Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 17 avril 2007 sur l'octroi de visas par les représentations suisses à l'étranger Avis du Conseil fédéral du 27 juin 2007

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Le rapport de la Commission du 17 avril 2007 sur l'octroi de visas par les représentations suisses à l'étranger fait suite aux enquêtes ouvertes pour délivrance abusive de visas par certaines représentations suisses à l'étranger. Le Conseil fédéral vous remercie de cette analyse approfondie et de l'intérêt porté à la problématique.

Les six recommandations de la Commission constituent des points d'orientation utiles pour le maintien de la qualité des prestations consulaires en matière d'octroi de visas fournies par les représentations suisses. Le Conseil fédéral se réjouit d'ailleurs de relever la large identité de vues avec la Commission sur ces recommandations. Il se félicite aussi de constater qu'en grande partie, elles ont déjà été mises en application ou sont en voie de l'être.

Leur examen point par point invite le Conseil fédéral à prendre position comme suit: ad recommandation 1

Rôle des chefs de mission dans le domaine consulaire

La Commission de gestion du Conseil national recommande au Conseil fédéral de veiller à ce que les chefs de mission assument leur fonction de conduite dans le domaine consulaire. Les profils de postes devront être classifiés en fonction de leur importance réelle et des exigences objectives qui leur sont liées, notamment dans le domaine de la migration et de la protection consulaire.

Le Conseil fédéral est prêt à mettre en application la recommandation 1: Le Conseil fédéral pose des exigences élevées aux chefs de mission et de poste, tant en matière de compétences diplomatiques que de conduite, et examine soigneusement les nominations auxquelles il procède. Comme le relève la Commission, les exigences liées à un poste ne répondent pas nécessairement à des considérations de prestige. Certaines représentations sont plus sensibles et exposées que d'autres, en raison de conditions de vie difficiles liées aux risques de crise politique ou de catastrophe naturelle, de présence d'un conflit armé ou de groupements terroristes ou encore en raison d'une pression migratoire importante entraînant des risques de corruption plus élevés pour le personnel, et particulièrement le personnel local. La traite humaine et l'exploitation de migrants entre également dans ce cadre.

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Pour ces raisons, le Département des affaires étrangères (DFAE) a réévalué le profil de poste des chefs de mission et de poste pour tenir compte précisément des compétences et expériences requises objectivement, au vu de l'importance du pays dans le contexte international et pour la défense des intérêts suisses, et des exigences envers le chef de mission en matière de conduite et de gestion, compte tenu de l'effectif du personnel, des co-accréditations, des postes rattachés, des compétences requises en matière financière et interculturelle, sans oublier le domaine consulaire, et particulièrement le domaine des visas et des migrations. Cette nouvelle classification concerne aussi bien les postes de chef de mission que ceux de chef de chancellerie.

Ces changements de classification visent une meilleure adaptation aux exigences en matière de conduite et de gestion. Ils ont été décidés au sein du DFAE et devraient prochainement pouvoir se traduire dans la pratique.

ad recommandation 2

Analyse des besoins en personnel dans le domaine consulaire

La Commission de gestion du Conseil national demande au Conseil fédéral d'effectuer une analyse, au cas par cas, des besoins des représentations dans le domaine consulaire. Celle-ci devra tenir compte des risques d'abus et du volume des tâches, mais aussi d'éventuelles possibilités de rationalisation et, dans la mesure du possible, des nouvelles exigences posées par l'entrée de la Suisse dans l'espace Schengen. Une telle analyse doit aboutir, le cas échéant, à une réévaluation de l'enveloppe budgétaire attribuée au réseau extérieur de la Suisse.

Le Conseil fédéral est prêt à mettre en application la recommandation 2: Au cours des quinze dernières années, le volume de travail que représentent les tâches consulaires a augmenté considérablement, alors que le budget du réseau extérieur du DFAE est resté stable à 250 millions de francs. Dans la réponse qu'il avait adressée le 9 décembre 2002 à votre Commission suite à son rapport sur la politique du personnel de carrière et l'organisation du service extérieur du DFAE, le Conseil fédéral avait constaté que le volume de travail que représentent les tâches consulaires, dont la complexité croissante rend par ailleurs l'exécution plus prenante et plus exigeante, est déterminé par des facteurs sur lesquels les représentations n'ont pas d'influence. Comme le relève la Commission dans son rapport, le Conseil fédéral et la Commission s'accordaient à penser que le DFAE avait exploité en grande partie toutes les possibilités de rationalisation envisageables dans le domaine consulaire, ce qui avait précisément permis d'absorber l'augmentation des tâches tout en maintenant un budget constant.

Dans le domaine des visas, comme a pu le constater la Commission, les représentations accomplissent leurs tâches avec un personnel très limité en comparaison européenne. La qualité des prestations fournies a pu se maintenir jusqu'à ce jour à un niveau élevé, comme la Commission a le mérite de le relever. Seuls quelques cas isolés viennent ternir cette image et les mesures correctives ont été prises par la création de nouveaux postes et l'engagement de spécialistes en matière de visas.

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Le Conseil fédéral est conscient que ces mesures d'urgence ne permettront toutefois pas à elles seules de maintenir la qualité des prestations consulaires. Il partage les vues de la Commission selon lesquelles l'évolution qualitative et quantitative des tâches consulaires à la hausse est appelée à se poursuivre ces prochaines années.

Dans ces conditions, le maintien, dans les mêmes mesure et qualité, des prestations consulaires fournies par bon nombre de représentations suisses ne peut plus être garanti avec les ressources actuelles. Le potentiel de risques et de dommages, notamment aussi en termes d'image de marque de la Suisse à l'étranger, n'est pas négligeable. Le Conseil fédéral est particulièrement sensible à cette problématique.

Il partage l'avis de la Commission qu'il est urgent d'adapter les ressources aux tâches accomplies, qui sont à la fois plus complexes et plus exigeantes, d'une part, et qui ne peuvent être revues à la baisse, d'autre part.

Le DFAE a soumis au Conseil fédéral une proposition, basée sur une analyse détaillée de ses besoins, visant la pérennisation des moyens supplémentaires octroyés en 2007 ainsi qu'une augmentation de son budget à partir de 2008 pour tenir compte de l'évolution décrite ci-devant. Le Conseil fédéral a pris note de l'avis exprimé par la Commission, qui soutient cette demande. Il a approuvé la pérennisation des moyens supplémentaires octroyés en 2007 et réexaminera la situation.

Pour ce qui a trait aux nouvelles exigences posées par l'entrée de la Suisse dans l'espace Schengen, le DFAE prévoit d'adresser au Conseil fédéral le moment venu, sur la base des expériences qui auront été faites dans le cadre de Schengen, un rapport sur la situation des ressources en matière consulaire.

ad recommandation 3

Profil et formation du personnel consulaire affecté aux visas

La Commission de gestion du Conseil national demande au Conseil fédéral de veiller à ce que les représentations suisses à l'étranger disposent de compétences suffisantes dans la lutte anti-fraude. Il examinera à cette fin l'opportunité de créer une filière de spécialisation au sein du corps consulaire et d'engager davantage de gardes-frontière dans les représentations sensibles. Le Conseil fédéral veillera également à définir les tâches et le réseau des agents spécialisés de manière à optimiser les synergies et éviter les doublons.

Le Conseil fédéral est prêt à mettre en application la recommandation 3: Le Conseil fédéral partage l'avis de la Commission selon lequel le DFAE a pris la bonne direction et mis en oeuvre les mesures adéquates. Les lacunes existantes ont été identifiées et il s'agit maintenant de les combler. A ce propos, il importe de relever que le DFAE a réussi à absorber, au cours des quinze dernières années, l'augmentation des tâches consulaires tout en maintenant un budget constant. Il l'a fait en exploitant toutes les possibilités de rationalisation à sa disposition, et notamment en recourant massivement aux services de personnel local. Aujourd'hui, les quelque 1200 employés locaux représentent environ 60 % de l'effectif du personnel des ambassades et des consulats généraux. Cette proportion atteint un niveau critique, et le rapport de la Commission l'illustre parfaitement. Dans le domaine des visas, le personnel local a tendance à être plus vulnérable à la corruption, aux menaces et au chantage que le personnel suisse.

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D'autre part, une attention particulière doit être portée au profil et à la formation du personnel consulaire affecté aux visas. Le Conseil fédéral s'accorde parfaitement sur ce point avec la Commission. Le DFAE alloue les moyens supplémentaires alloués en 2007 au renforcement du domaine des visas et de la migration. Les mesures prises incluent, outre l'envoi rapide de neuf spécialistes en matière de visas pour pallier l'urgence, le recrutement et la formation, sur une période de 18 mois, de trente nouveaux collaboratrices et collaborateurs consulaires. Le renforcement d'autres représentations est également prévu et l'envoi d'attachés de migration supplémentaires a été approuvé pour les ambassades de Dakar et de Abuja. L'introduction d'un inspectorat spécialisé en matière de visas renforce à la fois le contrôle et le conseil lors des discussions menées avec le personnel des représentations durant les inspections. Quant à l'envoi de gardes-frontière, aussi positives que soient les expériences faites et aussi souhaitable soit-il de les encourager, force est de constater qu'il est actuellement difficile de trouver des gardes-frontière disposés à un engagement à l'étranger et dotés du profil adéquat, notamment au niveau des connaissances linguistiques. Une collaboration entre tous les départements concernés (DFAE, DFJP, DFF) est indispensable pour donner suite à cette recommandation.

ad recommandation 4

Collaboration avec des intermédiaires

La Commission de gestion du Conseil national recommande au Conseil fédéral d'améliorer et d'intensifier les contrôles des demandes de visas déposés par des intermédiaires. Il examinera également l'opportunité de mettre en place un système permettant une appréciation de la part des requérants sur la procédure de demande de visas. Enfin, la commission demande au Conseil fédéral de veiller à ce que les pratiques liées à la collaboration avec des intermédiaires soient fixées dans une directive contraignante pour l'ensemble du réseau extérieur suisse.

Le Conseil fédéral est prêt à étudier et, le cas échéant, à mettre en application la recommandation 4: Comme l'a relevé à juste titre la Commission, la collaboration avec certains intermédiaires, notamment des agences de voyage, répond à des nécessités essentiellement logistiques. Si le personnel des représentations voulait recevoir personnellement chaque requérant dans des pays comme l'Inde, la Russie ou la Chine, des investissements considérables en personnel et en infrastructures seraient nécessaires.

De tels investissements seraient disproportionnés et ne manqueraient pas d'engendrer d'autres difficultés, en termes de sécurité notamment.

Le Conseil fédéral est cependant conscient des risques et est disposé à examiner des mesures permettant de les réduire.

L'une d'entre elles est le renforcement de la coopération avec d'autres Etats européens, recommandé par ailleurs par la Commission dans son rapport. Il permettrait à la Suisse de partager les expériences ­ bonnes ou mauvaises ­ faites par d'autres pays avec ces mêmes intermédiaires, et d'en tirer les conséquences. Dans de nombreux pays, la Suisse participe, informellement et sur une base volontaire, aux réunions des Etats Schengen consacrées aux visas et à la migration dans le cadre de la coopération consulaire locale. L'entrée en vigueur opérationnelle des accords de

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Schengen permettra aux représentations de participer à part entière à cette collaboration et de l'intensifier.

Une autre mesure est l'introduction d'une externalisation d'une partie de la procédure d'octroi de visa ou de certaines étapes, sans préjudice des décisions sur l'octroi ou non de visas par le personnel de carrière, du principe des quatre yeux et de la responsabilité du chef de mission.

Une forme d'externalisation a été mise en place dans le cadre de projets-pilotes dans certaines représentations à l'étranger sous la forme de centrales d'appel, dont les variantes et les modalités ont été prédéfinies en fonction du pays et des offres de prestations. Les prestations fournies varient en fonction des besoins des représentations et des offres à disposition. La prestation peut se limiter à la fixation d'un rendez-vous, permettant ainsi de réguler le flot des requérants au guichet, ce qui améliore sensiblement la sécurité, diminue les risques de corruption, et permet aussi d'éviter que le requérant ne choisisse le guichet (et donc la personne) auquel il entend s'adresser.

L'externalisation peut s'étendre à la communication de certains renseignements de base et au contrôle que les documents fournis sont complets. Le concept peut s'envisager dans les représentations qui octroient un grand nombre de visas. Il peut être complété par d'autres prestations comme le relevé de statistiques et de sondages. A l'heure actuelle, il n'est pas réaliste que les représentations suisses s'occupent elles-mêmes de prestations de ce type, non seulement parce que leur capacité actuelle serait dépassée (en raison de la charge de travail, du manque de ressources et de certaines difficultés d'ordre linguistique ou liées au système postal local), mais aussi pour de simples raisons de coûts.

ad recommandation 5

Coopération avec d'autres Etats européens

La Commission de gestion du Conseil national recommande au Conseil fédéral d'explorer les possibilités de nouer des coopérations avec des Etats européens en matière consulaire. Il semblerait particulièrement judicieux de collaborer sur le plan des infrastructures et de la mise à disposition de compétences policières.

Le Conseil fédéral est prêt à étudier et, le cas échéant, à mettre en application la recommandation 5: La coopération avec d'autres Etats européens fonctionne déjà bien et est appelée à s'intensifier avec l'entrée en vigueur opérationnelle des accords de Schengen et Dublin. Une telle coopération s'impose pour des raisons aussi bien de sécurité et de lutte anti-fraude que du point de vue des ressources, qu'il s'agisse de locaux ou d'appareils coûteux de saisie de données biométriques par exemple. Les accords de Schengen et Dublin prévoient explicitement ces possibilités de collaboration, qui vont jusqu'à la représentation d'un Etat par un autre pour l'octroi des visas ou encore à la mise en place de bureaux communs d'octroi de visas. Six pays de l'UE ont d'ailleurs mis en service en avril 2007 en Moldavie le premier consulat européen commun. De même, l'UE examine la mise en place en Chine d'un «centre commun de visas» pour les visas délivrés dans le cadre de l'accord de destination approuvée (ADS).

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La coopération consulaire locale prévue par les accords de Schengen et Dublin vise les échanges en matière de fraude, falsifications, filières de passeurs en relation avec les visas, de même que toutes les informations sur les flux migratoires ou le «visa-shopping». La Suisse participe déjà, de manière informelle et volontaire, à ces rencontres consulaires locales. Les premières expériences montrent que ces échanges sont extrêmement utiles aux représentations suisses. Il s'agit de les poursuivre.

Le Conseil fédéral est ouvert à toute forme de coopération. Il convient cependant d'examiner en pratique et au cas par cas quel modèle de coopération est le mieux adapté, en fonction des besoins, des conditions et des ressources sur place. Des projets-pilotes sont à l'examen, d'autres sur le point d'être réalisés. A cet égard, les expériences qui seront faites avec l'Autriche dans le cadre de l'organisation de l'Euro 2008 seront très utiles au développement de futures collaborations.

ad recommandation 6

Collaboration avec les autorités cantonales

La Commission de gestion du Conseil national invite le Conseil fédéral à examiner, de concert avec les cantons, les possibilités d'harmoniser les pratiques cantonales en matière d'octroi de visas, d'accroître leur transparence et d'améliorer la communication avec les représentations à l'étranger.

Le Conseil fédéral est prêt à mettre en application la recommandation 6: Le Conseil fédéral accorde une importance de tout premier plan à la transparence et à une bonne collaboration. Il partage le voeu exprimé par la Commission tendant à une harmonisation des pratiques cantonales en matière de visas.

Il est à relever que la collaboration avec les cantons s'est particulièrement intensifiée. Depuis début 2006, des rencontres consulaires régionales sont organisées par le DFAE. Les représentations de la région concernée y participent généralement avec le chef de mission ou de poste et le chef de chancellerie, signe de l'importance accrue qui est donnée à ce domaine. A côté des représentations et des services du DFAE, un membre du DFJP (ODM) et un représentant des offices cantonaux de la migration y prennent également part, sous l'égide de l'association des offices cantonaux de la migration. A l'inverse, un membre du DFAE participe aux rencontres annuelles des offices cantonaux de la migration. De plus, une visite d'un office cantonal de la migration est désormais prévue systématiquement dans le cadre de la formation des stagiaires consulaires et des spécialistes de visas.

Ces échanges permettent à la fois une meilleure compréhension des réalités et du mode de fonctionnement respectifs et contribuent à améliorer la collaboration et le dialogue entre autorités concernées. Il importe de poursuivre sur cette voie à tous les niveaux, voire d'intensifier le processus de manière à ce qu'une unité de pratique entre cantons et représentations à l'étranger soit réalisée. Le Conseil fédéral y veillera.

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Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

27 juin 2007

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

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