Recours à des experts par l'administration fédérale: ampleur, concurrence et pilotage Rapport de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 13 octobre 2006

2006-2703

1561

Table des matières Liste des abréviations

1563

1 Introduction 1.1 Contexte 1.2 Objet de l'évaluation 1.3 Méthode

1564 1564 1564 1564

2 Conclusions de la Commission de gestion 2.1 Ampleur et profil du recours à des experts externes 2.1.1 Conseil et recherche dans le domaine politique 2.1.2 Recours à des experts externes et politique du personnel 2.1.3 Dépenses de dernière minute importantes 2.2 Attribution des mandats et concurrence 2.3 Pilotage et contrôle des mandats de consultants

1565 1565 1565 1566 1568 1569 1572

3 Suite de la procédure

1573

Appendice Recours à des experts externes par l'administration fédérale.

Rapport à l'attention de la Commission de gestion du Conseil des Etats

1562

1575

Liste des abréviations CDF

Contrôle fédéral des finances

CdG-E

Commission de gestion du Conseil des Etats

ChF

Chancellerie fédérale

CPA

Contrôle parlementaire de l'administration

DFJP

Département fédéral de justice et police

FF

Feuille fédérale

GMEB

Gestion par mandat de prestations et enveloppe budgétaire

LFC

Loi du 7 octobre 2005 sur les finances de la Confédération (loi sur les finances, RS 611.0)

LMP

Loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics (RS 172.056.1)

OFCL

Office fédéral des constructions et de la logistique

OFIT

Office fédéral de l'informatique et de la télécommunication

OFPER

Office fédéral du personnel

OMC

Organisation mondiale du commerce

OMP

Ordonnance du 11 décembre 1995 sur les marchés publics (RS 172.056.11)

RS

Recueil systématique du droit fédéral

1563

Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte

Le 21 janvier 2005, la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E) a chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) d'effectuer une évaluation du recours à des consultants externes par l'administration fédérale. Les responsables politiques, mais aussi les médias, critiquant avec une insistance croissante la progression continue du recours à des experts externes et le contrôle insuffisant de leur activité, il semblait justifié de procéder à un tel examen approfondi. Des interventions parlementaires ont montré qu'aucune vue d'ensemble du nombre, du volume financier et de la procédure d'attribution des mandats d'expertise n'avait été établie à ce jour. Dans une telle situation, il n'est pas étonnant que d'aucuns suspectent certains offices fédéraux de népotisme et les accusent de ne pas adjuger ces mandats sur appel d'offres et de travailler depuis des années avec les mêmes experts.

1.2

Objet de l'évaluation

Se fondant sur l'esquisse de projet du CPA, qui présentait trois options d'évaluation, la sous-commission DFJP/ChF1 de la CdG-E a arrêté le mandat qu'elle entendait confier précisément au CPA, à savoir: effectuer un état des lieux du recours aux experts externes par l'administration fédérale centrale (1er cercle), en identifiant notamment l'ampleur du phénomène, le volume financier qu'il représente, et la répartition des mandats sur les mandataires retenus. Le CPA a donc été chargé de procéder à un large recensement des mandats d'expertise en cours dans tous les départements et la Chancellerie fédérale en 2004, puis de procéder à des sondages approfondis auprès de certains offices. L'évaluation a permis de brosser un tableau des procédures d'attribution appliquées par tous les départements ainsi que des tâches qui en découlent dans les domaines de la coordination, du pilotage et du contrôle, fournissant pour la première fois des données comparables sur le recours à des experts externes dans l'ensemble de l'administration fédérale.

1.3

Méthode

La sous-commission DFJP/ChF a examiné et commenté le rapport d'évaluation du CPA du 16 juin 2006 lors de sa séance du 29 juin 2006. Fondé sur ce rapport d'évaluation, le présent rapport contient les conclusions et les recommandations de la CdG-E qui l'a adopté le 13 octobre 2006 et en a autorisé la publication. Les explications et commentaires du rapport d'évaluation du CPA ne sont repris ici que dans la mesure où ils sont nécessaires à la bonne compréhension des appréciations et des

1

Composition de la sous-commission DFJP/ChF de la CdG-E: Hans Hess (président), Madeleine Amgwerd, Pierre Bonhôte, Rolf Escher, Helen Leumann-Würsch et Gisèle Ory.

1564

conclusions de la CdG-E. Pour de plus amples informations, le lecteur peut se reporter au rapport du CPA annexé.

2

Conclusions de la Commission de gestion

2.1

Ampleur et profil du recours à des experts externes

L'examen de la CdG-E a montré que le recours à des experts externes a pris une ampleur considérable au sein de l'administration fédérale. Selon l'évaluation du CPA, l'administration fédérale a dépensé en 2004 quelque 490 millions de francs répartis sur un peu plus de 6100 mandats d'expertise. Si l'on tient compte des lacunes de l'évaluation, l'administration centrale fédérale a, selon une estimation prudente, sans doute consacré entre 600 et 700 millions de francs à des mandats d'expertise (concernant l'ampleur et la méthode voir les sections 1.2 et 2.1 du rapport annexé). La CdG-E est d'avis qu'à elle seule, cette ampleur justifie déjà un examen approfondi des pratiques en matière de recours à des experts externes. Si le rapport d'évaluation montre certaines voies à suivre, il laisse toutefois un certain nombre de questions importantes sans réponse, notamment celle de l'efficacité du recours aux mandats d'expertise. La CdG-E estime que des éclaircissements sont encore nécessaires à cet égard.

L'étude et les recommandations ci-après ne concernent que l'administration fédérale centrale à l'exclusion des offices GMEB (1er cercle de l'administration fédérale).

2.1.1

Conseil et recherche dans le domaine politique

La répartition des mandats octroyés selon leur contenu permet de constater que la plupart d'entre eux (2431 mandats, soit 40 % des mandats examinés) portent sur le conseil et la recherche dans le domaine politique. Le volume financier de ces mandats a atteint 144 millions de francs durant la période sous revue. Selon la définition retenue par le CPA, cette catégorie de mandats couvre les informations de base relatives à la définition et à la mise en oeuvre de politiques (modalités de mise en oeuvre, évaluations, guides ou collecte de données), les prestations externes destinées à soutenir la mise en oeuvre opérationnelle d'une politique et la recherche effectuée pour le compte de l'administration fédérale2. On peut légitimement se demander si, par leur travail de consultant, certains mandataires n'exercent pas une influence occulte déterminante sur les décisions et les orientations politiques des départements et offices. C'est en tout cas l'argument ce que certains ténors politiques opposent parfois publiquement à leurs adversaires politiques.

L'évaluation quantitative à laquelle le CPA a procédé ne permet pas de répondre à cette question. Pour y parvenir, il faudrait procéder à un examen ciblé des contenus, de l'utilisation des résultats et des effets de tels mandats. La CdG-E part du principe que, à l'instar des programmes politiques élaborés par l'administration fédérale ellemême, les conseils politiques achetés auprès d'experts externes peuvent être influencés par des convictions politiques. Ce sont toutefois les départements et leurs chefs 2

Voir exemples de mandats de conseil et de recherche dans le domaine politique mentionnés à l'annexe 1 du rapport annexé.

1565

qui assument la responsabilité politique de la mise en oeuvre de ces conseils politiques. Ce n'est donc pas le recours à des consultants externes en tant que tel qui est en cause, mais plutôt le fait que, contrairement aux offices et services fédéraux, les consultants externes qui exercent une influence non négligeable sur les orientations politiques ne soient ni soumis à un contrôle parlementaire, ni exposés à la publicité assurée par les médias. Pour cette raison, il faudrait instaurer un minimum de transparence afin qu'il soit possible de savoir à quels consultants externes l'administration a confié des mandats importants. La CdG-E est donc d'avis que le Conseil fédéral doit veiller à l'instauration de la transparence en ce qui concerne, d'une part, les consultants politiques externes au sens strict, c'est-à-dire les conseillers qui exercent une influence directe et déterminante sur les décisions et orientations politiques des départements et des offices, et d'autre part, les mandats qui sont confiés à ces experts.

Recommandation 1

Transparence relative aux consultants politiques externes

Le Conseil fédéral veille à l'instauration de la transparence en ce qui concerne, d'une part, les consultants politiques externes qui exercent une influence directe et déterminante sur les décisions et orientations politiques des départements et des offices, et d'autre part, les mandats qui sont confiés à ces experts.

2.1.2

Recours à des experts externes et politique du personnel

Le recours à des experts externes constitue en fait une externalisation de certains travaux. On peut donc se demander quel est le rapport entre le recours à des experts externes et la politique du personnel. En moyenne, le rapport entre les dépenses consacrées aux mandats d'expertise et les charges de personnel est d'environ 1 à 7.

Dans certains offices, le recours à des mandats d'expertise peut toutefois prendre des proportions nettement plus importantes. Ainsi, les dépenses relatives aux mandats d'expertise de la Direction du développement et de la coopération (DDC)3 et de l'Office fédéral de l'informatique et de la télécommunication (OFIT) sont supérieures aux charges de personnel. Vu le poids des mandats confiés à des experts externes, la CdG-E estime qu'il n'est plus possible de considérer l'évolution des charges de personnel indépendamment des moyens alloués aux mandats d'expertise et qu'il faut, notamment, s'assurer que ces mandats ne servent pas à pallier des pénuries de personnel structurelles auxquelles on pourrait remédier plus économiquement par l'embauche.

3

En ce qui concerne la DDC, il faut toutefois tenir compte du fait qu'une grande partie des dépenses consenties pour des mandats d'expertise concernent des projets de la coopération au développement (voir par. 1.2.2. et section 2.1 de l'annexe).

1566

Recommandation 2

Intégrer les mandats d'expertise dans la planification et la politique du personnel

Le Conseil fédéral intègre les mandats d'expertise dans sa planification et sa politique du personnel et veille à ce que de tels mandats ne soient attribués que lorsqu'ils permettent de dégager une plus-value financière, organisationnelle ou qualitative en comparaison à des rapports de travail de durée indéterminée.

La CdG-E rappelle en outre que l'administration fédérale compte parmi son personnel de nombreux spécialistes et experts dont les compétences pourraient être mieux exploitées et qui, dans certains cas, pourraient remplacer des experts externes.

L'Office fédéral du personnel (OFPER) prévoyait d'ailleurs d'instituer une unité d'organisation regroupant les consultants internes4. En raison de lacunes sur le plan de la conception du projet correspondant, l'ordonnance est jusqu'ici restée lettre morte. La CdG-E estime cependant qu'il faut examiner l'opportunité d'une reprise de cette idée sous une nouvelle forme.

Recommandation 3

Exploiter les compétences internes plutôt que recourir à des consultants externes

Le Conseil fédéral examine les différentes options permettant de mieux exploiter les compétences des spécialistes et experts internes afin de remplacer les consultants externes lorsque c'est possible.

Le contrat dit de mise à disposition de personnel (Personalstellungsvertrag) constitue une forme de contrat proche de l'engagement de durée limitée (voir section 2.3 du rapport annexé). Du point de vue comptable, les dépenses correspondantes ne sont pas imputées sur les charges de personnel et elles n'apparaissent pas non plus dans la documentation complémentaire de l'OFPER relative aux charges de personnel de la Confédération. Bien qu'on en trouve dans toute l'administration, ces contrats se concluent principalement dans le domaine informatique. A cet égard, l'OFIT occupe une place particulière au sein de l'administration fédérale dans la mesure où les moyens consacrés aux contrats de mise à disposition de personnel (77 millions de francs) sont supérieurs aux charges de personnel (66 millions de francs). La rentabilité de cette forme de recours à des spécialistes externes ainsi que le rapport entre personnes travaillant dans le cadre d'un mandat et collaborateurs de l'OFIT dont le statut est régi par le droit public prennent une importance particulière en regard de cette situation.

Induisant des dépenses de plus de 100 millions de francs, les contrats dits de mise à disposition de personnel pèsent lourd dans la balance. La CdG-E est par conséquent d'avis que la documentation complémentaire de l'OFPER relative aux charges de personnel de la Confédération doit présenter les charges induites par ces contrats.

4

Voir ordonnance du 28 mai 2003 concernant les prestations de conseil fournies en interne par des cadres expérimentés de l'administration fédérale, RS 172.010.421.

1567

Recommandation 4

Contrats dits de mise à disposition de personnel

Le Conseil fédéral veille à la présentation des charges induites par les contrats dits de mise à disposition de personnel dans la documentation complémentaire de l'Office fédéral du personnel (OFPER) relative aux charges de personnel de la Confédération.

2.1.3

Dépenses de dernière minute importantes

L'évaluation révèle également que de nombreux mandats sont octroyés en fin d'année afin d'épuiser des soldes de crédits. Parmi les mandats examinés pour la période sous revue (2004), les mandats qui ont commencé à courir en décembre ont en moyenne quotidienne généré cinq fois plus de coûts que ceux qui ont commencé à courir en novembre. Ce phénomène est également connu sous le nom de «fièvre de décembre». En raison du principe de l'annualité du budget en vigueur au sein du 1er cercle de l'administration fédérale, les crédits qui n'ont pas été épuisés à la fin de l'année ne peuvent pas être reportés sur l'exercice suivant.

L'évaluation a en outre montré que, au moins dans un certain nombre de cas, les avances versées au courant du mois de décembre l'ont été pour des prestations qui devaient être fournies l'année suivante seulement. En 2004, quinze services de l'administration ont comptabilisé des paiements d'un montant de plus de 5 millions de francs pour 39 mandats qui n'ont débuté qu'en 2005.

La CdG-E est d'avis que cette fièvre de décembre devrait être jugulée au moyen de mesures appropriées. Lors de la révision totale de la loi sur les finances5, le législateur a certes décidé de maintenir le principe de l'annualité du budget des unités administratives du 1er cercle de l'administration fédérale. Le Conseil fédéral devrait néanmoins examiner s'il n'y a pas lieu de résoudre le problème à l'échelon de la législation. Le cas échéant, les offices et services de l'administration doivent être invités à utiliser l'instrument du report de crédits prévu à cet effet. La CdG-E estime en particulier qu'il est important que les départements et les offices assument mieux leurs fonctions de conduite et de contrôle. Outre les mesures de nature plutôt répressive, comme les contrôles, on pourrait envisager des incitations positives dans le cadre de la planification et de la budgétisation des mandats d'expertise. Ainsi, il faudrait éviter de «pénaliser» les unités administratives qui n'ont pas dépensé la totalité d'un crédit en les amputant encore d'une partie de leur prochain budget.

La CdG-E n'a pas vérifié si les services concernés étaient en mesure de justifier les avances constatées dans le cadre de l'évaluation du CPA. Elle demande au Conseil fédéral de bien vouloir examiner s'il s'agit, en l'occurrence,
de cas particuliers justifiés ou s'il y a lieu de prendre des mesures afin d'empêcher que des avances soient indûment versées afin de solder les crédits budgétaires.

5

Loi du 7 octobre 2005 sur les finances de la Confédération (loi sur les finances, LFC; RS 611.0), entrée en vigueur en mai 2006.

1568

Recommandation 5

Prévention de la fièvre de décembre

Le Conseil fédéral examine l'opportunité de mesures de prévention appropriées de la fièvre de décembre. Il veille en particulier à ce que les départements et les offices assument mieux leurs fonctions de conduite et de contrôle. La CdG-E demande en outre au Conseil fédéral de bien vouloir examiner si les avances relevées constituent des cas particuliers justifiés ou s'il y a lieu de prendre des mesures dans le but d'empêcher que des avances soient indûment versées afin de solder les crédits budgétaires.

2.2

Attribution des mandats et concurrence

Lorsqu'ils attribuent des mandats d'expertise à des consultants externes, les services de l'administration fédérale sont tenus de respecter le droit des marchés publics de la Confédération qui, pour l'essentiel, est régi par les dispositions de la loi fédérale6 et de l'ordonnance7 sur les marchés publics. Le droit des marchés publics règle la procédure d'adjudication et vise notamment à encourager la concurrence afin que les prestations offertes soient économiquement avantageuses. Ainsi, l'administration doit être en mesure d'obtenir des prestations de la meilleure qualité aux conditions les plus avantageuses du marché et à meilleur compte que si elle devait les fournir elle-même.

Jusqu'ici, les informations relatives à la pratique de l'administration fédérale en la matière et à la mise en concurrence des offreurs n'étaient que fragmentaires. Force est de constater que l'image qui ressort de l'évaluation du CPA révèle que, d'une manière générale, les pratiques d'attribution de mandats d'expertise en vigueur dans l'administration fédérale ne favorisent guère la concurrence: six francs sur dix vont à des mandats attribués de gré à gré. L'examen du volume des paiements a en outre permis de constater que plus de la moitié des mandats portant sur un montant supérieur à 50 000 francs ­ qui devraient donc en principe être adjugés sur la base d'une procédure de concours ­ ont été attribués de gré à gré.

De l'avis de la CdG-E, les résultats de l'évaluation ne sont guère encourageants.

Indépendamment de leur origine, ils semblent bien indiquer que la concurrence visée par le droit des marchés publics ne s'est pas encore traduite dans les faits. La CdG-E estime qu'il est urgent de prendre des mesures destinées à renfoncer la concurrence lors de l'adjudication de mandats d'expertise à des consultants externes.

Recommandation 6

Mesures destinées à renforcer la concurrence

La CdG-E invite le Conseil fédéral à prendre des mesures appropriées destinées à renforcer la concurrence lors de l'adjudication de mandats d'expertise à des consultants externes.

6 7

Loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics (LMP, RS 172.056.1).

Ordonnance du 11 décembre 1995 sur les marchés publics (OMP, RS 172.056.11).

1569

L'une des raisons pour lesquelles la mise en concurrence systématique des offreurs ne s'est pas imposée alors même que ce principe est inscrit dans le droit des marchés publics réside dans le fait que la définition du champ d'application du droit des marchés publics est en partie confuse, ce qui donne régulièrement lieu à des problèmes de délimitation. Les incertitudes concernent notamment le champ d'application de l'obligation de mise au concours, c'est-à-dire la question de savoir quelles prestations sont soumises à une procédure par appel d'offres public répondant aux directives de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ou pour quels mandats d'expertise l'adjudicateur doit, en vertu du droit des marchés publics, inviter des soumissionnaires à présenter une offre. En outre, les dispositions d'exécution de l'ordonnance sont interprétées diversement et souvent en faveur d'une attribution de gré à gré. Au sein de l'administration, d'aucuns estiment que celui qui ne veut pas mettre un mandat d'expertise au concours trouve généralement dans le droit des marchés publics une disposition lui permettant d'attribuer le mandat de gré à gré. A cela s'ajoute le fait que la marge de manoeuvre des offices est particulièrement importante pour les mandats qui portent sur un montant inférieur au seuil fixé par l'OMC. De tous les mandats attribués par la Confédération, ceux-ci sont les plus nombreux et leur valeur cumulée est supérieure à celle des mandats qui dépassent le seuil OMC. Ils ne prévoient néanmoins aucune voie de recours, raison pour laquelle la justice n'a guère l'occasion de se pencher sur l'application du droit des marchés publics. La CdG-E parvient donc à la conclusion que la révision du droit des marchés publics en cours doit être mise à profit, d'une part pour clarifier les modalités relatives aux mandats d'expertise et d'autre part pour renforcer la concurrence dans ce domaine. La révision permettra en outre d'examiner dans quelle mesure le droit des marchés publics permettra au législateur de mieux tenir compte des particularités des mandats d'expertise.

Recommandation 7

Clarification du champ d'application du droit des marchés publics

La CdG-E invite le Conseil fédéral à mettre à profit la révision du droit des marchés publics en cours, d'une part pour clarifier les modalités relatives aux mandats d'expertise et d'autre part pour renforcer la concurrence dans ce domaine. Il examinera en outre dans quelle mesure la révision du droit des marchés publics permettra au législateur de mieux tenir compte des particularités des mandats d'expertise.

La CdG-E a néanmoins aussi constaté que quelques services font beaucoup jouer la concurrence lors de l'adjudication de mandats d'expertise. On peut en déduire que le droit des marchés publics peut aussi être interprété de manière plus stricte dans ce domaine. Si les responsables sont conscients des efforts que l'administration fédérale doit encore faire pour renforcer la concurrence lors de l'adjudication de mandats d'expertise, force est toutefois de constater que les personnes entendues sont largement trop optimistes lorsqu'on leur demande d'estimer la part des mandats adjugés en procédure de concours. Aujourd'hui, tournant le dos au principe de la concurrence institué par le droit des marchés publics, de nombreux services de l'administration évitent autant que possible d'adjuger ces mandats en procédure de concours. Dans cette situation, la CdG-E estime qu'à elle seule, la clarification des bases légales en question ne suffira pas à résoudre tous les problèmes. Il faut aussi 1570

faire changer les mentalités. Le renforcement de la concurrence passe donc par une amélioration de l'information et de la communication au sein de l'administration et par une formation ciblée des responsables de l'adjudication de mandats d'expertise.

Au lieu de chercher dans la loi les arguments pouvant justifier une attribution de gré à gré, les responsables doivent résolument mettre l'accent sur les avantages de la concurrence.

Recommandation 8

Amélioration de l'information et formation

La CdG-E invite le Conseil fédéral à prendre les dispositions nécessaires pour améliorer l'information et la communication au sein de l'administration et former les responsables de l'adjudication de mandats d'expertise de manière ciblée afin de les sensibiliser aux avantages de la concurrence et, partant, d'induire un changement de mentalité dans ce domaine.

Au-delà du fait que la plupart des services de l'administration fédérale ne recourent pas suffisamment à la mise au concours, la CdG-E estime préoccupant que, dans le domaine des mandats d'expertise, un franc sur six est consacré à des mandats subséquents. L'évaluation du CPA a même permis de constater que dans certains offices et services, les mandats subséquents drainent plus de 40 % des ressources financières consacrées aux mandats d'expertise et que les montants en question sont importants (voir section 2.5 du rapport annexé). En outre, on constate une forte concentration de moyens sur quelques mandataires. Ainsi, les principaux preneurs d'ordre, soit 3 %, drainent près de la moitié de l'ensemble des moyens consacrés aux mandats d'expertise. La conjonction de ces deux éléments (absence de concurrence et part importante de mandats subséquents) permet de craindre que l'administration dispose de réseaux de fournisseurs attitrés qui, une fois le pied dans un office, se voient confier en permanence de nouveaux mandats. La CdG-E souligne ici que l'évaluation n'a pas apporté la preuve définitive de l'existence de tels réseaux tant il est vrai que l'examen n'a pas porté sur une période suffisamment longue. Elle n'a pas non plus examiné les mandats subséquents dans la perspective d'une transgression du droit des marchés publics. Elle demande néanmoins au Conseil fédéral de se pencher de manière approfondie sur cette question, notamment en chargeant le Contrôle fédéral des finances (CDF) de lui remettre un rapport à ce sujet.

Recommandation 9

Examen relatif à l'existence de réseaux de fournisseurs attitrés

La CdG-E demande au Conseil fédéral de se pencher de manière approfondie sur la question de l'existence d'un rapport entre absence de concurrence et importance des mandats subséquents et de veiller à ce que l'administration n'entretienne pas de réseaux de fournisseurs attitrés.

1571

2.3

Pilotage et contrôle des mandats de consultants

Les acquisitions de prestations de service du 1er cercle de l'administration fédérale sont, aujourd'hui, effectuées par de nombreux offices et services de manière largement décentralisée. L'informatique est le seul domaine dans lequel les acquisitions sont, dans une large mesure, centralisées par l'Office fédéral des constructions et de la logistique (OFCL). Dans les autres domaines, aucun service n'est parvenu à instituer et à faire respecter des directives communes. En particulier en ce qui concerne les mandats d'expertise, les départements ont donc un rôle éminemment important à jouer, que ce soit dans l'application du droit des marchés publics ou dans les domaines du pilotage, de la coordination et du contrôle de gestion. L'évaluation du CPA a permis de constater que, à une exception près, le pilotage des mandats d'expertise par les départements laisse pour le moins à désirer. Certains départements se désintéressent même totalement de la pratique de leurs offices en la matière. Partant, les départements ne disposent d'aucune vue d'ensemble de l'attribution des mandats d'expertise. Le CPA a en outre constaté qu'il n'existe pas de directives harmonisées pour chaque type de mandat et que tout système de rapport uniformisé fait également défaut.

La CdG-E conclut qu'il est indispensable que les départements affirment leur rôle dans le pilotage des mandats d'expertise, qu'ils instituent un cadre homogène, qu'ils améliorent la coordination entre les services qui adjugent de tels mandats et qu'ils mettent en place un système de rapports et de contrôle de gestion standardisé. Le renforcement de la concurrence et l'harmonisation des pratiques d'adjudication au sein de l'administration fédérale en dépendent. Il serait notamment judicieux d'envisager la mise en place d'un système de rapports uniforme dans toute l'administration fédérale qui permettrait, par office, de rassembler des données telles que le volume des mandats, des informations relatives au mandataire ou l'attribution de mandats subséquents. Dans la foulée, il faudrait également clarifier les problèmes de délimitation qui se posent actuellement (délimitation entre mandats de prestations et subventions ou entre marché de services et marché de fournitures). Un système de rapports uniforme permettrait aux départements d'exercer un contrôle plus
strict et, partant, de mieux gérer l'adjudication de services. La CdG-E estime que les départements doivent avoir en permanence une vue d'ensemble de tous les mandats d'expertise adjugés dans leur domaine.

Actuellement, dans le cadre de la mise en oeuvre de la réforme de l'administration, l'administration est en train d'élaborer une ordonnance sur l'organisation des acquisitions de la Confédération qui ne prévoit plus que deux services d'achats centraux.

En l'état actuel des travaux, il semble toutefois que l'acquisition de la plupart des prestations de service demeurera en mains des départements et offices. Le projet prévoit la mise en place d'organes de coordination pour certaines catégories de contrats de services afin de promouvoir la qualité et d'améliorer la cohérence et la crédibilité envers l'extérieur. Aucune coordination n'est cependant prévue dans certains domaines. Cela est notamment le cas des contrats de conseil et recherche politiques. La CdG-E estime pourtant qu'il est important de coordonner tous les genres de contrats de services, en particulier les contrats relatifs au conseil et à la recherche politiques qui représentent un important volume financier.

1572

Recommandation 10

Introduction d'un système de rapports uniforme dans toute l'administration fédérale et coordination des contrats de services dans tous les domaines

Le Conseil fédéral examine la possibilité d'introduire dans toute l'administration fédérale un système de rapports uniforme sur l'acquisition de prestations de service. Il veille à ce que les départements aient en permanence une vue d'ensemble de tous les mandats d'expertise adjugés dans leur domaine et assure une coordination efficace des contrats d'acquisition de services dans tous les domaines.

La CdG-E soutient en outre les recommandations du CDF8 qui vont dans le même sens, notamment la proposition de créer une base de données sur tous les fournisseurs et contrats de l'ensemble de l'administration fédérale et d'attribuer un numéro de référence unique propre à chaque fournisseur.

3

Suite de la procédure

La CdG-E transmet au Conseil fédéral le présent rapport assorti de recommandations et de l'annexe en le priant de donner son avis d'ici à fin février 2007. Elle invite également le Conseil fédéral à indiquer les mesures qu'il entend prendre ainsi que le délai de mise en oeuvre de ces recommandations.

13 octobre 2006

Au nom de la Commission de gestion du Conseil des Etats: Le président, Hansruedi Stadler, député au Conseil des Etats Le secrétaire, Philippe Schwab Le président de la sous-commission DFJP/ChF, Hans Hess, député au Conseil des Etats La secrétaire de la sous-commission, Irene Moser

8

Querschnittsprüfung Dienstleistungsverträge. Rapport du Contrôle fédéral des finances du 31.1.2005.

1573

1574