07.072 Message relatif à l'article constitutionnel concernant la recherche sur l'être humain du 12 septembre 2007

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, le projet d'article constitutionnel concernant la recherche sur l'être humain.

Par la même occasion, nous vous proposons de classer l'intervention parlementaire suivante: 2003

M

03.3007

Recherche sur l'être humain. Création d'une base constitutionnelle (CE 12.3.03, Commission de la science, de l'éducation et de la culture, CE 02.083; CN 18.9.03)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

12 septembre 2007

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2007-1027

6345

Condensé Le présent projet donne à la Confédération une compétence étendue pour réglementer la recherche sur l'être humain. Le but est d'assurer la protection de la dignité et de la personnalité de l'être humain dans la recherche, en veillant à la liberté de la recherche et en tenant compte de l'importance de la recherche pour la santé et la société.

La législation relative à la recherche sur l'être humain en Suisse est actuellement lacunaire et hétérogène et manque de systématique. Les dispositions qui existent au niveau fédéral ou cantonal portent uniquement sur certains volets de la recherche sur l'être humain, principalement les essais cliniques; de plus, elles apportent, en partie, des solutions différentes à des questions analogues. La Confédération souhaite remplacer cette situation juridique insatisfaisante par une solution fédérale uniforme, étendue et exhaustive.

Ce projet donne à la Confédération une compétence étendue pour réglementer la recherche sur l'être humain. Son but premier est d'assurer la protection de la dignité et de la personnalité de l'être humain dans la recherche. Lorsqu'elle légifère en la matière, la Confédération doit veiller à la liberté de la recherche et tenir compte de l'importance de la recherche pour la santé et la société.

Le législateur fédéral ne peut intervenir en réglementant la recherche que si la dignité ou la personnalité de l'être humain est menacée. Par conséquent, le domaine d'application de l'article constitutionnel est déterminé par ces deux biens juridiques et non par certains domaines comme la médecine ou la psychologie. D'une part, cette conception dynamique évite les excès de réglementation; d'autre part, les évolutions scientifiques, imprévisibles aujourd'hui et susceptibles de menacer la dignité et la personnalité, peuvent être prises en compte sans qu'il faille modifier la Constitution lorsqu'elles apparaîtront. Le projet repose sur une acception large de la notion de «recherche sur l'être humain». Celle-ci englobe non seulement la recherche sur des personnes, mais aussi la recherche sur du matériel biologique d'origine humaine, des données personnelles, des personnes décédées ou encore des embryons ou foetus humains.

L'article constitutionnel formule des principes centraux que le législateur doit respecter lorsqu'il réglemente la recherche sur l'être humain: ­

La recherche sur l'être humain ne peut être réalisée que si les personnes concernées ont donné leur consentement éclairé. Une exception à ce principe n'est permise que si la loi la prévoit. Un refus est contraignant dans tous les cas, que la personne soit capable de consentir ou non; par conséquent personne ne peut être forcé à participer à un projet de recherche.

­

Il est uniquement possible de réaliser des projets de recherche impliquant des personnes que si le rapport entre les risques et les bénéfices n'est pas disproportionné.

6346

­

La recherche sur des personnes incapables de discernement est autorisée, mais elle doit respecter des conditions plus strictes que la recherche sur des personnes capables de discernement. En particulier, des personnes incapables de discernement ne peuvent être impliquées dans un projet de recherche que si des résultats équivalents ne peuvent être obtenus avec des personnes capables de discernement (principe de subsidiarité). Si la recherche sur une personne incapable de discernement ne permet pas d'escompter un bénéfice direct pour cette personne, les risques et les contraintes doivent être minimaux.

­

Tout projet de recherche doit être soumis à un examen avant sa réalisation.

Cette expertise indépendante doit avoir établi que la protection de la personne participant à un projet est assurée.

L'article constitutionnel impose en outre à la Confédération de s'engager en faveur de la qualité et de la transparence de la recherche sur l'être humain dans l'accomplissement de ses tâches, notamment lorsqu'elle légifère au sujet de la recherche sur l'être humain ou lorsqu'elle l'encourage.

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Table des matières Condensé

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1 Situation de départ

6350

2 Grandes lignes du projet 2.1 Buts de l'article constitutionnel 2.2 Conception du nouvel article constitutionnel 2.2.1 Limitation à la recherche 2.2.2 Protection de la dignité humaine et de la personnalité 2.2.3 Une conception large de la recherche sur l'être humain 2.2.4 Prise en compte des intérêts de la recherche 2.2.5 Principes 2.2.6 Qualité et transparence de la recherche sur l'être humain 2.3 Une compétence étendue pour la Confédération 2.4 Aperçu de la future législation 2.5 Intervention parlementaire

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3 Procédure préliminaire 3.1 Avant-projet 3.2 Procédure de consultation 3.2.1 Généralités 3.2.2 Résultats concernant les principaux aspects 3.3 Modification de l'avant-projet

6359 6359 6360 6360 6360 6362

4 Commentaire de l'article constitutionnel 4.1 Structure 4.2 Titre: «Recherche sur l'être humain» 4.3 Al. 1: But, champ d'application et biens juridiques concernés 4.4 Al. 2: Principes 4.4.1 Teneur et applicabilité 4.4.2 Principe du consentement éclairé 4.4.2.1 Conditions pour un consentement valable 4.4.2.2 Exceptions au principe du consentement 4.4.2.3 Le refus: une limite absolue aux exceptions 4.4.3 Pas de disproportion entre les risques et les bénéfices 4.4.4 Conditions imposées à la recherche sur des personnes incapables de discernement 4.4.5 Expertise indépendante de tous les projets de recherche 4.5 Al. 3: Qualité et transparence

6363 6363 6363 6364 6365 6365 6365 6365 6367 6367 6368

5 Aspects juridiques 5.1 Droits fondamentaux dans la Constitution fédérale 5.1.1 Remarque liminaire 5.1.2 Dignité humaine 5.1.3 La protection de la personnalité dans la Constitution 5.1.3.1 Droit à la vie 5.1.3.2 Liberté personnelle

6372 6372 6372 6372 6373 6373 6374

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5.1.3.3 Protection de la sphère privée 5.1.4 Liberté de la science 5.1.5 Rapports entre le nouvel article constitutionnel et les droits fondamentaux 5.2 Compétences actuelles de la Confédération et indications sur la législation d'exécution correspondante 5.2.1 Aperçu 5.2.1.1 Encouragement de la recherche 5.2.1.2 Protection de la santé 5.2.1.3 Procréation médicalement assistée et génie génétique dans le domaine humain 5.2.1.4 Médecine de la transplantation 5.2.1.5 Droit civil 5.2.1.6 Droit pénal 5.2.2 Bilan 5.2.3 Rapport entre le nouvel article constitutionnel et les normes de compétence en vigueur 5.3 Traités internationaux relatifs aux droits de l'homme 5.3.1 CEDH et Pacte II de l'ONU 5.3.2 Convention de biomédecine 5.3.3 Rapport entre le nouvel article constitutionnel et les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme 5.4 Niveau européen 5.4.1 Union européenne 5.4.2 Droit comparé: les principes essentiels de la recherche sur l'être humain 5.4.3 Rapport de la nouvelle disposition constitutionnelle avec les règles européennes

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6 Conséquences

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7 Rapport avec le programme de la législature et le plan financier

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Arrêté fédéral relatif à un article constitutionnel concernant la recherche sur l'être humain (Projet)

6389

6349

Message 1

Situation de départ

Lors de l'examen de la loi relative à la recherche sur les cellules souches, la Commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil des Etats a adopté, le 18 février 2003, une motion demandant la création d'une base constitutionnelle relative à la recherche sur l'être humain (cf. ch. 2.5) dans le but de conférer à la Confédération une compétence formelle dans l'ensemble du domaine concerné. La motion précise qu'en vertu du droit fondamental à la liberté de la science, il importe, dans le domaine de la recherche sur l'être humain, d'ancrer des principes essentiels afin que la dignité humaine, la personnalité et la santé soient protégées.

La recherche sur l'être humain revêt une importance cruciale pour la société, la santé individuelle et publique, l'économie, la formation initiale et continue. Elle est une nécessité dans diverses disciplines scientifiques, notamment en médecine, en psychologie, en biologie et dans les sciences sociales. Souvent, les projets de recherche sont réalisés dans un cadre pluridisciplinaire. On voit de plus en plus de projets impliquant des êtres humains dans des domaines technologiques (p. ex. nanosciences et science de l'environnement). La «recherche sur l'être humain» doit être comprise au sens large: il ne s'agit pas seulement de la recherche sur des personnes vivantes, mais de la recherche sur du matériel biologique d'origine humaine, des données personnelles, des personnes décédées ainsi que des embryons et des foetus.

La recherche sur l'être humain soulève des problèmes éthiques de fond. A titre d'exemple, la différence entre les objectifs de la recherche et ceux de la pratique dans les domaines de la médecine ou de la psychologie: la pratique cherche à procurer bien-être et bénéfices à la personne en question tandis que la recherche vise l'acquisition de connaissances, notamment sur des maladies ou des troubles. Dans ce contexte, la personne participant à un projet de recherche agit dans l'intérêt de la science, c'est-à-dire, dans l'intérêt de tiers, lorsqu'elle prend des risques pour sa santé, accepte des contraintes ou communique des informations personnelles. Et ce, même si cette personne retire un bénéfice direct du projet de recherche en question, notamment une amélioration de sa santé. Dans ce contexte, l'être humain impliqué dans la
recherche a besoin d'une protection particulière.

Dans sa partie consacrée aux droits fondamentaux, la Constitution fédérale (Cst.)1 aborde ce double aspect. D'une part, la protection de la dignité humaine et de la personnalité qu'elle garantit s'étend à l'être humain participant à la recherche.

D'autre part, la recherche sur l'être humain entre dans le champ de protection de la liberté de la recherche (cf. ch. 5.1). L'Etat a donc pour devoir, dans le domaine de la recherche sur l'être humain, de protéger la dignité humaine et de trouver un équilibre entre la protection de la personnalité, d'une part, et la protection de la liberté de la recherche, d'autre part.

Au niveau international, des normes ont été élaborées au cours des dernières décennies pour protéger notamment les personnes qui se soumettent à la recherche médicale. La voie a été montrée par l'Association médicale mondiale qui, en 1964, a inscrit dans la Déclaration d'Helsinki des Principes éthiques applicables aux recher1

RS 101

6350

ches médicales sur des sujets humains2, principes qui ont été constamment développés par la suite. Parmi les principes essentiels établis dans la Déclaration d'Helsinki figurent le consentement éclairé du sujet de recherche, la proportionnalité entre les risques et les contraintes prévisibles, d'une part, et les bénéfices potentiels, d'autre part, ainsi que l'évaluation de chaque projet de recherche par une commission d'éthique indépendante. Ces principes ont été repris par de nombreuses organisations professionnelles, dans des réglementations officielles et dans la Convention de biomédecine du Conseil de l'Europe (cf. ch. 5.3.2).

En Suisse, la législation relative à la recherche sur l'être humain est actuellement fragmentaire et fragmentée. Au niveau fédéral, seuls certains domaines de cette recherche font l'objet de règles spécifiques (cf. ch. 5.2.1); c'est le cas notamment des essais cliniques de produits thérapeutiques. La plupart des cantons ont édicté des réglementations, principalement sur la recherche médicale impliquant l'être humain; celles-ci diffèrent toutefois par leur portée, leur contenu et leur niveau de détail. Il faut enfin mentionner le travail d'autorégulation réalisé par les organisations professionnelles, notamment de l'Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM), qui a adopté, dès le début des années 1970, des directives pour la recherche expérimentale sur l'être humain. Hormis les domaines précités, à savoir la recherche sur du matériel biologique d'origine humaine et la recherche psychologique sur l'être humain, la Suisse ne connaît encore que très peu de réglementations.

La Confédération ne dispose actuellement pas de compétence spécifique dans le domaine de la recherche sur l'être humain. Plusieurs normes attribuant à la Confédération des compétences dans des domaines particuliers (p. ex. les produits thérapeutiques) l'habilitent à légiférer en matière de recherche sur l'être humain dans ces domaines (p. ex. les essais cliniques de produits thérapeutiques). De même, ses compétences dans les domaines du droit civil et du droit pénal lui permettent de codifier certaines questions (p. ex. l'information et le consentement des sujets de recherche). Mais ces compétences réunies ne permettent pas de réglementer la recherche sur l'être humain de manière étendue et exhaustive
au niveau de la loi. Les compétences dont est actuellement dotée la Confédération dans le domaine de la recherche sur l'être humain sont donc non seulement lacunaires, mais aussi incohérentes.

2

Grandes lignes du projet

2.1

Buts de l'article constitutionnel

Le présent projet d'article constitutionnel concernant la recherche sur l'être humain poursuit trois buts:

2

­

protéger la dignité et la personnalité de l'être humain dans la recherche en veillant à la liberté de la recherche et en tenant compte de l'importance de la recherche pour la santé et la société;

­

promouvoir la qualité et la transparence de la recherche sur l'être humain;

Actuellement, dans la version adoptée par la 56e Assemblée générale de l'AMM, Tokyo 2004.

6351

­

créer une base permettant de réglementer la recherche sur l'être humain en Suisse de manière uniforme et étendue.

Le but premier du projet est d'assurer la protection de la dignité et de la personnalité de l'être humain dans la recherche. Il exige de la Confédération que, lorsqu'elle édicte les prescriptions correspondantes, elle veille à protéger la dignité et la personnalité de l'être humain dans la recherche en tenant compte de la liberté de la recherche et de l'importance de la recherche pour la santé et la société. Dans la mesure où la dignité humaine, en tant que droit fondamental, jouit d'une protection absolue, elle passera toujours avant la liberté de la recherche. Dans ce domaine de la recherche, un bon équilibre doit être trouvé entre la protection de la personnalité et la liberté de la recherche, la solution devant tenir compte des deux biens juridiques (cf. ch. 5.1).

Le projet crée une base permettant de réglementer la recherche sur l'être humain de manière uniforme et étendue. Il attribue en effet à la Confédération la compétence d'édicter des normes en la matière, dans la mesure où la protection de sa dignité et de sa personnalité l'exige. Cette réglementation devra également tenir compte des intérêts de la recherche et de son importance pour la santé et la société.

Elle permettra d'instaurer une sécurité du droit dans un domaine où se posent de nombreux problèmes éthiques et juridiques et qui est, en outre, soumis aux influences d'intérêts et de groupes d'intérêts divers. L'existence d'un cadre applicable dans l'ensemble de la Suisse présentera le double avantage de contribuer à protéger l'être humain dans la recherche et d'offrir aux chercheurs la sécurité nécessaire à leur activité. Elle sera de nature à renforcer la confiance du public dans la recherche, ce qui rejaillira sur la place scientifique suisse.

2.2

Conception du nouvel article constitutionnel

2.2.1

Limitation à la recherche

Le projet d'article constitutionnel habilite la Confédération à légiférer dans le domaine de la recherche sur l'être humain, mais il ne régit pas l'utilisation des résultats de la recherche dans la pratique. Il concerne donc, par exemple, les essais cliniques visant à confirmer l'efficacité de mesures médicales, mais pas les mesures éprouvées pour diagnostiquer, traiter ou prévenir les maladies et les troubles.

La recherche est une activité qui consiste à acquérir des connaissances nouvelles offrant, en principe, une perspective de généralisation. La quête de connaissances nouvelles doit donc être menée de manière systématique, méthodique et vérifiable pour prétendre au statut de recherche scientifique. La recherche porte sur l'acquisition de connaissances répondant ou visant à répondre à des critères scientifiques.

Ce sont en principe les normes de la communauté scientifique du domaine concerné qui permettent de déterminer si la nature des connaissances acquises satisfait ou non à des critères scientifiques.

Il existe différentes manières de fixer la limite entre la recherche et la pratique. Le présent projet se fonde sur le but poursuivi par l'activité considérée: si le but est d'acquérir des connaissances (scientifiques), l'activité relève de la recherche; si un autre but est prioritaire (p. ex. venir en aide à un patient), l'activité ne relève pas de la recherche. On peut illustrer cette distinction en prenant l'exemple de la recherche 6352

et de la pratique en médecine. Les projets de recherche sans bénéfice direct pour la santé des personnes qui s'y soumettent, mais susceptibles d'apporter un bénéfice à de futurs patients, entrent clairement dans la catégorie de la recherche. A contrario, l'administration d'un traitement standard, c'est-à-dire un traitement éprouvé, dans l'intérêt exclusif du patient ne constitue pas une recherche. En règle générale, la tentative de traitement ne relève pas non plus de la recherche. Dans ce dernier cas, on emploie certes un traitement «expérimental», mais c'est pour le bien du seul patient, parce que, dans son cas, les traitements standards n'ont pas eu d'effet ou parce qu'il n'en existe pas. Même s'il en résulte des connaissances précieuses, le but poursuivi n'est pas d'acquérir des connaissances (scientifiques) mais de remplir au mieux une tâche émanant de la pratique professionnelle.

Il peut arriver qu'une activité poursuive plusieurs buts, de sorte qu'une classification dans la recherche ou dans la pratique soit nécessaire. Si l'activité poursuit non seulement des buts pratiques, mais vise également l'acquisition de connaissances scientifiques, elle sera considérée comme de la recherche. Les essais cliniques pour lesquels un bénéfice direct est escompté pour la personne y participant en sont un exemple classique: bien qu'ils ne soient pas réalisés dans le seul but d'acquérir des connaissances, mais aussi dans l'intérêt du patient, ils sont considérés comme une activité de recherche.

Cependant, on ne sait pas toujours d'emblée qu'une activité donnée relève de la recherche. La tentative répétée de traitement, en particulier, peut se situer dans une zone d'ombre entre la recherche et la pratique. Il s'agira de recherche si, une tentative de traitement ayant évolué positivement dans un cas isolé, elle est répétée selon la même méthode dans plusieurs cas et que les résultats en découlant sont dépouillés pour être généralisés. Dans ce cas, l'aspect décisif pour délimiter la recherche de la pratique est la démarche systématique.

2.2.2

Protection de la dignité humaine et de la personnalité

Le but premier de ce projet est d'assurer la protection de la dignité et de la personnalité de l'être humain dans la recherche. Par ailleurs, ces deux biens juridiques limitent le domaine d'application de l'article constitutionnel. Ce dernier ne concerne que la recherche sur l'être humain qui présente un danger pour la dignité humaine ou la personnalité.

Le législateur fédéral ne peut intervenir en réglementant la recherche que si la dignité ou la personnalité de l'être humain est menacée. Cette conception dynamique évite les excès de réglementation. Avant d'agir, le législateur doit apprécier le danger. Il ne peut intervenir que lorsqu'il y a un danger pour la dignité humaine ou la personnalité; toutefois, il n'est pas habilité à le faire si le risque est jugé négligeable.

En cas d'atteinte à la dignité et à la personnalité, le législateur est tenu d'intervenir; mais il peut aussi agir à titre préventif. C'est au niveau de la loi que seront déterminés les domaines concrets de la recherche qui présentent un danger et qu'il convient donc de réglementer.

La formulation du champ d'application est ouverte sur l'avenir. Les domaines de la recherche tombant sous le coup de la loi dépendront toujours de ce qui sera considéré comme une atteinte à la dignité humaine ou à la personnalité. Cette formulation garantit une flexibilité au niveau constitutionnel dans un domaine qui évolue très 6353

rapidement. La disposition constitutionnelle est donc formulée de manière à ce que ces futures évolutions, imprévisibles aujourd'hui et susceptibles de menacer la dignité et la personnalité, puissent être prises en compte sans qu'il faille modifier la Constitution.

Le présent projet d'article constitutionnel traite de la recherche sur l'être humain, quelles que soient les disciplines dans lesquelles elle est pratiquée. Les règles auxquelles est assujettie la recherche sur l'être humain, que ce soit en Suisse ou au niveau international, se limitent encore en grande partie à la recherche médicale. Or, les cas de recherches sur l'être humain pouvant porter atteinte à la dignité humaine ou à la personnalité ne se présentent pas seulement dans la recherche médicale, mais aussi dans d'autres sciences, comme la biologie, la psychologie ou les sciences sociales. Il ne serait pas fondé, par exemple, qu'une norme couvre les essais cliniques menés pour vérifier l'efficacité de méthodes psychothérapeutiques uniquement lorsqu'ils sont pratiqués en médecine, mais pas en psychologie.

2.2.3

Une conception large de la recherche sur l'être humain

Traditionnellement, la notion de «recherche sur l'être humain» se rapporte à la recherche pratiquée sur des personnes. Mais cette notion s'élargit progressivement pour englober, par exemple, la recherche sur du matériel biologique d'origine humaine. C'est pour suivre cette évolution que le présent projet adopte une conception large de la recherche sur l'être humain. Le projet englobe non seulement la recherche sur des personnes, mais aussi la recherche sur du matériel biologique d'origine humaine, des données personnelles, des personnes décédées ou encore des embryons ou foetus humains.

L'être humain en tant qu'«objet» de recherche est mis particulièrement en danger dans sa dignité et sa personnalité lorsqu'il participe, en qualité de sujet de recherche, à un projet qui porte atteinte à son intégrité physique ou psychique ou à sa sphère privée (cf. ch. 5.1.3). Pour justifier le choix d'une conception large de la notion de «recherche sur l'être humain», on peut invoquer que le risque d'atteinte à la dignité ou à la personnalité de l'être humain existe non seulement dans la recherche impliquant des personnes, mais aussi dans la recherche portant sur du matériel biologique ou sur des données provenant de personnes, vivantes ou décédées.

Ce risque existe uniquement si un lien peut être établi entre les données ou le matériel biologique et les personnes dont ils proviennent. Les données et le matériel biologique anonymes ou totalement anonymisés ne permettent pas d'identifier la personne dont ils proviennent, à moins d'un effort disproportionné, si bien qu'ils ne présentent pas de danger d'atteinte à la dignité ou à la personnalité. La recherche sur des données ou du matériel biologique anonymes ou totalement anonymisés n'entre donc pas dans le champ d'application de l'article constitutionnel. Il reste cependant possible d'édicter des prescriptions concernant les bonnes pratiques d'anonymisation de données ou de matériel biologique.

La dignité impose de traiter avec respect la vie avant la naissance et après la mort (cf. ch. 5.1.2). Comme la recherche sur les embryons et les foetus ainsi que sur les personnes décédées peut porter atteinte à cette dignité, elle est également visée par la notion de «recherche sur l'être humain».

6354

2.2.4

Prise en compte des intérêts de la recherche

Lorsque la Confédération codifie la recherche sur l'être humain, elle doit non seulement veiller au respect de la dignité humaine et de la personnalité, mais aussi considérer d'autres intérêts, à savoir la liberté de la recherche et l'importance de la recherche pour la santé et la société.

Dans la législation relative à la recherche sur l'être humain, la protection de la dignité humaine et de la personnalité risque surtout d'être contrariée par la liberté de la recherche. Or une limitation de cette liberté n'est admise que dans des conditions constitutionnelles bien précises (cf. ch. 5.1.4): elle doit, entre autres, servir l'intérêt public, c'est-à-dire que la restriction doit être justifiée par la protection de la dignité ou de la personnalité de l'être humain participant au projet de recherche.

En mentionnant l'importance pour la santé et la société, il est clairement posé que la recherche sur l'être humain se fait aussi dans l'intérêt public. En effet, cette recherche génère des connaissances servant au rétablissement, au maintien et à la promotion de la santé de l'individu. Les axes de recherche importants pour la santé publique sont notamment ceux qui se rapportent à l'épidémiologie, à la prévention et à la promotion de la santé. De plus, la recherche est importante pour la place économique suisse. On sait, par exemple, que l'industrie pharmaceutique, pour tenir son rang dans la compétition internationale, doit développer de nouveaux produits. En outre, la recherche est étroitement liée à l'éducation car les connaissances ainsi acquises sont transmises dans l'enseignement, où elles sont développées. L'importance de la recherche pour la santé et la société se reflète également dans les efforts consentis par la Confédération pour consolider et déployer la position de pointe de la recherche suisse3.

2.2.5

Principes

Le projet d'article constitutionnel énonce les principes essentiels qui s'appliquent à la recherche sur l'être humain et que le législateur doit respecter. Il s'agit de principes inscrit comme autant d'exigences fondamentales dans de nombreux instruments nationaux et internationaux réglementant la recherche sur l'être humain, notamment la Convention de biomédecine du Conseil de l'Europe (cf. ch. 5.3.2 et 5.4.2). Ces principes se placent au niveau constitutionnel.

Consentement éclairé Le premier principe exige, pour tout projet de recherche, que la personne concernée ait donné son consentement éclairé (cf. ch. 4.4.2.1), que la recherche soit pratiquée sur des personnes vivantes ou décédées, du matériel biologique d'origine humaine, des données personnelles, des embryons ou des foetus.

L'exigence centrale à laquelle la recherche sur l'être humain doit se conformer est le consentement éclairé. Cette exigence se fonde sur le droit à l'autodétermination et découle du droit fondamental à la liberté personnelle et à la protection de la sphère privée (cf. ch. 5.1.3.2 et 5.1.3.3).

3

Cf. message du 24 janvier 2007 relatif à l'encouragement de la formation, de la recherche et de l'innovation pendant les années 2008 à 2011, FF 2007 1149 ss.

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Dans certaines situations de recherche, il est impossible d'obtenir un consentement éclairé. Une exception à ce principe n'est permise que si la loi la prévoit. Le législateur doit toutefois respecter une limite absolue: le refus de la personne concernée, au même titre que de celle incapable de donner son consentement, est contraignant dans tous les cas (cf. ch. 4.4.2.2 et 4.4.2.3). Par conséquent, personne ne peut être forcé à participer à un projet de recherche.

Rapport entre les risques et les bénéfices Le deuxième principe est que, lors d'un projet de recherche impliquant des personnes, le rapport entre les risques et les contraintes, d'une part, et les bénéfices, d'autre part, ne soit pas disproportionné (cf. ch. 4.4.3).

En effet, la personne participant à un projet de recherche agit dans l'intérêt de tiers, c'est-à-dire dans l'intérêt de la science, lorsqu'elle accepte des risques et des contraintes (cf. ch. 1). Elle les accepte parce qu'elle en escompte un bénéfice pour elle-même ou tout au moins pour des tiers. Toutefois, pour protéger les personnes participant à des recherches, ce risque ne doit pas être illimité, mais acceptable par rapport à un bénéfice démontrable objectivement.

Recherche sur des personnes incapables de discernement Peut-on pratiquer des recherches sur des personnes incapables de discernement, par exemple, de jeunes enfants ou des personnes atteintes d'un handicap cérébral lourd ou de démence? La question est éminemment délicate sur le plan éthique et juridique. En effet, ces personnes peuvent être exposées à certains risques et contraintes dans le cadre d'un projet de recherche alors qu'elles ne sont pas capables d'y consentir de façon autonome. Néanmoins, le projet d'article constitutionnel autorise la recherche sur les personnes incapables de discernement, car une interdiction aurait pour conséquence de les exclure de l'élargissement des connaissances scientifiques alors qu'elles souffrent de maladies ou de troubles spécifiques (p. ex. les maladies infantiles, la démence ou les troubles liés à un handicap cérébral lourd). Or, il serait difficile de justifier qu'une personne incapable de discernement ne bénéficie pas, au même titre qu'une personne capable de discernement, de l'avancée de la science, p. ex. de nouvelles connaissances sur des traitements sûrs et
efficaces applicables à des maladies et troubles la concernant.

Ce groupe de personnes a besoin d'une protection supplémentaire par rapport aux personnes capables de discernement. C'est la raison pour laquelle l'article constitutionnel prévoit des exigences supplémentaires pour la recherche sur des personnes incapables de discernement (cf. ch. 4.4.4). Ainsi, ces personnes ne peuvent être impliquées dans un projet de recherche que si des connaissances équivalentes ne peuvent pas être acquises avec des personnes capables de discernement (principe de subsidiarité). Il découle, en outre, du premier principe qu'en l'absence de capacité de consentement de la personne incapable de discernement, le consentement de son représentant légal doit être obtenu (cf. ch. 4.4.2.1).

La recherche sur des personnes incapables de discernement à des fins étrangères à ces personnes, c'est-à-dire dont on n'escompte pas de bénéfice direct pour elles, est particulièrement controversée. L'argument principal de ses opposants est qu'elle constitue une instrumentalisation de la personne incapable de discernement, ce qui rend ce type de recherche illicite. La personne incapable de discernement impliquée 6356

dans un projet de recherche sans bénéfice direct pour elle est, dans une certaine mesure, instrumentalisée à des fins purement scientifiques qui, par conséquent, lui sont étrangères. Mais cela peut se justifier par une certaine solidarité: le représentant légal doit conserver la possibilité de consentir à ce que la personne incapable de discernement se montre solidaire. Cependant, cette prérogative du représentant légal n'est pas sans limite. Comme la personne incapable de discernement ne peut pas consentir elle-même à un projet de recherche, son acte de solidarité ne doit comporter que des inconvénients minimes.

L'article constitutionnel impose donc une limite absolue à la recherche sur des personnes incapables de discernement sans bénéfice direct pour elles: les risques et les contraintes du projet doivent être minimaux (cf. ch. 4.4.4). Cette exigence garantit que l'ampleur et l'intensité de l'intervention sur la personnalité des personnes incapables de discernement restent minimes et passagères. De plus, il faut respecter un refus valable de la personne incapable de consentir, ce qui découle du premier principe (cf. ch. 4.4.2.3). Dans ces conditions, la personne incapable de discernement n'est pas instrumentalisée à des fins qui lui sont étrangères au point de se trouver dans une situation d'instrumentalisation totale. Ce dispositif permet également d'exclure les atteintes à la dignité humaine (cf. ch. 5.1.2).

Expertise indépendante Le quatrième principe exige une expertise indépendante du projet de recherche afin de garantir la protection des personnes y participant (cf. ch. 4.4.5).

Une personne sollicitée pour un projet de recherche doit avoir la certitude que sa dignité et sa personnalité seront respectées. L'expertise par une instance indépendante doit garantir, par exemple, que le projet satisfait aux exigences en matière de consentement éclairé ou de qualité scientifique. De plus, toutes les mesures doivent être prises pour réduire à un minimum les risques et les contraintes pour les personnes participant au projet de recherche.

2.2.6

Qualité et transparence de la recherche sur l'être humain

D'une part, la qualité et la transparence de la recherche sur l'être humain sont nécessaires pour protéger l'être humain d'atteintes à sa dignité ou à sa personnalité. En particulier, on ne peut pas raisonnablement demander à des personnes de participer à des projets de recherche qui ne satisfont pas aux critères de qualité scientifique; de tels projets ne sauraient être autorisés. D'autre part, la communauté scientifique a elle-même un intérêt à ce que la recherche soit transparente et de grande qualité. Ces qualités favorisent l'acceptation de la recherche par la société et améliorent l'accès pour les membres de la communauté scientifiques aux résultats obtenus.

Dans cet esprit, le projet impose à la Confédération de s'engager en faveur de la qualité et de la transparence de la recherche sur l'être humain. Cela peut être fait en réglementant le contrôle de la qualité scientifique des projets de recherche ou leur inscription dans un registre public.

6357

2.3

Une compétence étendue pour la Confédération

Le présent projet attribue à la Confédération un pouvoir réglementaire étendu dans le champ d'application de la norme constitutionnelle (cf. ch. 2.2.2 et 2.2.3). La Confédération a ainsi le pouvoir, mais aussi l'obligation, d'édicter des normes portant sur tous les aspects du domaine visé, c'est-à-dire de réglementer ce domaine de manière exhaustive. La Confédération peut et doit prendre toutes les mesures, que ce soit au niveau de la législation ou au niveau de l'exécution, pour atteindre le but visé par l'article constitutionnel.

La compétence conférée à la Confédération dans le domaine de la recherche sur l'être humain a une force dérogatoire subséquente, c'est-à-dire que le droit cantonal ne devient caduc qu'au moment où la législation fédérale entre en vigueur et seulement dans la mesure où le législateur fédéral use de sa compétence.

Le nouvel article constitutionnel recevra le numéro 118a et sera placé après l'art. 118 (protection de la santé), car la recherche sur l'être humain revêt une grande importance pour la santé individuelle et publique (cf. ch. 2.2.4).

2.4

Aperçu de la future législation

L'article constitutionnel constitue le fondement d'une législation fédérale étendue dans le domaine de la recherche sur l'être humain lorsque la dignité humaine ou la personnalité est menacée. C'est au législateur qu'il appartient de décider si un domaine de recherche présente un risque et doit donc être réglementé (cf. ch. 2.2.2).

Ainsi, lors de l'édiction de la loi fédérale relative à la recherche sur l'être humain, le législateur décidera si une réglementation s'impose surtout dans la recherche biomédicale ou s'il doit également viser d'autres domaines, notamment les sciences sociales.

Au niveau législatif, il faudra en particulier concrétiser les principes ancrés dans la Constitution. Il est possible, par exemple, d'étendre certains principes concernant la recherche sur des personnes incapables de discernement à d'autres catégories de personnes vulnérables, comme les femmes enceintes ou les personnes privées de liberté. Il faudra également définir l'organisation ainsi que les modalités garantissant l'indépendance des structures qui contrôleront les projets de recherche. La législation peut également porter sur la responsabilité civile et la garantie, l'inscription des projets de recherche dans un registre public ou l'indemnisation des frais encourus par les personnes impliquées dans un projet de recherche.

Il est prévu d'adapter à la nouvelle situation juridique la législation actuelle contenant des dispositions relatives à la recherche sur l'être humain, notamment la loi du 15 décembre 2000 sur les produits thérapeutiques4 (cf. ch. 5.2.1). Les exigences d'ordre général s'appliquant aux projets de recherche seront définies dans la loi fédérale relative à la recherche sur l'être humain. Par contre, les réglementations de la recherche sur l'être humain propres à certains domaines et ancrées dans d'autres lois fédérales seront maintenues, comme par exemple les dispositions spécifiques sur les essais cliniques de médicaments figurant dans la loi sur les produits thérapeutiques. Il faut encore évoquer la loi du 19 décembre 2003 relative à la recherche sur 4

RS 812.21

6358

les cellules souches5, qui règle de manière exhaustive la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

2.5

Intervention parlementaire

Le présent projet accomplit le mandat figurant dans la motion 03.3007 déposée le 18 février 2003 par la Commission de la science, de l'éducation et de la culture du Conseil des Etats. Cette intervention parlementaire peut donc être classée.

La motion charge le Conseil fédéral de préparer un article constitutionnel concernant la recherche sur l'être humain. Pour motiver leur demande, les auteurs expliquent que les bases constitutionnelles existantes sont trop minces pour permettre un règlement exhaustif de la recherche sur l'être humain et qu'à l'exception de l'art. 119 Cst., elles ne contiennent pratiquement aucune directive matérielle. La motion précise qu'il faut donc identifier les lacunes du droit constitutionnel en vigueur, tant en termes de contenu que de compétence juridique, et, sur cette base, élaborer une disposition constitutionnelle axée sur les principes fondamentaux et orientée vers l'avenir.

Le 7 mars 2003, le Conseil fédéral s'est déclaré prêt à accepter la motion. Suite au débat sur la loi relative à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, la motion a été adoptée sans débat par le Conseil des Etats le 12 mars 2003, puis par le Conseil national le 18 septembre 2003.

3

Procédure préliminaire

3.1

Avant-projet

Le projet du 1er février 2006 mis en consultation avait la teneur suivante: Art. 118a

Recherche sur l'être humain

La Confédération légifère sur la recherche sur l'être humain dans le domaine de la santé. Ce faisant, elle veille à assurer la protection de la dignité humaine et de la personnalité en tenant compte de la liberté de la recherche.

1

2

5

Elle respecte les principes suivants: a.

la recherche sur l'être humain ne peut être réalisée que: 1. si un consentement éclairé a été donné ou que la loi permet exceptionnellement d'y renoncer; 2. si une expertise indépendante a établi que la protection de la personne concernée était garantie;

b.

la recherche ne peut être réalisée sur des personnes incapables de discernement que si les exigences plus élevées qu'impose leur protection sont remplies. En particulier, les risques et les contraintes pour la personne incapable de discernement doivent être tout au plus minimes lorsque la recherche ne permet pas d'escompter une amélioration de sa santé;

RS 810.31

6359

c.

nul ne peut être contraint de participer à un projet de recherche. Sont réservés les projets de recherche réalisés sur une personne incapable de discernement qui permettent d'escompter une amélioration de sa santé;

d.

le corps humain et les parties du corps humain ne peuvent être ni cédés ni acquis contre rémunération à des fins de recherche.

Dans l'accomplissement de ses tâches, la Confédération veille à promouvoir la qualité et la transparence de la recherche sur l'être humain.

3

3.2

Procédure de consultation

3.2.1

Généralités

Les avant-projets d'article constitutionnel et de loi fédérale relatifs à la recherche sur l'être humain ont été envoyés simultanément en consultation auprès des milieux intéressés au printemps 2006. Le Conseil fédéral a pris acte des résultats de la procédure de consultation en février 20076.

Une grande majorité des participants à la consultation se félicite que la recherche sur l'être humain soit réglementée au niveau fédéral. L'introduction d'une disposition constitutionnelle a donc été saluée.

Beaucoup d'avis relèvent des points précis pour en souligner des manquements ou proposer des compléments, Mais, dans l'ensemble, l'avant-projet est bien accueilli: seuls 10 % des participants environ le rejettent explicitement ou exigent qu'il soit remanié de fond en comble.

3.2.2

Résultats concernant les principaux aspects

Champ d'application Les avis exprimés relèvent souvent que la notion de «domaine de la santé» est difficile à cerner et qu'elle doit être définie plus précisément.

Environ 20 % des participants à la consultation proposent de ne pas limiter le champ d'application au domaine de la santé, du moins au niveau constitutionnel. La Confédération doit avoir le pouvoir de légiférer au sujet de la recherche sur l'être humain quel que soit le domaine dans lequel cette recherche est effectuée. Certains suggèrent qu'il ne faut déléguer à la Confédération que la compétence de légiférer au sujet de la recherche biomédicale sur l'être humain.

Rapport entre la dignité humaine et la liberté de la recherche Concernant la formulation de l'al. 1, 2e phrase de l'avant-projet (cf. ch. 3.1), de nombreuses réponses contiennent des explications détaillées sur le rapport entre la dignité humaine et la liberté de la recherche.

6

Le rapport de la procédure de consultation est publié sur le site de l'Office fédéral de la santé publique (http://www.bag.admin.ch).

6360

Deux grands groupes avancent des arguments différents pour expliquer qu'ils ne sont pas convaincus par le rapport établi entre ces deux notions. Le premier groupe estime que l'importance accordée à la dignité humaine n'est pas suffisante et que la liberté de la recherche est mise en avant de manière excessive. Or, ces deux biens juridiques ne se situent pas au même niveau: la dignité humaine a toujours la priorité, ce qui doit se traduire dans la formulation choisie. Le deuxième groupe est d'avis que l'accent est mis trop fortement sur la dignité humaine et que la valeur de la recherche n'est pas suffisamment exprimée. Beaucoup proposent de compléter l'alinéa et d'évoquer tout aussi explicitement l'importance de la recherche pour la santé et la société.

Un troisième groupe, quant à lui, estime qu'un bon équilibre a été trouvé entre la dignité humaine et la liberté de la recherche.

Principes ou norme de compétence pure?

Une forte majorité salue l'ancrage de principes au niveau constitutionnel. Plusieurs participants à la consultation déplorent que certains principes ne figurent pas dans l'avant-projet. Certains demandent, par exemple, l'introduction du principe général de subsidiarité, par référence à la Convention de biomédecine (cf. ch. 5.3.2).

Consentement éclairé La possibilité de déroger au principe du consentement éclairé, aménagée par le législateur, se heurte au refus d'environ 10 % des participants à la consultation.

Expertise indépendante Plusieurs participants à la consultation demandent que l'expertise indépendante porte également sur l'acceptabilité éthique du projet de recherche et que ce point figure expressément dans la disposition constitutionnelle. Certains voudraient que la qualité scientifique soit ancrée au niveau constitutionnel comme critère de contrôle.

Recherche sans bénéfice direct pour les personnes incapables de discernement Dix pour cent des participants à la consultation souhaitent l'interdiction absolue de réaliser des projets de recherche sur des personnes incapables de discernement lorsqu'ils ne permettent pas d'escompter une amélioration de la santé de ces personnes. Ils estiment absolument inacceptable que ces personnes soient impliquées dans un projet de recherche réalisé dans un intérêt purement scientifique, même si les risques et les contraintes sont minimaux.
Respect du refus La réserve selon laquelle nul ne peut être contraint de participer à un projet de recherche suscite des réactions homogènes (al. 2, let. c, de l'avant-projet; cf.

ch. 3.1). Cette réserve permet de ne pas respecter le refus d'une personne incapable de discernement si le projet de recherche permet d'escompter une amélioration de sa santé. Une grande majorité des participants à la consultation demandent que la recherche sous contrainte ne soit autorisée en aucune circonstance et, par conséquent, que cette réserve soit biffée. A l'appui de leur demande, ils allèguent principalement que cette exception est une atteinte à la dignité et contrevient au droit 6361

international (Convention de biomédecine) ainsi qu'au droit national (loi sur les produits thérapeutiques).

Interdiction de commercialisation Jugeant ce principe trop spécifique, certains participants demandent qu'il soit biffé et inscrit au niveau de la loi.

3.3

Modification de l'avant-projet

Dans la nouvelle mouture du projet, la structure de l'article constitutionnel a été conservée. La consultation a principalement mené aux modifications de fond décrites ci-après: Champ d'application Le champ d'application ne se limite plus au domaine de la santé, mais repose sur la notion de danger dans le présent projet. La Confédération se voit attribuer la compétence de légiférer là où la protection de la dignité humaine ou de la personnalité l'exige (cf. ch. 2.2.2).

Rapport entre la dignité humaine et la liberté de la recherche La nouvelle formulation clarifie le rapport entre la dignité humaine et la personnalité, d'une part, et la liberté de la recherche, d'autre part, en faisant ressortir que le but premier du projet est la protection de la dignité humaine et de la personnalité.

Lorsqu'elle légifère, la Confédération doit également protéger la liberté de la recherche et tenir compte de son importance pour la société et la santé (cf. ch. 4.3).

Rapport entre les risques et les bénéfices Le principe de la proportionnalité entre les risques et les bénéfices a été rajouté dans la disposition constitutionnelle (cf. ch. 4.4.3), par référence à la Convention de biomédecine du Conseil de l'Europe (cf. ch. 5.3.2).

Recherche sur des personnes incapables de discernement Le principe de la subsidiarité est expressément prévu pour la recherche sur les personnes incapables de discernement (cf. ch. 4.4.4), là encore par référence à la Convention de biomédecine.

Caractère contraignant du refus Le présent projet pose que, par référence à la Convention de biomédecine, un refus est contraignant dans tous les cas, que la personne soit capable de consentir ou non (cf. ch. 4.4.2.3). Cette formulation répond à une exigence exprimée unanimement par les participants selon laquelle personne, sans exception, ne peut être contraint de participer à un projet de recherche.

6362

Suppression de l'interdiction de commercialisation L'interdiction de commercialisation a été biffée car, dans la recherche, ce principe revêt une importance moins grande que d'autres principes, contrairement à d'autres domaines comme la médecine de transplantation (art. 119a, al. 3, Cst.). Cette question est à traiter au niveau de la loi.

4

Commentaire de l'article constitutionnel

4.1

Structure

L'article constitutionnel est structuré comme suit: ­

L'al. 1 fonde la compétence de la Confédération pour légiférer au sujet de la recherche sur l'être humain; il indique les buts à poursuivre dans ce cadre ainsi que les biens juridiques concernés.

­

L'al. 2 énonce les principes à respecter par le législateur.

­

L'al. 3 donne à la Confédération un mandat d'action spécifique portant sur la qualité et la transparence de la recherche sur l'être humain.

4.2

Titre: «Recherche sur l'être humain»

Le projet d'article constitutionnel repose sur la notion de recherche exposée plus haut (cf. ch. 2.2.1) et sur une acception large de la notion d'être humain (cf.

ch. 2.2.3). Il englobe notamment la recherche: ­

avec des personnes, y compris les personnes incapables de discernement (par exemple lors d'essais cliniques);

­

sur du matériel biologique d'origine humaine (p. ex. organes, tissus ou cellules);

­

sur des données personnelles (p. ex. données médicales ou génétiques);

­

sur des personnes décédées;

­

sur des embryons et foetus humains, comme les embryons in vitro7, les embryons et foetus in vivo8 et les embryons et foetus issus d'interruptions de grossesse.

Cette acception de la notion au sens large se reflète dans le titre, qui parle de recherche sur l'être humain et non pas avec l'être humain. Lors de la consultation, plusieurs participants ont estimé, en le déplorant, que l'expression «recherche sur l'être humain» faisait de celui-ci un simple objet de recherche alors que l'expression «recherche avec l'être humain» traduirait mieux le statut de partenaire des personnes qui se soumettent à un projet de recherche. Le problème est que l'expression «recherche avec l'être humain» peut donner, à tort, l'impression que le projet se rapporte uniquement à la recherche impliquant des êtres humains au sens strict.

7 8

Embryons développés dans une éprouvette, c'est-à-dire hors du corps de la femme.

C'est-à-dire dans l'utérus de la femme.

6363

Les projets de recherche centrés sur l'être humain en tant qu'individu ou son oeuvre (p. ex. les recherches historiques sur une personne donnée) n'entrent pas dans le champ d'application de la disposition constitutionnelle. Ils peuvent certes porter atteinte à la dignité humaine ou à la personnalité mais, dans ce cas, le droit pénal et le droit civil s'appliqueraient. La recherche sur l'être humain, quant à elle, dépasse le cadre individuel et vise à recueillir des connaissances pouvant être généralisées (cf. ch. 2.2.1). Dans ce cas, l'accent n'est pas mis sur l'être humain en tant que personnalité individuelle, mais sur l'être humain comme moyen d'acquérir des connaissances. Devenant «objet» de recherche, il a besoin de la protection supplémentaire que lui garantissent le nouvel article constitutionnel et la législation correspondante.

4.3

Al. 1: But, champ d'application et biens juridiques concernés

L'al. 1 a la teneur suivante: «La Confédération légifère sur la recherche sur l'être humain, dans la mesure où la protection de la dignité humaine et de la personnalité l'exige. Ce faisant, elle veille à la liberté de la recherche et tient compte de l'importance de la recherche pour la santé et la société.» La 1re phrase a une double fonction. D'une part, elle définit le but de la norme de compétence. Les dispositions édictées par la Confédération au sujet de la recherche sur l'être humain doivent avant tout protéger la dignité humaine et la personnalité.

D'autre part, elle définit le champ d'application de la disposition constitutionnelle.

La Confédération doit et peut légiférer au sujet de la recherche sur l'être humain uniquement s'il existe un danger pour la dignité humaine ou la personnalité (cf. ch. 2.2.2).

La 2e phrase énonce d'autres biens juridiques importants, dont il faut tenir compte dans une réglementation relative à la recherche sur l'être humain. Outre la liberté de la recherche, elle mentionne l'importance de la recherche pour la santé et la société.

En effet, la recherche sur l'être humain ne bénéficie pas uniquement aux scientifiques, mais sert également l'intérêt public (cf. ch. 2.2.4).

L'al. 1 prescrit, par conséquent, les buts à respecter par la réglementation sans pour autant anticiper le résultat. Les instructions concrètes à l'attention du législateur suivent à l'al. 2 (principes).

La dignité humaine, la protection de la personnalité et la liberté de la recherche sont des droits fondamentaux qui donnent aux individus, notamment aux personnes participant à des projets de recherche ainsi qu'aux chercheurs, un droit au respect et à la protection. La dignité humaine, en tant que droit fondamental, jouit d'une protection absolue et prime la liberté de la recherche (cf. ch. 5.1.2, 5.1.4). La protection de la personnalité et la liberté de la recherche peuvent être restreintes, mais uniquement si des conditions déterminées ancrées dans la Constitution sont remplies (cf. ch. 5.1.3.2, 5.1.4). En cas de conflit entre la protection de la personnalité, d'une part, et la liberté de la recherche dans la recherche sur l'être humain, d'autre part, la législation devra peser les intérêts des deux biens juridiques en tenant compte de leur importance respective.

6364

4.4

Al. 2: Principes

4.4.1

Teneur et applicabilité

L'al. 2 a la teneur suivante: 2

Elle [la Confédération] respecte les principes suivants: a.

un projet de recherche ne peut être réalisé que si le consentement éclairé a été donné par les personnes concernées. La loi peut prévoir des exceptions; un refus est contraignant dans tous les cas;

b.

les risques et les contraintes pour les personnes participant à un projet de recherche ne peuvent être disproportionnés par rapport à l'utilité de ce projet;

c.

un projet de recherche ne peut être réalisé sur des personnes incapables de discernement que si des résultats équivalents ne peuvent être obtenus chez des personnes capables de discernement. Lorsque le projet de recherche ne permet pas d'escompter un bénéfice direct pour les personnes incapables de discernement, les risques et les contraintes doivent être minimaux;

d.

une expertise indépendante du projet de recherche doit avoir établi que la protection des personnes participant à ce projet est garantie.

Ces quatre principes sont les exigences centrales que tout projet de recherche doit respecter au minimum («minimal standards»). Le législateur est libre de compléter ou de renforcer ces exigences pour des domaines de recherche déterminés.

4.4.2

Principe du consentement éclairé

4.4.2.1

Conditions pour un consentement valable

Tout projet de recherche présuppose, selon la let. a, 1re phrase, que la personne concernée a donné son consentement éclairé. Une participation est librement consentie lorsqu'elle n'a pas lieu sous la contrainte, sous la pression, en raison d'une tromperie ou sous toute autre emprise illégale. Une information suffisante présuppose que la personne connaisse en particulier les buts du projet de recherche, l'ensemble des interventions prévues, les risques et les contraintes prévisibles ainsi que le bénéfice attendu pour elle ou, alors, sous la forme de nouvelles connaissances. Il faut également informer la personne de ses droits, par exemple, du droit de refuser ou de révoquer son consentement sans devoir craindre des désavantages, notamment pour la suite de son traitement. En l'absence de consentement valable, l'atteinte aux droits de la personnalité que représente la recherche est illégale9.

Une personne est concernée par un projet de recherche lorsqu'elle est sollicitée pour y participer, lorsque son matériel biologique ou ses données personnelles sont utilisés dans ce projet ou lorsqu'elle est habilitée à consentir à la place de la personne incapable de discernement dont elle est le représentant légal. Dans le cas de la recherche sur une personne décédée, ce sont les proches qui sont concernés, sauf si 9

Concernant les traitements médicaux en général, lire Wolfgang Wiegand, Die Aufklärungspflicht und die Folgen ihrer Verletzung, in: Heinrich Honsell (éd.), Handbuch des Arztrechts, Zurich 1994, p. 167 ss, 180 ss.

6365

la personne décédée avait remis une déclaration de volonté de son vivant. Pour la recherche sur les embryons et les foetus, ce sont la femme ou le couple qui sont considérés comme concernés.

Le droit d'une personne de donner son consentement pour participer à un projet de recherche dépend de sa capacité de discernement. Ainsi, les personnes mineures ou interdites sont considérées comme capables de consentir si elles sont capables de discernement en ce qui concerne leur participation au projet de recherche concret.

Par contre, une personne incapable de discernement ne peut pas donner un consentement valable. Dans ce cas, seul son représentant légal est habilité à donner son consentement à sa place. Même si la personne incapable de discernement veut participer à un projet, le représentant légal peut opposer son refus dans l'intérêt de cette personne.

Selon l'art. 16 du code civil10, la capacité de discernement peut être supposée, hormis pour les enfants en bas âge, les personnes atteintes de troubles psychiques graves et les personnes handicapées mentales. Une personne doit donc être normalement considérée comme capable de discernement, sauf si les circonstances concrètes amènent à penser le contraire: même un mineur ou une personne atteinte de maladie mentale peut avoir la capacité d'agir avec suffisamment de discernement et de son plein gré. C'est le cas notamment en phase de régression de la maladie ou pendant une période de lucidité11. Il en découle que la capacité de discernement n'est pas un concept rigide; c'est un critère souple, qu'il convient d'examiner de cas en cas. Il faut déterminer si la personne concernée est en mesure de saisir la situation concrète (faculté de jugement), de mesurer la signification et la portée d'un acte, en l'occurrence la participation à un projet de recherche (capacité de discernement au sens propre), de se forger son propre jugement (faculté de décision) et d'agir conformément à cette décision (capacité d'agir).

Dans la recherche sur l'être humain, les exigences applicables aux capacités intellectuelles, et notamment à la capacité de discernement, dépendent tout particulièrement de la gravité des atteintes pratiquées dans le cadre de chaque projet ainsi que des risques et des contraintes qui y sont associés. La capacité de discernement doit être soumise à
des exigences d'autant plus strictes que les risques et les contraintes imposés au sujet de recherche sont élevés, notamment lorsque le projet est dans l'intérêt de tiers ou de la recherche scientifique et qu'il n'offre pas de bénéfices directs pour le sujet.

10

11

RS 210. Dans ce contexte, il faudra mentionner la révision du code civil et en particulier de la modernisation du droit de la tutelle. La révision prévoit de renforcer le droit à l'autodétermination des personnes faibles ayant besoin d'une assistance. Elle instaure de nouvelles institutions juridiques et plusieurs sortes de curatelle. Lire à ce sujet le message du 28 juin 2006 concernant la révision du code civil suisse (Protection de l'adulte, droit des personnes et droit de la filiation), FF 2006 6635.

Margrith Bigler-Eggenberger, Art. 16, in: Heinrich Honsell, Nedim Peter Vogt et Thomas Geiser (éd.), Kommentar zum Schweizerischen Privatrecht. Schweizerisches Zivilgesetzbuch I: Art. 1­359 ZGB, 3e édition, Bâle/Francfort-sur-le-Main 2006, N. 5.

6366

4.4.2.2

Exceptions au principe du consentement

A titre exceptionnel, la loi peut déroger à l'exigence du consentement éclairé (let. a, 2e phrase). En effet, il existe des situations de recherche dans lesquelles il est impossible d'obtenir un consentement éclairé, de l'obtenir immédiatement ou d'informer suffisamment la personne concernée. On pense, par exemple, aux situations d'urgence dans lesquelles la personne concernée n'est pas capable de donner son consentement (par exemple parce qu'elle est inconsciente), le représentant légal est injoignable et le projet de recherche, étant donné son objet, doit être conduit dans une telle situation. C'est également le cas lorsque des données personnelles collectées dans le cadre d'un traitement médical doivent être réutilisées à des fins de recherche mais que, par exemple, la personne concernée est introuvable ou décédée, si bien qu'il est impossible d'obtenir son consentement12. La loi peut prévoir des exceptions pour ces situations, si cela est dans l'intérêt du but de la recherche. Des exceptions à l'exigence du consentement éclairé sont justifiées, en particulier lorsque le projet de recherche est aussi dans l'intérêt de la personne concernée (p. ex. un essai clinique pratiqué dans une situation d'urgence) ou qu'il ne porte atteinte que légèrement à l'intégrité de la personne (p. ex. réutilisation de données personnelles déjà collectées n'ayant pas un caractère sensible). La loi peut en outre lier les exceptions au respect de conditions déterminées visant à protéger la personne concernée (p. ex. mesures de protection des données).

Les chercheurs ne peuvent déroger au principe du consentement éclairé que si la loi leur en donne l'autorisation. S'ils conduisent un projet de recherche sans base légale et sans avoir obtenu le consentement valable des personnes sollicitées, toute intervention sur les droits de la personnalité dans le cadre du projet est illégale. En l'absence de base légale et de consentement, un projet de recherche ne peut être conduit que si les droits de la personnalité des participants ne sont absolument pas touchés. C'est le cas, par exemple, des projets de recherche conduits sur du matériel biologique ou des données collectés anonymement.

4.4.2.3

Le refus: une limite absolue aux exceptions

Lorsqu'il formule des exceptions au consentement éclairé, le législateur doit, lui aussi, se conformer à une limite absolue, qui est un principe essentiel et inviolable: le refus de la personne habilitée de participer à un projet de recherche doit être respecté dans tous les cas (let. a, 2e phrase).

Reste à déterminer qui peut exprimer un refus valable et dans quelles conditions un refus doit être exprimé pour être valable. Les personnes concernées qui sont habilitées à consentir à un projet de recherche (cf. ch. 4.4.2.1) peuvent également refuser d'y participer. Dans le cas des personnes incapables de consentement, dont le représentant légal a la capacité de consentir, il faut distinguer deux situations. Une personne peut avoir perdu sa capacité de discernement mais avoir laissé une déclaration

12

Ce cas est régi aujourd'hui par l'art. 321bis CP; cf. ch. 5.2.1.6.

6367

de volonté antérieure à la perte de cette capacité, par exemple des directives anticipées13; tout refus inscrit dans la déclaration de volonté doit être respecté.

Souvent, il n'existe pas de déclaration de volonté, comme c'est le cas pour les mineurs incapables de consentement que sont les enfants en bas âge. En accord avec la Convention de biomédecine, une personne incapable de consentement peut valablement refuser de participer à un projet de recherche (cf. ch. 5.3.2). Lors d'un refus, les exigences posées en termes de capacités intellectuelles ou de capacité de discernement sont moins strictes que lors du consentement à un même projet de recherche.

Cela ne signifie cependant pas que le moindre signe extérieur d'opposition, comme un geste de dénégation de la main ou des pleurs, s'ils expriment une crainte générale de la «blouse blanche», doit être considéré comme un refus.

Pour un projet de recherche donné, il faut toutefois vérifier dans chaque cas particulier si une personne incapable de consentement a ou non la capacité de refuser.

Les exigences auxquelles est soumise la capacité de discernement au sens de la capacité de refuser varient selon la nature du projet de recherche. Plus la nonparticipation à un projet est lourde de conséquences pour la personne, plus la capacité de discernement doit être soumise à des exigences strictes. En effet, la personne doit pouvoir prendre en compte dans sa décision les bénéfices directs qu'elle perdra vraisemblablement en ne participant pas au projet si le meilleur traitement possible pour une maladie grave est proposé uniquement dans le cadre d'essais cliniques.

Inversement, les conditions de validité d'un refus peuvent être souples lorsque la non-participation à un projet de recherche a des conséquences négligeables pour la personne sollicitée. Ce serait le cas de la participation d'un enfant à une étude à long terme sur l'apparition d'une maladie dont il n'y a pas à attendre de bénéfice direct pour l'enfant.

4.4.3

Pas de disproportion entre les risques et les bénéfices

Les projets de recherche impliquant des personnes ne peuvent être conduits, en vertu de la let. b, que si leurs risques et leurs contraintes ne sont pas disproportionnés par rapport à leur utilité.

Il s'agit ici des risques et des contraintes encourus par les personnes participant à un projet de recherche, c'est-à-dire les risques et les contraintes individuels. Le «risque» désigne la probabilité que se produise, ultérieurement, un dommage involontaire d'une certaine ampleur. Les «contraintes» sont les douleurs ou d'autres altérations concrètes du bien-être qui sont prévisibles et nécessaires.

L'utilité du projet de recherche réside, pour une part, dans le bénéfice escompté pour la personne qui se soumet à la recherche. Il s'agit d'un bénéfice individuel, c'est-àdire direct et observable objectivement, par exemple, pour la santé du sujet de recherche. L'utilité du projet réside, pour une autre part, dans le bénéfice escompté pour des tiers, c'est-à-dire le bénéfice qu'un projet de recherche peut apporter à la société. Outre l'utilité pour la santé publique (p. ex. de meilleures possibilités de traitement pour les patients à venir), on peut penser à d'autres bénéfices pour la 13

Concernant les conditions pour établir des directives anticipées du patient et leur caractère contraignant, lire le message du 28 juin 2006 concernant la révision du code civil suisse (Protection de l'adulte, droit des personnes et droit de la filiation), FF 2006 6635, en l'occurrence p. 6644 ss.

6368

société (p. ex. amélioration de la qualité de la vie dépassant le cadre de l'utilité pour la santé au sens strict). Par contre, la valeur sociale de la recherche en tant que telle ne doit pas entrer en ligne de compte ici; elle est prise en considération à l'al. 1, 2e phrase, qui impose au législateur de tenir compte de l'importance de la recherche sur l'être humain pour la santé et la société.

Les risques et les contraintes ne peuvent pas être disproportionnés par rapport à l'utilité du projet. En conséquence, il n'est pas nécessaire que les risques et les bénéfices d'un projet de recherche soient parfaitement équilibrés. Une personne capable de discernement peut, en toute connaissance de cause, accepter de se soumettre à un projet de recherche dont on n'escompte pas de bénéfice individuel, mais qui comporte certains risques et contraintes. Ceux-ci peuvent être plus que minimaux si l'utilité attendue du projet pour la santé publique ou pour la société est très grande. Cependant, les risques et les bénéfices pour la société ne doivent pas être déséquilibrés au point d'être disproportionnés. Pour déterminer si le rapport est disproportionné ou non, on procède à une pesée des risques et des bénéfices.

Le rapport entre les risques et les bénéfices ne peut être déterminé que de manière relative, dans le cas particulier d'un projet de recherche concret. Ainsi, la pesée des risques et des bénéfices varie par exemple selon que le projet de recherche a ou non un bénéfice direct pour la personne concernée. Si un bénéfice direct est attendu, le risque peut être plus élevé que si la personne concernée ne peut pas escompter un bénéfice direct de la recherche. Une personne capable de discernement peut, par exemple, accepter des risques et des contraintes importants pour participer à un projet de recherche sans bénéfice direct pour elle alors que le représentant légal d'une personne incapable de discernement ne peut consentir à cette participation que si les risques et les contraintes sont minimaux.

La pesée des risques et des bénéfices doit être effectuée dans un premier temps par les chercheurs, puis elle doit être contrôlée par une instance indépendante (cf. ch. 4.4.5). Le projet concret ne peut être présenté à des sujets de recherche potentiels pour obtenir leur consentement que si le résultat de cette
pesée est positif.

Le principe général de la proportionnalité entre les risques et les bénéfices limite donc la compétence de décision des personnes capables de discernement.

4.4.4

Conditions imposées à la recherche sur des personnes incapables de discernement

Ce principe (art. 2, let. c) énonce les exigences supplémentaires auxquelles doit se conformer la recherche sur des personnes incapables de discernement, car celles-ci ne peuvent consentir par elles-mêmes à une participation (cf. ch. 4.4.2.1).

La 1re phrase instaure le principe de la subsidiarité: un projet de recherche ne peut porter sur des personnes incapables de discernement que si des résultats équivalents ne peuvent pas être obtenus sur des personnes capables de discernement. En conséquence, la recherche doit porter en priorité sur les personnes capables de discernement. La recherche impliquant des personnes incapables de discernement doit porter sur des aspects en relation avec l'incapacité, c'est-à-dire à l'état (p. ex. l'âge), la maladie ou le trouble des personnes impliquées dans le projet.

6369

Alors que la 1re phrase énonce un principe général pour la recherche sur les personnes incapables de discernement, la 2e phrase porte uniquement sur les projets de recherche qui ne permettent pas d'escompter un bénéfice direct pour la personne incapable de discernement. Ces projets sont admissibles également, à condition qu'ils ne présentent que des risques et des contraintes minimes. Les risques et contraintes minimes constituent donc une limite à ne pas dépasser ­ même si les résultats de la recherche peuvent avoir une grande utilité pour la société.

Le fait que les risques et les contraintes doivent être minimaux signifie que le projet de recherche ne saurait entraîner qu'une altération insignifiante et passagère de l'état de santé (risque) et seulement des symptômes ou des désagréments passagers et négligeables (contraintes)14. Quelques exemples peuvent illustrer ce propos sans cependant prétendre à l'exhaustivité: collections de données obtenues dans le cadre d'entretiens et d'observations, prélèvements de liquide biologique sans acte invasif (p. ex. échantillons de salive et d'urine, frottis), prélèvement d'un petit échantillon supplémentaire de tissu ou de sang lors d'une intervention nécessaire pour le traitement. La concrétisation de la notion de «risques et contraintes minimes» incombera toutefois au législateur. Il devra ainsi déterminer dans quelle mesure les connaissances obtenues, par la recherche, sur une prédisposition génétique peuvent dépasser la limite de la contrainte minimale.

Implicitement, la 2e phrase indique également que le bénéfice direct escompté d'un projet de recherche pour la personne incapable de discernement peut être associé à des risques et à des contraintes. Dans ce cas, c'est l'al. 2, let. b, qui s'applique, c'està-dire le principe général selon lequel les risques ne doivent pas être disproportionnés par rapport aux bénéfices. En conséquence, le représentant légal de la personne incapable de discernement peut se substituer à cette personne pour consentir à sa participation à un projet de recherche présentant des risques et des contraintes plus que minimes, à condition que le bénéfice escompté pour le sujet de recherche soit important.

4.4.5

Expertise indépendante de tous les projets de recherche

Afin de protéger la dignité et la personnalité des sujets de recherche, conformément à la let. d, les projets de recherche doivent être examinés par une instance indépendante avant leur réalisation.

Les projets de recherche sont généralement très complexes. En particulier, leur but, la méthodologie retenue et les choix de mise en oeuvre sont difficiles à appréhender et à évaluer pour des personnes extérieures. De plus, les projets de recherche comportent souvent des actes sortant du cadre des connaissances établies, c'est-à-dire ne reposant pas sur une pratique professionnelle éprouvée. Il y a, en outre, un rapport asymétrique entre les chercheurs et les sujets de recherche en ce sens que les chercheurs ont des connaissances qui restent hors de la portée des sujets de recherche, connaissances auxquelles les sujets de recherche doivent pouvoir se fier. Les personnes qui participent à un projet de recherche ne le font jamais exclusivement dans

14

Cf. Jochen Taupiz, Biomedizinische Forschung zwischen Freiheit und Verantwortung, Berlin et al. 2002, p. 67.

6370

leur intérêt personnel; il y a toujours des intérêts scientifiques, c'est-à-dire de tiers, en jeu (cf. ch. 1).

Il est donc légitime de soumettre les projets de recherche à une expertise indépendante avant leur réalisation, afin de déterminer s'ils offrent les garanties requises pour la protection de la dignité humaine et de la personnalité. Un projet de recherche ne pourra démarrer que lorsque cette expertise aura établi que la protection des sujets de recherche est assurée. Les personnes sollicitées auront ainsi la garantie que leur participation ne les expose pas à des risques et à des contraintes injustifiés et qu'elles ne se soumettent pas à un projet présentant un niveau de qualité scientifique insuffisant. De même, les personnes sollicitées pourront compter sur une information correcte, équilibrée et compréhensible pour prendre leur décision de participer ou non. Pour le reste, il appartiendra au législateur de fixer en détail les exigences de protection.

L'instance chargée de l'examen des projets doit être indépendante des chercheurs car cela garantit des appréciations équilibrées, à l'abri d'éventuels conflits d'intérêts.

En outre, l'instance doit disposer des compétences appropriées dans différentes disciplines scientifiques pour pouvoir examiner les projets avec la diligence voulue.

Les conditions à remplir en matière d'indépendance ainsi que d'autres aspects de l'organisation et la procédure devront être définis par le législateur.

Dans le domaine de la recherche biomédicale, l'examen indépendant est déjà la règle. Reposant sur des dispositions légales ou sur l'autorégulation des organisations professionnelles, il est pratiqué par des commissions d'éthique, qui examinent en particulier les volets des projets portant sur le consentement éclairé et l'information, le rapport entre les risques et les bénéfices ainsi que la qualité scientifique (concernant les études cliniques de médicaments sur l'être humain, cf. art. 54 et 57 de la loi sur les produits thérapeutiques).

Le principe énoncé à la let. d est un standard minimum. Le législateur est donc libre de prévoir une expertise indépendante aussi pour les projets de recherche portant sur des personnes décédées ou sur du matériel biologique et des données personnelles. Il est également possible, toujours au niveau de la loi, d'étendre
le champ de l'expertise indépendante à d'autres aspects ne concernant pas, ou pas directement, la protection des sujets de recherche. Il serait envisageable, par exemple, de prévoir un examen obligatoire du projet qui vérifie son acceptabilité éthique ou sa conformité avec des critères reflétant les intérêts de la société, pour autant qu'ils soient suffisamment concrétisés dans la loi.

4.5

Al. 3: Qualité et transparence

L'al. 3 du projet oblige la Confédération à s'engager, dans l'accomplissement de ses tâches, en faveur de la qualité et de la transparence de la recherche. La Confédération doit prendre des mesures en faveur de la qualité et de la transparence de la recherche sur l'être humain, non seulement lorsqu'elle légifère dans le cadre de l'al. 1, mais aussi dans l'accomplissement de ses tâches en général, par exemple, lorsqu'elle encourage la recherche. Ainsi, la Confédération peut, par exemple, prescrire que certains projets de recherche sont assujettis à des critères de qualité scientifique déterminés, prévoir qu'ils doivent être répertoriés dans un registre

6371

accessible au public (registre des essais cliniques) ou imposer des conditions pour garantir la liberté de publication des résultats de recherche.

5

Aspects juridiques

5.1

Droits fondamentaux dans la Constitution fédérale

5.1.1

Remarque préliminaire

La recherche sur l'être humain touche plusieurs droits fondamentaux. Les explications qui suivent portent sur les principaux droits fondamentaux concernés, c'est-àdire la dignité humaine, la protection constitutionnelle de la personnalité et la liberté de la recherche.

La recherche sur l'être humain peut aussi toucher d'autres droits fondamentaux.

Ainsi, le principe de la non-discrimination (art. 8, al. 2, Cst.) peut être mis en cause si une personne, en raison de son sexe, de son âge ou de sa race, est exclue d'un projet de recherche ou impliquée excessivement dans la recherche sans raison objective. Autre exemple: une expérimentation réalisée également dans le but d'exploiter commercialement les résultats obtenus entre dans le champ de la liberté économique (art. 27 Cst.), en plus de celui de la liberté de la science.

5.1.2

Dignité humaine

Conformément à l'art. 7 Cst., la dignité humaine doit être respectée et protégée. La dignité humaine est le principe suprême constitutif de l'ordre juridique étatique15. A ce titre, elle a la valeur d'un principe directeur pour toute activité étatique, en particulier l'activité législative. Le législateur est tenu de respecter les limites dictées par la dignité humaine et d'intervenir pour la protéger. De plus, la dignité humaine constitue le socle normatif des droits fondamentaux. Les idées qu'elle incarne se retrouvent dans les différents autres droits fondamentaux, et en particulier dans la liberté personnelle, à travers l'interprétation et la concrétisation qui en sont faites16.

La dignité humaine, essence des droits fondamentaux, jouit d'une protection absolue. Si une atteinte n'entre pas dans le champ de protection d'un droit fondamental concret, la dignité humaine constitue un droit fondamental subsidiaire autonome pouvant être invoqué en justice17.

Le principe de la dignité humaine protège la valeur intrinsèque de l'être humain18.

Toutefois, le droit constitutionnel ne détermine pas de manière exhaustive les fondements sur lesquels cette valeur repose et les éléments qu'elle peut contenir. In fine, la teneur concrète de la dignité humaine est le fruit d'un consensus fondamental sans cesse renouvelé au sein de la société. Ce consensus porte essentiellement sur la question de savoir quand il y a atteinte à la dignité humaine. C'est toujours le cas lorsque l'être humain est chosifié, c'est-à-dire totalement instrumentalisé à des fins 15 16 17 18

Cf. René Rhinow, Grundzüge des Schweizerischen Verfassungsrechts, Bâle/Genève/Munich 2003, p. 32.

Cf. ATF 127 I 14 Cf. ATF 132 I 54 s Cf. ATF 127 I 13 avec renvois

6372

qui lui sont étrangères. L'être humain est chosifié en particulier lorsqu'il est en butte à la torture, à de mauvais traitements ou à l'humiliation ou lorsqu'il est victime de l'esclavage, devenant une marchandise pouvant faire l'objet d'un commerce.

La dignité humaine appartient à tous les êtres humains, du moins après la naissance.

Les atteintes à la dignité humaine sont généralement associées à une souffrance ressentie subjectivement, mais pas toujours. Il y a également atteinte quand la personne ne la ressent pas subjectivement (p. ex. quand la victime ne ressent pas l'humiliation). Les atteintes à la dignité humaine entrent en grande partie dans le champ de protection des droits de la personnalité, notamment en ce qui concerne la protection de l'intégrité physique et psychique. Par ailleurs, la protection de la dignité s'étend à la vie avant la naissance et aux personnes décédées, même si ce droit ne leur appartient pas directement19. Une instrumentalisation en soi peut porter atteinte à la dignité des personnes décédées bien qu'elles n'aient pas la capacité de ressentir subjectivement cette atteinte. Il en va de même pour les enfants à naître se trouvant à un stade de développement précoce, où ils sont encore dépourvus de sensibilité à la douleur. Dans ce cas, c'est la dignité humaine en tant que principe constitutionnel qui est en jeu, et c'est au constituant et au législateur qu'il incombe d'en définir concrètement la portée.

La recherche sur l'être humain ne porte pas en soi atteinte à la dignité humaine.

Certes, elle utilise toujours l'être humain pour acquérir des connaissances, c'est-àdire qu'elle l'instrumentalise à des fins qui lui sont étrangères. En règle générale, on peut toutefois exclure qu'une personne suffisamment informée qui se soumet librement à une expérimentation soit chosifiée et subisse une atteinte à sa dignité. Par contre, la dignité humaine subit toujours une atteinte lorsque des personnes sont impliquées dans un projet de recherche contre leur volonté explicite, c'est-à-dire que leur refus de participer est ignoré (cf. ch. 4.4.2.3). Ces expérimentations forcées portent en outre atteinte à la liberté personnelle.

5.1.3

La protection de la personnalité dans la Constitution

5.1.3.1

Droit à la vie

Selon l'art. 10, al. 1, Cst., tout être humain a droit à la vie. Cette disposition interdit en toutes circonstances à l'Etat de provoquer la mort d'une personne intentionnellement et contre la volonté de celle-ci. De plus, le droit à la vie oblige l'Etat à protéger les personnes contre les homicides que pourraient perpétrer des tiers. Par contre, le droit constitutionnel suisse n'a pas encore réglé de manière définitive la question de savoir à partir de quand débute la protection constitutionnelle de la vie humaine et, si elle englobe la vie avant la naissance, quelles doivent être ses modalités20.

19

20

En ce qui concerne l'embryon in vitro, lire le message sur la loi fédérale relative à la recherche sur les embryons surnuméraires et sur les cellules souches embryonnaires (loi relative à la recherche sur les embryons, LRE) du 20 novembre 2002, FF 2003 1065, en l'occurrence p. 1089.

Cf. Message sur la loi fédérale relative à la recherche sur les embryons surnuméraires et sur les cellules souches embryonnaires (loi relative à la recherche sur les embryons, LRE) du 20 novembre 2002, FF 2003 1065, en l'occurrence p. 1090.

6373

5.1.3.2

Liberté personnelle

L'art. 10, al. 2, Cst. dispose que tout être humain a droit à la liberté personnelle.

Cette garantie comprend le droit à l'intégrité physique et psychique, et donc en particulier le droit pour chacun de prendre une décision libre au sujet des interventions touchant à son intégrité. L'art. 11 Cst. instaure pour les enfants et les jeunes un droit à une protection particulière de leur intégrité.

Le droit à l'intégrité physique protège contre toute intervention sur le corps humain, même si elle n'est pas douloureuse ni dangereuse ou nocive pour la santé21. Le droit à l'intégrité psychique protège en particulier contre toute intervention sur la capacité de porter un jugement sur une situation donnée et d'agir en fonction de ce jugement22. Ainsi, des mesures prises pour diagnostiquer23, traiter24 ou prévenir25 des maladies constituent une atteinte à l'intégrité physique ou psychique. La protection de l'intégrité physique et psychique englobe les interventions faites dans le cadre de la recherche.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il découle de la liberté personnelle que la personne concernée a le droit de recevoir des informations complètes au sujet d'une intervention médicale ainsi que de décider librement si elle désire ou non se soumettre à un traitement26. Ainsi, une intervention dans la liberté personnelle ayant lieu dans le cadre de la recherche peut, en principe, être justifiée si la personne concernée y a consenti.

La liberté personnelle peut être soumise à des restrictions si celles-ci sont conformes à l'art. 36 Cst.: ces restrictions doivent reposer sur une base légale suffisante, obéir à un intérêt public prépondérant, être proportionnées et respecter l'essence du droit fondamental visé. Ainsi, sans le consentement de la personne concernée, une intervention dans l'intérêt de la recherche peut être justifiée si cette dernière est effectuée, non pas dans le seul intérêt de la science mais aussi dans celui de la personne y participant ou si l'atteinte à son intégrité physique ou psychique est insignifiante (cf. ch. 4.4.2.2). A contrario, un projet de recherche mené contre la volonté de la personne concernée constituerait une expérimentation forcée. Elle porterait atteinte à l'essence de la liberté personnelle et serait donc absolument inadmissible27.

Un autre aspect protégé par la
liberté personnelle est le droit de choisir de son vivant ce qu'il adviendra de son corps après la mort et, en particulier, d'interdire qu'il ne subisse des interventions28. Il en découle le droit de léguer de son vivant son corps à la science. De plus, les survivants peuvent s'opposer à des interventions sur le corps d'une personne décédée, entre autres à des fins de recherche29.

21 22 23 24 25 26 27 28 29

Cf. ATF 118 Ia 434 Cf. p. ex. ATF 127 I 17 Cf. p. ex. ATF 124 I 43 Cf. ATF 127 I 17, à titre d'exemple Cf. p. ex. ATF 104 Ia 486 ATF 118 Ia 434 C'est l'avis exprimé notamment dans l'ATF 118 Ia 436.

Cf. ATF 127 I 119 avec renvois Cf. ATF 129 I 177

6374

5.1.3.3

Protection de la sphère privée

L'art. 13 Cst. garantit plusieurs droits protégeant la sphère privée. L'al. 2 confère aux personnes le droit d'être protégées contre l'emploi abusif des données les concernant. C'est de cette garantie que découle le droit fondamental à l'autodétermination en matière d'information, c'est-à-dire le droit de déterminer soi-même quel traitement peuvent recevoir les informations concernant sa propre personne30.

Ce droit ne peut être restreint que dans les conditions énoncées à l'art. 36 Cst.

(cf. ch. 5.1.3.2).

La protection garantie par le droit à l'autodétermination en matière d'information concerne toutes les formes de traitement de données personnelles31, notamment la collecte et l'utilisation de données personnelles à des fins de recherche. L'utilisation de matériel biologique d'origine humaine à des fins de recherche entre également dans le champ de cette protection.

5.1.4

Liberté de la science

L'art. 20 Cst. garantit la liberté de l'enseignement et de la recherche scientifiques.

La liberté de la recherche scientifique englobe la recherche sur l'être humain.

Mais la liberté de la recherche n'est pas garantie sans restrictions; comme les autres droits fondamentaux, elle peut être limitée dans les conditions prévues à l'art. 36 Cst. (cf. ch. 5.1.3.2). Une pesée des intérêts en présence s'impose tout particulièrement lorsque l'on apprécie si une restriction est justifiée par un intérêt public. C'est alors principalement la protection constitutionnelle de la personnalité qu'il faut mettre en regard de la liberté de la science. Lorsque l'on évalue l'importance comparative de ces deux droits fondamentaux, il ne faut pas oublier que la recherche sur l'être humain a une importance cruciale pour la protection, la promotion et le rétablissement de la santé ainsi que pour la société.

Par ailleurs, la dignité humaine, en tant que bien jouissant d'une protection absolue (cf. ch. 5.1.4), prime toujours sur la liberté de la recherche. Aucune activité de recherche portant atteinte à la dignité humaine en saurait être justifiée en invoquant la liberté de recherche.

5.1.5

Rapports entre le nouvel article constitutionnel et les droits fondamentaux

Le présent article constitutionnel impose à la Confédération de veiller à la protection de la dignité humaine et de la personnalité lorsqu'elle légifère au sujet de la recherche sur l'être humain (al. 1). La Confédération doit prendre des mesures pour protéger la dignité humaine, le droit à la vie et à la liberté personnelle ainsi que la sphère privée dans la recherche.

30 31

Cf. Rainer J. Schweizer, Art. 13, in: Bernhard Ehrenzeller et al. (éd.), Die schweizerische Bundesverfassung. Kommentar, Zurich/Bâle/Genève 2002, N. 38.

Cf. ATF 122 I 362

6375

Dans cette perspective, l'al. 2 du projet propose un cadre qui contribue à concrétiser ces droits fondamentaux. Le droit à la liberté personnelle et à la protection de la sphère privée se traduit ici par l'obligation d'obtenir le consentement éclairé de toute personne impliquée dans un projet de recherche (let. a, 1er phrase). Mais lorsqu'elle légifère en matière de recherche sur l'être humain, la Confédération doit également respecter la liberté de la recherche. La let. a, 2e phrase, du projet habilite le législateur à prévoir des exceptions à l'obligation d'obtenir le consentement éclairé.

L'octroi de cette compétence au législateur est une manière de contribuer à la concrétisation de la liberté de la recherche. Parallèlement, la let , 2e phrase, a établit le droit individuel de refuser de participer à un projet de recherche. Cette disposition, qui interdit les expérimentations forcées, protège un élément intangible de la liberté personnelle.

Le projet prend en compte la protection particulière dont doit jouir l'intégrité des enfants et des jeunes (art. 11 Cst.) en imposant des exigences supplémentaires pour la recherche sur des personnes incapables de discernement (let. c), dont peuvent faire partie les enfants et les adolescents.

Le projet d'article constitutionnel impose des règles essentielles pour protéger la dignité humaine, la personnalité et la liberté de la recherche. Globalement, il laisse au législateur une ample marge de manoeuvre, qui lui permettra de trouver un équilibre entre les droits fondamentaux concernés.

5.2

Compétences actuelles de la Confédération et indications sur la législation d'exécution correspondante

5.2.1

Aperçu

La Confédération dispose aujourd'hui déjà de plusieurs compétences partielles dans le domaine de la recherche sur l'être humain. Le chapitre qui suit en présente les principales, ainsi que la législation d'exécution correspondante.

5.2.1.1

Encouragement de la recherche

L'art. 64 Cst. habilite la Confédération à encourager la recherche scientifique (al. 1).

La Confédération peut subordonner son soutien notamment à la mise en place de mesures de coordination (al. 2). Le terme «notamment» indique que la Confédération peut, dans certaines conditions, assujettir son soutien à d'autres exigences. Elle peut, par exemple, subordonner l'octroi d'aides dans le domaine de la recherche sur l'être humain au respect de certaines charges afférentes à la protection des personnes concernées.

L'art. 64 fonde une compétence parallèle en ce sens que les cantons et les particuliers peuvent continuer à encourager la recherche de leur côté. Ainsi, la Confédération ne peut pas invoquer cette disposition constitutionnelle pour imposer des charges à la recherche soutenue par les cantons et les particuliers. L'art. 64 ne constitue donc pas une base permettant à la Confédération de légiférer sur l'ensemble du domaine de la recherche relative à l'être humain.

6376

5.2.1.2

Protection de la santé

L'art. 118, al. 1, Cst. impose à la Confédération de prendre des mesures pour protéger la santé dans son domaine de compétences. L'al. 2 énumère les domaines dans lesquels la Confédération est habilitée à légiférer. La compétence législative de la Confédération étant limitée à ces domaines, elle est fragmentaire. Mais dans ces domaines, la compétence de la Confédération est totale.

L'al. 2, let. a, précise que la Confédération légifère sur l'utilisation des denrées alimentaires, des agents thérapeutiques, des stupéfiants, des organismes, des produits chimiques et des objets pouvant présenter un danger pour la santé. Si l'un de ces produits donne lieu à des études impliquant des êtres humains, par exemple pour contrôler sa sécurité, la Confédération peut édicter des dispositions relatives à la protection de ces sujets de recherche. Elle a ainsi fait usage de sa compétence normative en matière de recherche sur l'être humain dans le domaine des agents thérapeutiques: la loi sur les produits thérapeutiques contient des dispositions relatives à la réalisation d'essais cliniques de médicaments (art. 53 à 57 LPTh).

Selon l'al. 2, let. b, la Confédération est compétente pour réglementer la lutte contre les maladies transmissibles, les maladies très répandues et les maladies particulièrement dangereuses. Elle peut prendre toutes les mesures appropriées et nécessaires à cette fin. Si la recherche sur l'être humain peut être un outil dans la lutte contre les maladies, elle peut également être à l'origine de maladies (p. ex. lorsque des essais sont menés de manière non conforme ou provoquent des effets indésirables). Dans la mesure où la Confédération est compétente pour légiférer en matière de lutte contre les maladies, elle peut aussi édicter des normes applicables à la recherche sur l'être humain dans ce domaine.

L'al. 2, let. c, dispose que la Confédération doit légiférer sur la protection contre les rayons ionisants. A ce titre, elle peut réglementer la recherche sur l'être humain dans ce domaine. C'est ainsi que les essais cliniques de produits radiopharmaceutiques doivent être effectués conformément aux prescriptions applicables aux produits pharmaceutiques32.

5.2.1.3

Procréation médicalement assistée et génie génétique dans le domaine humain

L'art. 119 Cst. attribue à la Confédération une compétence étendue pour légiférer sur la procréation médicalement assistée et le génie génétique dans le domaine humain. Cette compétence inclut la recherche sur l'être humain dans ces deux domaines. Selon l'art. 119, al. 1, l'être humain doit être protégé contre les abus en matière de procréation médicalement assistée et de génie génétique. La réglementation doit donc avoir pour but de protéger l'être humain des applications abusives dans les domaines concernés. L'al. 2 impose à la Confédération d'édicter des dispositions sur l'utilisation du patrimoine germinal et génétique humain (1re phrase). La notion de patrimoine germinal en droit constitutionnel comprend notamment les

32

Art. 29, al. 1, de l'ordonnance du 22 juin 1994 sur la radioprotection (RS 814.501).

6377

spermatozoïdes et les ovules, les embryons in vitro ainsi que les embryons et les foetus in vivo33.

Jusqu'ici, la Confédération a fait usage de sa compétence en matière de procréation médicalement assistée et de génie génétique dans le domaine humain en édictant trois lois. La loi fédérale du 18 décembre 1998 sur la procréation médicalement assistée (LPMA)34 contient notamment plusieurs interdictions se rapportant à la recherche dans ce domaine (art. 29, al. 1, 35, al. 1 et 36, al. 1). La loi relative à la recherche sur les cellules souches définit les conditions dans lesquelles des cellules souches peuvent être produites à partir d'embryons surnuméraires et utilisées à des fins de recherche (art. 1, al. 1, LRCS). La loi fédérale du 8 octobre 2004 sur l'analyse génétique humaine (LAGH)35 définit les conditions dans lesquelles des analyses génétiques peuvent être réalisées. En principe, elle ne porte pas sur les analyses génétiques effectuées dans le domaine de la recherche (art. 1, al. 3), à l'exception de son art. 20, al. 2, qui régit la réutilisation de matériel biologique pour des analyses génétiques à des fins de recherche.

5.2.1.4

Médecine de la transplantation

L'art. 119a Cst. dote la Confédération d'une compétence législative étendue dans le domaine de la médecine de la transplantation et donc de la recherche afférente. La loi fédérale du 8 octobre 2004 sur la transplantation d'organes, de tissus et de cellules (loi sur la transplantation)36 régit entre autres les essais cliniques de transplantation d'organes, de tissus ou de cellules (art. 36, 38 et 43).

5.2.1.5

Droit civil

La compétence en matière de droit civil inscrite à l'art. 122 Cst. habilite la Confédération à régler les rapports juridiques entre les particuliers et donc aussi entre les chercheurs et les sujets de recherche. Ainsi, la protection de la personnalité assurée par le code civil (CC)37 s'applique aussi à la recherche sur l'être humain. Selon l'art.

28, al. 2, CC, une atteinte à la personnalité est illicite à moins qu'elle ne soit justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant public ou privé ou par la loi. Une atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sociale d'un sujet de recherche serait donc illicite si elle n'était pas justifiée par l'un des trois motifs précités.

La loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPDA)38 a pour but de protéger la personnalité et les droits fondamentaux des personnes qui font l'objet d'un traitement de données. Elle prévoit certains allégements en ce qui concerne le traitement de données personnelles par des particuliers à des fins de recherche («privilège de la recherche»). Ainsi, l'art. 13, al. 2, LPDA stipule que les intérêts prépondérants de la personne qui traite les données entrent en considération lorsque 33 34 35 36 37 38

Cf. Ruth Reusser et Rainer J. Schweizer, Art. 119, in: Bernhard Ehrenzeller et al. (éd.), Die schweizerische Bundesverfassung. Kommentar, Zurich/Bâle/Genève 2002, N. 11.

RS 810.11 RS 810.12 RS 810.21 RS 210 RS 235.1

6378

les données personnelles sont traitées à des fins ne se rapportant pas à des personnes, notamment dans le cadre de la recherche, à condition toutefois que les résultats soient publiés sous une forme ne permettant pas d'identifier les personnes concernées (let. e).

5.2.1.6

Droit pénal

La compétence d'édicter des normes de droit pénal est fondée sur l'art. 123 Cst. Le code pénal (CP)39 impose des restrictions à la recherche sur l'être humain, en particulier à travers ses dispositions protégeant l'intégrité corporelle et la vie (art. 111 ss CP). On trouve une norme consacrée spécifiquement à la recherche sur l'être humain à l'art. 321bis CP, qui définit les conditions dans lesquelles les données personnelles de patients peuvent être utilisées pour la recherche médicale sans leur consentement explicite. Cette disposition prévoit que, en l'absence de consentement, une commission d'experts peut accorder une autorisation lorsqu'il est impossible ou difficile, sans effort disproportionné, d'obtenir le consentement de l'intéressé, si le projet de recherche ne peut pas être réalisé avec des données anonymisées et si les intérêts de la recherche priment l'intérêt au maintien du secret. Dans ces limites, la levée du secret professionnel dans la recherche médicale est justifiée au regard du droit pénal.

5.2.2

Bilan

La Confédération dispose, dans certains domaines, de compétences l'autorisant à légiférer entre autres au sujet de la recherche sur l'être humain. Ces compétences portent principalement sur des produits (p. ex. les produits thérapeutiques) ou des domaines déterminés (p. ex. la procréation médicalement assistée et le génie génétique dans le domaine humain, la médecine de la transplantation). Dans ces domaines, la Confédération est investie d'une compétence claire pour réglementer la recherche sur l'être humain, ce qu'elle a déjà largement fait dans la législation d'exécution afférente, notamment concernant les produits thérapeutiques et la transplantation.

En revanche, on voit mal quelle recherche sur l'être humain la Confédération pourrait codifier en se fondant sur sa compétence en matière de lutte contre les maladies transmissibles, largement répandues ou particulièrement graves. En outre, il n'est pas évident que cette compétence de la Confédération, qui a pour but de lutter contre des maladies, puisse lui permettre d'imposer des exigences visant à protéger la personnalité.

Ces compétences sont insuffisantes pour réglementer la recherche sur l'être humain de manière étendue au niveau fédéral. Par exemple, il est impossible de codifier la recherche sur l'être humain dans la chirurgie, hormis si elle se déroule dans le cadre de la médecine de transplantation ou si elle sert à tester un produit thérapeutique; il en va de même de la psychiatrie, si la recherche ne porte pas sur des substances psychotropes. D'autres disciplines, comme la biologie humaine, la psychologie ou les sciences sociales, ne peuvent pas non plus être couvertes, sauf de manière très limitée. Il en va de même pour la recherche sur du matériel biologique d'origine humaine et sur des données personnelles, sauf dans le domaine des produits thé39

RS 311.0

6379

rapeutiques et de la transplantation ainsi que dans le cadre de la recherche génétique.

Un autre domaine concerné, en dehors de la transplantation, est celui de la recherche sur des personnes décédées.

Se fondant sur sa compétence en matière de droit civil, la Confédération pourrait édicter des normes spécifiques sur la protection de la personnalité dans la recherche.

Elle pourrait en particulier réglementer l'information et le consentement des sujets de recherche ainsi que la responsabilité pour les dommages pouvant résulter des projets de recherche. Les cantons n'en resteraient pas moins libres, dans des conditions déterminées, d'adopter des normes complémentaires de droit public applicables à la recherche sur l'être humain40. De plus, la compétence en matière de droit civil serait insuffisante pour permettre à la Confédération de prendre des mesures visant à assurer la qualité et la transparence de la recherche sur l'être humain (p. ex.

qualifications des chercheurs, devoirs en matière de publication). Elle ne suffirait pas non plus pour instaurer un contrôle préventif des projets de recherche sur l'être humain, c'est-à-dire pour imposer aux chercheurs de soumettre leurs projets à une instance indépendante avant la réalisation.

Se fondant sur la compétence en matière de droit pénal que lui confère l'art. 123 Cst., la Confédération pourrait légiférer pour que les abus dans la recherche soient réprimés pénalement. On pourrait menacer d'une peine celui qui entreprendrait une recherche sans le consentement de la personne concernée, par exemple. Mais pour qu'une telle norme puisse s'appliquer, il faudrait d'abord que les faits punissables aient eu lieu. La compétence de la Confédération en matière de droit pénal ne lui permet donc pas de soumettre la recherche sur l'être humain à un contrôle préventif.

5.2.3

Rapport entre le nouvel article constitutionnel et les normes de compétence en vigueur

Le présent projet d'article constitutionnel donne à la Confédération la compétence de légiférer en matière de recherche sur l'être humain dans le domaine de la santé (cf. ch. 2.3). Comme exposé plus haut, la Confédération est également habilitée, par d'autres normes de compétence déjà en vigueur, à réglementer certains volets de la recherche sur l'être humain. La création d'une compétence spécifique en matière de recherche sur l'être humain ne remet pas en cause ces compétences partielles. Par contre, la nouvelle norme de compétence se superpose aux normes actuelles, sur lesquelles elle acquiert par principe la primauté en raison de son caractère général.

Ainsi, si d'autres normes de compétence contiennent des prescriptions (obligations ou interdictions) ayant trait à la recherche, celles-ci continuent de s'appliquer à la recherche sur l'être humain. Inversement, les principes relatifs à la recherche sur l'être humain énoncés à l'al. 2 du projet d'article constitutionnel déploient leurs effets sur les volets de la recherche sur l'être humain relevant des autres normes de compétence.

La nouvelle disposition constitutionnelle ne change rien non plus aux interdictions découlant de l'art. 119 Cst. (procréation médicalement assistée et génie génétique

40

En vertu de l'art. 6, al. 1, CC, les lois civiles de la Confédération laissent subsister les compétences des cantons en matière de droit public.

6380

dans le domaine humain). Les limites fixées à l'al. 2 de cet article devront toujours être respectées en relation avec la recherche sur les embryons, à savoir: ­

l'interdiction du clonage reproductif et thérapeutique (let. a);

­

l'interdiction des interventions modifiant le patrimoine générique des gamètes (let. a),

­

l'interdiction de produire des hybrides et des chimères (let. b);

­

l'interdiction de produire des embryons à des fins de recherche (let. c);

­

l'interdiction des dons d'embryons à des fins de procréation médicalement assistée (let. d);

­

l'interdiction du commerce de matériel germinal humain, notamment les embryons et les foetus, et de cellules souches embryonnaires (let. e);

­

l'interdiction de développer des embryons surnuméraires (let. c).

Par contre, l'art. 119 Cst. n'interdit pas l'utilisation d'embryons surnuméraires à des fins de recherche, par exemple pour produire des cellules souches41. Dans la loi relative à la recherche sur les cellules souches, le législateur a répondu à la question de savoir si des embryons surnuméraires pouvaient être utilisés dans la recherche et dans quelles conditions.

5.3

Traités internationaux relatifs aux droits de l'homme

5.3.1

CEDH et Pacte II de l'ONU

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH)42 garantit plusieurs droits fondamentaux en rapport avec la recherche sur l'être humain. Elle garantit à l'art. 2 le droit à la vie et à l'art. 8 le droit au respect de la vie privée et familiale. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (Pacte II de l'ONU)43 ancre également le droit à la vie (art. 6) et à la liberté personnelle (art. 9). Mais les droits fondamentaux inscrits dans la CEDH et le Pacte II de l'ONU n'offrent pas une protection plus étendue, pour ce qui concerne la recherche sur l'être humain, que les droits fondamentaux garantis par la Constitution fédérale (cf. ch. 5.1).

L'art. 7 du Pacte II de l'ONU a la teneur suivante: «Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expérience médicale ou scientifique». Cette interdiction selon la 2e phrase doit être interprétée dans le contexte historique de la deuxième guerre mondiale; sa portée est essentiellement limitée aux expérimentations criminelles et irrespectueuses de la dignité humaine44. Cette disposition n'offre pas non plus une protection plus étendue que les droits fondamentaux à la dignité humaine et à la liberté personnelle garantis par la 41

42 43 44

Cf. Message sur la loi fédérale relative à la recherche sur les embryons surnuméraires et sur les cellules souches embryonnaires (loi relative à la recherche sur les embryons, LRE) du 20 novembre 2002, FF 2003 1065, en l'occurrence p. 1095.

RS 0.101 RS 0.103.2 Cf. Manfred Nowak, UN Covenant on Civil and Political Rights, CCPR Commentary, Kehl am Rhein/Strasbourg/Arlington 1989, N. 24 ss.

6381

Constitution fédérale, dont découle l'interdiction d'impliquer des personnes dans un projet de recherche contre leur gré (cf. ch. 5.1.2 et 5.1.3).

5.3.2

Convention de biomédecine

La Convention du Conseil de l'Europe pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine (Convention de biomédecine) du 4 avril 1997 a été signée par la Suisse le 7 mai 1999 et soumise pour approbation à l'Assemblée fédérale accompagnée d'un message du Conseil fédéral le 12 septembre 200145. Il s'agit du premier instrument international qui énonce des règles impératives pour les applications de la médecine et la recherche biomédicale. Une partie de ses dispositions vise les projets de recherche utilisant des personnes.

Selon l'art. 16 de la Convention de biomédecine, aucune recherche ne peut être entreprise sur une personne à moins que les conditions suivantes ne soient réunies: ­

il n'existe pas de méthode alternative à la recherche sur des êtres humains qui présente une efficacité comparable (principe général de subsidiarité);

­

les risques qui peuvent être encourus par la personne ne sont pas disproportionnés par rapport aux bénéfices potentiels;

­

le projet de recherche a été approuvé par l'instance compétente, après avoir fait l'objet d'un examen indépendant ayant confirmé sa pertinence scientifique, y compris l'importance de l'objectif de la recherche, ainsi que d'un examen pluridisciplinaire ayant admis son acceptabilité sur le plan éthique;

­

la personne se prêtant à une recherche est informée de ses droits et des garanties prévues par la loi pour sa protection, et

­

le consentement a été donné expressément et spécifiquement pour cette recherche et il a été consigné par écrit. Ce consentement peut, à tout moment, être librement retiré.

Une recherche ne peut être entreprise sur une personne n'ayant pas la capacité d'y consentir que si les conditions supplémentaires suivantes sont réunies (art. 17, al. 1):

45

­

les résultats attendus de la recherche comportent un bénéfice réel et direct pour la santé de la personne;

­

la recherche ne peut s'effectuer avec une efficacité comparable sur des sujets capables d'y consentir (principe de subsidiarité spécifique);

­

le représentant légal a donné son consentement spécifiquement pour cette recherche et ce consentement a été consigné par écrit;

­

la personne n'y oppose pas de refus.

Message relatif à la Convention européenne du 4 avril 1997 pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine (Convention sur les droits de l'Homme et la biomédecine) et au Protocole additionnel du 12 janvier 1998 portant interdiction du clonage d'êtres humains du 12 septembre 2001, FF 2002 271.

6382

A titre exceptionnel, une recherche dont les résultats attendus ne comportent pas de bénéfice direct pour la santé de la personne concernée incapable de consentir peut être autorisée si les conditions supplémentaires suivantes sont réunies (art. 17, al. 2): ­

la recherche a pour objet de contribuer, par une amélioration significative de la connaissance scientifique de l'état de la personne, de sa maladie ou de son trouble, à l'obtention, à terme, de résultats permettant un bénéfice pour la personne concernée ou pour d'autres personnes de la même catégorie d'âge ou souffrant de la même maladie ou du même trouble ou présentant les mêmes caractéristiques;

­

la recherche ne présente pour la personne qu'un risque minimal et une contrainte minimale.

Pour le reste, la Convention de biomédecine laisse les Etats libres de garantir une protection supérieure aux normes qu'elle instaure (art. 27).

Le Protocole additionnel du 25 janvier 2005 relatif à la recherche biomédicale46 concrétise la Convention de biomédecine dans le domaine de la recherche biomédicale sur des personnes. Pour l'essentiel, il détaille les exigences déjà inscrites dans la Convention de biomédecine.

5.3.3

Rapport entre le nouvel article constitutionnel et les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme

Le présent projet d'article constitutionnel est compatible à la fois avec la CEDH et avec le Pacte II de l'ONU.

Il satisfait également aux exigences de la Convention de biomédecine. Celle-ci soumet la recherche impliquant des personnes à un ensemble de conditions spécifiques. Le présent projet reprend celles de ces conditions qui sont fondamentales puisqu'il instaure le consentement éclairé des sujets de recherche, la pesée des bénéfices et des risques et l'examen indépendant des projets de recherche (al. 2, let. a, b et d). De plus, il étend le champ d'application du consentement éclairé aux autres formes de recherche sur l'être humain (cf. ch. 2.2.5). A l'al 2, let c, il soumet en outre la recherche sur les personnes incapables de discernement à des exigences supplémentaires: le principe de subsidiarité et l'exigence que les risques et les contraintes soient minimes pour les personnes concernées lorsque le projet de recherche ne laisse pas escompter un bénéfice direct.

46

http://www.coe.int/T/E/Legal_Affairs/Legal_cooperation/Bioethics/Activities/ Biomedical_research/Protocol_documents.asp#TopOfPage

6383

5.4

Niveau européen

5.4.1

Union européenne

Au niveau européen, les seules dispositions en vigueur à ce jour portent sur les essais cliniques de médicaments. Ainsi, la directive 2001/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'application de bonnes pratiques cliniques dans la conduite d'essais cliniques de médicaments à usage humain (directive BPEC-CE)47 règle la conduite des essais cliniques de médicaments (art. 1, al. 1).

Un essai clinique ne peut être entrepris en particulier que si les risques et les contraintes prévisibles ont été pesés au regard du bénéfice attendu pour le sujet participant à l'essai et pour d'autres patients actuels et futurs. Les bénéfices attendus sur le plan thérapeutique et en matière de santé publique doivent l'emporter sur les risques (art. 3, al. 2, let. a). En outre, les sujets participant à l'essai doivent avoir donné leur consentement éclairé par écrit après avoir été informés de la nature, de la portée, des conséquences et des risques de l'essai clinique (art. 3, al. 2, let. d).

Les personnes qui ne sont pas en mesure de donner leur consentement légal pour participer à des essais cliniques doivent bénéficier d'une protection particulière (points 3 et 4 du préambule). Ces personnes ne peuvent pas être associées à des essais cliniques si les mêmes résultats peuvent être obtenus en recourant à des personnes capables de donner leur consentement. Normalement, elles ne doivent participer à des essais cliniques que lorsque l'on peut en escompter un bénéfice direct pour elles. Cependant, les acteurs de la directive estiment qu'il est indispensable de réaliser des essais cliniques impliquant des personnes incapables de donner leur consentement légal afin d'améliorer les traitements existant pour cette catégorie de la population.

La directive BPEC-CE dispose qu'un essai clinique de médicaments ne peut commencer qu'après délivrance d'un avis favorable de la part du comité d'éthique. Les comités d'éthique sont chargés de protéger les droits, la sécurité et le bien-être des participants à un essai clinique et de rassurer le public à ce sujet.

47

Journal officiel de l'Union européenne L 121 du 1er mai 2001, p. 34.

6384

5.4.2

Droit comparé: les principes essentiels de la recherche sur l'être humain

Il n'est pas possible, dans le cadre du présent message, de présenter toutes les réglementations en vigueur dans d'autres pays européens et aux Etats-Unis. Le présent aperçu se borne donc aux principes qui s'appliquent à la recherche sur l'être humain et que l'on retrouve dans les principales législations48.

Consentement éclairé Dans toutes les législations, la personne majeure qui est capable de comprendre l'importance et la portée d'un projet de recherche et qui est en mesure d'exprimer sa volonté doit donner son libre consentement. Le consentement est donné après que la personne concernée a été informée de la nature, des risques prévisibles, des bénéfices escomptés et de la portée du projet de recherche.

Rapport entre les risques et les bénéfices Les risques que le projet de recherche présente pour la personne concernée doivent être acceptables par rapport aux bénéfices.

Les lois les plus récentes contiennent un principe comparable, mais elles cernent plus précisément les risques et les contraintes. Elles disposent, par exemple, que les risques et les contraintes prévisibles, en particulier les atteintes à l'intégrité physique ou psychique et les inconvénients sociaux ou économiques, doivent être justifiés par les bénéfices escomptés pour les sujets de recherche ou pour d'autres personnes.

Recherche sur des personnes incapables de discernement Dans les réglementations comparées, des conditions supplémentaires sont imposées pour la recherche sur des groupes de personnes particulièrement vulnérables. La définition de cette catégorie de personnes varie légèrement d'un pays à l'autre, mais les mineurs incapables de discernement y figurent explicitement dans tous les pays.

48

La comparaison a porté sur les réglementations suivantes: Allemagne: loi du 24 août 1976 sur l'utilisation des médicaments (Gesetz über den Verkehr mit Arzneimitteln, AMG; version du 12 décembre 2005).

Autriche: loi fédérale du 2 mars 1983 sur la fabrication et la mise sur le marché des médicaments (Bundesgesetz über die Herstellung und das Inverkehrbringen von Arzneimitteln, dans sa version publiée le 29 avril 2004).

France: Code de la santé publique dans la version du 9 août 2004.

Belgique: Loi relative aux expérimentations sur la personne humaine du 7 mai 2004.

Grande-Bretagne: Dans le domaine des médicaments, la directive BPEC-CE a été transposée dans le droit national dans une ordonnance intitulée «The Medicines for Human Use (Clinical Trials) Regulations 2004», où sont également regroupées des dispositions qui avaient auparavant la forme de simples directives. Les conditions à respecter pour réaliser des essais cliniques de médicaments, notamment avec la participation de catégories de personnes nécessitant une protection particulière (p. ex. mineurs, adultes incapables de donner leur consentement), sont comparables à celles des autres pays européens qui ont mis en oeuvre la directive BPEC-CE.

Suède: loi sur les biobanques (Biobanks in Medical Care Act), 2002.

USA: Les études cliniques de médicaments et de produits médicaux, qui sont visées par le titre 21 du Code of Federal Regulations, sont en principe subordonnées à l'obtention du consentement éclairé des sujets de recherche ou de leur représentant légal.

6385

En Allemagne et en Autriche, les essais de médicaments sur des mineurs sont autorisés lorsque le médicament est destiné à dépister ou à prévenir des maladies dont souffrent des mineurs et que son utilisation est médicalement indiquée pour dépister ou prévenir des maladies chez les mineurs, c'est-à-dire que l'essai doit avoir un bénéfice direct pour le sujet de recherche mineur. Le consentement est donné par le représentant légal. L'essai clinique présente, pour la personne concernée, des contraintes et des risques prévisibles aussi faibles que possible.

De manière générale, le principe de subsidiarité doit être observé, c'est-à-dire que la réalisation de l'essai sur des adultes (ou des catégories de personnes n'étant pas particulièrement vulnérables) ou l'utilisation d'autres méthodes de recherche (essais sur des animaux, simulations sur ordinateur) ne permettraient pas, selon les connaissances de la médecine, d'obtenir des résultats suffisants.

La France et la Belgique imposent également des exigences supplémentaires pour la recherche sur des catégories de personnes particulièrement vulnérables. La recherche sur ces catégories de personnes est autorisée dans les deux cas suivants: soit l'importance du bénéfice escompté pour ces personnes est de nature à justifier le risque prévisible encouru; soit les recherches se justifient au regard du bénéfice escompté pour d'autres personnes se trouvant dans la même situation, à la condition que des recherches d'une efficacité comparable ne puissent être effectuées sur une autre catégorie de personnes (critère de la subsidiarité) et qu'enfin les risques et les contraintes que comporte la recherche présentent un caractère minimal. La recherche sans bénéfice direct pour les sujets de recherche est également admise lorsque les critères précités sont remplis.

En Grande-Bretagne, les conditions à respecter pour réaliser des essais cliniques de médicaments, notamment avec la participation de catégories de personnes nécessitant une protection particulière (p. ex. mineurs, adultes incapables de donner leur consentement), sont comparables à celles des autres pays européens qui ont mis en oeuvre la directive BPEC-CE.

Expertise indépendante Toutes les lois régissant la recherche soumettent les projets de recherche à une expertise indépendante obligatoire. En Allemagne,
en Autriche et en Belgique, ces expertises sont réalisées par des commissions d'éthique; en France, elles incombent à des comités de protection des personnes. Il en va de même aux Etats-Unis: avant qu'une étude clinique puisse être lancée, celle-ci doit être soumise à un organe d'évaluation pluridisciplinaire (Institutional Review Board, IRB). La fonction des IRB est comparable à celle des comités d'éthique européens. La tâche principale de ces organes est de garantir le respect des droits et le bien-être des sujets de recherche. A cet effet, les IRB doivent en particulier évaluer le choix des sujets de recherche et leur information, l'équilibre des rapports entre les risques et les bénéfices ainsi que les dispositions prises pour minimiser les risques.

6386

5.4.3

Rapport de la nouvelle disposition constitutionnelle avec les règles européennes

Le présent projet de disposition constitutionnelle reprend les quatre principes essentiels ancrés au niveau de la loi en Europe et dans beaucoup d'autres pays. La Suisse est ainsi en concordance avec l'évolution internationale de la réglementation dans le domaine de la recherche sur l'être humain.

6

Conséquences

Les conséquences du nouvel article constitutionnel n'apparaîtront qu'au stade de sa mise en oeuvre législative, en l'occurrence dans le projet de loi relative à la recherche sur l'être humain. Aussi se reportera-t-on au commentaire du projet de loi pour prendre connaissance des conséquences financières et des effets sur l'état du personnel pour la Confédération, les cantons et les communes. L'avant-projet de loi relative à la recherche sur l'être humain, qui portait alors sur la recherche humaine dans le domaine de la santé (cf. ch. 3.2), prévoyait que les coûts annuels à la charge de la Confédération s'élèveraient à environ 400 000 francs, pour autant que l'exécution continue d'être principalement assumée par les cantons. Les frais occasionnés par les commissions d'éthique cantonales seraient couverts par des émoluments49.

Les effets économiques ne peuvent être établis qu'au niveau de la loi, une fois que les droits et les devoirs des chercheurs et des autres acteurs impliqués auront été précisés.

7

Rapport avec le programme de la législature et le plan financier

Le projet est annoncé dans le rapport du 25 février 2004 sur le programme de la législature 2003 à 200750.

49 50

L'avant-projet est disponible sur le site Internet de l'Office fédéral de la santé (http://www.bag.admin.ch).

FF 2004 1035, en l'occurrence p. 1080.

6387

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