07.045 Message relatif à l'arrêté fédéral concernant l'approbation et la mise en oeuvre des conventions relatives à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire du 8 juin 2007

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons l'arrêté fédéral portant approbation de conventions internationales en matière de responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire et modification de la loi fédérale sur la responsabilité civile en matière nucléaire (LRCN).

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

8 juin 2007

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2006-2539

5125

Condensé Le projet comprend d'une part l'approbation des protocoles d'amendement de la Convention de Paris et de la Convention complémentaire de Bruxelles sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire ainsi que le Protocole commun les concernant, et d'autre part la révision totale, dans ce contexte, de la loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire.

Situation La loi fédérale du 18 mars 1983 sur la responsabilité civile en matière nucléaire (LRCN, RS 732.44) actuellement en vigueur contient les principes suivants: ­

concentration de la responsabilité sur l'exploitant d'une installation nucléaire;

­

responsabilité causale de l'exploitant d'une centrale nucléaire;

­

responsabilité illimitée de l'exploitant;

­

couverture d'assurance privée et celle de la Confédération à concurrence d'un milliard de francs.

Les conventions internationales de Paris et de Bruxelles relatives à la responsabilité civile dans le domaine nucléaire, déjà en vigueur à l'époque, prévoyaient une responsabilité financière limitée à un montant de couverture d'environ 520 millions de francs. C'est pourquoi le Conseil fédéral et le Parlement avaient renoncé sciemment à ratifier ces conventions.

Révision des conventions de Paris et de Bruxelles sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire Ces deux conventions internationales ont été révisées entre 1998 et 2004. Cette révision a notamment conduit à l'abandon de la responsabilité limitée et à la fixation d'un montant minimal de couverture en dessous duquel les Etats parties ne peuvent pas aller, mais qui peut très bien être dépassé. Le système d'indemnisation mis sur pied par les conventions de Paris et de Bruxelles prévoit les trois tranches suivantes: ­

1re tranche: 700 millions d'euros (env. 1050 millions de francs) tirés des ressources des exploitants, respectivement de leur assurance;

­

2e tranche: 500 millions d'euros (env. 750 millions de francs) tirés des ressources de l'Etat dans lequel est situé l'installation nucléaire ou à charge de l'exploitant responsable;

­

3e tranche: 300 millions d'euros (env. 450 millions de francs), à charge de tous les Etats parties aux conventions, selon une clé de répartition.

La Suisse a signé le 12 février 2004, sous réserve de ratification, les protocoles d'amendement de la Convention de Paris et de la Convention complémentaire de Bruxelles.

5126

Révision totale de la loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire Les principaux éléments du projet de révision de la LRCN sont les suivants: ­

reprise dans le droit suisse des conventions de Paris et de Bruxelles sur la responsabilité civile en matière nucléaire (nouveau);

­

concentration de la responsabilité exclusivement sur l'exploitant (déjà dans la LRCN actuelle);

­

responsabilité illimitée de l'exploitant (déjà dans la LRCN actuelle);

­

couverture d'assurance obligatoire d'un montant de 1,8 milliard de francs plus 10 % de ce montant pour les intérêts et les frais de procédure (nouveau: jusqu'à ce jour: 1 milliard de francs plus 10 % pour les intérêts et les frais de procédure);

­

complément de 450 millions de francs correspondant à la 3e tranche prévue par les conventions de Paris et de Bruxelles, à couvrir par les Etats parties (nouveau);

­

délai de prescription de 3 ans à compter du jour ou la victime a connaissance du dommage et de la personne responsable ou devrait en avoir connaissance; délai de péremption de 30 ans à compter du jour de l'accident (déjà dans la LRCN actuelle);

­

libération de l'exploitant de toute responsabilité dans le cas où la victime a provoqué volontairement ou par une négligence grave le dommage (déjà dans la LRCN actuelle);

­

responsabilité pour les dommages nucléaires causés directement par un conflit armé, des hostilités, une guerre civile ou un soulèvement; en font également partie les actes terroristes (déjà dans la LRCN actuelle);

­

sont compris dans la notion de dommage nucléaire, le décès, les atteintes à l'intégrité corporelle et les atteintes au patrimoine (comme par le passé); cette notion comprend également les coûts des mesures de restauration d'un environnement dégradé ainsi que le manque à gagner directement en relation avec une utilisation de l'environnement (nouveau);

­

compétence d'un seul tribunal pour toutes les victimes, sans égard au lieu de leur domicile ou à leur nationalité, en cas d'accident dans un des Etats parties (nouveau);

­

en cas d'accident survenu dans un des Etats parties, garantie d'un dédommagement équivalent, sans aucune discrimination entre les victimes provenant des divers Etats parties (nouveau).

5127

Table des matières Condensé

5126

1 Partie générale 1.1 Situation initiale 1.1.1 Spécificités du risque nucléaire en matière de responsabilité civile 1.1.2 Evolution législative en Suisse 1.1.2.1 Loi du 23 décembre 1959 sur l'énergie atomique 1.1.2.2 Loi du 18 mars 1983 sur la responsabilité civile en matière nucléaire 1.1.3 Harmonisation internationale de la responsabilité civile 1.1.3.1 Travaux de l'OCDE 1.1.3.2 Travaux de l'AIEA 1.1.3.3 Travaux conjoints de l'OCDE et de l'AIEA 1.1.3.4 Position de la Suisse 1.2 Principales dispositions des conventions internationales relatives à la responsabilité civile en matière nucléaire 1.2.1 Convention de Paris de 1960 (incorporant les modifications de 1964 et 1982) 1.2.2 Convention complémentaire de Bruxelles de 1963 (incorporant les modifications de 1964 et 1982) 1.2.3 Convention de Vienne de 1963 1.2.4 Protocole commun de 1988 1.3 Réglementation de la responsabilité civile en matière nucléaire dans les pays limitrophes 1.3.1 Généralités 1.3.2 Allemagne 1.3.3 France 1.3.4 Italie 1.3.5 Autriche 1.4 Protocoles d'amendement du 12 février 2004 des conventions de Paris et de Bruxelles 1.4.1 Remarques préliminaires 1.4.2 Protocole d'amendement de 2004 de la Convention de Paris 1.4.3 Protocole d'amendement de 2004 de la Convention complémentaire de Bruxelles 1.4.4 Ratification des conventions de Paris et de Bruxelles et du Protocole commun 1.5 Reprise des conventions internationales dans le droit suisse 1.5.1 Reprises dans la LRCN 1.5.2 Réserves aux conventions internationales émises par la Suisse 1.6 Relèvement du montant de la couverture 1.7 Principales réglementations du projet de révision de la loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire

5131 5131 5131 5131 5131

5128

5132 5133 5133 5134 5134 5134 5135 5135 5136 5137 5138 5138 5138 5138 5139 5140 5141 5141 5141 5141 5143 5144 5146 5146 5147 5148 5149

1.8 Résultats de la procédure préliminaire 1.8.1 Préparation de l'avant-projet 1.8.2 Résultats de la procédure de consultation 1.8.3 Modification du projet mis en consultation 1.8.4 Recommandations du groupe d'experts pour les modèles de gestion des déchets radioactifs (EKRA)

5150 5150 5151 5151 5152

2 Commentaire de certaines dispositions 2.1 Arrêté fédéral concernant l'approbation et la mise en oeuvre des conventions relatives à la RC dans le domaine de l'énergie nucléaire 2.2 Loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire 2.3 Modification du droit actuel 2.3.1 Loi sur les fors en matière civile 2.3.2 Loi fédérale sur le droit international privé 2.3.3 Loi sur la radioprotection

5152 5153 5174 5174 5174 5176

3 Conséquences 3.1 Pour la Confédération 3.1.1 Conséquences financières 3.1.2 Effets sur l'état du personnel 3.2 Effets sur l'économie 3.3 Effets sur les cantons et les communes 3.4 Effets dans le domaine informatique

5176 5176 5176 5177 5178 5178 5178

4 Programme de la législature

5178

5 Bases juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.2 Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse 5.2.1 Engagements vis-à-vis de l'UE 5.2.2 Accord entre la Confédération suisse et la République fédérale d'Allemagne au sujet de la responsabilité civile en matière nucléaire 5.3 Forme de l'acte 5.4 Délégation de la compétence d'édicter des règles de droit 5.5 Freins aux dépenses

5178 5178 5179 5179

Arrêté fédéral concernant l'approbation et la mise en oeuvre des conventions relatives à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire (Projet)

5152

5179 5179 5180 5180

5181

Convention du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, amendée par le protocole additionnel du 28 janvier 1964, par le protocole du 16 novembre 1982 et par le protocole du 12 février 2004 5197

5129

Convention du 31 janvier 1963 complémentaire à la convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, amendée par le protocole additionnel du 28 janvier 1964, par le protocole du 16 novembre 1982 et par le protocole du 12 février 2004

5217

Protocole commun relatif l'application de la Convention de Vienne et de la Convention de Paris

5233

5130

Message 1

Partie générale

1.1

Situation initiale

1.1.1

Spécificités du risque nucléaire en matière de responsabilité civile

L'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques ainsi que l'usage de matières radioactives et de rayons ionisants présentent des risques particuliers. En 1986, la catastrophe de Tchernobyl a montré l'ampleur que pouvaient atteindre les dommages résultant d'un accident nucléaire. Loin de s'arrêter aux frontières d'un Etat, les conséquences néfastes de la catastrophe ont été ressenties sur le territoire d'Etats parfois lointains, et ont occasionné des dommages aux personnes et aux biens ainsi que des dégradations de l'environnement.

Les lésions des cellules vivantes, et en particulier des cellules humaines, engendrées par des rayons ionisants ne sont pas toujours identifiables immédiatement, et restent parfois latentes pendant une période relativement longue. De plus, les doses de radiations absorbées ont des propriétés cumulatives, dans la mesure où elles peuvent aggraver des lésions préexistantes. Enfin, les dommages dus aux radiations n'occasionnent pas toujours les mêmes troubles et sont parfois la cause de maladies qui peuvent également avoir d'autres sources.

Ces constatations sont autant de particularités qui demandent une réglementation spécifique en matière de droit de la responsabilité civile, pour que ce risque particulier soit suffisamment pris en compte.

1.1.2

Evolution législative en Suisse

1.1.2.1

Loi du 23 décembre 1959 sur l'énergie atomique

Le législateur suisse a reconnu très tôt le caractère singulier des risques nucléaires, puisqu'il fut l'un des premiers au monde (après les Etats-Unis, et en même temps que l'Allemagne et la Grande-Bretagne) à mettre sur pied un régime spécifique de responsabilité atomique en faisant entrer en vigueur de la «loi fédérale du 23 décembre 1959 sur l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire et sur la protection contre les radiations (loi sur l'énergie atomique)1». Certaines dispositions du quatrième chapitre de cette loi ­ intitulé «Responsabilité civile et assurance», aujourd'hui abrogé ­ font d'ailleurs encore partie intégrante du droit national et international de la responsabilité atomique. Il s'agit notamment du principe de la responsabilité indépendante de la faute (responsabilité pour risque ou responsabilité objective) de l'exploitant d'une centrale nucléaire, et de celui de la concentration de la responsabilité ­ la responsabilité des dommages liés à l'exploitation d'une installation nucléaire incombe exclusivement à l'exploitant de cette installation. Aux termes de la loi sur l'énergie atomique, le montant maximal du dommage dont répond l'exploi1

RO 1960 585, 1983 1886 art. 36 ch. 2, 1987 544, 1993 901 annexe ch. 9, 1994 1933 art. 48 ch. 1, 1995 4954, 2002 3673 art. 17 ch. 3, 2004 3503 annexe ch. 4

5131

tant était de 40 millions de francs. L'exploitant devait en outre prouver qu'il disposait de la couverture financière correspondante. En 1977, le montant de 40 millions a été porté à 200 millions de francs pour les centrales nucléaires2.

1.1.2.2

Loi du 18 mars 1983 sur la responsabilité civile en matière nucléaire

Les dispositions relatives à la responsabilité civile qui figuraient dans la loi sur l'énergie atomique ont été remplacées par la loi du 18 mars 1983 sur la responsabilité civile en matière nucléaire (LRCN)3, entrée en vigueur le 1er janvier 1984.

L'ordonnance du 5 décembre 1983 sur la responsabilité civile en matière nucléaire (ORCN)4 a été édictée parallèlement.

La principale nouveauté de la LRCN résidait dans la suppression du montant maximal de responsabilité de l'exploitant d'une installation nucléaire. Depuis, la responsabilité de ce dernier, tout comme celle du détenteur d'une autorisation de transport pour le transit de substances nucléaires par la Suisse, est illimitée. L'exploitant reste par ailleurs soumis au principe de la responsabilité objective aggravée, et le principe juridique de la concentration de la responsabilité sur lui a également été maintenu.

En vertu de la LRCN, l'exploitant responsable est tenu d'avoir et de maintenir une assurance d'un milliard de francs plus 100 millions de francs pour les intérêts et les frais de procédure. Si ce montant dépasse les possibilités de l'assureur privé, et que ce dernier puisse exclure contractuellement certains dommages de la couverture d'assurance qu'il offre, la Confédération agit comme assureur pour un montant allant jusqu'à un milliard de francs (plus 100 millions de francs pour les intérêts et les frais de procédure). Sont plus particulièrement exclus de la couverture privée les dommages résultant d'actes de conflit armé ou de phénomènes naturels exceptionnels et ­ entre 500 millions et un milliard ­ les dommages causés par des actes terroristes, contre lesquels il n'est pas possible de se protéger à des frais supportables.

La personne responsable ne peut être libérée de sa responsabilité envers le lésé que si elle prouve que ce dernier a causé le dommage intentionnellement ou par négligence grave. Les prétentions se prescrivent par trois ans à compter du jour où le lésé a eu connaissance du dommage et de la personne qui en assume la responsabilité; elles se périment si aucune action n'est intentée dans les trente ans qui suivent l'accident dommageable.

La Confédération perçoit de l'exploitant responsable, à titre de contrepartie pour la couverture qu'elle fournit, des contributions qui sont versées au fonds pour les dommages
nucléaires (fortune du fonds fin 2006: 360 millions de francs). Si, en cas de grands sinistres, les moyens financiers alloués par l'assureur privé, la Confédération et l'exploitant responsable de l'installation nucléaire ne suffisent pas à satisfaire toutes les demandes de réparation, la loi prévoit l'instauration, par l'Assemblée fédérale d'un régime d'indemnisation particulier (système d'indemnisation pour les grands sinistres).

2 3 4

Ordonnance du 6 juillet 1977 concernant la couverture de la responsabilité civile résultant de l'exploitation de centrales nucléaires (RO 1977 1424).

RS 732.44 RS 732.441

5132

Si des dommages surviennent à l'étranger et que le responsable est en Suisse, des réparations ne sont dues que dans la mesure où l'Etat étranger prévoit un traitement au moins équivalent à l'égard de la Suisse (principe de réciprocité).

1.1.3

Harmonisation internationale de la responsabilité civile

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques a gagné en importance. Les Etats étaient conscients de la nécessité d'une réglementation internationale eu égard à l'ampleur des dommages nucléaires et à leur caractère transfrontières. Il fallait donc veiller à ce que les personnes lésées puissent faire valoir leur droit à réparation sans difficulté majeure, même si le siège de l'auteur du dommage était situé dans un autre pays.

1.1.3.1

Travaux de l'OCDE

Sous l'égide de l'OCEE (aujourd'hui l'OCDE), un certain nombre de pays européens ont élaboré une convention internationale visant à harmoniser les principaux éléments de la responsabilité civile en matière nucléaire. Ces travaux, auxquels la Suisse a participé, ont donné naissance à la «Convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire» (CP), une convention ensuite amendée par le Protocole additionnel du 28 janvier 1964, par le Protocole du 16 novembre 1982 et enfin par le Protocole du 12 février 2004.

La Convention de Paris est entrée en vigueur au niveau international en 1968. Elle compte à l'heure actuelle 15 parties contractantes: l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l'Italie, la Norvège, les PaysBas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Slovénie, la Suède et la Turquie.

Le 31 janvier 1963, la «Convention de Bruxelles complémentaire à la Convention de Paris sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire» (CCB) était conclue. Destinée à compléter la Convention de Paris, cette convention a ­ tout comme cette dernière ­ également été amendée par le Protocole additionnel du 28 janvier 1964, par le Protocole du 16 novembre 1982 et par le Protocole du 12 février 2004. La Convention complémentaire de Bruxelles propose d'autres moyens de réparation en sus de ceux prévus par la Convention de Paris, à savoir une deuxième tranche d'indemnisation au moyen de fonds publics fournis par l'Etat sur le territoire duquel est située l'installation de l'exploitant responsable, et une troisième tranche d'indemnisation alimentée par des contributions de toutes les parties contractantes selon une clé de répartition spécifique.

La Convention complémentaire de Bruxelles est entrée en vigueur au niveau international en 1974, et compte à présent 12 parties contractantes: l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Italie, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Slovénie et la Suède.

La Convention de Paris est ouverte à la signature de tous les Etats membres de l'OCDE. Quant aux Etats non membres de l'organisation, ils peuvent également demander leur adhésion moyennant l'accord unanime des parties contractantes. Un

5133

Etat ne peut devenir partie à la Convention complémentaire de Bruxelles que s'il est partie à la Convention de Paris.

1.1.3.2

Travaux de l'AIEA

Le 21 mai 1963, la «Convention de Vienne relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires» était signée sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Cette convention fixe, en cas de dommages nucléaires, un régime d'indemnisation fondé sur le droit civil presque identique à celui de la Convention de Paris, mais elle est ouverte à la signature de tous les Etats.

Entrée en vigueur au niveau international en 1977, la Convention de Vienne compte à l'heure actuelle 33 parties contractantes: l'Argentine, l'Arménie, la Biélorussie, la Bolivie, la Bosnie et Herzégovine, le Brésil, la Bulgarie, le Cameroun, le Chili, la Croatie, Cuba, l'Egypte, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, le Liban, la Lituanie, la Macédoine, le Mexique, le Moldova, le Niger, le Pérou, les Philippines, la Pologne, la Roumanie, la Russie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, la Yougoslavie, la Slovaquie, la République tchèque, Trinité-et-Tobago, l'Ukraine, et l'Uruguay.

La Convention de Vienne a été amendée par le Protocole du 12 septembre 1997.

Signé par 15 Etats et aujourd'hui ratifié par 6 Etats, ce protocole d'amendement est entré en vigueur le 5 octobre 2003.

1.1.3.3

Travaux conjoints de l'OCDE et de l'AIEA

La Convention de Paris et la Convention de Vienne sont deux textes indépendants.

Pour éviter notamment des vides juridiques, un «Protocole commun relatif à l'application de la Convention de Vienne et de la Convention de Paris» a été signé le 21 septembre 1988, avec pour objectif d'étendre les avantages offerts en termes de responsabilité civile par chacune des conventions aux parties contractantes de l'autre convention. Le lien ainsi établi entre la Convention de Paris et la Convention de Vienne élargit considérablement le cercle des populations protégées.

En vigueur depuis 1992, le Protocole commun compte à l'heure actuelle 24 parties contractantes: l'Allemagne, la Bulgarie, le Cameroun, le Chili, la Croatie, le Danemark, l'Egypte, l'Estonie, la Finlande, la Grèce, la Hongrie, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, Saint-Vincent-et-lesGrenadines, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, la République tchèque et l'Ukraine.

1.1.3.4

Position de la Suisse

Membre à la fois de l'OCDE et de l'AIEA, la Suisse n'a pour l'heure pas adhéré à une convention internationale relative à la responsabilité civile en matière nucléaire.

Si elle a signé la Convention de Paris et la Convention complémentaire de Bruxelles, elle ne les a pas ratifiées. Elle a également pris part en tant qu'observateur aux négociations portant sur les derniers protocoles d'amendement, qu'elle a signés le 12 février 2004.

5134

1.2

Principales dispositions des conventions internationales relatives à la responsabilité civile en matière nucléaire

1.2.1

Convention de Paris de 1960 (incorporant les modifications de 1964 et 1982)

Elaborées pratiquement à la même époque, la Convention de Paris (CP) et la législation suisse en matière de responsabilité atomique présentent de nombreuses similitudes s'agissant de leur structure de base.

La Convention de Paris s'articule autour d'un certain nombre d'éléments-clés, dont les concepts d'«accident nucléaire», d'«installation nucléaire» et d'«exploitant d'une installation nucléaire» (art. 1 CP). Elle s'applique lorsqu'un accident nucléaire survient dans une installation nucléaire, ou lorsque cet accident met en jeu des substances nucléaires qui proviennent d'une installation nucléaire ou qui sont trans-portées de ou vers une installation nucléaire (art. 4 CP). L'exploitant de l'installation nucléaire répond alors des dommages selon les principes suivants: L'exploitant (art. 3 CP) est soumis au principe de la responsabilité indépendante de la faute (responsabilité pour risque ou responsabilité objective).

Seul l'exploitant répond des dommages nucléaires, qu'aucune autre personne n'est tenue de réparer. L'exploitant n'étant par ailleurs responsable qu'aux seuls termes de la Convention de Paris, aucun autre motif de responsabilité, notamment en vertu du droit général de la responsabilité civile, ne peut être invoqué, en vertu du principe juridique de concentration de la responsabilité sur l'exploitant de l'installation nucléaire (art. 6 CP).

La responsabilité de l'exploitant est plafonnée à un «montant de référence» défini (art. 7, al. a, CP), initialement fixé à 15 millions de droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international (27 millions de francs environ) (art. 7, al. b, CP).

La convention permet aux parties contractantes de déterminer un montant moins élevé en cas de faible risque, mais pas inférieur à 5 millions de DTS (9 millions de francs environ) (art. 7, al. b, ch. (i) et (ii), CP). Un montant plus élevé peut également être arrêté pour autant que la couverture financière requise soit disponible. Le 20 avril 1990, le Comité de Direction de l'Agence pour l'énergie nucléaire de l'OCDE a recommandé de porter à 150 millions de DTS (270 millions de francs environ) le montant de référence fixé par la convention5. Cette recommandation a été suivie par la majorité des parties contractantes.

L'exploitant d'une installation nucléaire est tenu d'avoir et de maintenir
une assurance ou une autre garantie financière à concurrence de la totalité du montant maximal de la responsabilité défini par la législation (art. 10, al. a, CP).

Les actions en réparation doivent être intentées dans un délai de dix ans après l'accident nucléaire. Toutefois, la législation nationale peut fixer un délai de prescription de deux ans à compter du jour où la personne lésée a eu connaissance ou a dû raisonnablement avoir connaissance du dommage et de l'exploitant responsable (art. 8 CP).

5

OCDE Doc NE/M (90)1

5135

L'exploitant n'est pas responsable des dommages causés par un accident nucléaire si cet accident est causé directement par des actes de conflit armé, d'hostilités, de guerre civile, d'insurrection ou, sauf disposition contraire de la législation de la partie contractante sur le territoire de laquelle est située son installation nucléaire, à des cataclysmes naturels de caractère exceptionnel (art. 9 CP).

L'exploitant ne dispose d'un droit de recours que dans deux cas (art. 6, al. f CP): ­

si le dommage résulte d'un acte ou d'une omission procédant de l'intention de causer un dommage, contre la personne physique auteur de l'acte ou de l'omission intentionnelle;

­

si le recours est prévu expressément par contrat.

La législation nationale peut prévoir un droit d'action direct du lésé contre l'assureur de l'exploitant ou contre toute autre personne ayant accordé une garantie (art. 6, al. a, CP).

La convention détermine le for de manière contraignante: sont compétents les tribunaux de la partie contractante sur le territoire de laquelle l'accident nucléaire est survenu (art. 13, al. a, CP). Lorsqu'un accident nucléaire survient hors du territoire des parties contractantes ou que le lieu de l'accident ne peut être déterminé avec certitude, ce sont les tribunaux de la partie contractante sur le territoire de laquelle est située l'installation nucléaire de l'exploitant responsable qui sont compétents (art. 13, al. b, CP).

Les jugements prononcés par le tribunal compétent en vertu de la Convention de Paris sont exécutoires sur le territoire de toute autre partie contractante (art. 13, al. d, CP).

Les dispositions relatives à la responsabilité civile prévues par la Convention de Paris doivent être appliquées sans aucune discrimination fondée sur la nationalité, le domicile ou la résidence (art. 14, al. a, CP).

La Convention de Paris prévoit que le droit national s'applique pour toutes les questions de fond et de procédure qui ne sont pas réglées spécialement par la convention (art. 14, al. b, CP).

Sauf disposition contraire de la législation d'une partie contractante, la Convention de Paris ne s'applique ni aux accidents nucléaires survenus sur le territoire d'Etats non contractants ni aux dommages subis sur ces territoires (art. 2 CP).

1.2.2

Convention complémentaire de Bruxelles de 1963 (incorporant les modifications de 1964 et 1982)

La Convention complémentaire de Bruxelles (CCB) est accessoire à la Convention de Paris, ce qui signifie que seules les parties à cette dernière peuvent demander à y adhérer (art. 1 CCB). Elle s'applique aux dommages dont répond l'exploitant d'une installation nucléaire située sur le territoire d'une partie contractante à la Convention de Paris et qui sont subis sur le territoire d'une partie contractante (art. 2 CCB).

La Convention complémentaire de Bruxelles prévoit des moyens d'indemnisation supplémentaires en cas d'épuisement de ceux rendus disponibles par l'exploitant responsable de l'installation nucléaire conformément à la Convention de Paris.

L'indemnisation est effectuée en trois tranches: 5136

­

à concurrence du montant fixé à cet effet par la législation de la partie contractante, au moyen de fonds provenant de l'exploitant responsable (art. 3, al. b, ch. (i), CCB);

­

entre ce montant et 175 millions de DTS (315 millions de francs environ), au moyen de fonds publics à allouer par la partie contractante sur le territoire de laquelle est située l'installation nucléaire de l'exploitant responsable (art. 3, al. b, ch. (ii), CCB);

­

entre 175 millions de DTS (315 millions de francs environ) et 300 millions de DTS (540 millions de francs environ), au moyen de fonds publics à allouer par l'ensemble des parties contractantes (art. 3, al. b, ch. (iii), CCB).

Les contributions de chacune des parties contractantes sont déterminées à l'aide d'une clé de répartition: à concurrence de 50 % sur la base du produit national brut, et à concurrence de 50 % sur la base de la puissance thermique installée des réacteurs situés sur le territoire de la partie contractante (art. 12 CCB).

Le système de Paris-Bruxelles garantit ainsi une couverture financière totale de 300 millions de DTS (540 millions de francs environ). Toutefois, le fait que la Convention complémentaire de Bruxelles prévoie une réparation au moyen de fonds publics n'empêche en aucun cas les parties contractantes de percevoir des contributions de la part des exploitants des installations nucléaires dans le but de rassembler ces fonds.

1.2.3

Convention de Vienne de 1963

La Convention de Vienne relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires correspond pour l'essentiel, quant au fond, à la Convention de Paris, à l'exception des éléments suivants: La responsabilité de l'exploitant de l'installation nucléaire n'est en principe pas limitée, mais la convention prévoit pour le législateur national la possibilité de plafonner cette responsabilité à un montant précis, pour autant que ce montant ne soit pas inférieur à 5 millions de dollars-or américains (cours de l'or du 29 avril 1963). A moins que la responsabilité de l'exploitant de l'installation nucléaire ne soit limitée dans son montant par la législation nationale, elle est illimitée aux termes de la Convention de Vienne.

A la différence de la Convention de Paris, les parties à la Convention de Vienne ne peuvent pas élargir le champ d'application de la convention aux Etats non contractants par des dispositions de droit national.

Le délai de prescription est de trois ans à compter du jour où le lésé a eu ou aurait dû avoir connaissance des dommages et de l'exploitant responsable.

5137

1.2.4

Protocole commun de 1988

Le Protocole commun établit un lien entre la Convention de Vienne et la Convention de Paris de la manière suivante: L'exploitant d'une installation nucléaire située sur le territoire d'une partie à la Convention de Paris est responsable conformément à cette convention des dommages nucléaires subis sur le territoire d'une partie contractante à la fois à la Convention de Vienne et à la Convention de Paris, et il en va de même en ce qui concerne la responsabilité de l'exploitant d'une installation nucléaire située sur le territoire d'une partie à la Convention de Vienne.

En cas d'accident nucléaire, la Convention de Vienne ou la Convention de Paris s'applique à l'exclusion de l'autre. La convention applicable est celle à laquelle est partie l'Etat sur le territoire duquel se trouve l'installation nucléaire dans laquelle est survenu l'accident. Dans le cas d'un accident nucléaire survenu hors d'une installation nucléaire et mettant en jeu des matières nucléaires en cours de transport, la convention applicable est celle à laquelle est partie l'Etat sur le territoire duquel se trouve l'installation nucléaire de l'exploitant responsable.

Les art. 1 à 14 de la Convention de Paris sont applicables aux parties contractantes au protocole qui sont parties à la Convention de Vienne de la même manière qu'entre les parties à la Convention de Paris. Inversement, les art. I à XV de la Convention de Vienne sont appliqués de la même manière en ce qui concerne les parties contractantes à la Convention de Paris.

Ces dispositions visent à assurer que les personnes lésées sur le territoire des parties contractantes à la Convention de Paris et à la Convention de Vienne soient indemnisées sans discrimination et de la même manière que si elles se trouvaient sur le territoire d'une partie contractante à la même convention que celle à laquelle est soumis l'exploitant responsable de l'installation nucléaire.

1.3

Réglementation de la responsabilité civile en matière nucléaire dans les pays limitrophes

1.3.1

Généralités

Pays limitrophes de la Suisse, l'Italie, la France et l'Allemagne sont parties à la Convention de Paris ainsi qu'à la Convention complémentaire de Bruxelles. L'Italie et l'Allemagne sont également parties au Protocole commun, tandis que la France prévoit de ratifier simultanément ce protocole ainsi que les protocoles d'amendement du 12 février 2004 des conventions de Paris et de Bruxelles. L'Autriche et la Principauté de Liechtenstein ne sont parties à aucune convention internationale relative à la responsabilité civile en matière nucléaire.

1.3.2

Allemagne

L'Allemagne compte actuellement 17 centrales nucléaires en service. La loi du 22 avril 2002 a entériné l'abandon du nucléaire servant à produire de l'électricité à des fins commerciales; selon son calendrier, la dernière centrale nucléaire allemande devrait être fermée en 2021.

5138

La loi atomique allemande («Atomgesetz») de 1959, telle qu'amendée pour la dernière fois en 2002, règle la responsabilité atomique aux par. 25 et suivants. La responsabilité de l'exploitant d'une installation nucléaire est régie par les dispositions de la Convention de Paris, complétées par celles de la loi atomique. La Convention de Paris est donc applicable à titre de législation nationale, mais la loi atomique allemande présente, par rapport à la Convention de Paris, certaines différences qui ont pour effet de renforcer la responsabilité de l'exploitant de l'installation nucléaire: Le montant de la responsabilité de l'exploitant est illimité; les dommages subis à l'étranger sont soumis à des conditions de réciprocité.

L'exploitant répond également des dommages résultant d'actes de conflit armé, d'hostilités, de guerre civile, d'insurrection ou de cataclysmes naturels de caractère exceptionnel. Toutefois, le montant de la responsabilité est plafonné en l'occurrence à 2,5 milliards d'euros (3,75 milliards de francs environ).

L'exploitant doit, en vue de satisfaire aux obligations légales en matière de réparation des dommages, disposer d'une assurance ou d'une autre garantie financière à concurrence de 2,5 milliards d'euros (3,75 milliards de francs environ).

Les actions en réparation se prescrivent par trois ans à compter de la date à laquelle le lésé a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage et de la personne responsable et, en tout état de cause, par trente ans à compter de la date du fait dommageable.

L'exploitant est responsable quel que soit le lieu de survenance du dommage.

L'Allemagne a ainsi fait usage de la possibilité prévue à l'art. 2 de la Convention de Paris d'élargir le champ d'application territorial de l'accord.

L'Etat intervient (obligation d'exonération) à concurrence du montant maximal de 2,5 milliards d'euros (3,75 milliards de francs environ), si les garanties financières ne couvrent pas les obligations légales de l'exploitant d'une installation nucléaire en matière de réparation ou si elles ne permettent pas d'y satisfaire.

Le 22 octobre 1986, la Suisse a conclu avec l'Allemagne un accord portant sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire. Cet accord prévoit, s'agissant des relations entre les deux Etats, qu'en cas d'accident nucléaire,
les ressortissants de l'Etat voisin ainsi que les personnes qui y ont leur siège, leur domicile ou leur lieu de séjour ordinaire bénéficient du même traitement que les ressortissants de l'Etat source (accord de réciprocité, RS 0.732.441.36).

1.3.3

France

Le parc nucléaire français compte 59 centrales en service. A l'instar de l'Allemagne, les dispositions relatives à la responsabilité civile de la Convention de Paris sont également applicables en France à titre de législation nationale. Le principal instrument en l'occurrence est la loi no 68-943 du 30 octobre 1968 relative à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, telle que modifiée par la loi no 90-488 du 16 juin 1990. Cette loi nationale de transposition complète la Convention de Paris de la manière suivante: Le montant maximal de la responsabilité de l'exploitant est fixé à 91,5 millions d'euros (150 millions de francs environ). Pour les installations à risque réduit se trouvant sur le même site que l'installation de base, le montant de la responsabilité 5139

est limité à 22,8 millions d'euros (38 millions de francs environ). Le plafond de la responsabilité en cas de dommage lors du transport de substances nucléaires est également fixé à 22,8 millions d'euros.

Au-delà du montant de la responsabilité de l'exploitant, les victimes sont indemnisées par l'Etat à concurrence de 300 millions de DTS (540 millions de francs environ), dans les conditions et limites fixées par la Convention complémentaire de Bruxelles.

En ce qui concerne les installations nucléaires à usage non pacifique, en principe exclues du champ d'application de la Convention de Paris, les victimes sont indemnisées de la même manière que celle prévue par la Convention de Paris et par la Convention complémentaire de Bruxelles.

En vertu des dispositions relatives au champ d'application territorial, prévues à l'art. 2 de la Convention de Paris, la responsabilité de l'exploitant d'une installation nucléaire française ne s'applique pas aux dommages survenus sur le territoire d'un Etat non contractant à la Convention de Paris.

Le tribunal de grande instance de Paris est seul compétent s'agissant des actions en réparation.

Les actions en réparation se prescrivent par trois ans à compter de la date à laquelle la victime a eu connaissance du dommage et de l'exploitant responsable, ou aurait dû en avoir raisonnablement connaissance; elles ne peuvent toutefois être intentées plus de dix ans à compter du jour de l'accident nucléaire. L'Etat français assure l'indemnisation des dommages dans un délai maximum de cinq ans après l'expiration de celui de dix ans, si ces dommages ne sont apparus qu'après ce délai de dix ans, que l'accident est survenu sur le territoire de la République Française, et que les actions en réparation relèvent de la compétence d'un tribunal français.

1.3.4

Italie

En Italie, les centrales nucléaires ont toutes été fermées. La Convention de Paris et la Convention complémentaire de Bruxelles ont été transposées dans la législation italienne par la loi no 1860 du 31 décembre 1962 sur les utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire («sull' impiego pacifico dell' energia nucleare»), qui fut ensuite amendée par le décret présidentiel no 519 du 10 mars 1975.

Le montant maximum de réparation dû par l'exploitant d'une installation nucléaire est fixé à 7500 millions de lires italiennes (6 millions de francs environ); lorsque la réparation dépasse ce montant, l'indemnisation est assurée par l'Etat à concurrence du plafond de 300 millions de DTS (540 millions de francs environ) défini par la Convention complémentaire de Bruxelles.

Les actions en réparation doivent être intentées dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle la personne lésée a eu ou aurait dû raisonnablement avoir connaissance du dommage et de l'exploitant responsable, et en tout état de cause dans un délai de dix ans à compter de la date de l'accident nucléaire.

Tout comme la France, l'Italie se limite également au champ d'application territorial défini à l'art. 2 de la Convention de Paris, ce qui signifie qu'aucune réparation n'est versée pour des dommages survenus sur le territoire d'un Etat non contractant à la Convention de Paris.

5140

1.3.5

Autriche

L'Autriche, qui ne compte aucune centrale nucléaire, mais seulement quelques réacteurs expérimentaux de petite taille, n'est partie à aucune convention internationale relative à la responsabilité civile en matière nucléaire. En 1999, la loi de 1964 sur la responsabilité atomique, en vigueur jusqu'alors, a été remplacée par la loi sur la responsabilité civile pour les dommages causés par la radioactivité («Bundesgesetz über die zivilrechtliche Haftung für Schäden durch Radioaktivität»), appelée également loi de 1999 sur la responsabilité atomique («Atomhaftungsgesetz»). Cette loi pose le principe de la responsabilité pour risque de l'exploitant d'une installation nucléaire, et ne limite pas cette responsabilité dans son montant. Elle ne prévoit pas de concentration de la responsabilité, ce qui implique que des personnes autres que l'exploitant de l'installation nucléaire peuvent être tenues à réparation si elles ont contribué à la survenance du dommage. Cette disposition est le point de divergence essentiel entre la réglementation autrichienne et les normes internationales en matière de droit de la responsabilité atomique. Ceci a pour conséquence que les conventions internationales en matière de responsabilité civile en matière nucléaire et donc également la loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire ne sont pas applicables aux dommages subis en Autriche (cf. ch. 1.4.2).

1.4

Protocoles d'amendement du 12 février 2004 des conventions de Paris et de Bruxelles

1.4.1

Remarques préliminaires

De 1989 à 1997, les parties contractantes à la Convention de Vienne ont entrepris une révision approfondie de la Convention de Vienne, révision qui a permis, après la catastrophe de Tchernobyl, d'améliorer considérablement la protection des victimes éventuelles d'accidents nucléaires. Parmi les éléments saillants de cette révision figurent l'élargissement du concept de dommage nucléaire ­ qui couvre désormais également certaines dégradations de l'environnement ­ et l'augmentation du montant minimal de la responsabilité ­ qui a été porté à 300 millions de DTS (540 millions de francs environ) au lieu des 5 millions de dollars-or américains alors prévus.

Les parties contractantes à la Convention de Paris et à la Convention complémentaire de Bruxelles ont également entamé en 1998 des négociations en vue d'une révision, avec pour principal objectif notamment de permettre que la Convention de Paris soit à nouveau compatible avec la Convention de Vienne. Par ailleurs, le Protocole commun rendait indispensable l'adaptation rapide de la Convention de Paris aux nouvelles dispositions de la Convention de Vienne afin d'assurer une protection transfrontières équivalente des victimes.

1.4.2

Protocole d'amendement de 2004 de la Convention de Paris

Le Protocole d'amendement de la Convention de Paris maintient la structure de base et plus particulièrement les principes de responsabilité civile établis par la convention, à l'exception du plafonnement du montant de la responsabilité, qui est sup5141

primé. Désormais, le protocole définit uniquement un montant minimal de responsabilité, qui peut bien évidemment être augmenté par les parties contractantes, mais en aucun cas diminué. Ainsi, la responsabilité de l'exploitant peut également être illimitée aux termes de la Convention de Paris telle qu'amendée par le protocole de 2004 (art. 7, al. a, CP 04).

Les principales modifications sont les suivantes: Concept de dommage nucléaire (art. 1, al. a, ch. (vii) à (x), CP 04): alors que ce concept faisait référence jusqu'à présent uniquement aux dommages causés aux personnes ou aux biens, il englobe désormais également les coûts des mesures de restauration de l'environnement ­ sauf si la dégradation est insignifiante ­ et les pertes de gain directement en relation avec une utilisation économique de l'environnement (p. ex. agriculture, pêche). Les dommages donnant droit à réparation incluent aussi les coûts induits par les mesures raisonnablement prises par toute personne après la survenance d'un accident nucléaire ou d'un événement créant une menace grave et imminente de dommage nucléaire, pour prévenir ou réduire au minimum les dommages nucléaires (mesures de sauvegarde). Les mesures de restauration et de sauvegarde ne donnent droit à réparation que sous réserve de l'approbation des autorités compétentes, si celle-ci est requise par la législation de l'Etat où les mesures sont prises.

Champ d'application territorial (art. 2 CP 04): le champ d'application de la convention n'est plus limité au territoire des parties contractantes; peuvent également donner droit à réparation les dommages survenus sur le territoire d'un Etat non contractant qui, au moment de l'accident nucléaire: ­

est partie contractante à la Convention de Vienne et au Protocole commun, ou

­

n'a pas d'installation nucléaire sur son territoire ou dans toute zone maritime qui lui revient en vertu du droit international public, ou

­

dispose d'une législation qui accorde des avantages équivalents sur une base de réciprocité, et qui repose sur des principes identiques à ceux de la Convention de Paris.

Les parties contractantes sont donc libres d'élargir dans leur législation le champ d'application de la convention, en l'étendant de manière globale aux Etats non contractants notamment.

Montant minimum de la responsabilité (art. 7, al. a, CP 04): la responsabilité de l'exploitant d'une installation nucléaire doit être de 700 millions d'euros au moins (1050 millions de francs environ). Des montants plus importants ainsi que la suppression du montant maximal de responsabilité sont admis. Une partie contractante peut, dans sa législation, fixer un montant moins élevé de 70 millions d'euros minimum (105 millions de francs environ) pour les installations nucléaires à faible risque (art. 7, al. b, ch. (i), CP 04). Quant au transport de substances nucléaires, le montant de la responsabilité peut être fixé à 80 millions d'euros minimum (120 millions de francs environ) en fonction de la nature des substances nucléaires en cause et du risque lié au transport de ces substances (art. 7, al. b, ch. (ii), CP 04).

Assurance (art. 10, al. a, CP 04): l'exploitant est tenu d'avoir et de maintenir une assurance ou une autre garantie financière correspondant au montant minimal de la responsabilité fixé par la législation nationale. Si la responsabilité de l'exploitant est illimitée, le montant de l'assurance ne pourra en aucun cas être inférieur à 700 5142

millions d'euros (1050 millions de francs environ) (art. 10, al. b, CP 04). Pour les installations et les transports présentant un risque réduit, les montants minimaux des assurances devront être de 70 et 80 millions d'euros respectivement (105 et 120 millions de francs environ). Dans la mesure où l'assurance ou autre garantie financière de l'exploitant est insuffisante pour payer les indemnités, la partie contractante intervient à concurrence des montants fixés (art. 10, al. c, CP 04).

Le délai de péremption s'élève à trente ans à compter de la date de l'accident nucléaire pour les actions en réparation du fait de dommages aux personnes, et à dix ans pour les actions en réparation du fait de tous les autres dommages. Les parties contractantes peuvent toutefois fixer des délais plus lointains pour autant que la responsabilité de l'exploitant soit couverte pour ces durées. La législation nationale peut également fixer un délai de déchéance ou de prescription de trois ans au moins à compter du moment où le lésé a eu ou a dû raisonnablement avoir connaissance du dommage et de l'exploitant responsable (art. 8, al. a à d, CP 04).

L'exclusion de la responsabilité de l'exploitant en cas d'actes de conflit armé est maintenue, mais celle qui s'appliquait en cas de cataclysmes naturels de caractère exceptionnel a été supprimée (auparavant, il appartenait aux parties contractantes de déterminer si elles entendaient appliquer cette exclusion) (art. 9 CP 04).

Le tribunal compétent peut libérer l'exploitant responsable, en totalité ou en partie, de l'obligation de réparer le dommage si ce dommage résulte d'une négligence grave de la personne qui l'a subi ou si cette personne a agi dans l'intention de causer ce dommage (art. 6, al. c, ch. (i) 1, CP 04).

1.4.3

Protocole d'amendement de 2004 de la Convention complémentaire de Bruxelles

La structure de base de la Convention complémentaire de Bruxelles et le principe des trois tranches d'indemnisation ont été maintenus, mais la révision de la Convention de Paris a entraîné certaines modifications non négligeables pour la Convention complémentaire de Bruxelles.

Les montants des trois tranches d'indemnisation sont désormais définis comme suit: Première tranche: augmentation à 700 millions d'euros minimum (1050 millions de francs environ) ­ à savoir le montant minimal défini par la Convention de Paris ­ de la réparation au moyen de fonds (assurance ou toute autre garantie financière) provenant de l'exploitant responsable de l'installation nucléaire (art. 3, al. b, ch. (i), CCB 04).

Deuxième tranche: entre le montant de la première tranche et 1200 millions d'euros (1800 millions de francs environ), réparation au moyen de fonds publics de la partie contractante sur le territoire duquel est située l'installation de l'exploitant responsable. Lorsque les moyens rendus disponibles par l'exploitant sont supérieurs à 700 millions d'euros, cette deuxième tranche peut également être alimentée en totalité ou en partie au moyen de fonds provenant de l'exploitant (art. 3, al. b, ch. (ii), CCB 04).

Troisième tranche: entre 1200 millions d'euros et 1500 millions d'euros (2250 millions de francs environ), réparation au moyen de fonds à allouer conjointement par toutes les parties contractantes (art. 3, al. b, ch. (iii), CCB 04).

5143

La clé de répartition utilisée s'agissant des 300 millions d'euros (450 millions de francs environ) à allouer conjointement par les parties contractantes au titre de la troisième tranche a été modifiée: elle est désormais calculée à concurrence de 35 % (au lieu de 50 % précédemment) sur la base du produit intérieur brut, et à concurrence de 65 % (au lieu de 50 % précédemment) sur la base de la puissance thermique installée des réacteurs situés sur le territoire de la partie contractante (art. 12, al. a, CCB 04).

La troisième tranche d'indemnisation est versée lorsque le montant de la réparation dépasse 1200 millions d'euros, indépendamment du fait que ces moyens proviennent des fonds privés de l'exploitant ou de fonds publics, ou que d'autres fonds privés restent disponibles. Ainsi, le recours à la troisième tranche est fondé dès lors que le montant de la réparation dépasse 1200 millions d'euros, et ce même si l'Etat de l'exploitant oblige ce dernier à disposer d'une couverture financière privée supérieure à 1200 millions d'euros. Ce n'est qu'en cas d'épuisement de la troisième tranche que les autres moyens de l'exploitant peuvent être utilisés pour la réparation (art. 9, al. c, CCB 04).

Le champ d'application géographique de la Convention de Bruxelles révisée correspond au champ d'application élargi défini par la Convention de Paris. Cependant, le recours aux deuxième et troisième tranches d'indemnisation de la Convention complémentaire de Bruxelles reste exclu s'agissant des dommages survenus sur le territoire d'Etats non contractants (art. 2, al. a, CCB 04).

En cas d'adhésion d'autres Etats à la convention, la troisième tranche est augmentée d'un certain montant, qui est déterminé à concurrence de 35 % sur la base du produit intérieur brut et à concurrence de 65 % sur la base de la puissance thermique installée de la partie qui adhère, en tenant compte des valeurs correspondantes des parties contractantes. Ainsi, le montant de la troisième tranche de la Convention complémentaire de Bruxelles n'est plus figé, mais dépend désormais du nombre de parties contractantes (art. 12bis, al. a, CCB 04).

1.4.4

Ratification des conventions de Paris et de Bruxelles et du Protocole commun

Décision de non-ratification prise en 1979 Dans son message du 10 décembre 1979 concernant une loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire (FF 1980 I 172), le Conseil fédéral conclut qu'il convient de renoncer à ratifier les conventions de Paris et de Bruxelles pour les raisons politiques et juridiques suivantes: ­

5144

L'énoncé et l'esprit des conventions de Paris et de Bruxelles interdisent aux Etats parties non seulement de prévoir une responsabilité civile illimitée, mais aussi de fixer une limite de responsabilité qui dépasse la limite fixée par la Convention de Bruxelles. Le Conseil fédéral écrivit à cette époque: «Nous estimons donc qu'il conviendrait de nous abstenir de ratifier ces deux conventions, à tout le moins aussi longtemps qu'un tel acte nous interdit d'adopter la responsabilité civile illimitée pour les exploitants d'installations atomiques helvétiques.»

­

Le Conseil fédéral craignait par ailleurs que les montants garantis mis à la disposition des victimes par le système Paris-Bruxelles ne soient insuffisants. Le message précisait: «En conséquence, nous estimons que la seule ratification des conventions de Paris et de Bruxelles n'assure pas à ceux qui pourraient être lésés une protection financière suffisante. La Suisse doit de toute manière prévoir dans sa loi des réparations qui vont plus loin. C'est pourquoi la ratification ne s'impose pas, de ce point de vue.»

Situation nouvelle issue de la révision des conventions de Paris et de Bruxelles Les motifs invoqués à l'époque sont aujourd'hui sans fondement. En effet, les conventions révisées de Paris et de Bruxelles reconnaissent expressément une législation nationale en matière de responsabilité civile avec responsabilité illimitée de l'exploitant. L'art. 7 de la Convention de Paris révisée n'indique plus de montant maximum de la responsabilité, mais fixe un montant minimum de responsabilité de l'exploitant d'une installation nucléaire. De plus, l'art. 10 de la Convention de Paris révisée se réfère expressément à la couverture à fournir en cas de responsabilité illimitée (art. 10, al. b).

Une adhésion de la Suisse aux conventions offrirait les avantages suivants: La Suisse est principalement entourée d'Etats nucléaires qui sont parties aux conventions de Paris et de Bruxelles (cf. ch. 1.3). Si elle ratifie les conventions, les lésés suisses ont la garantie, en cas d'accident nucléaire à l'étranger, d'être dédommagés sur la base de l'égalité de traitement posée comme principe de responsabilité civile dans les conventions internationales, une égalité qui n'est pas garantie dans la situation juridique actuelle.

Une participation à la Convention complémentaire de Bruxelles offrirait à la Suisse de bénéficier des fonds que les Etats parties mettent à disposition au titre de la solidarité internationale, au cas où des dommages nucléaires viendraient à toucher la Suisse (3e tranche = 450 millions de francs). Ce montant non négligeable viendrait s'ajouter à la couverture fixée dans la loi révisée sur la responsabilité civile en matière nucléaire.

Les personnes lésées en Suisse pourraient faire valoir leurs demandes de dommagesintérêts en s'appuyant sur des règles matérielles et formelles communes applicables dans tous les Etats parties, indépendamment des frontières nationales, car la Convention de Paris ne prévoit qu'un seul tribunal compétent, dont le jugement a force exécutoire dans chaque Etat partie.

L'adhésion au Protocole commun garantit que les avantages susmentionnés apportés par des relations contractuelles entre la Suisse et d'autres Etats s'appliquent également si la Suisse subit un dommage causé par une installation sise dans un Etat partie à la Convention de Vienne.

La comparaison entre les
conventions de Paris et de Bruxelles et le droit suisse montre que les deux réglementations sont largement identiques sur le plan des principes de la responsabilité civile et de la protection des personnes lésées.

La non-adhésion de la Suisse au régime international de responsabilité nucléaire constitue un inconvénient majeur pour les victimes d'un éventuel accident nucléaire.

En effet, en l'absence de relations contractuelles entre les Etats, il est beaucoup plus difficile de faire valoir des demandes d'indemnisation, car les lésés n'ont pas d'autre choix que d'emprunter la voie juridique civile ordinaire à l'étranger. Ils n'ont pas la 5145

garantie d'obtenir le même traitement que les victimes dans l'Etat dans lequel l'accident s'est produit, ni même celle d'obtenir un dédommagement quel qu'il soit.

La situation juridique actuelle est également risquée pour l'exploitant responsable d'une installation nucléaire suisse, car en cas de dommages à l'étranger, il ne peut pas prévoir quelle réglementation juridique s'appliquera.

L'intégration dans un système international de responsabilité nucléaire pourrait avoir pour effet que les fonds mis à disposition pour couvrir les dommages nucléaires soient répartis entre un nombre de victimes plus élevé qu'en cas de distribution limitée au niveau national. Mais cet inconvénient est largement compensé par les avantages évoqués plus haut. De plus, il faut savoir que si la couverture proposée et les autres moyens mis à disposition en vertu de la Convention complémentaire de Bruxelles sont élevés, les limites de capacité d'une action de droit civil seraient de toute façon atteintes en cas de dommages plus importants. Pareil cas équivaudrait de toute façon à une catastrophe nécessitant des moyens publics supplémentaires.

1.5

Reprise des conventions internationales dans le droit suisse

1.5.1

Reprises dans la LRCN

Les parties opérantes de la Convention de Paris (art. 1 à 15) sont formulées de manière à pouvoir être directement appliquées dans un Etat. Il n'est pas nécessaire que le législateur national transpose ce traité international en une loi nationale pour en permettre l'application. Parmi les Etats voisins de la Suisse, l'Allemagne et la France ont elles aussi choisi la procédure de l'application directe («self-executing»), procédure qui permet par ailleurs d'éviter les erreurs d'interprétation du texte du traité lors de la transposition dans une loi nationale.

Il n'en va pas de même pour la Convention complémentaire de Bruxelles, qui crée des droits et des obligations entre les Etats parties sans s'adresser aux individus et doit donc être transposée dans le droit national.

Le Protocole commun est lui aussi formulé de manière à ce que ses dispositions deviennent directement applicables après ratification.

La ratification des deux conventions et du Protocole commun a donc des répercussions directes sur la forme et le contenu de la loi révisée sur la responsabilité civile en matière nucléaire. Afin d'éviter les difficultés d'interprétation, les dispositions directement applicables de la Convention de Paris et du Protocole commun ne sont pas reprises dans le projet de loi. Dans la mesure du possible, la loi doit se référer à ces traités internationaux et ne reprendre que les dispositions des conventions qui ne sont pas directement applicables. Elle doit également réglementer les domaines qui ne sont pas traités par les conventions ou qui restent de la compétence du législateur national. La loi révisée sur la responsabilité civile en matière nucléaire ne contient donc que les dispositions complémentaires de la Convention de Paris et du Protocole commun.

5146

1.5.2

Réserves aux conventions internationales émises par la Suisse

Le 12 février 2004, la Suisse a signé les protocoles d'amendement 2004 de la Convention de Paris et de la Convention complémentaire de Bruxelles, sous réserve de la ratification. Elle a annoncé deux réserves (cf. art. 1, al. 1, let. a, du projet d'arrêté fédéral concernant l'approbation et la mise en oeuvre des conventions relatives à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire): En vertu de l'art. 8, al. f, de la Convention de Paris, une personne ayant intenté une action en réparation dans le délai prévu peut présenter une demande complémentaire en cas d'aggravation du dommage nucléaire après l'expiration de ce délai, tant qu'un jugement définitif n'a pas été rendu. Cette disposition ne permet de présenter une demande complémentaire après l'expiration du délai de 30 ans que dans la mesure où le tribunal compétent n'a pas encore rendu de jugement définitif. La révision d'un jugement exécutoire ne serait donc plus possible. Or la possibilité de réviser un jugement exécutoire est ancrée dans la tradition juridique suisse (cf. art. 137 de la loi d'organisation judiciaire, RS 173.110). C'est pourquoi tant la loi actuelle sur la responsabilité civile en matière nucléaire (cf. art. 10, al. 3, LRCN) que le projet (art. 5, al. 5) prévoient qu'une révision d'un jugement exécutoire peut être demandée si l'état de santé de la personne lésée empire ou que de nouveaux faits apparaissent ou de nouveaux moyens de preuve soient produits.

La seconde réserve concerne l'art. 9 de la Convention de Paris révisée, en vertu duquel l'exploitant d'une installation nucléaire n'est pas responsable des dommages nucléaires causés par un accident nucléaire si cet accident est dû directement à des actes de conflit armé, d'hostilités, de guerre civile ou d'insurrection. Or la loi actuelle sur la responsabilité civile en matière nucléaire prévoit que l'exploitant d'une installation nucléaire répond également des dommages dus à des faits de guerre ou à des actes terroristes. Dans l'optique de la protection des victimes, cette responsabilité doit subsister dans la loi révisée.

Conformément à l'art. 18 de la Convention de Paris révisée, les Etats signataires peuvent émettre des réserves jusqu'au jour de sa ratification. La Suisse émettra alors une troisième réserve concernant le principe de réciprocité vis-à-vis
des Etats parties à la Convention de Vienne qui sont également parties au Protocole commun (cf.

art. 1, al. 1, let. c, du projet d'arrêté fédéral concernant l'approbation et la mise en oeuvre des conventions relatives à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire). Certains Etats parties aux conventions susmentionnées prévoient dans leur législation nationale des couvertures minimales inférieures à celle prévue à l'art. 7, al. a, de la Convention de Paris (700 millions d'euros). A l'égard de ces Etats, la Suisse doit pouvoir se réserver le droit, par analogie à l'art. 7, al. g, de la Convention de Paris révisée, de verser une indemnisation à concurrence uniquement du montant que l'autre Etat prévoit dans ses relations avec la Suisse au moment d'un accident nucléaire. Cette réserve, qui doit obligatoirement être émise car le Protocole commun ne permet aucune condition de réciprocité, est concrétisée par l'art. 27, al. 1, let. c, dernière phrase, du projet de LRCN. La validité de cette troisième réserve a été approuvée par le dépositaire du traité.

5147

1.6

Relèvement du montant de la couverture

L'une des principales raisons de la révision de la loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire est le relèvement du montant de la couverture, qui est actuellement d'un milliard de francs (plus 100 millions pour les intérêts et les dépens). Certes élevé en comparaison internationale, ce montant est relativement modeste au regard du potentiel de dommages inhérent à un accident nucléaire. Son relèvement avait déjà été proposé dans le débat parlementaire de la loi sur l'énergie nucléaire, mais les propositions dans ce sens ont été retirées ou rejetées dans la perspective de la révision totale de la loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire.

Sur mandat de l'Office fédéral de l'énergie, le professeur Peter Zweifel et M. Roland D. Umbricht de l'Institut socioéconomique de l'Université de Zurich ont examiné les conditions dans lesquelles la couverture du risque nucléaire pourrait être améliorée. Dans leur rapport du mois de mai 2002, ils concluent qu'il existe de bonnes raisons d'élargir l'assurance responsabilité civile obligatoire en matière nucléaire.

Etant donné les dommages que pourrait causer un accident grave avec fuite de radioactivité, les auteurs du rapport plaident pour le relèvement du montant de la couverture. Les coûts en seraient supportables selon eux: si ce montant était porté à deux, voire à quatre milliards, le surcoût de la production des centrales nucléaires ne nuirait pratiquement pas à la compétitivité de cette énergie.

Les auteurs ont aussi étudié la question de savoir dans quelle mesure la population suisse serait disposée à payer davantage pour s'assurer une plus grande sécurité financière en cas d'accident nucléaire grave. Leur conclusion est que la majorité des citoyens accepteraient les coûts du relèvement de la couverture à quatre milliards de francs.

Toutefois, deux autres experts, le professeur Silvio Borner de l'Université de Bâle et M. Stefan Hirschberg, de l'Institut Paul-Scherrer, critiquent les méthodes et hypothèses adoptées dans les études en question. Ils font notamment valoir que la fonction de dommage admise ne saurait convenir pour le calcul des primes d'assurance, que les primes de l'assurance responsabilité civile ne sont guère de nature à influencer les risques et qu'il n'est pas tenu compte des coûts externes des autres modes de
production d'électricité.

Ces critiques, s'ajoutant à l'incertitude des résultats, imputable au fait que les études ont porté sur des questions encore peut explorées par la science, montrent que bien de questions liées à la couverture du risque nucléaire restent encore sans réponse.

C'est pourquoi le montant de cette couverture relève avant tout d'une décision politique.

Le présent projet de loi propose d'accroître le montant de la couverture à 1,8 milliard de francs, afin de parvenir au niveau des deux premières tranches prévues par la Convention de Paris et la Convention complémentaire de Bruxelles (1,2 milliard d'euros, soit 1,8 milliard de francs environ). C'est le minimum nécessaire pour pouvoir ratifier ces deux conventions. La consultation a montré qu'une couverture plus élevée encore n'aurait guère de chances d'être acceptée politiquement. Les raisons suivantes justifient le relèvement de la couverture: L'objectif essentiel de la législation sur la responsabilité civile en matière nucléaire est de protéger les victimes. Etant donné les conséquences éventuelles, catastrophiques, d'un accident nucléaire et des dommages qui en résulteraient, il incombe à

5148

l'Etat de faire en sorte que les victimes bénéficient de la meilleure protection possible, au moins en termes financiers.

C'est ce qui a amené le législateur à fixer en 1983 la couverture à 1 milliard de francs, sachant que les assurances privées ne pouvaient en assumer que 300 millions.

Dans l'intervalle, les montants de couverture ont été relevés à l'étranger, parfois massivement, que ce soit par exemple au titre des conventions de Paris et de Bruxelles, où l'on est passé de 540 millions de francs à quelque 2,25 milliards (1,5 milliard d'euros environ, correspondant aux trois tranches prévues dans la Convention complémentaire de Bruxelles), ou en Allemagne, où l'on est passé de 1 milliard de DM à quelque 3,75 milliards de francs (2,5 milliards d'euros environ).

Selon leurs propres déclarations, les assurances privées ne peuvent guère assurer dans un avenir proche un montant supérieur à 1 milliard de francs. La collectivité publique devra donc fournir des moyens financiers en cas de dommage dépassant ce montant. Du moment qu'elle supporte ce risque, elle doit pouvoir comme par le passé prélever des contributions chez ceux qui le causent.

1.7

Principales réglementations du projet de révision de la loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire

La LRCN en vigueur garantit une protection élevée aux victimes d'un accident nucléaire. Les conventions révisées de Paris et de Bruxelles permettent non seulement de maintenir le niveau actuel dans le droit national, elles offrent encore une protection supplémentaire dans le cas d'un accident nucléaire survenu à l'étranger qui entraîne des dommages en Suisse. Le projet améliore en outre la protection des personnes lésées dans certains domaines. En contrepartie, la ratification des conventions révisées crée de nouvelles obligations pour la Suisse. Les principaux éléments du projet et les avantages d'une ratification sont énumérés succinctement ci-après: ­

concentration de la responsabilité civile uniquement sur l'exploitant de l'installation nucléaire, dont la responsabilité est illimitée; cela correspond au droit en vigueur;

­

assurance obligatoire (ou autres garanties financières) d'un montant de 1,8 milliards de francs, plus 10 % de ce montant pour les intérêts et les frais de procédure; cette réglementation améliore sensiblement la protection financière des personnes lésées, car la couverture actuelle est d'un milliard de francs, plus 10 % pour les intérêts et les frais de procédure;

­

délai de prescription de trois ans à compter du jour où le lésé a eu connaissance du dommage et de l'exploitant responsable, ou aurait dû raisonnablement en avoir connaissance; délai de péremption de trente ans après l'événement dommageable; ces délais correspondent au droit en vigueur;

­

le responsable ne peut être libéré de sa responsabilité vis-à-vis du lésé que si ce dernier a causé le dommage intentionnellement ou par négligence grave; cette réglementation correspond également au droit en vigueur;

­

responsabilité civile pour les dommages nucléaires qui sont directement provoqués par un conflit armé, des hostilités, une guerre civile ou une insurrection, y compris les actes de violence terroristes; ces éléments correspondent au droit en vigueur.

5149

Une adhésion de la Suisse aux conventions de Paris et de Bruxelles offrirait aux victimes suisses d'un accident nucléaire survenu à l'étranger et causant des dommages sur territoire suisse de bénéficier des avantages suivants par rapport à la situation actuelle: ­

compétence d'un seul tribunal pour toutes les personnes lésées, indépendamment du domicile et de la nationalité; à l'heure actuelle, les victimes suisses d'un accident survenu à l'étranger ne peuvent faire valoir leurs droits que par la voie juridique civile ordinaire à l'étranger; elles n'ont pas la garantie d'être traitées de la même manière que les victimes d'un Etat partie;

­

garantie d'un dédommagement équivalant sans discrimination vis-à-vis des lésés d'autres Etats parties en cas d'accident dans un Etat partie;

­

montant total versé à titre de dédommagement de 1500 millions d'euros pour les deux conventions (2,25 milliards de francs);

­

mise à disposition par les Etats parties de 300 millions d'euros pour l'Etat partie sur le territoire duquel l'accident nucléaire s'est produit (troisième tranche de la Convention de Bruxelles révisée). En cas d'accident sur son territoire, la Suisse disposerait donc d'un montant supplémentaire de 450 millions de francs pour dédommager les victimes.

La principale obligation découlant de la ratification des conventions par la Suisse est le co-financement de la troisième tranche de la Convention de Bruxelles révisée. En cas d'accident nucléaire dans l'un des Etats parties à la Convention complémentaire de Bruxelles, elle se chiffrerait actuellement (cf. ch. 1.4.3) pour la Suisse à 7,47 millions d'euros (11 millions de francs environ).

1.8

Résultats de la procédure préliminaire

1.8.1

Préparation de l'avant-projet

Le 14 juin 2002, le Conseil fédéral a chargé le DETEC de préparer un avant-projet de loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire qui intègre la Convention de Paris révisée et la Convention complémentaire de Bruxelles révisée.

Un groupe de travail dirigé par l'OFEN a été mis sur pied pour préparer l'avantprojet de révision de la loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire. Il était composé d'un représentant de chacun des organes ou organismes suivants: les exploitants des centrales nucléaires, le pool suisse pour l'assurance des risques nucléaires, l'Administration fédérale des finances, l'Office fédéral de la justice et la Direction du droit international public. Le groupe de travail a été conseillé par un spécialiste allemand de la responsabilité civile nucléaire à l'échelle internationale.

Par décision du 29 juin 2005, le Conseil fédéral a pris connaissance de l'avant-projet d'arrêté fédéral concernant l'approbation et la mise en oeuvre des conventions relatives à la RC dans le domaine de l'énergie nucléaire et a chargé le DETEC de soumettre ce projet aux cantons, aux partis politiques et aux associations et organisations intéressées, avec un délai de réponse au 31 octobre 2005.

5150

1.8.2

Résultats de la procédure de consultation

Des 68 destinataires invités à se prononcer, 50 ont répondu, auxquels il faut ajouter 25 autres organisations qui se sont exprimées spontanément.

Les principaux thèmes développés par les participants à la procédure de consultation sont la ratification des convention internationales relatives à la responsabilité civile en matière nucléaire, l'augmentation du montant de la couverture des dommages résultants d'un incident nucléaire et la responsabilité de l'exploitant pour les dommages nucléaires découlant d'un conflit armé, d'une guerre civile, d'un soulèvement ou d'un acte de terrorisme.

En ce qui concerne la ratification des conventions internationales en la matière, tous les avis exprimés y sont favorables, à l'exception d'une très petite minorité de participants (canton du Tessin, le PS, le PES, la SES et Greenpeace) qui ont déclaré y être opposés au vu de l'insuffisance du montant de couverture.

Pour ce qui est de l'augmentation de la couverture de 1 à 2,25 milliards de francs, les avis sont plus partagés. La plupart des cantons estiment que le montant de 2,25 milliards de francs est justifié, sauf BS, JU, TI et GE qui l'estime trop bas.

Certains partis politiques (PDC, PRD et UDC), les organisations défendant les intérêts de l'économie et de l'industrie électrique estiment qu'il est trop haut et doit être ramené à 1,8 milliard, soit au montant prévu dans les conventions de Paris et de Bruxelles. Certains partis politiques (PCS, PEV, PES, PsT et PS) et organisations (Travail.Suisse, SATW, Sortir du Nucléaire, Greenpeace) ont au contraire considéré que ce montant était trop bas et devait être relevé.

L'industrie électrique, les cantons de GL, AR, ZG et AG ainsi que l'UDC estiment en outre que seule la première tranche (1 milliard de francs) doit être supportée par les exploitants, la deuxième tranche devant être, comme le prévoient les conventions de Paris et de Bruxelles, financée par la collectivité publique. Au contraire, le PEV, le PES, le PS, la SES et Greenpeace affirment que les exploitants doivent assumer seuls l'entier du risque et que la collectivité publique n'a dès lors pas à couvrir une quelconque partie d'un éventuel dommage.

Enfin, pour ce qui est de la mise à la charge des exploitants des dommages découlant d'un conflit armé, d'hostilités, d'une guerre civile ou d'un soulèvement,
certains estiment qu'il faut biffer ces dispositions de la LRCN, car les conventions internationales excluent la responsabilité de l'exploitant dans ces circonstances. D'autres ont au contraire demandé à ce que la liste soit complétée et que les actes terroristes soient également inclus.

1.8.3

Modification du projet mis en consultation

Sur la base des prises de position reçues, l'avant-projet a été modifié dans le sens suivant: ­

fixation du montant de couverture à 1,8 milliard de francs (au lieu de 2,25 milliards de francs; art. 8 al. 2); le projet de loi se limite aux montants de couverture minimaux prévus par les conventions internationales afin de permettre leur ratification; la 3e tranche de la convention complémentaire de Bruxelles (450 millions de francs) est versée par les Etats parties à cette convention et ne doit donc pas être mis à la charge des exploitants d'instal5151

lations nucléaires par le biais d'une assurance ou d'une autre couverture financière; ­

inclusion expresse dans le projet, parmi les dommages supportés par les exploitants, des dommages découlant d'actes terroristes (art. 3, al. 2);

­

maintien du financement de la deuxième tranche par les exploitants (et non par la collectivité publique, comme certains participants à la procédure de consultation l'ont proposé); l'exploitation d'une installation nucléaire ne relève pas de la puissance publique et les exploitants de telles installations doivent, en vertu du principe de causalité, procurer les moyens financiers nécessaires à la couverture des risques liés à cette activité.

1.8.4

Recommandations du groupe d'experts pour les modèles de gestion des déchets radioactifs (EKRA)

Le groupe d'expert pour les modèles de gestion des déchets radioactifs (EKRA) a dans sa contribution à la stratégie de gestion des déchets radioactifs en Suisse d'octobre 2002 émis notamment la recommandation suivante: «lors de la révision de la loi sur la responsabilité civile en matière d'énergie nucléaire, la possibilité et la nécessité d'une solution assurantielle pour la récupération des déchets en cas de défaillance de la sécurité devraient être étudiées».

Selon le projet de loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire (art. 3, al. 1, du projet LRCN), l'exploitant d'un dépôt géologique de profondeur pour déchets nucléaires est responsable des dommages nucléaires jusqu'à la fermeture du dépôt (libération prévue par la loi sur l'énergie nucléaire). Après la fermeture du dépôt, la Confédération est responsable des dommages (art. 2, let. b, du projet LRCN).

Le financement de la désaffectation et du démantèlement des installations nucléaires mises hors service ainsi que celui de l'évacuation des déchets ainsi produits (coûts de désaffectation) est assuré par un fonds de désaffectation (art. 77 ss LENu). La question de la mise à disposition des moyens destinés à financer la récupération éventuelle des déchets hors du dépôt géologique de profondeur doit être réglée en relation avec le fonds de désaffectation.

2

Commentaire de certaines dispositions

2.1

Arrêté fédéral concernant l'approbation et la mise en oeuvre des conventions relatives à la RC dans le domaine de l'énergie nucléaire

Avec le présent projet d'arrêté fédéral, l'approbation des traités internationaux relatifs à la responsabilité civile en matière nucléaire est juridiquement liée à l'acceptation de la loi révisée sur la responsabilité civile en matière nucléaire. Cette réglementation s'appuie sur l'art. 141a, al. 2, de la Constitution fédérale et présuppose que l'arrêté portant approbation d'un traité international est sujet au référendum (cf. art. 3, al. 1, de l'arrêté fédéral). L'art. 141a, al. 2, de la Constitution fédérale vise à empêcher que la Suisse ne contracte des engagements internationaux qu'elle ne serait pas en mesure de remplir si la loi fédérale de mise en oeuvre de l'engagement devait être rejetée en votation populaire. C'est le motif de la corrélation entre 5152

l'approbation des traités internationaux et l'acceptation de la loi fédérale relative à la mise en oeuvre des traités: si un référendum n'est pas lancé contre l'approbation des traités internationaux, il ne peut plus être lancé séparément contre la loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire visant la mise en oeuvre de ces traités.

Les conventions internationales à approuver en vertu de l'art. 1 de l'arrêté fédéral (Convention de Paris, Convention complémentaire de Bruxelles, Protocole commun) contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit (cf. ch. 1.2 et 1.4 des Généralités). Même si les parties opératoires de la Convention de Paris (art. 1 à 15) sont formulées de manière à pouvoir être appliquées directement («selfexecuting») au sein des Etats, la mise en oeuvre de cette convention, et particulièrement de la Convention complémentaire de Bruxelles, qui n'est pas directement applicable, nécessite l'adoption de lois fédérales (dans le cas présent, la LRCN). Les traités internationaux qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales sont sujets au référendum en vertu de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, de la Constitution fédérale (cf. art. 3 de l'arrêté fédéral). Concernant les réserves, voir les explications au point 1.5.2.

L'art. 2 de l'arrêté fédéral régit l'acceptation de la loi révisée sur la responsabilité civile en matière nucléaire. Veuillez vous référer aux explications suivantes au ch. 2.2.

L'art. 3 de l'arrêté fédéral règle, en plus de la question du referendum facultatif relatif aux conventions internationales (al. 1), l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur la responsabilité civile en matière nucléaire (al. 2). Cette entrée en vigueur ne pourra se faire que lorsque les protocoles d'amendement de la Convention de Paris et la Convention complémentaire de Bruxelles seront eux-mêmes entrés en vigueur.

En ce qui concerne la Convention de Paris, la majorité des Etats membres suffit pour que le protocole d'amendement entre en vigueur. Par contre, pour la Convention complémentaire de Bruxelles, il faut que tous les Etats parties adoptent, approuvent ou ratifient les modifications. Cette exigence d'unanimité constitue un obstacle important dont la levée réclame un certain
temps. Par conséquent, la question de savoir quand la révision de la loi fédérale sur la responsabilité civile en matière nucléaire pourra entrer en vigueur est encore totalement ouverte.

2.2 Art. 1

Loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire Objet

A l'al. 1 de son article premier, la loi règle la responsabilité civile en cas de dommages nucléaires causés par des installations nucléaires ou lors du transport de substances nucléaires, ainsi que leur couverture. Les prescriptions de la présente loi ne s'appliquent qu'en complément aux conventions mentionnées dans le préambule.

Cela signifie que la partie opératoire de la Convention de Paris (art. 1 à 15) est le droit directement applicable en Suisse, pour tout un chacun. Les demandes de dommages-intérêts pour dommage nucléaires doivent donc être jugées en vertu de la Convention de Paris; cette dernière est complétée par la présente loi là où la convention laisse le champ libre au législateur national.

5153

L'al. 2 prévoit que les dispositions de la Convention de Paris directement applicables (art. 1 à 15) sont applicables en droit national indépendamment de la validité de cette convention selon le droit des gens. Cette prescription permet de garantir qu'il existe également en Suisse un système de responsabilité civile et de couverture pour les dommages nucléaires au cas où la Convention de Paris, pour une raison quelconque, serait annulée ou suspendue en vertu du droit des gens. La Convention complémentaire de Bruxelles ne doit pas être mentionnée dans l'al. 2, car cette convention ne concerne pas les fondements de la responsabilité civile, mais crée en première ligne des obligations entre les Etats parties, qui prévoient des indemnisations complémentaires par les Etats parties. Si la Convention complémentaire de Bruxelles n'a plus force obligatoire en vertu du droit des gens, il n'y a plus de raison pour que ses dispositions soient applicables au niveau national.

L'al. 3 déclare les prescriptions du code suisse des obligations applicables dans la mesure où la présente loi et les conventions mentionnées dans le préambule n'en disposent pas autrement.

Art. 2

Définitions

Il résulte de l'applicabilité directe de la Convention de Paris que ses définitions contenues à l'art. 1, al. (a), sont également directement applicables en Suisse. Cela signifie en particulier que les notions centrales de cette convention, notamment les notions d'«accident nucléaire», de «dommage nucléaire», d'«installation nucléaire» et d'«exploitant d'une installation nucléaire», doivent être directement reprises, tout comme les autres définitions figurant à l'art. 1, al. (a), de la convention.

La notion de «dommage nucléaire» telle qu'elle est définie par la Convention de Paris comprend, outre le décès et le dommage causé aux personnes, toute perte de bien et les dommages causés aux biens. La nouveauté introduite par le protocole d'amendement consiste à considérer comme dommage nucléaire le coût des mesures de restauration d'un environnement dégradé ainsi que tout manque à gagner directement en relation avec une utilisation ou une jouissance quelconque de l'environnement et qui résulte d'une dégradation importante de cet environnement. Selon le Pool suisse d'assurances des risques nucléaires, une couverture d'assurance ne peut toutefois pas être offerte de manière générale pour tous les manques à gagner en relation avec une jouissance quelconque de l'environnement. En ce qui concerne l'utilisation de l'environnement, une couverture ne peut être offerte que pour autant que le droit d'utiliser l'environnement fasse l'objet d'une protection officielle (p. ex.

permis de pêche, ou autorisation de couper du bois). Dans le cas où une couverture d'assurance privée pour ces dommages s'avérerait impossible, la Confédération se chargera d'offrir la couverture nécessaire en application de l'art. 9, al. 4, LRCN.

La let. a prévoit, en accord avec l'autorisation de l'art. 1, al. (a), ch. (ii), de la Convention de Paris, que deux ou plusieurs installations nucléaires relevant du même exploitant, qui sont réunies sur un même site, éventuellement avec d'autres installations abritant des combustibles nucléaires, des produits ou des déchets radioactifs, sont considérées comme une installation nucléaire unique. La conséquence pratique de cette prescription est surtout qu'il suffit également de fournir une seule couverture en vertu des art. 8 et suivants du projet. Cela correspond à la loi actuelle (cf. notamment l'art. 5, al. 1, let. a, de l'ORCN pour le cas de Beznau I et II).

5154

La let. b dispose que l'exploitant d'une installation nucléaire est celui que l'autorisation d'exploitation ou de transport désigne expressément comme tel. Ce paragraphe reprend une obligation découlant de l'art. 1, al. (a), ch. (vi), de la Convention de Paris. Une définition explicite de la notion d'«exploitant d'une installation nucléaire» par analogie à l'art. 2, al. 7, LRCN en vigueur n'est donc plus possible.

L'exploitant d'une installation nucléaire ne doit pas nécessairement être son propriétaire. Du point de vue du droit de la responsabilité civile, seule la désignation d'«exploitant» par le législateur national, respectivement par l'autorité octroyant l'autorisation d'exploiter, importe. Cette désignation doit être expresse. Avec cette prescription, on entend renforcer la sécurité juridique, surtout pour les lésés. Pour un dépôt en couches géologiques profondes qui n'est plus soumis à la législation sur l'énergie nucléaire, l'exploitant est la Confédération. Cette réglementation a été introduite dans la LRCN en vigueur (art. 16, al. 1, let. c) par la loi du 21 mars 2003 sur l'énergie nucléaire.

Dans son art. 1, al. (a), ch. (ii) et (iii), al. (b), la Convention de Paris autorise le Comité de Direction de l'Energie Nucléaire de l'OCDE à élargir ou à limiter les définitions des «installations nucléaires» et des «combustibles nucléaires» ou à exclure du champ d'application de la convention une catégorie d'installations nucléaires, de combustibles nucléaires ou de substances nucléaires, en raison des risques réduits que celles-ci comportent. Conformément à l'art. 3, al. 1, let. c, de la loi du 18 juin 2004 sur les publications officielles (RS 170.512), ces décisions sont publiées dans le RO. Ce n'est qu'avec leur publication que naissent des obligations juridiques (art. 8, al. 1, de la loi).

Art. 3

Principe de la responsabilité civile

Comme dans la LRCN en vigueur, les principes essentiels de la loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire sont fixés à l'al. 1: ­

responsabilité illimitée de l'exploitant d'une installation nucléaire;

­

responsabilité exclusive de l'exploitant d'une installation nucléaire (concentration);

­

responsabilité sans faute (responsabilité objective).

Comme dans la LRCN en vigueur, l'exploitant d'une installation nucléaire répond également d'un dommage qui a été causé par un accident nucléaire hors de l'installation et imputable à des substances nucléaires transportées en provenance ou à destination de l'installation. Cette réglementation correspond au principe de la concentration de la responsabilité sur l'exploitant de l'installation.

Pour les dommages survenant au cours du transport de substances nucléaires, c'est l'exploitant expéditeur ou destinataire d'une installation nucléaire qui est responsable. L'art. 4 de la Convention de Paris règle en détail les conditions du transfert de la responsabilité d'un exploitant à l'autre. Elle prévoit également que le moment du transfert de responsabilité peut être convenu par écrit. Une telle convention n'est toutefois admissible que si l'exploitant d'une installation nucléaire qui reprend la responsabilité est lié par un intérêt économique direct aux substances nucléaires transportées.

A l'al. a de son art. 7, la Convention de Paris prévoit que les parties contractantes doivent fixer à 700 millions d'euros au minimum la responsabilité de l'exploitant d'une installation nucléaire pour les dommages causés par un accident nucléaire. Le 5155

présent projet renonce à fixer un montant minimum pour faire usage de la possibilité de choisir la responsabilité illimitée de l'exploitant offerte par la convention.

En vertu de l'art. 9 de la Convention de Paris, l'exploitant d'une installation nucléaire n'est pas responsable de dommages directement imputables à un conflit armé, à des hostilités, à une guerre civile ou à une insurrection. La LRCN en vigueur ne prévoit toutefois pas ce genre d'exceptions. Afin de ne pas réduire la protection des lésés par rapport à la législation en vigueur, la Suisse s'est réservé le droit, lors de la signature du protocole du 12 février 2004 à la Convention de Paris, de ne pas appliquer l'art. 9. C'est dans le cadre de cette réserve que l'al. 2 déclare l'exploitant également responsable dans ces situations. L'al. 2 y ajoute, afin d'éviter toute difficulté d'interprétation, les actes terroristes. Les exploitants d'installation nucléaire sont donc également responsables des dommages découlant de tels risques (cf. art. 1, al. 1, let. a, du projet d'arrêté fédéral concernant l'approbation et la mise en oeuvre des conventions relatives à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire; ch. 1.5.2 du message).

A l'al. 3, le Conseil fédéral est autorisé dans certains cas à fixer des réglementations particulières pour le transit de substances nucléaires. En effet, si la responsabilité civile de l'exploitant étranger d'une installation nucléaire responsable du transit de substances nucléaires est limitée, le montant de la responsabilité civile en vertu de la législation étrangère peut être relevé si, du point de vue suisse, ce montant n'est pas adapté au risque du transport. On exploite ainsi une possibilité expressément offerte aux parties contractantes, à l'art. 7, al. e, de la Convention de Paris, afin d'améliorer la protection des victimes suisses d'accidents nucléaires au cours d'un transit. Cette disposition de la Convention de Paris prévoit toutefois que le montant maximum ainsi augmenté ne peut excéder le montant maximum de la responsabilité des exploitants d'installations nucléaires situées en Suisse.

La notion étendue de dommage nucléaire selon la Convention de Paris révisée prévoit également le remboursement du coût des mesures de sauvegarde (art. 1, al. a, ch. (vii), no 6, de la Convention
de Paris). La notion de «mesures de sauvegarde» est définie à l'art. 1, al. (a), ch. (ix), de la Convention de Paris. Elle permet au législateur national de ne rendre le remboursement obligatoire que si les autorités compétentes ont ordonné les mesures de sauvegarde ou les ont approuvées ultérieurement.

Cette possibilité est exploitée à l'al. 4 (cf. également les explications relatives à l'art. 32, al. 2). Comme il est parfaitement imaginable que l'autorité compétente, au moment d'ordonner les mesures de sauvegarde, puisse en omettre l'une ou l'autre, l'approbation a posteriori se révèle nécessaire. On peut certes se demander si la sécurité juridique est parfaitement garantie. Toutefois, comme les notions de «mesures de sauvegarde» et de «mesures raisonnables» sont définies de manière précise par les art. 1, al. a, ch. ix et x, de la Convention de Paris, la liberté d'appréciation de l'autorité compétente se révèle très limitée.

Art. 4

Dommages-intérêts et réparation pour tort moral

L'étendue de la réparation dépend en première ligne de la définition de la notion de «dommage nucléaire» contenue à l'art. 1, al. (a), ch. (vii), de la Convention de Paris, qui détermine le dommage à réparer. Mais comme la convention ne règle pas toutes les questions liées à la réparation, son art. 11 prévoit que la nature, la forme et l'étendue de la réparation, ainsi que la répartition équitable des indemnités, sont régies par le droit national. Dans le projet, on a renoncé à une nouvelle législation 5156

pour se référer ­ comme dans la LRCN en vigueur ­ aux dispositions du code des obligations concernant les actes illicites. Comme dans la loi actuelle, l'art. 44, al. 2, du code des obligations n'est pas applicable (réduction des dommages-intérêts en cas de gêne du débiteur).

La loi actuelle sur la responsabilité civile en matière nucléaire prévoit, à l'art. 7, al. 2, que le juge peut, en tenant compte de toutes les circonstances, réduire équitablement l'indemnité lorsque la victime du dommage jouit d'un revenu exceptionnellement élevé. Même si cette disposition n'a pas été reprise dans le présent projet, il n'y a pas de changement de fond. Conformément à la pratique du Tribunal fédéral et à l'opinion d'une grande partie de la doctrine, la situation économique et sociale de chaque partie doit pouvoir être prise en compte lors de la détermination des dommages-intérêts en vertu de l'art. 43 du code des obligations. La situation est particulière dans le domaine de la responsabilité civile en matière nucléaire, puisqu'un revenu exceptionnellement élevé de la victime peut entraîner une réduction des dommagesintérêts malgré l'existence d'une assurance responsabilité civile. En effet, la personne civilement responsable doit à nouveau se procurer une couverture pleine dès que l'assurance a fourni des prestations (cf. art. 16 du projet ou art. 18 de la LRCN).

Elle n'est donc que partiellement déchargée par l'existence de l'assurance (Oftinger/Stark, Schweizerisches Haftpflichtrecht II/3, p. 274 § 29 N 439).

Le second alinéa autorise le juge, conformément à l'art. 6, al. e, de la Convention de Paris, à libérer entièrement ou partiellement l'exploitant d'une installation nucléaire de l'obligation de fournir des réparations si le dommage est dû à la négligence grave de la personne lésée ou qu'il a été causé par un acte ou une omission de cette personne avec l'intention de nuire. Le fardeau de la preuve incombe à l'exploitant de l'installation nucléaire. Il existe une réglementation similaire dans la LRCN actuelle (art. 5), qui correspond pour l'essentiel à l'art. 44, al. 1, CO, tout en étant plus restrictif.

Art. 5

Prescription et péremption

A l'al. a de son art. 8, la Convention de Paris prévoit que les actions en réparation du fait de décès ou de dommages aux personnes doivent être intentées dans les trente ans à compter de la date de l'accident nucléaire sous peine de déchéance ou de prescription. Le délai est de 10 ans pour les autres dommages nucléaires. C'est la règle de base de la convention, les al. b à f admettant toutefois des dérogations. La législation nationale peut notamment fixer un délai supérieur à celui prévu à l'al. a si la partie contractante veille à l'existence d'une couverture de la responsabilité civile pendant toute la période. L'art. 8, al. d, de la Convention de Paris permet également à la législation nationale de fixer un délai de déchéance ou de prescription de trois ans au moins à partir du moment où le lésé a eu connaissance du dommage nucléaire et de l'exploitant responsable, ou aurait dû en avoir connaissance.

L'al. 1 reprend l'art. 8, al. d, de la Convention de Paris pour en faire la règle en matière de prescription: les prétentions se prescrivent par trois ans à compter du jour où le lésé a eu connaissance du dommage et de l'exploitant civilement responsable, ou a dû en avoir raisonnablement connaissance. Cette précision est nécessaire car selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'art. 60 CO, le délai de prescription court uniquement à compter du jour où le lésé a effectivement connaissance du dommage, et non à partir du jour où il aurait pu découvrir l'importance de sa créance en faisant preuve de l'attention commandée par les circonstances 5157

(ATF 111 II 55). Ce délai de trois ans correspond au droit actuellement en vigueur.

De plus, il reste comparable aux délais prévus dans différentes législations spéciales (cf. p. ex. loi sur la responsabilité du fait des produits: 3 ans; loi sur les installations électriques: 2 ans; loi sur la protection de l'environnement: 3 ans; loi sur la radioprotection: 3 ans). Enfin, il est bien supérieur au régime ordinaire institué par l'art. 60, al. 1, CO.

Selon l'al. 1, 2e phrase, le délai de péremption est de trente ans après l'accident nucléaire. Ce délai de trente ans vaut aussi bien en cas de décès ou de dommages aux personnes que pour tout autre dommage nucléaire. Pour ce qui est des autres dommages nucléaires, le projet fait donc usage de l'option de prolongation prévue à l'art. 8, al. b, de la Convention de Paris.

L'al. 2 régit la prescription des droits de recours en vertu de la Convention de Paris et de la Convention complémentaire de Bruxelles. Les deux conventions ne contiennent pas de dispositions expresses au sujet de la cessation des droits de recours.

L'art. 11 de la Convention de Paris permet toutefois au législateur national d'adopter des réglementations en la matière, puisqu'il s'agit, au sens large, de la nature, de la forme et de l'étendue de la réparation, ainsi que de la répartition équitable des indemnités. Il est utile d'avoir une règle de prescription dans le domaine des droits de recours. Comme l'exploitant responsable peut invoquer la prescription, on ne peut pas refuser le même droit à la personne exposée à un droit de recours. En vertu de cette disposition, le droit de recours de l'exploitant d'une installation nucléaire en vertu de l'art. 6, al. f, de la Convention de Paris, et celui des parties contractantes, dans la mesure où elles ont le même droit en vertu de l'art. 5 de la Convention complémentaire de Bruxelles, se prescrivent par trois ans à compter du jour où la personne au bénéfice de ce droit a eu connaissance de l'obligation de fournir des réparations.

L'art. 8, al. c, de la Convention de Paris prévoit qu'un délai de péremption plus long fixé au niveau national ne doit pas porter atteinte aux droits à réparation des personnes ayant intenté une action contre l'exploitant d'une installation nucléaire pendant le délai ordinaire prévu à l'art. 8, al. a. L'art. 5,
al. 1, du projet fixe le délai de péremption à trente ans pour tous les dommages, c'est-à-dire pas seulement les dommages corporels. C'est pourquoi l'art. 5, al. 3, du projet déclare prioritaires, comme prévu dans la Convention de Paris, les prétentions pour des dommages autres que l'homicide ou les lésions corporelles qui ont été présentées dans les dix ans qui suivent un accident nucléaire. Si des prétentions pour des dommages non corporels sont présentées après le délai de dix ans, le juge doit examiner si d'autres prétentions ont été présentées dans le délai de dix ans. Si tel est le cas, les prétentions qui ont été présentées après le délai cèdent le pas à celles qui ont été déposées avant, ce qui veut dire que des prétentions déposées ultérieurement peuvent ne pas être satisfaites si les moyens ont été épuisés par les prétentions antérieures.

La portée pratique de cette disposition devrait être faible, car normalement, les dommages non corporels apparaissent clairement en l'espace de dix ans. C'est également la raison pour laquelle la Convention de Paris révisée a fixé un délai de prescription plus court pour les dommages non corporels qu'en cas d'homicide ou de lésions corporelles. Pour les dommages corporels, on peut s'attendre à des dommages différés en raison de la particularité des rayonnements ionisants, alors qu'en cas de dommages non corporels, les dommages différés sont pratiquement exclus.

5158

La réglementation sur la suspension de la prescription pendant la durée d'une procédure (art. 5, al. 4) n'est pas le résultat d'une obligation découlant de la Convention de Paris. Elle vise avant tout à empêcher que le lésé ne soit désavantagé en cas d'échéance du délai de prescription en raison de la longueur des débats judiciaires.

Cette suspension de la prescription représente un allégement pour la personne lésée, car cette dernière n'a pas besoin d'interrompre régulièrement la prescription pendant une procédure par des actes judiciaires pour obtenir à chaque fois qu'un nouveau délai commence (cf. art. 138 CO). L'art. 11 de la convention autorise une telle réglementation complémentaire en droit national. Le délai de péremption de 30 ans s'applique dans tous les cas.

Si des faits ou des moyens de preuve nouveaux apparaissent, le bénéficiaire d'un jugement ou d'un accord extrajudiciaire concernant les versements compensatoires peut, en vertu de l'al. 5, demander la révision du jugement ou la modification de l'accord dans les trois ans à compter du jour où il en a eu connaissance. La demande doit toutefois être déposée dans les 30 ans qui suivent l'accident nucléaire. Cet alinéa permet une révision, telle qu'elle est prévue par exemple aux art. 136 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ; RS 173.110). Par cette réglementation (qui existe déjà dans la loi actuelle [art. 10, al. 3, LRCN]), la Suisse améliore la position juridique du lésé. Elle tient ainsi compte du fait que l'état de santé d'un lésé peut s'aggraver après un jugement définitif. C'est pourquoi une réserve a été émise par la Confédération lors de la signature de la Convention de Paris (cf. ch. 1.5.2 ci-dessus).

Art. 6

Conventions

L'al. 1 correspond à l'art. 8, al. 1, de la LRCN. Une prescription similaire est contenue à l'art. 87 de la loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR; RS 741.01). Cette disposition, rédigée dans l'optique de la protection des victimes, empêche un exploitant de se libérer à l'avance, totalement ou partiellement, de sa responsabilité civile, par le biais d'une convention contractuelle. L'art. 6 est également une expression du principe de la responsabilité illimitée et de la concentration de la responsabilité sur l'exploitant d'une installation nucléaire.

L'al. 2 correspond largement à l'art. 8, al. 2, de la LRCN. Le délai d'annulation a toutefois été réduit à une année. Aux termes de l'art. 21 du code des obligations (CO; RS 220), un contrat présentant une disproportion évidente entre la prestation et la contre-prestation peut être annulé dans le délai d'un an sous certaines conditions.

Le délai d'un an qui court dès la conclusion du contrat doit dorénavant également s'appliquer aux conventions en question. Le délai de trois ans prévu dans la LRCN en vigueur provoque une incertitude juridique trop longue, dans une situation où il risque d'y avoir de multiples actions en dommages-intérêts. Les assurances seraient en outre contraintes de faire des réserves complémentaires. Le délai d'un an est suffisant pour évaluer l'étendue et le montant du dommage. Un renvoi général à l'art. 21 du code des obligations ne suffit toutefois pas. En effet, cet article présuppose que la lésion par un contrat a été déterminée par l'exploitation de la gêne, de la légèreté ou de l'inexpérience de la partie lésée. Ici, l'al. 2 prévoit des exigences moins sévères et déclare annulables sans réserve les conventions qui fixent des indemnités manifestement insuffisantes. Cette disposition est connue du droit suisse de la responsabilité (art. 87, al. 2, LCR; art. 17 de la loi fédérale du 28 mars 1905 sur la responsabilité civile des entreprises de chemins de fer et de bateaux à vapeur et de La Poste Suisse [LRespC; RS 221.112.742).

5159

Art. 7

Assurance non obligatoire

Cette disposition correspond à l'art. 9, al. 2, de la LRCN. Elle permet à l'exploitant responsable de déduire du montant des réparations les prestations que le lésé a retirées d'une assurance non obligatoire dont les primes ont été payées entièrement ou en partie par l'exploitant de l'installation nucléaire ou l'exploitant de l'autorisation de transport. Si l'exploitant n'a payé qu'une partie des primes d'assurance, les prestations de cette assurance seront déduites au prorata de la part des primes qu'il a prise en charge. Cette disposition s'applique à tous les contrats d'assurance non obligatoire. La Convention de Paris ne régit pas la question.

Il n'est pas nécessaire que l'art. 9, al. 1, de la LRCN soit repris dans le projet, car les droits de recours des assurances sociales à l'encontre des responsables ainsi que les droits directs des personnes lésées sont réglementés de manière définitive aux art. 72 ss de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA; RS 830.1).

Art. 8

Principes de la couverture

L'art. 10, al. (a), de la Convention de Paris prévoit que l'exploitant d'une installation nucléaire est tenu, pour assumer la responsabilité civile prévue par la convention, d'avoir et de maintenir une assurance ou une autre garantie financière à concurrence du montant fixé à l'art. 7, al. (a) ou (b), et à l'art. 21, al. (c). Le type et les conditions de cette garantie financière sont déterminés par l'autorité nationale compétente.

La concordance entre la responsabilité civile et la couverture est l'un des principes fondamentaux du droit international en matière de responsabilité nucléaire. Or il ne peut pas y avoir de concordance de ce type si la responsabilité civile n'est pas limitée dans son montant: il n'existe nulle part dans le monde de couverture illimitée pour les dommages nucléaires. C'est pourquoi l'art. 10, al. b, de la Convention de Paris prévoit que, lorsque la responsabilité de l'exploitant n'est pas limitée dans son montant, la garantie financière fournie par l'exploitant doit au moins se chiffrer à 700 millions d'euros (art. 7, al. (a), de la Convention de Paris).

L'art. 8, al. 1, du projet énonce le principe central de la couverture. L'exploitant d'une installation nucléaire doit couvrir sa responsabilité par l'assurance ou par une autre sécurité financière. Lorsque la couverture n'est pas fournie par une assurance (aujourd'hui, toutes les centrales nucléaires de Suisse ont conclu une assurance), mais par une autre sécurité financière (p. ex. une garantie bancaire), cette dernière doit être disponible au même titre qu'une prestation d'assurance et offrir au lésé une égale sécurité.

L'art. 8, al. 2, du projet correspond au minimum fixé par la Convention de Paris et la Convention complémentaire de Bruxelles, puisqu'il fixe la couverture à 1200 millions d'Euros, soit environ 1,8 milliard de francs suisses plus 10 % de ce montant pour les intérêts et les frais de procédure pour chaque installation nucléaire (cf.

ch. 1.6.2). La couverture de 1,8 milliard de francs au total doit être entièrement disponible pour les coûts du dommage, c'est-à-dire pour l'indemnisation des dommages nucléaires, y compris les coûts d'expertises extrajudiciaires, les coûts de défense des intérêts des victimes et les frais de sauvetage selon l'art. 70 de la loi fédérale sur le contrat d'assurance (LCA; RS 221.229.1). Par intérêts et frais de procédure, on entend surtout les frais de défense de la personne responsable, les frais

5160

des expertises ordonnées par le tribunal, les dépens, les frais d'arbitrage et de médiation, ainsi que les frais de conservation des preuves.

Le Conseil fédéral peut, en vertu de l'art. 8, al. 3, du projet, réduire les montants fixés par l'al. 2 si le type d'installation nucléaire ou de substances nucléaires transportées et les conséquences probables d'un accident nucléaire qui y aurait son origine le justifient. Aux termes de l'art. 10, al. a, en relation avec l'art. 7, al. b, de la Convention de Paris, la couverture peut, dans ces cas, être réduite à un montant minimum de 70 millions d'euros pour les installations et de 80 millions d'euros pour les transports. L'al. 3 du projet constitue une disposition facultative, c'est-à-dire qu'il appartient au Conseil fédéral d'apprécier si et dans quelle mesure il souhaite faire usage de cette possibilité de réduction.

Concrètement, il est prévu, au niveau de l'ordonnance, de faire usage de cette possibilité de réduction en faveur des installations nucléaires exploitées par le PSI et les institutions dans le domaine des EPF (Dépôt intermédiaire de la Confédération, installations de recherche, etc.) ainsi que d'autres installations de recherche (p. ex., réacteur de l'Université de Bâle). Ces installations présentent un risque d'accident réduit et, d'autre part, un potentiel dommageable qui ne sont pas comparables à ceux présentés par les centrales nucléaires conventionnelles (cf. également art. 10 à propos des installations nucléaires dans le domaine des EPF).

La réparation des dommages nucléaires causés au moyen de transport sur lequel les substances nucléaires se trouvent au moment de l'accident nucléaire est en principe incluse dans la responsabilité de l'exploitant. L'art. 7, al. c, de la Convention de Paris prévoit toutefois que cette responsabilité pour les dommages au moyen de transport ne peut avoir pour effet de réduire la responsabilité de l'exploitant d'une installation nucléaire pour les autres dommages nucléaires à un montant inférieur soit à 80 millions d'euros, soit au montant plus élevé fixé par la législation d'une partie contractante. En effet, la personne qui met son moyen de transport à disposition pour le transport de substances nucléaires le fait en connaissance de cause et n'a pas besoin de la même protection que les autres personnes
lésées. L'al. 4 du projet tient compte de cette disposition de la Convention de Paris puisqu'il prévoit que la réparation des dommages causés aux moyens de transport ne doit pas avoir pour effet de réduire de plus de 5 % de la couverture totale le montant disponible pour couvrir les autres dommages nucléaires.

En tant qu'exploitant d'une installation nucléaire, la Confédération est tenue, comme tout autre exploitant, de couvrir les dommages nucléaires. L'al. 5 du projet la dispense toutefois d'apporter la preuve de cette couverture. Cette réglementation correspond à l'art. 17, al. 2, de la LRCN et au principe de l'autoassurance, selon lequel la Confédération assume en principe elle-même le risque pour les dommages causés à son patrimoine et les demandes de dédommagement et ne conclut qu'exceptionnellement des contrats d'assurance.

Art. 9

Couverture privée

Pour éviter de favoriser unilatéralement le secteur des assurances, la couverture privée, à l'instar de l'art. 17, al. 1, de la LRCN, ne peut pas être limitée aux assureurs privés, mais inclut également «d'autres garanties financières», comme prévu à l'art. 10, al. a, de la Convention de Paris. La convention laisse à l'autorité compétente du pays la responsabilité de définir le type de ces «autres garanties financières» et les conditions que celles-ci doivent remplir.

5161

Aux termes de l'al. 1 du projet, l'exploitant d'une installation nucléaire doit passer contrat avec un assureur autorisé à pratiquer en Suisse ou un autre prestataire de couverture privé. La couverture privée doit se monter au moins à un milliard de francs plus 100 millions de francs pour les intérêts et les frais de procédure. Ces montants s'entendent par installation nucléaire.

Selon l'al. 2, le Conseil fédéral doit relever les montants minimaux fixés à l'al. 1 si les conditions économiques permettent d'obtenir des couvertures privées plus élevées à des conditions acceptables. Par conditions économiques, on entend en premier lieu la situation sur le marché des assurances. La disposition, qui a été pour l'essentiel reprise de l'art. 11, al. 2, de la LRCN, confère au Conseil fédéral la possibilité d'adapter le montant de couverture privée aux réalités du marché des assurances. Il appartient à l'office fédéral compétent de suivre la situation sur le marché des assurances et de demander le cas échéant au Conseil fédéral de relever la couverture privée. Ce principe correspond à celui de la LRCN, qui veut que la couverture soit autant que possible fournie par l'assurance privée et que la Confédération n'intervienne que si l'économie privée n'est pas en mesure de le faire. Ce relèvement de la couverture privée diminue dans une même proportion la part de la couverture pour dommages nucléaires assurée par la Confédération.

La réglementation contenue à l'al. 3 concernant la couverture des frais de règlement des dommages n'existe pas dans la LRCN en vigueur. Le règlement des dommages englobe les procédures internes du prestataire de couverture privé qui sont déclenchées après la réception d'une déclaration de sinistre. Les frais engendrés sont des frais d'exploitation ou d'administration, distincts des coûts du dommage, ainsi que des intérêts et des frais de procédure (cf. art. 8). En cas de dommage nucléaire, il faut compter avec un nombre élevé de victimes, et les frais de règlement des dommages peuvent être très élevés. L'assurance privée n'est pas en mesure de couvrir les frais en question de manière illimitée au moyen des primes de responsabilité civile normales. C'est pourquoi le projet contraint les prestataires de couverture privés d'assumer les frais de règlement des dommages à concurrence de
100 millions de francs. Au-delà de ce montant, l'assurance fédérale prend la relève à concurrence de 180 millions de francs (art. 10, al. 2).

L'al. 4 correspond à l'art. 11, al. 3, de la LRCN. Les fournisseurs de sécurités financières, surtout les compagnies d'assurance, ne sont pas en mesure de couvrir tous les risques. C'est pourquoi le Conseil fédéral doit désigner dans l'ordonnance les risques que l'assureur privé ou le fournisseur de sécurité financière peut exclure de la couverture.

En vertu de l'art. 4 de l'ORCN, ces risques sont actuellement les suivants: ­

les risques nucléaires imputables à des phénomènes naturels extraordinaires ou à des événements de guerre;

­

les dommages nucléaires, compris entre 500 millions et 1 milliard de francs, causés par des actes terroristes contre lesquels il n'est pas possible de se protéger à des frais supportables;

­

les prétentions n'ayant pas fait l'objet d'une action dans les dix années qui suivent l'événement dommageable ou la fin d'une influence prolongée;

­

les prétentions n'ayant pas fait l'objet d'une action dans les 20 ans à dater de la perte, du vol, du largage ou de la fin de la possession de substances nucléaires.

5162

Cette réglementation correspond à la situation actuelle sur le marché des assurances.

Elle devra toutefois faire l'objet d'une révision lors de la préparation de l'ordonnance d'exécution. A cet égard, il sied notamment de mentionner le fait que l'art. 1, al. (a), ch. vii), par. 5, prévoit l'indemnisation du manque à gagner en relation directe avec une utilisation ou une jouissance quelconque de l'environnement découlant de la dégradation de cet environnement. Or, ces risques ne peuvent être couverts comme tels par les assureurs privés. En ce qui concerne la jouissance de l'environnement, aucune couverture d'assurance privée ne peut être offerte. Pour ce qui est de l'utilisation de l'environnement, un manque à gagner découlant d'une diminution de l'utilisation de l'environnement suite à sa dégradation ne peut être couvert par l'assurance privée que lorsque cette utilisation est officiellement protégée ou autorisée (p. ex. autorisation de pêcher). Ces deux risques doivent donc venir compléter la liste de l'al. 4 des risques à désigner par le Conseil fédéral.

Art. 10

Couverture obligatoire

Aux termes de l'al. 1, la Confédération couvre le dommage à concurrence de 1,8 milliard de francs si la couverture privée n'est pas suffisante pour réparer tout le dommage, s'il n'y a pas d'assurance ou d'autre sécurité financière, ou si le prestataire de couverture privé n'est pas solvable. Comme dans la LRCN, la couverture mise à disposition par la Confédération a un caractère d'assurance. La Confédération perçoit dans ce but des contributions annuelles auprès des exploitants d'installations nucléaires, qui sont versées dans le fonds pour dommages nucléaires (cf. art. 13). La prestation d'assurance de la Confédération, en hausse par rapport à la LRCN en vigueur, entraînera une augmentation équivalente des primes fédérales.

Dans les cas où une couverture de l'assurance privée existe, la couverture fournie par la Confédération en vertu de l'al. 1 se chiffre à un maximum de 0,8 milliard de francs plus 80 millions de francs pour les intérêts et les frais de procédure. Ce montant équivaut à la différence entre la couverture fournie par l'assurance privée, d'au moins 1 milliard de francs (art. 9, al. 1) et la couverture prescrite par la loi, de 1,8 milliard de francs (art. 8, al. 2).

Si aucune assurance privée n'a été contractée, si des risques ne sont pas couverts par l'assurance privée ou en cas d'insolvabilité de l'assureur privé, la Confédération assume la totalité de la couverture pour les risques exclus par l'assurance privée, soit 1,8 milliard de francs plus 180 millions de francs pour les intérêts et les frais de procédure.

Selon l'al. 2 du projet, la Confédération supporte les frais de règlement des dommages à concurrence de 180 millions de francs si ces frais ne peuvent pas être assumés par le prestataire de couverture privé. Ces frais doivent être assumés en plus de la couverture et du montant pour les intérêts et les frais de procédure. Ils doivent être répercutés dans le calcul des primes pour l'assurance fédérale. Pour le reste, nous nous référons aux explications relatives à l'art. 9, al. 3, du projet.

Selon l'al. 3, la Confédération règle, avec les institutions qui exploitent une installation nucléaire en vertu de prescriptions légales ou dans le cadre d'un mandat de prestations, l'indemnisation financière pour les frais qu'elles encourent en raison des primes d'assurances et des
dommages et intérêts dus en cas d'accident nucléaire.

Cette réglementation, qui concerne en premier lieu les institutions du domaine des EPF effectuant de la recherche dans le domaine nucléaire pour la Confédération (EPFL et PSI), tient compte des instruments de gestion et de financement selon les 5163

lois spéciales. Le mandat de prestation du domaine des EPF doit correspondre, dans le temps et par le contenu, à l'enveloppe budgétaire de la Confédération (art. 33, al. 3, de la loi sur les EPF, RS 414.110). Cette dernière couvre les besoins financiers du domaine des EPF liés à l'exploitation et aux investissements. La contribution financière de la Confédération couvre aussi bien les primes d'assurances que les cotisations aux fonds pour dommages nucléaires.

Les institutions du domaine des EPF concernées doivent, comme tout autre détenteur d'une installation nucléaire, assurer la couverture privée de leur responsabilité et verser des cotisations aux fonds pour dommages nucléaires. Dans le cas invraisemblable où les frais d'un accident ne seraient pas couverts entièrement par les assurances, ceux-ci seraient traités selon l'art. 19a, al. 4 de l'ordonnance sur le domaine des EPF (RS 414.110.3). Cette disposition règle la procédure à suivre en cas de grands sinistres survenant dans les EPF ou dans les établissements de recherche et mettant en péril l'accomplissement des tâches que la législation fédérale leur confie. Le cas échéant, le Conseil des EPF demande au département compétent à l'intention du Conseil fédéral une modification du mandat de prestations ou une augmentation de la contribution financière de la Confédération et, si nécessaire, de l'enveloppe budgétaire.

Dans le cadre de la révision en cours de la loi sur les EPF (RS 414.110), le transfert en faveur des EPF, rendues indépendantes, des biens immobiliers, installations nucléaires incluses (PSI et EPFL), se trouvant dans le domaine des EPF a été examiné. Indépendamment d'un éventuel transfert de propriété, le principe de la concentration de la responsabilité sur le détenteur de l'installation nucléaire ancré dans la LRCN, a pour conséquence qu'en cas d'accident nucléaire, seul l'établissement concerné engage sa responsabilité. Actuellement, la Confédération est propriétaire de ces installations. En application de l'art. 3, al. 4, LRCN, il existe une responsabilité solidaire entre l'exploitant (EPF/PSI) et le propriétaire (Confédération). Une telle responsabilité solidaire n'est plus possible en regard de la Convention de Paris.

Pour les installations nucléaires représentant un danger limité (p. ex. réacteurs de recherche) il y a possibilité de réduire le montant de couverture selon l'art. 8, al. 3 (voir commentaire à l'art. 8).

Art. 11

Dommages différés

Cette disposition correspond à l'art. 13 de la LRCN en vigueur. Elle offre une protection aux victimes au-delà du délai de péremption de 30 ans, afin de tenir compte de la période de latence des symptômes dus à l'exposition à des substances radioactives cancérigènes. Sont réputés dommages différés les dommages qui n'apparaissent et ne peuvent donner lieu à une plainte que lorsque les délais dans lesquels une action peut être intentée contre l'exploitant sont écoulés. La Confédération doit alors procurer protection au lésé. Cette disposition vise les dommages qui apparaissent plus de 30 ans après l'événement dommageable, ainsi que ceux qui se font sentir plus de 27 ans après l'événement dommageable, mais pour lesquels, pour une raison quelconque, il n'a pas été intenté d'action jusqu'à l'échéance de la trentième année.

Le délai de trois ans pour faire valoir une demande s'applique également dans le cas des dommages différés (pour les délais de prescription et de péremption, cf. art. 5).

5164

Art. 12

Contributions des exploitants d'installations nucléaires

Cette disposition correspond pour l'essentiel à l'art. 14 de la LRCN en vigueur.

Selon l'al. 1, la Confédération perçoit des contributions des exploitants d'installations nucléaires en vue du financement de la couverture qu'elle doit offrir jusqu'à 1,8 milliard de francs conformément à l'art. 10 LRCN et de l'indemnisation des dommages différés prévue par l'art. 11 LRCN. Les primes versées sont destinées à la couverture du montant de 1,8 milliard de francs, pour autant que cette couverture ne puisse être assurée par les assureurs privés et les autres prestataires de couverture.

Pour le financement de la deuxième tranche (de 1 milliard à 1,8 milliard de francs), cette convention permet aux Etats parties de percevoir de telles primes auprès des exploitants et non de recourir aux deniers publiques (cf. ch. 1.4.3). En application du principe de causalité, le financement de la deuxième tranche par le biais de primes perçues auprès des exploitants est donc justifié (cf. également ch. 1.8.2 et 1.8.3). Il ressort en effet du rapport explicatif sur la révision de la Convention de Paris et de la Convention complémentaire de Bruxelles que les parties à cette dernière entendent autoriser une certaine souplesse dans la manière dont la deuxième tranche peut être couverte (p. 92).

Aux termes de l'al. 2, il appartient au Conseil fédéral de fixer la méthode de calcul des primes fédérales, ces dernières devant autant que possible être calculées pour couvrir les frais et tenir compte du risque réellement représenté par l'installation nucléaire concernée. Cette méthode de calcul actuarielle doit être élaborée avec le concours de spécialistes. A cet égard, il faut mentionner que la méthode en question se fonde en principe sur des données statistiques. Or dans le domaine de l'énergie nucléaire, il n'existe pas de statistiques sur la probabilité de l'apparition de dommages nucléaires, ce qui complique la définition d'une méthode de calcul. Pour le calcul des primes fédérales dans le cadre de la LRCN en vigueur, les primes d'assurance privée ont été multipliées par un certain facteur, en fonction du risque à couvrir par la Confédération. Dorénavant, il faut se rappeler qu'en vertu de la Convention de Paris, les dégradations de l'environnement doivent également être couvertes.

Selon l'al. 3, l'Office fédéral de l'énergie
détermine et perçoit les primes fédérales.

Ses décisions peuvent être déférées au Tribunal administratif fédéral. Les décisions de ce dernier peuvent être déférées par la voie du recours en matière de droit public au Tribunal fédéral.

Art. 13

Fonds pour dommages nucléaires

Cette disposition correspond largement à l'art. 15 de la LRCN en vigueur. Elle constitue la base légale du fonds pour dommages nucléaires, qui est alimenté par les primes fédérales annuelles versées par les exploitants d'installations nucléaires et par les intérêts de ces sommes. Le taux d'intérêt est variable et il est fixé par trimestre. Il s'agit du taux calculé sur 10 ans par la Banque nationale suisse pour les obligations fédérales. Au 31 décembre 2006, la fortune du fonds s'élevait à 360 millions de francs. Au 4e trimestre 2006, le taux d'intérêt était de 2,5 %.

Ce fonds n'a pas de personnalité juridique. Constitué d'un compte ouvert auprès de l'Administration fédérale des finances, il apparaît dans le bilan de la Confédération.

Il est géré par l'Office fédéral de l'énergie (établissement et publication des comptes annuels, du bilan et de l'état de la fortune). Jusqu'au 31 décembre 2003, le Contrôle fédéral des finances était chargé de contrôler les comptes, une tâche qui incombe 5165

depuis le 1er janvier 2004 à une société de révision privée mandatée par le DETEC.

Le fonds est destiné à indemniser les victimes de dommages nucléaires en vertu des art. 10 et 11 du projet et à recevoir et utiliser les fonds de la troisième tranche libérés conformément à la Convention complémentaire de Bruxelles. Les détails relatifs à son organisation et à son fonctionnement continuent d'être réglés par le Conseil fédéral dans l'ORCN.

Cette solution, déjà adoptée dans le cadre de la LRCN en vigueur, permet de garantir la sécurité et la disponibilité des investissements des contributions des assurés ainsi que la possibilité de verser des indemnités à tout moment, ce qui ne serait pas possible dans la même mesure si les fonds étaient placés sur le marché des capitaux, comme c'est le cas pour le fonds de désaffectation des installations nucléaires.

Art. 14

Dommages particuliers

Cette disposition correspond pour l'essentiel à l'art. 16 de la LRCN en vigueur. Les cas cités à l'art. 16, al. 1, let. b et c, de la LRCN sont dorénavant réglés à l'art. 10 du projet. Tout comme la LRCN en vigueur, le présent projet veille à ce que chaque victime d'un accident nucléaire soit indemnisée. Il traite des cas où le dommage nucléaire est survenu en Suisse, indépendamment de l'endroit où l'accident nucléaire s'est produit. Les dommages sont couverts par la Confédération à la charge de ses ressources générales, à concurrence de la somme prévue à l'art. 8, al. 1, du projet.

L'art. 14, al. 1, du projet règle deux situations. La première (let. a) concerne le cas où il est impossible de déterminer la personne responsable de l'accident nucléaire. Il est peu probable, mais pas exclu, qu'il ne soit pas possible de déterminer l'origine du dommage nucléaire et son auteur. Seuls sont visés ici les cas où il est établi qu'il s'agit d'un dommage nucléaire ayant été causé par une installation nucléaire ou par le transport de substances nucléaires.

La seconde situation (let. b) concerne le cas où le dommage nucléaire est subi en Suisse à la suite d'un accident nucléaire survenu à l'étranger, et où la victime ne peut obtenir de réparation conformément à la LRCN. Cette réglementation a trouvé une application pratique dans le différend qui a opposé les agriculteurs suisses à la Confédération après la catastrophe de Tchernobyl (arrêt du Tribunal fédéral du 21 juin 1990, ATF 116 II 480).

L'al. 2 correspond à ce qui prévaut dans le régime ordinaire de la responsabilité civile (cf. art. 44, al. 1, CO).

L'al. 3 aménage le droit de recours de la Confédération contre la personne responsable. Cette disposition pourrait trouver application lorsque la Confédération aura versé des prestations en application de l'al. 1, let. b, de cette disposition, lorsque l'Etat où est située l'installation nucléaire qui a causé le dommage offre une couverture insuffisante ou inexistante.

Art. 15

Couverture internationale

L'art. 15 régit la procédure à suivre lorsqu'il est possible de faire appel aux moyens financiers de la troisième tranche en vertu de la Convention complémentaire de Bruxelles.

5166

La Convention complémentaire de Bruxelles prévoit à son art. 9, al. (c), que chaque partie contractante est tenue d'allouer les fonds visés à l'art. 3, al. (b), ch. (iii), à partir du moment où le montant de la réparation en vertu de la convention atteint le total des montants visés à l'art. 3, al. (b), ch. (i) et (ii), indépendamment du fait que des fonds à la charge de l'exploitant restent disponibles. En d'autres termes, dès le moment où le dommage atteint le montant maximal de la deuxième tranche de la convention complémentaire, de 1,2 milliard d'euros (env. 1,8 milliard de francs), les autres Etats sont tenus de mettre à disposition les fonds de la tranche internationale, d'un montant de 300 millions d'euros.

Selon l'al. 1 du projet, le Conseil fédéral informe les autres parties à la convention complémentaire si le dommage dépasse le montant fixé à l'art. 3, al. b, ch. (ii), et les invite à mettre à disposition les fonds publics de la troisième tranche. L'al. 2 garantit que les fonds internationaux sont affectés exclusivement et entièrement à la réparation des dommages imputables à l'accident nucléaire. L'al. 3 prévoit que les droits et les obligations découlant de la convention complémentaire sont assumés par le département compétent (DETEC) (p. ex. le droit de recours au sens de l'art. 10, al. c, de la convention). En vertu de l'al. 4, la Confédération peut accorder des avances sur les contributions de la troisième tranche de la convention complémentaire, si la mise à disposition des moyens financiers par les Etats parties tarde. Cette prescription vise à protéger les personnes lésées, puisqu'il ne peut être exclu que les fonds internationaux des Etats parties ne soient pas mis à disposition assez rapidement, et les victimes ne doivent pas en subir les conséquences. Les éventuelles avances de la Confédération sont créditées sur le fonds pour dommages nucléaires.

Art. 16

Rétablissement de la couverture pleine

Cette disposition correspond pour l'essentiel à l'art. 18 de la LRCN. L'al. 3 de ce dernier a été supprimé, car il est évident qu'un montant réservé pour la liquidation d'anciens dommages, mais non utilisé, ne peut servir à couvrir de nouveaux dommages.

L'art. 16, al. 1, du projet contraint le prestataire de couverture à informer le preneur de couverture et l'Office fédéral de l'énergie lorsque la couverture a diminué d'un dixième par la fourniture de prestations ou la constitution de réserves. Dans ces cas, l'exploitant de l'installation nucléaire doit, conformément à l'al. 2, se procurer une couverture supplémentaire à hauteur de la couverture initiale pleine, en prévision d'un sinistre futur. L'al. 2 emporte donc, pour le preneur d'assurance, à savoir l'exploitant, l'obligation d'obtenir de son assureur actuel ou d'un autre assureur une couverture complémentaire.

Cette prescription, qui vise la défense des personnes lésées, est une conséquence directe des obligations découlant de l'art. 10, al. a et b, de la Convention de Paris.

Car en vertu de ces derniers, l'exploitant responsable d'une installation nucléaire doit entièrement garantir sa responsabilité en cas de responsabilité limitée et, en cas de responsabilité illimitée, à concurrence du montant fixé par la législation nationale. L'exploitant d'une installation nucléaire doit donc couvrir en permanence le montant fixé à l'art. 8 du projet au moyen d'une assurance ou d'autres sécurités financières.

5167

Art. 17

Action directe, exceptions

Cette disposition correspond à l'art. 19 de la LRCN. Elle offre la possibilité d'une action directe contre le prestataire de couverture. Les personnes lésées peuvent donc agir directement contre le prestataire de couverture, au lieu ou en plus de l'exploitant responsable de l'installation nucléaire. Cette possibilité vise à simplifier la procédure. La Convention de Paris ne prévoit pas expressément de disposition de ce genre, mais son admissibilité découle de l'art. 11 de la convention.

L'al. 2 du projet garantit que les exceptions qui dérivent de la relation entre l'exploitant responsable et le prestataire de couverture ne peuvent pas être opposées au lésé. Ainsi, les exceptions définies dans le contrat d'assurance ou dans les lois applicables au contrat, p.ex. la loi fédérale sur le contrat d'assurance (LCA; RS 221.229.1), ne peuvent pas lui être opposées. De telles dispositions n'ont pas d'influence sur l'indemnisation des victimes, elles ne sortent pas du cadre des discussions internes entre l'exploitant responsable et son prestataire de couverture.

Art. 18

Recours des prestataires de couverture

Cette disposition correspond à l'art. 20 de la LRCN. Elle prévoit que les prestataires de couverture ont un droit de recours contre l'exploitant de l'installation nucléaire dans la mesure où celui-ci a causé le dommage intentionnellement ou par négligence grave. Le recours ne doit toutefois pas porter préjudice aux lésés. Le droit de recours de la Confédération comprend également le droit de déposer un recours contre l'exploitant responsable pour les fonds internationaux mis à disposition en vertu de l'art. 3, al. (b), ch. (iii), de la Convention complémentaire de Bruxelles. Par prestataires de couverture, il faut entendre les assureurs, les prestataires d'autres garanties financières autorisés à opérer en Suisse (au sens de l'art. 9, al. 1, LRCN) ainsi que la Confédération.

Art. 19

Suspension et cessation de la couverture privée

Cette disposition correspond à l'art. 21 de la LRCN. D'après l'art. 10, al. d, de la Convention de Paris, l'assureur ou toute autre personne ayant accordé une garantie financière ne peut suspendre l'assurance ou la garantie financière, ou y mettre fin, sans un préavis de deux mois au moins donné par écrit à l'autorité publique compétente. Dans le cas d'un transport de substances nucléaires, il n'est possible ni de suspendre ni de mettre fin à la garantie financière pendant la durée du transport.

L'art. 19 du projet reprend cette obligation, en introduisant un régime plus sévère sur le plan du délai: l'annonce de la suspension ou de la cessation de la couverture ne produit ses effets que six mois après réception de l'annonce par l'office fédéral compétent. Selon la Convention de Paris, la suspension ou la cessation de la couverture privée est exclue pendant la durée du transport de substances nucléaires.

Art. 20

Conservation des preuves

L'art. 22 de la LRCN actuellement en vigueur charge le Conseil fédéral d'ordonner une enquête après un accident nucléaire d'une certaine gravité et il en fixe les modalités dans le détail. Cette disposition contient des réglementations qui devraient plutôt entrer dans le cadre d'une ordonnance. C'est pourquoi l'art. 20 du projet se contente de charger le Conseil fédéral d'ordonner une enquête après un accident

5168

nucléaire d'une certaine gravité. Le Conseil fédéral fixera les détails dans le cadre de sa compétence générale d'exécution (art. 32 du projet).

La notion d'«événement d'une certaine gravité» ne doit pas être confondue avec celle de «grand sinistre» telle qu'énoncée à l'art. 26, al. 2, LRCN. Il peut déjà y avoir déjà accident nucléaire d'une certaine gravité lorsqu'un certain nombre de personnes sont susceptibles d'être touchées ou qu'une certaine quantité de radioactivité pouvant mettre en danger les personnes ou l'environnement s'est libérée.

Le but de l'ouverture d'une telle procédure est de faciliter l'établissement de la preuve qu'il existe un lien entre l'événement et le dommage.

Art. 21

Juridiction cantonale

L'art. 13 de la Convention de Paris contient des dispositions impératives sur la compétence judiciaire. Il prévoit que les tribunaux de la partie contractante sur le territoire de laquelle l'accident nucléaire est survenu sont seuls compétents pour statuer sur les actions en réparation. Lorsqu'un accident nucléaire survient hors des territoires des parties contractantes ou lorsque le lieu de l'accident nucléaire ne peut pas être déterminé avec certitude, les tribunaux de la partie contractante sur le territoire de laquelle se trouve l'installation nucléaire dont l'exploitant est responsable sont seuls compétents (art. 13, al. c, de la convention). En vertu de l'art. 13, al. h, la partie contractante dont les tribunaux sont compétents en vertu de la convention prend en outre les dispositions nécessaires pour qu'un seul de ses tribunaux soit compétent pour statuer sur un accident nucléaire déterminé. Ces règles relatives au for judiciaire permettent aux victimes de savoir rapidement auprès de quel tribunal elles pourront faire valoir leurs droits, et garantit en outre que toutes les actions relatives à un seul et même accident nucléaire soient traitées de la même manière. La compétence d'un seul tribunal est l'un des principes essentiels de la Convention de Paris.

Aux termes de l'art. 21 du projet, chaque canton désigne un tribunal qui sera seul compétent pour statuer sur les actions en réparation de dommages nucléaires. Le jugement de ce tribunal cantonal unique peut faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral conformément aux dispositions de la loi sur le Tribunal fédéral (LTF). L'art. 21 ne suffit toutefois pas à remplir les conditions prévues par l'art. 13 de la Convention de Paris, car il ne donne pas d'indication sur le tribunal ayant la compétence territoriale et se contente d'obliger les cantons à ne désigner qu'une seule instance dans leur législation. Une adaptation de la loi sur les fors (LFors; RS 272) et de la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP; RS 291) est nécessaire pour clarifier la question du tribunal compétent en cas d'accident nucléaire (cf. explications relatives à l'art. 32 du projet).

Art. 22 à 24

Principes applicables à la procédure, fixation des frais judiciaires et des dépens, paiement provisoire

Ces articles correspondent aux art. 26 à 28 de la LRCN actuellement en vigueur.

Selon l'art. 14, al. b in fine, de la Convention de Paris, le droit national et la législation nationale sont applicables pour toutes les questions de fond et de procédure qui ne sont pas réglées spécialement par la convention. Les présentes dispositions proviennent de la LRCN en vigueur. Elles doivent être maintenues avec la LRCN

5169

révisée jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau droit de la procédure civile suisse (pas avant 2010).

L'art. 22 du projet correspond à l'art. 26 de la LRCN. Ce dernier contient certains principes destinés à unifier la procédure judiciaire et à permettre ainsi l'égalité de traitement pour toutes les actions en réparation. Selon l'alinéa premier, le tribunal compétent établit d'office les faits déterminants. Il recueille les preuves nécessaires et les apprécie librement. Il n'est pas lié par les conclusions des parties, d'où l'avantage pour la victime que celle-ci est susceptible de recevoir une indemnisation supérieure à celle qu'elle a demandée. S'il entend statuer au-delà des conclusions du plaignant, le tribunal donne préalablement aux parties l'occasion de s'exprimer à ce sujet. L'al. 2 prévoit que lorsque l'action est dirigée contre une personne responsable ou contre un prestataire de couverture, le tribunal donne à l'autre partie la possibilité de défendre ses intérêts dans la procédure.

L'art. 23 autorise le tribunal à tenir compte, lorsqu'il fixe les frais judiciaires et les dépens, de la situation financière de la partie qui doit les supporter. Cette disposition a été reprise telle quelle de la LRCN (art. 27).

L'art. 24 autorise le tribunal, si la plainte n'est pas dépourvue de toute chance de succès, à accorder un paiement provisoire qui ne préjuge en rien la décision finale, si le lésé est en situation de nécessité. Les versements illégitimes doivent être remboursés.

Art. 25 et 26

Grands sinistres

Si les 1,8 milliard de francs auxquelles s'ajoutent les 300 millions d'euros (450 millions de francs) de la 3e tranche en vertu de la Convention complémentaire de Bruxelles ne suffisent pas à couvrir le dommage, la responsabilité illimitée de l'exploitant responsable entre en jeu, c'est-à-dire que l'exploitant de l'installation nucléaire doit mettre à disposition l'ensemble de ses moyens pour couvrir le dommage. Ces moyens se composent de l'ensemble de son patrimoine, y compris les réserves et les créances, même celles découlant d'autres contrats d'assurance (p. ex.

les assurances de choses). Si ces moyens ne suffisent pas non plus à indemniser les victimes, une mise en faillite de la personne civilement responsable est envisageable.

Si les moyens du prestataire de couverture, ceux issus de la 3e tranche en vertu de la Convention complémentaire de Bruxelles et les moyens de la personne responsable ne suffisent pas, on applique la réglementation des grands sinistres. Aux termes de l'art. 26, al. 1, du projet, l'Assemblée fédérale peut promulguer un règlement de réparation par une ordonnance non soumise au référendum (art. 163, al. 1, Cst.).

L'al. 2 prévoit, ce qui est nouveau par rapport à la LRCN en vigueur, qu'il y a également grand sinistre lorsque la procédure ordinaire ne peut être menée du fait du grand nombre de lésés. Une réglementation du même type a été proposée dans la littérature juridique6 et dans le projet de loi sur les ouvrages d'accumulation (FF no 27 du 11 juillet 2006, pp. 5761 ss). Par «procédure ordinaire», on entend ici d'une manière générale la procédure en vertu du code de procédure civile (cantonal ou suisse) en vigueur ou de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP; 6

Nicolas Jeandin, Parties au procès: Mouvement et (r)évolution; Précis en vue du Code fédéral de procédure civile actuellement en préparation, Zurich 2003, 158 ss; Pierre Tercier, L'indemnisation des préjudices causés par des catastrophes en droit suisse, ZSR 109 (1990) II p. 73 ss (249 ss).

5170

RS 281.1), même s'il s'agit d'une procédure particulière (p. ex. accélérée ou sommaire). Si des milliers de personnes ont été lésées, il peut être nécessaire d'édicter des dispositions pour simplifier la procédure, même lorsque le dommage peut être entièrement couvert.

Les al. 3 et 4 décrivent le contenu d'une ordonnance de réparation et les écarts admissibles par rapport aux dispositions de la loi ou à d'autres dispositions juridiques relatives à l'indemnisation. On peut par exemple envisager, à partir de l'al. 4, let. a, des indemnités forfaitaires pour certains types de dommages ou certains groupes de personnes lésées, afin de simplifier la procédure. Si les moyens ne suffisent pas à couvrir tous les dommages, on peut également donner la priorité aux besoins les plus urgents et par exemple limiter les demandes de réparation morale et les droits de recours des assurances sociales et privées7. Enfin, l'ordonnance de réparation peut prévoir un allégement de la preuve, p. ex. si les moyens de preuve ont été détruits par l'événement dommageable.

Selon la let. a, les principes de la Convention de Paris (p. ex. art. 8 de la Convention complémentaire de Bruxelles) doivent être respectés dans la répartition de la couverture de 2,25 milliards de francs (1,5 milliard d'euros) fixée en vertu des conventions internationales. Pour les prestations qui dépassent le montant de 2,25 milliards de francs, l'ordonnance de réparation peut toutefois privilégier les victimes suisses par rapport aux victimes étrangères, sous réserve de la réciprocité (art. 28 du projet).

Selon la let. b, la Confédération doit pouvoir verser des contributions supplémentaires pour la réparation des dommages non couverts. Dans la mesure où ces prestations complémentaires dépassent le montant de 2,25 milliards de francs, l'ordonnance de réparation peut s'écarter des principes formulés par la Convention de Paris et la Convention complémentaire de Bruxelles. Ainsi, p. ex., les victimes suisses peuvent être favorisées par rapport aux victimes étrangères.

D'après la let. c, l'Assemblée fédérale peut définir la procédure et instaurer une autorité particulière pour appliquer l'ordonnance de réparation. Compte tenu du nombre élevé de victimes, il peut être nécessaire de réunir ces dernières dans une indivision forcée8. Par ailleurs, il doit
être possible de simplifier la procédure d'administration des preuves et de limiter les voies de recours. Les délais de péremption pour le dépôt de plaintes et les réglementations de coûts particulières en faveur des victimes peuvent être justifiés9. Un tribunal composé de spécialistes pourrait être instauré en tant qu'autorité particulière chargée d'appliquer l'ordonnance de réparation, ou une autorité administrative, qui trancherait en rendant des décisions. Le recours auprès du Tribunal fédéral doit être possible.

Dans l'éventualité d'un grand sinistre, il est indispensable que le Conseil fédéral prenne des mesures préparatoires pour le recensement des dommages, ainsi que le dépôt et le traitement des demandes de dommages-intérêts (al. 5). L'OFEN a préparé divers documents à cet effet.

L'art. 26 habilite le Conseil fédéral à prendre des mesures extraordinaires dans le domaine de l'assurance privée, de l'assurance sociale et de l'assurance de droit public. Cette législation d'exception ne concerne toutefois pas les contrats de couverture qui doivent être conclus en vertu des art. 8 à 10 et 16 (assurance responsabi7 8 9

Cf. Tercier, op. cit., 259 ss et 262 ss.

Jeandin, op. cit. 165 s.; Tercier, op. cit., 253.s.

Tercier, op. cit., 249s., 251, 253s., 254 ss.

5171

lité civile, sécurités financières). Les compétences très étendues de cet article doivent être comprises en relation avec l'état de détresse dans lequel une partie de la population suisse se trouverait en cas de grand sinistre. En l'absence d'une réglementation explicite dans le présent projet, il faudrait, en cas de grand sinistre, adopter une disposition similaire dans le cadre du droit d'urgence. Pour des explications plus poussées, cf. FF 1958 II 1563.

Art. 27

Réciprocité

Cet article définit le principe de la réciprocité et ses modalités d'application, tout en faisant la distinction entre les Etats parties à la Convention de Paris et à la Convention complémentaire de Bruxelles, les Etats ayant également ratifié le Protocole commun, et enfin les autres Etats avec ou sans installation nucléaire sur leur sol.

L'art. 34 de la LRCN en vigueur règle déjà la réciprocité, mais il ne répartit pas les Etats en plusieurs catégories.

Aux termes de l'al. 1 du projet, l'exploitant d'une installation nucléaire située en Suisse répond également des dommages nucléaires causés à l'étranger: ­

sans limitation du montant pour les Etats dont la législation nationale prévoit également la responsabilité civile illimitée de l'exploitant à l'égard de la Suisse, si ces Etats sont parties à la Convention de Paris et, le cas échéant, à la Convention complémentaire de Bruxelles, ou à la Convention de Vienne et au Protocole commun. Cela s'applique en particulier à l'Allemagne (cf.

ch. 1.3.2);

­

jusqu'à concurrence du montant de 1,2 milliard d'euros (1,8 milliard de francs) ou du montant plus élevé prévu à l'égard de la Suisse au moment de l'accident dans la législation nationale de l'Etat concerné, pour les Etats parties à la Convention de Paris et à la Convention complémentaire de Bruxelles qui limitent le montant de la responsabilité de l'exploitant. A ce montant s'ajoute la tranche internationale de 300 millions d'Euros (env. 450 millions de francs) prévue à l'art. 3, al. (b), ch. (iii), pour laquelle les exploitants ne peuvent être tenus de contribuer mais qui est répartie entre les Etats parties selon la clé de répartition énoncée à l'art. 12 de la Convention complémentaire de Bruxelles;

­

à concurrence du montant prévu à l'égard de la Suisse au moment de l'accident par la législation nationale de l'Etat concerné, pour les Etats qui limitent le montant de la responsabilité de l'exploitant et qui sont parties à la convention de Paris mais non à la Convention complémentaire de Bruxelles ou qui sont parties à la Convention de Vienne et au Protocole commun. (en ce qui concerne l'annonce d'une réserve relative à cette règle de réciprocité cf. ch. 1.5.2 ci-dessus).

L'al. 2 traite, d'une part, des cas où le dommage nucléaire se produit dans des Etats autres que ceux auxquels se réfère l'al. 1 et qui ne possèdent pas d'installation nucléaire sur leur sol ou dans les zones maritimes qui leur reviennent en vertu du droit international public. Pour les dommages dans ces Etats, la réparation maximale à disposition correspond au montant mentionné à l'art. 7 de la Convention de Paris (700 millions d'euros). Il est justifié de privilégier les Etats non nucléaires sur le plan du montant de la couverture qui leur est proposée. C'est notamment le cas de l'Autriche.

5172

D'autre part, l'al. 2 règle la situation des Etats qui ne sont pas mentionnés à l'al. 1 et qui possèdent des installations nucléaires. Pour ceux-ci, un dédommagement n'est dû qu'aux conditions figurant à l'art. 2, al. a, ch. (iv), et à l'art. 7, al. g, de la Convention de Paris. Conformément à l'art. 7, al. g de la convention, l'al. 2 prévoit que la réparation qui doit être versée par le responsable suisse se limite au montant que l'autre Etat prévoit vis-à-vis de la Suisse dans sa législation nationale (réciprocité); la réparation maximale se monte dans tous les cas à 700 millions d'euros.

Cette réglementation concerne principalement les Etats qui ont ratifié la Convention de Paris (avec les changements de 1964 et 1982), mais pas le protocole d'amendement de 2004.

Art. 28 à 30

Dispositions pénales

Les dispositions pénales ont été adaptées aux modifications de la partie générale du Code pénal entrées en vigueur le 1er janvier 2007. L'art. 28 permet à l'autorité compétente de punir d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire le coupable ayant agi sciemment. La peine privative de liberté sera toujours assortie d'une peine pécuniaire. Si le coupable a agi par négligence, la privation de liberté ne peut être assortie d'une peine pécuniaire. Les contrevenants ayant enfreint délibérément une disposition de la loi (art. 29, al. 1) sont punis de l'amende jusqu'à 100 000 francs. Ce montant est cinq fois supérieur au montant actuel.

L'al. 2 prévoit dorénavant expressément que la tentative et la complicité sont punissables. L'al. 3 fixe à 40 000 francs le montant de l'amende qui pourra être prononcée pour les actes de négligence (le droit en vigueur prévoit une amende de 20 000 francs).

L'art. 30 charge l'office fédéral compétent d'instruire et de juger les infractions conformément à la loi du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (RS 313.0).

Art. 31

Exécution

L'al. 1 charge le Conseil fédéral d'exécuter la présente loi, ce qui lui confère la compétence d'édicter les dispositions d'exécution nécessaires par le biais d'une ordonnance. En outre, le règlement de question d'importance secondaire peut être délégué par le Conseil fédéral au département compétent (DETEC).

L'al. 2 donne au Conseil fédéral la compétence de désigner le service autorisé à prendre ou à autoriser des mesures de rétablissement au sens de l'art. 1, al. a, ch. (viii), de la Convention de Paris. Par analogie à l'art. 3, al. 4, du projet, il pourrait s'agir de l'office fédéral compétent (OFEN).

Art. 32

Abrogation et modification du droit en vigueur

La loi du 18 mars 1983 sur la responsabilité civile en matière nucléaire est abrogée avec l'entrée en vigueur de la présente loi.

5173

2.3

Modification du droit actuel

2.3.1

Loi sur les fors en matière civile

Art. 27a (nouveau)

Dommages nucléaires

L'art. 13 de la Convention de Paris détermine l'Etat responsable du jugement des différends relatifs à un accident nucléaire. Un seul tribunal est compétent pour statuer sur un événement déterminé, chaque Etat partie pouvant librement déterminer le tribunal compétent (art. 13, al. h, de la convention).

Les art. 25 et 27 de la loi fédérale sur les fors en matière civile (LFors; RS 272) et l'art. 21 du projet s'appliquent aux différends dépourvus de caractère international et prévoient différents fors. La compétence d'un seul tribunal, telle qu'elle est prévue à l'art. 13 de la Convention de Paris, n'est donc pas assurée. C'est pourquoi il est nécessaire d'adapter le droit en vigueur. Il est proposé d'introduire dans la LFors un art. 27a, qui règle la compétence pour les dommages nucléaires. Les fors prévus sont valables aussi bien pour les plaintes qui se fondent sur la Convention de Paris et la Convention complémentaire de Bruxelles, que pour les autres plaintes (dommages différés, cas particuliers, qui sont indemnisés par la Confédération).

L'art. 27a, al. 1, prévoit la compétence du tribunal du canton où l'accident est survenu. Concrètement, c'est le tribunal déclaré compétent par le droit cantonal du lieu de l'accident qui est compétent, conformément à l'art. 21 du projet. Le for est impératif. Contrairement à l'art. 27 de la LFors, ce for est valable pour tous les dommages causés par un accident nucléaire, qu'il s'agisse d'un dommage collectif ou non.

S'il est impossible de déterminer avec certitude le lieu de l'accident, l'al. 2 prévoit impérativement que c'est le tribunal du canton où se situe l'installation nucléaire de l'exploitant responsable qui est compétent. Il peut par exemple y avoir dommage nucléaire lorsque des substances nucléaires s'échappent au cours d'un transport, sans qu'il soit possible de localiser le lieu de l'accident. Dans une telle situation, les plaintes doivent être déposées auprès du tribunal déclaré compétent par le droit cantonal en vigueur sur le lieu de l'installation concernée.

L'al. 3 règle la situation lorsque plusieurs cantons sont compétents. Il peut par exemple arriver qu'un accident se produise lors du transport de substances nucléaires, sans qu'il soit possible de déterminer le lieu de l'accident, et que ces substances appartiennent à deux exploitants. Dans
ce cas de figure, il y a deux fors en vertu de l'al. 2, un à chacun des endroits où se situent les installations nucléaires concernées.

L'al. 3 prévoit alors que c'est le tribunal du lieu le plus étroitement lié à l'accident et le plus touché qui est compétent. L'al. 3 correspond à l'art. 13, al. f, ch. (ii), de la Convention de Paris.

2.3.2

Loi fédérale sur le droit international privé

Art. 130 L'art. 130 de la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP; RS 291) et l'art. 21 du projet sont applicables aux relations internationales (p. ex. en cas de victimes ou d'exploitants étrangers). L'art. 130 actuel de la LDIP régit la compétence internationale de la Suisse en cas d'accidents nucléaires. Or cette possibilité 5174

n'existe plus avec la Convention de Paris, qui règle la question à l'art. 13. La LDIP doit donc être modifiée. La solution retenue doit être identique à celle de la loi sur les fors, car en vertu de l'art. 13, al. h, de la Convention de Paris, toutes les plaintes liées à un accident doivent être déposées auprès du même tribunal.

L'al. 1 se réfère, pour ce qui est de la compétence suisse, à la Convention de Paris.

L'al. 2 détermine le tribunal suisse compétent pour recevoir les plaintes si c'est la Suisse qui est compétente en vertu de l'art. 13 de la Convention de Paris. Les fors sont identiques à ceux de l'art. 27bis de la loi sur les fors, à la différence qu'il s'agit ici d'affaires internationales. Le for du lieu où se trouve l'installation concernée (celle de l'exploitant responsable) est donc également donné lorsque le lieu de l'accident a été déterminé, mais se trouve en dehors du territoire des parties contractantes.

L'al. 3 désigne le for pour les plaintes qui relèvent uniquement de la LRCN (et pas de la Convention de Paris). Il applique les mêmes critères que l'al. 2, toujours en relation avec l'art. 21 du projet. Il peut toutefois arriver que ni le lieu de l'accident ni l'installation ne se situent en Suisse. Dans ce cas, c'est le tribunal du lieu où le dommage est survenu qui est compétent. Si plusieurs cantons sont compétents, c'est le plus touché qui est compétent. La règle qui veut qu'un seul tribunal soit compétent n'est pas obligatoire ici, car la Convention de Paris n'est pas applicable, mais elle a été conservée pour simplifier la procédure.

La question de la compétence est également réglée dans la Convention concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, conclue à Lugano le 16 septembre 1988 (RS 0.275.11). Celle-ci ne prévoit pas de for unique pour les accidents nucléaires. En revanche, l'art. 57, al. 1, de la Convention de Lugano contient une réserve en faveur des conventions dans des matières particulières, auxquelles les Etats contractants sont ou seront parties.

Art. 130a L'art. 130a reprend l'al. 3 actuel de l'art. 130. Cet alinéa régit le droit à l'information contre le détenteur d'un fichier, mais pas seulement en relation avec un accident nucléaire. C'est pourquoi cette question est réglée dans un article séparé.
Art. 138a (nouveau) L'art. 138a est nouveau. Il régit la question du droit applicable en cas de dommages nucléaires. La Convention de Paris contient des dispositions à ce sujet et limite donc la liberté du législateur national dans le domaine. L'art. 14, al. b, de la Convention de Paris prévoit en principe l'application du droit matériel en vigueur sur le lieu du tribunal. La Convention de Paris contient toutefois des dispositions particulières (art. 2, al. b, et art. 7, al. d), qui s'écartent de la règle générale et prévoient l'application du droit du lieu de l'installation. L'art. 138a a donc pour objectif de fixer quel droit est applicable lorsque la convention s'en remet au droit national.

Pour les plaintes fondées sur la Convention de Paris, il complète les règles sur le droit applicable prévues par la convention. Il vaut également pour les plaintes qui s'appuient sur la LRCN et pour les situations dans lesquelles la convention est considérée comme du droit national (art. 1, al. 2, du projet).

L'al. 1 prévoit l'application du droit suisse lorsque les tribunaux suisses sont compétents en vertu de la Convention de Paris.

5175

L'al. 2 prévoit des exceptions à l'application du droit en vigueur au lieu du tribunal.

Il ne vise que les cas où l'installation nucléaire de l'exploitant responsable est située dans un autre Etat partie à la convention. Selon la let. a, c'est la législation de l'Etat contractant qui détermine si le champ d'application de la Convention de Paris doit être élargi en vertu de l'art. 2, al. b, de la convention. C'est également le droit national de l'autre Etat partie qui détermine si et dans quelle mesure un dommage nucléaire au sens de l'art. 9 de la Convention de Paris doit faire l'objet de réparations. Cette réglementation s'appuie sur l'art. 2, al. b, et sur l'art. 7, al. d, de la Convention de Paris et s'applique indépendamment du fait que l'autre Etat possède ou non une réglementation au moins équivalente vis-à-vis de la Suisse (pas de réciprocité).

Selon l'al. 3, les dispositions de l'al. 2 s'appliquent par analogie lorsque l'installation nucléaire de l'exploitant responsable se trouve sur le sol d'un Etat non membre de la Convention de Paris, mais dont la législation est au moins équivalente dans ses principes à la législation suisse (réciprocité).

Art. 149, al. 2, let. f L'art. 149, al. 2, s'applique aux jugements de litiges pour lesquels la Convention de Paris n'est pas applicable. D'après cet article, les jugements rendus au lieu de l'installation mentionné à l'art. 130, al. 3, LDIP peuvent être reconnus en Suisse.

Cette disposition s'explique par le fait que certains biens de la personne responsable peuvent se trouver en Suisse et que le jugement étranger doit être reconnu pour permettre leur séquestre.

2.3.3

Loi sur la radioprotection

Les changements de 39, al. 3, et de l'art. 40 de la loi sur la radioprotection sont de nature purement rédactionnelle. Les deux articles se réfèrent dorénavant à la Convention de Paris en plus de la loi sur la responsabilité civile en matière nucléaire.

3

Conséquences

3.1

Pour la Confédération

3.1.1

Conséquences financières

L'arrêté fédéral projeté a certaines conséquences financières pour la Confédération.

Selon les art. 10 ss du projet de LRCN, la Confédération doit couvrir les divers risques suivants: ­

couverture du dommage découlant d'un accident nucléaire entre 1 milliard et 1,8 milliard de francs, soit 0,8 milliard de francs; ce dernier montant sera réduit lorsque les assureurs privés pourront fournir une couverture d'assurance plus importante (nouveauté par rapport au droit actuel);

­

couverture jusqu'à 1,8 milliard de francs des risques qui peuvent être exclus par les prestataires de couverture (notamment, les risques imputables à des événements de guerre, à des phénomènes naturels extraordinaires, actes terroristes à partir de 500 millions de francs, ainsi que certains manques à

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gagner en relation avec une dégradation de l'environnement; correspond au droit en vigueur); ­

couverture des frais de règlement des dédommagements compris entre 100 millions et 180 millions de francs (nouveauté par rapport au droit actuel);

­

couverture des dommages dont le dédommagement ne peut plus être réclamé en raison de l'écoulement du délai de péremption de 30 ans (correspond au droit en vigueur);

­

couverture des dommages pour lesquels il n'existe pas de couverture, celleci faisant défaut ou ne permettant pas le dédommagement (p. ex. lorsque le prestataire de couverture est insolvable; correspond au droit en vigueur).

Afin de pourvoir à la couverture de ses obligations, la Confédération perçoit auprès des exploitants d'installations nucléaires une contribution («primes d'assurance»).

Le Conseil fédéral fixera le montant de ces primes par le biais de l'ordonnance d'exécution en appliquant les règles techniques régissant le domaine des assurances et en tenant compte des différents risques. L'augmentation des prestations de couverture offertes par la Confédération aura pour conséquence une augmentation correspondante du montant des primes.

D'autres conséquences financières peuvent résulter, pour la Confédération, de l'application de l'art. 14, al. 1, du projet (impossibilité de déterminer la personne responsable, pas de réparation de la part d'un exploitant étranger), ainsi que de l'art. 25, al. 4, let. b (grands sinistres). Dans ces cas, la Confédération fera usage de ses ressources générales pour pourvoir à ces prestations.

En ce qui concerne le développement des dommages suite à un accident nucléaire, la Confédération et le Pool suisse des assureurs des risques nucléaires ont passé le 21 juin 1990 un contrat concernant le traitement des dommages. Ce contrat prévoit que le traitement des dommages causés par un accident nucléaire, qui ressort de la compétence de la Confédération eu égard au fait qu'il lui appartient d'évaluer les dommages (en particulier pour la couverture offerte par la Confédération et les grands sinistres), est traité par les assureurs privés pour le compte de la Confédération. Les coûts du règlement des sinistres sont pris en charge par la Confédération au prorata des indemnisations qui sont versées. Il siéra d'examiner cette convention relative au traitement des sinistres lors de l'entrée en vigueur de la LRCN révisée, et d'en tenir compte.

3.1.2

Effets sur l'état du personnel

Tant qu'il ne se produit aucun accident nucléaire, il n'y pas lieu de prévoir d'effets sur l'état du personnel. De plus, en cas d'accident, il est impossible de déterminer actuellement avec précision ses effets en termes de personnel de la Confédération.

En cas d'accident nucléaire, l'Office fédéral de l'énergie devra au gré de la situation mettre à disposition ou engager le personnel nécessaire.

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3.2

Effets sur l'économie

Le relèvement du montant de la couverture à 1,8 milliard de francs n'entraîne que des surcoûts minimes pour la production d'électricité dans les centrales nucléaires.

Comme l'indique l'étude de l'Université de Zurich mentionnée au ch. 1.6.2, leur compétitivité n'en est réduite que de façon pratiquement négligeable. Par ailleurs, la concertation internationale qui fonde cette mesure améliore fortement la protection des victimes.

3.3

Effets sur les cantons et les communes

La révision de la LRCN n'emporte, pour les cantons et les communes, aucune conséquence en terme financier et de personnel.

3.4

Effets dans le domaine informatique

La révision de la LRCN n'emportera aucune conséquence dans le domaine informatique.

4

Programme de la législature

Le message est annoncé dans le programme de législature 2003 à 200710.

5

Bases juridiques

5.1

Constitutionnalité

Aux termes de l'art. 90 de la Constitution fédérale (Cst.; RS 101), la Confédération dispose dans le domaine de l'énergie nucléaire de compétences étendues. La législation en matière de droit civil et de droit pénal relève de la compétence de la Confédération (art. 122 et 123 Cst.). C'est sur ces bases constitutionnelles que se fonde la Confédération pour légiférer de manière complète et définitive dans le domaine de la responsabilité civile nucléaire.

La compétence de la Confédération dans le domaine des affaires étrangères découle des art. 54 et 184 Cst. En outre, en vertu de l'art. 166, al. 2, Cst., l'Assemblée fédérale a la compétence d'approuver les traités internationaux.

Conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, Cst., sont sujets au référendum les traités internationaux qui sont d'une durée indéterminée et non dénonçables, qui prévoient l'adhésion à une organisation internationale, qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit, ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales. Les trois traités en question peuvent être dénoncés et n'impliquent pas l'adhésion à une organisation internationale, mais leur ratification nécessitent l'adoption de la loi fédérale également objet du présent message. Il s'ensuit que 10

FF 2004 1083

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l'arrêté fédéral sur l'approbation de ces traités est sujet au référendum en matière de traités internationaux selon l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

5.2

Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse

5.2.1

Engagements vis-à-vis de l'UE

Il n'existe aucune législation de l'UE dans ce domaine, de sorte qu'il ne peut y avoir d'incompatibilités avec le droit suisse. Dans sa décision du 8 mars 2004 (2004/294/CE), le Conseil a habilité les Etats membres qui sont parties à la Convention de Paris à ratifier le protocole d'amendement 2004 de cette convention dans l'intérêt de la Communauté Européenne, ou à y adhérer (FO no L 097 du 08/03/2004 p. 0053 à 0054).

5.2.2

Accord entre la Confédération suisse et la République fédérale d'Allemagne au sujet de la responsabilité civile en matière nucléaire

Un accord a été conclu le 22 octobre 1986 entre l'ancienne République fédérale d'Allemagne et la Suisse au sujet de la responsabilité civile en matière nucléaire (RS 0.732.441.36). Cet accord est entré en vigueur le 21 septembre 1988. Il prévoit, dans les grandes lignes, les mêmes règles que les conventions dont la ratification est proposée dans le présent message. En effet, il règle notamment les questions liées au champ d'application (art. 1), au for (art. 3) et au droit applicable (art. 4). De plus, il introduit également le principe d'égalité de traitement dans le cadre de la procédure et sur le plan matériel (art. 2).

Comme l'Allemagne et la Confédération ont signé les conventions de Paris et de Bruxelles, la question se pose de savoir si cet accord possède encore sa raison d'être.

Des contacts doivent donc être pris entre les deux Etats pour en examiner la dénonciation éventuelle. Les départements fédéraux des affaires étrangères (DFAE) et de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) seront chargés d'entreprendre les démarches diplomatiques nécessaires.

5.3

Forme de l'acte

Le projet qui fait l'objet du présent message porte non seulement sur la révision de la LRCN, mais également sur la ratification de conventions internationales.

L'approbation de traités internationaux prend d'ordinaire la forme d'un arrêté simple. L'approbation de traités internationaux qui contiennent des règles de droit importantes ou dont l'application requiert qu'une loi fédérale soit édictée doit se faire sous la forme d'un arrêté de portée générale soumis à un référendum facultatif en application de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, en lien avec l'art. 163, al. 2, de la Constitution fédérale (Jean-François Aubert, Commentaire ad art. 85 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, no 209, p. 32). En ce qui concerne la question juridique qui se pose entre la ratification des traités internationaux et l'approbation de la LRCN révisée, cf. ch. 2.1.

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5.4

Délégation de la compétence d'édicter des règles de droit

La compétence d'édicter des règles de droit peut être déléguée au moyen d'une loi fédérale dans la mesure où la Constitution fédérale ne l'exclut pas (art. 164, al. 2, Cst.). La Constitution considère notamment comme restriction générale de la délégation l'exigence selon laquelle les dispositions importantes et fondamentales doivent être édictées sous la forme d'une loi (art. 164, al. 1, Cst.). Le Conseil fédéral peut édicter des ordonnances fixant les règles de droit dès lors que la délégation de cette compétence est prévue par une loi au sens formel qu'elle concerne un objet de réglementation spécifique et que, en cas d'atteintes graves aux droits individuels, les principes sont fixés dans la loi formelle proprement dite (cf. art. 182, al. 1, Cst.). Le présent projet contient diverses normes de délégation qui répondent à ces exigences (art. 8, al. 3; art. 9, al. 4; art. 12, al. 2; art. 25, al. 5; art. 31, al. 2).

La LRCN prévoit en outre (art. 31, al. 1, 2e phrase) la possibilité d'une subdélégation: le Conseil fédéral peut déléguer au Département le pouvoir d'édicter des prescriptions techniques ou administratives.

5.5

Freins aux dépenses

Selon l'art. 159, al. 3, let. b, Cst., le présent projet doit être approuvé par la majorité des membres de chaque conseil, s'il contient une disposition relative aux subventions, ainsi que les crédits d'engagement et les plafonds de dépenses, s'ils entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus de 20 millions de francs ou de nouvelles dépenses périodiques de plus de 2 millions de francs. Dans le cas présent, il faut examiner si le montant qui pourrait être versé par la Confédération en cas d'accident nucléaire constitue une subvention, car il n'entraîne à l'évidence pas de crédit d'engagement ni de plafond de dépenses. Conformément à l'art. 3 de la loi fédérale sur les aides financières et les indemnités (loi sur les subventions, LSu; RS 616.1), sont des aides financières les avantages monnayables accordés à des bénéficiaires étrangers à l'administration fédérale aux fins d'assurer ou de promouvoir la réalisation d'une tâche que l'allocataire a décidé d'assumer. Les avantages monnayables peuvent prendre notamment les formes suivantes: prestations pécuniaires à fonds perdu, conditions préférentielles consenties lors de prêts, cautionnements ainsi que prestations en nature et services accordés à titre gracieux ou à des conditions avantageuses. La couverture que la Confédération est appelée à offrir en cas d'accident nucléaire ne revêt aucune des formes susmentionnées. Partant, le frein aux dépenses ne trouve pas application en l'espèce.

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