07.054 Message portant approbation de l'accord du 31 octobre 2006 entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République italienne relatif au non-assujettissement des péages du tunnel du Grand-Saint-Bernard à la taxe sur la valeur ajoutée du 15 juin 2007

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, un projet d'arrêté fédéral portant approbation de l'accord du 31 octobre 2006 entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République italienne relatif au nonassujettissement des péages du tunnel du Grand-Saint-Bernard à la taxe sur la valeur ajoutée.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

15 juin 2007

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2007-0884

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Condensé Depuis le 1er janvier 2003, les péages du tunnel du Grand-Saint-Bernard sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en Italie tandis qu'ils en sont exonérés en Suisse. Pour éliminer cette inégalité de traitement, les deux Etats doivent convenir dans un accord bilatéral qu'ils renoncent à percevoir la TVA sur ces péages.

Le tunnel routier du Grand-Saint-Bernard relie le réseau routier suisse au réseau italien, du canton du Valais au Val d'Aoste. Depuis son ouverture au trafic en 1964, un péage est perçu pour le traverser.

En règle générale, l'utilisation des routes publiques est gratuite. Dans l'arrêté fédéral du 17 décembre 1958 approuvant la convention entre la Confédération suisse et la République italienne relative à la construction et à l'exploitation d'un tunnel routier sous le Grand-Saint-Bernard, l'Assemblée fédérale a autorisé la société chargée de l'exploitation du tunnel routier sous le Grand-Saint-Bernard à percevoir des taxes de passage.

Au départ, les péages perçus du côté italien n'étaient pas soumis à la TVA.

L'Administration fédérale des contributions (AFC) a donc déclaré qu'elle renonçait, elle aussi, à percevoir la TVA sur les péages, afin de garantir l'égalité de traitement entre la Suisse et l'Italie. Aucun accord bilatéral n'a donc été nécessaire pour parvenir à une égalité de traitement.

Depuis le 1er janvier 2003, cependant, l'Italie perçoit la TVA sur les péages du tunnel du Grand-Saint-Bernard afin de respecter les dispositions de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (sixième directive), ainsique la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. Les péages sont dès lors grevés de 20 % de TVA en Italie, alors qu'ils sont toujours exonérés en Suisse. Cette situation entraîne des coûts inégaux pour les utilisateurs, et des distorsions de la concurrence. L'Italie a donc présenté à la Commission européenne une demande pour obtenir l'autorisation de passer un accord avec la Suisse, dérogeant à la sixième directive. Par décision du 21 octobre 2004, le Conseil la lui a accordée.

En mai 2005, l'Italie a transmis par la voie diplomatique un projet d'accord à la Suisse. Cet accord a été approuvé par le Conseil fédéral le 29
septembre 2006 et signé à Rome le 31 octobre 2006. Il prévoit que les péages perçus pour le transit dans le tunnel du Grand-Saint-Bernard ne sont pas soumis à la TVA ou à d'autres impôts similaires sur le chiffre d'affaires, dans aucun des deux Etats. Les différences de prix et les distorsions de concurrence qui en résultent seront supprimées.

L'accord passé avec la République italienne n'entraîne pas de nouvelles charges financières pour la Confédération, étant donné qu'il confirme seulement la pratique de l'AFC.

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Message 1

Grandes lignes du projet

1.1

Contexte

Le tunnel routier du Grand-Saint-Bernard, qui relie le réseau routier suisse au réseau italien, du canton du Valais au Val d'Aoste, est régi par la convention du 23 mai 1958 entre la Confédération suisse et la République italienne relative à la construction et à l'exploitation d'un tunnel routier sous le Grand-Saint-Bernard (convention de 1958; RS 0.725.151).

En général, l'utilisation de routes publiques est gratuite. L'art. 37, al. 2, de l'ancienne Constitution, accepté en votation populaire le 6 juillet 1958, autorisait l'Assemblée fédérale à prévoir des exceptions à ce principe. Cette disposition correspond à l'art. 82, al. 3, de la nouvelle Constitution (Cst.; RS 101).

L'art. 2 de l'arrêté fédéral du 17 décembre 1958 approuvant la convention entre la Confédération suisse et la République italienne relative à la construction et à l'exploitation d'un tunnel routier sous le Grand-Saint-Bernard (RS 725.151) prévoit donc que la société qui est chargée de l'exploitation du tunnel routier sous le GrandSaint-Bernard est autorisée à percevoir des taxes de passage. Depuis l'ouverture du tunnel à la circulation, en 1964, des droits de péage sont perçus sur l'utilisation du tunnel (art. 6 de la convention de 1958). C'est la société anonyme Tunnel du GrandSaint-Bernard SA (Tunnel SA) qui est chargée de les percevoir pour le trafic nordsud, et la société anonyme Società italiana per il traforo del Gran San Bernardo (Sitrasb SpA) pour le trafic sud-nord. Les actionnaires principaux de Tunnel SA sont les cantons de Vaud et du Valais et la ville de Lausanne.

A l'origine, les péages perçus du côté italien n'étaient pas soumis à la TVA. Lorsque la Suisse a introduit la TVA, le 1er janvier 1995, l'AFC a déclaré, dans une lettre datée du 2 février 1995, qu'elle renonçait, elle aussi, à percevoir la TVA sur les péages perçus pour le transit dans le tunnel du Grand-Saint-Bernard, afin de garantir l'égalité de traitement entre les sociétés italienne (Sitrasb SpA) et suisse (Tunnel SA). Aucun accord bilatéral n'a donc été nécessaire pour parvenir à une égalité de traitement.

Le 1er janvier 2003, l'Italie a abrogé la disposition selon laquelle les péages perçus pour le transit dans des tunnels internationaux étaient exonérés de la TVA. Cette modification est la conséquence d'un arrêt rendu par la Cour de justice
des Communautés européennes du 12 septembre 2000 contre la République française (C-276/97) et d'une procédure pour infraction semblable que la Commission européenne a engagée à l'encontre de la République italienne, le 15 juillet 2002. Dans les deux cas, il est question de la perception de péages sur les autoroutes en général.

Toutefois, pour prévenir une issue négative de la procédure, l'Italie a assujetti à la TVA les péages pour le transit dans les tunnels (legge 27 dicembre 2002, n° 289).

Cette modification de la loi a pour conséquence que la société Sitrasb SpA doit percevoir la TVA au taux de 20 % sur les péages. Les péages perçus du côté italien sont donc plus élevés que du côté suisse, car en Suisse, les péages restent exclus de la TVA. Pour les véhicules de la catégorie A2 (p. ex. les voitures de tourisme), le prix à payer sur le territoire suisse est de 29 francs (18,70 euros), tandis qu'il est de 4675

34,80 francs (22,40 euros) sur le territoire italien. Cette différence est particulièrement importante pour les abonnements, ce qui entraîne des conditions inégales pour les utilisateurs et crée des distorsions de la concurrence. Les utilisateurs qui peuvent acheter leur abonnement à l'une ou à l'autre entrée du tunnel choisissent le côté suisse puisqu'il y est meilleur marché. Même si la Suisse venait à relever son taux de TVA, actuellement de 7,6 %, une différence de prix notable subsisterait en raison des taux d'imposition différents.

1.2

Déroulement et résultat des débats

Le 24 mars 2004, la République italienne a présenté à la Commission européenne une demande de dérogation conformément à l'art. 30 de la sixième directive, afin d'obtenir l'autorisation de conclure un accord avec la Suisse sur l'exonération des péages. L'art. 30 de cette directive1 prévoit que le Conseil européen (Conseil des ministres), statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut autoriser un Etat membre à conclure avec un pays tiers ou un organisme international un accord pouvant contenir des dérogations à la sixième directive. Le Conseil a accordé cette autorisation au Gouvernement de la République italienne par décision du 21 octobre 2004 (2004/737/CE).

La commission mixte pour le tunnel routier sous le Grand-Saint-Bernard, créée sur la base de l'art. 9 de la convention de 1958, s'est elle aussi occupée des problèmes rencontrés. Cette commission a pour tâche de veiller au bon fonctionnement de la convention et d'aplanir toute difficulté pouvant résulter de son application. Après avoir examiné le problème en détail, la commission mixte a transmis le dossier aux autorités nationales compétentes pour qu'elles élaborent un accord.

En mai 2005, l'Italie a transmis à la Suisse par la voie de son Ministère des affaires étrangères un projet d'accord, qui prévoit d'exonérer de TVA les péages perçus pour le transit dans le tunnel du Grand-Saint-Bernard dans les deux Etats contractants.

Les autorités suisses compétentes (Direction du droit international public, Bureau de l'intégration DFAE/DFE, AFC, Office fédéral de la justice) ont effectué les adaptations nécessaires dans le projet. L'accord devait notamment mentionner l'exception existante en faveur de la société suisse Tunnel SA, afin de garantir la réciprocité.

L'Italie a tenu compte de ces propositions de modification, de sorte que l'accord a pu être approuvé par le Conseil fédéral le 29 septembre 2006 et signé à Rome le 31 octobre 2006.

1.3

Appréciation

La TVA étant un impôt général à la consommation, il est difficile de défendre l'exonération fiscale existante. Les raisons suivantes, avant tout économiques et de politique extérieure, plaident cependant en faveur du présent accord: ­

1

Le tunnel du Grand-Saint-Bernard constitue une particularité parce qu'il relie le réseau routier d'un Etat membre de l'Union européenne à celui d'un Etat non-membre. Une décision telle que celle rendue par la Cour de justice Depuis le 1er janvier 2007, art. 396 de la nouvelle directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

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des Communautés européennes en matière d'imposition des péages autoroutiers, qui concerne avant tout le trafic intracommunautaire, ne peut pas s'appliquer sans autre aux péages du tunnel du Grand-Saint-Bernard.

2

­

Le tunnel du Grand-Saint-Bernard est aussi un cas particulier dans la mesure où c'est le seul tunnel routier exploité à titre privé en Suisse, qui franchit la frontière suisse et pour la traversée duquel un péage est perçu.

­

L'exonération de la TVA appliquée aux péages perçus aux deux extrémités du tunnel permet d'éviter des distorsions de concurrence et des coûts inégaux pour les automobilistes qui franchissent le tunnel, en particulier ceux qui achètent des abonnements. Etant donné que les taux de TVA ne sont pas identiques dans les deux pays (I: 20 %, CH: 7,6 %), le prix à payer pour franchir le tunnel dans le sens sud-nord serait plus élevé que celui à payer dans le sens nord-sud, même si les péages étaient soumis à la TVA dans les deux pays.

­

L'Italie n'a jamais eu l'intention d'assujettir la société Sitrasb SpA à la TVA; elle a soumis les péages à la TVA dans le seul but d'éviter que la Commission européenne n'ouvre une procédure pour infraction à son encontre.

­

En assujettissant la société Sitrasb SpA à la TVA, l'Italie n'a pas respecté le principe de consensus inscrit dans la convention de 1958. Selon l'art. 8, en effet, les questions monétaires et fiscales soulevées par la construction et l'exploitation du tunnel doivent faire l'objet d'accords particuliers entre le Gouvernement suisse et le Gouvernement italien.

­

Depuis que l'AFC a renoncé à percevoir la TVA sur ces péages, une pratique administrative de plusieurs années existe et elle ne doit pas être modifiée sans raison impérative.

Commentaire de l'accord

Le projet d'accord se fonde sur l'art. 8 de la convention de 1958. Cet article prévoit que les questions de douane, de police et d'imposition soulevées par la construction et l'exploitation du tunnel doivent faire l'objet d'accords particuliers entre les deux Etats.

L'accord se compose d'un long préambule et son unique disposition prévoit que les péages perçus pour le transit dans le tunnel du Grand-Saint-Bernard ne sont pas assujettis à la TVA ou à d'autres impôts similaires sur le chiffre d'affaires. Même si l'accord ne le dit pas explicitement, tout changement concernant le traitement fiscal de ces péages doit faire l'objet d'un nouvel accord bilatéral, par égard aux deux sociétés concessionnaires. En particulier, les parties ne peuvent pas décider de façon unilatérale de réintroduire l'imposition des péages.

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3

Conséquences pour les finances et le personnel

Le montant des péages perçus par la société Tunnel SA du côté suisse s'est élevé à 7,063 millions de francs en 2004. Etant donné que la Suisse renonce à imposer ces péages, ce sont 536 788 francs de TVA qui ne sont pas rentrés dans les caisses de la Confédération en 2004.

En approuvant cet accord avec la République italienne, la Confédération n'enregistrera aucune perte financière. En effet, l'AFC a renoncé à percevoir la TVA sur ces péages dès l'entrée en vigueur de l'impôt en 1995.

Par ailleurs, comme cet accord ne fait que confirmer la pratique de l'AFC, il n'a aucune conséquence sur les effectifs de l'administration.

4

Lien avec le programme de la législature

Le présent accord ne figure pas dans le rapport sur le programme de la législature 2003 à 20072. Lorsque ce programme a été élaboré, en effet, il n'était pas possible de prévoir quand les travaux préparatoires de la commission mixte seraient terminés.

5

Constitutionnalité

L'art. 54, al. 1, Cst., qui dispose que la Confédération est habilitée à conclure des traités internationaux, constitue la base constitutionnelle sur la quelle s'appuie le présent accord. Il incombe à l'Assemblée fédérale de l'approuver, conformément à l'art. 166, al. 2, Cst. Cet accord peut être dénoncé en tout temps, il ne prévoit pas l'adhésion à une organisation internationale et sa mise en oeuvre ne requiert pas de loi fédérale. Il contient certes des dispositions législatives, mais elles peuvent être considérées comme insignifiantes puisqu'elles n'entraînent aucune nouvelle obligation pour la Suisse ni aucune réduction des recettes fiscales, et qu'elles servent uniquement à confirmer la pratique suivie par l'AFC depuis l'introduction de la TVA. C'est la raison pour laquelle l'arrêté fédéral n'est pas sujet au référendum, conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, Cst.

2

FF 2004 1035

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