07.059 Message relatif à la modification de l'arrêté fédéral sur un crédit-cadre pour cautionnement visant à garantir un nombre suffisant de navires de haute mer battant pavillon suisse du 27 juin 2007

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons le projet de modification de l'arrêté fédéral du 5 juin 2002 renouvelant le crédit-cadre pour cautionnement visant à garantir un nombre suffisant de navires de haute mer battant pavillon suisse (FF 2002 4905) en vous demandant de l'approuver.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

27 juin 2007

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2007-0601

4949

Condensé Poursuivant la politique d'encouragement de la flotte de haute mer prônée par la Confédération, les deux Chambres fédérales avaient autorisé, en juin 2002 et pour les dix années à venir, un crédit-cadre de cautionnement portant sur 600 millions de francs et destiné à faciliter le financement des navires suisses. Cette politique vise à maintenir un tonnage adapté afin de garantir les importations et les exportations suisses en temps de crise. Le système suisse de caution, qui remonte à 1959, s'est révélé excellent. Au cours des années, il a ainsi permis de mettre, en moyenne, sous pavillon suisse 25 navires de divers types et tailles, représentant une capacité totale de chargement qui dépasse actuellement les 800 000 tonnes; en cas de crise, l'approvisionnement du pays pourrait, à tout moment, disposer de ces navires.

Même si la guerre froide s'est terminée voilà 17 ans et si la donne a bien changé en matière de sécurité, le fait d'avoir sa propre flotte commerciale répond encore aux besoins réels de l'approvisionnement. A l'heure de la mondialisation, où l'échange de biens à l'échelle internationale connaît une ampleur inouïe, la navigation maritime revêt une fonction-clé si l'on considère que 97 % des biens ont au moins une fois voyagé par mer avant d'arriver chez les consommateurs. La concurrence force les acteurs du marché à épuiser toutes les possibilités de baisser les coûts et à réduire fortement leurs stocks de matières premières, d'énergie, d'aliments, de produits semi-finis et de pièces de rechange. Selon le principe des flux tendus, ces biens sont livrés juste au moment où l'on en a besoin, grâce à des systèmes de transport et de logistique efficaces. Cependant les nations industrielles et commerciales ne se préoccupent plus seulement de garantir, pour leur propre besoin, l'acheminement par voie maritime des matières premières, de l'énergie et des aliments en provenance d'outre-mer: face à la concurrence mondiale, elles le font aussi pour garantir leur propre économie. En soutenant fortement leur flotte commerciale, les pays maritimes s'assurent donc des avantages concurrentiels. Comme, en cas de sérieuses perturbations de la navigation, les tonnages ont tendance à se raréfier très vite, les pays dotés d'une grande flotte marchande sont aussi prêts à faire main basse sur leurs
navires, à des fins économiques et militaires. Pour la Suisse, Etat enclavé, les transports maritimes constituent le maillon faible de la chaîne d'approvisionnement. Vu l'art. 102 Cst., qui oblige la Confédération à assurer l'approvisionnement du pays en biens et services de première nécessité, il faut disposer de tonnages commerciaux appropriés pour maîtriser des pénuries.

Notre flotte contribue ainsi non seulement à garantir l'approvisionnement au sens classique en cas de crise, mais renforce aussi l'économie suisse dans un contexte mondialisé.

L'objectif déclaré du cautionnement lancé en 2002 est de remplacer graduellement nos navires sur dix ans. Le montant du crédit-cadre accordé à cet effet repose sur les chiffres du cautionnement réalisé de 1992 à 2002. Avec la reprise de la conjoncture enregistrée à partir de 2003, le prix des navires a augmenté d'au moins 50 %.

Les armateurs qui n'avaient pas acheté ou commandé leurs navires en temps voulu sont encore dans l'expectative. De ce fait, il est clair que l'objectif de renouvellement des navires ne pourra pas être atteint à la fin de la période prévue.

4950

Actuellement, près des trois quarts du crédit ont été utilisés pour des navires déjà livrés ou engagés pour des projets concrets. Mais pour remplacer une bonne douzaine de navires, les moyens restants ne suffiront pas, même si, comme on peut s'y attendre, les prix vont baisser. En outre, l'évolution politico-économique impose de compléter notre flotte pour matières sèches, bien diversifiée, par un nombre limité de navires-citernes de taille moyenne. A l'origine, on n'avait pas prévu de fonds pour ce type de navires. Le Conseil fédéral demande donc d'augmenter de 500 millions de francs le crédit-cadre de cautionnement et de le prolonger de 5 ans.

Ainsi, le montant de cautionnement disponible passera de 60 à 73 millions par an, soit une augmentation modérée.

Depuis que la Confédération s'est engagée à promouvoir la navigation, elle n'a pas perdu un franc dans l'affaire. Mais si le risque est jugé extrêmement faible, ce n'est pas seulement pour cette raison. Si la Confédération devait effectivement honorer sa promesse de cautionnement, elle aurait ­ vis-à-vis du propriétaire du navire ­ une créance couverte par un droit de gage de premier rang sur le bateau et par toutes les prestations d'assurance cédées au garant. Le risque résiduel étant marginal, la Confédération s'assure, par son engagement, un haut degré de sécurité en matière d'approvisionnement.

4951

Message 1

Contexte et situation

1.1

Contexte

Depuis la fin des années 40, la Confédération encourage la flotte suisse de haute mer dans l'intérêt de l'approvisionnement économique du pays (AEP). Au départ, elle accordait à cet effet des prêts à taux intéressant et depuis 1959, elle participe de façon subsidiaire au financement en se portant caution vis-à-vis des banques. Le Parlement a approuvé chaque crédit-cadre de cautionnement, pour une durée déterminée. En juin 2002, par l'arrêté fédéral renouvelant un crédit-cadre pour cautionnement visant à garantir un nombre suffisant de navires de haute mer battant pavillon suisse (FF 2002 4905), les Chambres fédérales avaient accordé un crédit de 600 millions de francs sur dix ans. Ainsi, le Conseil fédéral et le Parlement confirmaient leur volonté de poursuivre la politique ­ couronnée de succès ­ visant à encourager la flotte de haute mer, dans l'intérêt du pays. A mi-échéance, il s'avère que le crédit-cadre a été utilisé pour financer des navires ou définitivement engagé pour des projets concrets. Comme les prix ont fortement augmenté ces dernières années, les moyens prévus ne vont pas suffire pour renouveler comme auparavant les navires pour matières sèches. Vu les réticences à réinvestir, affichées par les armateurs en raison des prix, la plage temporelle prévue pour renouveler la flotte risque d'être insuffisante.

Dans son message du 7 novembre 2001 renouvelant l'ouverture d'un crédit-cadre pour cautionnement visant à garantir un nombre suffisant de navires de haute mer battant pavillon suisse (FF 2002 884), le Conseil fédéral s'était expliqué sur la composition de la flotte: vu les circonstances et surtout de par son affiliation à l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la Suisse n'avait pas vraiment besoin de pétroliers transportant du brut ou des dérivés; si toutefois la situation devait se présenter différemment, il faudrait se repencher sur cette question (FF 2002 898).

La situation a changé et l'AIE prévoit ­ comme la Suisse ­ de garantir l'approvisionnement en faisant jouer prioritairement non plus un système rigide d'attribution avec des quotas par pays, mais la libération des réserves obligatoires et les forces du marché. En outre, les pays industrialisés se heurtent de plus en plus à la taille insuffisante de leurs raffineries alors que les pays producteurs au MoyenOrient et
en Afrique du Nord et de l'Ouest se sont mis à développer leurs capacités de raffinage du brut destinées à l'export. Or, pour diverses raisons, le nombre de navires-citernes est très limité dans le monde. Pour l'AEP, il serait judicieux de disposer de quelques navires-citernes à usage multiple, notamment pour les raisons suivantes.

Vu le prix élevé du pétrole, il sera de plus en plus intéressant ­ même si les débuts sont modestes ­, de remplacer les produits pétroliers par des carburants et des combustibles tirés de matières premières renouvelables, qui proviennent essentiellement d'outre-mer (Amérique du Sud et Asie). La possibilité d'obtenir simultanément des certificats environnementaux négociables est très prometteuse. Enfin, l'échange de biens accru à l'échelle mondiale inclut aussi les matières liquides (chimiques ou alimentaires). Or, de nos jours, ces produits sont transportés de plus en plus souvent par voie maritime, comme n'importe quelle autre marchandise. En additionnant tous 4952

ces facteurs, force est de constater que la situation a changé, au point de justifier l'adaptation de notre flotte de navires-citernes. Le crédit-cadre de cautionnement accordé ne suffit toutefois pas pour renouveler notre flotte pour matières sèches et pousser à acheter un nombre adéquat de navires-citernes.

Les arguments avancés autrefois pour justifier l'existence de la flotte suisse de haute mer n'ont rien perdu de leur actualité. Nous renvoyons donc au message précité (FF 2002 884).

1.2

Procédure préliminaire

Les intéressés, à savoir les acteurs de la navigation maritime, l'association des armateurs suisses, economiesuisse, le syndicat Unia et l'Union pétrolière suisse, ont eu l'occasion de s'exprimer sur le projet pendant sa préparation. Ils approuvent l'augmentation du crédit-cadre de cautionnement et sa prolongation de 5 ans. Vu le niveau actuel des prix des navires, l'association des armateurs suisses estime que l'augmentation du crédit ne sera pas suffisante. L'Union pétrolière suisse ne voit pas dans la flotte de navires-citernes un avantage direct pour l'approvisionnement de la Suisse en produits pétroliers, mais elle y voit des atouts pour l'approvisionnement du pays en général.

1.3

Situation

1.3.1

Le poids économique de la navigation de haute mer

Ces 25 dernières années, surtout après la guerre froide, les marchés se sont peu à peu ouverts pour constituer un ensemble de taille inédite. Cela a permis un échange presque illimité de biens dans le monde dont ont surtout profité les économies des pays industrialisés et émergents. Cette mondialisation, qui se caractérise par une concurrence internationale très rude, est pratiquement irréversible. Dans cette compétition, le facteur «coût» joue le rôle principal. On réduit surtout les coûts en profitant systématiquement des avantages d'un site économique. Cela a de profondes conséquences structurelles sur l'économie mondiale. On produit là où les coûts de fabrication sont les plus bas, ce qui implique qu'un bien est souvent, au gré des étapes de sa fabrication, transporté plusieurs fois d'un site à l'autre avant de parvenir au consommateur. La pression sur les coûts a aussi mis en évidence d'autres conséquences: les réserves de matières premières, d'énergie, de produits semi-finis et de pièces détachées sont supprimées ou réduites au strict minimum, car elles immobilisent d'importants moyens financiers. Si les acteurs du marché veulent rester concurrentiels, ils doivent éviter ces coûts. Les biens sont donc livrés selon le principe des flux tendus, juste au moment où l'on en a besoin. Ce modèle économique exige toutefois que les infrastructures de logistique, de communication et de transport fonctionnent de façon impeccable. De nos jours, les systèmes doivent garantir un flux si possible ininterrompu, en limitant les transbordements. Le baromètre de cette évolution est l'usage de conteneurs normalisés qui bat des records de croissance d'une année sur l'autre.

Dans l'économie mondialisée, l'importance des transports maritime, aérien et terrestre augmente. La navigation maritime joue un rôle central car quelque 97 % des biens sont acheminés ­ au moins une fois, mais souvent bien plus ­ par mer avant de 4953

parvenir aux consommateurs. Cette importance accrue de la navigation maritime est due aux volumes transportés, en hausse massive, et aux distances de plus en plus longues à parcourir. De plus, si la compétition est rude pour acheminer les marchandises sur un continent (route, rail, fleuves), les choses sont différentes pour les transports maritimes à l'échelle intercontinentale: la concurrence existe au sein même de la branche. En résumé, suite au changement structurel dans l'économie mondialisée, la navigation maritime s'est fortement développée ces 15 dernières années: les tonnages ont augmenté de 35 %. De 1990 à 2005, le commerce maritime mondial est passé de 3977 à 6247 millions de tonnes (en comptant les navires de plus de 100 tjb) et le nombre de miles parcourus par tonne est passé de 17 121 à 26 355 milliards.1

1.3.2

La navigation maritime, un risque pour l'approvisionnement à l'échelle mondiale

Nul ne conteste les avantages économiques de l'échange de biens mondial et le rôle dominant joué par le trafic maritime. La navigation maritime risque toutefois la paralysie, vu l'absence d'alternative. Elle est fortement exposée aux risques liés à la sécurité et au commerce mais aussi aux catastrophes naturelles et anthropiques.

Dans des zones clés comme l'Asie, de graves perturbations ou une interruption de la navigation maritime auraient, en un rien de temps, de graves conséquences sur le commerce et donc sur l'approvisionnement en matières premières, en énergie et en produits semi-finis ainsi que sur la production industrielle et donc sur l'économie mondiale. En cas de crises majeures ou de conflits armés, les Etats impliqués font généralement main basse sur les navires marchands pour satisfaire leurs besoins logistiques, asséchant d'autant les capacités sur le marché. Mais la pénurie de tonnages maritimes a d'autres causes que l'intervention étatique: des tensions hégémoniques, des mesures politico-économiques à l'encontre de certains Etats ou groupes de pays, le terrorisme et les catastrophes naturelles ou anthropiques peuvent accroître la demande et donc réduire fortement les tonnages. L'exemple le plus récent est celui du marché des navires-citernes qui a été complètement asséché par la destruction de nombreuses raffineries américaines, causée par les ouragans Rita et Katrina, en été et à l'automne 2005. D'août à novembre, aucun navire-citerne n'était disponible sur le marché car les capacités étaient immobilisées par des contrats de fret de longue durée et tous les navires encore libres étaient utilisés pour transporter vers les EtatsUnis des produits pétroliers d'Europe, d'Amérique du Sud et d'Asie. La demande de capacités a donc explosé, causant une hausse inouïe des taux de fret, ce qui a encore renchéri les produits pétroliers. Cet exemple illustre bien avec quelle rapidité un seul événement peut entraîner une pénurie sectorielle sur le marché. Le fait est que, malgré quelques surcapacités sectorielles et occasionnelles, il n'y a pas de réserves suffisantes. Pour des raisons économiques, les capacités des navires ne sont pas prévues pour répondre à des situations extraordinaires mais à la demande normale, qui s'est établie au fil des ans. Si plusieurs événements se conjuguent, des crises peuvent très vite frapper l'économie mondiale (cf. point 2.1.3 du message de 2001; FF 2002 890 s.).

1

Institut de la navigation maritime et de la logistique (Université de Brême).

4954

1.3.3

Programmes nationaux visant à garantir la compétitivité économique

Pendant longtemps, les nations maritimes se sont concentrées sur la sécurité et l'approvisionnement. Avec leur flotte, elles visaient surtout à assurer le ravitaillement en matières premières et autres biens vitaux pour leur propre économie, tout en poursuivant parfois des objectifs industriel et occupationnel. Ces objectifs classiques sont toujours visés, mais ils sont passés à l'arrière plan, surtout le volet sécurité.

A l'opposé, à l'heure de la mondialisation, les pays industrialisés et les nations émergentes mettent au premier plan la compétitivité de leur site économique. De nos jours, l'encouragement d'une flotte se fait surtout à cet effet: un pays qui veut rester compétitif doit pouvoir fabriquer ses produits partout et à tout moment puis les livrer à des prix concurrentiels. Pour ce faire, il doit bien évidemment disposer des matières premières, de l'énergie, des produits semi-finis et des pièces détachées requises.

Pour résister à la concurrence internationale, il est donc impératif d'avoir une flotte commerciale performante.

Les nations industrialisées et les pays émergents encouragent donc autant qu'ils peuvent leur flotte commerciale. Les avantages qu'ils lui accordent sont très variés et ils sont octroyés, plus ou mois ouvertement, à différents titres. La République fédérale d'Allemagne mène une politique particulièrement efficace pour sa flotte.

L'essentiel de son encouragement repose sur la taxe de tonnage liée au barème fiscal des sociétés en commandite, grâce auquel les compagnies maritimes sont taxées selon un taux linéaire bas. Dans ce système, les bénéfices tirés de la vente de navires et les gains en capitaux des sociétaires ne sont pas imposés. La taxe de tonnage est très largement répandue et compte, dans l'Union européenne, parmi les principales subventions autorisées dans le secteur de la navigation.

1.3.4

Politique suisse d'encouragement de la flotte

La Confédération a longtemps pratiqué une politique d'encouragement classique dans l'optique de la sécurité et de l'approvisionnement. Il fallait garantir, en cas de crise ou de guerre en Europe, le transport de biens vitaux en provenance d'outremer. La navigation maritime, secteur de services, a donc longtemps été considérée comme vitale, mais uniquement de ce point de vue. Or son importance n'est pas seulement liée à nos importations. Face à la mondialisation, il est au moins aussi vital de garantir nos exportations en transportant produits finis et semi-finis, notamment d'échanger des marchandises porteuses de plus-value. Des problèmes de navigation et l'accès réduit aux capacités requises peuvent s'avérer fort dommageables, lors d'une crise, pour l'industrie suisse et sa compétitivité; cela pourrait même remettre en question l'existence de plusieurs secteurs. Vu l'implication de la Suisse dans l'économie mondialisée, cet aspect revêt aujourd'hui une importance capitale.

La navigation maritime est donc, en vertu du mandat inscrit dans l'art. 102 de la Cst., un secteur de service vital en soi. La «stratégie de l'approvisionnement économique du pays»2 tient bien compte de cet aspect. En temps de crise, il faut garantir

2

Point 3.6.4 de la Stratégie de l'approvisionnement économique du pays du DFE (adoptée par le Conseil fédéral le 15 octobre 2003).

4955

l'import-export des biens nécessaires, notamment en fournissant des tonnages de haute mer suffisants.

La Confédération poursuit avec cohérence sa politique d'encouragement de la flotte, lancée après la seconde guerre mondiale, en tenant compte de la nouvelle donne politico-économique dictée par la mondialisation. Cette politique se fonde aujurd'hui sur le crédit-cadre de cautionnement de 600 millions de francs, ouvert en 2002 par les Chambres fédérales (FF 2002 4905). Le cautionnement de navires ayant fait ses preuves, en raison de sa souplesse, il est inutile de pratiquer d'autres formes d'encouragement. Les méthodes appliquées ailleurs n'auraient pas l'effet escompté ou ne seraient pas adaptées aux réalités suisses.

1.3.5

Développement de la flotte commerciale suisse

Grâce à la flexibilité du cautionnement ­ octroyé pour la première fois en 1992 par le Conseil fédéral et confirmé en 2002 lors du renouvellement du crédit-cadre ­, la Suisse a pu constituer une flotte commerciale très moderne et compétitive, adaptée aux besoins de l'approvisionnement du pays. Le taux de nantissement, fixé à 85 % au plus du prix d'achat a permis aux sociétés propriétaires d'acheter surtout des navires neufs, ce qui a contribué à rajeunir nettement la flotte (moins de 4 ans en moyenne). L'objectif du cautionnement est de conserver le niveau atteint en renouvelant régulièrement les capacités: comme le montre le tableau ci-dessous, l'âge moyen des navires est remonté et devrait être de dix ans au moins à l'échéance de la présente campagne de cautionnement.

Nombre de navires

Age moyen

Capacité de chargement en tpl3

Vraquiers handysize handymax panamax

12 5 4 3

7 ans 5 ans 7 ans et ½ 8 ans

520 522 109 760 191 674 219 088

9 5 4 0

Cargos pour marchandises emballées ou transformables en porte-conteneurs: multicargo porte-conteneurs/ bulk feeder porte-conteneurs

14

4 ans et ½

312 634

6

21 451

6 2

3 ans et ½ 8 ans

66 419 10 100

6 0

4 067 440

6

2 ans et ½

236 115

0

16 944

5 3 2

4 ans et ½ 6 ans et ½ 1 an

53 472 13 512 39 960

5 3 2

31

5 ans et ½

886 628

20

Navires-citernes pour produits spéciaux pour divers produits Total

3 4

Navires avec grues ou engins autochargants

evp4

Type de navire

21 451

tpl (tonne de port en lourd): poids maximal (cargaison, pétrole de soute et lubrifiants et ravitaillement de l'équipage) qu'un navire peut transporter en franc-bord d'été.

evp (équivalant 20 pieds), en anglais TEU: Twenty Foot Equivalent Unit.

4956

Les conditions de cautionnement actuelles permettent d'adapter régulièrement l'offre de navires aux nouveaux besoins de transports par voie maritime. Une flotte moderne et répondant au marché constitue la meilleure garantie de son utilité pour l'AEP, mais aussi du très faible risque financier encouru.

Le développement de la flotte a aussi été favorisée par le niveau des prix des navires ­ historiquement très bas ­ enregistrés entre 1997 et 2002. Ensuite, les prix ont fortement augmenté en raison de la conjoncture. Ils demeurent à un très haut niveau.

Même si ces prix vont baisser, vu l'évolution cyclique du marché des navires, il ne faut pas s'attendre à ce qu'ils retombent au niveau plancher mentionné. Des armateurs, qui n'avaient rien commandé avant 2003, hésitent encore, à juste titre, à réaliser leur plan de réinvestissement. Mais d'ici à la fin du programme de cautionnement, il y aura un besoin accru de financement pour atteindre les objectifs de renouvellement de la flotte: en effet, un crédit de cautionnement sera requis pour acquérir plusieurs navires-citernes (voir point 1.3.7 ss).

1.3.6

Composition de la flotte suisse de haute mer

Comme le montre le tableau du point 1.3.5, la flotte suisse de haute mer est surtout composée d'unités pour marchandises sèches, en trois catégories (vraquiers, cargos pour marchandises emballées et porte-conteneurs) de taille différente. Pour l'AEP, la composition est idéale pour les matières sèches: en cas de crise, on disposerait de capacités suffisantes, dans des navires modernes, pour tous les types de cargaison.

Pour les navires-citernes, le tableau est moins flatteur: aujourd'hui, nous n'en avons que trois petits pour les produits spéciaux et deux moyens. Ce nombre restreint, qui plus est de navires de petite taille, s'explique par la réticence de notre pays à encourager des navires transportant des liquides, vu la politique préconisée par l'AIE en matière d'approvisionnement. La flotte suisse a toujours compté quelques naviresciternes, d'une capacité variant entre 4000 et 10 000 tpl, destinés à acheminer des produits chimiques et des aliments liquides. Les deux bâtiments de taille moyenne navigant sous pavillon suisse font partie d'une série de 4 navires identiques, les 2 autres devant être livrés en 2008.

1.3.7

Navires-citernes

La réticence à inclure des navires-citernes dans le programme d'encouragement de la flotte n'a plus de raison d'être, surtout depuis que l'AIE a quasiment abandonné son système d'attribution par quotas fixes pour confier aux pays membres la responsabilité de s'approvisionner en pétrole.

Cependant, les navires-citernes ne servent pas uniquement à transporter des huiles minérales. L'échange de biens dynamisé par la mondialisation ne concerne pas que les marchandises sèches, mais aussi des liquides. Pour les transporter, il faut des navires-citernes polyvalents, non limités à des usages spécifiques. On ne retiendra donc que des navires capables de transporter aussi bien des produits chimiques ou pétroliers que des produits biologiques comme l'éthanol, le bio-diesel, l'huile de palme ou d'autres aliments liquides.

4957

La stratégie de l'AEP prévoit de combler une pénurie de produits pétroliers en puisant d'abord dans les stocks obligatoires tout en stimulant les importations. A terme, il faudra toutefois envisager d'importer ces produits directement des pays producteurs (Moyen-Orient, Afrique, Amérique du Sud ou Russie), qui développent leurs capacités de raffinage. Comme la flotte mondiale de navires-citernes est limitée, l'ouragan Katrina l'a mis en évidence, nous devons avoir nos propres capacités de transport, auxquelles nous pourrons accéder rapidement, à tout moment.

En cas de crise de l'approvisionnement, pour satisfaire les divers besoins de transport de matières liquides, nous aurons besoin, selon les experts en logistique, en plus de nos bâtiments de petite taille, d'une flotte de navires-citernes à usage multiple, d'environ huit navires de taille moyenne et d'une capacité allant de 20 000 à 40 000 tpl. Nul besoin, par contre, de pétroliers car, en cas de perturbations du marché, les cargaisons se réduiraient. Vu le nombre et le tonnage actuel de ces pétroliers, il faut plutôt s'attendre à une offre excédentaire lors d'une crise. En cas d'urgence, les huit navires-citernes pourraient aussi servir à acheminer du brut. Mais en temps normal, ce transport ne serait guère rentable, vu les capacités réduites de ces navires-citernes.

2

Poursuite du programme d'encouragement

2.1

Besoins financiers supplémentaires

Lorsque le crédit-cadre de cautionnement (FF 2002 4905) a été accordé en juin 2002, les prix des navires se situaient à un niveau très bas. Pendant le second semestre 2003, ils ont soudainement augmenté pour atteindre des niveaux historiques.

Cette hausse, due à l'essor économique de l'Asie (en Chine et en Inde surtout), a affecté tant les bâtiments neufs que les navires d'occasion. Après 2005, les prix ont légèrement baissé avant de se stabiliser à un niveau élevé. Le tableau suivant fournit un aperçu des prix des navires neufs dans les chantiers navals asiatiques: Type de navire

Prix du navire neuf en 2002 en millions USD

Prix du navire neuf en 2007 en millions USD

Navires p. marchandises sèches handysize handymax panamax multicargo porte-conteneurs / bulk-feeder porte-conteneurs

18 20 30 27 12 40

35 50 60 38 18 65

Navires-citernes pour produits spéciaux (5000 tpl) pour divers produits (20 000 tpl)

18 27

30 42

En moyenne, les prix actuels sont au moins de 50 % supérieurs à ceux de 2002. La croissance économique se poursuit en Asie, ils devraient donc rester quelques années encore à ce niveau. Comme certaines commandes ont été passées aux chantiers navals d'Extrême-Orient, avant le boom, dix navires ont pu être financés à des prix intéressants grâce à l'aide fédérale. Sept ont été livrés entre 2002 et 2006, les trois restants devant être remis aux sociétés propriétaires courant 2007. Quatre de 4958

ces nouveaux bâtiments sont des navires-citernes de taille moyenne, leur capacité avoisinant les 20 000 tpl. Ils constituent donc la base de la flotte de navires-citernes requise pour l'AEP. Outre ces dix bâtiments neufs, six navires d'occasion de taille moyenne ont pu être financés.

Les 600 millions de francs initialement accordés par le Parlement pour le cautionnement étaient exclusivement destinés au remplacement des navires, sous dix ans, aux conditions économiques de l'époque. Ce crédit-cadre (FF 2002 898) ne prévoyait toutefois pas de fonds pour financer des navires-citernes de taille moyenne.

2.2

Augmentation et prolongation du crédit-cadre de cautionnement

Le niveau de prix des navires a fortement augmenté, aussi le montant du cautionnement accordé ne permettra pas de maintenir la flotte à son niveau de fin 2001, début 2002 en la complétant par quelques navires-citernes. La flotte suisse comptait alors de très jeunes unités, en moyenne; par ailleurs, les armateurs hésitent à réinvestir, face aux fortes augmentations de prix. Dans ce contexte, les dix ans prévus sont clairement insuffisants: pour atteindre l'objectif initial de l'arrêté fédéral, à savoir de renouveler graduellement la flotte et pour la compléter par des navires-citernes, il faut des fonds supplémentaires. Une augmentation du crédit-cadre n'a toutefois de sens que si l'on prolonge simultanément la période d'investissement.

Pour calculer le montant supplémentaire du cautionnement, il faut partir des besoins initiaux, 600 millions de francs sur dix ans, soit 60 millions par année. Il faut pondérer ce montant en retenant un renchérissement moyen de 30 % (et non le renchérissement actuel de 50 %), ce qui représente 200 millions. A cela s'ajoutent 300 millions pour l'achat de quelque huit navires-citernes moyens. Comme certains d'entre eux ont déjà été partiellement financés grâce aux moyens accordés, le solde ne suffit pas pour remplacer les navires transportant des matières sèches. Au total, cela porte à 500 millions de francs le montant supplémentaire requis pour le cautionnement.

Vu l'interruption des réinvestissements, il est judicieux de prolonger simultanément de cinq ans la durée du crédit-cadre de cautionnement en la portant à quinze ans.

Pris sur les dix années restantes, le besoin annuel moyen de crédit de cautionnement passerait donc de 60 à 73 millions de francs.

3

Conséquences

3.1

Risques et garanties pour la Confédération

L'expérience a montré que le risque encouru par la Confédération en cautionnant les navires est très faible. Depuis qu'elle s'est engagée, en 1959, ­ comme entre 1948 et 1959, pour les financements directs ­ elle n'a jamais subi de perte. A l'heure actuelle, aucun des prêts cautionnés n'est menacé. Si la Confédération devait honorer sa promesse de cautionnement, elle aurait ­ vis-à-vis de l'armateur ­ une créance garantie par un droit de gage de premier rang sur le navire et par la cession de toutes les prestations de la compagnie assurant le navire. Ainsi, le risque réel se réduit à une créance pour le montant du déficit qui, au vu des garanties, peut être considérée comme minime.

4959

3.2

Conséquences économiques généralement favorables de l'encouragement de la navigation

L'encouragement de la navigation maritime suisse est un moyen pour garantir la sécurité et l'approvisionnement avec lequel on ne peut, pour des raisons institutionnelles, poursuivre d'autres objectifs. En tant qu'instrument financier, le cautionnement s'est cependant avéré si attrayant que, ces dernières années, les compagnies de navigation traditionnelles en Suisse romande ont été rejointes par trois groupes de Suisse alémanique. L'encouragement de la navigation maritime permet également de donner un coup de pouce à des PME. Sans le cautionnement fédéral, les compagnies concernées auraient sans doute élu leur siège social dans un pays plus favorable aux affaires maritimes ou n'auraient pas enregistré leurs navires sous pavillon suisse. Or ces sociétés gagnent de l'argent à l'étranger, paient leurs impôts ici et assurent plus de 100 places de travail rien qu'en Suisse. Comme le démontrait le message du 7 novembre 2001 (FF 2002 901): promouvoir la navigation maritime renforce indirectement la Suisse en tant que prestataire de services.

3.3

Conséquences pour les finances et le personnel

Des crédits d'engagement sont requis pour l'octroi de caution en vertu de l'art. 21, al. 4, let. e, de la loi du 7 octobre 2005 sur les finances de la Confédération (RS 611.0). Ils figurent au budget prévisionnel et au compte d'Etat, sous la rubrique «crédits d'engagement et plafond de dépenses», à la fois dans leur globalité et par montants réclamés. Les engagements contractés sont compensés par des créances garanties par une hypothèque et une cession des prestations d'assurance. Si la Confédération devait honorer sa promesse de cautionnement sans que le droit de gage et les prestations d'assurance ne couvrent la créance pour le montant du déficit, les fonds nécessaires pourraient être demandés par un crédit budgétaire, si les délais le permettent, ou par un crédit supplémentaire si les besoins sont urgents et imprévisibles.

L'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays peut, comme auparavant, assumer avec ses propres ressources la gestion du crédit pour cautionnement.

4

Programme de la législature

Le présent projet n'est pas inscrit au programme de législature 2004 à 2007 car on ne pouvait pas encore prévoir, à l'époque, l'évolution du prix des navires et du secteur des pétroliers.

5

Aspects juridiques

5.1

Forme de l'acte à adopter

L'Assemblée fédérale est habilitée à autoriser l'adaptation du crédit-cadre en vertu des art. 167 de la Constitution et 25 de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (RS 171.10). Comme il ne s'agit pas d'une disposition normative, l'acte sera édicté 4960

­ en vertu de l'art. 163, al. 2, Cst. ­ sous la forme d'un arrêté fédéral simple, non soumis au référendum.

Le crédit se fonde sur l'art. 22, al. 1, de la loi du 8 octobre 1982 sur l'approvisionnement du pays (RS 531), aux termes duquel le Conseil fédéral prend «les mesures nécessaires pour assurer des possibilités suffisantes de transport et de communications». Les modalités de l'octroi du cautionnement sont réglées dans l'ordonnance du 14 juin 2002 sur le cautionnement de prêts pour financer des navires suisses de haute mer (RS 531.44).

5.2

Frein aux dépenses

En vertu de l'art. 159, al. 3, let. b, Cst., l'arrêté fédéral proposé est soumis au frein aux dépenses et doit être approuvé à la majorité des membres de chaque Conseil.

5.3

Compatibilité avec le droit européen

Le cautionnement fédéral proposé est compatible avec les dispositions de l'Union européenne (art. 87 à 89 du traité de la CE). Les aides publiques (avantages fiscaux et autres) que les autorités européennes autorisent d'accorder au secteur maritime vont bien au-delà de la mesure proposée ici.

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