07.067 Message relatif à une disposition constitutionnelle concernant la lutte contre la violence lors des manifestations sportives (hooliganisme) et à une modification de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI) du 29 août 2007

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons par le présent message un projet d'arrêté fédéral concernant la lutte contre les violences lors des manifestations sportives et deux projets de modification de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure, en vous proposant de les approuver.

Nous vous proposons également de classer l'intervention parlementaire suivante: 2006 M 06.3004

Mesures contre les violences lors de manifestations sportives (CE 7.3.06, Commission des affaires juridiques CE 05.065; N 9.3.06)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

29 août 2007

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2006-2932

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Condensé Le présent projet porte sur la création d'une base constitutionnelle qui habilitera la Confédération à prendre des mesures pour lutter contre la violence lors des manifestations sportives. Cette disposition constitutionnelle permettra de reconduire pour une durée illimitée des mesures qui ont été prises provisoirement jusqu'à la fin de 2009, faute de base constitutionnelle claire: l'interdiction de périmètre, l'obligation de se présenter à la police et la garde à vue. Elle ne devra cependant être adoptée que si les cantons ne réalisent pas à temps une solution fondée sur un concordat.

Le phénomène de la violence, latente ou patente, lors des manifestations sportives n'a cessé ces derniers temps de prendre de l'ampleur au niveau international, si bien que les pays concernés ont commencé à réagir en prenant des mesures. En Suisse, afin de contrer cette tendance et de donner aux autorités les moyens nécessaires pour maîtriser la situation lors de futures manifestations sportives telles que l'EURO 08, les Chambres fédérales ont inscrit dans la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI)1, au printemps 2006, des dispositions visant à lutter contre ce type de violence. Ces dispositions comprennent l'instauration d'un système d'information national sur les hooligans et une série de mesures préventives, s'appliquant par paliers, visant à les empêcher de commettre des actes de violence. Elles prévoient également la possibilité de saisir, séquestrer et confisquer du matériel de propagande dont le contenu incite à la violence.

Lors des délibérations parlementaires, une controverse s'est élevée quant à la constitutionnalité de trois des cinq mesures préventives proposées: l'interdiction de périmètre, l'obligation de se présenter à la police et la garde à vue. Le Parlement a, par conséquent, décidé de limiter la durée de validité de ces trois mesures à la fin 2009 pour s'assurer que les adaptations nécessaires du droit seraient aussitôt entreprises.

Le Parlement a par la suite chargé le Conseil fédéral, par le biais d'une motion de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats (CAJ-E), de veiller à ce qu'une base juridique suffisante permette de poursuivre l'application des mesures citées après l'échéance de leur durée de validité,
soit par une modification de la Constitution fédérale, soit par la conclusion d'un concordat. Deux autres interventions parlementaires (la motion Joder et l'initiative parlementaire Berset) demandent une législation fédérale durable. Les cantons ont depuis lors donné la préférence à la solution du concordat. Cependant, étant donné qu'elle doit assurer l'existence d'une base juridique suffisante pour que les mesures adoptées au printemps 2006 puissent être reconduites dès leur échéance, en vertu de la motion de la CAJ-E, la Confédération a entrepris dès l'été 2006 l'élaboration d'une disposition constitutionnelle, en accord avec les cantons. Ainsi, une solution de secours serait prête si le concordat devait finalement ne pas être conclu ou prendre du retard. En 1

RS 120

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effet, il reste peu de temps avant la fin des mesures provisoires. La Confédération interrompra ses travaux dès que les règlementations cantonales seront prêtes à être mises en oeuvre. Lors de la consultation menée au printemps 2007, les cantons, les partis politiques et les autres organismes intéressés ont dans l'ensemble approuvé et la manière de procéder et le projet de norme constitutionnelle élaboré par la Confédération. Si la solution constitutionnelle venait à être choisie et que le peuple et les cantons acceptent la disposition proposée, les trois mesures provisoires seraient inscrites durablement dans la LMSI. Le présent message s'accompagne d'un projet correspondant de modification de la LMSI (projet A). Le Conseil fédéral présente en même temps un projet de modification de la LMSI adapté au cas où la solution concordataire serait adoptée (projet B).

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Message 1

Présentation de l'objet

1.1

Contexte

Les Chambres fédérales ont adopté le 24 mars 2006 une modification de la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI; RO 2006 3703), qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2007. L'objectif premier de cette révision était de créer la base légale nécessaire au niveau de la Confédération pour mieux lutter contre la violence liée aux manifestations sportives. Ces dispositions comprennent une série de mesures préventives, s'appliquant par paliers et visant à empêcher que les hooligans s'étant déjà livré à des actes de violence en commettent de nouveaux. Chaque mesure n'est appliquée que si la mesure précédente, moins sévère, n'a pas été suivie d'effets ou ne présente aucune perspective de succès. Les cinq instruments de ce projet sont les suivants: l'enregistrement de hooligans ayant commis des actes de violence dans une banque de données nationale (HOOGAN), l'interdiction de se rendre dans un pays donné, l'interdiction de périmètre, l'obligation de se présenter à la police et la garde à vue.

Alors que le système d'information sur les hooligans et l'interdiction de se rendre dans un pays donné ont pu être instaurés sans problème sur la base de la Constitution, des divergences d'opinion sont apparues au cours des débats parlementaires quant à la constitutionnalité des trois autres mesures (interdiction de périmètre, obligation de se présenter à la police et garde à vue). En fin de compte, le point de vue du Conseil des Etats s'est imposé, et le Parlement a limité la durée de validité des trois mesures controversées à la fin de 2009. Il entendait ainsi créer la nécessité d'adapter rapidement le droit pour permettre le maintien des mesures adoptées, soit par le biais d'une nouvelle base constitutionnelle, soit par celui d'un concordat entre les cantons.

Le Parlement a par la suite chargé le Conseil fédéral, par le biais d'une motion de la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats (CAJ-E) (06.3004)2, de veiller à ce qu'une base juridique suffisante permette de poursuivre l'application des mesures citées après l'échéance de leur durée de validité. Alors que la motion de la CAJ-E ne précise pas si cet objectif doit être atteint par le biais d'une modification de la Constitution ou par la voie concordataire, la motion Joder (06.3064)3 demande explicitement
la création d'une base constitutionnelle. Mentionnons également l'initiative parlementaire Berset (06.454)4, qui demande une législation fédérale durable et un équilibre entre mesures préventives et mesures répressives.

La motion de la CAJ-E chargeant la Confédération d'assurer que la base juridique nécessaire sera créée à temps, l'administration fédérale a entrepris les travaux d'élaboration d'une disposition constitutionnelle dès l'été 2006, en accord avec les cantons, afin qu'une solution de secours soit prête si la solution concordataire devait ne 2 3 4

Motion CAJ-E du 24.1.2006. Mesures contre les violences lors de manifestations sportives (06.3004).

Motion Joder du 20.3.2006. Mesures de lutte contre la violence lors de manifestations sportives. Base constitutionnelle (06.3064; rejetée par le Conseil national le 22.6.2007).

Initiative parlementaire Berset du 23.6.2006. Loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives (06.454).

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pas être réalisée, ou pas dans les délais requis. En effet, il reste peu de temps avant que les mesures provisoires de la LMSI ne deviennent caduques. Les travaux au niveau fédéral seront interrompus dès que la solution concordataire sera prête.

Pour ce qui est de l'option constitutionnelle, le calendrier de la Confédération prévoit que le projet devrait être discuté par le Parlement au plus tard à la session d'automne 2008 (soit dans un an à peine) pour pouvoir être soumis au vote du peuple et des cantons durant le premier semestre de 2009. Si le projet est accepté, la nouvelle disposition constitutionnelle pourra alors entrer en vigueur avant la fin de 2009 et les mesures provisoires de la LMSI être reconduites.

Les cantons se sont prononcés au printemps 2007 pour le principe d'une solution concordataire, lors d'une séance de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP). Un projet de concordat devrait être finalisé pour la mi-novembre 2007, si bien qu'il semble aujourd'hui réaliste que les cantons puissent ratifier et mettre en vigueur le concordat avant le 1er janvier 2010.

1.2

La nouvelle règlementation proposée

Le Conseil fédéral propose de compléter l'art. 68 de la Constitution (Cst.) par un nouvel al. 4 qui donne à la Confédération la compétence de légiférer en vue de lutter contre la violence lors de manifestations sportives. La validité limitée des articles de la LMSI concernant l'interdiction de périmètre, l'obligation de se présenter à la police et la garde à vue (art. 24b, 24d et 24e) sera abolie en parallèle (projet A). Le Conseil fédéral propose un projet B adapté à la solution concordataire: les trois mesures provisoires de la LMSI y sont abrogées et quelques dispositions modifiées en conséquence sur le plan rédactionnel.

1.3

Résumé des résultats de la procédure de consultation

1.3.1

En général

Le projet a été bien accueilli dans l'ensemble au cours de la consultation5. En particulier, les participants ont été presque unanimes à reconnaître la nécessité de créer une base légale (constitutionnelle ou concordataire) durable et solide pour les trois mesures évoquées. Par contre, les avis sont partagés sur l'option à choisir ­ constitutionnelle ou concordataire. Le concordat semble rallier davantage de suffrages, à la condition que cette solution puisse être réalisée à temps6. Mais la plupart des parti5

6

Seuls le Parti chrétien-social (PCS), Referendum BWIS, les Juristes démocrates de Suisse (JDS), fancoaching Suisse et grundrechte.ch sont opposés au projet dans son ensemble: les trois derniers pensent en particulier qu'il faut d'abord analyser la mise en oeuvre et les effets des mesures provisoires de la LMSI au cours des prochaines années, avant d'envisager une modification de la Cst.

Se sont prononcés en faveur de la solution fédérale: les cantons de ZG, VD et UR, le PS, l'Union des villes suisses (UVS), l'Association des communes suisses, la Conférence suisse des autorités de poursuite pénale, la Commission fédérale pour l'enfance et la jeunesse (CFEJ), la Fédération des entreprises romandes, l'Union syndicale suisse (USS), la Swiss Football League, la Fédération des fan's clubs sportifs et l'Association des entreprises suisses de services de sécurité (VSSU).

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cipants estiment que la Confédération doit mener l'élaboration d'une disposition constitutionnelle parallèlement aux travaux des cantons, pour le cas où la solution concordataire n'aboutirait pas ou bien ne pourrait être réalisée à temps7.

Notons que les Juristes démocrates de Suisse et fancoaching suisse pensent qu'une réglementation du «phénomène particulier du hooliganisme» à l'échelon constitutionnel n'est pas adéquate, parce que la Cst., d'après les objectifs de sa (récente) révision totale, ne devrait contenir que des dispositions fondamentales et que tel n'est pas le cas de la base juridique des mesures de la LMSI sur le hooliganisme.

1.3.2

Place dans la systématique de la Cst.

Concernant la place de la future disposition dans la systématique de la Cst., deux opinions se sont fait jour: une large majorité des organismes consultés s'est déclarée d'accord avec la solution proposée (intégration à l'art. 68, «Sport», dans la section 3 «Formation, recherche et culture»), qui souligne le maintien du partage de compétences actuel entre la Confédération et les cantons en matière de sécurité, en limitant matériellement la nouvelle norme au problème du hooliganisme. Les cantons de BE et SH, ainsi que la CCDJP, ont expressément approuvé cette solution. Une minorité8 était au contraire de l'avis que cette nouvelle compétence devait être inscrite au chapitre des dispositions de la Cst. consacrées à la sécurité (art. 57 à 61), du fait que la problématique visée ressortissait nettement de ce domaine et qu'il convenait de le traduire dans la systématique.

1.3.3

Remarques relatives au projet de disposition constitutionnelle

La formulation proposée pour la nouvelle norme constitutionnelle a été approuvée pour l'essentiel, avec très peu de critiques de détail. Le canton des Grisons estime que la disposition va trop loin, car elle intervient trop dans le domaine de compétence cantonal en matière de police, puisqu'elle englobe les manifestations sportives au niveau local ou cantonal, qui doivent relever du droit cantonal en matière de police. Il reproche par contre à la norme proposée d'être trop réservée pour ce qui est des aspects intercantonaux de la sécurité, et prône de l'étendre à toute forme de grande manifestation posant un problème de sécurité (soit, outre les manifestations sportives, des conférences, des expositions, des concerts, etc.) du moment que plusieurs cantons sont impliqués. Ce dernier point (extension de la compétence fédérale à tous les types de grandes manifestations intercantonales posant un problème de sécurité) est également défendu par le canton de Bâle-Ville, les Commissaires suisses à la protection des données (privatim) et la Fédération des entreprises romandes.

7 8

Notamment les cantons d'AG, GL, SG et TG demandent au contraire que les travaux au niveau fédéral soient immédiatement stoppés.

Les cantons de VD, GR et ZG, le PCS et la Conférence suisse des autorités de poursuite pénale.

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Certains participants à la consultation ont signalé qu'il ne fallait pas mettre l'accent, dans le cadre des mesures de lutte contre le hooliganisme, sur les mesures répressives, mais davantage sur les mesures préventives9, et ont demandé que l'on adapte ou que l'on complète en conséquence la formulation de la disposition constitutionnelle.

Les cantons de Vaud et d'Uri et le PS ont demandé ou suggéré que la Confédération prévoie une indemnisation des frais ou un soutien financier, tandis que le canton de Berne et l'UDC souhaitent une participation plus grande des organisateurs privés.

1.3.4

Autres remarques

Le canton de Soleure, le PS et les Commissaires suisses à la protection des données souhaitent que les mesures dirigées contre la violence lors des manifestations sportives soient dissociées du domaine de la protection de l'Etat, c'est-à-dire ne soient pas réglées dans la LMSI, mais dans un autre acte, comme d'ailleurs le prévoit l'initiative parlementaire Berset. Ils estiment en effet que les mesures n'ont pas de lien direct avec la protection de l'Etat, objet de cette loi.

1.4

Appréciation des résultats de la consultation

La solution concordataire a la préférence de la plupart des participants à la consultation. Une large majorité d'entre eux préconise cependant que la Confédération poursuive provisoirement ses travaux en parallèle, en tant que solution de secours, jusqu'à ce qu'il soit clair que le concordat peut être réalisé dans les délais.

Concernant le contenu et la place de la nouvelle disposition dans la Cst., les résultats de la consultation nous induisent à maintenir notre projet; il ne se justifie pas, du point de vue du Conseil fédéral, d'étendre la compétence de la Confédération à l'encouragement de la prévention ni d'inscrire la nouvelle règle parmi les dispositions constitutionnelles relatives à la sécurité (art. 57 à 61 Cst.).

1.5

Suite des travaux

Le Parlement devra décider si les travaux d'élaboration de la solution constitutionnelle doivent être arrêtés, et quand. Au moment de l'adoption du message par le Conseil fédéral (automne 2007), le choix des cantons sera certes fait (solution concordataire), mais leur projet ne sera pas encore mûr pour la procédure de ratification dans les cantons. Ce ne sera vraisemblablement le cas qu'à la mi-novembre 2007, date à laquelle la CCDJP adoptera le projet de concordat définitif à l'occasion de son assemblée d'automne, donnant ainsi, sans doute, le coup d'envoi pour la procédure de ratification dans les cantons. A ce moment-là, le présent message aura déjà été soumis par le Conseil fédéral au Parlement, qui sera maître du dossier. Les premiers résultats du processus cantonal de ratification ne devraient pas être obtenus avant 2008, donc à un moment où la procédure parlementaire sera déjà assez avan9

Notamment le PS, l'Union des villes suisses, l'Association des communes suisses, la Commission fédérale pour l'enfance et la jeunesse et la Fédération des fan's clubs sportifs.

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cée. S'y ajoute le fait que le Parlement devra également se prononcer sur l'initiative parlementaire Berset, qui favorise la solution fédérale.

L'élément décisif sera, en fin de compte, la décision définitive du deuxième conseil, qui optera pour la solution constitutionnelle ou la solution concordataire avant la votation finale sur l'arrêté fédéral. Pour des raisons d'efficacité, le Parlement décidera simultanément des adaptations nécessaires de la LMSI. Nous lui soumettons donc, outre le projet de disposition constitutionnelle, deux projets de modification de la LMSI, l'un adapté à la solution constitutionnelle, l'autre à la solution concordataire.

Si le Parlement en venait à se décider pour la solution constitutionnelle ­ naturellement toujours sous réserve de l'acceptation par le peuple et les cantons ­ la nouvelle norme constitutionnelle (art. 68, al. 4, Cst.) devrait être citée dans le préambule de la LMSI et la limitation de la durée de validité des art. 24b, 24d et 24e de cette loi devrait être abolie (projet A). Dans le cas contraire, le Parlement optant pour la solution concordataire, il faudrait abroger les art. 24b, 24d et 24e LMSI, ce qui induit quelques adaptations matérielles des dispositions restantes de cette section de la loi, soit les art. 24a, al. 2, 24c, al. 1, let. a, et 2, 24f, 24g et 24h. Il faudrait également adapter l'art. 2, al. 4, let. f (voir projet B).

1.6

Droit comparé et rapports avec le droit européen

La Suisse a ratifié le 24 septembre 1990 la Convention européenne du 19 août 1985 sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football10. Elle enjoint aux Etats parties de créer des lois en vue de prévenir et de maîtriser la violence et les débordements de spectateurs lors de matches de football (art. 1, ch. 1, en relation avec l'art. 3, ch. 1, let. c). En outre, selon l'art. 3, ch. 4, let. d, les Etats parties s'engagent à prendre des mesures préventives pour exclure les fauteurs de troubles connus des matchs et des stades. L'art. 1, al. 2, précise enfin que ces obligations s'appliquent non seulement au football mais aussi à toutes les autres manifestations sportives.

Des pays tels que le Royaume-Uni et l'Allemagne, qui ont été confrontés relativement tôt au phénomène du hooliganisme, appliquent depuis longtemps des mesures préventives telles que l'interdiction de périmètre, l'obligation de se présenter à la police et l'interdiction de se rendre dans un pays donné. L'Autriche s'efforce actuellement d'adopter une solution similaire à celle de la législation suisse. Dans les pays de l'Union européenne, environ 8000 interdictions d'entrer dans un stade sont en vigueur, dont 2000 en Allemagne seulement. Les bases juridiques des mesures prises à l'étranger se trouvent dans des actes législatifs divers. En Allemagne, l'interdiction de se rendre dans un pays donné se fonde sur la loi sur le passeport (Passgesetz), tandis que l'obligation de se présenter à la police, faute de mieux, se fonde sur la clause générale de police. Le Royaume-Uni a par contre créé plusieurs bases juridiques spécifiques (Public Order Act 1986, etc.).

10

RS 0.415.3

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2

Commentaire du projet de disposition constitutionnelle

2.1

Nature de la disposition

La nouvelle disposition constitutionnelle vise à habiliter la Confédération à légiférer pour maintenir la sécurité et l'ordre publics lors de manifestations sportives. Elle pourra prendre les mesures préventives et répressives nécessaires pour éviter les violences lors de ces manifestations ou bien pour les maîtriser. La nouvelle disposition constitutionnelle lui donne une compétence législative globale ayant une force dérogatoire subséquente.

Comme nous l'avons mentionné plus haut, la Confédération, se fondant sur ses compétences dans le domaine de la sécurité, a déjà fait usage de son pouvoir législatif en complétant la LMSI par des mesures préventives visant à lutter contre le hooliganisme. La nouvelle disposition donne à ces mesures une base constitutionnelle expresse et durable ­ c'est là son objectif principal. Elle offre cependant à la Confédération la possibilité de prendre des mesures différentes ou plus sévères, susceptibles d'enrayer la violence dans les stades.

2.2

Place dans la systématique de la Constitution

Les débordements violents qui ont lieu lors des manifestations sportives portent atteinte à la sécurité et à l'ordre publics. Ils menacent des biens juridiques protégés classiques tels que la vie, la santé, la liberté et la propriété. Vu la nature de ces biens juridiques et l'objectif de la présente modification, le projet relève essentiellement du domaine de la sécurité intérieure. La disposition constitutionnelle proposée fonde une nouvelle compétence de la Confédération dans ce domaine.

Cette compétence étant toutefois exclusivement limitée à l'adoption des dispositions nécessaires pour prévenir la violence et maîtriser les situations de danger grave en relation avec les manifestations sportives, nous proposons de ne pas placer la nouvelle norme parmi les dispositions de la Constitution relatives à la sécurité (art. 57 à 61) mais de compléter l'article sur le sport (art. 68) de la section 3 «Formation, recherche et culture», afin, d'une part, de souligner le lien étroit avec le sport et, d'autre part, de mettre en exergue le caractère limité du champ d'action de la Confédération. En mettant au premier plan le lien matériel avec le sport, nous signalons en outre que la nouvelle disposition (limitée, comme nous l'avons dit, aux débordements violents lors des manifestations sportives) ne met pas en question le partage des compétences entre la Confédération et les cantons dans le domaine de la sécurité.

2.3

Objectifs de la disposition constitutionnelle

Les événements sportifs lors desquels se manifestent les hooligans et autres fauteurs de troubles excèdent souvent le cadre des rencontres régionales ou cantonales. Il ne s'agit donc pas seulement d'assurer la coopération intercantonale en vue de la préparation et du déroulement de manifestations sportives déterminées. Il s'est avéré nécessaire de procéder de manière uniforme et ciblée, en appliquant des mesures spécifiques, pour parer au problème du hooliganisme.

6119

La disposition constitutionnelle proposée permettra à la Confédération d'édicter un ensemble de mesures vaste et cohérent, uniforme à l'échelle suisse, pour prévenir et maîtriser la violence et les débordements lors de manifestations sportives. Cette compétence comblera, de l'avis général, une lacune dans la prévention de la violence.

Sur cette base, il sera possible de reconduire telles quelles les mesures inscrites dans la LMSI. Notamment, la nouvelle disposition fondera la compétence de la Confédération en ce qui concerne les mesures dont la légalité était controversée lors de la modification de la LMSI. Elle offre comme avantage que toutes les dispositions visant à la lutte contre le hooliganisme pourront rester rassemblées dans une loi fédérale au lieu d'être réparties entre les législations fédérale (interdiction de se rendre dans un pays donné, banque de données sur les hooligans) et cantonales (interdiction de périmètre, obligation de se présenter à la police, garde à vue).

2.4

Contenu et portée de la disposition constitutionnelle

La disposition constitutionnelle proposée est centrée sur l'idée d'assurer le déroulement en bon ordre des manifestations sportives et de prévenir la violence liée à ces manifestations.

Sur le plan matériel, le champ d'application de l'art. 68, al. 4, Cst. englobe toutes les manifestations sportives, qu'elles aient lieu au niveau international, national ou local. On veut éviter ainsi que la violence ne se déplace vers les ligues inférieures.

Peu importe également que ces manifestations soient gratuites ou que les spectateurs doivent payer une entrée. La discipline sportive ne joue non plus aucun rôle. Certes, c'est surtout lors de matches de football et de hockey sur glace que des débordements ont été observés, mais il n'est pas exclu qu'ils s'étendent à d'autres sports; une telle évolution se dessine dans le secteur du basket.

Etant donné l'objectif de la disposition constitutionnelle, il est évident que le législateur fédéral ne doit pas se borner à prendre des mesures sur le lieu même de la manifestation. Les violences et les débordements n'ont pas lieu uniquement dans les stades, surtout si c'est là que se concentre le dispositif de sécurité. Les fauteurs de troubles cherchent l'altercation ailleurs, si bien que la violence se déplace vers les abords des stades et les centres-villes. L'expérience montre que les retransmissions des matches sur écran géant dans des lieux publics contribuent aussi à multiplier les débordements en dehors du lieu de la manifestation. A contrario, la disposition constitutionnelle n'englobe pas les mesures servant à assurer le bon déroulement de grandes manifestations non sportives dans des stades et des salles de sport polyvalents.

Le champ d'application personnel de la disposition constitutionnelle proposée englobe les personnes qui participent à une manifestation sportive en tant que spectateurs, mais aussi, conformément à ce que nous venons d'exposer, les supporters et les fans qui ne se trouvent pas directement sur le lieu du match mais qui se livrent au désordre et à la violence dans des lieux publics, en relation avec la manifestation sportive. Le lien entre les actes de violence et la manifestation sportive découle de la proximité temporelle et thématique entre les deux événements. Notons encore que la disposition constitutionnelle ne vise pas la violence entre sportifs ou autres acteurs des manifestations sportives (entraîneurs, dirigeants des clubs sportifs, etc.).

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3

Commentaire des dispositions de la LMSI

Le projet A est identique, quant au fond et à la lettre, aux dispositions actuelles de la LMSI. Il s'agit uniquement de supprimer leur durée de validité limitée. Si le Parlement puis le peuple et les cantons optaient pour la disposition constitutionnelle, les nouveaux articles, d'une durée de validité illimitée, entreraient en vigueur au moment où les mesures provisoires deviendraient caduques. Par ailleurs, le préambule de la LMSI serait modifié pour inclure la nouvelle disposition constitutionnelle. Le projet B a été prévu pour le cas où la solution concordataire serait adoptée. Ce projet contient les adaptations rédactionnelles - rendues nécessaires par l'abrogation des art. 24b, 24d et 24e - de la section "Mesures contre la violence lors de manifestations sportives" et de l'art. 2, al. 4, let. f.

4

Conséquences

4.1

Conséquences pour la Confédération

Ni la solution constitutionnelle, ni la modification de la LMSI ne devraient occasionner de coûts supplémentaires, hormis les dépenses et le travail afférents à l'organisation de toute votation populaire. Les conséquences, en termes de finances et de personnel, de l'exécution des mesures contre le hooliganisme inscrites dans la LMSI sont exposés dans le message du 17 août 2005 relatif à la modification de la LMSI (FF 2005 5285).

4.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Les mesures visant à lutter contre le hooliganisme inscrites dans la LMSI et auxquelles il s'agit par le présent projet de donner une base constitutionnelle sont entrées en vigueur le 1er janvier 2007. Cependant, elles ne représenteront un allégement de la charge des cantons qu'à moyen ou long terme. Au contraire, dans l'intervalle, elles provoqueront sans doute un surcroît de travail pour les autorités cantonales de poursuite pénale. Il faut toutefois comparer cette charge supplémentaire au coût passé des manifestations sportives (interventions de la police, dommages personnels et matériels, etc.). Il est à noter que la norme constitutionnelle élaborée transfère à la Confédération une compétence partielle qui appartient traditionnellement aux cantons ­ même si elle est limitée au domaine du sport. Le Conseil fédéral préfèrerait donc que le Parlement renonce à la voie constitutionnelle, pour autant que les cantons parviennent à mettre en place un concordat avant la fin de 2009.

4.3

Conséquences économiques

Les mesures de lutte contre la violence lors de manifestations sportives n'ont pas de conséquences notables pour l'économie. Si les mesures préventives prévues par la LMSI atteignent leur objectif, les commerces proches des lieux de manifestations sportives pourront escompter moins de dommages matériels dus au hooliganisme.

6121

5

Liens avec le programme de la législature et le plan financier

Le projet n'est pas annoncé dans le rapport sur le programme de la législature 2003 à 200711 ni dans le plan financier. Le mandat de créer une base constitutionnelle qui donne à la Confédération la compétence de prendre des mesures contre le hooliganisme n'a été émis qu'après leur adoption.

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

6.1.1

Compétences actuelles de la Confédération dans le domaine de la sécurité intérieure

Les normes visant à assurer le maintien du calme et de l'ordre lors des manifestations sportives appartiennent au domaine de la sécurité intérieure. Le maintien de la sécurité intérieure est une tâche de l'Etat qui relève pour l'essentiel de la compétence primaire des cantons. La Constitution actuelle donne à la Confédération des compétences sectorielles ou fragmentaires dans ce domaine, qui ne l'habilitent que de manière limitée à légiférer en vue de prévenir et maîtriser la violence lors des manifestations sportives. En particulier, elle ne peut prendre des mesures préventives que dans un cadre très étroit.

La Constitution comprend plusieurs dispositions qui donnent expressément à la Confédération des compétences législatives applicables à certains points ou aspects de la sécurité intérieure, dont l'art. 123, qui lui confère une compétence législative globale dans le domaine du droit pénal. Sur cette base, la Confédération peut édicter des normes visant à sanctionner les actes condamnables commis lors des débordements entraînés par les manifestations sportives. Cependant, sa compétence en matière de droit pénal ne l'habilite en rien à prendre des mesures pour empêcher que ces actes n'aient lieu. L'art. 123 Cst. ne peut donc pas servir de base constitutionnelle aux mesures orientées sur la prévention spéciale qui sont, selon notre entendement actuel, à mettre au premier plan et qui ont été instaurées par la modification de la LMSI.

L'art. 57, al. 2, Cst. fonde également une compétence législative de la Confédération en matière de sécurité intérieure, mais dans un sens étroitement délimité. Ainsi, la Confédération peut légiférer, en relation avec le devoir de coordination statué à l'art. 57, al. 2, Cst., mais uniquement s'il s'agit de questions de sécurité qui sont au moins en partie de son ressort et qui, de son point de vue, doivent être coordonnées, avec sa participation ou sous sa direction. La compétence fédérale ne doit cependant pas avoir une importance marginale. Si ces conditions sont réunies, la Confédération peut même faire usage de cette compétence législative pour régler des points qui relèvent de la compétence des cantons. Etant donné que cette norme n'est réputée créer une compétence fédérale que dans ce sens étroit, elle ne peut pas, de manière générale, servir de base constitutionnelle
aux mesures contre la violence lors des manifestations sportives. Lors de l'élaboration des mesures prévues par la LMSI, seule la création de la banque de données nationale sur les hooligans a été fondée 11

FF 2004 1035

6122

sur la compétence de coordination de la Confédération découlant de l'art. 57, al. 2, Cst12.

Il n'est pas non plus possible de fonder ces mesures sur l'art. 173, al. 1, let. b, Cst.

(mesures de l'Assemblée fédérale pour préserver la sécurité intérieure) ni sur l'art. 185, al. 2, Cst. (mesures du Conseil fédéral pour préserver la sécurité intérieure) ­ deux dispositions formulées comme compétences des organes de la Confédération. Comme elles n'habilitent la Confédération à agir que dans les situations extraordinaires, elles ne se prêtent pas à la lutte contre les manifestations ordinaires du hooliganisme.

La nouvelle norme constitutionnelle proposée donne expressément à la Confédération une (nouvelle) compétence partielle en matière de sécurité intérieure qui lui permettra de prendre des mesures appropriées pour lutter contre le hooliganisme.

6.1.2

Rapport entre la nouvelle disposition constitutionnelle et les autres normes de compétence

Comme nous l'avons déjà dit, la Constitution donne d'autres compétences partielles à la Confédération en matière de sécurité intérieure, bien que dans une mesure limitée. Ces compétences partielles subsisteront après la création de la compétence spécifique destinée à régler le problème du hooliganisme, mais c'est la nouvelle disposition qui passera en principe au premier plan s'agissant des mesures préventives et répressives contre la violence lors des manifestations sportives.

6.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

La nouvelle disposition constitutionnelle et les deux projets (A et B) de modification de la LMSI ne sont pas contraires, dans leur orientation générale, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques13 ni à la Convention européenne des droits de l'homme14. Il faudra, lors de l'élaboration de la législation d'exécution, veiller à ce que le détail des dispositions soit conforme avec ces règles de droit international et avec les droits fondamentaux.

En outre, le projet crée les conditions nécessaires pour que la Confédération puisse jouer un rôle actif lors de la mise en oeuvre des exigences de la Convention européenne sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football15. Cette convention, ratifiée par la Suisse en 1990, vise à harmoniser les normes de sécurité au sein de l'Europe et oblige les Etats parties à légiférer pour prendre des mesures destinées à prévenir la violence lors des matchs de football et autres manifestations sportives. Les Etats parties s'engagent également à prendre des mesures pour exclure les hooligans connus.

12 13 14 15

Voir FF 2005 5310 Pacte II; RS 0.103.2 RS 0.101 RS 0.415.3

6123

La mise en oeuvre des obligations de droit international a lieu en fonction du partage des compétences au sein de l'Etat partie. Selon la nouvelle disposition constitutionnelle, la compétence de concrétiser la convention sur le plan législatif appartient en premier lieu à la Confédération.

6.3

Forme des actes à adopter

La modification de la Constitution est soumise au référendum obligatoire: elle doit être acceptée par le peuple et les cantons (art. 140, al. 1, let. a, Cst.). Si la solution constitutionnelle est adoptée, les trois mesures provisoires en vigueur (l'interdiction de périmètre, l'obligation de se présenter à la police et la garde à vue) doivent être inscrites dans une loi formelle ­ la LMSI satisfait à cette exigence. Dans l'option concordataire, il en va de même des modifications de loi nécessaires. Dans un cas comme dans l'autre, les modifications de la LMSI sont sujettes au référendum facultatif.

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