ad 02.418 Initiative parlementaire Indemnisation pour nuisances sonores dues au trafic aérien. Garanties quant à la procédure Rapport du 21 mai 2007 de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national (CEATE-N) Avis du Conseil fédéral du 29 août 2007

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 112, al. 3, LParl, nous vous soumettons ci-après notre avis sur le rapport du 21 mai 2007 de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national concernant la modification de la loi sur l'expropriation (LEx) et de la loi sur l'aviation (LA).

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

29 août 2007

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Annemarie Huber-Hotz

2007-1712

6081

Avis 1

Contexte

Le 21 juin 2001, le conseiller national Hegetschweiler déposait une question ordinaire «Droit à la propriété et expropriation pour cause de bruit» (01.1062), à laquelle le Conseil fédéral a répondu le 21 septembre 2001 en disant en substance qu'il ne voyait rien qui justifiât de modifier la loi sur l'aviation (LA) dans ce domaine.

Peu satisfait de la réponse du gouvernement, le conseiller national Hegetschweiler déposait le 22 mars 2002 une initiative parlementaire visant à garantir que les propriétaires fonciers concernés puissent faire valoir leurs prétentions à des indemnités pour moins-value en raison des nuisances sonores dues au trafic aérien dans le cadre d'une procédure simple et conforme aux principes de la loi sur l'expropriation.

Rendant son avis, l'administration s'est déclarée opposée à l'initiative, émettant notamment des réserves quant à la nécessité d'une réglementation en la matière et à sa praticabilité.

Le 4 octobre 2002, le Conseil national a toutefois donné suite à l'initiative et chargé sa Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national (CEATE-N) de traiter cet objet. A cet effet, cette dernière a institué une sous-commission qui, pour ses travaux, a fait appel à quatre experts externes et bénéficié du soutien de spécialistes du DETEC. Les travaux, qui s'échelonnaient en plusieurs étapes, se sont révélés ardus de sorte que la CEATE-N n'a pu délibérer que le 29 mai 2006 sur l'avant-projet de modification des lois fédérales du 20 juin 1930 sur l'expropriation (LEx; RS 711) et du 21 décembre 1948 sur l'aviation (LA; RS 748.0).

La CEATE-N a chargé l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC) d'organiser la procédure de consultation qui a eu lieu du 15 juin au 30 octobre 2006. Devant les vives critiques émises par les milieux consultés, la sous-commission a biffé la disposition finale de la LEx concernant la révision des décisions judiciaires exécutoires prononcées en raison de la prescription des demandes d'indemnisation. Pour le reste, le projet n'a pas été modifié et la CEATE-N l'a renvoyé à l'unanimité au Conseil national le 21 mai 2007. Parallèlement, le Conseil fédéral était invité à se prononcer à son sujet.

2

Avis du Conseil fédéral

2.1

Rapport entre l'initiative parlementaire et le projet de loi

Comme son intitulé le laisse entendre, l'initiative «Indemnisation pour nuisances sonores dues au trafic aérien. Garanties quant à la procédure» vise à garantir que les propriétaires fonciers concernés puissent faire valoir leurs prétentions à des indemnités pour moins-value en raison des nuisances sonores dues aux avions dans le cadre d'une procédure simple et conforme aux principes de la LEx et que celles-ci ne puissent pas être balayées par des exceptions de prescription. Il s'agit à cette fin, d'une part, de modifier la LA de manière à ce que les modifications des règlements d'exploitation des aéroports fassent également l'objet, dans le cadre d'une procédure 6082

coordonnée, d'une estimation fondée sur le droit d'expropriation; d'autre part, de modifier la LEx de manière à ce que l'invocation d'exceptions de prescription soit subordonnée à un dépôt ordinaire de plans d'expropriation et à ce que le délai de prescription soit porté à dix ans au minimum. Dans son développement, l'initiative se focalise uniquement sur la situation insatisfaisante concernant la procédure d'indemnisation pour les nuisances sonores générées par le trafic aérien. Selon l'auteur de l'initiative, il faudrait octroyer aux personnes concernées des garanties de procédure comparables à celles que l'on accorde dans les domaines des chemins de fer ou des routes nationales.

Le projet propose non seulement d'introduire des garanties quant à la procédure relative à l'indemnisation pour cause de nuisances sonores du trafic aérien, mais aussi de remanier de fond en comble la réglementation applicable à l'indemnisation accordée en cas d'expropriation des droits de voisinage. La réglementation proposée pourrait être invoquée par tous les propriétaires, locataires et fermiers jouxtant des installations approuvées dans le cadre d'une procédure ouverte en application de la loi du 18 juin 1999 sur la coordination, à savoir notamment les installations ferroviaires, les routes nationales, les installations électriques, les installations de transport par conduites, les aménagements hydro-électriques ainsi que les installations de la défense nationale. Le projet va donc au-delà des intentions initiales de l'initiative en ne limitant pas son champ d'application au bruit du trafic aérien.

Le Conseil fédéral rejette le projet dans la mesure où il outrepasse les objectifs de l'initiative. La Commission a souhaité formellement que le projet porte sur toutes les infrastructures approuvées par les autorités fédérales, mais aux yeux du Conseil fédéral, elle n'a pas suffisamment pris en compte les répercussions négatives de son choix. Les différences de nature entre la procédure d'approbation de modification des règlements d'exploitation des aéroports et les projets de construction d'installations terrestres sont telles qu'elles ne justifient, ni n'exigent l'instauration d'une réglementation uniforme.

Mais ce n'est pas le seul problème posé par le projet. Le titre de l'acte législatif « Loi fédérale sur les
garanties de procédure accordées en cas d'indemnisation pour nuisances sonores » suggère que seules les indemnités pour immissions sonores excessives sont visées. Or, le projet de modification de la LEx parle à plusieurs reprises d'indemnité d'expropriation des droits de voisinage (art. 24a, al. 1; art. 27, al. 2; art. 30, al. 1, let. c; art. 31, al. 1, art. 41bis, al. 2; art. 89ter, al. 1, LEx), ce qui sous-entend que sont en principe visées toutes les nuisances générées par des ouvrages et installations publiques, qu'elles soient dues au bruit, au rayonnement non ionisant, à la poussière, aux gaz d'échappement, aux vibrations, etc. L'importance effective de ces immissions sera peut-être minime comparativement aux immissions sonores. Il n'en reste pas moins que la réglementation étend le champ d'application de la procédure jusqu'à la rendre inapplicable, dans le domaine des infrastructures approuvées par les autorités fédérales. Par exemple, les procédures s'appliqueraient également en cas d'expropriation des droits de défense pour vibrations excessives, notamment dans le cas des chantiers ferroviaires. Les répercussions négatives sur les différentes installations seront abordées au ch. 2.2 ci-dessous. Le Conseil fédéral ne saurait cautionner une réglementation qui, comme celle qui est proposée, est inapplicable.

En matière de bruit du trafic aérien également, la mise en oeuvre de l'initiative dépasse le cadre de celle-ci puisque la nouvelle procédure ne s'appliquerait pas uniquement à la suite de modifications futures des règlements d'exploitation. Selon 6083

le projet, attendu qu'aucun plan d'expropriation n'a été déposé en vertu de la pratique actuelle, les exceptions de prescription n'auraient pas lieu d'être. Autrement dit, les demandes d'indemnisation prescrites en vertu de la législation actuelle pourraient renaître, ce qui reviendrait à appliquer rétroactivement les règles en matière de prescriptions à des états de fait passés. Le Conseil fédéral juge cette approche hautement problématique car elle viole le principe de la sécurité du droit. Il reste encore à en préciser les conséquences financières sur les aéroports, qui sont loin d'être négligeables.

Enfin, le projet outrepasse le but de l'initiative en ce qu'il ne se limite pas au statut juridique du propriétaire, mais touche également le droit du bail (art. 24a et 89ter LEx [nouveau]), ce qui n'est pas acceptable. Le droit du bail à loyer ­ comme d'ailleurs le droit du bail à ferme ­ offre une protection adéquate au locataire. Lorsque ce dernier est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut exiger du bailleur une réduction proportionnelle du loyer (art. 259a, al. 1, let. b et 259d CO; RS 220). De même, rien ne justifie de modifier les règles de procédure en vigueur puisque le locataire peut en tout temps saisir l'autorité de conciliation (ou lui demander conseil), en cas de litige, avec le bailleur sur le bien-fondé ou le montant de la réduction de loyer (art. 274a CO). Les autorités de conciliation (régionales ou cantonales) instituées par les cantons garantissent que les immissions générées par des infrastructures identiques soient traitées uniformément en vertu du droit du bail.

Il faut à cet égard rappeler que le loyer est librement convenu entre les parties et que le locataire qui a connaissance à la conclusion du contrat de l'existence d'immissions ne peut pas se prévaloir après coup de ces dernières pour exiger une réduction de loyer.

En résumé, le Conseil fédéral considère que le projet déborde du cadre de l'initiative sur les points suivants: 1.

En premier lieu, le projet ne se limite pas aux aéroports et englobe toutes les infrastructures approuvées par les autorités fédérales dans le cadre d'une procédure ouverte en application de la loi sur la coordination.

2.

Deuxièmement, la procédure d'expropriation a pour motivation non pas les seules immissions sonores, mais toutes les immissions générées par ces installations.

3.

Troisièmement, le champ d'application du projet est si étendu qu'il permettrait de revenir à un état de fait passé, achevé dans le temps, ce qui occasionnerait des coûts considérables pour les aéroports.

4.

Quatrièmement, le projet empiète inutilement sur le droit du bail.

2.2

Conséquences du projet de loi sur les infrastructures approuvées par les autorités fédérales

Le projet aurait des conséquences non négligeables sur les procédures d'approbation des plans et de concession prévues à l'art. 26 de la loi fédérale du 8 mars 1960 sur les routes nationales (LRN; RS 725.11), à l'art. 18 ss de la loi du 20 décembre 1957 sur les chemins de fer (LCdF; RS 742.101), à l'art. 16 ss de la loi du 24 juin 1902 sur les installations électriques (LIE; RS 734.0), à l'art. 21 ss de la loi du 4 octobre 1963 sur les installations de transport par conduites (LITC; RS 746.1), à l'art. 62a ss de la loi du 22 décembre 1916 sur l'utilisation des forces hydrauliques (LFH; 6084

RS 721.80) et à l'art. 126 ss de la loi sur l'armée et sur l'administration militaire du 3 février 1995 (LAAM; RS 510.10). L'obligation d'adresser un avis personnel prévue à l'art. 31 LEx viserait également les personnes concernées par le retrait des droits de voisinage, ce qui risque d'alourdir sensiblement lesdites procédures.

Si l'on s'en tient à l'art. 5 LEx, dont l'application suppose que la triple condition de spécialité, d'imprévisibilité et de gravité du dommage soit réunie, l'expropriation formelle des droits de voisinage ­ et partant l'indemnisation pleine et entière ­, ne devrait concerner qu'une minorité de cas. Or, en avisant personnellement toutes les personnes susceptibles d'être touchées par les nuisances, on éveille chez ces dernières de faux espoirs en laissant entendre qu'il y aura dans tous les cas expropriation et indemnisation. Il est évident qu'on assisterait à une généralisation des demandes d'indemnité que l'autorité d'approbation des plans serait ensuite chargée d'examiner.

Du point de vue matériel, cependant, il arrivera fréquemment qu'au moment de la procédure d'approbation des plans, il soit impossible de déterminer avec certitude l'évolution des immissions sonores auxquelles la population sera exposée. Certes, les prévisions sur les nuisances sonores liées à de nouvelles constructions, au développement d'infrastructures existantes ou à des assainissements sont calculées dans le cadre de l'approbation des plans sur la base de simulations. Or, en fonction des conditions d'exploitation, les valeurs de bruit effectives sont susceptibles de s'écarter de ces prévisions. Nonobstant, les riverains devraient décider déjà au moment de la procédure d'approbation des plans s'ils souhaitent ou non faire valoir les prétentions découlant de leurs droits de voisinage. Il y a fort à parier que les litiges portant sur la reconnaissance du droit de faire opposition vont augmenter. Les personnes qui n'auront pas reçu d'avis personnel vont vouloir qu'on leur reconnaisse la qualité de partie, ce qui va alourdir et ralentir la procédure, du fait des décisions incidentes qui seront rendues et des voies de recours offertes.

Selon la législation en vigueur, les intéressés connus doivent aujourd'hui déjà être avisés personnellement par écrit (art. 31 LEx). Dans le cas des prétentions à
indemnité pour l'expropriation des droits de voisinage, les plans mis à l'enquête ne permettent bien souvent pas d'estimer le dommage éventuel, notamment le dommage découlant d'autres nuisances que le bruit (p.ex. vibrations). Le cercle des personnes auxquelles il faut écrire n'est pas défini avec précision. Attendu qu'il est impossible pour l'exploitant de connaître tous les cas, celui-ci délimite une zone suffisamment étendue et adresse un courrier à toutes les personnes (propriétaires et locataires) concernées. Pour mener à bien cette tâche, l'OFROU est tenu de s'appuyer sur les collectivités locales, c'est-à-dire sur les administrations des communes et villes concernées, sans que l'on sache si ces dernières sont véritablement en mesure de fournir les données nécessaires, et si oui, à quelles conditions.

S'agissant du rail, les considérations financières suivantes entrent en ligne de compte: ­

Le crédit alloué au fonds pour la réalisation et le financement des projets d'infrastructure des transports publics (FTP) ne couvre pas les indemnités d'expropriation, qui devraient être prises en charge par la compagnie de chemin de fer soumise à l'obligation d'assainir (ce qui n'est pas prévu dans la convention sur les prestations passées avec les chemins de fer).

­

Conformément à l'art. 12 de la loi fédérale du 24 mars 2000 sur la réduction du bruit émis par les chemins de fer (RS 742.144), les frais relatifs au per6085

sonnel sont également imputés sur le FTP. Il est évident que les dépenses supplémentaires liées au règlement des questions d'expropriation vont plomber le cadre financier prédéfini.

­

La Confédération alloue des moyens financiers pour mettre en oeuvre la loi sur la réduction du bruit émis par les chemins de fer. La loi est en vigueur jusqu'à fin 2015. Le financement des mesures n'entrant pas dans ce cadre, c'est-à-dire pour lesquelles une indemnisation est due après cette date, n'est pas assuré. Dès l'instant où de nouvelles installations ou mesures en matière de construction seront réalisées ou que des modifications seront effectuées après 2015, aucun moyen financier ne sera disponible pour faire face à d'éventuelles indemnités.

Toutes les infrastructures dont il est question ici ont ceci de commun qu'on ne peut estimer le montant des indemnités à débourser, d'autant plus que les expériences en la matière sont rares. Il faut également ajouter, soit dit en passant, que devant la complexité de la matière et les espoirs que laisse miroiter l'avis personnel, il y a fort à parier que les personnes concernées vont s'adjoindre les services d'un avocat, ce qui signifie que la partie, même lorsqu'elle succombe, se verra allouer une indemnité pour dépens (cf. art. 115 LEx).

Considérant les entraves procédurales supplémentaires qu'entraînerait le projet et les inconnues planant sur ses répercussions financières, le Conseil fédéral ne saurait partager l'avis de la Commission lorsqu'elle prétend dans son rapport (ch. 4.2.3.4) que les effets du projet de révision sur les prétentions à indemnité pour moins-value, pour des ouvrages publics ou au bénéfice d'une concession (autres que les installations aéroportuaires), sont circonscrits et peu importants. Certes, les répercussions effectives du projet sur ces installations n'ont pas été suffisamment documentées, mais en vertu de ce qui précède, on est en droit de penser qu'elles seront considérables. En conséquence, le Conseil fédéral rejette le projet.

2.3

Conséquences du projet de loi sur l'aviation

Le Conseil fédéral partage l'avis de la Commission selon lequel les dispositions en vigueur concernant les demandes d'indemnisation lorsque les immissions sonores générées par les avions occasionnent une moins-value des immeubles sont imparfaites. L'application des règles relatives au début du délai de prescription n'a pas été sans poser certains problèmes. C'est ainsi que, par crainte de la prescription, de nombreux riverains des aéroports, exposés au bruit, ont préventivement déposé une demande d'indemnité auprès des exploitants d'aéroport. A cet égard, le projet prévoit une procédure de dépôt de plans combinée: il doit être statué simultanément sur les modifications du règlement d'exploitation qui induisent une augmentation sensible de l'exposition des riverains au bruit des aéronefs et sur l'expropriation des droits de voisinage. De plus, le délai de prescription, fixé à dix ans, doit courir à dater du dépôt public des plans (art. 41bis LEx). Bien que la procédure de consultation laisse apparaître une majorité d'avis favorable au projet, il y a néanmoins lieu d'aborder ci-après certains éléments essentiels, problématiques sous l'angle politique ou juridique et auxquels le Conseil fédéral ne souscrit pas.

L'art. 36f LA stipule que l'entreprise requérante adresse aux intéressés, au plus tard lors de la mise à l'enquête de la demande, un avis personnel les informant des droits 6086

à exproprier. Le Conseil fédéral estime que cette disposition va à l'encontre du but poursuivi par l'initiative, à savoir mettre en place une procédure d'indemnisation pour moins-value simple et transparente. L'expropriant est (uniquement) tenu d'aviser personnellement par écrit les propriétaires d'un bien-fonds situé dans le périmètre concerné par les valeurs limites d'immissions (VLI) figurant dans le règlement d'exploitation mis à l'enquête, c'est-à-dire situé dans les zones d'affectation dont on présume que les VLI seront dépassées. Si l'on considère le cas de l'aéroport de Zurich, ce sont près de 6000 immeubles résidentiels qui seraient concernés avec le règlement d'exploitation provisoire. On imagine sans peine la charge administrative importante qu'occasionnerait pour les exploitants d'aéroport l'obligation d'adresser un avis personnel. Par contre, l'expropriant ne serait pas tenu d'aviser personnellement celles et ceux qui ne sont pas exposés à un dépassement des VLI. Le Conseil fédéral juge que cette manière de procéder pose les mêmes problèmes que dans le cas des autres infrastructures (cf. ch. 2.2). Premièrement, elle suscite de fausses attentes auprès des personnes avisées: dans la mesure où elles sont désignées en qualité d'«intéressés» par l'art. 36f LA, elles seraient fondées à en déduire qu'une indemnité pour moins-value leur revient de droit. Or, en raison des conditions fixées par la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. ch. 2.2, 2e paragraphe) à l'octroi d'indemnités en raison d'immissions sonores excessives, la grande majorité des prétentions seraient en réalité rejetées; en particulier parce que selon la jurisprudence actuelle appliquée aux aéroports nationaux, l'octroi d'une indemnité d'expropriation n'a pas lieu d'être si le bien-fonds exposé au bruit a été acquis par l'exproprié après le 1er janvier 1961. En d'autres termes, la nouvelle procédure éveillerait des attentes irréalisables auprès de la majorité des personnes avisées, sachant que ces dernières n'ont droit à aucune indemnité selon la jurisprudence en vigueur. Même en admettant que l'expropriant effectue un tri ­ ce qui ne devrait pas être une mince affaire vu le caractère non public des données à obtenir ­ et n'avise personnellement que ceux qui, selon lui, ont effectivement droit sur le plan matériel à une
indemnité ­ quoique le projet soit évasif sur ce point, cela ne changerait rien aux critiques formulées précédemment. La jurisprudence en matière d'indemnisation en raison des immissions excessives générées par le trafic aérien est à ce point complexe et évolutive que cette simplification apparente se transformera rapidement en une entrave supplémentaire dans le déroulement de la procédure.

Deuxièmement, la réglementation présente l'inconvénient d'être limitée aux personnes exposées à un dépassement des VLI sans englober les personnes dont les immeubles sont directement survolés par les aéronefs, qui estiment avoir droit à une indemnité mais qui ne sont pas exposées à un dépassement des VLI. A Zurich par exemple, le dépassement des VLI affecte les personnes touchées par les approches par le sud qui sont suspendues aux décisions des tribunaux quant à savoir si elles réunissent les conditions matérielles de l'expropriation. Même si dans ces cas, la possibilité de faire valoir une prétention à indemnité pour moins-value subsiste, le Conseil fédéral estime que la distinction entre ceux qui reçoivent un avis personnel et ceux qui n'en reçoivent pas n'est pas satisfaisante. Il y a fort à craindre, à l'instar de la situation qui prévaut pour les autres infrastructures, que l'on sème ce faisant le trouble dans les esprits des personnes exposées au bruit du trafic aérien, en particulier dans la région zurichoise, dans la mesure où les exclus de la procédure pourraient nourrir un sentiment d'injustice, tandis que l'on susciterait de fausses attentes chez la majorité des personnes admises à la procédure dont les prétentions sont matériellement irrecevables. Le projet ne clarifie par conséquent en rien la procédure.

6087

Au ch. 2.1, nous avons abordé la question des répercussions financières négatives du projet sur les aéroports. Celles-ci découlent de l'art. 41bis, al. 2, LEx, qui stipule que le délai de prescription des indemnités pour le retrait des droits de défense commence à courir avec le dépôt ordinaire des plans d'expropriation incluant l'immeuble considéré. Jusqu'ici, il n'existe aucune obligation d'ouvrir une procédure de dépôt des plans d'expropriation et compte tenu de la situation juridique actuelle, il y a tout lieu de considérer que nombre de prétentions à indemnité sont aujourd'hui prescrites, ce qui ne serait plus le cas si l'art. 41bis, al. 2, LEx était appliqué. Les aéroports nationaux de Zurich et de Genève, en particulier, ainsi que l'aéroport régional de Lugano redoutent de devoir supporter des coûts supplémentaires imprévus d'une ampleur considérable. L'aéroport de Zurich estime que la facture oscillerait entre 200 et 400 millions de francs, Lugano parle de plusieurs millions de francs, le canton et l'aéroport de Genève estiment pour leur part qu'on ne peut pas encore mesurer l'ampleur des conséquences financières. Le Conseil fédéral juge que le projet ne prend pas suffisamment en compte ces répercussions financières, ainsi que l'ont fait remarquer plusieurs participants à la consultation. Même s'il s'agit d'estimations, la règle de prescription des prétentions introduite par la nouvelle réglementation va dans tous les cas occasionner des coûts supplémentaires importants pour les aéroports et les collectivités publiques (c'est-à-dire, suivant le statut de l'aérodrome considéré, les cantons et les communes). Ces coûts devront être pris en charge par les exploitants d'aéroport. Or, considérant qu'à notre connaissance aucun pays n'accorde d'indemnité aux propriétaires fonciers pour moins-value en raison du bruit des avions, le projet ne serait pas sans effet sur la compétitivité internationale des infrastructures aéroportuaires et au-delà, sur celle de l'industrie aéronautique suisse. Vu les coûts supplémentaires que le projet entraîne, en particulier pour l'aéroport de Zurich, le Conseil fédéral juge la règle de prescription prévue indéfendable et irresponsable, raison pour laquelle il rejette clairement le projet sur ce point.

2.4

Conséquences sur le personnel de l'administration

Dans une procédure coordonnée d'approbation des plans, l'autorité directrice statue également sur les oppositions en matière d'expropriation. Conformément à la jurisprudence, cette procédure englobe également l'examen matériel de l'expropriation.

Dans la procédure d'estimation subséquente, la commission d'estimation se borne à fixer le montant de l'indemnité (décision CRINEN A-2005-259, consid. 4.2). Le projet multiplierait les coûts, principalement au niveau des procédures d'approbation des plans, qui ne pourraient être traitées qu'au prix d'une forte augmentation des effectifs de l'OFROU, de l'OFT et de l'OFEN, ce dernier étant de surcroît en charge des procédures d'autorisation pour trois types d'infrastructures différentes. Il en irait de même pour le traitement par l'OFAC des oppositions formulées dans le cadre de l'art. 36i LA. Dans le cas de la procédure relative au futur règlement d'exploitation de l'aéroport de Zurich, il faudrait s'attendre à plusieurs milliers de demandes d'indemnisation (cf. ch. 2.3). Par ailleurs, il n'est pas du tout certain que les procédures puissent être coordonnées de manière adéquate si l'on confiait à la Commission fédérale d'estimation l'examen matériel des demandes d'indemnisation comme le prévoit l'art. 36i, al. 3, LA ­ à l'encontre d'ailleurs du modèle dit «de concentration» appliqué sur le plan fédéral.. En tout état de cause, il paraît évident que l'importante charge de travail supplémentaire devrait être absorbée soit par l'OFAC, soit par la Commission fédérale d'estimation.

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On ne saurait dès lors suivre la Commission lorsqu'elle affirme dans son rapport que le projet de loi ne charge pas outre mesure les autorités compétentes pour approuver les plans, notamment l'OFAC (ch. 4.1). Le volume de travail à la charge des services fédéraux concernés (OFROU, OFT, OFAC, OFEN, SG-DDPS) serait au contraire appelé à enfler démesurément. Dans le cas des procédures relatives au futur règlement d'exploitation de l'aéroport de Zurich, l'OFAC verrait sa charge de travail littéralement exploser, du moins passagèrement. En conséquence, les services fédéraux concernés devraient engager du personnel supplémentaire pour mener à bien les procédures dans un délai raisonnable. Faute de quoi, il faudra s'attendre à un allongement des procédures qui irait jusqu'à retarder la mise en service prévue des infrastructures.

Qui plus est, il est malaisé de déterminer avec certitude les répercussions du projet sur les Commissions fédérales d'estimation. Le fait est que les Commissions fédérales d'estimation chargées d'examiner les demandes d'indemnisation pour moinsvalue en raison du bruit du trafic aérien ­ dans le cas de l'aéroport de Zurich par exemple, quelque 2500 dossiers sont pendants auprès de la Commission fédérale d'estimation du 10e arrondissement ­ ne sont aujourd'hui pas en mesure de venir à bout des procédures dans un délai convenable. Les procédures vont-elles se multiplier et la situation inconfortable des Commissions se détériorer? Ou au contraire ces dernières seront-elles soulagées grâce à la concentration espérée des procédures?

Seul l'avenir nous le dira.

2.5

Appréciation globale

A maints égards, le projet déborde le cadre et les objectifs de l'initiative. Le fait qu'il ne porte pas uniquement sur les immissions de bruit générées par le trafic aérien entraîne des inconvénients pratiques et financiers tels qu'il n'est pas viable.

Le projet alourdirait par exemple les procédures relatives aux infrastructures soumises à l'approbation des autorités fédérales, ce qui va à l'encontre des buts poursuivis par l'initiative, laquelle vise l'instauration de procédures simples et transparentes. Il faut au contraire s'attendre à une complexification et à une multiplication des procédures. Le Conseil fédéral estime qu'il ne faut pas alourdir encore davantage les procédures établies en Suisse dans le domaine des infrastructures. Le projet va exactement à l'opposé de la simplification et de l'accélération des procédures qu'il est censé promouvoir.

En particulier, le fait qu'il soit impossible de chiffrer le montant des indemnités à verser pour ces installations ne plaide pas en faveur du projet. Attendu que la plupart de ces versements devraient être effectués par la Confédération, le Conseil fédéral estime que ce n'est pas faire preuve de sens des responsabilités que d'introduire des procédures supplémentaires sans être fixé sur leurs conséquences financières pour la Confédération. A cela s'ajoute que les procédures n'entreraient en ligne de compte que pour les installations approuvées par les autorités fédérales. Dans le cas des routes, cela revient à opérer une distinction entre routes nationales d'une part, routes cantonales et communales d'autre part et par conséquent à introduire une inégalité de traitement entre les personnes concernées. Une telle distinction serait mal comprise par les administrés et n'est pas objectivement fondée. En résumé, le Conseil fédéral estime que le projet doit être en tout cas rejeté dans toutes les parties qui ne se rapportent pas à une garantie de procédure liée au bruit du trafic aérien.

6089

S'agissant du bruit du trafic aérien, les inconvénients du projet l'emportent nettement sur ses bénéfices. Le Conseil fédéral le concède: les dispositions en vigueur concernant les demandes d'indemnisation lorsque les immissions sonores générées par les avions occasionnent une moins-value des immeubles sont imparfaites, mais pas au point de créer une situation absolument intolérable. Hormis certaines lacunes, la procédure a fait ses preuves et une modification serait justifiée si elle apportait des améliorations. Or, avec la modification proposée ce n'est pas le cas. A première vue, le projet semble instaurer, conformément aux buts poursuivis, une procédure simple et transparente. A y regarder de plus près, la réglementation proposée présente en réalité d'énormes inconvénients. La distinction entre les intéressés qui reçoivent un avis personnel et ceux qui n'en reçoivent pas est de nature à semer la confusion parmi les personnes exposées au bruit du trafic aérien. En premier lieu parce que selon la jurisprudence les conditions matérielles d'indemnisation sont complexes et que le cercle des intéressés est moins aisé à définir que ne le laisse supposer le projet en distinguant entre les personnes devant être avisées personnellement et les autres.

Comme pour les autres infrastructures, il faut s'attendre à une complexification des procédures. Il faut par ailleurs relever qu'un groupe de travail interdépartemental se penche sur les corrections à apporter à la législation sur l'expropriation matérielle, laquelle est étroitement liée à la procédure. A cet égard, on pourrait également prendre en considération de nouveaux instruments économiques, comme l'«hypothèque sur le bruit» proposée par le Rapport du Conseil fédéral du 26 octobre 2005 sur l'état et les perspectives de la lutte contre le bruit en Suisse (FF 2005 6171).

Si, pour les autres infrastructures, les répercussions financières ne sont pas chiffrables, on sait qu'elles seront en revanche considérables pour les aéroports. Rien que pour l'aéroport de Zurich, la facture devrait osciller entre 200 et 400 millions de francs. C'est là une conséquence de la clause relative à la prescription des prétentions prévues à l'art. 41bis, al. 2, LEx, qui introduit de facto un effet rétroactif et viole ce faisant le principe de la sécurité du droit. Le Conseil
fédéral estime que cette charge financière supplémentaire pour les aéroports, en particulier pour Zurich, Genève et Lugano, est insupportable en ce qu'elle est susceptible d'éroder la compétitivité internationale de l'industrie aéronautique suisse, ce qui contreviendrait par ailleurs aux principes établis dans le Rapport du 10 décembre 2004 sur la politique aéronautique de la Suisse 2004 (FF 2005 1655).

Le Conseil fédéral ne saurait cautionner un projet qui sème la confusion parmi les personnes exposées au bruit du trafic aérien, notamment parmi les riverains de l'aéroport de Zurich, et qui pénalise sérieusement certains aéroports.

En résumé, il rejette le projet ainsi que tous les objets qu'il vise à réglementer.

A titre subsidiaire, il propose de limiter le projet aux garanties de procédure en matière de bruit du trafic aérien, moyennant certaines réserves. La réglementation actuelle souffre de certaines lacunes. Une procédure qui oblige une partie des intéressés, en raison de délais de prescription peu clairs, à déposer préventivement une demande d'indemnisation pour moins-value par crainte de la prescription n'est pas satisfaisante. Il faut aussi tenir compte de ce que la majorité des milieux consultés ont émis un avis favorable quant au projet, essentiellement parce qu'il prévoit une procédure de dépôt de plans combinée.

En conséquence, le Conseil fédéral pourrait se rallier à une proposition subsidiaire qui se limiterait à mettre strictement en oeuvre l'initiative. Attendu que la disposition sur la prescription figurant à l'art. 41bis, al. 2, LEx ne concourt pas directement à la 6090

réalisation des objectifs de l'initiative et est de nature à occasionner une charge financière supplémentaire insupportable pour les aéroports et les collectivités publiques, le Conseil fédéral propose d'y renoncer expressément, dans la mesure où elle entraînerait une application rétroactive du droit. S'agissant de l'obligation faite à l'expropriant d'adresser un avis personnel aux personnes exposées au bruit du trafic aérien, le Conseil fédéral renonce à une proposition formelle non sans insister à nouveau sur les conséquences néfastes d'une telle réglementation: complexification des procédures, incertitudes pour les personnes concernées et besoins accrus en personnel pour l'administration. Enfin, pour les raisons évoquées précédemment (ch. 2.1), les dispositions de droit du bail à loyer et à ferme de la LEx doivent être refusées.

A titre subsidiaire, il faudrait donc biffer l'ensemble des modifications de la LEx prévues par le projet. Au demeurant, il apparaît adéquat d'intégrer la disposition sur la prescription de l'art. 41bis LEx dans la législation sur l'aviation étant donné que la proposition subsidiaire prévoit de limiter le projet aux seules immissions sonores générées par les avions. C'est pourquoi il est nécessaire de créer un art. 36j LA et de l'accompagner d'une disposition transitoire claire selon laquelle les dispositions des art. 36d à 36j LA ne s'appliquent qu'aux procédures engagées après l'entrée en force desdits articles. Il apparaîtra ainsi clairement que la disposition concernant le délai de prescription à l'art. 36j LA ne s'appliquera que pour des demandes et des modifications d'un règlement d'exploitation qui seraient formées après l'entrée en force de la disposition. Le Conseil fédéral propose de compléter comme suit la LA: Art. 36j LA: Le délai de prescription des indemnités pour le retrait des droits de défense commence à courir avec le dépôt ordinaire des plans d'expropriation incluant l'immeuble considéré. Le délai est de 10 ans.

Disposition transitoire LA: Les art. 36d à 36j LA ne s'appliquent qu'aux procédures introduites postérieurement à l'entrée en force desdites dispositions.

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Proposition du Conseil fédéral

En vertu de ce qui précède, le Conseil fédéral propose de rejeter le projet.

A titre subsidiaire, il propose de biffer les modifications proposées de la loi sur l'expropriation, de compléter la LA par un art. 36j et d'introduire une disposition transitoire.

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