07.060 Message concernant l'initiative populaire fédérale «Eaux vivantes (Initiative pour la renaturation)» du 27 juin 2007

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous vous présentons ci-après le message concernant l'initiative populaire «Eaux vivantes (Initiative pour la renaturation)». Nous vous proposons de soumettre cette dernière au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

27 juin 2007

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2007-1409

5237

Condensé L'initiative «Eaux vivantes (Initiative pour la renaturation)» a vu le jour en raison notamment de la situation insatisfaisante prévalant dans divers domaines de la protection des eaux et du recul des populations de poissons observé ces dernières années dans les cours d'eau suisses. L'initiative entend combler les déficits et, parallèlement, contribuer à la résolution des problèmes d'écologie des eaux.

L'initiative formule trois exigences centrales: ­

Les cantons encouragent la renaturation des eaux publiques et de leurs zones riveraines (cours et plans d'eau).

­

A cette fin, les cantons mettent sur pied des fonds cantonaux de renaturation.

­

Les organisations directement affectées peuvent déposer des requêtes en vue de la réalisation des mesures (droit de requête et droit de recours).

Si elle était acceptée, l'initiative devrait être concrétisée par le biais d'une révision des lois concernées.

Le texte de l'initiative emploie le terme de «renaturation» pour désigner toutes les mesures de valorisation des eaux, à savoir le rétablissement dans un état proche de l'état naturel des cours d'eau rectifiés ou aménagés, la minimisation des effets d'éclusées nuisibles en aval des centrales à accumulation, la réactivation du régime de charriage ainsi que l'assainissement des débits résiduels insuffisants.

Il est incontestable que l'état actuel des cours d'eau appelle dans ces domaines un certain nombre de mesures. Les lois en vigueur doivent donc être exécutées de manière rigoureuse. Pour ce faire, les cours d'eau doivent être considérés dans leur globalité. La planification de mesures doit prendre en compte les répercussions dans tous les secteurs de l'économie des eaux. Cette approche globale s'avère d'ailleurs d'autant plus impérieuse avec le réchauffement climatique et ses conséquences. Dans le domaine des effets d'éclusées liés aux centrales à accumulation, la Commission de l'environnement du Conseil des États a élaboré des propositions de réglementation dans le cadre de l'initiative parlementaire «Débit résiduel minimal».

Ces travaux ont été suspendus en raison des parallèles existant avec l'initiative «Eaux vivantes».

Le Conseil fédéral juge très problématique la proposition d'extension du droit de recours des organisations, qui est en totale contradiction avec l'actuelle tendance à une limitation et une utilisation plus rationnelle de cet instrument. En outre, le Conseil fédéral estime qu'en regard de son utilité, l'initiative entraîne des dépenses trop importantes pour la Confédération et les cantons. Pour les centrales hydroélectriques, l'initiative pourrait occasionner des préjudices économiques et, selon la mise en oeuvre retenue, gêner la production d'une énergie précieuse.

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Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte de l'initiative

L'initiative populaire fédérale «Eaux vivantes (Initiative pour la renaturation)» a la teneur suivante: I La Constitution fédérale du 18 avril 1999 est modifiée comme suit: Art. 76a (nouveau) Renaturation des eaux 1 Les cantons encouragent la renaturation des eaux publiques et de leurs zones riveraines. Ils veillent tout particulièrement, dans les plus brefs délais, au financement et à la réalisation rapide de l'assainissement des cours d'eau influencés sensiblement par les prélèvements d'eau, ainsi qu'au rétablissement dans un état proche de l'état naturel des eaux auxquelles des ouvrages ont porté atteinte. Ils ordonnent des mesures en vue de la réactivation du régime de charriage et de l'atténuation des effets d'éclusées nuisibles.

Afin de financer les mesures dont les coûts ne peuvent pas être mis à la charge de celui qui les cause, chaque canton crée un fonds de renaturation.

2

La Confédération et les cantons rendent des décisions susceptibles de recours sur les requêtes en vue de la réalisation des mesures visées à l'al. 1 formulées par des organisations directement affectées ou par des organisations nationales de la pêche ou de protection de la nature et de l'environnement.

3

4

Le Conseil fédéral édicte les prescriptions nécessaires.

II Les dispositions transitoires de la Constitution fédérale sont modifiées comme suit: Art. 197, ch. 6 (nouveau) 6. Disposition transitoire ad art. 76a (Renaturation des eaux) Avant l'entrée en vigueur des dispositions légales, le Conseil fédéral édicte les dispositions d'exécution nécessaires dans le délai d'un an à compter de l'adoption de l'art. 76a.

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1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire fédérale «Eaux vivantes (Initiative pour la renaturation)» a fait l'objet d'un examen préliminaire1 par la Chancellerie fédérale le 21 décembre 2004 et a été déposée le 3 juillet 2006, munie des signatures nécessaires.

Par décision du 24 juillet 20062, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative populaire, pourvue de 161 836 signatures valables, avait abouti sur le plan formel.

L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose pas de contre-projet. Aux termes de l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi sur le Parlement (LParl)3, le Conseil fédéral a jusqu'au 3 juillet 2007 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale décide ensuite, dans un délai de trente mois à compter du jour où l'initiative a été déposée, c'est-à-dire d'ici au 3 janvier 2009.

1.3

Validité

L'initiative remplit les exigences de validité exposées à l'art. 139, al. 2, de la Constitution fédérale (Cst.)4.

­

Elle est présentée sous forme d'un projet rédigé et respecte ainsi l'unité de la forme.

­

Elle présente un lien objectif entre les différentes parties de l'initiative et respecte ainsi l'unité de la matière.

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Elle n'enfreint aucune règle impérative du droit international et répond ainsi aux exigences de compatibilité avec celui-ci.

L'impossibilité manifeste d'appliquer une initiative dans les faits constitue la seule limite matérielle non écrite à une révision de la Constitution. L'initiative populaire «Eaux vivantes (Initiative pour la renaturation)» peut être concrétisée sur le plan juridique et appliquée dans les faits.

L'initiative est donc valable.

2

Contexte

2.1

Situation actuelle des eaux

De manière générale, la qualité de l'eau s'est fortement améliorée au cours des dernières décennies, en particulier grâce à la généralisation des stations d'épuration.

Mais de nouveaux problèmes complexes sont apparus avec les produits chimiques, les perturbateurs endocriniens, les pesticides, les biocides et les médicaments, qui constituent autant de menaces pour l'environnement.

1 2 3 4

FF 2005 1 FF 2006 6381 Loi fédérale du 13 décembre 2002 sur l'Assemblée fédérale (Loi sur le Parlement, LParl; RS 171.10).

Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst.; RS 101).

5240

L'état structurel, spatial et hydrologique des eaux se présente comme suit:

5

­

Une extrapolation des données cantonales relative à l'état écomorphologique des eaux indique que, sur les quelque 65 300 km de cours d'eau que compte la Suisse, 10 600 km sont très atteints et 5200 km sont mis sous terre. Les déficits structurels ne se répartissent pas uniformément sur l'ensemble des cours d'eau. Au niveau régional, les cours d'eau du Plateau d'une grande valeur écologique sont les plus touchés: 50 % sont couverts ou fortement aménagés en raison d'une urbanisation dense et d'une agriculture intensive.

Dans les zones de montagne, les principaux cours d'eau s'écoulant dans les vallées sont aussi très atteints, en raison notamment d'aménagements continuels.

­

En outre, on dénombre quelque 88 000 obstacles artificiels de plus de 50 cm de hauteur, qui constituent autant d'entraves pour les poissons et le reste de la faune aquatique.

­

On ne dispose pour l'heure d'aucune vue d'ensemble de l'état écomorphologique des rives des plans d'eau. Une étude réalisée sur le lac de Constance a montré que 47 % du rivage étaient endigués. Sur le lac de Zurich, dont les rives comptent parmi les plus construites en Suisse, plus de 80 % du rivage sont très atteints.

­

Sur les quelque 500 centrales hydroélectriques d'une puissance minimale de 300 kW, on estime que 25 % produisent en aval des variations de débit assimilables à des éclusées pour pouvoir répondre à la demande. Ces phénomènes ne sont pas sans conséquences sur les espèces aquatiques et leur milieu: lors de la montée des eaux, elles sont entraînées et, lors de la décrue, elles risquent de s'échouer.

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Le régime de charriage est souvent altéré par les aménagements de cours d'eau, les dépotoirs à alluvions et les centrales hydroélectriques ou autres interventions similaires. La dynamique de cette fonction naturelle se trouve aujourd'hui fortement réduite dans 41 % des cours d'eau étudiés. Certaines rivières se creusent ainsi artificiellement, menaçant d'une part la stabilité des ouvrages techniques et, d'autre part, les terrains environnants par un effet d'abaissement des eaux souterraines. Inversement, des alluvions peuvent s'amasser en certains endroits et créer des embâcles qui doivent être supprimés pour éviter des inondations.

­

Aux débuts des années 90, 80 % des cours d'eau situés directement en aval de quelque 1500 prélèvements d'eau destinés à l'utilisation des forces hydrauliques étaient asséchés pendant une partie de l'année, voire toute l'année (tronçons à débit résiduel). Grâce à la loi sur la protection des eaux révisée (LEaux)5, des débits résiduels convenables, au sens des art. 29 ss LEaux, ont été introduits à partir de 1992 dans plus de 100 cours d'eau à l'occasion de renouvellements de concession. Pour les concessions en cours, 100 nouveaux assainissements ont été ordonnés par les autorités (art. 80 ss LEaux). Ces mesures présentent un réel intérêt écologique. Il n'en reste pas moins fort à faire pour les cours jusque-là non assainis. Les Chambres fédé-

Loi fédérale du 24 janvier 1991 sur la protection des eaux (loi sur la protection des eaux, LEaux, RS 814.20).

5241

rales ont rallongé le délai d'assainissement pour les concessions en cours au sens de l'art. 81, al. 2, LEaux en le portant de 2007 à 2012.

­

Les dernières décennies ont été marquées par une forte baisse des prises de truites de rivière. Des études ont trouvé trois causes principales à ce phénomène: une dégradation du milieu naturel et de la qualité de l'eau ainsi qu'une recrudescence des maladies infectieuses.

2.2

Réglementation en vigueur de la protection des eaux

Les domaines touchés par l'initiative pour la renaturation sont régis par différentes lois.

Rétablissement dans un état proche de l'état naturel des cours d'eau aménagés (revitalisation) La législation en vigueur au niveau fédéral ne fixe aucune obligation explicite de revitalisation. En cas d'interventions dans les eaux, l'état naturel doit être autant que possible reconstitué (art. 4, al. 2, de la loi sur l'aménagement des cours d'eau6, art. 37 LEaux). Par ailleurs, des travaux de renaturation sont explicitement prévus aux art. 87 et 88 LAgr7 pour les projets d'améliorations foncières dans le domaine agricole. Pour ce faire, les aspects de la diversité des cours d'eau et le bon développement de la faune et de la flore qui y vivent doivent aussi être pris en compte. La couverture et la mise sous terre des cours d'eau sont interdites, à quelques exceptions près (art. 38 LEaux).

Pour combler les déficits structurels dont souffrent les cours d'eau, des prescriptions sont appliquées lors des nouvelles concessions des centrales hydroélectriques et/ou des grands projets et sont spécifiées concrètement dans le cadre de l'étude d'impact sur l'environnement (art. 37 LEaux et art. 9 LFSP8). En vertu de l'art. 10 LFSP, les cantons veillent en outre à ce que des mesures d'assainissement soient prises pour les installations existantes; celles-ci doivent toutefois être économiquement supportables.

Les cantons sont par ailleurs tenus de déterminer l'espace minimal des cours d'eau nécessaire à la protection contre les crues et à la préservation des fonctions écologiques (art. 21, al. 2, OACE9) et de tenir compte de ces besoins d'espace dans leurs plans directeurs et dans leurs plans d'affectation ainsi que dans d'autres activités ayant des effets sur l'organisation du territoire (art. 21, al. 3, OACE).

En outre, il existe avec l'art. 21, al. 2, LPN10 une prescription d'après laquelle les cantons doivent veiller à ce que les rives soient couvertes d'une végétation suffisante ou du moins à ce que soient réalisées les conditions nécessaires à son développement.

6 7 8 9 10

Loi fédérale du 21 juin 1991 sur l'aménagement des cours d'eau (RS 721.100).

Loi fédérale du 29 avril 1998 sur l'agriculture (loi sur l'agriculture, LAgr, RS 910.1).

Loi fédérale du 21 juin 1991 sur la pêche (LFSP, RS 923.0).

Ordonnance du 2 novembre 1994 sur l'aménagement des cours d'eau (OACE, RS 721.100.1).

Loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage (LPN, RS 451).

5242

Atténuation des effets d'éclusées nuisibles L'atténuation des effets d'éclusées n'est pas expressément réglementée dans la législation. Actuellement, la pratique se réfère avant tout aux art. 7 et 9 LFSP, qui régissent la préservation, l'amélioration et la reconstitution des biotopes des poissons et du reste de la faune aquatique. L'accent est mis spécifiquement sur les mesures évoquées à la faveur de nouvelles concessions et de grands projets lorsqu'ils s'accompagnent d'une étude d'impact sur l'environnement.

Réactivation du régime de charriage La législation ne comporte aucune disposition explicitement destinée à améliorer le régime de charriage.

Des mesures en ce sens peuvent néanmoins être ordonnées pour les nouvelles concessions avec étude d'impact sur l'environnement en s'appuyant notamment sur l'art. 9 LFSP, qui impose de créer des conditions de vie favorables à la faune aquatique. Pour les installations existantes, l'art. 10 LFSP prévoit également l'application de telles mesures lorsque celles-ci sont économiquement supportables.

Les art. 44 LEaux et 43 OEaux11 disposent qu'en cas d'exploitation de gravier, de sable et d'autres matériaux dans les cours d'eau, le bilan des matériaux charriés ne doit pas être perturbé.

Assainissement des débits résiduels La LEaux réglemente le maintien de débits résiduels convenables (art. 29 à 36 LEaux) en cas de nouveaux prélèvements dans des cours d'eau et de renouvellements de la concession des centrales hydroélectriques existantes. Elle régit également l'assainissement des tronçons à débit résiduel pour les concessions en cours (art. 80 à 83 LEaux). Les mesures d'assainissement ne sont toutefois possibles que dans une mesure limitée en raison des droits acquis.

2.3

Mise en oeuvre et exécution de la législation sur la protection des cours d'eau

L'appréciation de la mise en oeuvre et de l'exécution de la législation en matière de protection des eaux doit distinguer les différents domaines que sont la revitalisation (rétablissement dans un état proche de l'état naturel des cours d'eau aménagés), les effets d'éclusées, le régime de charriage et le débit résiduel. Fondant son analyse sur des études et sondages réalisés auprès des cantons, le Conseil fédéral évalue ci-après la mise en oeuvre et l'exécution du droit de la protection des eaux.

Les actions de revitalisation sont surtout menées en lien avec des mesures de protection contre les crues et d'amélioration foncière. Seul un nombre restreint de cantons réalisent des revitalisations de manière autonome, soit qu'ils ne disposent pas des financements nécessaires, soit qu'ils parviennent à une meilleure acceptation politique en les insérant dans d'autres projets. Par ailleurs, des revitalisations sont effectuées sans les zones alluviales en vertu de la LPN.

11

Ordonnance du 28 octobre 1998 sur la protection des eaux (OEaux, RS 814.201)

5243

A titre d'exemple, les cantons de Berne et de Genève disposent d'un fonds leur permettant de financer des mesures de revitalisation autonomes. Le fonds bernois est alimenté par les redevances perçues pour l'utilisation de la force hydraulique à raison de 10 % de leur produit annuel. A Genève, le fonds est financé par l'ensemble des redevances hydrauliques et des taxes sur les prélèvements d'eau (à des fins d'irrigation, de refroidissement, etc.).

On ne dispose que de chiffrages approximatifs des dépenses consacrées aux revitalisations. La Confédération soutient ces actions et les projets de protection contre les crues comportant des volets de revitalisation à hauteur de quelque 20 millions de francs par an. Une grande partie de ces dépenses (13 mio. de fr. ) provient des projets de protection contre les crues comportant des volets de revitalisation. Dans le domaine des améliorations structurelles dans l'agriculture, près de deux millions de francs sont débloqués chaque année pour des travaux de revitalisation en rapport avec des projets d'améliorations foncières.

Les dépenses totales de la Confédération, des cantons et des particuliers sont estimées à 60 millions de francs par an.

A l'exception des cantons ayant une solution de financement concrète, les services cantonaux spécialisés estiment que les travaux de revitalisation progressent trop lentement en regard des besoins des autres cantons. Les fonds actuellement investis ne parviennent à couvrir le besoin de revitalisations réalisables qu'à très long terme.

Il faudrait ainsi plus de 150 ans pour que toutes les revitalisations réalisables soient effectivement menées à leur terme.

La problématique des effets d'éclusées ne présente pas la même acuité dans tous les cantons. Pour les nouvelles installations ou les renouvellements de concession, les conséquences des éclusées sur l'écologie des cours d'eau sont évaluées dans le cadre de l'étude d'impact sur l'environnement prescrite par la législation. Les mesures sont fixées au cas par cas, ce qui implique une certaine insécurité pour les nouvelles installations et les renouvellements de concession. L'exécution fluctue d'un canton à l'autre. Pour les concessions en cours, il n'existe pas de bases juridiques spécifiques pour les mesures, sauf lorsque des dispositions ont été incluses dans la
concession.

Dans ces cas, une amélioration de la situation écologique n'est généralement possible que dans une faible mesure en raison des droits acquis par le concessionnaire.

En matière de régime de charriage, certains cantons ont entrepris de gros efforts.

D'autres n'ont que récemment commencé à évaluer différentes mesures qui seront mises en oeuvre progressivement. Lorsque le régime de charriage est perturbé par des centrales hydroélectriques, de plus en plus souvent des dispositions spécifiques sont introduites dans les nouvelles concessions. En revanche, pour les concessions en cours, rien ne peut généralement être entrepris.

Les dispositions concernant les débits résiduels convenables sont exécutées de manière parfaitement uniforme dans le cadre législatif lors de nouveaux prélèvements d'eau ou de renouvellements de concession. Grâce à la révision de la LEaux, des débits résiduels convenables au sens de l'art 29 ss LEaux ont été introduits dans les renouvellements de concession opérés depuis 1992 dans plus de 100 cours d'eau.

L'assainissement des tronçons à débit résiduel pour les concessions en cours est en revanche réalisé différemment selon les cantons. Pour les concessions en cours, environ 100 assainissements ont à ce jour été ordonnés (art. 80 ss LEaux).

5244

3

Buts et teneur de l'initiative populaire

3.1

Buts de l'initiative

Douze ans après l'entrée en vigueur de la LEaux, le 1er novembre 1992, les auteurs de l'initiative jugent très décevant le bilan que l'on peut tirer. Le rapport final du projet «Réseau suisse poissons en diminution», publié en 2004, a révélé que la situation restait insatisfaisante dans divers domaines de la protection des eaux.

L'initiative entend par conséquent combler les déficits existants et, parallèlement, contribuer à la résolution des problèmes d'écologie des eaux par les exigences décrites ci-après.

3.2

Réglementation prévue par l'initiative

L'initiative formule trois exigences centrales: ­

les cantons encouragent la renaturation des eaux publiques et de leurs zones riveraines;

­

à cette fin, les cantons mettent sur pied des fonds cantonaux de renaturation;

­

les organisations directement affectées peuvent déposer des requêtes en vue de la réalisation des mesures (droit de requête et droit de recours).

3.3

Commentaire du texte de l'initiative

3.3.1

Encouragement de la renaturation

L'initiative pour la renaturation exige des cantons qu'ils encouragent la renaturation des eaux publiques et de leurs zones riveraines. Sont ainsi concernés les cours d'eau, mais aussi les plans d'eau.

Le terme de renaturation doit, selon le rapport explicatif de l'initiative, être compris comme un terme générique désignant toutes les mesures permettant de valoriser les écosystèmes aquatiques. Cela recouvre le rétablissement dans un état proche de l'état naturel des cours d'eau aménagés (revitalisation), les mesures d'atténuation des effets d'éclusées nuisibles, la réactivation du régime de charriage et l'assainissement des débits résiduels.

Rétablissement dans un état proche de l'état naturel des cours d'eau aménagés (revitalisation) La structure des cours d'eau désigne la diversité spatiale et matérielle des lits et des berges. Celle-ci est souvent affectée par des mesures d'aménagement hydraulique, par exemple une construction en dur le long des rives, une correction du cours initial, une mise sous terre ou une stabilisation du fond créant des obstacles pour les poissons. Remédier à ces déficits constitue l'un des axes majeurs de l'initiative pour la renaturation.

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Atténuation des effets d'éclusées nuisibles Par effets d'éclusées, on entend les brusques variations de débits produites en aval d'un cours d'eau par les centrales à accumulation. Ces dernières, qui retraitent l'eau emmagasinée dans les bassins de retenue, modulent normalement leur production pour répondre aux sautes de la demande et notamment aux pics de consommation.

L'effet d'éclusées est caractérisé par une augmentation du débit à l'aval de la restitution des eaux turbinées. A cette phase succèdent une brusque décrue dans le cours d'eau et un régime d'étiage prononcé.

Il a fallu attendre ces dernières années pour que l'on s'intéresse aux conséquences écologiques des effets d'éclusées et que des études scientifiques soient menées sur le sujet. Fréquemment répétés, ces phénomènes bouleversent les espèces aquatiques et leur milieu: lors de la montée des eaux, elles sont entraînées et, lors de la décrue, elles risquent de s'échouer.

Réactivation du régime de charriage Les alluvions sont tous les sédiments qu'un cours d'eau charrie sur son fond par glissement, roulement ou soulèvement. Leur calibre est variable, allant des grosses pierres au sable fin en passant par le gravier. Ce sont des éléments indispensables au bon fonctionnement des écosystèmes que sont les cours d'eau. Lorsque le régime de charriage est proche de l'état naturel, le fond du cours d'eau, qui est une base vitale essentielle pour la faune et la flore, est plus meuble. Les larves d'insectes et autres petits animaux, mais aussi le frai et les larves de poisson, trouvent refuge dans les interstices des graviers et matériaux déplacés. Cette fonction ne peut être remplie qu'à condition qu'une eau riche en oxygène s'écoule à travers les interstices et qu'il n'y ait pas colmatage des brèches.

Les opérations d'aménagement hydraulique, les retenues, les modifications du débit et les prélèvements de gravier peuvent mettre en péril l'équilibre du régime de charriage.

Assainissement des débits résiduels On entend par débit résiduel la quantité d'eau s'écoulant dans un cours d'eau après un ou plusieurs prélèvements d'eau. Les portions à débit résiduel peuvent être assainies par une dotation suffisante pour le captage ou le barrage de retenue.

L'initiative exprime certes le souhait d'assainissements rapides, mais elle n'exige aucune modification de la réglementation des débits résiduels en vigueur.

3.3.2

Fonds cantonaux de renaturation

L'initiative pour la renaturation prévoit que chaque canton instaure un fonds de renaturation destiné à financer les mesures encouragées. Celui-ci doit uniquement servir à supporter les coûts non imputables à un pollueur précis.

Le principe du pollueur-payeur inscrit à l'art. 74, al. 2, Cst. veut que les frais de prévention et de réparation destinés à protéger l'être humain et son environnement naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes soient à la charge de ceux qui les causent. L'art. 3a LEaux consacre ce principe dans le domaine de la protection des eaux en prévoyant que celui qui est à l'origine d'une mesure prescrite par ladite loi en supporte les frais.

5246

L'initiative reste néanmoins muette sur les modalités de concrétisation de ces fonds cantonaux de renaturation. Le rapport explicatif de l'initiative pour la renaturation cite plusieurs types de financement, notamment l'alimentation du fonds par des redevances hydrauliques, des revenus généraux ou d'autres taxes.

3.3.3

Droit de requête et droit de recours

Le troisième élément prévu par l'initiative pour la renaturation est l'introduction d'un droit de requête des organisations. Ainsi, les organisations pourraient imposer des procédures de renaturation par voie juridique. Le champ d'application de ce droit de requête se limite néanmoins aux mesures de renaturation. Il peut être utilisé par toutes les organisations concernées par les renaturations: les organisations de protection de la nature, les fédérations de pêche nationales ou encore les fédérations de pêche cantonales et les sociétés d'affermage. Pour l'heure, il est difficile d'apprécier dans quelle mesure un droit de recours peut être consacré au niveau constitutionnel.

4

Appréciation des buts de l'initiative

L'appréciation des buts de l'initiative nécessite un rappel des défis actuels et futurs de la politique suisse de l'eau et des eaux. Les défis fondamentaux sont réunis dans les «Idées directrices ­ Cours d'eau suisses»12, publiées par l'OFEFP et l'OFEG (aujourd'hui OFEV et OFEN), l'OFAG et l'ARE. Ces différents offices fédéraux ont défini dans ce document les objectifs d'évolution qui résultent des fonctions naturelles des cours d'eau. Ces fonctions sont multiples: entre autres, les cours d'eau façonnent le paysage, transportent l'eau et charrient des alluvions, ont des effets régulateurs sur les écosystèmes et renouvellent les réserves d'eau souterraine. Aussi les cours d'eau doivent-ils être gérés dans une optique durable pour assurer au mieux la production d'électricité, l'approvisionnement en eau potable et l'irrigation, mais aussi pour prémunir les hommes, les animaux et l'environnement contre la violence des eaux.

La gestion des eaux doit aujourd'hui tenir compte d'exigences souvent conflictuelles: protection contre les crues et utilisation du sol (production agricole et urbanisation), atteintes à la qualité des eaux (eaux usées et agriculture), propreté de l'eau potable et utilisation de la force hydraulique.

Fondamentalement, les défis de la gestion de l'eau et des cours d'eau en Suisse sont de plusieurs ordres. Ils visent pour l'essentiel à:

12

­

garantir la protection contre les crues et pérenniser les grandes corrections fluviales;

­

assurer la reconstitution des eaux souterraines, l'approvisionnement en eau potable et l'irrigation des terres agricoles;

­

améliorer la diversité naturelle à l'intérieur et le long des cours d'eau;

OFEFP/OFEG, Berne, 2003.

5247

­

mettre en valeur les paysages en tant qu'éléments essentiels pour les loisirs et le tourisme;

­

assurer la qualité de l'eau, notamment eu égard à l'emploi de plus en plus fréquent de produits chimiques et de substances biologiquement actives (biocides), et à la forte augmentation de la consommation de médicaments;

­

assurer un développement modéré de la production hydroélectrique et son positionnement sur le marché international;

­

réduire les effets néfastes imputables à la production hydroélectrique (effets d'éclusées, perturbations du régime de charriage, mauvaise circulation des poissons et amenuisement excessif des débits résiduels).

Pour relever ces défis, plusieurs objectifs sont définis dans les «Idées directrices ­ Cours d'eau suisses»: ­

assurer un espace suffisant réservé aux cours d'eau;

­

assurer un débit suffisant;

­

assurer une qualité d'eau suffisante.

Les défis futurs à relever en matière de gestion de l'eau et des cours d'eau sont principalement liés à l'adaptation aux changements climatiques et à l'augmentation de la fréquence des épisodes de fortes précipitations ou de sécheresse. La fréquence croissante de ces deux phénomènes appelle, d'un côté, une hausse des capacités d'écoulement (agrandissement de l'espace réservé aux cours d'eau) et des adaptations dans l'évacuation des eaux urbaines et, de l'autre, un accroissement de la performance des installations d'évacuation et d'épuration des eaux, car le taux de dilution des eaux polluées dans les rivières se dégrade. A terme, un autre défi consistera par ailleurs à assurer une production hydroélectrique à la fois respectueuse de l'environnement et concurrentielle.

Les objectifs de l'initiative rejoignent en grande partie les défis généraux actuels.

Ils contribuent essentiellement à deux des trois objectifs visés par les «Idées directrices ­ Cours d'eau suisses» pour que les cours d'eau puissent remplir leur fonction naturelle. L'initiative ne fait en revanche aucune proposition sur la manière d'assurer une qualité d'eau suffisante. En outre, l'initiative ne prend que partiellement en compte les défis futurs et fait obstacle à l'amélioration des conditions pour la production hydroélectrique.

4.1

Conséquences en cas d'acceptation

4.1.1

Conséquences écologiques

L'expérience des projets de revitalisation montre que leur mise en oeuvre permet une valorisation écologique et paysagère significative. Ce constat s'applique à la faune et la flore, mais aussi aux paysages, à la capacité d'auto-épuration des eaux et à la reconstitution des nappes souterraines et des réserves d'eau potable. La revitalisation des cours d'eau doit aussi être considérée comme l'un des éléments d'une stratégie d'adaptation aux changements climatiques.

5248

Grâce aux mesures d'atténuation des effets d'éclusées nuisibles et à une réactivation du régime de charriage, l'acceptation de l'initiative aurait des répercussions positives sur l'écologie des cours d'eau.

En revanche, l'initiative ne change rien à la situation actuelle en matière de débits résiduels. Si elle était acceptée, elle faciliterait néanmoins l'assainissement rapide des débits résiduels des prélèvements existants avant l'arrivée à expiration du délai fixé et empêcherait sa prolongation.

4.1.2

Conséquences économiques

L'initiative présente les avantages économiques suivants: ­

elle permet une mise en valeur paysagère pour les loisirs et le tourisme. Une quantification n'est guère possible; on sait néanmoins que la population accorde généralement une grande importance à la fonction récréative de la nature;

­

dans bien des cas, les revitalisations (surtout dans les projets d'agrandissement de l'espace réservé aux cours d'eau) apportent une contribution préventive à la protection contre les crues. En outre, les cours d'eau revitalisés sont mieux à même d'alimenter les nappes d'eaux souterraines;

­

les investissements consentis ont des retombées bénéfiques en termes d'emplois et de plus-values;

­

l'entretien des cours d'eau proches d'un état naturel est plus avantageux financièrement;

­

l'assainissement simultané des effets d'éclusées à l'intérieur d'un même bassin hydrologique pourrait s'avérer moins onéreux que des opérations isolées (lors de renouvellement de concession).

Mais elle engendre aussi des coûts économiques: ­

l'initiative prévoit l'instauration de fonds cantonaux de renaturation, sans toutefois avancer d'éléments quant à leur ampleur et à leur mode de financement. En supposant que la renaturation de la moitié des cours d'eau aménagés en Suisse soit considérée comme cruciale et que les travaux correspondants doivent s'effectuer en l'espace de deux à trois générations, il en résulterait des surcoûts estimés à 40 millions de francs pour les cantons et à 20 millions de francs pour la Confédération. En l'absence de toute proposition de calendrier, les coûts qui en résulteraient effectivement restent indéterminés. Le mode de financement définit par qui les coûts seraient assumés au niveau cantonal;

­

les mesures destinées à lutter contre les effets d'éclusées se répercuteraient sur la rentabilité des centrales hydroélectriques et sur la production d'énergie en période de pointe. Les coûts destinés à atténuer les effets d'éclusées varient fortement d'une situation à l'autre. D'après une étude menée auprès de 7 centrales hydroélectriques, ils sont compris entre 0,2 et 0,7 ct./kWh. Si seules des mesures de construction étaient prises, ces coûts s'élèveraient à environ 0,4 ct./kWh, contre 0,6 ct./kWh si celles-ci étaient complétées par

5249

des mesures d'exploitation13. Les coûts de production de ces centrales augmenteraient de quelque 10 %. Les résultats n'ont toutefois qu'une portée générale très limitée en raison du faible nombre d'installations étudiées.

L'assainissement de la totalité des centrales concernées entraînerait une augmentation du prix de l'électricité d'environ 0,5 %; ­

la réactivation du régime de charriage au cours des 50 prochaines années entraînerait des surcoûts annuels estimés à 1 million de francs pour les pouvoirs publics et de 1 à 2 millions de franc pour les exploitants de centrales hydroélectriques;

­

les mesures d'atténuation des effets d'éclusées nuisibles et de réactivation du régime de charriage peuvent empiéter sur les droits acquis des propriétaires de centrales hydroélectriques. Aux termes de l'art. 43 LFH14, les cantons sont tenus de verser des indemnités aux sociétés exploitantes en cas de pareils empiètements. Une partie des frais mentionnés devrait donc être assumée par les cantons;

­

le droit de requête et le droit de recours retardent les procédures d'autorisation pour l'utilisation de la force hydraulique.

4.1.3

Conséquences en termes de personnel

Les ressources dévolues au traitement des projets supplémentaires, au conseil des cantons ainsi qu'à l'activité d'expertise dispensée par la Confédération à l'adresse des tribunaux devraient être nettement revues à la hausse si l'initiative était acceptée.

En outre, cinq nouveaux postes au moins devraient être créés au sein de l'Office fédéral de l'environnement et de l'Office fédéral de l'énergie.

Ce renforcement des moyens en personnel se ferait également sentir au niveau cantonal, notamment dans les plus gros cantons, en particulier suite à l'introduction des nouveaux droits de requête et de recours des organisations.

4.1.4

Répercussions en regard du droit international

En 2000, une directive établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau (directive 2000/60/CE)15 est entrée en vigueur au sein de l'Union européenne. Celle-ci prévoit «d'établir un cadre pour la protection des eaux intérieures de surface, des eaux de transition, des eaux côtières et des eaux souterraines». Cette directive n'ayant pas de valeur contraignante pour la Suisse, il n'en résulte donc aucun engagement pour notre pays.

13

14 15

On a considéré que l'énergie ne pouvait plus être produite aux moments où les prix de vente sont les plus élevés; les pertes occasionnées par ce transfert ont été évalués à 6 ct./kWh.

Loi fédérale du 22 décembre 1916 sur l'utilisation des forces hydrauliques (LFH, RS 721.80) Voir http://europa.eu.int/eur-lex/lex/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX: 32000L0060:FR:HTML

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La directive comporte un principe programmatique d'amélioration des eaux en mauvais état, tel qu'on le connaît en Suisse dans certains domaines secondaires (assainissement de débits résiduels). L'initiative «Eaux vivantes» vise à améliorer les habitats de la faune et de la flore en encourageant les renaturations, à l'instar de ce que prescrit explicitement la directive 2000/60/CE pour atteindre un «bon état écologique».

L'article constitutionnel proposé par l'initiative serait compatible avec le droit européen.

4.2

Avantages et lacunes de l'initiative

Le texte de l'initiative met l'accent sur la protection des eaux et, partant, sur la protection de l'environnement. Toutefois, le rapport explicatif remis par les auteurs précise qu'au même titre que les intérêts de la protection, d'autres intérêts, telle l'utilisation de la force hydraulique, pourtant clairement en conflit avec les objectifs de l'initiative, doivent également être pris en compte.

Les cours d'eau ayant retrouvé leurs fonctions naturelles peuvent avoir de multiples avantages pour la population: d'un point de vue social, la mise en valeur de lieux de détente mais aussi, du point de vue écologique, l'amélioration de la biodiversité et de la qualité de l'eau (eaux souterraines et eau potable). A côté de cela, les renaturations peuvent dans de nombreux cas contribuer également à la protection contre les crues et, ainsi, avoir un intérêt économique et social. En augmentant l'espace réservé aux cours d'eau, les zones de rétention ainsi créées pourraient atténuer les dommages causés par les inondations. Ici, un effet de protection efficace s'ajouterait à une amélioration écologique.

Mais l'initiative génère aussi des coûts de renaturation importants et porte préjudice aux intérêts économiques des acteurs utilisant la force hydraulique. Toutefois, de nombreux cours d'eau ne sont pas affectés par une exploitation hydroélectrique mais, par exemple, par des zones d'habitation, des infrastructures ou un usage agricole. Ainsi, «ceux qui causent des coûts» ­ selon la formule de l'initiative ­ ne sont pas exclusivement les centrales hydroélectriques.

Parallèlement, il ne faut pas perdre de vue que l'utilisation de la force hydraulique, potentiellement affectée, occupe une place capitale du point de vue écologique et social dans le cadre d'une politique énergétique diversifiée et respectueuse de l'environnement. Ainsi, environ 60 % de l'électricité produite sont d'origine hydraulique. Il s'agit en outre d'une énergie renouvelable dont la production est exempte d'émissions de CO2 et qui, à ce titre, mérite d'être encouragée. Le projet relatif à la nouvelle loi sur l'approvisionnement en électricité fixe comme objectif d'augmenter l'utilisation de la force hydraulique jusqu'à 2000 GWh d'ici à 2030. La force hydraulique joue un rôle majeur dans la couverture du besoin en énergie de régulation et
de pointe et contribue ainsi à la sécurité d'approvisionnement.

Comme le montre l'exemple des mesures d'assainissement des eaux usées, toute mesure d'assainissement visant à atténuer les effets d'éclusées et à améliorer le régime de charriage entraînerait des coûts importants pour les administrations et les exploitants de centrales.

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L'initiative ne propose aucune approche pour résoudre les problèmes existants dans la revitalisation des cours d'eau, notamment le besoin d'espace et les acquisitions foncières que cela implique, de même que les conflits d'intérêts qui y sont liés.

En outre, il est préférable d'envisager les cours d'eau dans leur globalité, chose qu'omet de faire l'initiative. La planification des mesures doit prendre en compte les conséquences dans tous les domaines de l'économie des eaux. Avec le réchauffement climatique, cette approche intégrale s'avère d'ailleurs d'autant plus impérieuse que le débit des cours d'eau s'amenuise en été et en automne, ce qui engendre une situation de concurrence entre les écosystèmes, les différents consommateurs et régions. En outre, l'initiative méconnaît le problème de la qualité de l'eau (résidus médicamenteux, produits chimiques, etc.) qui est aussi l'un des déterminants de l'évolution des populations de poissons.

Les fonds de renaturation proposés sont sur le principe un moyen approprié pour financer les mesures de renaturation nécessaires. Mais l'initiative reste muette sur la constitution de ces fonds.

Le droit de requête et de recours proposé, pouvant également être invoqué en cas d'inaction des autorités, permet d'accélérer la mise en oeuvre ou de l'exiger par voie juridique. Mais cette possibilité d'opposabilité compliquerait la planification de l'activité de renaturation des cantons. Inversement, une bonne planification pourrait contrecarrer les requêtes et les recours.

Par ailleurs, le droit de requête des organisations de protection de l'environnement que propose l'initiative est en contradiction avec l'actuelle volonté politique, qui va dans le sens d'une limitation et d'une utilisation plus rationnelle du droit de recours des organisations. De surcroît, ce droit viendrait encombrer l'appareil administratif et judiciaire.

L'initiative concrétise la base constitutionnelle pour les renaturations et notamment des mesures dans les domaines du régime de charriage et des effets d'éclusées.

Néanmoins, des lois et mesures pourraient, si nécessaire, tout aussi bien voir le jour sur les bases constitutionnelles actuelles. Pour les nouvelles concessions des centrales hydroélectriques, certains aspects de l'initiative sont déjà pris en compte dans le cadre des EIE.

5

Conclusions

Le Conseil fédéral conclut ce qui suit: ­

L'article constitutionnel proposé s'intéresse exclusivement aux aspects écologiques. Le texte ne fait apparaître aucune considération économique ­ à savoir des pertes de production pour le secteur de l'électricité ­, seules les explications des auteurs de l'initiative abordent ce sujet.

­

L'acceptation de l'initiative pourrait se traduire pour les cantons et la Confédération par des surcoûts pour la revitalisation des cours d'eau d'un montant annuel de 60 millions de francs.

­

Par ailleurs, les exploitants des centrales électriques auraient à supporter des surcoûts pouvant aller jusqu'à 50 millions de francs en raison des mesures de construction et d'exploitation destinées à diminuer de manière conséquente les effets d'éclusées nuisibles. A cela s'ajouteraient quelques millions

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de francs par an dans les domaines du régime de charriage et de la circulation des poissons. Partout où ces mesures empiéteraient sur certains droits acquis des exploitants de centrales hydroélectriques, les cantons seraient tenus de verser des indemnités.

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L'actuel art. 76 Cst. constitue déjà une base suffisamment ample, qui n'a nullement besoin d'être étendue pour ordonner des mesures de renaturation.

Le Conseil fédéral juge particulièrement problématique le droit de requête et de recours des organisations de protection de l'environnement. Cet aspect menace de compliquer la bonne exécution du droit de la protection contre les crues. Ainsi, le droit de requête proposé rendrait pratiquement impossible une planification globale des activités de renaturation et pourrait entraîner un glissement des activités d'exécution des autorités compétentes vers les tribunaux.

Le Conseil fédéral demande donc aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons le rejet de l'initiative populaire fédérale «Eaux vivantes (Initiative pour la renaturation)».

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