07.079 Message relatif à la modification de la loi fédérale sur la circulation routière (Retrait du permis de conduire suite à une infraction commise à l'étranger) du 28 septembre 2007

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons un projet modifiant la loi fédérale sur la circulation routière, que nous vous proposons d'accepter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

28 septembre 2007

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2007-1902

7167

Condensé Par un jugement rendu le 14 juin 2007 (6A.106/2006), le Tribunal fédéral a constaté que la loi fédérale sur la circulation routière ne présentait pas de base légale suffisante relative au retrait du permis de conduire suisse à une personne ayant enfreint les règles de la circulation routière à l'étranger. Il n'est donc plus possible de retirer le permis suisse suite à une déchéance du droit de conduire à l'extérieur des frontières helvétiques. La sécurité routière n'en ressort pas renforcée, bien au contraire. En effet, les infractions routières graves ­ par exemple les excès de vitesse importants ou la conduite en état d'ébriété ­ commises dans un autre pays ne peuvent pas être dûment sanctionnés, parce que leur auteur n'y séjourne que rarement ou n'y passe que peu de temps. En outre, le but visé par le retrait d'admonestation, qui est de lutter contre la récidive, ne peut être atteint dans l'Etat de résidence du conducteur fautif. Le présent projet de révision partielle de la loi fédérale sur la circulation routière entend précisément établir les bases légales nécessaires à un tel retrait afin que la pratique cantonale établie depuis de nombreuses années puisse être poursuivie.

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Message 1

Les grandes lignes du projet

1.1

Situation initiale

Le retrait du permis de conduire aux fins d'admonestation constitue une mesure préventive et éducative prise dans l'intérêt de la sécurité routière. Cette sanction a pour but d'inciter l'auteur de l'infraction à respecter les règles de la circulation à l'avenir, autrement dit d'éviter qu'il ne mette à nouveau en danger les autres usagers de la route en récidivant. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les infractions routières commises à l'étranger pouvaient jusqu'à présent également être prises en compte pour prononcer un retrait d'admonestation.1 La haute cour justifiait cette pratique par le fait que l'interdiction de conduire prononcée à l'encontre d'une personne non domiciliée dans l'Etat concerné n'avait qu'une incidence limitée et que seule une mesure supplémentaire prise dans le pays de domicile pouvait déployer un plein effet et donc garantir la sécurité routière en Suisse.2 Dans un jugement de 19973, le Tribunal fédéral a précisé que l'autorité de domicile devait examiner la question d'un retrait du permis de conduire suisse même si la déchéance du droit de conduire n'avait pas été prononcée à l'étranger. Cinq ans plus tard, il s'écartait de cette jurisprudence très rigoureuse en déclarant qu'un retrait d'admonestation n'était possible que si l'auteur de l'infraction avait été déchu de son droit de conduire par l'Etat où l'infraction avait été commise.4 Dans un jugement rendu le 14 juin 20075, le Tribunal fédéral a toutefois constaté que la loi fédérale sur la circulation routière ne comportait pas de base suffisante pour justifier le retrait du permis suisse à une personne ayant commis une infraction à l'étranger et qu'une sanction de cette ampleur devait être ancrée dans une loi. Au vu de la situation juridique actuelle, les autorités concernées n'ont par conséquent plus le droit de prononcer un retrait du permis suisse après une infraction routière commise à l'étranger.

1.2

La nouvelle réglementation proposée

La présente révision vise à créer la base légale permettant de retirer en Suisse le permis de conduire à une personne qui a violé les règles de la circulation à l'étranger, à condition qu'elle ait été frappée, pour cette infraction, d'une interdiction d'y circuler. Pour des raisons de sécurité routière, il importe de pouvoir poursuivre en Suisse les manquements commis hors de nos frontières. Bien souvent, les conducteurs se soucient moins des règles de la circulation lorsqu'ils sont à l'étranger, parce qu'en cas d'infraction, il est rare qu'ils se voient infliger la sanction adéquate. C'est ainsi que même une interdiction de conduire de longue durée n'a pas d'effet sur les touristes s'ils ne sont que de passage dans le pays concerné.

1 2 3 4 5

Par ex. ATF 102 Ib 59, 108 Ib 69, 109 Ib 304, 123 II 97, 123 II 464, 128 II 133, 129 II 168.

ATF 109 Ib 304 cons. 2, 123 II 97 cons. 2c ATF 123 II 464 ATF 128 II 133 ATF 6A.106/2006

7169

1.3

Résultats de l'audition

Le projet a été soumis pour avis aux autorités cantonales en charge des mesures administratives du 16 au 26 juillet 2007. Il n'a pas été organisé de consultation au sens de l'art. 3 de la loi sur la consultation (LCo)6. La raison en est double: d'une part, une proposition de modification d'ordonnance allant dans le même sens avait été approuvée dans le cadre d'une consultation en 2003; d'autre part, la réglementation proposée ne fait que créer la base légale d'une pratique admise de longue date, y compris par le Tribunal fédéral. Par ailleurs, la modification proposée améliore le statut des conducteurs concernés, car l'autorité compétente en matière de retraits de permis de conduire doit tenir compte des circonstances concrètes pour en fixer la durée, qui peut, de ce fait, être ramenée en deçà du minimum prévu. Dans le cadre de la consultation, 15 autorités cantonales responsables des mesures administratives ainsi que la Konferenz für Administrativmassnahmen Ostschweiz und Fürstentum Liechtenstein (KAMO, Conférence de la Suisse orientale et de la Principauté de Liechtenstein pour les mesures administratives) se sont prononcées en faveur de la modification proposée.

Les autorités des cantons d'Argovie et de Zurich craignent que les autorités suisses compétentes ne soient guère informées des infractions commises à l'étranger et que l'égalité de traitement ne soit donc plus garantie. La Confédération ne devrait donc pas se cantonner à étayer les bases légales mais plutôt obtenir l'assurance de tous les Etats européens, ou du moins des pays limitrophes, qu'ils signalent systématiquement les infractions. Cette ambition, toute fondée qu'elle soit, ne peut pas s'inscrire uniquement dans la loi fédérale sur la circulation routière; il faudrait conclure un traité international sur la question. Via sicura, le programme d'action visant à renforcer la sécurité routière, prévoit précisément l'engagement actif de la Suisse en faveur d'un système transfrontalier simple et efficace de sanctions pénales des infractions.

1.4

Comparaison avec les accords internationaux et la législation européenne

La Suisse a ratifié en date du 10 mai 1978 la Convention européenne du 3 juin 1976 sur les effets internationaux de la déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur7. Cette convention règle principalement les questions de procédure. Elle autorise les parties contractantes, mais sans les y contraindre, à ordonner, lorsqu'un autre Etat membre les avise d'une déchéance du droit de conduire prononcée sur son territoire, une mesure analogue applicable sur leur propre territoire. Parmi les pays voisins de la Suisse, dans lesquels ont lieu la plupart des infractions commises par les titulaires d'un permis de conduire suisse hors de nos frontières, seules la Principauté de Liechtenstein et l'Italie l'ont ratifiée.8

6 7 8

RS 172.061 RS 0.741.16 Liechtenstein: le 27 janvier 1983, Italie: le 24 mai 1985.

7170

La Convention du 8 novembre 1968 sur la circulation routière9 octroie aux parties contractantes le droit de retirer le permis à un conducteur étranger qui commet une infraction au code de la route sur leur territoire. Elle prévoit que l'Etat où l'infraction a été commise avise alors l'autorité qui a délivré le permis. Cette convention est actuellement en vigueur dans 67 pays, dont tous les pays voisins de la Suisse. Dans notre pays, l'application des dispositions habilite l'autorité cantonale ayant retiré le permis étranger et le droit d'en faire usage sur le territoire helvétique à aviser l'intéressé de la décision prise à son encontre ainsi que l'autorité étrangère compétente. Dans les rares cas où il n'est pas possible de prévenir l'intéressé, l'information lui est transmise via le Département fédéral des affaires étrangères.

La directive européenne du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire10 règle essentiellement l'octroi du permis, mais pas la question de son retrait. En revanche, la convention relative aux décisions de déchéance du droit de conduire11, signée le 17 juin 1998 déjà par les 15 membres qui composaient alors l'UE, repose sur le principe selon lequel une infraction routière commise dans un autre Etat membre est exécutée par l'Etat de résidence de la personne concernée. Par ce biais, la déchéance du droit de conduire doit être applicable dans tous les Etats membres qui ont ratifié la convention. Cette dernière n'est certes pas encore entrée en vigueur, faute d'un taux de ratification suffisant, mais une application anticipée restreinte est possible dans les Etats membres qui, en notifiant leur ratification interne, déclarent vouloir appliquer la convention à l'égard des Etats membres qui ont fait une déclaration analogue. Ces réglementations ne font toutefois pas partie des accords bilatéraux entre la Suisse et l'Union européenne.

En établissant une comparaison avec d'autres pays européens, l'on constate que les infractions commises à l'étranger sont prises en compte différemment dans chaque pays. Alors que par exemple l'Autriche, la Norvège et la Grèce retirent le droit de conduire à un contrevenant qui a été frappé d'une interdiction de circuler à l'étranger, la Belgique et les Pays-Bas n'appliquent pas cette mesure.

1.5

Mise en oeuvre

L'exécution de la loi fédérale sur la circulation routière incombe aux cantons. Selon la réglementation proposée, la question du retrait du permis de conduire suisse suite à une interdiction de circuler à l'étranger sera désormais réglée au niveau de la loi.

Le nouveau régime ne modifiera pas fondamentalement la pratique actuelle, ce qui en garantit la mise en oeuvre.

2

Commentaire relatif aux nouvelles dispositions

Art. 16cbis L'al. 1 précise les conditions d'un retrait de permis de conduire suite à une infraction commise à l'étranger.

9 10 11

RS 0.741.10 Directive 2006/126/CE, JO L 403 du 30 décembre 2006, p. 18 JO C 216 du 10 juillet 1998, p. 1

7171

Premièrement, la déchéance du droit de conduire dans l'Etat où l'infraction a été commise doit avoir fait l'objet d'une décision exécutoire (let. a) rendue par une autorité compétente de ce pays, ce qui présuppose que la faute commise soit d'une certaine gravité. Il ne suffit donc pas qu'une peine pécuniaire ou une peine privative de liberté ait été prononcée et assortie d'un retrait de points ou de l'attribution de points de sanction, selon le système en vigueur dans l'Etat concerné.

Deuxièmement, l'infraction doit être qualifiée de moyennement grave ou de grave au regard de la loi fédérale sur la circulation routière, et donc impliquer le retrait du permis d'élève conducteur ou du permis de conduire (let. b). Ainsi, une interdiction de conduire prononcée à l'encontre d'une personne conduisant un véhicule automobile en ayant un taux d'alcool de 0,3 pour mille dans un pays qui a fixé l'alcoolémie limite à 0,2 pour mille n'aura pas d'incidence sur son droit de circuler en Suisse.

Pour des raisons d'égalité de traitement, la nouvelle réglementation renonce à sanctionner par des mesures supplémentaires les infractions commises à l'étranger si celles-ci sont de peu de gravité aux termes de l'art. 16a LCR12. Cet allégement par rapport au régime actuel se justifie par le fait que les autorités étrangères ne renseignent souvent pas leurs homologues suisses sur les infractions qu'elles considèrent comme légères.

Selon l'al. 2, le retrait de permis qui fait suite à une infraction commise à l'étranger ne doit pas conduire à une double peine. L'al. 2 oblige donc les autorités cantonales concernées à tenir compte de l'effet de l'interdiction de conduire à l'étranger sur l'intéressé lors de la fixation de la durée du retrait de permis. Au moment de l'administration de la mesure en Suisse, il convient, entre autres, de considérer la durée de l'interdiction de conduire prononcée à l'étranger, de déterminer si la mesure a encore cours et, si tel est le cas, pour combien de temps encore; il faut aussi examiner si les deux mesures échoient en même temps et si le conducteur dépend de son véhicule à l'étranger ou non. Ainsi, il sera possible de réduire les mesures suisses en deçà des périodes minimales prévues aux art. 16b et 16c LCR13.

Il appartient aux autorités administratives de trouver des solutions adéquates
au cas par cas.

Le système en cascades mentionné aux art. 16b et 16c LCR, et entré en vigueur le 1er janvier 200514, se rapporte également aux retraits de permis faisant suite à une infraction commise à l'étranger. En cas de récidive, la durée minimale du retrait (compressible pour les infractions commises à l'étranger) augmente indépendamment du fait que la première, la deuxième ou les deux infractions ont été ou non commises à l'étranger. L'esprit et les finalités du système tendent à pénaliser plus gravement les récidivistes. Ainsi, en vertu de l'ordonnance du 18 octobre 2000 sur le registre ADMAS15, l'autorité qui inscrit la mesure dans le registre des mesures administratives doit préciser si l'infraction a été qualifiée de grave, de moyennement grave ou de légère16. Cela permet ensuite de déterminer la durée du retrait en cas de récidive.

12 13 14 15 16

RS 741.01 RS 741.01 RO 2004 2849 RS 741.55 Art. 8, let. f, ch. 9, de l'ordonnance sur le registre ADMAS.

7172

La nouvelle réglementation n'aura pas d'incidence sur le retrait dit «de sécurité» prévu par l'art. 16d LCR en cas d'inaptitude à la conduite. Est réputée inapte à conduire la personne dont les aptitudes physiques et psychiques ne lui permettent plus de conduire avec sûreté un véhicule automobile, qui souffre d'une forme de dépendance rédhibitoire pour la conduite ou qui ne présente pas les qualités caractérielles nécessaires. Si les infractions commises à l'étranger font naître des doutes quant à l'aptitude à conduire, l'autorité suisse concernée doit, comme jusqu'ici, pouvoir prendre en Suisse les mesures qui s'imposent, que l'auteur de l'infraction ait été déchu ou non de son droit de conduire à l'étranger.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

Le projet n'a aucune incidence en matière de finances et de ressources humaines de la Confédération.

3.2

Conséquences pour les cantons

Jusqu'à l'arrêt précité du Tribunal fédéral, les cantons se référaient à l'ordonnance du 27 octobre 1976 réglant l'admission à la circulation routière17 pour le retrait du permis de conduire suite à une interdiction de conduire à l'étranger. Le fait que cette réglementation soit désormais ancrée dans une loi ne leur impose pas de nouvelles tâches. Les dépenses qui en découlent continueront d'être couvertes par les émoluments perçus pour les décisions rendues en matière de retraits de permis.

3.3

Conséquences économiques

Le projet n'a pas d'effets sur l'économie.

4

Liens avec le programme de la législature

Le projet n'est pas mentionné dans le rapport sur le Programme de la législature 2003 à 200718, parce que la nécessité d'une action urgente n'est apparue qu'après l'arrêt du Tribunal fédéral du 14 juin 2007. Pour consacrer dans les meilleurs délais dans la loi la pratique du retrait de permis en Suisse suite à une interdiction de conduire à l'étranger, cette modification est soumise au Parlement séparément, et non dans le cadre d'une révision plus vaste de la LCR.

17 18

RS 741.51 FF 2004 1035

7173

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

La modification proposée dans le présent message se fonde sur la même disposition constitutionnelle que la loi elle-même (art. 82 Cst.19).

5.2

Forme de l'acte à adopter

La modification est de nature purement législative. En vertu de l'art. 164, al. 1, Cst.20, toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale.

19 20

RS 101 RS 101

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