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79.066

Message sur l'initiative «être solidaires en faveur d'une nouvelle politique à l'égard des étrangers» du 5 octobre 1979

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous proposons, par le présent message, de soumettre au peuple et aux cantons, sans contre-projet et en leur recommandant de la rejeter, l'initiative «Etre solidaires en faveur d'une nouvelle politique à l'égard des étrangers».

Nous y joignons un projet d'arrêté fédéral y relatif.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

5 octobre 1979

1979-700

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Hürlimann Le chancelier de la Confédération, Huber

39 Feuille fédérale. 13 l'année. Vol. m

605

Vue d'ensemble L'initiative demande que la législation dans le domaine de la politique à l'égard des étrangers garantisse à ceux-ci le respect des droits de l'homme, le bénéfice de la sécurité sociale et le regroupement familial. Elle vise en outre à ce que la liberté d'établissement et le libre choix d'un emploi soient accordés aux étrangers dans la même mesure qu'aux ressortissants suisses. De plus, les étrangers en séjour auront droit au renouvellement de leur autorisation dès te début de leur résidence. L'expulsion pour cause d'infraction aux lois pénales ne pourra être prononcée à leur encontre que par le juge. La Confédération, les cantons et les communes devront soumettre aux étrangers, à titre consultatif, les questions les concernant et favoriser leur intégration dans la communauté nationale par des mesures législatives prises en accord avec eux. La législation fédérale devra garantir à ces personnes une protection juridique complète, y compris l'accès aux tribunaux. Enfin, l'initiative demande que le statut du saisonnier soit aboli dans les cinq ans qui suivront son acceptation.

Ainsi, l'initiative porte d'une part sur des exigences parfaitement fondées qu'il est d'ailleurs possible de remplir à satisfaction du droit actuel, telle la garantie du respect des droits de l'homme; d'autre part, sur des prétentions exorbitantes qu'il importe d'écarter. En effet, si l'initiative était acceptée, la politique actuelle de stabilisation ne pourrait plus être poursuivie et nombre d'entreprises appartenant aux branches économiques saisonnières s'en trouveraient menacées; en matière d'intégration sociale, la structure fédéraliste de la Suisse serait par trop négligée; enfin, l'obtention du droit au renouvellement de l'autorisation de séjour dès le début de la résidence rendrait impossible l'application des prescriptions visant aussi bien à la protection de la main-d'oeuvre indigène qu'au contrôle des conditions de rémunération et de travail des étrangers nouvellement arrivés flans notre pays.

L'actuel article 69ter est permet sans autre de prendre les mesures de stabilisation et d'intégration requises par la politique suivie à l'égard des étrangers. Le projet de nouvelle loi sur les étrangers constitue en soi une solution de rechange à la présente initiative populaire. Dès lors, il convient de rejeter cette dernière sans contre-projet.

606

Message l

Forme

L'initiative «Etre solidaires en faveur d'une nouvelle politique à l'égard des étrangers» (initiative «Etre solidaires») a été déposée le 20 octobre 1977 sous la forme d'un projet élaboré de toutes pièces. Par décision du 8 novembre 1977, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative, munie de 55 954 signatures valables, avait abouti (FF 1977 III 734). L'initiative contient une clause de retrait; le texte allemand fait foi.

2

Texte de l'initiative

L'article 69ter de la constitution fédérale est remplacé par la disposition suivante: Art. 69ter 1 La législation dans le domaine de la politique à l'égard des étrangers relève de la Confédération.

2 Cette législation garantit aux étrangers le respect des droits de l'homme, le bénéfice de la sécurité sociale et le regroupement familial. Elle tient compte d'égale manière des intérêts des Suisses et de ceux des étrangers.

Elle a en vue un développement social, culturel et économique équilibré.

3 Les autorisations de séjour doivent être renouvelées, à moins qu'un juge ne prononce une expulsion pour infraction aux lois pénales. Les seules mesures de régulation démographique admises sont les limitations des entrées en Suisse, à l'exclusion des renvois. Ces limitations ne s'appliquent pas aux réfugiés.

4 La Confédération, les cantons et les communes soumettent aux étrangers, à titre consultatif, les questions qui les concernent. Après entente avec eux, ils encouragent leur intégration dans la société suisse; la législation prévoit les mesures nécessaires.

6 L'exécution de la législation fédérale incombe aux cantons, sous la haute surveillance de la Confédération. La législation fédérale peut réserver certaines attributions aux autorités fédérales; elle garantit aux étrangers une protection juridique complète, y compris le recours aux tribunaux.

Dispositions transitoires 1 Le Conseil fédéral soumettra à l'Assemblée fédérale, dans un délai de trois ans au plus, un projet de loi conforme aux principes de l'article 69ter.

2 Dès l'acceptation du présent article constitutionnel, les étrangers jouiront, dans la même mesure que les Suisses, des libertés d'expression, de réunion, d'association et d'établissement, ainsi que du libre choix de leur emploi.

3 Le nombre des autorisations d'entrée accordées à des étrangers en vue de l'exercice d'une activité lucrative ne doit pas dépasser celui des étrangers actifs ayant quitté le pays l'année précédente. Les personnes actives qui ont quitté la Suisse de leur plein gré auront la préférence, l'année suivante, pour l'octroi des nouvelles autorisations d'entrée. Les présentes dispositions ne pourront être assouplies par la législation fédérale que dix ans au plus tôt après leur entrée en vigueur. Les fonctionnaires d'organisations internationales n'y sont pas soumis.

607

4

Le 3e alinéa de l'article constitutionnel entre en vigueur dès l'acceptation de l'initiative.

5 Les travailleurs saisonniers seront rais sur pied d'égalité avec les étrangers en séjour. Les restrictions légales en vigueur seront levées dans les cinq ans qui suivent l'acceptation de l'initiative.

L'article 69ter entre en vigueur sitôt après son acceptation par le peuple et les cantons et l'adoption de l'arrêté de validation par l'Assemblée fédérale.

3

Evolution de l'effectif et du statut juridique des étrangers

31

De la première guerre mondiale à 1948

Les traités d'établissement conclus avant la première guerre mondiale favorisaient l'immigration des étrangers. Sur le plan fédéral, aucun texte ne réglait l'entrée et la sortie, le séjour et l'établissement des étrangers; la réglementation de ces questions incombait aux cantons. En 1910, l'effectif de la populaition étrangère résidante avait atteint 552 000 personnes. Lorsqu'éclata la première guerre mondiale, la proportion d'étrangers était évaluée à 15,4 pour cent de l'ensemble de la population.

A la suite de la première guerre mondiale, de la crise économique des années trente et de la deuxième guerre mondiale qui lui succéda, de nombreux étrangers retournèrent dans leur pays de leur propre chef. Il s'ensuivit une constante diminution de l'effectif de la population étrangère résidante. Elle ne se montait plus, en 1941, qu'à 223 000 personnes, représentant 5,2 pour cent de la population totale.

Population de la Suisse (1920-1941) (Résultats du recensement de la population) Année

Suisses

Etrangers

Population totale

Proporiion
1920 1930 1941

3 477 935 3 710 878 4 042 149

402 385 355 522 223 554

3 880 320 4 066 400 4 265 703

10,4

.

87 52

La première guerre mondiale mit un terme au régime de la libre circulation.

L'entrée et le séjour furent soumis à autorisation tout d'abord par les belligérants eux-mêmes, puis par d'autres Etats dont la Suisse. C'est à partir de cette époque que les traités d'établissement ont été interprétés en ce sens qu'il appartenait à chaque Etat de décider de l'admission des étrangers, en se fondant sur des critères qu'il avait lui-même établis. Cette doctrine, qui restreignait en fait la portée des traités d'établissement a été admise par la suite tacitement ou expressément par les Etats contractants. Les traités d'établissement conclus par la Suisse restent en vigueur; toutefois, ils ne produisent leu,rs effets que dans les limites de cette interprétation.

Se fondant sur les pouvoirs extraordinaires qui lui avaient été conférés, le Conseil fédéral édicta dès 1917 diverses ordonnances sur le contrôle des étrangers. Ce régime instauré en vertu des pleins pouvoirs ne put être remplacé par

608

une réglementation fédérale établie selon la procédure normale que lorsque l'article 69ter de la constitution, adopté lors de la votation populaire du 25 octobre 1925, donna à la Confédération le pouvoir de légiférer en matière d'entrée et de sortie, de séjour et d'établissement des étrangers. Sur cette nouvelle disposition constitutionnelle se fonde la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE), entrée en vigueur le 1er janvier 1934 (RS 142.20).

Au cours de la seconde guerre mondiale, il fallut de nouveau recourir au droit de nécessité pour régler le problème des étrangers. Les dispositions prises furent en partie rassemblées dans l'arrêté modifiant les prescriptions sur la police des étrangers que le Conseil fédéral édicta le 7 mars 1947 (RO 1947 141) en vertu des pleins pouvoirs. Cet arrêté fut remplacé par la loi revisée de 1948.

32 Depuis 1948 L'essor économique qui ne tarda pas à se manifester peu après la deuxième guerre mondiale entraîna une augmentation constante des besoins de maind'oeuvre étrangère. 11 s'ensuivit un accroissement du nombre des étrangers en séjour, puis, bientôt, des étrangers établis. La population étrangère résidante, qui se compose des étrangers de ces deux catégories, atteignit à la fin de 1974 le chiffre record de 1 065 000 personnes, ce qui représentait 16,8 pour cent de l'ensemble de la population. Sous l'effet du recul du degré de l'emploi et de la stricte application des mesures prises depuis 1970 en vue de limiter l'admission des étrangers, l'effectif de la population étrangère a régressé au cours de ces dernières années. A la fin de 1978, il se montait à 898 000 personnes (14,4% de la population), après avoir enregistré une baisse de 167 000 unités en l'espace de quatre ans. Durant la même période, le nombre des étrangers établis ou bénéficiant d'une autorisation de séjour à l'année qui exerçaient une activité lucrative s'abaissa de 105 000 unités. Il était encore de 469 000 personnes à la fin de l'année dernière.

Evolution de la population étrangère de résidence (1Î60-1978)

(sans les saisonniers, les frontaliers et les fonctionnaires d'organisations internationales) Année (fin)

Au bénéfice d'un permis de séjour

Etablis

Etrangers au total

Parten % de la population résidante

Dont étrangers exerçant une activité lucrative

1950 1955 I960 1965 1970 1974 1975 1976 1977 1978

120000 195000 357000 608000 617000 427000 358000 304 000 268000 237 000

159 000 137 000 138 000 202 000 366 000 638000 655000 655000 665000 661 000

279000 332000 495000 810000 983 000 1 065 000 1 013 000 959000 933000 898000

5,9 6,7 9,3 13,9 15,9 16,8 16,1 15,3 14,9 14,4

337000 541000 593000 594000 553000 516000 493000 489 000

.

609

La forte demande de main-d'oeuvre étrangère provoqua également une augmentation du nombre des saisonniers et des frontaliers. C'est en 1974 que l'effectif des frontaliers a atteint son niveau le plus élevé, à savoir 110 000 personnes. La même année, le nombre des saisonniers se montait à 151 000. Au cours de ces dernières années marquées par la récession l'effectif des saisonniers et des frontaliers a diminué, de manière particulièrement nette en ce qui concerne les saisonniers, Evolution de l'effectif des saisonniers et des frontaliers (1960-1978) Année (fin août)

Saisonniers

Frontaliers

1960 1964 1965 1970 1974 1975 1976 1977 1978

139 000 206 000 184000 154000 151 000 86 000 60 000 67 000 83 000

39000 49000 45000 74000 110000 99000 85000 83000 89000

Face au rapide essor économique caractérisant la période d'après-guerre, l'opinion prévalut que l'activité économique redeviendrait normale à plus ou moins brève échéance. Aussi les autorités suisses suivirent-elles jusqu'en 1963 une politique d'immigration libérale, propre à satisfaire en premier lieu les besoins de l'économie. Toutefois, à partir de ce moment-là des mesures visant à limiter le nombre des nouveaux étrangers venus en Suisse pour travailler se révélèrent nécessaires; aussi divers arrêtés du Conseil fédéral furent-ils pris entre 1963 et 1970. Il fut ainsi possible dans un premier temps de réduire les taux d'accroissement annuels et, par la suite, de stabiliser le nombre des étrangers établis ou bénéficiant d'une autorisation de séjour à l'année qui exerçaient une activité lucrative. Plus sévères à partir de 1970, les mesures limitant l'admission des étrangers contribuèrent à stabiliser, puis, compte tenu du recul du degré de l'emploi dû au fléchissement de l'activité économique, à réduire progressivement l'ensemble de la population étrangère de résidence..

Lorsqu'il apparut dans les années 50 que la présence en Suisse d'un nombre élevé d'étrangers et de leurs familles prenait un caractère durable, il fallut pourvoir à l'amélioration de leur statut. L'adhésion de la Suisse à la Décision du Conseil de l'OECE des 30 octobre 1953/7 décembre 1956 régissant l'emploi des ressortissants des pays membres (non'publiée), qui fut reprise par l'OCDE, constitua le premier pas dans cette direction. Sur le plan bilatéral, un accord fut conclu le 10 août 1964 (RS 0.142.114.548) entre l'Italie et la Suisse relatif à l'émigration de travailleurs italiens en Suisse. En 1967, les avantages accordés aux travailleurs italiens s'étendirent à l'ensemble de la main-d'oeuvre venant des Etats d'Europe occidentale. Finalement, les conditions posées au changement de place et de profession s'assouplirent progressivement à travers les 610

différentes ordonnances du Conseil fédéral limitant le nombre des étrangers qui exercent une activité lucrative. Ainsi, le statut personnel, familial et professionnel de l'étranger s'améliora de façon considérable ces dernières années, à raison de la durée de sa résidence en Suisse. Cependant l'intégration des étrangers dans la communauté nationale nécessitait d'autres mesures.

Aussi avons-nous institué en 1970 une commission fédérale consultative pour le problème des étrangers. Cette commission voue une attention particulière à l'intégration sociale des étrangers ainsi qu'à l'amélioration des rapports entre la population suisse et la population étrangère. En outre, des communautés de travail ou des services de coordination traitant des problèmes qui se posent aux étrangers ont vu le jour dans divers cantons et diverses villes. En règle générale, les autorités les reconnaissent comme organisations d'utilité publique et les assurent de leur soutien financier.

4

Droit constitutionnel en vigueur

L'article 69ter est.1' donne la compétence à la Confédération de légiférer sur l'entrée, la sortie, le séjour et l'établissement des étrangers. Il s'agit d'une compétence concurrente non limitée aux principes.

L'article 69ter est. habilite la Confédération, avant tout, à fixer la procédure relative à l'entrée, la sortie, le séjour et l'établissement des étrangers. En outre, il l'autorise à fixer les modalités requises en matière d'admission.

De ce fait, la Confédération a la faculté d'influer sur le nombre des ressortissants étrangers et de définir l'objectif quantitatif de la politique qu'elle entend suivre à leur égard.

Il convient en outre de relever que la disposition constitutionnelle contient également les fondements d'une politique économique et conjoncturelle (FF 1924II 511 s.). Il est possible, en particulier, de prendre toutes mesures propres à protéger le marché indigène du travail contre la concurrence excessive que représente la main-d'oeuvre étrangère (FF 1948 I 1277). «Sous cet angle, il est incontesté que la Constitution permettrait aujourd'hui déjà au législateur d'établir, en matière de limitation du nombre des autorisations de séjour et de travail, des principes qui porteraient forcément la marque de préoccupations de politique économique» (Rapport final du groupe de travail pour la préparation d'une revision totale de la Constitution fédérale, Berne, 1973, vol. VI, page 729).

1 1

>

La Confédération a le droit de légiférer sur l'entrée, la sortie, le séjour et l'établissement des étrangers.

3 Les cantons décident, d'après le droit fédéral, du séjour et de l'établissement. La Confédération a toutefois le droit de statuer en dernier ressort: a. Sur les autorisations cantonales de séjour prolongé et d'établissement, ainsi que les tolérances; b. Sur la violation des traités d'établissement; c. Sur les expulsions cantonales étendant leurs effets au territoire de la Confédération; d. Sur le refus d'accorder l'asile.

611

L'article 69ter est. donne enfin à la Confédération le pouvoir de régler également le droit de présence des étrangers et le contenu des différents genres d'autorisations. Sur le plan de la répartition générale des tâches entre la Confédération et les cantons, c'est à ceux-ci qu'il incombe de mettre en oeuvre les mesures spécifiques propres à assurer la protection et l'intégration sociales des étrangers qui résident avec leurs familles depuis longtemps dans notre pays et par là de définir l'objectif qualitatif de notre politique à l'égard des étrangers.

5

Interventions faites jusqu'ici aux fins de modifier la constitution

Le 30 juin 1965, le Parti démocrate du canton de Zurich déposa la première initiative populaire «contre la pénétration étrangère» (FF 1965 II 814), qui fut retirée le 16 mars 1968 (FF 1968 I 761) après un débat aux Chambres fédérales (FF 1968 I 546). Une deuxième initiative «contre l'emprise étrangère» fut déposée le 20 mai 1969 par des milieux proches de l'Action nationale contre l'emprise étrangère sur notre peuple et notre patrie (FF 1969 I 1181); cette initiative fut rejetée lors du vote du 7 juin 1970 (FF 1970 II 301 1014). Le 3 novembre 1972, l'Action nationale déposa une troisième initiative «contre l'emprise étrangère et le surpeuplement de la Suisse» (FF 1972II1450), qui fut déposée le 20 octobre 1974 (FF 1974II1345). Au printemps de la même année, deux autres initiatives contre l'emprise étrangère étaient déjà à l'examen: l'initiative populaire du Parti républicain «pour la protection de la Suisse» (4e initiative contre l'emprise étrangère [FF 1974 I H 76]) exigeait, à l'instar des trois initiatives précédentes, la fixation au niveau constitutionnel de l'objectif quantitatif visé par notre politique à l'égard des étrangers et l'initiative populaire de l'Action nationale «pour une limitation du nombre annuel des naturalisations» (5e initiative contre l'emprise étrangère) qui proposait une disposition constitutionnelle permettant de limiter à 4000 par année le nombre des naturalisations (FF 797411179). Ces deux initiatives furent rejetées lors de la votation du 13 mars 1977 (FF 1977II 194 421).

Aux termes du postulat Grolimund (11 879; N 14.3.74), le Conseil fédéral est invité à examiner s'il n'y aurait pas lieu de préparer un projet de disposition constitutionnelle fixant les buts et les principes fondamentaux de la politique que la Confédération entend suivre à l'égard des étrangers (BÖ N 1974 417 à 419, 454).

6

Refonte de la législation sur les étrangers

Lors des débats parlementaires sur la troisième initiative contre l'emprise étrangère, il se révéla qu'une revision de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE) permettrait mieux qu'une modification constitutionnelle de tenir compte des différentes manières de concevoir les objectifs de notre politique à l'égard des étrangers, notamment du point de vue quantitatif et qualitatif. Aux termes d'une motion adoptée par le Conseil national le 14 mars 1974 et par le Conseil des Etats le 26 juin 1974, «le Conseil 612

fédéral est chargé de présenter au plus tôt aux Chambres un rapport et des propositions relatifs à la politique future concernant les étrangers et en particulier à la revision de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers.

Cette revision a pour but la stabilisation et par la suite la réduction progressive du nombre des étrangers en Suisse compte tenu de tous les facteurs humains, sociaux, économiques et d'équilibre démographique et de la situation particulière de certains cantons» (BÖ N 1974 396, 447 à 454; E 1974 363, 373 à 378).

Les Chambres fédérales durent à nouveau se prononcer, à propos de la quatrième initiative contre l'emprise étrangère, sur l'opportunité d'édicter une nouvelle disposition constitutionnelle comme le demandait la motion JaegerSaint-Gall du 22 mars 1974 transformée en postulat. Elles s'en tinrent à l'avis qu'il fallait définir les principes de la politique pratiquée à l'égard des étrangers au niveau de la loi et non de la Constitution (BÖ N 1976 890 à 906; E 7976 488 à 494).

Le 19 juin 1978, nous vous avons soumis un projet de loi sur les étrangers (projet de loi) accompagné d'un message (FF 1978 H 165 à 263) qui tenait compte des buts et principes contenus dans votre motion de 1974. Parallèlement, nous vous avons proposé de classer le postulat Grolimund (FF 1978 II 165, 171); le postulat Jaeger-Saint-Gall avait déjà pu l'être lors de l'examen de la quatrième initiative contre l'emprise étrangère (FF 1976 11343; BO M 1976 906).

7 71

Appréciation de l'initiative Garantie du respect des droits de l'homme, du bénéfice de la sécurité sociale et du regroupement familial

Selon l'article 69ter, 2e alinéa, de l'initiative, la législation dans le domaine de la politique à l'égard des étrangers doit garantir à ceux-ci le respect des droits de l'homme, le bénéfice de la sécurité sociale et le regroupement familial. Elle tiendra compte d'égale manière des intérêts des Suisses et de ceux des étrangers. Le 2e alinéa des dispositions transitoires précise que les étrangers jouiront dans la même mesure que les Suisses, des libertés d'expression, de réunion, d'association et d'établissement, ainsi que du libre choix de leur emploi.

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Droits de l'homme

En demandant que la législation sur les étrangers garantisse le respect des droits de l'homme, l'initiative pose une exigence qui est déjà largement satisfaite en Suisse sur le plan constitutionnel. En effet, les droits fondamentaux conçus comme droits de l'homme sont l'apanage tant des étrangers que des nationaux. Toutefois, comme l'exercice des droits constitutionnels ne doit pas porter atteinte à la sphère juridique de l'individu, du groupe ou de la collectivité, il est indispensable que la législation lui assigne des limites. De.

telles restrictions, il est vrai, n'affecteront pas indifféremment la totalité des sujets de droit, mais seulement le groupe de personnes qui font naître le danger. C'est pourquoi le fait d'imposer aux étrangers des restrictions dans 613

l'exercice de leurs droits fondamentaux ne constitue pas en soi une discrimination abusive; c'est le cas lorsqu'il y a lieu de craindre que des étrangers ne compromettent la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse en exprimant leurs opinions politiques dans notre pays.

La Convention européenne des Droits de l'homme (RS 0.101) corrobore également les principes posés par notre Constitution: les droits garantis par la Convention appartiennent à tout individu soumis à l'ordre juridique suisse.

Le 2e alinéa de chacun des articles 8 à 11 et l'article 16 de ladite Convention disposent expressément que les droits stipulés pourront être limités par la loi nationale pour cause d'intérêt public d'une certaine importance. Ainsi, l'article 16 précise que l'activité politique des étrangers peut faire l'objet de restrictions; mais le 2e alinéa des dispositions transitoires de l'initiative enlève à la Suisse l'usage de cette faculté.

On peut se demander également si l'interprétation donnée de l'article 70 est.1' pourrait encore s'inspirer du principe de la proportionnalité. Certes, la Confédération conserverait le droit de renvoyer un étranger, mais elle ne pourrait plus se borner à resteindre son activité politique s'il mettait en danger la sûreté extérieure de la Suisse et n'aurait d'autre possibilité que d'ordonner son expulsion. La réglementation de l'activité politique, dans le projet de loi (art. 48, FF 1978 II 182 s.), obéit en revanche aux principes de la Convention européenne et par conséquent nous apparaît préférable à la solution rigide proposée par l'initiative.

Outre les libertés d'expression, de réunion et d'association reconnues au titre des droits de l'homme, le 2e alinéa des dispositions transitoires de l'initiative mentionne la liberté d'établissement et le libre choix de l'emploi, deux principes qui, selon la pratique suisse, ne sont pleinement applicables qu'aux citoyens suisses et aux étrangers établis. Il est vrai que l'article 2 du Protocole n° 4 de la Convention (4e protocole additionnel) élève la liberté d'établissement au rang des droits de l'homme, mais la Suisse n'a pas ratifié ce protocole (cf. FF 7972 I 998). Quant au libre choix de l'emploi, la législation sur les étrangers se refuse à l'accorder à ceux qui n'ont pas encore été admis à résider durablement dans notre pays car,
bien qu'il y aille de la liberté du commerce et de l'industrie, la priorité est accordée à la main-d'oeuvre indigène sur le marché suisse du travail. Il nous paraît nécessaire de maintenir une telle restriction.

712

Sécurité sociale

D'après leur texte, les auteurs de l'initiative entendent par sécurité sociale l'ensemble des droits et obligations que les Suisses ont en commun avec les étrangers dans le domaine des assurances en cas de maladie, d'accidents, de chômage et autres. La sécurité sociale, selon le texte de l'initiative, recouvre donc les assurances sociales au sens large.

« La Confédération a le droit de renvoyer de son territoire les étrangers qui compromettent la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse.

614

En ce qui concerne l'assurance-maladie et accidents, le droit interne respecte déjà le principe de l'égalité de traitement entre les citoyens suisses et les étrangers. Quant à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, ce même principe se retrouve très largement dans un réseau d'accords relatifs aux assurances sociales dont bénéficient les ressortissants des Etats contractants, c'est-à-dire plus de 90 pour cent des étrangers résidant dans notre pays. Ces accords sont chaque fois adaptés par de nouveaux arrangements et additifs aux normes prévalant sur le plan national et international ainsi qu'aux nécessités nouvelles.

Pour ce qui a trait à l'assurance-chômage, les étrangers sont placés en principe sur un pied d'égalité avec les Suisses. Seul le régime transitoire prévoit des dispositions particulières selon lesquelles les prestations de l'assurance sont versées sans qu'il y ait obligation préalable de payer les cotisations, notamment après un séjour à l'étranger ou après une activité frontalière à l'étranger; ces dispositions ne profitent qu'à la main-d'oeuvre indigène, c'est-à-dire aux Suisses et aux étrangers qui sont établis. Elles se justifient par Je fait qu'il est impossible actuellement de s'assurer à titre volontaire.

Quant aux questions qui se posent en la matière à propos des saisonniers, nous en avons déjà fait état dans notre message à l'appui d'un projet de loi sur les étrangers (FF 1978 II 193 s.). Ainsi, pour pouvoir prétendre une rente ordinaire d'invalidité et des mesures de réadaptation, le requérant doit être assuré au moment où se produit l'invalidité et domicilié en Suisse pour bénéficier de ces mesures. Les accords et les accords complémentaires les plus récents prévoient cependant que les travailleurs contraints de cesser leur activité dans notre pays par suite d'accident ou de maladie continuent d'être considérés comme assurés aussi longtemps qu'ils restent en Suisse. Pour des raisons pratiques, les étrangers devenus invalides ne peuvent cependant bénéficier des mesures de rééducation et de réadaptation professionnelles qu'à l'intérieur du pays. De même, les dispositions des accords internationaux et les prescriptions internes prévoient que les étrangers ne peuvent bénéficier de prestations non contributives (par exemple les rentes extraordinaires de l'AVS et de
l'Ai et les prestations complémentaires) que s'ils ont séjourné en Suisse durant une période déterminée et s'ils y ont leur domicile pendant qu'ils touchent ces prestations. Ce régime correspond en cela aux restrictions existant dans d'autres Etats sur le plan de la sécurité sociale.

Enfin, dans le domaine de l'assurance-chômage, les saisonniers ont droit, en principe, aux mêmes prestations que les autres travailleurs assurés aussi longtemps qu'ils se trouvent en Suisse et que leur autorisation saisonnière n'est pas échue. Ils ne reçoivent plus d'indemnités après leur départ, car ils ne sont plus disponibles sur le marché suisse du travail et, de ce fait, sont considérés comme non aptes au placement; de plus, l'exportation de prestations n'est pas possible. Cela vaut également pour les autres étrangers et pour nos compatriotes qui quittent la Suisse.

Les quelques différences de traitement qui apparaissent dans notre droit sur le plan de la sécurité sociale résultent de circonstances qui, elles aussi, sont foncièrement différentes. Cependant, les étrangers ne sont pas les seuls en cause et les restrictions qui les frappent n'excèdent pas la rigueur de celles qui 615

sont imposées par d'autres Etats. Dès lors, il n'est point nécessaire de compléter la Constitution fédérale par une disposition sur la sécurité sociale dans la politique suivie à l'égard des étrangers.

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Regroupement familial

L'initiative demande que la législation sur les étrangers garantisse le regroupement familial. Si, pour répondre à cette exigence, on autorisait les membres de la famille du travailleur migrant à entrer en Suisse en même temps que lui, on irait au-delà du droit actuel et du projet de loi. Ce dernier prévoit en effet que l'étranger au bénéfice d'une autorisation de séjour sera autorisé à faire venir en Suisse le conjoint et les enfants mineurs au plus tard douze mois après son entrée en Suisse lorsque son séjour et, le cas échéant, son activité lucrative peuvent être considérés comme suffisamment stables et durables, à condition qu'il dispose d'un logement convenable pour sa famille. Il est également prévu de déterminer dans l'ordonnance d'exécution de la loi sur les étrangers les conditions permettant de réduire le délai d'attente lorsque le séjour apparaît d'emblée suffisamment stable (FF 1978 II 215 s.).

Le délai d'attente est également fixé dans l'intérêt de l'étranger. L'expérience montre en effet que les travailleurs qui prennent un emploi à l'étranger retournent le plus souvent au cours de la première année dans leur pays d'origine. En général, ce départ prématuré est dû au fait qu'ils ne sont pas parvenus à s'adapter à leurs nouvelles conditions de vie. Il s'ensuit que, si le regroupement familial était autorisé d'emblée, les enfants, à peine habitués à leur nouvel environnement, devraient à nouveau émigrer ailleurs. Au surplus, la rigueur du délai d'attente est atténuée par la faculté qu'ont les membres de la famille de se rendre visite à l'occasion de séjours non soumis à autorisation.

Cette réglementation correspond aux prescriptions en vigueur chez nos voisins : le regroupement familial est subordonné à un délai de douze mois en France, d'un à trois ans en République fédérale d'Allemagne. De plus, elle est en harmonie avec l'article 12 de la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant, qui est ouverte à la signature des Etatsmembres du Conseil de l'Europe depuis le 24 novembre 1977, ainsi qu'avec l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'homme. Le droit au respect de la vie familiale, au sens de cette convention, n'empêche pas l'Etat d'accueil de faire dépendre l'arrivée d'une famille dans une région qui lui est étrangère de l'existence de réelles chances pour elle de s'intégrer dans la société qui sera désormais la sienne.

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Droit au renouvellement de l'autorisation de séjour

Selon l'article 69ter, 3e alinéa, de l'initiative, les étrangers ont droit au renouvellement de l'autorisation dès le début de leur séjour, à moins qu'un juge ne prononce une expulsion pour infraction aux dispositions pénales.

Si l'on donnait suite à l'initiative, les étrangers obtiendraient pratiquement dès le premier jour de leur résidence en Suisse un droit de présence illimité. Même 616

si des étrangers dont la présence en Suisse a un caractère temporaire, comme c'est le cas pour les stagiaires, n'avaient pas la possibilité de se prévaloir de cette disposition, il faudrait toujours leur accorder le renouvellement de l'autorisation de séjour. Cette réglementation devrait être appliquée même en cas de crise économique. Le principe de la priorité à accorder à l'emploi de la maind'oeuvre appartenant au marché indigène du travail et la notion de protection accordée à cette main-d'oeuvre auraient alors perdu tout leur sens. Il n'est pas difficile d'imaginer quelles conséquences aurait l'exercice d'un tel droit en cas de chômage grave. Sans aucun doute, on courrait un risque que la paix du travail soit sérieusement compromise selon l'évolution de la situation du marché du travail. D'autre part, il ne faut pas perdre de vue que la protection prioritaire accordée à la main-d'oeuvre indigène est un principe également admis dans les autres Etats, même si la proportion d'étrangers y est notablement plus faible qu'en Suisse.

Les prescriptions relatives au marché du travail visent aussi à garantir la protection des travailleurs étrangers. Le service public de l'emploi, en effet, veille à ce que les étrangers ne soient pas traités moins bien que les Suisses et qu'ils jouissent des conditions de rémunération et de travail usuelles dans la région et la profession. C'est précisément au cours des premières années de séjour que cette protection est importante, surtout lorsque les temps sont difficiles, car il faut éviter que le travailleur étranger soit contraint d'accepter de mauvaises conditions de travail par crainte de perdre son emploi. Les prescriptions visent également à dissuader les employeurs de congédier des travailleurs suisses pour les remplacer par des étrangers à des conditions de rétribution et de travail inacceptables.

Pour ces raisons, le projet de loi part du principe que les prescriptions régissant le marché de l'emploi ont à tenir compte de la durée de la présence en Suisse de l'étranger. Ainsi, au moment de l'admission, la priorité accordée aux travailleurs indigènes s'étend non seulement aux citoyens suisses, mais encore à tous les étrangers qui bénéficient déjà d'une autorisation de séjour leur permettant d'exercer une activité lucrative. Le service public de l'emploi a donc
l'obligation d'épuiser tout d'abord l'offre de main-d'oeuvre indigène sur le marché de l'emploi avant de consentir à l'admission de nouveaux travailleurs étrangers.

De la première à la cinquième année de séjour, le renouvellement de l'autorisation dépendra comme sous le régime actuel, des conditions économiques ou de la situation du marché du travail. Le message à l'appui du projet de loi (FF 1978 II 212) relève que l'ordonnance d'exécution contiendra une disposition prévoyant que les étrangers en possession d'une autorisation de séjour depuis cinq ans ou plus se verront accorder la même protection que celle qui est offerte aux travailleurs indigènes, à savoir les Suisses, les étrangers établis ainsi que les étrangers en séjour qui leur sont assimilés.

Après la cinquième année, il est prévu que l'étranger acquiert un droit au renouvellement de son autorisation de séjour et qu'il peut s'en prévaloir jusqu'à l'obtention du permis d'établissement. Cette règle répond à l'attente des auteurs de l'initiative. Il est vrai que le projet de loi permet de restreindre ce droit, mais une telle mesure ne pourra être prise qu'en vertu d'une 617

ordonnance du Conseil fédéral et uniquement en cas de grave fléchissement de l'activité affectant l'ensemble du pays, certaines régions ou certaines branches économiques. Le caractère exceptionnel de cette mesure restrictive ressort avec netteté du message (FF 1978 II 178). Des 145 000 étrangers au bénéfice d'une autorisation de séjour qui exerçaient une activité lucrative à la fin de l'année dernière, 73 000, soit près de la moitié, séjournaient en Suisse depuis cinq ans ou plus.

L'amélioration progressive du droit de présence s'achève par la naissance du droit à l'autorisation d'établissement. Sur le marché du travail, l'étranger établi est assimilé au citoyen suisse. A la fin de 1978, notre pays comptait 344 000 étrangers établis qui exerçaient une activité lucrative à l'année; en outre, sur les 145 000 étrangers au bénéfice d'une autorisation de séjour, quelques milliers bénéficiaient pratiquement de la même protection que les travailleurs indigènes sur le marché de l'emploi, II s'agit notamment d'étrangers mariés à une Suissesse ainsi que des réfugiés et des apatrides reconnus-comme tels par la Suisse. En tout 70 pour cent des étrangers résidant en Suisse jouissent du même statut que les Suisses sur le marché du travail.

Enfin, dans l'hypothèse où l'étranger se verrait accorder un droit pratiquement illimité au renouvellement de son autorisation de séjour dès avant son entrée en Suisse, il faudrait encore examiner s'il présente ou non les qualités professionnelles et personnelles lui permettant de s'intégrer durablement dans notre communauté nationale et s'il est possible de lui garantir à la longue un emploi. Or ces questions ne sauraient être suffisamment élucidées tant que le candidat réside à l'étranger.

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Expulsion exclusivement prononcée par le juge

Selon l'article 69ter, 3e alinéa, de l'initiative, les étrangers en séjour ne seraient plus expulsés que par le juge. Il s'ensuit que les autorités administratives ne pourraient plus prononcer l'expulsion ni le renvoi d'étrangers séjournant en Suisse, sinon dans les cas relevant de l'article 70 de la constitution. Le texte ne prévoit en revanche aucune restriction en ce qui concerne les étrangers en possession du permis d'établissement.

Il ne faut pas perdre de vue que la coexistence de l'expulsion judiciaire et de l'expulsion administrative a parfois été la cause de décisions contradictoires.

Le régime proposé va cependant trop loin et ne tient pas suffisamment compte du principe de la proportionnalité. En effet, lorsque des étrangers ont enfreint l'ordre public et que leur séjour n'est plus tolérable, il arrive souvent qu'une mesure de renvoi paraisse s'imposer de la part de l'autorisation administrative alors que l'expulsion constituerait une sanction par trop sévère. D'autre part, certains jugements pénaux rendus à l'étranger privent le juge suisse de la possibilité de statuer sur l'expulsion. Pour ces raisons également, il y a lieu de réserver à l'administration le droit d'intervenir. Il nous semble en effet plus opportun, dans un Etat fondé sur le droit, que l'étranger ait la faculté de recourir à un tribunal indépendant contre la décision de l'autorité administra618

live qui le frappe d'expulsion, plutôt que la décision ne soit prise par un juge en première instance déjà. Selon l'article 100, lettre b, chiffre 4, de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (RS 173.110), le recours de droit administratif au Tribunal fédéral est d'ores et déjà recevable contre les décisions cantonales d'expulsion. Pour sa part, le projet de loi tient compte de la nécessité de coordonner dans toute la mesure du possible la jurisprudence des autorités administratives et celle des tribunaux en la matière. Cela constitue un pas important dans le sens des exigences posées par les auteurs de l'initiative. Aux termes du projet de loi (art. 54), l'administration doit en effet renoncer à prononcer l'expulsion contre un étranger condamné à la réclusion ou à l'emprisonnement lorsque le juge a déjà prononcé l'expulsion ou a expressément renoncé à prendre cette mesure à l'égard d'un étranger qui bénéficiait d'une autorisation de séjour ou d'établissement au moment de sa condamnation. De plus, l'étranger condamné par le juge à être expulsé, qui est libéré conditionnellement et dont l'expulsion est différée à titre d'essai, reçoit une autorisation de séjour pour la période d'essai, s'il bénéficiait d'une autorisation de séjour ou d'établissement au moment de sa condamnation.

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Participation des étrangers à la procédure de consultation

Selon l'article 69ter, 4e alinéa, de l'initiative, la Confédération, les cantons et les communes soumettent aux étrangers, à titre consultatif, les questions qui les concernent. Sur le plan fédéral, la consultation constitue une partie intégrante de la procédure de préparation ou de revision de dispositions constitutionnelles, législatives ou réglementaires. Si l'on excepte le cas actuel de la revision totale de la constitution fédérale, les particuliers ne sont pas invités à se prononcer; seuls les cantons, les partenaires sociaux ainsi que les organisations et associations intéressées sont invités à exprimer leur avis. Les associations d'étrangers ont eu ainsi l'occasion de s'exprimer sur le projet de loi.

Toutefois, comme une consultation directe n'entrait pas en considération, elles ont été appelées à donner leur avis par l'entremise de la Commission fédérale consultative. En outre, nous avions des scrupules à nous immiscer dans la pratique suivie par les cantons en matière de consultation et à leur dicter un mode de faire dans un domaine qui, conformément à notre ordre juridique, est de leur ressort. Il est vrai que le droit fédéral prescrit parfois aux cantons, au niveau législatif, de consulter les communes ou certaines organisations comme c'est le cas, par exemple, pour la procédure d'approbation des plans; mais il s'agit là de l'exécution du droit fédéral et non du droit cantonal.

Par ailleurs, il est loisible aux étrangers d'user du droit de pétition garanti par l'article 57 de la constitution, selon lequel la pétition peut s'adresser aussi bien à l'autorité cantonale ou communale que fédérale. Ainsi les étrangers et leurs associations ont aujourd'hui déjà la possibilité de se faire entendre par voie de pétition sur des objets qui les concernent, tels que certains projets de lois.

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Intégration sociale

L'article 69ter, 4e alinéa, de l'initiative demande qu'après entente avec les 619

étrangers, la Confédération, les cantons et les communes encouragent leur intégration dans la société suisse, la législation devant prévoir les mesures nécessaires.

En général, la nationalité n'a jamais été retenue au niveau constitutionnel comme un critère essentiel lorsqu'il s'est agi de confier à la Confédération ou aux cantons une tâche de caractère social. De plus, les mesures particulières prises à l'égard des étrangers doivent respecter le principe de l'égalité devant la loi. Il est certain que l'intégration dans une société aussi complexe et formée de groupes culturels aussi divers que l'est notre communauté nationale, pose un problème général. En effet, les citoyens suisses appelés à changer de région linguistique à l'intérieur du pays éprouvent également des difficultés d'intégration dues en particulier à la langue. La souveraineté cantonale en matière d'instruction publique et des cultes impose en effet certaines limites d'ordre politique aux interventions de la Confédération. Les résultats de la procédure de consultation relative au projet de loi sur les étrangers (FF 1978 II 186) ont d'ailleurs montré que la Confédération ne devait pas contribuer dans une trop large mesure à l'intégration sociale des étrangers. Enfin, relevons qu'eu égard à la structure fédéraliste de la Suisse, l'accent principal doit être mis en matière d'intégration des étrangers, sur les efforts entrepris dans les communes et dans les cantons. Les auteurs de l'initiative demandent au contraire que la question de l'intégration sociale des étrangers soit réglée dans une loi fédérale. De la sorte, l'exécution aurait certes un caractère fédéraliste, mais la solution apportée au problème de l'intégration ne l'aurait que dans une mesure limitée.

Selon le projet de loi, le fait de réglementer le statut personnel, familial et professionnel de l'étranger à raison de la durée de sa présence en Suisse, constitue pour la Confédération le moyen le plus efficace de faciliter son intégration sociale (FF 7975 II181). En outre, selon le projet, la Confédération est appelée à remplir certaines tâches d'information en faveur des étrangers (art. 45), le Conseil fédéral étant chargé d'établir des directives à l'intention des cantons sur la protection sociale des étrangers et sur les mesures propres à assurer leur intégration sociale
(art. 46).

Les expériences faites par la Commission fédérale consultative pour le problème des étrangers, instituée en 1970, et les constatations des diverses communautés de travail pour les questions relatives aux étrangers oeuvrant au niveau cantonal, régional et communal, ont montré que les autorités devaient en principe se limiter à donner l'impulsion voulue et à stimuler les efforts entrepris. En effet, le problème essentiel que pose l'intégration sociale des étrangers a trait aux aspects humains et sociaux et dépasse le cadre de mesures étatiques (FF 1978 II 181). L'initiative «Etre solidaires» ne tient pas compte non plus de ces facteurs. La Commission fédérale consultative a largement contribué au cours de cette décennie à faciliter l'intégration sociale des étrangers et à améliorer les relations entre la population suisse et la population étrangère résidante. Selon le projet de loi, l'oeuvre commencée par cette commission mérite d'être poursuivie; à cet effet, le Conseil fédéral peut instituer une commission d'experts (art. 47). Toutefois, compte tenu de la situation financière de la Confédération et de la nouvelle répartition à plus ou moins long terme des moyens et des charges financiers entre la Confédération 620

et les cantons, ceux-ci ne devront pas s'attendre à recevoir des subventions fédérales destinées à faciliter l'intégration sociale des étrangers. Toutefois, selon le projet de loi, il incombera à la commission d'experts, de soutenir, en procédant à des études et en établissant des rapports, les efforts entrepris dans le domaine de la protection et de l'intégration sociales des étrangers par les autorités cantonales et les organisations intéressées, notamment par les communautés de travail s'occupant des problèmes se posant aux étrangers.

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Protection juridique

Aux termes de l'article 69ter, 5e alinéa, de l'initiative, la législation sur les étrangers doit leur garantir une protection juridique complète, y compris le recours aux tribunaux. Si cette exigence devait impliquer l'accès au tribunal pour toutes questions de droit, il faudrait Fécarter. Or l'ordre juridique suisse garantit actuellement aux Suisses et aux étrangers, dans les domaines où ils sont touchés dans la même mesure, une protection juridique qui se limite en partie à un contrôle administratif interne et non judiciaire; dans certains cas il n'existe même aucune voie de recours (p. ex. art. 46 PA, RS 172.021, en relation avec les art. 99 s. OJ, RS 173.110). Comme il serait rédigé selon l'initiative, l'article 69ter, 5e alinéa, de la constitution privilégierait les étrangers, ce qui reviendrait à créer une disparité de traitement à l'égard des Suisses.

En outre, même si la «protection juridique complète» se limitait à la législation sur les étrangers, l'exigence posée par les auteurs de l'initiative serait malgré tout incompatible, dans certains domaines particuliers, avec certains principes essentiels. En effet, le contrôle judidicaire ne porte généralement pas sur des autorisations auxquelles les étrangers ne peuvent pas prétendre; de surcroît, il est impossible d'examiner ces autorisations sous le rapport de l'égalité devant la loi, ne serait-ce qu'en raison du fait que seul un nombre nécessairement limité d'étrangers peuvent les obtenir. Un tel contrôle devrait donc s'exercer au moment de la délivrance des autorisations d'entrée, avec cette réserve qu'on ne saurait abandonner au pouvoir judiciaire le soin d'administrer les contingents d'étrangers admis à résider en Suisse, tant parce que les tribunaux ne pourraient pas contrôler le bien-fondé des décisions que parce qu'il en résulterait un surcroît de dépenses considérable.

Il faut noter à ce propos que la modification apportée le 20 décembre 1968 à la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (RS 173.110) a déjà permis de renforcer la protection juridique des étrangers, en ce sens que maintes décisions prises par les services administratifs de la police des étrangers sont désormais susceptibles de recours au Tribunal fédéral. Le projet de loi accroît encore les possibilités de présenter un recours de droit administratif
au Tribunal fédéral en accordant à l'étranger les droits afférents au statut personnel, familial et professionnel à raison de la durée de son séjour en Suisse. Le projet énumère un certain nombre de droits garantis à l'étranger à titre d'exigences minimales à satisfaire dans la procédure des autorités cantonales (art. 79). Il s'agit du droit de consulter le dossier, du droit d'être entendu, de la notification par écrit de la décision, avec motivation et indication des voies de recours, ainsi que de l'effet suspensif du recours.

40 Feuille fédérale. 131-année. Vol. III

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Limitation du nombre des étrangers et suppression du statut du saisonnier

L'initiative reconnaît la nécessité de stabiliser puis de limiter le nombre des entrées en Suisse. C'est ainsi que ses auteurs prévoient au 3e alinéa des dispositions transitoires de leur texte, que le nombre des autorisations d'entrée accordées aux étrangers venant exercer une activité lucrative dans notre pays ne dépassera pas celui des étrangers actifs ayant quitté le pays l'année précédente. Les personnes actives qui auront quitté la Suisse de leur plein gré seront, de préférence, prises en considération l'année suivante, pour l'octroi de nouvelles autorisations d'entrée. Les fonctionnaires d'organisations internationales et les réfugiés ne seront pas soumis aux mesures de contingentement conformément à l'article 69ter, 3e alinéa, de l'initiative.

De même, les auteurs de l'initiative demandent au 5e alinéa de leurs dispositions transitoires que les saisonniers soient placés sur pied d'égalité avec les étrangers au bénéfice d'une autorisation de séjour et que les restrictions légales en vigueur soient levées dans les cinq ans qui suivront l'acceptation de l'initiative.

A la différence des diverses initiatives contre l'emprise étrangère, nous avons toujours défendu l'idée que l'objectif quantitatif visé par la politique suivie à l'égard des étrangers devait être atteint non point par des mesures de réduction, mais uniquement par la limitation du nombre des entrées. A cet égard, le 3e alinéa des dispositions transitoires n'est pas en contradiction avec notre manière de voir. Il n'y a donc rien à objecter à l'article 69ter, 3e alinéa, 2e phrase, de l'initiative, qui stipule que les seules mesures de régulation démographique admises sont celles qui limitent le nombre des entrées en Suisse, à l'exclusion des renvois. En revanche, l'actuelle politique de stabilisation ne pourrait plus être poursuivie si, comme nous l'exposons ci-après, le statut du saisonnier venait à être aboli.

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Motifs justifiant le maintien du statut du saisonnier

Nous avons exposé dans notre message à l'appui d'un projet de loi sur les étrangers, les motifs pour lesquels il importait de maintenir le statut du saisonnier (FF 1978 II 187 s.). Tout d'abord, il faut relever que, dans certaines branches économiques, l'activité continuera comme par le passé à dépendre du rythme des saisons. Nous nous bornerons à mentionner l'agriculture, l'économie forestière et la sylviculture, l'horticulture et la culture maraîchère ainsi que la transformation de certains produits agricoles. Dans les entreprises du bâtiment et du génie civil, les équipes de base, composées de Suisses et d'étrangers établis ou au bénéfice d'une autorisation de séjour, suffisent généralement à assurer l'exécution des tâches courantes durant les mois d'hiver ainsi que des indispensables travaux de réparation et d'entretien. Dans l'hôtellerie, il ne serait possible qu'à une partie des saisonniers étrangers de travailler plusieurs saisons de suite en étant occupés pratiquement toute l'année en Suisse. Les fluctuations saisonnières du marché de l'emploi témoignent aussi

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du fait que, durant les mois d'été où l'on dénombre en Suisse des dizaines de milliers de saisonniers, le taux de chômage est nettement plus bas que pendant la saison froide, où les saisonniers employés dans les stations de sports d'hiver sont peu nombreux. Cela se constate de manière particulièrement frappante dans les cantons de montagne où le nombre des chômeurs est quasiment nul en été, alors qu'il monte en flèche durant les mois de décembre, de janvier et de février. Une première raison de maintenir le statut du saisonnier procède donc du fait que les saisonniers n'ont du travail que pour un laps de temps forcément limité.

A cela s'ajoute le besoin de poursuivre la politique de stabilisation suivie jusqu'ici. Outre les mesures propres à faciliter l'intégration des étrangers, l'objectif quantitatif est en effet l'un des principaux piliers de notre politique.

La politique de stabilisation résolument suivie depuis 1970 a tout d'abord visé à mettre fin à la croissance du nombre des étrangers établis ou séjournant en Suisse. Puis, l'effectif total de la population étrangère résidante fut limité, et progressivement réduit grâce à l'application de mesures rigoureuses portant sur le nombre des admissions, ainsi que sous l'effet du degré de l'emploi consécutif au fléchissement de l'activité économique. Si le statut du saisonnier venait à être aboli, c'est en l'espace de cinq ans qu'il faudrait accorder d'office à tous les saisonniers une autorisation à l'année. A la fin d'août 1978, le nombre des saisonniers s'élevait à 84 000. Or s'il fallait délivrer une autorisation à l'année à tous ces saisonniers, il en résulterait une augmentation considérable de la proportion des travailleurs dans la population étrangère de résidence. Cette augmentation serait accompagnée de la venue de dizaines de milliers de personnes appartenant à la famille de ces travailleurs puisque ceux-ci auraient droit au regroupement familial en obtenant leur autorisation de séjour. En l'occurrence, il ne s'agirait pas seulement d'un transfert d'ordre statistique, mais bien de l'arrivée en Suisse d'un grand nombre de nouveaux étrangers se réclamant des dispositions régissant le regroupement familial. Pendant la période transitoire de cinq ans, il faudrait compter avec une augmentation de la population étrangère résidante de quelque
120 000 à 140 000 personnes, à savoir d'environ 26000 chaque année, dont 13000 exerceraient une activité lucrative. Nous exposons ci-après les raisons pour lesquelles une telle augmentation ne saurait être compensée par une limitation de l'admission d'autres étrangers.

En 1978, la population étrangère résidante a régressé de 34 681 personnes, s'abaissant de 932 743 à 898 062 personnes. Les facteurs qui ont déterminé cette évolution rassortent du tableau suivant:

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Bilan de la population étrangère résidante en 1978 Effectif à la fin de 1977 Augmentation Entrées en Suisse Naissances Transformation d'autorisations2' . . .

Réactivations3)

932 743 53 629 (21 855)1) 12 134 4 071 2 270 - 71 744

Diminution Départs de Suisse 63 757 (29 987)« Reconnaissance de la citoyenneté suisse4» 25 183 Naturalisations 9 437 Mariages avec un Suisse 1 793 Décès 3 619 Radiations5' 2636 -106425 Effectif à la fin 1978 11 2) 3 > 4> 5

-34681 898 062

Avec activité lucrative Transformation d'autorisations saisonnières en autorisations de séjour à l'année Annonces erronées de départs pour l'étranger Enfants étrangers ayant obtenu la nationalité suisse en vertu du nouveau droit de filiation

) Y compris les légitimations et les adoptions

La plupart des étrangers qui entrent en Suisse ou la quittent sont des gens qui n'exercent pas d'activité lucrative. Il s'agit principalement de membres des familles des travailleurs étrangers, d'écoliers, d'étudiants et de personnes faisant des cures dans notre pays. Sur les quelque 22 000 immigrés qui sont venus pour la première fois travailler en Suisse en 1978, 11 000 n'ont pas été assujettis aux prescriptions sur la limitation. Il n'est pas question d'apporter des restrictions à l'admission de ces étrangers. A l'avenir, il faudra d'ailleurs renoncer à soumettre, outre les réfugiés et les fonctionnaires d'organisations internationales mentionnés par les auteurs de l'initiative, d'autres catégories d'étrangers aux mesures limitatives, comme c'est actuellement le cas des catégories visées aux articles 2 et 3 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 23 octobre 1978 limitant le nombre des étrangers qui exercent une activité lucrative (RO 7975 II 1666). A ce propos, il suffit de relever que les membres de la famille de travailleurs migrants exerçant une activité lucrative dans notre pays ne sont pas assujettis à ces mesures. Sur le nombre des immigrés venus travailler en Suisse l'an dernier, 3000 ont fait un séjour de courte durée comportant l'obligation de repartir à l'échéance du délai maximum d'une année; la présence en Suisse de ces personnes n'a guère d'influence sur la politique de stabilisation. Les 8000 personnes restantes sont des étrangers ayant obtenu une autorisation initiale de séjour à l'année dans les limites des contingents des cantons et de la Confédération. Pour la période s'étendant du

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1er novembre 1978 au 31 octobre 1979, nous avons fixé dans l'ordonnance précitée à 2500 unités le contingent fédéral et à 6000 unités le total des contingents cantonaux. Le contingent de la Confédération prévu pour la période 1977/78 n'ayant pas été entièrement utilisé, le solde a été réparti entre les cantons jusqu'à concurrence de 1000 unités supplémentaires. Le contingentement est la seule mesure permettant d'appliquer la politique de stabilisation.

En renonçant au statut du saisonnier, on ne parviendrait à compenser l'augmentation supplémentaire de 13 000 travailleurs résultant chaque année de la suppression de ce statut qu'en abolissant le contingentement des entrées, étant donné que les 4000 transformations d'autorisations ne seraient plus prises en considération. Supprimer ou réduire fortement ces contingents durant la période transitoire de cinq ans mettant fin au statut du saisonnier ne serait pas une solution acceptable. En effet, eu égard à certains intérêts importants du pays, tels que la recherche, la santé publique ou l'agriculture, il demeure indispensable de limiter le nombre des autorisations initiales accordées aux travailleurs immigrés. Comme il arrive que certains d'entre eux occupent des positions-clés dans des maisons d'exportation, toute mesure visant à suspendre quelque temps les entrées ne manquerait pas de porter préjudice à la bonne marche de l'entreprise dans laquelle ils travaillent. Aussi en a-t-on tenu compte durant ces dernières années de récession. L'initiative donne enfin, l'année suivante, la préférence aux personnes actives ayant quitté la Suisse de leur plein gré lorsqu'il s'agit d'obtenir de nouvelles autorisations d'entrée.

Quant aux quelque 31 000 personnes n'exerçant pas d'activité lucrative qui ont obtenu en 1978 une autorisation initiale de séjour, il convient de relever tout d'abord que cette catégorie d'étrangers n'a jamais été soumise au contingentement. Il serait d'ailleurs contraire à l'esprit même de l'initiative de limiter l'admission des membres de la famille de travailleurs immigrés pour le seul motif qu'ils n'exercent pas d'activité lucrative. Réduire le nombre des élèves et des étudiants étrangers qui s'en retournent normalement dans leur pays à la fin de leur scolarité ou de leurs études n'aurait aucun sens. Il en irait de même des étrangers
qui font un séjour de cure dans notre pays. Quant aux rentiers, leur admission fait déjà l'objet de restrictions; toute mesure plus sévère n'exercerait aucun effet sur le plan quantitatif.

En outre, il faut remarquer que l'accroissement de la population étrangère résidante se traduirait par une élévation correspondante du taux de natalité des enfants étrangers. Il en résulterait un accroissement supplémentaire de la population étrangère de résidence dans une proportion certes supérieure à celle qui a été prévue par les auteurs de l'initiative pour la période transitoire de cinq ans mettant fin au statut du saisonnier.

Ainsi, l'abolition du statut du saisonnier entraînerait une augmentation de la population étrangère résidante, qui dépasserait de nouveau le million de personnes. Cela reviendrait ni plus ni moins à renoncer à la politique de stabilisation suivie depuis des années, ce qui serait inacceptable du point de vue de la politique générale.

Les raisons s'opposant à l'abolition du statut du saisonnier ne sont pas seulement d'ordre politique mais aussi économique. En effet, de nombreux 625

étrangers en viendraient à quitter les branches saisonnières, en vertu de la mobilité professionnelle qu'ils auraient acquise, pour aller travailler dans celles qui ne le sont pas, en particulier pour passer du secteur du bâtiment ou de l'hôtellerie dans celui de l'industrie. Comme le 3e alinéa des dispositions transitoires s'opposerait à un recrutement complémentaire de travailleurs étrangers dans les dix prochaines années, un grand nombre d'entreprises appartenant à des branches saisonnières se verraient ainsi menacées. II pourrait en résulter une perte accrue d'emplois.

Enfin, si les saisonniers devaient acquérir le statut de travailleurs à l'année, le nombre des étrangers au chômage augmenterait fortement dans l'entre-saison, s'ils n'arrivaient pas à trouver du travail dans d'autres branches de l'économie dont l'activité s'exerce toute l'année. Selon la réglementation actuelle, les saisonniers ne reçoivent aucune indemnité de chômage pendant l'entre-saison qu'ils passent à l'étranger. Or, si l'on supprimait le statut du saisonnier, ces étrangers auraient la possibilité de demeurer en Suisse durant le temps où ils n'occupent aucun emploi, ce qui ne manquerait pas d'augmenter d'autant les dépenses de l'assurance-chômage. De plus, on mettrait en péril la continuité de l'emploi de la main-d'oeuvre indigène durant l'entre-saison.

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Améliorations apportées par le projet de loi au statut du saisonnier

Tout en maintenant le statut du saisonnier, le projet de loi prévoit d'y apporter les améliorations suivantes: - Le statut est défini de manière précise. Aussi l'autorisation saisonnière estelle réservée à l'étranger qui exerce une activité dans une branche de l'économie et dans une entreprise à caractère saisonnier au sein de laquelle il occupe un emploi saisonnier.

- Les contrôles seront intensifiés. A cet effet, le Département fédéral de l'économie publique dressera une liste des branches économiques à caractère saisonnier et les cantons établiront pour leur part, en vertu des instructions de ce département, la liste des entreprises à caractère saisonnier sises sur leur territoire, - Le principe de la mobilité professionnelle du saisonnier au sein de la branche saisonnière est établi au niveau législatif et fait partie intégrante de ce statut.

- Les saisonniers ont, sur demande, droit à l'autorisation de séjour lorsqu'ils ont travaillé en Suisse 35 mois durant quatre années consécutives (actuellement 36 mois), - Le Conseil fédéral peut réduire le nombre d'années et de mois ouvrant le droit à la transformation de l'autorisation saisonnière en autorisation de séjour à l'année, lorsque l'objectif quantitatif visé par la politique suivie à l'égard des étrangers n'en est pas affecté.

- Enfin, le message à l'appui d'un projet de loi sur les étrangers prévoit que l'ordonnance sur les étrangers fixera les conditions minimums auxquelles doivent satisfaire les logements collectifs (FF 1978 II 193).

Compte tenu des exigences très strictes posées à la délivrance des autorisations saisonnières, les abus constatés par le passé ne devraient plus se reproduire. De

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plus, l'application restrictive du statut maintiendra l'effectif des saisonniers dans des limites étroites, cela indépendamment du contingentement. Il paraît en tout cas essentiel que le Conseil fédéral ait la possibilité, comme nous l'avons dit plus haut, de réduire le nombre d'années et de mois ouvrant le droit à la transformation de l'autorisation. Enfin, on attirera, à titre d'information préalable, avant qu'il n'arrive en Suisse, l'attention de l'étranger qui vient y exercer une activité saisonnière, sur le fait que son séjour sera limité à la durée de la saison et qu'il ne pourra pas compter obtenir sans plus une nouvelle autorisation pour la saison suivante.

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Appréciation générale de l'initiative

L'initiative «Etre solidaires» se propose d'améliorer le statut juridique des étrangers, ce qui est positif en soi. Toutefois, elle pose certaines exigences qui ne sont pas contestées, mais peuvent déjà être réalisées sous le régime actuel. Il en va ainsi des droits de l'homme et de l'exigence voulant que notre pays connaisse un développement harmonieux sur le plan social, culturel et économique. D'autre part, les auteurs de l'initiative ont des prétentions qui vont trop loin et qui, en conséquence, doivent être écartées. C'est ainsi que les mesures proposées empêcheront de poursuivre la politique de stabilisation suivie jusqu'à présent et mettraient en péril l'existence d'un grand nombre d'entreprises appartenant aux branches économiques à caractère saisonnier. Pour ce qui est de l'intégration sociale des étrangers et de leur participation à la procédure de consultation, l'initiative tient trop peu compte de la structure fédéraliste de la Suisse. Le fait de ne pas soumettre le renouvellement des autorisations de séjour à des prescriptions régissant le marché de l'emploi désavantagerait tant les Suisses que les étrangers établis et les autres travailleurs qui leur sont assimilés. H ne serait plus possible de déterminer si les conditions de rémunération et de travail sont remplies pour les étrangers séjournant depuis peu dans notre pays. Si les étrangers avaient la faculté d'en appeler à un tribunal pour toutes questions de droit, la protection juridique dont ils jouiraient serait plus importante que celle dont bénéficient les citoyens suisses. Même si les possibilités de présenter un recours à un tribunal se limitaient aux problèmes afférents à la législation sur les étrangers, le pouvoir judiciaire aurait à traiter des cas échappant à sa compétence. C'est la raison pour laquelle l'initiative doit être rejetée.

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Aucun contre-projet au niveau constitutionnel

Comme nous l'avons exposé sous chiffre 4, il est déjà possible de fonder notre politique à l'égard des étrangers sur l'actuel article 69ter de la constitution, tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Le projet de nouvelle loi sur les étrangers doit être considéré comme une solution de rechange à la présente initiative «Etre solidaires». H n'est donc pas nécessaire de présenter un contre-projet à l'échelon constitutionnel.

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Conséquences financières

En cas de chômage, les saisonniers ne reçoivent, selon le droit actuel, les indemnités de l'assurance-chômage, que pendant la période de validité de leur autorisation. L'abolition du statut du saisonnier revendiquée par les auteurs de l'initiative aurait pour conséquence que tous les étrangers occupés jusqu'ici comme saisonniers pourraient prétendre des indemnités de chômage pour la période de l'entre-saison, c'est-à-dire pour le laps de temps pendant lequel ils sont sans emploi. Une telle mesure entraînerait pour l'assurance-chômage des dépenses supplémentaires considérables.

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Arrêté fédéral concernant l'initiative «être solidaires en faveur d'une nouvelle politique à l'égard des étrangers»

Projet

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'initiative populaire du 20 octobre 1977 «Etre solidaires en faveur d'une nouvelle politique à l'égard des étrangers» X) ; vu le message du Conseil fédéral du 5 octobre 19792), arrête: Article premier 1

L'initiative populaire du 20 octobre 1977 «Etre solidaires en faveur d'une nouvelle politique à l'égard des étrangers» sera soumise au vote du peuple et des cantons.

2 Elle a la teneur suivante: L'article 69ter de la constitution fédérale est remplacé par la disposition suivante: Art. 69^ 1

La législation dans le domaine de la politique à l'égard des étrangers relève de la Confédération.

2 Cette législation garantit aux étrangers le respect des droits de l'homme, le bénéfice de la sécurité sociale et le regoupement familial. Elle tient compte d'égale manière des intérêts des Suisses et de ceux des étrangers.

Elle a en vue un développement social, culturel et économique équilibré.

3 Les autorisations de séjour doivent être renouvelées, à moins qu'un juge ne prononce une expulsion pour infraction aux lois pénales. Les seules mesures de régulation démographique admises sont les limitations des entrées en Suisse, à l'exclusion des renvois. Ces limitations ne s'appliquent pas aux réfugiés.

4 La Confédération, les cantons et les communes soumettent aux étrangers, à titre consultatif, les questions qui les concernent. Après entente avec eux, ils encouragent leur intégration dans la société suisse; la législation prévoit les mesures nécessaires.

8 L'exécution de la législation fédérale incombe aux cantons, sous la haute surveillance de la Confédération. La législation fédérale peut réserver certaines attributions aux autorités fédérales; elle garantit aux étrangers une protection juridique complète, y compris le recours aux tribunaux.

l > 2

FF 1977 ni 734 > FF 1979 III 605 629

Nouvelle politique à l'égard des étrangers Dispositions transitoires 1 Le Conseil fédéral soumettra à l'Assemblée fédérale, dans un délai de trois ans au plus, un projet de loi conforme aux principes de l'article 69*er.

2 Dès l'acceptation du présent article constitutionnel, les étrangers jouiront, dans la même mesure que les Suisses, des libertés d'expression, de réunion, d'association et d'établissement, ainsi que du libre choix de leur emploi.

3 Le nombre des autorisations d'entrée accordées à des étrangers en vue de l'exercice d'une activité lucrative ne doit pas dépasser celui des étrangers actifs ayant quitté le pays l'année précédente. Les personnes actives qui ont quitté la Suisse de leur plein gré auront la préférence, l'année suivante, pour l'octroi des nouvelles autorisations d'entrée. Les présentes dispositions ne pourront être assouplies-par la législation fédérale que dix ans au plus tôt après leur entrée en vigueur. Les fonctionnaires d'organisations internationales n'y sont pas soumis.

4 Le 3e alinéa de l'article constitutionnel entre en vigueur dès l'acceptation de l'initiative.

5 Les travailleurs saisonniers seront mis sur pied d'égalité avec les étrangers en séjour. Les restrictions légales en vigueur seront levées dans les cinq ans qui suivent l'acceptation de l'initiative.

L'article 69ter entre en vigueur sitôt après son acceptation par le peuple et les cantons et l'adoption de l'arrêté dé validation par l'Assemblée fédérale.

Art. 2 Le peuple et les cantons sont invités à rejeter l'initiative.

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Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

Message sur l'initiative «être solidaires en faveur d'une nouvelle politique à l'égard des étrangers» du 5 octobre 1979

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Foglio federale

Jahr

1979

Année Anno Band

3

Volume Volume Heft

45

Cahier Numero Geschäftsnummer

79.066

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

13.11.1979

Date Data Seite

605-630

Page Pagina Ref. No

10 102 605

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