentiel». Si les résultats sont probants, ce système pourra bientôt devenir opérationnel. Des conférences téléphoniques pourront ainsi être organisées avec la sécurité nécessaire.

5159

2.9

Ad recommandation 9

Recommandation 9 Les CdG demandent au Conseil fédéral de faire en sorte que le règlement d'organisation de la BNS impose au conseil de banque de réglementer les opérations passées en nom propre et attribue un rôle adéquat à la cellule Compliance de la BNS.

Le Conseil fédéral est disposé à mettre la recommandation en oeuvre. Le 9 mars 2012, le conseil de banque a édicté son règlement (en vigueur depuis le 1er mai 2012) concernant les placements financiers et les opérations financières effectués à titre privé par des membres de la direction générale de la banque. Ce règlement se fonde sur le ch. 8 (Règles de conduite) du règlement de la direction générale (RD), également édicté par le conseil de banque. Quant au RD, il a été édicté en vertu de l'art. 10 du règlement d'organisation de la Banque nationale suisse du 14 mai 2004 (ROrg; RS 951.153). Le ROrg fournit ainsi la base indirecte pour le règlement concernant les placements et opérations effectués à titre privé évoqué plus haut, mais sans toutefois qu'une obligation d'édicter ce règlement y figure explicitement.

Si cette circonstance devait être perçue comme une lacune, il faudrait ­ vu d'aujourd'hui ­ modifier en conséquence l'art. 10, al. 2, ROrg (qui règle les tâches et les compétences du conseil de banque). Conformément à l'art. 42, al. 2, let. a, LBN, le ROrg est adopté par le conseil de banque avant d'être soumis à l'approbation du Conseil fédéral. La BNS s'est déclarée prête à prendre les mesures nécessaires, dans la perspective d'une prochaine révision du ROrg.

2.10

Ad recommandation 10

Recommandation 10 Les CdG demandent au Conseil fédéral de faire en sorte que le règlement d'organisation de la BNS dote celle-ci d'une structure de surveillance interne claire et adéquate.

Le Conseil fédéral est disposé à accepter la recommandation comme suit: L'art. 10, al. 2, let. i, ROrg en vigueur a la teneur suivante: 2

Il [le conseil de banque] a les tâches et les compétences suivantes: i)

il exerce la haute surveillance sur la gestion des affaires par la Direction générale élargie, notamment eu égard au respect des lois, des statuts, des règlements et des directives (compliance);

Se fondant sur cette formulation apparemment équivoque, le professeur Paul Richli, dans son avis de droit du 15 février 2012, ch. marg. 158 et 234, a soulevé la question de savoir si le conseil de banque avait transféré l'essentiel de son pouvoir de surveillance à la direction élargie, pour se contenter d'exercer la «haute surveillance». Or aucun transfert de ce type n'a jamais été envisagé ni réalisé dans les faits. Le Conseil 5160

fédéral s'est déjà exprimé à ce sujet dans son avis du 24 avril 2012 relatif à la motion Schelbert (12.3141). La répartition des tâches au sein de la BNS se présente ainsi: Conformément aux art. 21 ss ROrg, la direction des affaires incombe à la direction générale élargie et la gestion des affaires, au collège des suppléants (art. 24a ss ROrg). La direction générale élargie édicte les principes stratégiques afférents à la gestion des affaires de la BNS (art. 22, al. 1, ROrg). Le président du Conseil de banque a le droit d'assister, avec voix consultative, aux séances de la direction générale élargie (art. 23, al. 3, ROrg). Le procès-verbal des séances de la direction générale élargie lui est en outre également adressé (art. 24, al. 3, ROrg).

En matière de politique monétaire (art. 5 LBN), seule la direction générale est par contre compétente. Conformément à l'art. 7, al. 2, LBN, la direction générale est directement soumise à la surveillance de l'Assemblée fédérale pour ce qui est de l'exécution de ses tâches dans ce domaine. Le conseil de banque ne dispose à cet égard d'aucun pouvoir et notamment d'aucun pouvoir relevant du droit de la surveillance.

Le domaine de tâches qui incombe à la direction générale élargie correspond ainsi au domaine de surveillance qui relève du conseil de banque en vertu de l'art. 42 LBN.

Pour éviter la dispersion de ses activités, le conseil de banque doit se concentrer sur la direction de l'entreprise BNS au point de vue de la gestion de cette dernière (surveillance administrative). En ce qui concerne le personnel, notamment, la compétence du conseil de banque d'exercer la haute direction a été renforcée (cf. message du 26 juin 2002 concernant la révision de la loi sur la Banque nationale; FF 2002 5645, en l'occurrence 5676 et 5801 s.).

En résumé, la réglementation en vigueur doit être comprise en ce sens que le conseil de banque exerce une surveillance directe et sans restriction sur la direction des affaires pratiquée par la direction générale élargie. De l'avis du Conseil fédéral, la structure de surveillance au sein de la BNS est d'ores et déjà réglée de manière adéquate sous l'angle des prescriptions de la Constitution et des lois. Néanmoins, et pour dissiper à l'avenir toute imprécision, l'art. 10, al. 2, let. i, ROrg devrait être clarifié d'un point de vue rédactionnel à la prochaine occasion, en accord avec la BNS.

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