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20.088 Message concernant la modification de la loi sur les profils d'ADN du 4 décembre 2020

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une modification de la loi sur les profils d'ADN, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer les interventions parlementaires suivantes: 2016

M

15.4150

Pas de protection pour les criminels et les violeurs (N 18.3.16, Vitali; E 14.12.16)

2016

P

16.3003

Analyse des délais de conservation des profils ADN (N 3.3.16, Commission des affaires juridiques CN)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

4 décembre 2020

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2021-0005

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Condensé Le profil d'ADN, établi à partir de l'ADN d'une personne précise ou d'une trace prélevée sur les lieux d'une infraction, est un instrument indispensable de la poursuite pénale depuis une trentaine d'années. Le présent projet prévoit que l'analyse des traces d'ADN puisse aussi servir à réaliser des phénotypages, c'est-à-dire à mettre en évidence des caractéristiques morphologiques apparentes d'un donneur de trace. Il porte en outre sur la réglementation de la recherche en parentèle et une nouvelle réglementation des délais d'effacement des profils d'ADN.

Contexte Lorsque les Chambres fédérales ont adopté la loi sur les profils d'ADN en 2003, le phénotypage était déjà connu en tant qu'instrument d'enquête mais guère utilisable dans la pratique. Or des processus fiables existent aujourd'hui. En lui transmettant la motion 15.4150 Vitali «Pas de protection pour les criminels et les violeurs», les Chambres fédérales ont chargé au Conseil fédéral de proposer une réglementation légale du phénotypage. Le Conseil national, en lui transmettant le postulat 16.3003 de sa Commission des affaires juridiques, l'a chargé de procéder à un examen des délais de conservation des profils d'ADN. Enfin, d'autres adaptations de la loi sur les profils d'ADN se sont révélées utiles ces dernières années, adaptations que la présente révision vient mettre en oeuvre.

Contenu du projet La réglementation du phénotypage est l'élément central du présent projet. La poursuite pénale se voit ainsi dotée d'un nouvel instrument qui améliorera l'efficacité des enquêtes grâce à un ciblage plus rapide du cercle des coupables possibles. Le procédé permettra également de réduire davantage le cercle des personnes soumises à un prélèvement d'échantillon lors d'une enquête de grande envergure. La réglementation porte sur les points clés suivants: ­

La loi énumère de façon exhaustive les cinq caractéristiques mises en évidence par phénotypage dont les enquêtes pénales peuvent à ce jour se servir: la couleur des yeux, des cheveux et de la peau, l'origine biogéographique et l'âge.

­

En fonction des progrès techniques, et à condition que la fiabilité pratique des nouvelles méthodes soit établie, le Conseil fédéral peut définir, au niveau de l'ordonnance, des caractéristiques morphologiques apparentes supplémentaires.

­

Le phénotypage n'est autorisé que pour élucider des crimes. Il est ordonné par le ministère public.

Dans le domaine de l'analyse forensique de l'ADN, la recherche en parentèle est en outre expressément réglée dans la loi.

Le Conseil fédéral a par ailleurs examiné la réglementation en vigueur des délais de conservation des profils d'ADN, en exécution du postulat 16.3003. Il en est ressorti

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que cette réglementation s'accompagne dans sa mise en oeuvre d'une charge administrative considérable. Aussi le présent projet est-il l'occasion pour le Conseil fédéral de proposer une nouvelle réglementation en matière d'effacement des profils de personnes se fondant sur le principe suivant: le délai de conservation d'un profil de personne sera fixé une fois pour toutes; il ne dépendra donc plus temporellement de l'exécution de la sanction. La procédure d'effacement en sera grandement simplifiée et fiabilisée.

Enfin, une réglementation détaillée de l'analyse forensique de l'ADN est ajoutée dans la procédure pénale militaire, dont la teneur recouvre dès lors celle du code de procédure pénale pour ce qui est de l'établissement du profil d'ADN de personne et de trace, la recherche en parentèle et le phénotypage.

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Table des matières Condensé

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1

6 6 6

Contexte 1.1 Nécessité d'agir et objectifs visés 1.1.1 Introduction 1.1.2 Motion Vitali du 16 décembre 2015 «Pas de protection pour les criminels et les violeurs» 1.1.3 Postulat 16.3003 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 3 mars 2016 «Analyse des délais de conservation des profils ADN» 1.1.4 La recherche en parentèle 1.1.5 Épuration, quant au contenu, entre la loi sur les profils d'ADN et le CPP 1.1.6 Complémentation de la PPM 1.2 Relation avec le programme de la législature 1.3 Classement d'interventions parlementaires

6 11 15 19 20 21 21

2

Procédure préliminaire, consultation comprise 2.1 Élaboration des bases 2.2 Projet envoyé en consultation 2.3 Résultats de la procédure de consultation

21 21 22 23

3

Comparaison avec le droit étranger 3.1 Le phénotypage 3.2 La durée de conservation des profils d'ADN 3.3 La recherche en parentèle

24 25 26 28

4

Présentation du projet 4.1 Réglementation proposée 4.1.1 Le phénotypage 4.1.2 La réglementation d'effacement des profils d'ADN de personnes 4.1.3 La recherche en parentèle 4.1.4 Points de réglementation supplémentaires 4.1.5 Points supplémentaires traités lors de la consultation et leur mise en oeuvre dans le projet de loi 4.2 Mise en oeuvre

30 30 30

Commentaire des dispositions 5.1 Loi sur les profils d'ADN 5.2 Modification d'autres actes 5.2.1 Code pénal dans la version figurant dans la loi du 17 juin 2016 sur le casier judiciaire

42 42 60

5

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33 34 35 40 41

60

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5.2.2 5.2.3 6

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Code de procédure pénale Procédure pénale militaire

60 65

Conséquences 6.1 Conséquences sur les finances et l'état du personnel de la Confédération 6.2 Conséquences pour les cantons 6.3 Autres conséquences

66

Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité 7.1.1 Compétence législative 7.1.2 Conformité avec les droits fondamentaux 7.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 7.3 Délégation de compétences législatives 7.4 Protection des données

68 68 68 68 71 71 71

66 67 68

Glossaire

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Bibliographie

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Loi fédérale sur l'utilisation de profils d'ADN dans les procédures pénales et sur l'identification de personnes inconnues ou disparues (Projet)

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Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

1.1.1

Introduction

Depuis son entrée en vigueur le 1er janvier 2005, la loi du 20 juin 2003 sur les profils d'ADN1 n'a été adaptée que ponctuellement. Les modifications ont porté pour l'essentiel sur la liste des cas d'effacement visés à l'art. 16. La réglementation de l'analyse de l'ADN aux fins de la poursuite pénale connaît donc, par le présent projet, ses premières innovations fondamentales en une quinzaine d'années d'existence.

L'introduction du phénotypage élargit l'instrument qu'est l'analyse forensique de l'ADN, pour qu'il intègre cet important développement récent de la génétique forensique. Une réglementation nouvelle de la conservation et de l'effacement des profils de personnes dans le système d'information ad hoc vise à simplifier le processus de traitement de ces données pour toutes les autorités, du canton jusqu'à la Confédération. La réglementation de la recherche en parentèle est le troisième objet central du présent projet. À quoi s'ajoutent des adaptations ponctuelles dans le domaine de l'analyse de l'ADN, adaptations qui se sont révélées nécessaires ces dernières années. Il s'agit de la possibilité nouvellement prévue de comparer le profil d'ADN du chromosome Y dans le système d'information lorsqu'il n'est pas possible d'établir un profil d'ADN standard à partir d'une trace. Globalement, les nouveautés du présent projet ont pour but d'améliorer l'efficacité de la poursuite pénale.

1.1.2

Motion Vitali du 16 décembre 2015 «Pas de protection pour les criminels et les violeurs»

La motion La motion 15.4150 Vitali «Pas de protection pour les criminels et les violeurs» a été adoptée, sans opposition, le 18 mars 2016 par le Conseil national et le 14 décembre 2016 par le Conseil des États. Le texte charge le Conseil fédéral «de créer les bases légales nécessaires afin que les autorités de poursuite pénale soient autorisées à poursuivre de façon ciblée les auteurs d'actes de violence grave tels qu'un meurtre ou un viol en procédant à l'analyse de séquences codantes de l'ADN, qui permet d'identifier des caractéristiques personnelles».

En génétique moléculaire forensique, phénotypage*2 est le nom donné au procédé servant à déterminer des caractéristiques (morphologiques) apparentes d'une personne précise3.

1 2 3

RS 363 Les termes suivis d'un astérisque sont expliqués dans le glossaire.

Le phénotype est l'ensemble des traits observables d'un organisme. Le génotype est quant à lui l'ensemble des informations héréditaires portées dans les gènes de cet organisme.

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Le phénotypage comme instrument de la poursuite pénale Dans le projet de loi sur les profils d'ADN déjà, suivant le message y relatif du 8 novembre 2000, le Conseil fédéral avait proposé que les caractéristiques personnelles puissent elles aussi être «exceptionnellement» mises en évidence à partir de l'ADN 4.

Les Chambres fédérales avaient toutefois supprimé cette clause du projet de loi, avançant qu'autoriser également l'analyse des séquences «codantes» ­ selon la terminologie d'alors ­ spécifiquement nécessaires à cette fin posait des problèmes de protection des données. Il avait en outre été constaté à l'époque qu'aucun procédé technique au point ne permettait de réaliser un phénotypage 5. Ces procédés existent aujourd'hui, plus précisément pour les caractéristiques suivantes: couleur des yeux, des cheveux et de la peau, origine biogéographique et âge.

Le phénotypage ne permet que ­ mais tout de même ­ de savoir que le donneur de la trace appartient avec une certaine probabilité (la plus grande possible) au groupe de personnes qui ont par exemple les cheveux bruns ou les yeux marron clair ou dont l'âge se situe entre 35 et 45 ans. Les informations de ce type sont d'une utilité particulière pour les autorités de poursuite pénale: elles doivent leur permettre de mieux délimiter les enquêtes en ciblant un groupe précis de personnes et d'en améliorer par là l'efficacité. Le phénotypage est donc utilisé en soutien direct d'une enquête pénale.

Il permet de mieux cibler les investigations sur le cercle des possibles auteurs et de prioriser les indices disponibles. Les déclarations de témoins oculaires, qui, on le sait, sont grevées d'incertitudes, peuvent être corroborées mais aussi relativisées. Le phénotypage est en ce sens une sorte d' «accélérateur d'enquête»6. Comme toute autre mesure de contrainte du code de procédure pénale (CPP)7, il ne peut être ordonné que si le principe de proportionnalité est respecté (art. 197, al. 1, let. c, CPP). Concrètement donc, il n'est pas utilisé si les sources d'informations traditionnelles (déclarations de témoins oculaires, images de caméras de surveillance, traces sur les lieux de l'infraction, etc.) suffisent à cibler les investigations. En ce sens, il est réalisé de manière subsidiaire. Il arrive toutefois qu'une déclaration de témoin, par exemple, soit
entachée d'incertitudes, si bien qu'elle ne permette pas à elle seule d'orienter l'enquête. Le phénotypage pourrait alors l'étayer ou la préciser, mais aussi la contredire.

Il servirait ainsi également à compléter des indices disponibles mais insuffisants.

L'instrument fait par ailleurs ressortir l'utilité d'une délimitation plus grande du cercle des possibles auteurs notamment en rapport avec une enquête de grande envergure en vertu de l'art. 256 du code de procédure pénale (CPP)8 et de l'art. 3, al. 2, de la loi sur 4

5 6 7 8

Art. 2, al. 2, du projet de loi sur les profils d'ADN: «Il est interdit, lors de l'analyse de l'ADN, de chercher à déterminer l'état de santé ou d'autres caractéristiques propres à la personne en cause, à l'exception de son sexe. Des séquences codantes de l'ADN peuvent exceptionnellement être analysées pour élucider un crime si cela est nécessaire pour identifier son auteur ou pour administrer des preuves» (FF 2001 50). Les caractéristiques qui peuvent être mises en évidence ne sont pas précisées. Dans le message relatif à la loi cependant, le Conseil fédéral avait estimé que «la couleur des yeux, celle des cheveux ou de la peau sont, par exemple, des indications utiles pour l'identification car elles constituent un support visuel» (FF 2001 33 s.).

Cf. concernant les débats parlementaires par ex.: BO 2002 N 1224 (intervention Lauper), 1225 (Aeppli Wartmann), 1227 (Gutzwiller), 1229 (de Dardel).

Vincent Castella, RTS, «La Matinale», 21 mai 2019.

RS 312.0 RS 312.0

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les profils d'ADN lorsqu'il s'agit de davantage réduire le cercle des personnes dont un échantillon doit être prélevé9.

L'utilité spécifique du phénotypage est de fournir aux enquêteurs de tout premiers éléments sur l'auteur présumé d'une infraction lorsque les investigations sont au point mort: pas de témoins oculaires, pas d'images de caméras de surveillance, pas de traces permettant d'obtenir des informations sur l'apparence ou l'origine du coupable. Tout ce que celui-ci a laissé derrière lui, c'est du matériel biologique, à partir duquel un profil d'ADN de trace standard* peut être établi. Le profil est comparé dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN*. Il ne concorde avec aucun profil de trace ou de personne déjà enregistré, et une concordance avec un profil de trace ne permet toutefois pas à ce stade de faire avancer le dossier. C'est alors que les enquêteurs recourent au phénotypage pour obtenir des informations sur l'apparence physique du coupable présumé et relancer les investigations. Il n'y a ici pas d'automatisme. À ce stade, les autorités ne peuvent utiliser les informations résultant du phénotypage qu'à la seule fin d'orienter et de piloter l'enquête en interne. Chaque nouvel indice corroborant, complétant ou réfutant les informations issues du phénotypage permet ensuite de préciser l'apparence de l'auteur présumé.

L'établissement du profil de trace précède toujours le phénotypage (cf. ci-dessous, Synergie du profil d'ADN et du phénotypage), et c'est là un élément important. Les résultats du phénotypage peuvent fournir une première piste, mais n'orientent pas à eux seuls les investigations qui s'ensuivent. L'instrument est d'abord utile en association à d'autres indices. Par exemple, si les enquêteurs disposent déjà de déclarations fiables de témoins, ils peuvent se passer du phénotypage. À l'inverse, les éléments obtenus grâce à lui peuvent confirmer ou infirmer un témoignage fragile10.

Si, dans un cas précis, les éléments obtenus grâce au phénotypage présentent un haut degré de fiabilité, ils peuvent être associés à d'autres indices de police disponibles concernant l'infraction commise tels que des photos de caméras de surveillance, des informations sur le mode opératoire, etc., aussi dans l'optique d'une recherche (art. 210 s. CPP). Ils peuvent également, en
vertu de l'art. 15 de la loi fédérale du 13 juin 2008 sur les systèmes d'information de police de la Confédération (LSIP) 11, être enregistrés dans le système de recherches informatisées de police (RIPOL) 12. Une fois l'enquête close, ils ont rempli leur mission et sont donc supprimés du RIPOL.

Sous l'angle de la procédure pénale, ce qui est capital, c'est que les éléments obtenus grâce au phénotypage ne peuvent pas être utilisés en rapport direct avec une personne en particulier; ils ne peuvent par là jamais constituer une «preuve» au sens de l'art. 139 CPP. À aucun moment ils n'alimentent un soupçon à l'encontre d'une personne bien précise. Ils n'appartiennent donc pas à la catégorie des données signalétiques, raison 9

10 11 12

Cf. concernant cette utilisation spécifique: Beck Maren, Forensic DNA-Phenotyping ­ Bestimmung äusserer Merkmale aus der DNA, Kriminalpolitische Zeitschrift 3/2017, p. 160 ss, 163, sur: http://kripoz.de/wp-content/uploads/2017/05/beck-forensic-dnaphenotyping.pdf.

Cf. concernant la crédibilité des déclarations de témoins et leur vérification: Oberholzer Niklaus, Grundzüge des Strafprozessrechts, 4 e édition, Berne 2020, chap. 15.6, p. 305 ss.

RS 361 En vertu de l'art. 15, al. 2, LSIP, le système d'information peut contenir entre autres des «données relatives aux caractéristiques de la recherche».

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pour laquelle justement ils ne peuvent être traités dans un système d'information de police en vue d'élucider une infraction commise ou peut-être future. Lorsqu'une personne fait l'objet d'un soupçon suffisant sur la base des informations obtenues (entre autres) à partir d'un phénotypage, son profil d'ADN standard est toujours établi et comparé avec le profil de trace. Si les deux profils ne concordent pas, elle ne peut être le donneur de la trace et est donc mise hors de cause.

Le phénotypage est une analyse génético-moléculaire très complexe. Il faut qu'une quantité minimale de matériel biologique de trace soit disponible pour qu'il puisse être effectué, cette quantité minimale variant en fonction de la caractéristique à mettre en évidence. On sait en outre que dans la pratique, il arrive souvent qu'une fois le profil de trace établi, il ne reste plus assez de matériel ADN pour réaliser en plus un phénotypage. La quantité de matériel biologique disponible suffit souvent à peine pour établir le profil de trace standard, la grande majorité des traces étant des traces de contact13. Par ailleurs, réaliser un phénotypage est très difficile, voire impossible, si le matériel biologique de trace provient de deux ou plusieurs donneurs, c'est-à-dire en présence d'une trace de mélange. Côté enquêtes, dans les ministères publics et les services de police scientifique, l'introduction du phénotypage nécessitera une formation spécifique sur les conditions d'utilisation, les possibilités et les limites de ce nouvel instrument.

Aspects génético-moléculaires du phénotypage L'apparence physique d'une personne est en grande partie dictée par les gènes*. Le génome contient des marqueurs très variés, qui sont corrélés avec des caractéristiques morphologiques apparentes distinctes. La pigmentation des yeux, des cheveux ou de la peau, qui diffère d'une personne à une autre, est induite par des variations génétiques précises, ou polymorphismes*, appelés single nucleotide polymorphisms (SNP, prononcé «Snip»). Les éléments constitutifs du patrimoine génétique peuvent en outre subir des modifications chimiques au cours de la vie, ce qui permet de déduire l'âge d'une personne. Et certaines variations de séquence dans le génome sont corrélées avec l'origine biogéographique d'une personne et permettent de prévoir si elle
vient d'Europe, d'Afrique, d'Asie de l'Est, d'Asie du Sud ou d'Asie du Sud-Ouest ou si elle appartient à une population indigène d'Océanie ou d'Amérique. S'agissant de certaines caractéristiques physiques, comme la couleur des yeux, quelques rares gènes ont une influence dominante, tandis que beaucoup d'autres dictent les couleurs intermédiaires. Dans de nombreuses caractéristiques physiques toutefois, la base génétique est bien plus complexe, et plusieurs centaines de gènes peuvent avoir une influence.

Dans de vastes études sur la population portant sur de nombreuses personnes-test (études d'association pangénomiques), la recherche s'est penchée et se penche sur la question de savoir quels SNP présentant une caractéristique physique précise apparaissent plus souvent et sont ainsi corrélés avec cette caractéristique physique. De 13

La trace classique se présente sous la forme d'une certaine quantité de sang, de sperme, de salive, etc. La trace de contact, quant à elle, est une trace laissée sur des vêtements portés ou sur des outils, des armes ou d'autres objets touchés qui, de quelque manière que ce soit, sont liés à une infraction (Schneider Peter, Nachweisgrenzen der DNA, interview, sur: www.gen-ethisches-netzwerk.de/nachweisgrenzen-der-dna-analyse); cf. Coquoz Raphaël/Comte Jennifer/Hall Diana/Hicks Tacha/Taroni Franco, Preuve par l'ADN.

3e édition, Lausanne 2013, p. 202 ss.

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nouvelles caractéristiques phénotypiques sont développées, par exemple des modèles de prévision concernant la structure capillaire, les taches de rousseur, la calvitie masculine et à plus long terme la taille ou la forme (morphologie) du visage.

Délimitation par rapport au phénotypage: le profil d'ADN standard Le phénotypage et le profil d'ADN* sont des instruments de la poursuite pénale qui reposent tous deux sur l'analyse du matériel biologique. Ils se distinguent l'un de l'autre par leur contenu informatif. Le phénotypage permet de tirer des conclusions (probables), à partir du matériel biologique de trace ayant un rapport avec l'infraction, sur l'apparence physique du donneur de la trace, c'est-à-dire sur des caractéristiques que l'on trouve chez un plus au moins grand nombre d'autres personnes. Le profil d'ADN, quant à lui, se fonde sur l'analyse de caractéristiques spécifiques contenues dans l'ADN, dont le contenu informatif est persönlichkeitsneutral (impersonnel), selon la formulation du Tribunal fédéral (TF)14. Ces caractéristiques sont déterminées par un procédé génético-moléculaire dans leurs variations de longueur. Le résultat de cette analyse se traduit par un code alphanumérique individuel ­ c'est le profil d'ADN.

L'ADN, composé de quelque 3 milliards de bases ( ADN*), de chaque individu est unique, à l'exception des jumeaux monozygotes. Les caractéristiques analysées pour établir le profil d'ADN ne représentent qu'une infime partie (0,00005 % environ) de l'ensemble de l'ADN. Il n'est donc pas entièrement exclu que deux personnes aient le même profil d'ADN, la probabilité étant toutefois très faible 15. Lorsqu'il y a concordance entre le profil d'ADN d'une personne et celui d'une trace, il est ainsi possible d'affirmer, avec une probabilité proche de la certitude16, que le profil de trace vient de la même personne que le profil de personne. Des analyses biostatistiques permettent de calculer le degré de cette probabilité au cas par cas. Sous l'angle de l'enquête pénale, c'est l'élément suivant qui importe: si le profil d'ADN d'une personne X concorde avec un profil de trace précis, on peut en déduire des informations sur l'origine de la trace. Le laboratoire d'analyse calcule la valeur probante de cette concordance. À ce stade toutefois, rien ne permet de savoir quand et comment le
matériel biologique s'est retrouvé sur le lieu de l'infraction. Que cette personne X ait un rapport avec l'infraction est une hypothèse de travail au début des investigations pénales, hypothèse qui doit ensuite être confirmée ou infirmée par d'autres indices obtenus dans le cadre de la procédure pénale.

Synergie du profil d'ADN et du phénotypage Si l'auteur d'une infraction est inconnu, la première étape consiste toujours à établir un profil de trace (pour autant que le matériel biologique le permette) puis à le comparer dans le système d'information ADN CODIS (Combined DNA Index System)*.

En l'absence de concordance avec un profil de personne, ou s'il y a concordance avec 14 15

16

ATF 128 II 259, consid. 3.3.

La probabilité que deux personnes aient un profil identique est de moins d'1 sur 1 000 000 000 (NDAD, Strategy Board Annual Report 2015/2016, p. 1; www.gov.uk/government/publications/national-dna-database-annual-report-2015to-2016). Atteindre des valeurs de probabilité aussi élevées est possible à la condition que les profils d'ADN utilisés soient complets, c'est-à-dire qu'ils puissent être typisés sur l'ensemble de leurs loci (au nombre de seize à ce jour).

ATF 128 II 259, consid. 2.2.

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une trace qui ne permet toutefois pas d'obtenir de nouveaux éléments sur le coupable, le profil d'ADN ne permet pas de faire avancer l'enquête. C'est alors ­ et seulement à cette étape ­ que le ministère public peut envisager d'ordonner un phénotypage. Si par la suite, le phénotypage, associé à tous les autres indices disponibles, permet d'enquêter sur un cercle de quelques personnes suspectes, le profil d'ADN retrouve son utilité: le ministère public ordonne qu'un profil soit établi pour chacun de ces suspects, ce qui permet de vérifier si ce profil concorde avec le profil de trace relevé sur les lieux de l'infraction. Dans l'affirmative, le phénotypage a rempli sa mission. Il ne joue plus aucun rôle dans la suite du travail des autorités d'enquête et du tribunal, soit dans la réponse à la question décisive de savoir si le donneur de la trace est bien le coupable.

Ses résultats ne sont pas enregistrés dans CODIS.

1.1.3

Postulat 16.3003 de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 3 mars 2016 «Analyse des délais de conservation des profils ADN»

Le postulat Le Conseil national a transmis le 3 mars 2016 le postulat 16.3003 «Analyse des délais de conservation des profils ADN» déposé par sa Commission des affaires juridiques (CAJ-N), par lequel le Conseil fédéral est chargé de présenter un rapport «qui examine, dans le cadre de la loi sur les profils d'ADN, la non-suppression des profils d'ADN des personnes condamnées et l'évaluation des différents délais de conservation des profils en question».

Évaluation de la réglementation d'effacement en vigueur conformément au mandat du postulat Afin de mettre en oeuvre le premier mandat partiel, le Conseil fédéral a examiné la possibilité de renoncer à l'effacement des profils d'ADN des personnes condamnées.

Le droit en vigueur prévoit que les profils d'ADN des personnes condamnées sont effacés selon des délais échelonnés (art. 16 s. de la loi sur les profils d'ADN). Le Conseil fédéral est d'avis que ce principe doit être maintenu. A l'avenir non plus, les profils d'ADN des personnes condamnées ne doivent pas être conservés indéfiniment dans la banque de données ad hoc mais doivent être effacés selon des délais échelonnés. Et ce, en vertu du principe de proportionnalité. Sur ce point, le Conseil fédéral soutient l'argumentation que la CAJ-N et son homologue du Conseil des États ont soutenu devant leur conseil lors de l'examen de l'initiative parlementaire 13.408 Geissbühler «Limiter les conditions déterminant l'effacement des profils d'ADN». Le traitement du profil d'ADN dans le système d'information constitue une atteinte à la sphère privée, laquelle est protégée par l'art. 13 de la Constitution (Cst.)17 et par l'art. 8 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)18. Cette atteinte est proportionnelle à la condition qu'elle soit limitée dans le temps, en fonction de la gravité de l'acte. Les personnes 17 18

RS 101 RS 0.101

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condamnées ont le droit à l'oubli, et donc justement à l'effacement de leur profil du système d'information. Ce qui vaut particulièrement pour les jeunes délinquants. Afin de permettre l'élucidation d'infractions futures, les profils d'ADN doivent pouvoir rester enregistrés dans le système, mais seulement pour une certaine durée clairement définie par la loi et non durablement19. Toujours est-il qu'une conservation durable du profil des personnes condamnées ne ferait de toute façon pas une entorse à la présomption d'innocence (art. 10, al. 1, CPP), laquelle ne protège que les personnes contre qui aucune condamnation pénale n'a été prononcée 20.

Le Conseil fédéral a réévalué les différents délais d'effacement de la loi sur les profils d'ADN, en exécution du second mandat partiel.

Pour ce qui est des profils de traces anonymes, qui ne peuvent donc être attribués à une personne précise, le droit en vigueur peut déjà se contenter d'une réglementation succincte valable tant pour les crimes que pour les délits: la trace est effacée dès qu'elle est attribuée, au moyen d'une concordance dans le système d'information, à une personne précise, mais au plus tard au bout de 30 ans (sauf en cas de crime imprescriptible; art. 18 de la loi sur les profils d'ADN21). Ce délai applicable aux profils de traces reste adéquat, il n'y a pas lieu de le modifier.

La durée de conservation, ou le délai d'effacement, des profils de personnes sont régis aux art. 16 et 17 de la loi sur les profils d'ADN. Les profils doivent par principe être effacés d'office. L'énumération très différenciée de l'art. 16 est l'élément central de la réglementation en la matière. Ces délais d'effacement peuvent être considérés dans leur globalité comme proportionnels du point de vue des personnes concernées. Ils répondent aussi aux intérêts de la poursuite pénale. Ce n'est donc pas que chaque délai de conservation est si court que la poursuite pénale passe à côté de nombreuses concordances qui auraient pu être mises en évidence si la durée de conservation avait été plus longue. Le Conseil fédéral reconnaît en revanche que la mise en oeuvre de la réglementation en vigueur s'accompagne d'une charge administrative considérable.

Cette grande charge administrative est due au fait que les autorités concernées doivent attribuer un délai d'effacement
individuel à chaque profil de personne, sur la base de la liste détaillée dans la loi.

Pour quelques rares cas d'effacement visés à l'art. 16, l'autorité compétente peut fixer en une seule étape la date d'effacement d'un profil de personne précis de manière inchangeable et définitive. Les cas concernés sont les suivants: mise hors de cause et acquittement (effacement immédiat), non-lieu (effacement au bout d'un an) et décès 19

20

21

Rapport de la CAJ-N sur: www.parlament.ch/centers/kb/Documents/2013/Rapport_de_ la_commission_CAJ-N_13.408_2014-01-23.pdf; rapport de la CAJ du Conseil des États sur: www.parlament.ch/centers/kb/Documents/2013/Rapport_de_la_commission_ CAJ-E_13.408_2014-10-23.pdf (tous deux consultés en dernier lieu le 10 avril 2018) Cf. Cour européenne des droits de l'homme (CourEDH), arrêt S. et Marper c.

Royaume-Uni du 4 décembre 2008, § 12. Le TF déduit de cet arrêt une reconnaissance de la part de la CourEDH du fait que la conservation de données à caractère personnel ne peut être assimilée à une incrimination de droit pénal (arrêt 1C_598/2016 du 2 mars 2018, consid. 4.2).

Sont imprescriptibles les génocides, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre, d'autres crimes graves qui mettent en danger un grand nombre de personnes et les infractions d'ordre sexuel graves. Les infractions concernées sont listées à l'art. 101 du code pénal (CP; RS 311.0).

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(«après» réception de l'avis de décès, sans délai plus précis; art. 16, al. 1, let. a à d, de la loi sur les profils d'ADN). La charge administrative que demande la mise en oeuvre de ces quatre délais d'effacement est justifiable. En revanche, elle devient disproportionnée pour les ­ nombreux ­ délais de l'art. 16, al. 1, qui sont conçus de sorte qu'ils dépendent du cours de l'exécution de la sanction prononcée à l'encontre de la personne concernée. Il s'agit des cas d'effacement suivants: ­

5 ans après le paiement d'une peine pécuniaire ou la cessation d'un travail d'intérêt général ou 5 ans après l'exécution d'une peine de substitution (let. f);

­

5 ans après le paiement d'une amende ou la fin d'une prestation personnelle au sens des art. 23 et 24 du droit pénal des mineurs du 20 juin 2003 (DPMin22; let. g);

­

5 ans après l'exécution d'une mesure de protection au sens des art. 12 à 14 DPMin (let. i);

­

10 ans après l'exécution d'une privation de liberté au sens de l'art. 25 DPMin (let. j);

­

10 ans après la cessation d'un placement au sens de l'art. 15 DPMin (let. k);

­

10 ans après la fin de l'interdiction d'exercer une activité, de l'interdiction de contact ou de l'interdiction géographique au sens des art. 67 ou 67b CP, 50 ou 50b du code pénal militaire du 13 juin 1927 (CPM)23 ou 16a DPMin, sous réserve d'un effacement ultérieur au sens de l'art. 16, al. 4 (let. l);

­

20 ans après la libération de la peine privative de liberté ou de l'internement, après l'exécution de la mesure thérapeutique ou l'exécution de l'expulsion (al. 4).

Pour ces cas-là, le point de départ à partir duquel le délai d'effacement doit être calculé est reporté selon le cours de l'exécution de la sanction. Le délai d'effacement d'un profil de personne peut même plusieurs fois changer au long de sa «durée de vie» dans le système d'information.

Voici un exemple fictif: le ministère public du canton A fait établir le profil d'ADN du suspect X sur la base de l'art. 255 CPP. Le profil est enregistré dans CODIS. Dans IPAS*, un autre système d'information, il est automatiquement pourvu du délai d'effacement standard de 30 ans, à compter de la date du traitement signalétique 24. X est condamné en première instance à une peine privative de liberté de 2 ans avec sursis.

Le délai d'effacement standard initial peut à présent être fixé individuellement, et l'autorité communique le nouveau délai à l'Office fédéral de la police (fedpol): à la date d'expiration du délai d'épreuve plus 5 ans25. X récidive, le juge révoque le sursis.

Au début de la peine privative de liberté, l'autorité communique à fedpol le nouveau délai d'effacement de 22 ans (2 + 20 ans)26. X commence à purger sa peine de 2 ans, aux 2/3 de laquelle (donc au bout de 16 mois) il est libéré conditionnellement. Il en 22 23 24 25 26

RS 311.1 RS 321.0 Art. 16, al. 3, de la loi sur les profils d'ADN en relation avec l'art. 14 de l'ordonnance du 3 décembre 2004 sur les profils d'ADN (RS 363.1).

Art. 16, al. 1, let. e, de la loi sur les profils d'ADN.

Art. 16, al. 4, de la loi sur les profils d'ADN.

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résulte un nouveau délai d'effacement: 20 ans, à compter de la date de la libération.

À l'écoulement de ces 20 ans, l'autorité demande au tribunal compétent si le profil de X peut être effacé définitivement27. Dans l'affirmative, le profil est supprimé. Mais si le juge répond par la négative, par exemple par crainte d'une récidive 28, le profil reste conservé pour une certaine durée supplémentaire, disons 5 ans. L'autorité communique à fedpol ce nouveau délai de conservation. Au bout des 5 ans, fedpol demande à l'autorité compétente si le profil peut être effacé.

Les délais d'effacement qui doivent être modifiés au fur et à mesure des évolutions du dossier, et qui sont donc pour ainsi dire pensés de manière «dynamique», se sont révélés très complexes à mettre en pratique. À quoi s'ajoute le fait qu'une succession d'autorités, de la police au ministère public en passant par le tribunal et toutes ses instances jusqu'à l'autorité d'exécution des peines et des mesures, interviennent dans le processus de traitement de la conservation et de l'effacement des profils d'ADN.

Ces autorités doivent adhérer à un système de communication sans faille, où des adaptations de délais d'effacement peuvent être intégrées et traitées par l'autorité compétente centrale. Chaque canton doit disposer d'un service de coordination central qui informe fedpol de chaque mandat d'effacement de profil. Il est demandé à cette autorité d'effectuer un contrôle constant de chaque profil de personne enregistré dans le système d'information pour lequel «son» canton exerce l'autorité sur les données, ce afin de savoir quand, au cours de l'exécution de la sanction, un événement susceptible de relever de l'effacement se produit29.

Évaluation générale La réglementation des effacements des profils d'ADN de traces peut être conservée telle qu'elle.

S'agissant des profils d'ADN de personnes, le respect du principe de proportionnalité requiert un échelonnement dans le système d'information en fonction de la nature et de la sévérité de la sanction. La réglementation en vigueur applique ce principe sous une forme très différenciée. Il est certes judicieux a priori, pour calculer la durée de conservation, de se fonder sur le moment de l'exécution de la sanction, notamment lorsqu'il s'agit de peines privatives de liberté, puisque garder dans
le système le profil d'une personne condamnée sert justement à rapidement déceler les récidives 30. L'enregistrement du profil ne peut avoir cet effet préventif qu'à partir du moment où la personne condamnée se retrouve en liberté. Afin de pouvoir analyser de manière définitive la praticabilité de la réglementation en vigueur, celle-ci doit toutefois être mesurée également à l'aune de la charge pour le processus d'effacement. Ce processus, 27 28 29

30

Art. 15 de l'ordonnance sur les profils d'ADN.

Art. 17, al. 1, de la loi sur les profils d'ADN.

Cf. art. 12, al. 1, 2de phrase, de l'ordonnance sur les profils d'ADN: «[Les cantons] désignent un service central chargé d'effectuer ces communications.» Il est ainsi garanti que fedpol n'ait qu'un seul interlocuteur par canton. Notons que la situation en matière d'information des services de coordination centraux des cantons sera améliorée dès l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2016 sur le casier judiciaire (LCJ) dans la mesure où ils auront alors accès à l'«extrait 2 destiné aux autorités», où ils pourront consulter des données sur des procédures pénales en cours et des décisions de classement (cf. art. 46, let. n, LCJ; FF 2016 4735 [acte sujet au référendum]).

Cf. message relatif à la loi sur les profils d'ADN, FF 2001 36.

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qui doit être infaillible, exige l'interaction d'un grand nombre d'autorités fédérales et cantonales dotées d'une position autonome par le droit organisationnel (police / ministère public, tribunal, exécution des peines). Une réglementation détaillée associée à une structure administrative complexe engendre, dans le droit en vigueur, une procédure d'effacement compliquée, bureaucratique et donc faillible.

1.1.4

La recherche en parentèle

Terminologie et droit en vigueur La recherche en parentèle est aujourd'hui déjà utilisée sur la base de la loi sur les profils d'ADN en vigueur. Dans sa décision TPF 2015 104 du 6 octobre 2015, le Tribunal pénal fédéral (TPF) a estimé que la loi en vigueur, sans le prévoir expressément, autorise également cette recherche spéciale.

En raison du processus héréditaire biologique, l'ADN de personnes d'une même famille présente généralement une plus grande similitude que celui de personnes qui ne sont pas apparentées. Un fait dont la poursuite pénale tire profit. Tandis que la recherche standard dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN (CODIS)* a pour but de détecter les concordances exactes entre les profils (trace/ personne, trace/trace), la recherche élargie dans ledit système vise à déceler les personnes dont le profil présente une similitude avec un profil de trace ayant un rapport avec l'infraction et qui pourraient de ce fait être apparentées au donneur de la trace. Il en ressort une piste d'investigation ­ et c'est bien là le seul et unique but de la recherche en parentèle: les autorités d'enquête peuvent concentrer leur recherche du coupable, recherche qu'elles mènent par la suite au moyen des instruments pénaux classiques, sur des membres de la famille de la personne mise en évidence dans le système d'information. L'utilisation concrète des similitudes de profils sur la base d'une parentèle génétique est d'ailleurs prévue depuis le début par la loi en vigueur (identification de personnes en dehors d'une procédure pénale, art. 6, al. 4).

La recherche en parentèle est appelée «recherche familiale»31 ou «recherche en parentèle» dans les pays francophones, familial search dans les pays anglophones et Verwandtenrecherche dans les pays germanophones. Dans le régime législatif suisse toutefois, il faut renoncer à utiliser l'expression «recherche familiale», qui prête à confusion. Cet instrument doit être appelé plus précisément «recherche en parentèle», une formulation qui exprime clairement son caractère particulier: le système d'information fondé sur les profils d'ADN est utilisé pour parvenir à la délimitation, toujours nécessaire dans une enquête pénale, du cercle des possibles auteurs selon le critère de la parentèle. Les enquêtes pénales menées à partir de ces informations
se fondent sur le CPP en vigueur.

Depuis la décision du TPF de 2015, une quinzaine de recherches de ce type ont été effectuées dans le système d'information ad hoc sur demande des ministères publics compétents. Il semblerait qu'à ce jour, cet instrument n'ait pas contribué directement au succès d'une enquête.

31

De même que par le TPF dans la décision TPF 2015 104 du 6 octobre 2015

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Recherche en parentèle: déroulement Afin qu'une recherche en parentèle soit réalisée, il faut que du matériel de trace ait été prélevé sur le lieu de l'infraction, à partir duquel un profil d'ADN a été établi. La première étape consiste toujours à utiliser ce profil de trace pour effectuer une recherche (régulière) dans le système d'information et savoir s'il concorde exactement avec un profil de personne ou de trace déjà enregistré. En l'absence de concordance exacte avec un profil de personne, ou s'il en ressort une concordance avec un profil de trace certes exacte mais ne permettant pas d'obtenir de nouveaux éléments, les enquêteurs peuvent envisager de lancer une nouvelle recherche dans le système, cette fois-ci au moyen d'un module spécial axé sur la reconnaissance des liens de parenté32.

Le module passe en revue tous les profils de personnes dont la similitude avec le profil de trace relevé sur les lieux de l'infraction indique un lien de parenté en ligne directe avec le donneur de la trace (père ou mère / enfant ainsi que frère et soeur). Le résultat de cette recherche ressort sous la forme d'une liste des profils de personnes similaires (techniquement appelés «candidats»). Ces profils, à l'instar de tous les profils d'ADN enregistrés dans le système d'information, sont anonymes au moyen d'un numéro de contrôle de processus*.

Le Service de coordination, à titre d'exploitant opérationnel du système d'information en vertu de l'art. 9a de l'ordonnance sur les profils d'ADN33, transmet la liste des candidats au laboratoire d'analyse d'ADN, lequel procède à des analyses supplémentaires dans le but d'éliminer de la liste des candidats tous les profils dont la similitude avec le profil du donneur de la trace est purement fortuite et qui sont donc sans intérêt pour les autorités d'enquête (faux positifs). Seuls doivent être transmis à l'autorité de poursuite pénale ayant ordonné la mesure les profils de personnes pour lesquels un lien de parenté avec le donneur de la trace est possible. Cette délimitation plus grande nécessite une analyse supplémentaire: si la trace a été laissée par un individu de sexe masculin34, le profil d'ADN du chromosome Y* du donneur de la trace et celui du candidat sont établis; si elle a été laissée par une femme, le laboratoire analyse l'ADN mitochondrial (ADNmt) de la
donneuse et de la candidate. Ce qui permet de savoir si deux personnes sont parentes via la lignée paternelle (profil d'ADN-Y) ou maternelle (ADNmt). Du fait de la courte durée de conservation du matériel biologique, ces deux types d'analyse supplémentaire ne peuvent être réalisés à ce jour. Le présent projet entend justement prolonger cette durée (cf. ci-dessous, ch. 4.1.4, Prolongation de la durée de conservation du matériel issu d'échantillons prélevés sur des personnes). La liste ainsi réduite, dans l'idéal, à quelques candidats est transmise par l'intermédiaire de fedpol à l'autorité ayant donné le mandat de recherche élargie. Il ressort des analyses génético-moléculaires effectuées que les personnes figurant dans cette liste pourraient être apparentées au donneur de la trace. Elles ne sont toutefois pas du tout considérées comme suspectes, le profil de la trace relevée sur les lieux de l'infraction aurait sinon donné lieu à une concordance exacte avec le profil de personne dès la 32

33 34

Le système d'information suisse fondé sur les profils d'ADN* utilise le logiciel CODIS, lequel dispose d'un module spécial (Pedigree Searcher) développé pour comparer, sur la base de l'art. 6, al. 4, les profils d'ADN que des membres d'une famille ont donnés volontairement avec les profils de personnes disparues pour ainsi identifier ces dernières.

C'est actuellement l'Institut de médecine légale de l'Université de Zurich.

Le profil d'ADN standard inclut toujours l'indication du sexe de la personne concernée (message relatif à la loi sur les profils d'ADN, FF 2001 33).

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première recherche régulière dans le système d'information. Le processus de recherche en parentèle à proprement parler est ainsi clos.

Les éléments obtenus grâce à cette recherche sont alors utilisés sur le plan opérationnel de la manière suivante: dans une première étape, l'autorité d'enquête compétente se sert du numéro de contrôle de processus* pour relier chaque profil de candidat, anonyme jusqu'ici, avec les données de personnes y afférentes. Elle découvre alors qui sont nommément les candidats. Ce qui ouvre la voie à l'étape suivante, décisive sur le plan opérationnel: l'autorité d'enquête retrace les liens de parenté de chaque personne mise en évidence comme parent, c'est-à-dire qu'elle dresse son arbre généalogique. Elle consulte à cette fin les registres officiels (registre des habitants, etc.) et d'autres sources si possible publiques pour savoir si la personne X apparentée au donneur de la trace a un père, une mère, des enfants, des frères, des soeurs, etc. Si, pour dresser l'arbre généalogique de X, elle doit interroger des personnes, celles-ci, sur le plan de la procédure pénale, ont le statut de personnes appelées à donner des renseignements (art. 178 ss CPP) si elles sont entendues par la police (art. 142, al. 2, CPP); si l'audition est menée par le ministère public, elles ont le statut de témoin et ont alors le droit de refuser de témoigner (art. 168 CPP). Les personnes visées par les enquêteurs pour la seule raison qu'elles apparaissent dans l'arbre généalogique de X ne font, à ce stade-là, l'objet d'aucun soupçon, pas même initial.

Dans l'étape suivante, le cercle des personnes figurant dans l'arbre généalogique est davantage réduit au moyen de méthodes d'enquête classiques. Pour chacune de ces personnes, il est vérifié si elle peut entrer en ligne de compte en tant que donneur de la trace du fait de l'âge, du lieu de séjour au moment (présumé) de l'infraction, de l'état de santé et d'autres caractéristiques pouvant avoir un rapport avec l'infraction.

Par exemple, une personne précise pourra être mise hors de cause en raison de son âge (nourrisson, vieillard, etc.), une autre de son lieu de séjour (distance entre le lieu de domicile ou de travail et celui de l'infraction, par ex. mise hors de cause d'un parent dont il est prouvé qu'il se trouvait outre-mer au moment de l'infraction,
etc.). Tous les autres éléments disponibles sur l'auteur de l'infraction (modus operandi, etc.) sont pris en considération35.

Ces recherches de police régulières peuvent mener à un soupçon initial à l'encontre d'une personne précise figurant dans l'arbre généalogique de X. Si de plus amples clarifications étayent ce soupçon initial (art. 197, al. 1, let. b, CPP), le ministère public ordonne, dans une dernière étape, que le profil d'ADN de cette personne soit établi, sur la base de l'art. 255, al. 1, let. a, CPP. Le profil est ensuite comparé avec le profil de la trace relevée sur les lieux de l'infraction. S'il y a concordance, cette personne est alors très probablement le donneur de la trace. Inversement, il est exclu qu'elle le soit si les profils ne concordent pas en tout point.

Un exemple concret Élodie Kulik, 24 ans, a été violée puis tuée en 2002, dans le Nord de la France. Le meurtre a été commis de nuit dans une zone de campagne reculée, il n'y avait aucun témoin. Une enquête de grande envergure a d'abord été menée dans le périmètre du 35

Vuille et al., p. 150; www.fbi.gov/services/laboratory/biometric-analysis/codis > Familial Searching (dernière consultation le 29 mai 2020).

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lieu de l'infraction, sur la base du profil d'ADN établi à partir d'une trace de sperme.

Cette mesure, l'analyse de plusieurs milliers d'autres profils d'ADN dans le système d'information français ad hoc et la comparaison de profils à l'échelle européenne n'ont rien donné. Aussi la Gendarmerie nationale a-t-elle décidé, pour la première fois, d'effectuer une recherche en parentèle dans le système d'information national.

S'appuyant notamment sur les expériences faites aux États-Unis, où peu de temps auparavant, un tueur en série avait été confondu grâce à la familial search, une recherche spéciale a été effectuée dans le système d'information. Les autorités de poursuite pénale françaises sont ainsi tombées sur un individu X de sexe masculin, dont la famille vivait non loin du lieu de l'infraction. Grâce à des méthodes d'enquête classiques, notamment des informations provenant de registres officiels, l'arbre généalogique de X a été dressé. Il en est ressorti que X avait un père, encore en vie, et deux fils. Le père a été mis hors de cause au vu de son âge avancé au moment de l'infraction, tandis que l'un des fils a été écarté du fait de son jeune âge. L'aîné des fils est décédé peu après la commission de l'acte (ce qui explique pourquoi il n'a pas été testé lors de l'enquête de grande envergure et pourquoi celle-ci n'a rien donné). Son corps a été exhumé et son profil d'ADN établi; il concordait avec le profil de la trace. C'est ainsi que neuf ans après l'infraction, le coupable a pu être identifié36.

Bilan actuel de la recherche élargie en Suisse; amélioration de la situation initiale grâce à de nouvelles dispositions Il semblerait qu'à ce jour, la recherche élargie n'ait pas contribué directement au succès d'une enquête en Suisse. Ce qui peut s'expliquer par le fait que les recherches effectuées au moyen de paramètres élargis ont jusqu'ici régulièrement abouti à des listes d'une centaine à quelque 300 candidats. L'utilisation de l'ADN mitochondrial ou du profil d'ADN-Y permettrait certes de réduire davantage le cercle de ces candidats (cf. ci-dessus, Recherche en parentèle: déroulement), mais ces deux types d'analyse supplémentaire ne sont aujourd'hui pratiquement jamais possibles: le matériel biologique sur lequel ils se fondent devant être détruit immédiatement après la première analyse en
vertu du droit en vigueur, il n'est plus disponible à cette fin 37. Une prolongation de la durée de conservation du matériel d'échantillon dans les laboratoires d'analyse d'ADN permettra de remédier à cette insuffisance (cf. ci-dessous, ch. 4.1.4, Prolongation de la durée de conservation du matériel issu d'échantillons prélevés sur des personnes). Les autorités d'enquête suisses elles aussi pourront alors utiliser ces analyses supplémentaires pour réduire davantage la liste des candidats. Ce qui améliorera grandement l'efficacité de la recherche élargie dans son application concrète.

36

37

Pour les détails de cette affaire: Pham-Hoai Emmanuel/Crispino Frank/Hampikian Greg, The First Successful Use of a Low Stringency Familial Match in a French Criminal Investigation, dans: Journal of Forensic Sciences, mai 2014, vol. 59, n° 3, p. 816 ss, sur: onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/1556-4029.12372. L'élucidation du meurtre de Yara Gambirasio en Italie est aussi très instructive, cf. Le Matin du 8 décembre 2014, L'incroyable enquête pour trouver celui qui a tué Yara, sur: www.lematin.ch/faitsdivers/incroyable-enquete-trouver-tue-yara/story/25901358.

Cette insuffisance est aussi soulignée par Vuille et al., Recherche familiale, p. 163, note 63.

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Réglementation; interpellation 17.4230 Mazzone L'utilité fondamentale de la recherche en parentèle a fait ses preuves dans d'autres pays, raison pour laquelle les autorités suisses de poursuite pénale doivent pouvoir continuer de disposer de cet instrument. Car dans certains cas, quand tous les autres éléments d'enquête ont été épuisés sans rien donner, il peut rester ­ en plus du phénotypage ­ le seul moyen d'élucider une infraction, grâce à une comparaison de profils d'ADN.

Le projet prévoit que la recherche en parentèle soit, dans l'intérêt de la sécurité du droit, formellement réglée dans la loi sur les profils d'ADN comme dans le CPP et la procédure pénale militaire du 23 mars 1979 (PPM)38. Dans sa réponse à l'interpellation 17.4230 Mazzone «Recherches familiales d'ADN dans le cadre d'enquêtes pénales. Le Conseil fédéral entend-il y renoncer?», ce dernier a laissé entrevoir l'examen d'une telle réglementation.

1.1.5

Épuration, quant au contenu, entre la loi sur les profils d'ADN et le CPP

Le CPP de 2007 régit au titre 5 les mesures de contrainte ordonnées dans le cadre de procédures pénales. L'analyse forensique de l'ADN est l'une d'entre elles. Or elle a été formellement réglée pour la première fois dans la loi sur les profils d'ADN déjà.

En l'an 2000, alors que le Conseil fédéral a présenté son message concernant cette dernière, la question était encore ouverte de savoir si cet aspect, le moment venu, devait intégrer le futur CPP ou si la loi sur les profils d'ADN, même après l'entrée en vigueur du CPP, devait être maintenue en tant que loi spéciale autonome 39. À la création du CPP, le législateur a finalement opté pour cette seconde solution40.

Dans le détail, le CPP en vigueur règle les différentes compétences pour ordonner l'établissement d'un profil d'ADN entre police, ministère public et tribunal (art. 255) ainsi que, en tant que cas spéciaux, le prélèvement d'échantillons lors d'enquêtes de grande envergure (art. 256) et l'enregistrement du profil d'ADN de personnes condamnées (art. 257). La loi sur les profils d'ADN, quant à elle, règle l'utilisation de l'analyse de l'ADN dans les «procédures pénales qui ne tombent pas sous le coup du code de procédure pénale suisse»41; ce qui concerne la PPM en premier lieu. Pour ce qui est de ces procédures pénales en dehors du CPP, la loi sur les profils d'ADN règle ainsi les autorités qui ordonnent les mesures (art. 7) et les enquêtes de grande envergure (art. 3, al. 2, et 7, al. 3, let. a). Elle contient en outre des dispositions sur l'analyse de l'ADN en dehors de procédures pénales (art. 6), la procédure organisationnelle

38 39 40

41

RS 322.1 Cf. message relatif à la loi sur les profils d'ADN, FF 2001 31s.

Les deux textes de loi contiennent chacun une norme spéciale concernant la délimitation réciproque de leur propre domaine d'application concret: l'art. 259 CPP par rapport à la loi sur les profils d'ADN, et inversement, l'art. 1a de la loi sur les profils d'ADN par rapport au CPP.

Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1223.

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d'établissement et d'analyse d'un profil d'ADN (art. 8 s., 13 et 14), le système d'information fondé sur les profils d'ADN (art. 10 à 12), l'effacement des profils de ce système (art. 15 ss) ainsi que la protection des données42.

La loi sur les profils d'ADN en vigueur comprend donc des dispositions relevant à la fois du droit administratif et de la procédure pénale. Les recoupements substantiels entre elle et le CPP doivent être supprimés. Il s'agit d'opérer la même séparation entre les aspects de droit administratif (loi sur les profils d'ADN) et de procédure pénale (CPP) que celle qui avait été mise en oeuvre par la révision totale de la loi fédérale du 18 mars 2016 sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT)43 en rapport avec la LSCPT et le CPP44. Le contenu de la loi sur les profils d'ADN se limitera dès lors à la définition du profil d'ADN, à la réglementation du processus de traitement de l'analyse de l'ADN et du système d'information ad hoc, y compris des délais d'effacement, ainsi qu'à la protection des données. Et c'est le CPP qui sera le seul et unique lieu de codification des aspects de l'analyse de l'ADN relevant directement de la procédure pénale. L'éventuelle disponibilité de l'analyse de l'ADN dans des procédures pénales en dehors du CPP sera prévue ainsi dans la loi spéciale de procédure pénale correspondante. À travers la présente nouvelle réglementation, ce sera uniquement le cas pour la PPM (cf. ch. 1.1.6).

1.1.6

Complémentation de la PPM

La PPM, entre autres, est exclue du champ d'application du CCP (cf. art. 1, al. 2, CPP). Au contraire du CPP, la PPM en vigueur ne contient aucune réglementation formelle de l'analyse de l'ADN. Jusqu'ici, la justice militaire a appliqué la loi sur les profils d'ADN dans les cas nécessitant l'établissement d'un profil d'ADN ou une enquête de grande envergure. La dissociation précitée entre la loi sur les profils d'ADN et le droit de procédure pénale ne le permettra plus. Il est donc prévu que la PPM contienne une réglementation autonome de l'analyse de l'ADN dans son intégralité, c'est-à-dire de l'ensemble des moyens dont dispose déjà le CPP. Les mesures de contrainte listées dans la PPM sont donc complétées par une nouvelle section Analyse de l'ADN, laquelle intègre les mesures de procédure pénale de l'analyse de l'ADN, comme elles sont prévues dans le CPP, ainsi que, parallèlement aux adaptations du CPP de même contenu, le phénotypage, la recherche en parentèle et la comparaison du profil d'ADN-Y, comme les règle le présent projet.

42

43 44

Les analyses génétiques en dehors de la poursuite pénale, donc dans le domaine de la médecine, du travail, des assurances et de la responsabilité civile, et l'établissement de profils d'ADN visant à déterminer la filiation ou l'identité d'une personne dans une procédure civile ou administrative sont régis par la loi fédérale du 8 octobre 2004 sur l'analyse génétique humaine (LAGH; RS 810.12). L'art. 1, al. 2, 2e phrase, LAGH délimite cette loi par rapport à la loi sur les profils d'ADN.

RS 780.1 Cf. message du Conseil fédéral du 27 février 2013 concernant la loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT ), FF 2013 2443.

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1.2

Relation avec le programme de la législature

Le projet de loi est annoncé dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202345.

1.3

Classement d'interventions parlementaires

Le Conseil fédéral propose le classement des interventions suivantes: La motion 15.4150 Vitali «Pas de protection pour les criminels et les violeurs» charge le Conseil fédéral «de créer les bases légales nécessaires afin que les autorités de poursuite pénale soient autorisées à poursuivre de façon ciblée les auteurs d'actes de violence grave tels qu'un meurtre ou un viol en procédant à l'analyse de séquences codantes de l'ADN, qui permet d'identifier des caractéristiques personnelles». En modifiant la loi sur les profils d'ADN à travers le présent projet et en procédant aux adaptations qui en découlent du CPP et de la PPM, le Conseil fédéral remplit ce mandat. La motion peut donc être classée.

Le postulat 16.3003 de la CAJ-N «Analyse des délais de conservation des profils ADN» peut lui aussi être classé. Conformément au mandat de la commission, le Conseil fédéral a effectué une évaluation des délais d'effacement des profils d'ADN et en a présenté les résultats sous le ch. 1.1.3 ci-dessus. La commission a expressément limité le mandat à cet examen, «étant donné que la loi fédérale sur les profils ADN ne fait pas en soi l'objet d'une révision». La motion 15.4150 précitée a toutefois été transmise la même année encore, soit en 2016, ce qui a justement déclenché la modification de la loi. Aussi le Conseil fédéral a-t-il décidé d'utiliser le présent projet pour aller audelà de l'évaluation des délais de conservation en vigueur et formuler dans le même temps une proposition de nouvelle réglementation.

2

Procédure préliminaire, consultation comprise

2.1

Élaboration des bases

Les travaux préparatoires de la mise en oeuvre de la motion 15.4150 et du postulat 16.3003 (phénotypage, réglementation d'effacement et recherche en parentèle) ont été menés par un groupe de travail conduit par fedpol, auquel ont participé des représentants de la police (y compris de la police scientifique), des ministères publics et de la médecine légale (génétique forensique), la présidente de la Commission d'experts pour l'analyse génétique humaine (CEAGH) ainsi que des collaborateurs du Préposé

45

FF 2020 1709 1789 1828

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fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) et de l'Office fédéral de la justice (OFJ)46.

2.2

Projet envoyé en consultation

Le Conseil fédéral a ouvert la consultation relative à l'avant-projet de modification de la loi sur les profils d'ADN le 28 août 2019 et fixé au 30 novembre de la même année le délai de remise des avis47. Le projet envoyé en consultation portait sur les trois thèmes centraux suivants: Le phénotypage du matériel biologique permettra de mettre en évidence cinq caractéristiques personnelles d'un donneur de trace: la couleur des yeux, des cheveux et de la peau, l'origine biogéographique et l'âge. Il pourra être utilisé pour élucider des crimes. C'est le ministère public qui aura la compétence de l'ordonner.

Sur la base de l'évaluation effectuée en exécution du postulat 16.3003 (cf. ci-dessus, ch. 1.1.3), le Conseil fédéral est parvenu à la conclusion que la réglementation en vigueur en matière d'effacement des profils de personnes doit être adaptée dans l'esprit d'une simplification. À cette fin, le délai de conservation sera donc fixé à partir d'un moment précis, et ce, de manière unique et définitive. La durée de conservation ne dépendra plus de l'exécution temporelle de la sanction prononcée à l'encontre de la personne concernée; elle ne sera donc plus adaptée par la suite.

La recherche en parentèle sera expressément réglée dans la loi. Elle servira aux enquêtes, exclusivement sur des crimes, et sera ordonnée par le ministère public. À quoi s'ajoutent d'autres sujets de réglementation: la durée de conservation au laboratoire du matériel biologique issu d'un échantillon prélevé sur une personne sera prolongée à 15 ans afin que ce matériel soit disponible pendant cette période pour d'autres fins clairement définies. Enfin, le profil d'ADN-Y d'une personne ou d'une trace pourra être enregistré dans le système d'information sur décision spéciale.

46

47

Albertini Nicola, chef Forensique, police cantonale VD, représentant de l'Association des chefs de police judiciaire suisses (ACPJS); Cossu Christian, Institut de médecine légale de Saint-Gall, président de la section Génétique forensique de la Société suisse de médecine légale (SSML); Gallati Sabina, présidente de la CEAGH; Kratzer Adelgunde, cheffe Génétique forensique, Institut de médecine légale, Université de Zurich; Meier Marcel, procureur, canton BE, représentant de la Conférence des procureurs de Suisse (CPS); Sollberger Thomas, chef de la police judiciaire, police cantonale BE, représentant de la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse (CCPCS); Voegeli Pamela, cheffe ajointe Génétique forensique, Institut de médecine légale, Université de Zurich, cheffe du Service de coordination ADNS; Vogt Nicole, collaboratrice scientifique, police cantonale BE, représentante CCPCS.

La documentation relative à la consultation et les avis déposés se trouvent sur www.admin.ch/ch/f/gg/pc/ind2019.html#DFJP.

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2.3

Résultats de la procédure de consultation

Un total de 51 avis ont été déposés dans le cadre de la consultation48. Parmi les participants officiellement invités à donner leur avis, 23 cantons, 7 partis, l'Union des villes suisses (UVS) et 20 organisations se sont exprimés. Le TF, le TPF et l'Association suisse des magistrats de l'ordre judiciaire (ASM) ont formellement renoncé à se prononcer.

La majorité des participants approuvent le projet dans ses grandes lignes.

3 positions différentes ont été exprimées concernant le thème central du phénotypage: 17 cantons49, les organisations de poursuite pénale et de police50, les organisations du domaine de la médecine légale51 et la CEAGH estiment que le projet ne va pas assez loin. Ils souhaitent que la réglementation soit conçue de manière plus ouverte et flexible. Fixer de manière exhaustive au niveau de la loi les caractéristiques que le phénotypage peut mettre en évidence ne permettrait pas de tenir compte des avancées constantes de la recherche en la matière. Il faudrait donc que ces caractéristiques soient listées dans la loi de manière non pas exhaustive mais indicative. Certains de ces participants52 aimeraient que le procédé ne soit pas limité aux caractéristiques morphologiques apparentes et qu'il soit étendu à toutes les caractéristiques pouvant servir à élucider une infraction. Un deuxième groupe de participants approuve entièrement ou partiellement la réglementation proposée dans l'avant-projet: 1 canton53, 2 partis54 et 2 organisations55 la soutiennent intégralement, 4 cantons56, 4 partis57 et 4 organisations58 partiellement. Ils sont d'avis qu'il est opportun de définir dans une liste exhaustive les caractéristiques morphologiques apparentes qui peuvent être mises en évidence et de modifier la loi pour autoriser toute nouvelle caractéristique. Il faudrait aussi formuler la réglementation de manière plus restrictive et créer une liste des infractions concernées ou limiter l'utilisation du phénotypage aux infractions graves contre la vie et l'intégrité corporelle, en confiant au tribunal des mesures de contrainte la compétence d'ordonner le procédé ou en n'autorisant la mesure qu'en dernier recours. 1 parti59 rejette l'origine biographique comme caractéristique pouvant être décelée. Dans un troisième groupe, 1 canton60 exprime de grandes réserves quant au 48

49 50

51 52 53 54 55 56 57 58 59 60

Le rapport sur les résultats de la procédure de consultation se trouve sur www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2019 > DFJP.

AI, AR, BE, BL, BS, FR, GL, JU, LU, NE, OW, SH, TG, TI, VS, ZG, ZH.

Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP), CCPCS, CPS, Société des chefs de police des villes de Suisse (SCPVS), ACPJS.

SSML, Institut de médecine légale Berne, Centre universitaire romand de médecine légale (CURML).

BE, BL, JU, LU, OW, ZG; CCPCS, ACPJS; en définitive aussi CPS, SCPVS.

SZ Parti Bourgeois-Démocratique Suisse (PBD), Union démocratique du centre (UDC).

Centre patronal, UVS.

AG, GR, SG, SO Parti Démocrate-Chrétien (PDC), Les Libéraux-Radicaux (PLR), Parti vert'libéral Suisse (PVL), Parti socialiste suisse (PS).

biorespect, Ordre des avocats de Genève (ODAGE), Conférence des préposé(e)s suisses à la protection des données (privatim), Université de Fribourg.

PS GE («se déclare réservé quant à l'introduction de cette méthode»).

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phénotypage. Pour 1 organisation61, il ne devrait être autorisé qu'à la seule fin de délimiter le cercle des personnes soumises à un prélèvement d'échantillon dans le cadre d'une enquête de grande envergure en vertu de l'art. 256 CPP. 1 parti62 et 3 organisations63 s'opposent fermement à l'introduction du phénotypage. Ce groupe remet dans l'ensemble en question la fiabilité du procédé et la valeur prédictive de chaque caractéristique, estime que l'atteinte aux droits fondamentaux est disproportionnée et souligne le risque de «profilage racial».

La simplification de la réglementation en matière d'effacement est globalement saluée64, de même que la réglementation de la recherche en parentèle 65. Sur ce second point, certains participants estiment que, comme pour le phénotypage, l'atteinte aux droits de la personnalité est si grande que cette méthode ne doit être utilisée qu'en dernier recours et que pour les crimes voire les crimes graves contre la vie et l'intégrité corporelle, l'intégrité sexuelle ou la liberté ou selon une liste exhaustive66. Il serait en outre opportun de confier au tribunal des mesures de contrainte la compétence d'ordonner cette mesure67.

Pour conclure, les résultats de la consultation peuvent être résumés comme suit: la recherche en parentèle est incontestée par la majorité des participants. La nouvelle réglementation proposée concernant les délais d'effacement est largement soutenue.

S'agissant du phénotypage, les points de vue divergent. Il convient à son sujet de présenter une réglementation équilibrée tenant compte de l'exigence de flexibilité en cas d'élargissement à de nouvelles caractéristiques et le soumettant dans la loi à des prescriptions impératives claires. La façon dont les conclusions tirées de la consultation seront mises en oeuvre est détaillée au ch. 4.1 ci-dessous.

3

Comparaison avec le droit étranger

Pour les trois principaux éléments du présent projet que sont le phénotypage, la réglementation de l'effacement des profils d'ADN de personnes et la recherche en parentèle, une comparaison est réalisée ci-après avec différents pays voisins et d'autres pays triés sur le volet.

61 62 63 64 65 66 67

Fédération suisse des avocats (FSA).

Parti écologiste suisse (PES).

Association des juristes progressistes (AJP), Juristes démocrates de Suisse (JDS), droitsfondamentaux.ch.

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 7.

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 7.

AG, BS, GE; PES; AJP, biorespect, ODAGE, privatim, FSA, Université de Fribourg.

AG, BS; ODAGE, privatim, Université de Fribourg.

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3.1

Le phénotypage

En 2003, les Pays-Bas sont les premiers à formellement réglementer le phénotypage dans leur code de procédure pénale68. Celui-ci autorise l'analyse du sexe, de l'origine biogéographique et d'autres caractéristiques morphologiques personnelles définies par arrêté ministériel. Les caractéristiques supplémentaires doivent satisfaire aux critères de pertinence pour l'enquête pénale et de fiabilité, et faire l'objet d'une procédure d'autorisation spéciale. Les amendements à la loi en ce sens doivent être adoptés par la Seconde Chambre du Parlement (qui correspondrait au Conseil national suisse), sur demande du ministère de la Justice. En suivant cette procédure, la Seconde Chambre a approuvé, en 2012, la couleur des yeux comme caractéristique et, en 2017, celle des cheveux. La procédure d'autorisation afférente à la couleur de la peau a été ouverte en 2019. L'âge et la taille se trouvent quant à eux en phase de test depuis un certain temps. Le phénotypage a été utilisé dans une bonne trentaine d'affaires à ce jour69.

En Slovaquie, une réglementation du phénotypage est en vigueur depuis mai 2018.

Elle autorise la mise en évidence de caractéristiques morphologiques personnelles au moyen de l'analyse de l'ADN pour élucider des infractions particulièrement graves contre la vie et l'intégrité physique, la liberté et la dignité humaine ainsi que pour identifier un cadavre ou des parties d'un corps démembré. La loi ne liste pas les différentes caractéristiques pouvant être analysées. La définition légale du phénotypage qualifie d'«informations sur la couleur des cheveux et des yeux et sur la pigmentation de la peau» ce type de caractéristiques70.

L'Allemagne a récemment adopté le phénotypage dans son code de procédure pénale (CPP-DE). Le 10 décembre 2019, le Bundestag a approuvé la modification du § 81e CPP-DE (Analyse génético-moléculaire) dans le cadre d'un projet global de modernisation de la procédure pénale. La réglementation de l'établissement du profil d'ADN de trace a été complétée: si la personne à l'origine de la trace est inconnue, des constatations peuvent être faites sur la couleur de sa peau, de ses cheveux et de ses yeux, tout comme sur son âge71. Les commentaires du projet indiquent qu'il s'agirait là d'une atteinte aux droits généraux de la personnalité qui est proportionnée. Le phénotypage ne porterait pas atteinte à l'essence même de la personnalité, laquelle

68

69 70

71

Loi du 8 mai 2003 sur la détermination de caractéristiques personnelles observables à partir de matériel cellulaire (traduction libre; ISDC, Legal Opinion, p. 74). À l'époque, c'étaient les seules caractéristiques pour lesquelles des analyses au point sur le plan technico-scientifique existaient aux fins de la poursuite pénale. C'est surtout l'analyse de l'origine biogéographique du donneur de la trace qui avait fourni en 1999 un premier indice d'importance dans l'affaire du viol et du meurtre de Marianne Vaatstra. Cette affaire avait profondément ému le grand public. Elle est entre autres à l'origine de la loi de 2003 (Kayser, Y-chromosome, p. 622).

Cf. en détail ISDC, Legal Opinion, p. 74 ss.

Loi du 21 juin 2002 sur l'utilisation de l'analyse de l'acide désoxyribonucléique à des fins d'identification de personnes, § 2, let. f (définition), et § 4, al. 2 (conditions pour le phénotypage; traduction libre). Cf. ISDC, Legal Opinion, p. 89, ainsi que: Samuel Gabrielle/ Prainsack Barbara, The regulatory landscape of forensic DNA phenotyping in Europe, VISAGE, novembre 2018, p. 3, sur: www.visage-h2020.eu/ > Reports.

§ 81e, al. 2, 2e phrase, CPP-DE, dans: Bundesgesetzblatt, année 2019, partie I, n° 46, publié à Bonn le 12 décembre 2019, p. 2121 ss, ici p. 2122, ch. 7.

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bénéficie d'une protection absolue. Il correspondrait à la mise en évidence de caractéristiques physiques représentant une atteinte de même ampleur que l'analyse d'une photographie ou d'un enregistrement vidéo, laquelle peut également être utilisée pour élucider des infractions72.

La France, le Royaume-Uni et les États-Unis recourent au phénotypage dans le cadre d'enquêtes. Aucune réglementation explicite n'existe dans ces pays. En France, la législation ne limite pas expressément l'analyse standard de l'ADN à des séquences ne pouvant pas être associées à des caractéristiques personnelles, ce qui crée une marge d'appréciation permettant l'autorisation du phénotypage sur la base d'une décision judiciaire73. La réglementation formelle du phénotypage dans la loi a toutefois été demandée74. Au Royaume-Uni, aucune réglementation de l'analyse forensique de l'ADN n'interdit formellement le phénotypage 75. Selon la littérature spécialisée, cet instrument n'a été employé que de façon sporadique pour soutenir des enquêtes pénales. L'origine biogéographique et la couleur de cheveux roux sont les seules caractéristiques dont l'analyse est opérationnelle76. Des applications concrètes ont également eu lieu aux États-Unis. Il n'existe aucune réglementation du phénotypage au niveau fédéral et la plupart des États sont dépourvus d'une réglementation en la matière. La marge d'appréciation légale ne devrait être utilisée que de façon ponctuelle pour mettre en évidence au cas par cas des caractéristiques personnelles à partir d'une trace d'ADN. Le phénotypage est toutefois formellement interdit dans certains États77.

3.2

La durée de conservation des profils d'ADN

En Allemagne, l'Office fédéral de la police judiciaire (BKA pour Bundeskriminalamt) administre le système central d'information de la police (INPOL) en vertu de la loi BKA78. La base de données DAD (DNA-Analyse-Datei, «fichiers d'analyse de l'ADN») fait partie de ce système d'information 79. La réglementation d'effacement du système d'information du BKA s'applique à toutes les catégories de données personnelles que le BKA est autorisé à traiter pour accomplir ses tâches. Par conséquent, 72 73

74

75 76 77 78

79

Projet de loi du gouvernement fédéral du 23 octobre 2019 sur la modernisation de la procédure pénale, p. 29s. Cf. en détail ISDC, Legal Opinion, p. 55 ss.

Arrêt de la Cour de cassation (chambre criminelle) du 25 juin 2014, sur: www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000029152345&fastReqId=1622039649&fastPos=1. Cf. en détail: ISDC, Legal Opinion, p. 47 ss.

Cf. Riccardi Claudia/Richefeu Ludivine, Les nouvelles utilisations de la génétique dans le cadre de la procédure pénale, dans: RSC Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, avril-juin 2018, p. 331 ss, p. 335.

ISDC, Legal Opinion, p. 117.

Koops Bert-Jaap/Schellekens Maurice, Forensic DNA Phenotyping: Regulatory Issues.

Columbia Science and Technology Law Review, vol. IX/2008, p. 158 ss, p. 172s.

ISDC, Legal Opinion, p. 135s.

Loi du 1er juin 2017 sur le BKA et la collaboration de l'État fédéral et des Länder dans les affaires criminelles (traduction libre, loi BKA). Texte sur: www.bka.de > Das BKA > Der gesetzliche Auftrag (dernière consultation le 28 avril 2020).

Cf. www.bka.de > Unsere Aufgaben > Ermittlungsunterstützung > Erkennungsdienst (dernière consultation le 28 avril 2020).

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aucun délai d'effacement spécial ne s'applique aux profils d'ADN. Les données du système d'information, et donc aussi les profils d'ADN, doivent être effacés en cas d'acquittement et de non-lieu (§ 18, al. 5, loi BKA). Par ailleurs, la réglementation d'effacement ne repose pas, comme celle de la Suisse, sur une liste de périodes maximales de conservation ou de délais d'effacement en rapport avec des cas d'effacement donnés, mais obéit à une logique toute autre: à intervalles légalement définis («délais de triage», Aussonderungsprüffristen), on vérifie si les données personnelles enregistrées doivent être effacées. Les délais de triage maximaux sont de dix ans pour les adultes, cinq ans pour les adolescents et deux ans pour les enfants, la distinction devant être faite entre la finalité de l'enregistrement et la nature et la gravité des faits (§ 77, al. 1, 2e phrase, loi BKA). Les délais courent à partir de la date où s'est produit le dernier événement aboutissant à l'enregistrement des données (op. cit., al. 3). Conformément à un arrêt du tribunal administratif fédéral allemand, il n'est généralement plus nécessaire de garder enregistrées ces données une fois les délais expirés 80.

En France, les profils d'ADN sont traités dans le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), administré par la Direction centrale de la police judiciaire du ministère de l'Intérieur. Peuvent y être enregistrés les profils d'ADN de personnes condamnées pour avoir commis une infraction de la liste énumérée dans le Code de procédure pénale (CPP-F) ou suspectées d'une telle infraction (art. 706-54 CPP-F81). L'art. 706-55 CPP-F dresse une longue liste: infractions de nature sexuelle, actes de violence contre la vie et l'intégrité physique, infractions contre le patrimoine, atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, terrorisme, faux-monnayage, crimes de guerre et infractions contre la défense nationale et la sûreté de l'État. Conformément à l'art. 706-54-1, al. 3, 1re phrase, CPP-F, le délai de conservation est déterminé comme suit: «L'effacement des empreintes [génétiques] est prononcé lorsque leur conservation n'apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier».

Au Royaume-Uni, c'est le Home Office qui administre la National DNA Database (NDNAD) sur mandat de la police. La réglementation
d'effacement fait une distinction entre les qualifying offences et les minor offences. Plus de 400 éléments constitutifs d'infractions sont considérés comme des qualifying offences, dont l'assassinat, le meurtre passionnel, le viol, les lésions corporelles graves, le brigandage, le vol par effraction ainsi que des faits découlant du droit pénal en matière sexuelle ou encore, par exemple, du droit sur les armes. Bien que les minor offences soient de moindre gravité, elles n'en restent pas moins des recordable offences qui doivent être enregistrées par la police. La réglementation ci-après s'applique en matière de conservation: le profil d'une personne (adulte ou mineure) condamnée pour une qualifying offence est conservé à vie (indefinite) dans le système d'information, de même que celui d'une personne adulte condamnée pour une minor offence. Le profil d'une personne mineure condamnée pour la première fois pour une minor offence reste dans le NDNAD pendant la durée de la peine privative de liberté et les 5 ans qui s'ensuivent, ou à vie si la peine privative de liberté est supérieure à 5 ans; si elle est condamnée pour la seconde fois, son profil d'ADN est conservé à vie dans le système d'information. S'agissant des profils de personnes de tout âge qui n'ont pas été condamnées mais ont toutefois 80 81

ISDC, Legal Opinion, p. 62.

Texte sur: www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006071154& dateTexte=20200428 (dernière consultation le 28 avril 2020).

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fait l'objet d'une plainte pour une qualifying offence (unconvicted individuals), un délai de conservation de 3 ans s'applique. Enfin, les profils d'ADN de personnes de tout âge qui ont seulement été arrêtées pour qualifying offence sans avoir été inculpées pour cette infraction peuvent être enregistrés pendant 3 ans sur ordonnance spéciale du Biometrics Commissioner82.

En Autriche, les prescriptions de la loi fédérale sur l'organisation de la sécurité et l'activité de la police administrative (loi sur la police de sécurité, Sicherheitspolizeigesetz, SPG) sont déterminantes pour la conservation des profils d'ADN 83. Le profil d'ADN d'une personne peut être établi selon le § 67, al. 1, SPG à la condition qu'elle soit suspectée d'avoir commis une infraction contre l'intégrité sexuelle et l'autodétermination ou une infraction intentionnelle passible d'une peine privative de liberté de 1 an au moins et qu'il y ait lieu de craindre, du fait de la nature ou de l'exécution de l'acte ou de la personnalité de l'individu concerné, que celui-ci, en commettant des attaques graves, laissera des traces qui permettront de le reconnaître sur la base des données génétiques relevées. En vertu du § 73, al. 1, SPG, les données signalétiques, et partant les profils d'ADN, sont effacés si la personne en cause a plus de 80 ans et que 5 années se sont écoulées depuis le dernier relevé signalétique (ch. 1), ainsi que 5 ans après le décès de cette dernière (ch. 3).

3.3

La recherche en parentèle

C'est le Royaume-Uni qui dispose de la plus grande expérience en matière de recherche en parentèle, procédé qu'il a utilisé pour la première fois en 2003. Une telle recherche (familial search) ne peut être réalisée qu'avec l'approbation du NDAD Strategy Board84. Quelque 200 recherches de ce type y ont été effectuées entre 2003 et 2011, lesquelles ont contribué à l'élucidation d'une quarantaine d'infractions graves85.

En France, le procédé a été employé pour la première fois en 2011, sur la base d'une décision de la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice

82

83 84

85

Cf. en détail: National DNA Database Strategy Board, Annual Report 2015/16, pp. 3 à 5 (principes de base) et 29s. (délais de conservation). Texte sur: www.gov.uk/government/ publications/national-dna-database-annual-report-2015-to-2016.

Texte sur: www.ris.bka.gv.at/GeltendeFassung.wxe?Abfrage=Bundesnormen& Gesetzesnummer=10005792.

National DNA Database Strategy Board, Annual Report 2015/16, p. 3 (cf. note de bas de page 81 pour la source qui cite le rapport). Le Strategy Board est notamment composé d'un représentant de chacun des organes suivants: le National Police Chief's Council, le ministère de l'Intérieur (Home Office) et l'Association of Police and Crime Commissioners. Y sont, par exemple, également représentés le DNA Ethics Group, le Forensic Science Regulator ou le Biometrics Commissioner.

Source: www.fbi.gov/services/laboratory/biometric-analysis/codis > Familial Searching (dernière consultation le 29 mai 2020). Cf. ISDC, Legal Opinion, p. 121s.

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prise après le meurtre d'Élodie Kulik (cf. ci-dessus, ch. 1.1.4, Un exemple concret)86.

Depuis, le procédé a été formellement réglé dans le CPP-F, dont l'art. 706-56-1-1, al. 1, dispose: «Lorsque les nécessités d'une enquête ou d'une information concernant l'un des crimes prévus à l'article 706-55 [liste des infractions pour lesquelles une saisie est prévue dans le système d'information sur les profils d'ADN] l'exigent, le procureur de la République ou, après avis de ce magistrat, le juge d'instruction, peut requérir le service gestionnaire du fichier afin qu'il procède à une comparaison entre l'empreinte génétique enregistrée au fichier établie à partir d'une trace biologique issue d'une personne inconnue et les empreintes génétiques des personnes mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l'article 706-54 [personnes condamnées pour les infractions listées ou suspectées d'en avoir commis] aux fins de recherche de personnes pouvant être apparentées en ligne directe à cette personne inconnue.» Aux Pays-Bas, la recherche en parentèle est autorisée par la loi depuis 2012. Sur le plan conceptuel, une distinction est opérée entre la recherche «passive» et la recherche «active». Si la comparaison d'un profil standard dans le système d'information fournit de façon fortuite une concordance partielle indiquant un possible lien de parenté, il est question de recherche passive. Celle-ci est soumise à moins de conditions légales que la recherche active, laquelle consiste dès le départ en une recherche ciblée de profils d'ADN similaires dans le système d'information. La recherche active ne doit être utilisée que pour élucider des infractions graves87.

En Allemagne, seule la recherche passive, selon la terminologie néerlandaise ci-dessus, est autorisée (analyse des concordances partielles), et cela dans le cadre d'une enquête ADN de grande envergure. Elle permet de déterminer si le matériel de trace provient des personnes dont un échantillon a été prélevé ou des membres de leur famille en ligne directe ou collatérale jusqu'au troisième degré (§ 81h, al. 1, CPP)88.

Les États-Unis disposent du National DNA Index System (NDIS) pour l'ensemble du pays. Les laboratoires opérant aux niveaux fédéral, étatique et local y enregistrent les profils d'ADN. Le Federal Bureau of Investigation (FBI) n'effectue lui-même
aucune recherche en parentèle dans le NDIS. Il appartient à chaque État de décider de l'admissibilité de principe de telles recherches. 14 États les autorisent actuellement89. La Californie, qui dispose d'une réglementation détaillée, a été le premier État à introduire le procédé, en 2008. Les recherches sont effectuées par le Department of Justice (DoJ) de l'État californien. Le ministère public chargé du cas concerné doit signer au 86

87 88 89

Cf. Le Monde du 21 février 2012, Comment l'enquête sur le meurtre d'Elodie Kulik a été relancée par l'ADN d'un parent, sur: www.lemonde.fr/societe/article/2012/02/21/ comment-l-enquete-sur-le-meurtre-d-elodie-kulik-a-ete-relancee-par-l-adn_1642851_ 3224.html, ainsi que: Pham-Hoai Emmanuel/Crispino Frank/Hampikian Greg, The First Successful Use of a Low Stringency Familial Match in a French Criminal Investigation, dans: Journal of Forensic Sciences, mai 2014, vol. 59, n° 3, p. 816 ss, sur: onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/1556-4029.12372. Cf. ISDC, Legal Opinion, p. 49s.

ISDC, Legal Opinion, p. 80 ss.

Cf. en détail ISDC, Legal Opinion, p. 58 ss. Cf. ci-dessous commentaire de l'art. 256, al. 2, P-CPP, note de bas de page 159.

ISDC, Legal Opinion, p. 137 ss.

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préalable avec le DoJ une convention standard (Memorandum of Understanding), où sont définies les conditions légales afférentes à la réalisation d'une telle recherche. 2 États interdisent formellement la recherche en parentèle90.

4

Présentation du projet

4.1

Réglementation proposée

Les éléments clés du projet sont présentés ci-après avec mention des adaptations apportées sur la base des résultats de la consultation. Pour les détails, se référer au commentaire de l'article correspondant (cf. ci-dessous, ch. 5).

4.1.1

Le phénotypage

Le phénotypage vise à appuyer les autorités de poursuite pénale dans leurs enquêtes: il permet d'obtenir soit de premiers éléments sur le possible profil de l'auteur de l'infraction lorsque ceux-ci font défaut, soit des éléments supplémentaires qui viennent préciser ou confirmer des informations disponibles. Il pourra en outre être utilisé lors d'une enquête de grande envergure au sens de l'art. 256 CPP pour réduire au maximum le cercle des personnes soumises à un prélèvement. L'importance de cette utilisation possible a été particulièrement soulignée lors de la consultation 91.

La réglementation du phénotypage doit répondre à ces trois questions centrales: Quelles caractéristiques a-t-on le droit de mettre en évidence à partir d'une trace d'ADN? Pour l'élucidation de quelles infractions ou catégories d'infractions cet instrument peut-il être utilisé? Quelle autorité a la compétence d'ordonner cette mesure?

Compte tenu des résultats de la procédure de consultation, le Conseil fédéral propose une réglementation couvrant les principaux points suivants: Caractéristiques Globalement, la liste des caractéristiques pouvant être analysées était l'objet principal des avis recueillis lors de la consultation. L'avant-projet du Conseil fédéral du 28 août 2019 prévoyait l'énumération exhaustive de ces caractéristiques dans la loi (art. 2, al. 2, 2e phrase, de l'avant-projet de la loi sur les profils d'ADN). Considérée comme trop rigide, cette solution a été rejetée par la majorité des cantons, la CCDJP et la CCPCS. Ces derniers ont demandé que les caractéristiques soient fixées non pas dans la loi mais au niveau de l'ordonnance ou, du moins, qu'elles ne soient pas listées exhaustivement dans la loi. Les prises de position de la Commission fédérale pour l'analyse génétique humaine (CFAGH), de la SSML et des instituts de médecine légale de Berne et de Lausanne vont en définitive aussi dans ce sens, en préconisant une régle90

91

Source: www.fbi.gov/services/laboratory/biometric-analysis/codis/codis-and-ndisfact-sheet. Texte du Memorandum of Understanding en vertu du droit californien: oag.ca.gov/sites/all/files/agweb/pdfs/bfs/fsc-mou-06142011.pdf (dernière consultation le 25 avril 2018).

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 16 (FSA).

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mentation conçue de manière à pouvoir être rapidement adaptée aux avancées technico-scientifiques en matière de phénotypage. De manière générale, les partis politiques ont pour leur part demandé une réglementation qui pose dans la loi des limites claires au phénotypage au vu des atteintes aux droits fondamentaux92. La solution ciaprès tient compte des souhaits des deux parties, en permettant une certaine flexibilité tout en établissant une délimitation légale: ­

Conformément à l'avant-projet, ne peuvent être analysées que les caractéristiques morphologiques apparentes; l'analyse de caractéristiques de nature psychologique ou liées au tempérament ou à l'état de santé est formellement interdite.

­

Cinq de ces caractéristiques sont énumérées de façon exhaustive dans la loi; il s'agit de la couleur de la peau, des yeux et des cheveux ainsi que de l'origine biogéographique et de l'âge.

­

Une norme de délégation habilite le Conseil fédéral à autoriser le phénotypage de caractéristiques morphologiques apparentes supplémentaires en fonction des avancées technico-scientifiques. Quant à la liste des caractéristiques figurant dans l'ordonnance, elle est exhaustive jusqu'à ce qu'elle soit éventuellement complétée. Il s'agit là de la principale nouveauté par rapport à l'avantprojet.

En Suisse comme à l'étranger93, les discussions autour du phénotypage soulèvent régulièrement des questions cruciales telles que celles de la discrimination de minorités (ethniques) et du profilage racial. Une critique concernant l'origine biogéographique comme caractéristique pointe la réalité suivante: en Suisse, une analyse qui fournit le résultat «origine européenne» ne permet pas vraiment de mieux cibler une enquête, contrairement à un résultat indiquant l'appartenance à une population minoritaire. Le profilage racial relève de l'interdiction générale de la discrimination prévue à l'art. 8, al. 2, Cst. Il peut également constituer un élément de l'infraction de discrimination raciale visée à l'art. 261bis CP94. Il serait logique mais cependant erroné de taxer de discriminatoire le résultat d'un phénotypage qui désigne une minorité ethnique et de le considérer comme une forme de racisme. Il n'y a profilage ethnique ou profilage racial que lorsque les autorités de police, de sécurité, de migration ou de douane fondent leurs actions vis-à-vis d'une personne, pour autant qu'elles disposent d'une telle marge d'appréciation, sur des critères généraux tels que la «race», l'appartenance ethnique, la religion ou la nationalité, et non pas sur le comportement de cette personne et des éléments de preuve objectifs, tels que des analyses des risques donnant lieu à

92 93

94

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 7 (aperçu des prises de position sur le phénotypage) et 8 s.

Cf. à ce sujet: Samuel Gabrielle/Prainsack Barbara, Societal, ethical, and regulatory dimensions of forensic DNA phenotyping, projet VISAGE/Visible Attributes Through Genomics, septembre 2019, sur: www.visage-h2020.eu/PDF/Delliverable_5.2_for_ online_publication_vo1.pdf.

Avis du Conseil fédéral sur l'interpellation Arslan 17.3601 «Contrôles au faciès.

Point de vue du Conseil fédéral», ch. 7.

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des soupçons95. Notons en outre que les résultats d'un phénotypage peuvent aussi être utilisés pour innocenter une personne96.

Ni les caractéristiques ethniques ou la couleur de la peau mentionnées dans les profils de personnes suspectes utilisés par les autorités de poursuite pénale, ni le travail de l'analyste criminel (profiler en anglais) qui vise à enquêter sur l'auteur d'une infraction ne sont du profilage racial. L'analyse de l'origine biogéographique d'un donneur de trace résulte d'un procédé scientifique; elle est par conséquent neutre. Elle ne préjuge d'aucun résultat: les autorités d'enquête ne savent pas, au moment où elles mettent en sûreté une trace pour faire ensuite phénotyper des caractéristiques morphologiques, à quelle population appartient le donneur de la trace. Elles ne peuvent donc effectuer aucune présélection au préjudice d'une population déterminée.

Bien que l'analyse de l'origine biogéographique ou de la couleur de la peau ne soit pas du profilage racial, il faut s'attendre à ce que les répercussions puissent être disproportionnées pour les minorités lorsque ces caractéristiques sont mises en évidence dans le cadre du travail d'investigation. Par exemple lorsqu'en raison du résultat d'une analyse, certaines minorités sont davantage soumises à des tests généralisés, car cela est plus facile à réaliser étant donné le plus faible nombre de personnes à tester.

Catégories d'infractions L'avant-projet prévoyait la mise à disposition du phénotypage pour élucider tous les crimes au sens de l'art. 10, al. 2, CP, à savoir tous les éléments constitutifs d'infractions passibles d'une peine privative de liberté maximale de plus de 3 ans. Cette proposition a bénéficié d'un large soutien. Alors qu'une minorité des participants à la consultation demandait au contraire une solution plus restrictive (limitation aux crimes contre la vie et l'intégrité corporelle ainsi que contre l'intégrité sexuelle; liste restrictive des infractions), une autre minorité était favorable à un élargissement à tout élément constitutif d'un délit grave97. Le Conseil fédéral estime que la limitation du phénotypage à l'élucidation de crimes constitue une solution respectant le principe de proportionnalité (art. 36, al. 3, Cst.).

Compétence d'ordonner L'avant-projet prévoit que c'est le ministère public qui
ordonne le phénotypage. Certains participants à la consultation ont demandé l'attribution de cette compétence au tribunal des mesures de contrainte conformément à l'art. 18 CPP98. Selon la logique du CPP en vigueur, est transférée au tribunal des mesures de contrainte la compétence 95

96

97 98

Cf. la définition dans le rapport de 2018 du Service de lutte contre le racisme «Discrimination raciale en Suisse», p. 101, note de bas de page 229. Des informations supplémentaires sur cette thématique figurent au chap. 6.2.8 de ce rapport, consacré à la police.

Dans l'affaire du meurtre de Marianne Vaatstra aux Pays-Bas (cf. ci-dessus, note de bas de page 68), les soupçons de la population se sont rapidement portés sur un centre de requérants d'asile à proximité. L'analyse de l'origine biogéographique a cependant révélé que l'auteur présumé était vraisemblablement originaire du Nord-Ouest de l'Europe. Ce qui s'est ensuite confirmé: après 13 ans d'investigations, un homme d'origine européenne et néerlandaise, habitant non loin du lieu de l'infraction, a finalement reconnu les faits (en détail: Kayser, Y-chromosome, pp. 622 à 625).

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 19 s.

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 19 s.

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d'ordonner des mesures de procédure pénale qui portent dans une large mesure atteinte aux droits fondamentaux de la personne concernée ou résultent en des atteintes non manifestes99. Une telle atteinte n'existe pas lors de l'analyse de caractéristiques précises à partir de matériel biologique anonyme, ne pouvant être attribué à un individu distinct (cf. en détail ci-dessous, ch. 7.1.2). Il convient donc de s'en tenir à la solution prévue dans l'avant-projet: les phénotypages sont ordonnés par le ministère public en tant qu'autorité généralement compétente, en vertu du CPP en vigueur, pour ordonner des mesures de contrainte jusqu'à la mise en accusation (cf. art. 198, al. 1, let. a, CPP).

4.1.2

La réglementation d'effacement des profils d'ADN de personnes

La proposition de l'avant-projet visant à adapter la réglementation d'effacement des profils d'ADN de personnes a bénéficié d'un large soutien lors de la consultation et reste donc inchangée sur le fond dans le présent projet. En voici les points clés: ­

Le délai de conservation est défini une fois pour toutes par l'autorité compétente. Les seuls délais d'effacement pouvant être ultérieurement modifiés en fonction du cours de l'exécution de la sanction sont ceux de l'internement et des mesures thérapeutiques, qui constituent des cas particuliers.

­

La date à partir de laquelle la durée (fixe) de conservation commence à courir est modifiée sur la base des résultats de la consultation. Il s'agira de la date du jugement, pour autant que ce dernier ­ et cela est une nouveauté ­ soit entré en force.

­

Le profil d'ADN d'une personne décédée est conservé dans le système d'information pendant 10 ans après son décès, ce qui permettra éventuellement d'élucider des infractions non résolues pendant une durée limitée.

Le postulat 16.3003 porte sur la réglementation d'effacement des profils d'ADN. Notons ici que depuis le 1er septembre 2014, les empreintes digitales et palmaires traitées dans le système d'information AFIS sont soumises aux mêmes délais d'effacement que les profils d'ADN de personnes100. Une fois que la LCJ101 sera entrée en vigueur 99

Excepté pour ce qui est d'ordonner l'enquête ADN de grande envergure (art. 256), le tribunal des mesures de contrainte a, en vertu du CPP en vigueur, les compétences suivantes: ordonner la détention provisoire (art. 226), la détention pour des motifs de sûreté (art. 229) ou d'éventuelles mesures de substitution (art. 237); statuer sur la levée des scellés sur les documents de la procédure préliminaire (art. 248, al. 3, let. a); autoriser la surveillance des relations bancaires (art. 284); autoriser la surveillance de la communication par poste et télécommunication (art. 272 à 274), la surveillance au moyen de dispositifs techniques (art. 281, al. 4, en relation avec les art. 272 à 274) et l'investigation secrète (art. 289).

100 Après révision totale, l'ordonnance du 6 décembre 2013 sur le traitement des données signalétiques biométriques (RS 361.3) est entrée en vigueur le 1 er septembre 2014. Elle règle les détails du traitement des données dans la banque de données d'empreintes digitales AFIS (Automated Fingerprint Identification System), qui repose sur l'art. 354 CP.

Les art. 17 et 19 de la réglementation d'effacement correspondent quant au fond aux art. 16s. de la loi sur les profils d'ADN en vigueur.

101 FF 2016 4703 (acte sujet au référendum).

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­ probablement en 2023 ­, la réglementation d'effacement des profils d'ADN s'appliquera également aux données signalétiques cantonales102. Les délais d'effacement de toutes les données signalétiques seront alors harmonisés.

4.1.3

La recherche en parentèle

La proposition sur la recherche en parentèle mise en consultation a bénéficié d'un large soutien et reste donc inchangée sur le fond dans le présent projet: ­

La recherche peut (uniquement) être utilisée pour élucider des crimes au sens de l'art. 10, al. 2, CP. La pratique actuelle des cantons est de facto déjà conforme à cette norme: cet instrument n'a été utilisé jusqu'à présent que pour élucider des infractions graves.

­

La compétence d'ordonner la recherche en parentèle revient au ministère public, c'est-à-dire à l'autorité généralement compétente pour ordonner les mesures de contrainte jusqu'à la mise en accusation (cf. art. 198, al. 1, let. a, CPP).

Compte tenu des résultats de la consultation et contrairement à l'avant-projet, est écartée l'exigence selon laquelle, lors d'une recherche, le cercle des personnes soumises à un prélèvement «doit» être réduit à son minimum au moyen de l'établissement du profil d'ADN-Y ou de l'analyse de l'ADNmt (art. 4 de l'avant-projet). En effet, si certaines personnes étaient immédiatement éliminées du cercle des candidats dès lors que leur profil d'ADN-Y ou que le résultat de l'analyse de l'ADNmt excluent tout lien de parenté avec le donneur de la trace, des pistes d'enquête pertinentes pourraient dans certains cas être abandonnées au seul motif de l'exclusion génétique. L'analyse de ces données génétiques ne doit pas constituer le seul critère déterminant qui, dès lors qu'il n'est pas rempli, élimine automatiquement une personne du cercle des candidats. Si, dans un cas concret, les autorités d'enquête disposent d'indices montrant qu'une personne peut avoir un lien avec l'infraction malgré l'absence de concordance génétique, elles doivent pouvoir approfondir de tels indices103. La réglementation ne 102

Cf. LCJ, annexe 1, modification d'autres actes, ch. 3 (adaptation de l'art. 354 CP [données dans le système d'information AFIS]) et ch. 5 (adaptation de l'art. 261 CPP), FF 2016 4746 s. 4748 (acte sujet à référendum).

103 JU, NE, OW, TG, TI, VS; CCPCS; SSML, IML Berne. Il s'agit de cas concrets tels que le suivant: le profil d'ADN standard et le profil d'ADN-Y* du donneur de la trace inconnu X sont établis. Une recherche élargie est effectuée dans le système d'information.

A figure parmi les candidats. Le profil d'ADN-Y d'A est également dressé. Il en ressort qu'il ne concorde pas avec le profil du donneur de la trace X. En vertu de l'art. 4 de l'avant-projet de la loi sur les profils d'ADN, A devrait donc être éliminé de la liste des candidats. Et pourtant. L'arbre généalogique d'A montre par exemple que celui-ci a plusieurs fils. Ses fils pourraient d'emblée être mis hors de cause également puisqu'en théorie, ils doivent tous avoir le même profil d'ADN-Y que leur père. Mais c'est sans compter sur une éventualité d'importance: il se peut en réalité que l'un des fils (B) ait comme mère l'épouse d'A sans pour autant qu'A soit son père biologique; cela peut être le cas au su (par ex. adoption ou don de sperme) ou à l'insu d'A (conception adultérine de B).

B possèderait ainsi un autre profil d'ADN-Y que son père A, qui pourrait cependant être similaire à celui de ses deux frères et, surtout, à celui du donneur de la trace. B, qui n'aurait aucunement pu être identifié si le candidat A avait été éliminé, ne peut donc pas être exclu comme donneur possible de la trace.

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doit donc prévoir aucune disposition contraignante imposant des mesures pour réduire le cercle des candidats. Toutefois, le même principe de proportionnalité s'applique pour ordonner et exécuter une recherche que pour toute autre mesure de contrainte (art. 197, al. 1, let. c, CPP). La direction de la procédure est ainsi tenue de s'assurer au cas par cas que le nombre de candidats est réduit autant que possible et que la recherche est en même temps réalisée de manière ciblée. Exclure des personnes sur la base de leur profil d'ADN-Y ou de leur ADNmt est un moyen d'atteindre ce but, mais, comme mentionné plus haut, il ne doit pas s'agir là du seul critère déterminant. Pour réduire le cercle de ces personnes, les autres éléments d'enquête disponibles, tels que l'âge possible ou la localisation géographique de l'auteur présumé, sont également à prendre en considération.

Lors de la consultation, la définition de paramètres de recherche restrictifs a été demandée104. Les restrictions envisageables porteraient par exemple sur le type de ligne de parenté (ligne directe ou ligne collatérale) ou sur le degré de parenté (premier, deuxième, troisième degré de parenté, etc.) pouvant être analysés. Une telle rigidité réglementaire empêcherait inutilement qu'il puisse être tenu compte des exigences posées par chaque cas particulier lors de l'utilisation de cet instrument. Toutefois, il est incontestablement nécessaire de définir des paramètres technico-scientifiques contraignants, cela dit pas au niveau de la loi afin de pouvoir tenir compte des progrès de la science forensique également dans la recherche en parentèle. Le Conseil fédéral prévoit donc d'inscrire ces prescriptions dans le droit d'exécution, à savoir au niveau de l'ordonnance (cf. ci-dessous, ch. 4.2).

En outre, la recherche est soumise à des limitations d'ordre pratique qui restreignent étroitement les moyens de sa mise en oeuvre et son résultat. Elle ne peut être réalisée que si la trace fournit un profil d'ADN standard* simple et complet, comprenant les 16 loci* autosomaux105. Par ailleurs, le logiciel utilisé actuellement dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN* ne permet que des comparaisons au premier degré en ligne directe (parents/enfants) et en ligne collatérale (fratrie). En principe, des analyses des liens de parenté
seraient également possibles au-delà de ces deux paramètres. Une analyse des seuls 16 loci d'ADN utilisés actuellement en Suisse par la science forensique fournirait néanmoins des valeurs de probabilité si faibles qu'elles n'auraient guère d'utilité pour la poursuite pénale.

4.1.4

Points de réglementation supplémentaires

Prolongation de la durée de conservation du matériel issu d'échantillons prélevés sur des personnes Si le profil d'ADN d'une personne doit être établi, une petite quantité de matériel biologique est prélevée, par exemple au moyen d'un frottis de sa muqueuse jugale.

L'écouvillon avec l'échantillon est alors identifié de façon univoque par un numéro 104 105

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 17 (FSA).

Il s'agit là d'une condition restrictive. À titre de comparaison: une enquête de grande envergure au sens de l'art. 256 CPP peut également être réalisée quand la trace en rapport avec une infraction ne fournit qu'un profil d'ADN de mélange (trace de mélange), un profil incomplet d'ADN ou un profil d'ADN-Y.

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de contrôle de processus*. Le matériel issu de l'échantillon nécessaire à l'établissement du profil est envoyé au laboratoire d'analyse d'ADN, où il est conservé de manière sécurisée. À partir de là, l'autorité qui ordonne la mesure (généralement le ministère public) dispose de trois mois, conformément à l'art. 9, al. 1, let. b de la loi sur les profils d'ADN, pour décider si dans le cas d'espèce le profil d'ADN doit être établi à partir de l'échantillon. Dans tous les cas, le laboratoire détruit l'échantillon trois mois après l'avoir réceptionné (art. 9, al. 2). Il s'est toutefois avéré que cette réglementation de conservation présente des inconvénients considérables: Nouveau typage pour renforcer la valeur informative des profils S'agissant du nouveau typage d'un profil d'ADN effectué dans le but de renforcer sa valeur informative, il convient de noter surtout les deux cas d'application suivants: dans le cas d'espèce, l'interprétation d'un profil d'ADN en soi exact peut aussi être grevée d'incertitudes. La plupart du temps, ces incertitudes peuvent être éliminées grâce au typage de loci* supplémentaires. Le deuxième cas d'application est plus général: la liste des loci* que le laboratoire d'analyse forensique d'ADN doit analyser pour établir les profils d'ADN de personnes ou de traces en vertu de l'art. 1, al. 5, de l'ordonnance du DFJP du 8 octobre 2014 sur les laboratoires d'analyse d'ADN106 repose sur des standards internationaux. Ces standards, et donc la liste définie dans l'ordonnance, sont régulièrement complétés, selon l'expérience tous les 10 ans environ. En Suisse, on travaillait à l'origine avec un jeu de données de 10 loci107; ils sont actuellement au nombre de 16. De ce fait, le système suisse d'information fondé sur les profils d'ADN contient aujourd'hui à la fois des profils basés sur 10 loci et d'autres basés sur 16 loci. Cette disparité des jeux de données a pour diverses raisons des conséquences négatives sur les recherches effectuées dans le système d'information.

Techniquement, il serait aisément possible d'ajouter rétroactivement les 6 nouveaux loci aux anciens profils basés sur 10 loci: il suffirait de procéder à un nouveau typage.

Pour cela, il faudrait toutefois que le matériel biologique permettant d'analyser les loci supplémentaires soit encore disponible, ce qui n'est
pas le cas en raison du délai de conservation de 3 mois fixé par le droit en vigueur (art. 9, al. 1, let. b, et 2, de la loi sur les profils d'ADN). Une durée de conservation de 15 ans crée les conditions permettant de réaliser ces nouveaux typages.

Nouveau typage pour établir le profil d'ADN-Y et analyser l'ADNmt Le profil d'ADN-Y* établi à partir d'une trace ou l'analyse de l'ADNmt d'une donneuse de trace ( ADN mitochondrial*, haplotype*) permettent de remonter dans les lignées de parenté paternelle et maternelle entre différents donneurs de trace. Dans le cadre d'une recherche en parentèle, ces informations servent notamment à réduire davantage le cercle de personnes ayant un lien de parenté présumé avec le donneur de la trace (cf. ci-dessus, ch. 1.1.4, Recherche en parentèle: déroulement, et ch. 4.1.3). Or la recherche élargie est un instrument nécessitant une lourde mise en oeuvre, auquel on ne recourt que si les autres pistes et méthodes d'investigation n'ont pas abouti.

Toujours est-il que la pratique actuelle ­ et cela est ici déterminant ­ est d'ordonner 106 107

RS 363.11 Cf. art. 1, al. 5, de l'ordonnance du DFJP du 29 juin 2005 sur les laboratoires d'analyse d'ADN abrogée au 1er janvier 2015 (RO 2005 3341).

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la recherche généralement bien après que l'échantillon ait été détruit, le délai de conservation de 3 mois visé à l'art. 9, al. 1, let. b, et 2, de la loi sur les profils d'ADN ayant depuis longtemps expiré. Au moment où ce délai a été défini, soit lors de la création de la loi sur les profils d'ADN en 2003, la recherche en parentèle n'était pas encore à l'ordre du jour. Depuis, il s'est avéré dans la pratique que ce délai ne permettait pas de procéder aux analyses supplémentaires nécessaires pour déterminer l'ascendance familiale et ainsi réduire davantage la liste des candidats. Le même problème peut se poser dans le cadre d'une enquête de grande envergure au sens de l'art. 256 CPP. Si la comparaison du profil d'ADN standard du donneur de la trace avec le profil d'ADN des personnes soumises à l'enquête de grande envergure montre que le donneur de la trace ne se trouve pas parmi ces dernières, il peut être important pour les autorités d'enquête de vérifier si l'une de ces personnes ne serait pas éventuellement apparentée au donneur de la trace. Le présent projet autorisera formellement une telle analyse (cf. ci-dessous, Art. 256, al. 2, P-CPP). Cela signifie que les autorités d'enquête doivent pouvoir ici aussi procéder à un nouveau typage des profils d'ADN des personnes soumises à l'enquête de grande envergure pour établir leur profil d'ADN-Y ou leur ADNmt.

Nécessité d'une réglementation Certains participants à la consultation ont critiqué la prolongation du délai de conservation du matériel issu d'échantillons prélevés sur des personnes108. Il est certain que le traitement de ces échantillons doit être soumis à une réglementation stricte; en effet, il faut tenir compte du fait que les échantillons cellulaires non seulement auraient «un caractère éminemment personnel», mais aussi contiendraient «beaucoup d'informations sensibles sur un individu, notamment sur sa santé»109. La prolongation à 15 ans du délai de conservation est cependant ici en lien direct, tel que décrit plus haut, avec l'efficacité de l'analyse d'ADN dans la procédure pénale. Elle répond donc à un intérêt public prépondérant (art. 36, al. 2, Cst.). Elle est par ailleurs proportionnée au but visé (art. 36, al. 3, Cst.): elle permet de procéder, dans le cadre d'une recherche élargie, aux nouveaux typages susmentionnés visant à
réduire le cercle des personnes concernées. Grâce à cette réduction, les recherches en parentèle peuvent être effectuées de manière plus respectueuse des droits fondamentaux. Sans cette prolongation du délai de conservation, il faudrait ordonner pour chaque candidat le prélèvement d'un nouvel échantillon. Cela non seulement serait complexe, mais pourrait s'avérer impossible si par exemple la personne n'est pas disponible pour le prélèvement de l'échantillon (séjour à l'étranger, décès, etc.). Par ailleurs, l'échantillon conservé au laboratoire ne peut plus être attribué à une personne précise à partir du moment où le délai de conservation du profil d'ADN de personne a expiré et qu'il a été effacé. En effet, si le délai d'effacement d'un profil d'ADN de personne a expiré, les données relatives à la personne ou au cas sont effacées du système d'information IPAS*, et le profil d'ADN de CODIS*. Le numéro de contrôle de processus* correspondant est lui aussi effacé. Ce qui est un fait d'importance, car l'échantillon conservé au laboratoire 108 109

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 12.

Arrêt CourEDH S. et Marper c. Royaume-Uni du 4 décembre 2008, § 70s. Selon la CourEDH, la conservation d'échantillons cellulaires porte atteinte au droit au respect de la vie privée de la personne concernée au sens de l'art. 8, ch. 1, CEDH (ibid., § 70 à 77, et 120).

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n'est identifié qu'au moyen de ce numéro. Si celui-ci est effacé, l'échantillon ne peut plus être attribué à une personne. Par ailleurs, les échantillons sont conservés par le laboratoire d'analyse d'ADN dans le respect d'exigences élevées en matière de sécurité, lesquelles font régulièrement l'objet d'un contrôle110.

Conclusion Le matériel biologique nécessaire aux nouveaux typages tant dans le but de maintenir la qualité des profils que d'analyser l'ascendance familiale doit encore être disponible au moment opportun. La prolongation de la durée de conservation à 15 ans permet une telle disponibilité du matériel dans la grande majorité des cas. Cette durée de conservation est aujourd'hui déjà appliquée au matériel biologique issu d'un échantillon de trace111.

Saisie du profil d'ADN-Y dans le système d'information Utilité spécifique du profil d'ADN-Y pour la poursuite pénale Le profil d'ADN-Y* établi sur la base du chromosome Y (masculin) n'est pas unique à chaque individu (de sexe masculin). Son utilité spécifique réside dans le fait qu'il permet l'analyse génétique des lignées paternelles. En Suisse, l'établissement du profil d'ADN-Y* a dès le début fait partie des analyses de routine (cf. art. 7, let. b, de l'ordonnance du DFJP sur les laboratoires d'analyse d'ADN). C'est surtout dans les infractions sexuelles, mais aussi dans les actes de violence sur des femmes et les féminicides, qu'il n'est pas rare que l'ADN de la victime se superpose à celui du coupable (présumé) dans les traces prélevées sur la victime (au moyen de frottis ou sur ses habits). Il est alors pratiquement impossible d'établir un profil d'ADN standard à partir des composants masculins minoritaires de la trace. Au contraire, l'analyse de l'ADN-Y permet de cibler et ­ fait crucial ­ de typiser la part d'ADN de l'homme dans la trace, indépendamment de celle de la femme. Ce typage du profil d'ADN-Y est régulièrement réalisé dans les cas susmentionnés; il permet souvent de détecter la présence d'une trace masculine tierce. Sur la base du profil d'ADN-Y, une comparaison locale des profils peut être effectuée de façon ciblée, à savoir pour les personnes suspectées.

Actuellement, l'utilisation des profils d'ADN-Y s'arrête là. Ils sont versés aux dossiers du laboratoire d'analyse d'ADN. Il est prévu que ces profils puissent, sur
demande spéciale de la direction de la procédure, être saisis dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN visé à l'art. 10 de la loi sur les profils d'ADN, pour être disponibles dans toute la Suisse. Les profils d'ADN-Y pourront ainsi être recherchés dans le système et gagner considérablement en utilité pour les enquêtes pénales:

110

Afin qu'un laboratoire d'analyse puisse traiter des profils forensiques d'ADN, celui-ci doit être formellement reconnu par le DFJP (art. 2, al. 1, de l'ordonnance sur les profils d'ADN). L'une des conditions de cette reconnaissance est que le laboratoire soit accrédité par le Service d'accréditation suisse (SAS; ibid., al. 2, let. a). Cette accréditation doit être conforme à la norme ISO/IEC 17025 (art. 1, al. 1, de l'ordonnance du DFJP sur les laboratoires d'analyse d'ADN). Selon le ch. 5.6.3.4 de la norme ISO, les laboratoires sont tenus de mettre en sûreté les matériaux concernés, dont font partie les échantillons.

111 Art. 6, al. 2, 2e phrase, de l'ordonnance sur les profils d'ADN

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La comparaison de traces dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN permettra, à partir d'un cas local, de déceler les liens entre diverses infractions (criminels en série) commises à un niveau régional voire suprarégional 112. De tels liens ne peuvent aujourd'hui être décelés qu'à condition que l'on puisse établir un profil d'ADN standard à partir d'une trace prélevée sur le lieu de l'infraction, ce qui n'est pas toujours possible pour les raisons techniques susmentionnées. Cela doit changer: du moment qu'un profil d'ADN-Y au moins a pu être établi à partir de la trace, il faudrait pouvoir le saisir lui aussi dans le système d'information et le comparer à d'autres profils de même type. Ce qui importe, c'est que la poursuite pénale ait la possibilité de déceler des liens entre différents lieux d'infraction également dans les cas où elle ne dispose que d'un profil d'ADN-Y.

Par exemple, un viol a été commis dans le canton A, suivi par un autre viol dans le canton B, et seul un profil d'ADN-Y a pu être établi dans les deux cas pour les raisons techniques susmentionnées. La comparaison du profil B dans le système d'information donne lieu à une concordance avec le profil A déjà enregistré, ce qui fournit une information importante, à savoir qu'il existe un lien entre les traces trouvées sur les deux lieux d'infraction. Les autorités de poursuite pénale savent toutefois que ce lien est un indice nécessitant des investigations de fond supplémentaires. Une concordance entre deux profils d'ADN-Y peut signifier qu'il s'agit d'un criminel en série. Mais vu que le profil d'ADN-Y ne fournit que des informations sur la lignée paternelle commune, le donneur ou les donneurs de la trace peuvent aussi être différentes personnes apparentées par la lignée paternelle. La concordance peut également être totalement fortuite.

Lors de la consultation, la question a été posée de savoir pourquoi le résultat de l'analyse de l'ADNmt n'était pas également saisi dans le système d'information visé à l'art. 10 de la loi sur les profils d'ADN113. En effet, cela serait tout à fait possible sur le plan technique. Contrairement à l'établissement du profil d'ADN-Y, qui fait partie des tâches standard du laboratoire114, l'analyse de l'ADNmt n'est que rarement réalisée dans la pratique. Il n'y aurait donc de toute façon
pas de données pertinentes suffisantes pour effectuer des comparaisons régulières. Par conséquent, le résultat de cette analyse spéciale ne sera pas saisi dans le système d'information.

Nécessité d'une réglementation Comparer un profil de trace standard dans le système d'information a pour but de vérifier si un donneur de trace déterminé a déjà commis une infraction dans le passé.

La concordance entre un profil de trace et un profil de personne existant peut s'expliquer par le fait que cette personne est le donneur de la trace. Il en va autrement lors de la comparaison d'un profil d'ADN-Y (de personne ou de trace). Le résultat de la recherche ne concerne pas un individu en particulier mais toutes les personnes qui appartiennent à la même lignée paternelle. La concordance fournie par le système d'information permet donc uniquement, mais tout de même, d'établir si un donneur

112 113 114

Cf. message relatif à la loi sur les profils d'ADN, FF 2001 32.

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 13 (TG).

Cf. art. 7, let. b, de l'ordonnance du DFJP sur les laboratoires d'analyse d'ADN (RS 363.11).

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de trace est apparenté à une ou plusieurs personnes déjà enregistrées. La mise en évidence d'un (possible) lien de parenté peut constituer une importante piste d'enquête, à mettre toutefois en relation avec des éléments supplémentaires 115. Cela signifie que des exigences légales plus strictes doivent être fixées pour ordonner la comparaison du profil d'ADN-Y (de personne ou de trace) que celles s'appliquant à la comparaison du profil d'ADN standard de trace, qui peut également être ordonnée par la police conformément à l'art. 255, al. 2, let. b, CPP. La comparaison de profils d'ADN-Y: ­

doit être ordonnée par le ministère public;

­

ne doit être utilisée que pour élucider les crimes au sens de l'art. 10, al. 2, CP.

4.1.5

Points supplémentaires traités lors de la consultation et leur mise en oeuvre dans le projet de loi

Réglementation de la compétence d'ordonner l'établissement d'un profil d'ADN de personne Divers cantons et des organisations de la poursuite pénale ont demandé lors de la consultation que la compétence d'ordonner l'établissement d'un profil d'ADN de personne soit déléguée à la police, comme cela était le cas avant l'entrée en vigueur du CPP. Rien ne justifierait que les empreintes digitales et les profils d'ADN soient réglementés différemment à cet égard116. Ce point avait déjà été abordé par 7 cantons et 2 organisations117 et examiné par le Conseil fédéral dans le cadre du projet 19.048 relatif à la modification du code de procédure pénale (mise en oeuvre de la motion 14.3383 de la CAJ du Conseil des États «Adaptation du code de procédure pénale»). Le Conseil fédéral estime qu'il n'est pas indiqué de modifier la réglementation de cette compétence; celle-ci a fait ses preuves et tient notamment compte du fait que la collecte et le traitement des échantillons d'ADN ne sont pas comparables à ceux des empreintes digitales.

Établissement du profil d'ADN d'une personne suicidée Certains participants à la consultation ont demandé la possibilité, sur le plan légal, d'établir un profil d'ADN lors d'un décès par suicide. Si une personne commet une infraction, laisse une trace biologique sur la victime, le lieu de l'infraction, etc., et finit par s'ôter la vie à un autre endroit, il n'est pas possible aujourd'hui d'établir le lien avec l'homicide perpétré au préalable en dressant son profil d'ADN et en le comparant dans le système d'information. Le Conseil fédéral a examiné cette demande pour parvenir à la conclusion que le droit en vigueur autorise tout à fait l'établissement du profil d'ADN d'une personne suicidée. Conformément à l'art. 255, al. 1, let. c, CPP, il est possible de prélever un échantillon sur une personne décédée afin d'établir son profil. C'est une pratique fréquente en cas de mort suspecte (art. 253 CPP). Au besoin, 115 116 117

Cf. à ce sujet: Kayser, Y-chromosome, p. 625 ss.

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 21.

Synthèse des résultats de la consultation sur l'avant-projet de modification du code de procédure pénale et son rapport explicatif, Berne, août 2019, p. 31 (à consulter sur: www.bj.admin.ch/bj/fr/home/sicherheit/gesetzgebung/aenderungstpo.html).

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le cadavre d'une personne peut être exhumé en vertu de l'art. 254 CPP118. Étant donné que les défunts sont de nos jours souvent incinérés ­ ce qui exclut une exhumation ultérieure ­, le procureur doit notamment, lors d'une mort suspecte, déceler au moment de l'examen médico-légal les éléments quant à l'implication de la personne décédée dans une infraction.

4.2

Mise en oeuvre

S'agissant du phénotypage, il convient de définir, au niveau de l'ordonnance, la structure du processus à suivre par le Département fédéral de justice et police (DFJP) pour examiner à l'intention du Conseil fédéral d'éventuelles caractéristiques supplémentaires sur la base de l'art. 2b, al. 4, du projet de loi sur les profils d'ADN. Des exigences techniques doivent également être fixées concernant la procédure d'analyse des caractéristiques (couleur de la peau, des cheveux et des yeux, origine biogéographique, âge et caractéristiques supplémentaires éventuelles en vertu de l'art. 2b, al. 2 et 4, du projet de loi sur les profils d'ADN). Concrètement, il s'agit d'exigences de qualité pour les analyses, de normes d'évaluation uniformes pour l'interprétation des résultats, d'exigences quant au contenu des rapports d'expertise des laboratoires et de consignes pour le contrôle régulier de la qualité des travaux de laboratoire (participation à des essais scientifiques interlaboratoires).

La mise en pratique de la recherche en parentèle nécessite de régler par exemple l'application des paramètres de recherche et l'utilisation des analyses supplémentaires (profil d'ADN-Y et ADNmt). Des paramètres spéciaux devront en outre être fixés pour le profil d'ADN-Y (de personne et de trace) concernant ses conditions de saisie dans le système d'information, d'une part, et l'interprétation des résultats des comparaisons et leur utilisation dans les enquêtes, d'autre part. S'agissant de la nouvelle réglementation des délais d'effacement, de nouvelles dispositions peuvent être nécessaires au niveau de l'ordonnance pour adapter le processus de communication sur le plan technique. Aux fins de l'application de l'art. 17 du projet de loi sur les profils d'ADN, il convient également de régler la procédure à suivre par fedpol pour communiquer, en vertu de l'art. 12, al. 1, 2e phrase, de l'ordonnance sur les profils d'ADN, l'échéance prochaine du délai de conservation des profils concernés aux organes cantonaux centraux de saisie, afin que ces derniers aient la possibilité de faire une demande de prolongation en temps utile.

Les nouveaux instruments introduits dans le cadre du projet, notamment le phénotypage et la recherche en parentèle, seront évalués par fedpol après 5 ans de mise en oeuvre, en vertu de l'art. 20a du projet de loi sur les profils d'ADN.

118

Cf. à ce sujet: BSK StPO-Fricker/Maeder, art. 255 CPP note 15 à 16, dans: Niggli Marcel Alexander/Heer Marianne/Wiprächtiger Hans (éd.), Basler Kommentar Schweizerische Strafprozessordnung ­ Jugendstrafprozessordnung, Bâle, 2014; également: Commentaire romand Code de procédure pénale­Rohmer/Vuille, art. 255 note 21.

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5

Commentaire des dispositions

5.1

Loi sur les profils d'ADN

Art. 1

Objet et but

À la let. a, la recherche en parentèle (ch. 2) et le phénotypage (ch. 3) sont inscrits dans la loi à titre de nouveaux instruments. La let. b correspond à l'actuel al. 1, let. c. En vertu de la let. c, le phénotypage peut notamment être utilisé, en dehors d'une procédure pénale, pour l'identification de personnes décédées. Cette disposition répond à un souhait émis par les cantons et les représentants de la médecine légale dans le cadre de la procédure de consultation119. La let. d correspond à l'actuel al. 1, let. b.

L'actuel al. 2 liste les possibilités d'utilisation de la comparaison de profils d'ADN dans la poursuite pénale. Il a été créé dans la loi sur les profils d'ADN alors que le CPP n'existait pas encore. C'est le cas aujourd'hui, et le but fondamental de ces analyses résulte donc du classement de l'analyse de l'ADN (art. 255 ss CPP) dans le titre 5 du CPP (Mesures de contrainte). Par conséquent, le contenu normatif de procédure pénale de l'al. 2 en vigueur est le résultat des art. 255 ss CPP créés entre-temps.

Le contenu de l'al. 2 en vigueur est entièrement repris dans le nouvel art. 1.

Le phénotypage diffère fondamentalement du profil d'ADN. La question se pose donc de savoir s'il ne faudrait pas modifier le titre de la loi. Le titre actuel est facile à comprendre et bien connu ­ surtout sous son titre court (loi sur les profils d'ADN) ­ et s'est établi dans la législation tout comme dans la doctrine et la jurisprudence suisses. Il serait envisageable de le généraliser, par exemple en «loi sur lanalyse forensique de l'ADN», de manière à inclure également le phénotypage. Mais la loi perdrait alors sa délimitation thématique claire avec une loi apparentée mais portant sur le domaine médical et d'autres domaines non forensiques: la LAGH. Par ailleurs, le profil d'ADN «classique» continuera d'être l'instrument central utilisé quotidiennement par la poursuite pénale. Le phénotypage peut certes constituer un outil crucial lorsque les seules comparaisons 1:1 ou 1:n d'un profil d'ADN de trace ne suffisent pas à faire avancer une enquête, mais en termes de chiffres, cette méthode ne sera utilisée que rarement en comparaison des profils d'ADN. C'est pourquoi adapter le titre n'est pas nécessaire.

Art. 1a (abrogé) Par suite de l'entrée en vigueur du CPP (1er janvier 2011), l'art. 1a a été
repris ultérieurement dans la loi sur les profils d'ADN dans un but de délimitation de contenu.

Cette disposition peut donc être supprimée, étant donnée la délimitation substantielle effectuée par rapport au CPP (cf. ci-dessus, ch. 1.1.5). La loi sur les profils d'ADN ne contient plus aucune disposition de procédure pénale, donc pas non plus de disposition relative à la procédure pénale en dehors du CPP.

119

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, pp. 10, 11, 19 et 20.

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Art. 2, al. 1 et 3 Avec la révision totale de la LAGH du 15 juin 2018120, la définition légale figurant à l'art. 2, al. 1, en vigueur a été adaptée de sorte qu'il n'est plus fait de distinction entre séquences codantes et non codantes. Cette ancienne distinction n'est en effet plus défendable au vu des connaissances scientifiques les plus récentes. Sont codants les marqueurs de l'ADN qui contiennent des informations nécessaires à la fabrication de protéines. En revanche, il n'est pas juste de qualifier, de manière généralisée, de non codants les marqueurs de l'ADN qui ne contiennent pas ce type d'informations, car ils peuvent eux aussi remplir une variété d'autres fonctions 121. La modification à venir de l'al. 1 conformément à la LAGH totalement révisée prévoit par ailleurs d'autres adaptations de la définition légale du profil d'ADN. La modification de la loi sur les profils d'ADN vient défaire ces nouvelles adaptations. En effet, il est prévu que le profil d'ADN en forensique soit légalement défini, comme dans le droit en vigueur, comme étant «un code alphanumérique propre à chaque individu». Cette définition a l'avantage d'opérer une distinction claire entre les profils d'ADN et le nouvel instrument qu'est le phénotypage.

La présente révision prévoit de supprimer à l'art. 1 la détermination des buts de l'utilisation du profil d'ADN (cf. ci-dessus, commentaire de l'art. 1). Par conséquent, l'art. 2, al. 3, doit être adapté du point de vue rédactionnel (utilisation «uniquement aux fins prévues par le droit de la procédure pénale»).

Art. 2a

Recherche en parentèle

La recherche en parentèle, introduite à l'art. 1, let. a, ch. 2, en tant que terme, est définie légalement dans un nouvel art. 2a. L'élément central de cette définition est d'une part la fixation du but spécifique qui distingue cette recherche d'une recherche standard, soit un aspect relevant du droit de la protection des données. Il ne s'agit pas là, comme dans la recherche standard, de contrôler si un profil de trace peut être attribué à une personne précise dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN* ou s'il correspond à un profil de trace déjà enregistré, mais plutôt de trouver dans le système des personnes qui pourraient avoir un lien de parenté avec le donneur de la trace. D'autre part, il est précisé que cette recherche, ordonnée par le ministère public (art. 198, al. 1, let. a, CPP), ne peut servir qu'à la poursuite de crimes. Il est au surplus renvoyé à la présentation de la recherche élargie dans la pratique au ch. 1.1.4 du présent document ainsi qu'à celle des grandes lignes de la réglementation légale au ch. 4.1.3.

120

FF 2018 3627 (acte sujet au référendum); concernant le moment de l'entrée en vigueur: cf. note de bas de page 121.

121 Cf. LAGH dans sa version du 15 juin 2018, annexe, ch. II.1, modification de la loi sur les profils d'ADN, FF 2018 3651 (projet sujet au référendum). Concernant l'adaptation parallèle correspondante de la définition légale dans la LAGH, cf. art. 3, let. j, de cette loi (FF 2018 3629). Les raisons de l'abandon de la distinction entre séquences «codantes» et «non codantes» dans la définition légale du profil d'ADN sont expliquées dans le message LAGH, FF 2017 5269 s. 5308 s.

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Art. 2b

Phénotypage

Al. 1 Le phénotypage, introduit en tant que terme à l'art. 1, let. a, ch. 3, est défini légalement dans le nouvel art. 2b. Cette définition porte essentiellement sur la limitation de l'instrument à une catégorie donnée de caractéristiques personnelles, à savoir celles qui sont morphologiquement apparentes. Les explications figurant au ch. 1.1.2 ci-dessus présentent chacun des éléments de cette définition légale. L'utilisation du terme ouvert de «marqueur ADN»* vise à exprimer le fait que les bases génético-moléculaires pour le phénotypage à l'intérieur de l'ADN peuvent se trouver aussi bien dans les gènes que dans des parties dépourvues de gènes. Les résultats d'un phénotypage sont par ailleurs accompagnés d'indications quant à la probabilité que le donneur de la trace présente les caractéristiques en question122. C'est pourquoi il est question d'obtenir des informations sur les caractéristiques morphologiques apparentes et non pas de les déterminer.

Al. 2 Remarque préliminaire: dans la littérature scientifique comme dans les sources publiques et les médias, des taux de probabilité sont mentionnés concernant chaque caractéristique. La distinction doit être faite entre la valeur afférente à la précision du test et celle afférente au résultat du test lui-même. La précision du test désigne la précision moyenne avec laquelle on peut prévoir la présence d'une caractéristique donnée. Elle se fonde sur le dépouillement des études menées auprès d'un grand nombre de personnes-tests. Le résultat du test désigne quant à lui la probabilité individuelle que le donneur de trace présente réellement la caractéristique mise en évidence par le phénotypage réalisé en laboratoire. La valeur de probabilité individuelle, en tant que résultat d'une analyse de phénotypage fondée sur l'ADN, fournit une indication tant sur le taux d'exactitude que sur le taux d'erreur. Un résultat indiquant une probabilité de 95 % que la personne testée ait des yeux bleus signifie que dans 95 cas sur 100, elle a bien les yeux bleus. Le taux d'erreur de ce résultat est donc de 5 %. Pour le travail d'investigation, c'est uniquement le résultat de test individuel dans un cas concret qui est pertinent. Quant à savoir quel degré doit atteindre la valeur de probabilité d'un résultat de test individuel pour être utilisable dans le cadre
d'investigations, il ne s'agit pas là d'une question scientifique mais d'une décision tactique des enquêteurs tenant compte de tous les autres aspects pertinents dans l'affaire.

Il est prévu pour l'instant que les 5 caractéristiques suivantes soient disponibles: la couleur des yeux, des cheveux et de la peau, l'origine biogéographique et l'âge (cf.

ci-dessus, ch. 4.1.1, Caractéristiques). Ces caractéristiques sont décrites en détail ciaprès.

Let. a Les 3 caractéristiques visées à la let. a ont pour point commun le fait qu'elles portent sur un signe distinctif lié à la pigmentation d'une partie du corps ou d'un organe.

122

Cela a également été mentionné dans le cadre de la consultation (cf. rapport sur les résultats de la consultation, p. 9 et 10 à propos de l'art. 2, al. 2, de l'avant-projet de la loi sur les profils d'ADN).

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Couleur des yeux: s'agissant de la détermination de la couleur des yeux, il existe actuellement un procédé (IrisPlex) qui permet de phénotyper 6 SNP* en même temps.

Les couleurs bleue et brun foncé, grâce à ces 6 SNP, peuvent être déterminées avec une grande précision. Les couleurs intermédiaires (verts ou gris mélangés par ex.) sont plus difficiles à prévoir avec la technologie actuelle.

Couleur des cheveux: le typage de 24 SNP précis au total au moyen d'un procédé développé (HIrisPlex) permet de détecter simultanément la couleur des yeux et des cheveux à partir d'une trace. Il faut tenir compte du fait qu'une partie de la population aux cheveux blonds connaît pendant l'adolescence un changement de couleur vers le blond foncé / châtain.

Couleur de la peau: les couleurs de peau blanche et noire très prononcées peuvent être décelées avec une très grande vraisemblance. Les tests aujourd'hui disponibles permettent également de classifier les différentes couleurs intermédiaires entre le foncé et le clair. Grâce à HIrisPlex-S, il est possible aujourd'hui d'analyser simultanément la couleur des yeux, des cheveux et de la peau au moyen du typage de 41 SNP.

Entre les caractéristiques que sont la couleur de la peau et l'origine biogéographique (cf. ci-dessous, let. b), il existe un lien factuel étroit. Dans la pratique, les autorités d'enquête devront souvent recourir en plus à l'analyse de l'origine biogéographique pour restreindre davantage le cercle des personnes présentant la même couleur de peau.

Les modèles de prévision concernant les caractéristiques liées à la pigmentation se fondent sur des caractéristiques génétiques indépendantes de la population. Ils peuvent donc aussi fonctionner pour des personnes d'origine biogéographique mixte.

Pour ce qui est de la couleur des yeux, des cheveux et de la peau, on trouve dans la littérature scientifique des valeurs de probabilité (précisions de test) pour chacune de ces caractéristiques, par exemple une valeur de prévision de 90 à 95 % environ pour les couleurs d'yeux bleus/bruns, etc.123. Il convient cependant de renoncer ici à toute indication chiffrée, dans la mesure où ces valeurs de test sont susceptibles de constamment évoluer en raison des avancées technico-scientifiques.

Let. b (origine biogéographique) L'ADN ( profil d'ADN*) des diverses
populations présente des différences. Certains allèles* apparaissent plus fréquemment dans une population que dans d'autres.

Afin d'obtenir une prévision fiable de l'origine biogéographique, il faut procéder à 123

Concernant les résultats individuels, cf. Kayser Manfred: Forensic DNA Phenotyping: Predicting human appearance from crime scene material for investigative purposes, dans: Forensic Science International: Genetics 18 (2015), p. 33 ss. Cf. également: Schneider Peter M./Prainsack Barbara/Kayser Manfred: Erweiterte forensische DNA-Analyse zur Vorhersage von Aussehen und biogeografischer Herkunft, dans: Deutsches Ärzteblatt, édition 116/2019, cahier 51-52, p. 873 ss (sur: www.aerzteblatt.de/archiv/211418/ Erweiterte-forensische-DNA-Analyse-zur-Vorhersage-von-Aussehen-undbiogeografischer-Herkunft); Bundeskriminalamt: Genetisches Phantombild (DNAPhenotyping), rapport du 12 janvier 2017, p. 6 s (sur: www.innenministerkonferenz.de/ IMK/DE/termine/to-beschluesse/2017-06-14_12/anlage-zu-top-27.pdf?__blob= publicationFile&v=2); EUROFORGEN: Making Sense of Forensic Genetics, Londres, 2017, p. 31 (sur: senseaboutscience.org/wp-content/uploads/2017/01/making-sense-offorensic-genetics.pdf).

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des analyses supplémentaires, notamment sur le chromosome Y* et l'ADNmt*. Sachant que les personnes venant de différents continents se distinguent entre elles par leur apparence, la caractéristique de l'origine biogéographique peut suffire à fournir des indications sur l'éventuelle apparence du donneur de la trace.

La procédure de test utilisée actuellement en forensique permet surtout de prévoir l'origine biogéographique d'un donneur de trace pour la région continentale, à savoir de déterminer s'il vient (probablement) d'Europe, d'Afrique, d'Asie de l'Est, d'Asie du Sud ou d'Asie du Sud-Ouest ou s'il appartient à une population indigène d'Océanie ou d'Amérique. C'est pourquoi on parle aussi d'analyse d'origine biogéographique continentale. En dehors de la science forensique, dans la recherche génétique généalogique, des prestataires privés (23andme, GEDmatch, MyHeritage, Ancestry, etc.)

sont en mesure de prévoir de façon plus détaillée l'origine biogéographique de leurs clients sur la base de centaines de milliers de marqueurs ADN. Pour la forensique, la situation de départ sera toujours différente, pour la simple raison que la quantité d'ADN obtenue à partir d'une trace est généralement minime et parfois de moins bonne qualité124.

Si le père et la mère du donneur de la trace proviennent de différents continents, l'analyse de l'ADN permet de savoir de quels continents il s'agit.

Let. c (âge) Au cours de la vie d'un individu, certaines modifications chimiques peuvent se produire sur certains marqueurs ADN (méthylation de l'ADN). Il est possible d'estimer l'âge biologique d'une personne sur la base du degré de méthylation 125. L'analyse de méthylation est actuellement la méthode la plus prometteuse à cette fin. Elle permet de définir l'âge du donneur de la trace à 4 ou 5 ans près (plus ou moins) pour la tranche des 20 à 60 ans environ. Chez les personnes plus jeunes ou plus âgées, les écarts peuvent être plus grands, en raison par exemple de la croissance ou d'une maladie.

Al. 3 L'avant-projet de modification de la loi sur les profils d'ADN comprenait une liste exhaustive des caractéristiques pouvant être recherchées (art. 2, al. 2, de l'avant-projet). Plusieurs participants à la consultation ont fait valoir qu'il faudrait autoriser toutes les caractéristiques pouvant servir à élucider des
infractions. Certains d'entre eux ont plaidé, dans tous les cas ou du moins à titre exceptionnel, en faveur d'un phénotypage qui fournirait des informations sur l'état de santé ou sur une éventuelle maladie du donneur de la trace, ce qui permettrait dans certains cas de restreindre de façon décisive le cercle des auteurs possibles de l'infraction 126. Le Conseil fédéral a toutefois clairement rejeté cette possibilité, arguant qu'aucune caractéristique liée à la 124

Les produits utilisés actuellement en forensique pour déterminer l'origine biogéographique se basent sur environ 150 marqueurs autosomaux. Les prestataires privés dans le domaine de la recherche généalogique utilisent quant à eux jusqu'à un million de marqueurs. Les analyses génétiques visant à déterminer les origines des personnes seront régies par l'art. 31, al. 1, let. c, LAGH dans sa version du 15 juin 2018 (révision totale; FF 2018 3627).

125 Il convient de distinguer l'âge biologique d'une personne de son âge chronologique, qui est déterminé par la date de naissance figurant sur son acte de naissance.

126 Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 9.

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personnalité, telles que le tempérament, le comportement ou l'intelligence, ou à la santé ne peuvent faire l'objet d'une analyse. L'atteinte aux droits fondamentaux qui en découlerait serait disproportionnée (cf. plus en détail ci-dessous, ch. 7.1.2, Phénotypage). L'exclusion de cette catégorie de caractéristiques figure explicitement dans la loi, à l'art. 3.

Al. 4 L'al. 4 ajouté au projet de loi constitue une, si ce n'est la nouveauté significative par rapport à l'avant-projet (concernant la justification du contenu de la norme, cf. les explications au ch. 4.1.1 ci-dessus). La réglementation proposée correspond formellement aux critères généraux développés par le TF concernant une délégation législative127: la norme de délégation est contenue dans une loi; elle est limitée à un domaine déterminé et précisément défini; les principes généraux de la matière déléguée sont contenus dans la loi elle-même. En déterminant que seules les caractéristiques morphologiques apparentes peuvent être phénotypées et que l'analyse ne peut pas porter sur des caractéristiques psychiques, liées au tempérament ou à l'état de santé de la personne concernée, on inscrit formellement dans la loi la catégorie des caractéristiques admissibles. C'est cette catégorie de caractéristiques qui définit la portée qualitative des «restrictions graves» des droits fondamentaux au sens de l'art. 36, al. 1, Cst. À l'inverse, les différentes caractéristiques (couleur des yeux, de la peau, etc.)

n'ont pas en soi de qualité qui les distinguerait les unes des autres au niveau légal.

Autrement dit, la caractéristique apparente en elle-même n'est pas soumise à l'exigence constitutionnelle d'un ancrage dans une loi formelle. Chaque nouvelle caractéristique introduite au niveau de l'ordonnance doit impérativement se mouvoir à l'intérieur de la catégorie des caractéristiques morphologiques apparentes fixée au niveau légal formel aux al. 1 et 3.

Titre précédant l'art. 3 (abrogé) Le contenu de l'actuel art. 3, al. 1 et 2, est entièrement couvert par les art. 255 et 256 CPP depuis leur entrée en vigueur, raison pour laquelle cette disposition peut être abrogée. La norme de l'art. 3, al. 3, en vigueur peut être supprimée: étant donné que depuis l'entrée en vigueur du CPP (le 1 er janvier 2011), le ministère public ordonne l'établissement du profil
d'ADN (art. 255, al. 1, CPP en relation avec l'art. 198, al. 1, let. a, CPP), la vérification des conditions afférentes à son enregistrement dans le système d'information est déjà assurée.

Les contenus des art. 4, 5 et 7 en vigueur sont parallèlement aussi réglés dans les art. 255 et 257 CPP. Du fait de la nouvelle délimitation substantielle qui doit être effectuée par rapport au CPP (cf. ci-dessus, ch. 1.1.5), ces trois articles peuvent être abrogés dans la loi sur les profils d'ADN. L'art. 3 est doté d'un nouveau contenu (Informations excédentaires). Ces adaptations ont pour effet que le titre existant (Section 2 Prélèvement des échantillons et analyse de l'ADN) est abrogé. L'art. 6 étant l'unique disposition restante de cette section, il est intégré sous une nouvelle section (cf. ci-dessous, Section 2 Identification en dehors d'une procédure pénale).

127

Häfelin Ulrich/Haller Walter/Keller Helen/Thurnherr Daniela, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 9e édition, Zurich 2016, chiffre marg. 1872 et 1874.

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Art. 3

Informations excédentaires

Il n'y a rien à ajouter au commentaire concernant les informations excédentaires qui figure dans le message du Conseil fédéral du 5 juillet 2017 sur la révision totale de la LAGH: «[L]es personnes impliquées dans la réalisation de l'analyse doivent veiller à ce que la production d'informations excédentaires soit évitée autant que possible. Ce principe concerne diverses étapes du processus: le séquençage, l'évaluation technique et l'interprétation des données. Le fait d'éviter de collecter des données génétiques non nécessaires découle déjà du principe de proportionnalité du droit de la protection des données»128.

Certes, la loi sur les profils d'ADN en vigueur n'indique pas formellement que les informations excédentaires sont à éviter. Toutefois, le principe selon lequel elles ne doivent pas être saisies dans le rapport d'analyse ni être communiquées à des tiers a dès le début toujours prévalu dans l'analyse forensique de l'ADN aussi129. Avec l'introduction du phénotypage qui, contrairement au profil d'ADN va au-delà de l'analyse de caractéristiques d'ordre non personnel (cf. ci-dessus, ch. 1.1.2, Délimitation par rapport au phénotypage: le profil d'ADN standard), une réglementation formelle des informations excédentaires devient nécessaire.

L'al. 1 établit le principe selon lequel les informations excédentaires doivent être évitées autant que possible. Il s'appuie quant à sa teneur sur le modèle de l'art. 9 de la LAGH du 15 juin 2018130. Cette disposition s'applique à l'analyse de l'ADN aussi bien à des fins de poursuite pénale qu'à celles en dehors de la procédure pénale.

L'al. 2 définit comment procéder lorsque des informations excédentaires sont malgré tout produites. Deux points matériels sont modifiés par rapport à l'avant-projet. Dans ce dernier, ces informations devaient être détruites aussitôt par le laboratoire. Les représentants de la médecine légale ont toutefois précisé lors de la consultation que les informations considérées comme excédentaires en vertu de cette loi ne peuvent pas être isolées et éliminées du résultat fourni par l'analyseur. Cette disposition ne serait donc pas applicable sur le plan technique. Par ailleurs, la destruction immédiate de ces informations entraînerait de graves inconvénients, car elle empêcherait la reconstitution ultérieure du déroulement de l'analyse
ou le contrôle de la qualité du résultat d'analyse131. Les laboratoires d'analyse sont en effet tenus de documenter la totalité du processus d'analyse (chain of custody ou chaîne de conservation du résultat de l'analyse), conformément à la norme ISO 17025 «Exigences générales concernant la compétence des laboratoires d'étalonnages et d'essais». Ils ne devront donc plus détruire les informations excédentaires. Par rapporti à l'avant-projet, , il est en revanche précisé qu'il est formellement interdit de communiquer ces informations tant à l'autorité requérante qu'à d'autres tiers quels qu'ils soient.

128

FF 2017 5278; cf. le commentaire de l'art. 3, let. n, P-LAGH (Informations excédentaires), op. cit., p. 5310.

129 Cf. l'indication interdisant les informations excédentaires dans le message relatif à la loi sur les profils d'ADN, FF 2001 33.

130 Sur la teneur de l'art. 9 LAGH: FF 2018 3631 (acte sujet au référendum).

131 Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 10.

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Art. 4 et 5 (abrogés) Cf. ci-dessus le commentaire de l'abrogation du titre précédant l'art. 3.

Titre précédant l'art. 6 (Section 2 Identification en dehors d'une procédure pénale) Cf. ci-dessus le commentaire de l'abrogation du titre précédant l'art. 3.

Art. 6, titre (abrogé) et al. 1, phrase introductive, et 2bis L'art. 6 est la seule norme de la nouvelle section 2. Son ancien titre est repris comme titre de section (cf. commentaire précédent).

Al. 1: les compétences pour ordonner le prélèvement d'un échantillon sur une personne à des fins d'établissement d'un profil d'ADN dans le cadre d'une procédure pénale sont nouvellement réglées exclusivement dans le CPP (art. 255 ss). La loi sur les profils d'ADN reste en revanche le texte où régler ces compétences dans les cas d'identification hors procédure pénale, c'est-à-dire lorsqu'il n'existe aucun soupçon d'infraction (cf. art. 1, let. b, du projet de loi sur les profils d'ADN). Seule la phrase introductive de l'art. 6, al. 1, en vigueur est adaptée, pour désigner l'autorité qui a la compétence d'ordonner l'établissement d'un profil d'ADN en dehors de la procédure pénale (l'autorité cantonale ou fédérale compétente).

Al. 2bis: comme énoncé dans la liste des objets de la loi à l'art. 1, let. c, le phénotypage pourra être utilisé en dehors d'une procédure pénale pour l'identification de personnes décédées, ce qui répond à une demande formulée lors de la consultation132.

Si l'état du cadavre d'une personne décédée ne permet plus de reconnaître son apparence physique, par exemple parce qu'il ne reste plus que les os ou que le corps est calciné, il se peut que le phénotypage reste le seul et unique moyen d'identifier cette personne. Bien qu'à la mort d'une personne, ses droits de la personnalité s'éteignent, il convient d'évaluer la proportionnalité de la mise à disposition générale du phénotypage pour ce type d'identification. Le patrimoine génétique de la personne en cause est analysé lors du phénotypage. Le résultat de l'analyse, y compris les éventuelles informations excédentaires, peuvent se rapporter ­ fait ici déterminant ­ non seulement à la personne concernée mais également à ses proches parents, par exemple pour ce qui est de maladies héréditaires. Cela dit, l'intérêt que présente l'identification d'un cadavre inconnu prime globalement la
protection de la personnalité d'éventuels tiers concernés. Comme établi à l'art. 3 du projet de loi sur les profils d'ADN, les informations excédentaires ne sont pas transmises à l'autorité requérante. L'art. 9, al. 1, let. d, en vigueur précise en outre que l'autorité qui a ordonné la mesure fait procéder à la destruction de l'échantillon sitôt que la personne est identifiée dans les cas prévus à l'art. 6. Enfin, l'al. 2bis dispose formellement que le phénotypage ne doit être ordonné qu'à titre subsidiaire, c'est-à-dire lorsque les autres moyens d'identification du cadavre, tels que notamment la comparaison du profil de la personne décédée avec celui des membres (présumés) de sa famille en vertu de l'art. 6, al. 4, de la loi sur les profils d'ADN, n'ont pas livré de nouvelles informations.

132

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, pp. 8, 11, 18 et 20.

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Art. 7 (abrogé) Cf. ci-dessus le commentaire de l'abrogation du titre précédant l'art. 3.

Art. 8, al. 4 Les «[données] qui concernent la race de la personne en cause» dans la version de la norme en vigueur sont supprimées. Outre le fait qu'il s'agit d'une notion dépassée133, cette disposition ne correspond pas au processus de traitement réel entre le laboratoire et l'autorité requérante (généralement le ministère public). Au moment de la remise de l'échantillon au laboratoire, la question relative à la détermination de la valeur probante d'une concordance entre un profil de personne déterminé et un profil de trace ne se pose pas encore. Si la comparaison du profil d'ADN dans le système d'information fournit une concordance, le laboratoire reçoit les informations dont il a besoin pour déterminer la valeur probante (lieu de l'infraction, lieu où les traces ont été prélevées, etc.) en même temps que le mandat le chargeant de rédiger le rapport d'expertise sur l'analyse de l'ADN. Le calcul de cette valeur est un élément clé du rapport d'expertise, lequel contient généralement des observations et des constats d'un expert ­ ici le laboratoire d'analyse d'ADN ­, conformément à l'art. 182 ss CPP. Si une trace doit être analysée, la police elle aussi peut demander l'établissement du rapport d'expertise, en vertu de l'art. 255, al. 2, let. b, CPP. Étant donné la très exigeante problématique d'ordre génético-moléculaire posée par l'analyse de l'ADN, la tâche de l'expert est d'autant plus importante pour déterminer quelles conclusions le rapport d'expertise fournit et lesquelles il ne fournit pas134.

Art. 9

Destruction de l'échantillon

Le nouvel art. 9 ayant pour objet, tout comme l'article en vigueur, la «destruction de l'échantillon», son titre reste inchangé. En revanche, son contenu est dans l'ensemble condensé et reformulé.

Al. 1: la première partie de phrase de la let. a est reprise de la norme en vigueur. Si, en revanche, un nouvel échantillon est prélevé sur une personne dont le profil d'ADN a été enregistré dans le système d'information de la Confédération CODIS avant l'entrée en vigueur de la présente modification et dont l'échantillon a déjà été détruit dans les 3 mois en vertu de l'art. 9, al. 2, alors ce nouvel échantillon peut être conservé, en dépit du principe selon lequel les échantillons doivent être détruits une fois qu'un profil a été établi. Cet ajout est à mettre en relation avec la nouvelle réglementation en matière de durée de conservation des échantillons de personnes auprès du laboratoire en vertu de l'al. 2. S'agissant de la let. b: en vertu de la réglementation en vigueur (art. 9, al. 1, let. b), l'autorité qui ordonne les mesures fait procéder à la destruction de l'échantillon d'une personne après 3 mois à compter du jour du prélèvement si elle n'a jusque-là pas prescrit d'analyse. Plusieurs participants à la procédure de consultation ont jugé ce délai trop court; certains cantons ont demandé une prolongation à 1 an135. Dans un esprit de compromis, l'autorité qui ordonne les mesures disposera d'un 133 134

Cf. rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 11 (IML Berne).

Riedo Christof/Fiolka Gerhard/Niggli Marcel Alexander, Strafprozessrecht sowie Rechtshilfe in Strafsachen, Bâle, 2011, ch. 1483.

135 Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 13.

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délai de 6 mois pour décider de l'établissement du profil d'ADN d'une personne déterminée ou de la destruction de l'échantillon après 6 mois au plus tard, si à ce moment-là elle n'a toujours pas prescrit l'établissement du profil.

Les let. b et c sont reprises telles quelles de l'art. 9, al. 1, en vigueur.

Al. 2: en vertu de l'art. 9, al. 2, en vigueur, l'échantillon prélevé sur une personne doit être détruit 3 mois après sa réception par le laboratoire. En fixant une réglementation stricte de la durée de conservation, le législateur avait souhaité à l'époque éviter toute utilisation abusive du matériel biologique, c'est-à-dire empêcher au mieux l'analyse illicite de caractéristiques personnelles136. Cette préoccupation du législateur n'est pas remise en cause et reste pertinente. Après 15 ans d'application de cette règle, on constate que les inconvénients d'un délai de conservation de 3 mois se sont fait sentir. Pour les raisons exposées ci-dessus (cf. ch. 4.1.4, Prolongation de la durée de conservation du matériel issu d'échantillons prélevés sur des personnes), la durée de conservation au laboratoire des échantillons de personnes dans le respect d'exigences de sécurité clairement réglementées sera prolongée à 15 ans. La même durée de conservation s'applique selon le droit en vigueur aux échantillons issus d'une trace (art. 6, al. 2, 2e phrase, de l'ordonnance sur les profils d'ADN).

Art. 9a

Nouveau typage

Dans l'avant-projet, la réglementation des nouveaux typages faisait encore partie de l'art. 9 «Conservation de l'échantillon et utilisation pendant la conservation». Par souci de clarté, elle fera l'objet d'un article séparé (art. 9a). Pour la définition du nouveau typage et ses deux principales applications, à savoir le maintien de la qualité des profils et les analyses supplémentaires, on se référera au ch. 4.1.4, Prolongation de la durée de conservation du matériel issu d'échantillons prélevés sur des personnes.

Concernant les nouveaux typages visant à maintenir la qualité des profils selon la let. a, il y a lieu d'ajouter ce qui suit: si un profil d'ADN existant est par exemple actualisé pour satisfaire à de nouvelles directives de qualité et qu'il passe de 10 à 16 loci, sa pertinence génético-moléculaire est renforcée et adaptée aux exigences actuelles. Cela dit, rien ne change quant à la légitimité du profil (établissement et conservation dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN). Ainsi, contrairement à la demande de certains participants à la consultation 137, il n'est pas nécessaire de soumettre ces nouveaux typages aux conditions énoncées à l'art. 255 CPP.

Art. 10, al. 1 (concerne uniquement le texte allemand) La teneur de l'art. 10, al. 1 en vigueur est adaptée sur un seul point de manière à unifier la terminologie: le terme Vergleich (comparaison) de profils d'ADN de personnes ou de traces est remplacé par Abgleich. Depuis la création de la loi sur les profils d'ADN, la terminologie suivante s'est établie dans le droit fédéral pour l'analyse forensique de l'ADN: la comparaison d'un profil d'ADN à un nombre illimité d'autres profils 136

Cette correspondance découle de: BO 2002 N 1225 (intervention Aeppli Wartmann) et BO 2002 N 1229 (intervention Cina).

137 Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 12.

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dans un système d'information est une comparaison 1:n (Abgleich), tandis que la comparaison locale, soit hors d'un système d'information, de deux profils d'ADN entre eux est une comparaison 1:1 (Vergleich). Cette terminologie est déjà utilisée dans l'ordonnance sur les profils d'ADN, dans l'ordonnance du DFJP sur les laboratoires d'analyse d'ADN et, dans le domaine des empreintes digitales, dans l'ordonnance du 6 décembre 2013 sur le traitement des données signalétiques biométriques 138.

Cette adaptation concerne uniquement le texte allemand; dans les versions française et italienne, un terme unique est utilisé, respectivement «comparaison» et «confronto».

Art. 11, al. 3bis et 4, let. c Comme expliqué plus en détail ci-dessus au ch. 4.1.4, Saisie du profil d'ADN-Y dans le système d'information, dans les infractions sexuelles ou les actes de violence sur des femmes ou les féminicides, il n'est souvent pas possible d'établir le profil d'ADN standard de l'auteur présumé, mais seulement son profil d'ADN-Y*. La raison en est que l'ADN majoritaire de la femme se superpose à celui, minoritaire, de l'homme. La saisie des profils d'ADN-Y dans le système d'information visé à l'art. 10 de la loi sur les profils d'ADN permettra de déceler, dans ces cas spéciaux également, des correspondances entre des traces provenant de différents lieux d'infraction. Les conditions auxquelles cette nouvelle utilisation peut être ordonnée dans le contexte de la procédure pénale sont réglées à l'art. 255, al. 3, P-CPP.

Art. 12, al. 1 Cette disposition est adaptée uniquement sur le plan rédactionnel afin que le remplacement d'expression («office fédéral» par «fedpol») ne crée pas d'incohérence.

Art. 13, al. 1 Pour mettre à jour la loi sur les profils d'ADN depuis sa création, la collaboration avec l'agence européenne Europol est citée en plus de celle avec Interpol. Sur un plan purement rédactionnel, les références au CP dans la disposition en vigueur sont remplacées par les numéros d'articles actuels. Le code pénal est en outre introduit sous son titre complet, car c'est la première fois qu'il est mentionné dans la loi, en raison de l'abrogation de l'art. 5 en vigueur.

Art. 16

Effacement des profils d'ADN de personnes

Al. 1 Les cas d'effacement réglés par cet alinéa sont identiques à ceux qui figurent à l'art. 16, al. 1, let. a à d, en vigueur. Les délais d'effacement restent eux aussi pour l'essentiel inchangés.

La seule nouveauté se trouve à la let. b relative au délai d'effacement du profil d'une personne décédée: en vertu de la réglementation en vigueur, le profil d'ADN doit être 138

RS 361.3

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effacé «lorsque la personne en cause est décédée» (art. 16, al. 1, let. b). Aucun délai exact n'est donc indiqué, alors même qu'un effacement rapide est exigé. Or il existe un intérêt public prépondérant (intérêt de la poursuite pénale) à ce que le profil d'ADN d'une personne décédée reste dans le système d'information encore pendant un certain temps, afin qu'il puisse servir à élucider des infractions non résolues et notamment à innocenter des personnes suspectées à tort. Une adaptation du délai d'effacement visé à l'art. 16, al. 1, let. b, en vigueur a été discutée lors des délibérations (examen préalable) sur l'initiative parlementaire 13.408 Geissbühler déjà mentionnée139. Conformément à l'art. 31, al. 1, du code civil (CC)140, la personnalité d'un être humain finit par la mort et, par conséquent, sa protection individuelle également 141. Le Conseil fédéral estime donc qu'il est défendable de laisser dans le système d'information, pour une durée de 10 ans après le décès, le profil d'une personne décédée au cours de la durée légale de conservation de son profil dans ledit système.

La let. d appelle le commentaire suivant: la teneur de cette norme correspond à celle adoptée par le législateur dans la LCJ142. Les trois adaptations de l'art. 16 requises par la LCJ reposent encore sur la numérotation des articles de la loi sur les profils d'ADN en vigueur. Or cette numérotation est modifiée par le présent projet. Aussi les adaptations découlant de la LCJ sont-elles ici reprises telles quelles sur le fond, tout en étant abrogées formellement par la disposition de coordination du ch. II du projet de loi sur les profils d'ADN.

Al. 2 L'al. 2 met en évidence l'élément principal de la nouvelle réglementation d'effacement: le délai de conservation du profil d'une personne est défini une fois pour toutes (cf. ci-dessus, ch. 4.1.2).

Les cas d'effacement réglés par cet alinéa (peine privative de liberté, peine pécuniaire, mesures en vertu de la partie générale du CP, sanctions en vertu du DPMin) sont les mêmes que ceux prévus à l'art. 16, al. 1, let. e à l, en vigueur. Certaines adaptations des délais d'effacement sont cependant nécessaires. Dès l'entrée en vigueur de la présente modification de la loi, la durée de conservation ne commencera plus à courir à partir de la date de l'exécution de la
sanction. Conformément à l'al. 3 mentionné ciaprès, il s'agira d'une date antérieure, à savoir celle du jugement (entré en force). Le laps de temps entre le prononcé du jugement et l'exécution de la sanction est ainsi compris dans la durée de conservation du profil d'ADN dans le système d'information. Si les délais d'effacement du droit en vigueur restaient inchangés, il se pourrait, dans des cas extrêmes, que la durée de conservation arrive à échéance et que le profil 139

Cf. ci-dessus, ch. 1.1.3, Évaluation de la réglementation d'effacement en vigueur conformément au mandat du postulat. Dans son rapport du 23 janvier 2014 sur l'initiative parlementaire 13.408 Geissbühler (qu'elle a majoritairement rejetée), la CAJ du Conseil national a indiqué qu'«en ce qui concerne la possibilité de conserver l'ADN des personnes décédées durant quelques années après leur mort, la commission y est plutôt favorable sur le principe». Rapport disponible sur: www.parlament.ch/centers/kb/Documents/2013/ Rapport_de_la_commission_CAJ-N_13.408_2014-01-23.pdf.

140 RS 210 141 René Rhinow/Markus Schefer/Uebersax Peter, Schweizerisches Verfassungsrecht, 3e édition, Bâle, 2016, note 1110.

142 FF 2016 4703 (acte sujet au référendum); cf. annexe 1 LCJ: modification d'autres actes, ch. 8 (loi du 20 juin 2003 sur les profils d'ADN).

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d'ADN doive être effacé avant l'exécution de la sanction prononcée. Le système d'information ne pourrait donc plus remplir sa fonction première, à savoir permettre d'élucider le plus rapidement possible les récidives. C'est pourquoi les délais d'effacement ne sont prolongés que dans la mesure ­ et seulement dans cette mesure ­ où cela est nécessaire pour garantir, lorsque les nouveaux délais commenceront à courir à partir d'une date antérieure, que les profils de personnes restent dans le système d'information pour la même durée que celle prévue par le droit en vigueur.

La nouvelle règle proposée entraîne, par rapport à celle en vigueur, tantôt une prolongation tantôt un raccourcissement de la durée de conservation des profils dans le système d'information. Par exemple, le droit en vigueur prévoit que, dans le cas d'une peine pécuniaire (sans sursis), le profil est effacé 5 ans après le paiement (art. 16, al. 1, let. f). Si la personne concernée retarde son paiement ou refuse d'y procéder, la conservation dans le système d'information est prolongée d'autant. En vertu de la nouvelle disposition prévue à la let. b et conformément au principe «pas de dépendance de l'exécution», la date du paiement de la peine pécuniaire importe peu. En revanche, afin de tenir compte de la date plus précoce à compter de laquelle la durée de conservation commence à courir, celle-ci sera fixée à 20 ans. Dans le cas d'une condamnation à une peine privative de liberté sans sursis de 3 ans au plus (let. b), pour donner un autre exemple, la nouvelle règle entraîne un raccourcissement de la durée de conservation: si la condamnation est prononcée en 2020, le profil sera effacé en 2040, alors qu'en vertu du droit en vigueur en cas d'exécution immédiate de la peine privative de liberté de 3 ans, cet effacement n'intervient qu'en 2043, et en 2042 en cas d'une éventuelle libération conditionnelle après que la personne a subi les 2/3 de sa peine (art. 86 CP). Enfin, dans le cas d'une amende ou d'une privation de liberté en vertu du droit pénal des mineurs (let. e et f), la durée de conservation est raccourcie par rapport à la réglementation en vigueur: le délai d'effacement est toujours de 5 ou 10 ans, mais il est compté à partir de la date du jugement et non plus à partir de la date du paiement de l'amende ou de l'exécution de la privation de liberté.

Il convient de souligner les nouvelles règles de l'al. 2 suivantes: ­

let. b: la peine privative de liberté de substitution143 figure ici en raison de sa durée de 180 jours au plus (art. 36 en relation avec l'art. 34 CP);

­

let. g: seule sanction; cette lettre s'applique dans le cas où la seule sanction prononcée est une interdiction d'exercer une activité ou une interdiction de contact et une interdiction géographique au sens des art. 67 et 67b CP, 50 et 50b CPM ou 16a DPMin.

Al. 3 Outre la suppression de la dépendance de l'exécution (cf. ci-dessus, al. 2), l'al. 3 contient le deuxième élément principal de la nouvelles réglementation d'effacement: la date du jugement est le moment déterminant pour fixer définitivement les délais d'effacement des profils d'ADN de personnes. Contrairement à l'avant-projet, la date du

143

Selon la terminologie de la LCJ, annexe 1: modification d'autres actes, ch. 8 (loi du 20 juin 2003 sur les profils d'ADN; FF 2016 4703 ss, 4749); encore «peine de substitution» dans l'art. 16, al. 1, let. f, en vigueur.

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jugement est déterminante pour autant qu'il soit entré en force (formellement) conformément à l'art. 437 CPP. Il est ainsi répondu à une demande plusieurs fois formulée lors de la consultation. Le terme «jugement» englobe aussi l'ordonnance pénale, car si aucune opposition n'est formée, l'ordonnance pénale est assimilée à un jugement entré en force (art. 354, al. 3, CPP). La réglementation d'effacement pourrait être simplifiée au maximum si le profil d'ADN de personne était assorti d'un délai de conservation fixe, par exemple de 30 ans, au moment de la saisie des données signalétiques de la personne concernée, soit au tout début du processus de traitement. Une telle simplification a parfois été demandée lors de la consultation144. Cependant, cela signifierait que le principe de la réglementation d'effacement actuelle, selon lequel la durée de conservation d'un profil d'ADN de personne est fonction de la sanction, c'est-à-dire de la gravité de l'infraction, ne serait respecté que dans une mesure très limitée, car les hypothèses concernant l'auteur et l'infraction commise, telles qu'elles existent au moment de la saisie des données signalétiques, peuvent encore évoluer au cours de la procédure pénale et jusqu'au jugement.

Al. 4 La teneur de cet alinéa est la même que celle de l'al. 2 modifié par la LCJ145. Les cantons accordent une grande importance à la possibilité de prolonger au cas par cas la durée de conservation du profil d'une personne lorsqu'un soupçon concret existe relatif à un crime ou à un délit non prescrit, ou qu'il y a un risque de récidive. Un avis qu'ils ont confirmé lors de la consultation 146.

Al. 5 La disposition de l'al. 5 fait encore partie de l'art. 16, al. 2, dans la version de la loi sur les profils d'ADN prévue par la LCJ147. Son contenu revêt cependant une importance particulière, c'est pourquoi la présente modification prévoit un alinéa autonome.

Al. 6 L'art. 16, al. 4, en vigueur règle les délais d'effacement aussi bien pour l'internement et la mesure thérapeutique que pour l'expulsion en vertu des art. 66a ou 66abis CP ou 49a ou 49abis CPM, ainsi que pour l'exécution d'une peine privative de liberté. La nouvelle réglementation exige de régler séparément ces quatre cas d'effacement très différents quant aux délais. Dans l'al. 2 ci-dessus, les délais d'effacement en
cas de peine privative de liberté aux let. b à d et d'expulsion à la let. h sont réglés séparément et indépendamment de l'exécution. À l'al. 6, il reste donc à régler l'effacement en cas d'internement et de mesure thérapeutique. La libération de l'internement et l'exécution définitive de la mesure thérapeutique sont les seuls cas d'effacement qui continueront de dépendre de l'exécution. La durée de l'internement ou de la mesure thérapeutique varie tellement d'un cas à l'autre, qu'il n'est pas approprié de prévoir pour

144 145

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 15.

LCJ, annexe 1: modification d'autres actes, ch. 8 (loi du 20 juin 2003 sur les profils d'ADN; FF 2016 4703 ss 4749).

146 Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 16.

147 LCJ, annexe 1: modification d'autres actes, ch. 8 (loi du 20 juin 2003 sur les profils d'ADN; FF 2016 4703 ss 4749).

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ces mesures un délai général d'effacement fixe. La loi précisera le caractère déterminant de la date de libération «définitive» de l'internement en vertu de l'art. 64a, al. 5, CP ou celui de l'exécution «définitive» de la mesure thérapeutique (institutionnelle) en vertu de l'art. 62b CP. Certains participants à la consultation ont demandé la prolongation de la durée de conservation pour l'internement148. La présente révision laissera pour l'essentiel inchangés les délais de conservation absolus du droit en vigueur, c'est pourquoi le délai de 20 ans demeure.

Dans ces deux cas qui dépendent encore de l'exécution, il convient de bien clarifier la responsabilité quant à la transmission des avis d'effacement dans le cadre du processus d'effacement. Une fois la mesure exécutée, l'autorité compétente communiquera l'effacement au service central du canton qui est le maître du fichier du profil de personne concerné (art. 12, al. 1, 2e phrase, de l'ordonnance sur les profils d'ADN). Le Conseil fédéral prévoit de régler ainsi ce point au niveau de l'ordonnance. Cela permettra de répondre à un souhait exprimé lors de la consultation149.

Al. 7 À titre de norme de repli générale, cette disposition garantira que soient également effacés tous les profils d'ADN de personnes non couverts par la réglementation d'effacement prévue aux al. 1 à 6. Vu que la liste de délais d'effacement susmentionnée est déjà très détaillée, seuls quelques profils d'ADN sont visés par l'al. 7. On peut par exemple penser aux condamnations où il y a exemption de la peine comme seule conséquence judiciaire, par exemple en application des art. 52 à 54 CP ou 21 DPMin, ou sur la base des dispositions spéciales de la partie spéciale du CP ou du droit pénal accessoire.

La loi sur les profils d'ADN en vigueur prévoit en outre à l'al. 3 de son art. 16 qu'après un délai de 30 ans, fedpol procède à l'effacement de tous les profils n'ayant pas encore été effacés sur la base des autres dispositions du même article. Cela constitue un «filet de sécurité» pour tous les profils de personnes qui, pour une raison ou une autre, sont passés entre les mailles de la réglementation d'effacement. Puisque cette réglementation ­ importante ­ concerne non pas les autorités responsables de l'établissement des profils mais les services de l'administration fédérale,
il convient de la fixer non plus dans la loi mais dans l'ordonnance sur les profils d'ADN.

Art. 17, titre et al. 1 Prolongation de la durée de conservation par l'autorité de jugement Lors de la consultation, de nombreux cantons étaient pour le maintien de l'art. 17 et donc contre sa suppression comme le proposait l'avant-projet. La norme est donc maintenue pour tous les cas d'effacement auxquels cette possibilité de prolongation s'applique selon le droit en vigueur (le renvoi à l'art. 16, al. 1, let. e à k, et 4, en vigueur correspond en substance au renvoi à l'art. 16, al. 2, let. a à f, et h, et 6, du projet de loi). À des fins de simplification de la procédure d'effacement, il est cependant renoncé à l'al. 1 à ce que fedpol demande à l'autorité de jugement compétente pour 148 149

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 16.

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 16 (BL).

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chaque profil si celui-ci peut être effacé. Il reviendra au canton responsable du profil d'agir proactivement et d'annoncer à fedpol la prolongation au cas par cas de la durée de conservation d'un profil de personne déterminé. Le titre est adapté en conséquence.

Certaines sanctions en rapport avec l'effacement peuvent par ailleurs être prononcées par le ministère public lui aussi dans le cadre de la procédure de l'ordonnance pénale en vertu des 'art. 352 ss CPP. Ainsi, il n'est plus question à l'art. 17 d'«autorité judiciaire» mais d'«autorité de jugement», ce qui inclut le ministère public.

Art. 17a

Effacement du profil d'ADN du chromosome Y

Cette norme garantit que le profil d'ADN-Y éventuellement enregistré dans le système d'information soit toujours effacé en même temps que le profil d'ADN standard de personne ou de trace.

Art. 18 (phrase introductive) Du fait de l'abrogation de l'art. 4 en vigueur (cf. ci-dessus, Titre précédant l'art. 3), il est fait référence à la norme pertinente dans le CCP et la PPM.

Art. 20a

Évaluation

La présente modification de la loi sur les profils d'ADN introduit diverses nouveautés d'importance, dont la principale est le phénotypage. Mais il convient d'acquérir davantage d'expérience pratique également en matière de recherche en parentèle. Concernant la nouvelle réglementation d'effacement, il faudra vérifier si la simplification de la procédure de communication se met en place comme prévu et se révèle efficace dans la pratique. Cela justifie que fedpol soit tenu, conformément à l'al. 1, d'examiner l'opportunité et l'efficacité de la loi 5 ans après l'entrée en vigueur de la présente révision sur la base de l'art. 170 Cst. Avec le concours des cantons et d'importantes organisations de la poursuite pénale et de la médecine légale, il conviendra de déterminer si et dans quelle mesure les nouvelles dispositions sur le phénotypage, la recherche en parentèle et l'effacement des profils d'ADN de personnes font leurs preuves dans la pratique. Cela permettra le cas échéant d'améliorer les nouveaux instruments.

fedpol rédigera un rapport sur les résultats de l'évaluation à l'intention du DFJP (al. 2). Le Conseil fédéral remplit ainsi son devoir à l'égard du pouvoir législatif qui consiste à vérifier l'efficacité de la loi.

Art. 22, let. g et h La recherche en parentèle (let. g), déjà pratiquée à l'heure actuelle, et encore davantage le phénotypage (let. h), qui est une nouveauté dans le droit suisse, requièrent des normes de mise en oeuvre qui complètent la loi en vertu de l'art. 182 Cst.; ces normes concernent par exemple les exigences techniques de la procédure d'analyse, les exigences de qualité, le contenu de l'expertise remise par le laboratoire au ministère public, les mécanismes de contrôle et la sécurité de l'information (cf. ci-dessus, ch. 4.2).

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Art. 23a

Dispositions transitoires relatives à la modification du ...

La réglementation d'effacement prévue par la présente révision partielle de la loi sur les profils d'ADN requiert la création d'un droit transitoire.

Le système d'information fondé sur les profils d'ADN comptait 193 494 profils de personnes fin 2019 et, chaque jour, de nouveaux profils viennent s'ajouter. Le nouveau droit s'applique aux faits survenus après son entrée en vigueur, alors que les faits antérieurs sont à apprécier selon l'ancien droit. Or les profils d'ADN constituent des faits durables survenus dans le cadre de l'ancien droit, mais subsistant après l'entrée en vigueur du nouveau droit. Il se pose alors la question de savoir comment les profils d'ADN de personnes établis en vertu de l'ancien droit doivent être administrés selon le droit transitoire150.

Une possibilité serait d'effacer selon les anciennes dispositions les profils d'ADN établis en vertu de l'ancien droit, et cela même après l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation d'effacement. Durant des années, voire des décennies, les cantons devraient alors jongler, parallèlement à la nouvelle procédure d'effacement simplifiée, avec la très lourde structure organisationnelle d'effacement actuelle, qui implique les services et autorités chargés de l'exécution des sanctions les plus divers. Cela n'est guère praticable.

C'est pourquoi l'art. 23a, al. 2, du projet de loi sur les profils d'ADN prévoit que la nouvelle réglementation d'effacement reposant sur les art. 16 et 17 s'applique également aux profils d'ADN de personnes établis avant l'entrée en vigueur de la présente modification de la loi et pour lesquels l'autorisation judiciaire d'effacement requise selon l'ancien droit n'a pas (encore) été émise. A contrario, il est raisonnable de renoncer à soumettre aux nouveaux délais d'effacement les profils établis en vertu de l'ancien droit pour lesquels la date définitive d'effacement est déjà fixée, en raison de l'exécution de la sanction au moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation.

Le fait que la nouvelle réglementation s'applique aux profils établis en vertu de l'ancien droit dont la date d'effacement n'est pas encore définie signifie que cette date doit être saisie pour cette catégorie de profils. Cette saisie ultérieure représente indéniablement une certaine charge administrative: le délai d'effacement
du profil d'ADN qui doit être saisi n'est pas encore fixé au moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, car il dépend de l'exécution (cf. concernant cette problématique, ch. 1.1.3, Évaluation de la réglementation d'effacement en vigueur conformément au mandat du postulat). De toute manière, il aurait été nécessaire, pour les autorités, de garder à l'oeil le cours de l'exécution et les avis d'effacement de ces profils d'ADN.

L'obligation de saisie instaurée ici n'augmente donc que faiblement le temps de traitement déjà nécessaire. Cela dit, une charge de travail supplémentaire en résulte assurément pour les cantons, qui doivent intervenir au niveau de processus de traitement internes en cours et les remplacer conformément aux nouvelles dispositions.

150

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 14 (BE).

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Les cantons disposent de 5 ans pour effectuer cette saisie ultérieure en vertu de l'al. 2; une prolongation peut être accordée dans des cas dûment motivés et à titre exceptionnel. Il est généralement admis de prévoir dans la loi à titre transitoire un effet rétroactif fictif du nouveau droit. Aucun droit acquis de la personne concernée ne s'y oppose 151.

Lors de la création de la loi sur les profils d'ADN en 2003, le législateur avait déjà appliqué à des faits relevant de l'ancien droit une nouvelle réglementation en matière de délais à titre fictivement rétroactif: les délais d'effacement des profils d'ADN existants à ce moment-là, issus de la phase d'essai relative à l'établissement des profils d'ADN (du 1er juillet 2000 au 31 décembre 2004), ont dû également être saisis ultérieurement dans un délai de 5 ans (art. 23, al. 1, de la loi sur les profils d'ADN en relation avec l'art. 22, al. 1, de l'ordonnance sur les profils d'ADN). Le législateur a par ailleurs opté pour la même solution dans la LCJ, qui, en vertu de son art. 70, al. 1, exige de saisir au moment de son entrée en vigueur les inscriptions au registre existantes152. Cette saisie demande des cantons le déploiement d'importantes ressources une seule et unique fois. Le Conseil fédéral estime que le principal avantage de cette solution réside dans le fait qu'un fois cette saisie réalisée, il est possible de travailler de façon globale et uniforme selon la nouvelle procédure d'effacement.

II Coordination avec la loi du 17 juin 2016 sur le casier judiciaire La LCJ prévoit, outre une modification du CP (cf. ci-dessous, ch. 5.2.1), une modification de l'art. 16 de la loi sur les profils d'ADN153. Or ce même art. 16 est adapté dans le présent projet. Sur le plan du contenu, les adaptations de l'art. 16 requises par la LCJ restent inchangées dans le présent projet (cf. ci-dessus, Commentaire de l'art. 16, al. 1, let. d, ainsi que 4 et 5). Une différence de nature purement formelle est à noter entre la présente version de ces dispositions et la version de la LCJ: pour refléter les adaptations de l'art. 16 requises ici, les normes prévues par la LCJ sont présentées en des alinéas et des lettres organisés différemment. Selon la planification actuelle, la LCJ entrera en vigueur début 2023. Si elle entrait en vigueur avant la loi sur les profils
d'ADN, il n'y aurait pas de «conflit»: la présente réglementation remplacerait celle de la LCJ. Pour le cas où la LCJ entrerait en application après la loi sur les profils d'ADN, il faut établir une règle de coordination conformément au ch. II.

151

Häfelin Ulrich/Müller Georg/Uhlmann Felix, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7e édition, Zurich/Saint-Gall 2016, note 283.

152 LCJ, FF 2016 4703 ss 4744 (acte sujet au référendum).

153 LCJ, annexe 1: modification d'autres actes, ch. 8 (loi du 20 juin 2003 sur les profils d'ADN; FF 2016 4703 ss 4749 s.).

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5.2

Modification d'autres actes

5.2.1

Code pénal dans la version figurant dans la loi du 17 juin 2016 sur le casier judiciaire

Art. 354, al. 4, let.b Dans l'art. 354, al. 4, nouveau CP reformulé, la LCJ prévoit que les données traitées dans le système d'information AFIS soient soumises aux mêmes délais de conservation que les profils d'ADN154. Aspect central de la nouvelle réglementation d'effacement des profils d'ADN, comme expliqué dans le présent message: rendre cette réglementation indépendante de l'exécution de la sanction (cf. ci-dessus, ch. 4.1.2, La réglementation d'effacement des profils d'ADN de personnes). L'art. 354, al. 4, nouveau CP permet que cette indépendance par rapport à l'exécution de la sanction s'applique aussi aux données traitées dans AFIS. Alors que les profils d'ADN ne peuvent être utilisés que pour élucider des crimes et des délits, les données AFIS peuvent aussi être traitées pour élucider des contraventions. En toute logique, l'art. 354, al. 4, nouveau CP constitue, en plus des délais d'effacement prévus par la loi sur les profils (let. a), une réglementation spéciale d'effacement des données AFIS en cas de contraventions (let. b). La présente reformulation de l'art. 354, al. 4, let. b, P-CP permet d'instaurer une réglementation d'effacement qui puisse s'appliquer indépendamment de l'exécution d'une sanction aussi aux données AFIS traitées dans le cadre de la poursuite de contraventions.

5.2.2

Code de procédure pénale

Titre suivant le chap. 5 (Analyse de l'ADN) La différence fondamentale qui existe entre un profil d'ADN et le phénotypage réside dans les bases génético-moléculaires et leur utilisation dans une procédure pénale (cf.

ci-dessus, ch. 1.1.2). On a tenu compte de cette différence en consacrant une section séparée à chacun de ces deux domaines de réglementation.

Art. 255, al. 3 La comparaison du profil d'ADN-Y peut être particulièrement utile pour les enquêtes pénales: elle peut permettre d'attribuer une trace d'ADN à une certaine lignée d'ascendance paternelle. Le ch. 4.1.4 a également mis en évidence qu'une telle recherche peut impliquer des tiers non concernés et qu'elle doit donc être ordonnée dans tous les cas par le ministère public, même lorsque le profil d'ADN-Y est établi à partir d'une trace. Ces recherches élargies ne peuvent être effectuées que pour élucider des crimes (cf. ci-dessus, ch. 4.1.4, Saisie du profil d'ADN-Y dans le système d'information).

À noter ici que la compétence afférente à l'établissement du profil d'ADN-Y en tant qu'analyse de routine est incluse dans la compétence de la policed'ordonner l'établissement du profil de trace standard (art. 255, al. 2, let. b, CPP) ou du ministère public ou du tribunal, d'ordonner l'établissement du profil de personne standard (art. 255, 154

Pour la teneur de l'art. 354, al. 4, let. b, nouveau CP: FF 2016 4747.

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al. 1, en relation avec l'art. 198, al. 1, let. a et b, CPP). La nouvelle réglementation est intégrée dans l'art. 255 CPP en vigueur en tant qu'al. 3 pour la raison suivante: selon sa teneur actuelle, l'art. 255 CPP règle les compétences en matière de prélèvement d'échantillons et d'établissement d'un profil d'ADN, ce qui inclut la compétence en matière d'analyse du profil, soit de façon locale (comparaison 1:1), soit au moyen d'une recherche dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN 155. Cela s'applique aux profils d'ADN standard. Pour les profils d'ADN-Y en revanche, une réglementation spéciale s'applique: l'analyse, à savoir la recherche dans le système d'information, doit être ordonnée dans tous les cas ­ donc aussi dans le cas d'un profil de trace ­ par le ministère public. Ces recherches spéciales ne sont par ailleurs pas incluses dans les recherches standard effectuées régulièrement, mais effectuées seulement sur demande spéciale.

Art. 256

Prélèvement d'échantillons lors d'enquêtes de grande envergure 1re

Al. 1: la phrase correspond à la teneur de l'article en vigueur. Selon elle, le cercle des personnes prévues pour être soumises à l'enquête de grande envergure et dont le profil d'ADN sera comparé au cas par cas avec le profil de trace ayant un rapport avec l'infraction est déterminé sur la base de caractéristiques, à savoir les personnes «présentant des caractéristiques spécifiques constatées en rapport avec la commission de l'acte». La mise en évidence, sur la base du profil de trace, du sexe de l'auteur présumé constitue une première délimitation du cercle de personnes. Ce dernier est ensuite davantage restreint sur la base de caractéristiques personnelles de l'auteur présumé, pour autant que l'on dispose d'éléments comme la couleur des cheveux, de la peau ou des yeux ou l'âge, dans le cas où des déclarations de victimes ou de témoins ou des images sont disponibles156. L'un des avantages pratiques importants du phénotypage consiste, dans l'ensemble, à pouvoir restreindre encore davantage le cercle des personnes convoquées à participer à une enquête de grande envergure (cf. ci-dessus, ch. 1.1.2, Le phénotypage comme instrument de la poursuite pénale). La 2e phrase nouvellement ajoutée prévoit expressément cette utilisation particulière du phénotypage. Cette dernière doit permettre de restreindre davantage le cercle des personnes grâce à d'éventuelles caractéristiques morphologiques personnelles, aussi lorsqu'on ne dispose d'aucune déclaration de victimes ou de témoins ni d'images. Chaque délimitation supplémentaire du cercle des personnes permet un meilleur ciblage de l'enquête de grande envergure et, partant, un meilleur respect des droits fondamentaux. C'est pour cette raison que cette utilisation particulière du phénotypage a été expressément demandée par un participant à la consultation157. Cette délimitation revêt la forme d'une disposition potestative, comme dans l'avant-projet. Il convient de faire la distinction suivante: en application du principe de proportionnalité (art. 36, al. 3, Cst.), le matériel de trace en rapport avec l'infraction doit, en cas d'enquête de grande envergure, faire l'objet d'un phénotypage, pour autant que cela soit techniquement possible dans le 155 156

Zürcher Kommentar StPO-Hansjakob/Graf, art. 255 note 22.

Zürcher Kommentar StPO-Hansjakob/Graf, art. 256 note 7. Selon Schmid/Jositsch, des personnes qui semblent présenter des ressemblances avec l'auteur sur la base d'un portrait-robot peuvent aussi être intégrées dans l'enquête de grande envergure (Schmid Niklaus/Jositsch Daniel, Praxiskommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung [StPO], 3e éd., Zurich/Saint-Gall 2018, art. 256, note 1).

157 Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 16 (FSA).

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cas d'espèce. La forme potestative ne porte pas sur le fait même qu'un phénotypage soit effectué, mais sur l'utilisation de son résultat: si ce dernier est grevé de grandes incertitudes, il s'agira alors, lors de la définition du cercle des personnes convoquées à participer à une enquête de grande envergure, de renoncer à utiliser le résultat ou de lui accorder une priorité moindre. Si une personne présente plusieurs caractéristiques «en rapport avec la commission de l'acte» (art. 256 CPP), elle ne doit pas être exclue du cercle des personnes convoquées à participer à l'enquête de grande envergure pour la seule et unique raison qu'elle ne présente pas une certaine caractéristique phénotypée.

Al. 2 Lors d'une enquête de grande envergure, il peut arriver qu'aucun des profils standard des personnes qui ont été convoquées pour l'établissement de leur profil d'ADN ne concorde exactement avec le profil de trace relevé sur le lieu d'infraction, mais qu'un de ces profils présente des similitudes avec ce dernier158. D'un point de vue généticomoléculaire, il s'agit là de la même ressemblance qu'entre le profil du «candidat» trouvé lors d'une recherche en parentèle et le profil du donneur de la trace. Autrement dit: il ne peut être exclu que le participant à l'enquête de grande envergure ait un lien de parenté avec le donneur de la trace. De telles similitudes des profils d'ADN pourront dorénavant être examinées suivant la même démarche que lors d'une recherche en parentèle (cf. ci-dessus, ch. 1.1.4, Recherche en parentèle: déroulement). Suite à une demande formulée lors de la consultation, il est désormais établi de façon explicite qu'une recherche en parentèle menée dans ce contexte doit aussi être ordonnée par le tribunal des mesures de contrainte conformément à l'al. 2, comme c'est le cas pour l'enquête de grande envergure.

Comme lors d'une recherche en parentèle au sens de l'art. 258a P-CPP, la direction de la procédure doit, en application du principe de proportionnalité, veiller ici aussi à ce que le cercle des personnes qui, sur la base du résultat de la comparaison de profils, pourraient être apparentées avec le donneur de la trace soit davantage réduit grâce à l'établissement du profil d'ADN-Y ou au typage de l'ADNmt, pour autant que cela soit possible sur les plans génético-moléculaire et de la tactique d'enquête.

Art. 258a

Recherche en parentèle

La recherche en parentèle, réglée à l'art. 2a du projet de loi sur les profils d'ADN, constitue une nouvelle finalité d'utilisation du système d'information visé à l'art. 10 de la loi sur les profils d'ADN. L'art. 258a P-CPP fixe quant à lui les conditions relevant de la procédure pénale lorsqu'une telle recherche est ordonnée, à savoir la catégorie d'infraction autorisée et la compétence en matière d'application. Pour les raisons déjà évoquées (cf. ci-dessus, ch. 4.1.3), la recherche élargie peut être utilisée uniquement pour élucider des crimes. Selon la règle générale prévue à l'art. 198, al. 1, let. a, CPP, la compétence pour ordonner des mesures de contrainte est attribuée au 158

Cette situation est à l'origine du jugement de la Cour fédérale allemande en matière pénale du 20 décembre 2012 (BGH 3 StR 117/12; Verwertbarkeit der Erkenntnis einer wahrscheinlichen Verwandtschaft des Täters mit einem Untersuchungsteilnehmer; «concordance partielle»).

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ministère public. Cette règle générale doit aussi pouvoir s'appliquer à ce type particulier de recherches. Le ministère public est bien l'autorité adéquate pour ordonner des mesures selon les principes de l'État de droit, comme le confirme l'arrêt du TPF du 6 octobre 2015159.

Lors de la consultation, plusieurs participants ont demandé que la recherche en parentèle soit classée selon une hiérarchie juridique d'outils d'investigation et qu'elle ne soit utilisée qu'en dernier recours160. Le Conseil fédéral rejette cependant des réglementations aussi strictes. De toute façon, en l'existence d'un profil de trace, toute enquête pénale débute par une recherche standard dans le système d'information. Il s'agit du premier niveau hiérarchique dans l'application forensique de l'analyse d'ADN. Mais les autorités de poursuite pénale peuvent décider au cas par cas s'il faut plutôt commencer par une enquête de grande envergure ou par une recherche élargie.

Si le cercle des personnes à analyser peut être réduit à un petit nombre de personnes (par ex. les habitants d'un immeuble déterminé), il est préférable de commencer par une enquête de grande envergure. En revanche, si le cercle de personnes se monte à plus d'une centaine, la recherche élargie est l'instrument à privilégier car il respecte mieux la proportionnalité. C'est pourquoi la loi n'établit pas d'ordre chronologique strict pour l'application de ces deux instruments.

On constate par ailleurs que dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN figurent des personnes «soupçonnées d'avoir commis un crime ou un délit ou d'y avoir participé» ou des personnes condamnées (art. 11, al. 1, let. a et b, de la loi sur les profils d'ADN). Dans le cas d'une recherche en parentèle, le profil d'ADN de ces personnes est également examiné sous l'angle de sa similitude avec le profil de trace issu d'une autre procédure d'enquête qui a donné lieu à la recherche élargie.

Dans ce type d'enquête, les personnes figurant dans le système d'information ne font pas l'objet de soupçons, sinon leur profil aurait déjà abouti à une concordance avec le profil de trace en question lors de la première recherche régulière, laquelle précède toujours la recherche élargie (cf. ci-dessus, ch. 1.1.4, Recherche en parentèle: déroulement). Les personnes susceptibles d'avoir un lien
de parenté avec le donneur de la trace mises en évidence lors d'une recherche élargie sont ainsi exposées à une atteinte supplémentaire à leur sphère privée, qui en vérité est moindre comparée à l'atteinte primaire constituée par l'enregistrement ­ conforme au droit ­ de leur profil de personne dans le système d'information en raison d'un soupçon ou d'une condamnation (art. 11, al. 1, let. a et b, de la loi sur les profils d'ADN).

La recherche en parentèle constitue une méthode d'enquête particulière qui se base sur les liens de parenté d'une personne déterminée mis en évidence par des techniques de police criminelle dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN. Les enquêtes visant le cercle de personnes déterminé grâce aux liens de parenté ne sont quant à elles plus particulières, mais se fondent sur les dispositions du CPP en vigueur, comme c'est le cas pour toutes les enquêtes pénales. Si, dans une enquête visant des auteurs tout d'abord inconnus, les renseignements issus d'une telle recherche, couplés aux autres résultats d'enquête, permettent d'étayer suffisamment les soupçons pesant

159 160

TPF 2015 104, consid. 2.4 s.

Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 7 et 17.

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sur une personne déterminée, alors cette personne ne se distingue à partir de ce moment aucunement d'une autre personne qui ferait l'objet d'une procédure pénale menée en vertu du CPP161. Contrairement à certaines opinions exprimées lors de la consultation162, le droit de refuser de témoigner n'est donc pas nécessaire. En particulier, ces personnes ne sont pas des «parents» au sens de l'art. 168 CPP, mais simplement des «prévenus» au sens de l'art. 111 CPP, avec tous les droits de la défense et les devoirs que le CPP leur confère.

À l'étranger, différents cas ont récemment été mis au jour, dans lesquels les autorités de poursuite pénale n'ont pas utilisé le système d'information forensique sur les profils d'ADN concerné pour mettre en évidence les liens de parenté d'un donneur de trace, mais les banques de données de prestataires privés de recherches généalogiques163. À noter que l'instrument légal que constitue la «recherche en parentèle» visée aux art. 2a du projet de loi sur les profils d'ADN, 258a P-CPP et 73w P-PPM ne s'applique qu'aux recherches portant sur les profils d'ADN établis conformément à la loi sur les profils d'ADN et que ces recherches ne peuvent être menées que dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN visé à l'art. 10 de la loi sur les profils d'ADN. D'un point de vue strictement technique, un profil forensique d'ADN ne peut pas être comparé dans une banque de données généalogique privée.

Titre suivant l'art. 258a (Section 2 Phénotypage) Cf. explications ci-dessus, Titre suivant le chap. 5.

Art. 258b

Phénotypage

Cette disposition règle la constatation de caractéristiques morphologiques apparentes du donneur de la trace issue de l'analyse des traces d'ADN, autrement dit le phénotypage, en tant qu'instrument de la procédure pénale. Le phénotypage peut être utilisé uniquement pour élucider des crimes. Selon la règle générale définie à l'art. 198, al. 1, 161

Comme le constate aussi le TPF dans sa décision 2015 104 du 6 octobre 2015, qui considère la recherche en parentèle comme compatible avec la loi sur les profils d'ADN en vigueur: cette recherche permet «d'isoler certains individus qui présentent une proximité génétique avec le profil présumé. Le déroulement ultérieur de l'enquête relative à ces individus ­ qui sont exclus d'emblée comme l'auteur présumé sur la base de la trace ­ suivra les règles ordinaires de la procédure pénale, dans laquelle ils disposeront des droits relatifs à leur qualité.» (consid. 2.4).

162 Rapport sur les résultats de la procédure de consultation, p. 17 (FSA).

163 Au niveau international, l'arrestation de Joseph James DeAngelo, surnommé le «tueur du Golden State», avait déjà fait grand bruit: accusé d'être l'auteur de meurtres, de viols et de nombreux cambriolages commis entre 1974 et 1986, l'homme a pu être appréhendé en Californie en avril 2018 (cf. Dery III George M., Can a Distant Relative Allow the Government Access to Your DNA? The Forth Amendment Implications of Law Enforcement's Genealogical Search for the Golden State Killer and Other Genetic Genealogy Investigations, in: Hastings Science and Technology Law Journal, vol. 10, n° 2, été 2019, disponible sur: repository.uchastings.edu/hastings_science_technology_law_ journal/vol10/iss2/2). Entretemps, en Suède, l'utilisation d'une banque de données commerciale de généalogie a aussi permis d'élucider un double meurtre à Linköping (cf. The Local du 9 juin 2020, How Swedish police tracked down double murder suspect after 16 years, disponible sur: www.thelocal.se/20200609/how-swedish-police-tracked-downdouble-murder-suspect-after-16-years-linkoping, et la NZZ du 13 juillet 2020, «Ahnenforscher löst ungeklärten Kriminalfall»).

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let. a, CPP, la compétence pour ordonner des mesures de contrainte appartient au ministère public. Cette règle générale s'applique aussi au phénotypage. Le ch. 4.1.1 cidessus donne davantage de détails sur cet instrument.

Art. 353, al. 1, let. f bis La nouvelle let. f bis vient compléter l'énumération du contenu de l'ordonnance pénale en précisant le délai d'effacement d'un profil d'ADN de personne éventuellement existant.

5.2.3

Procédure pénale militaire

Art. 15, al. 3. let. dbis La liste des mesures visée à l'art. 15, al. 3, PPM que l'officier désigné comme remplaçant par le président du Tribunal militaire de cassation est habilité à ordonner est complétée par l'ajout de la let. dbis «analyse de l'ADN».

Titre suivant l'art. 73r (Section 10d Analyse de l'ADN) Comme spécifié au ch. 1.1.5, l'utilisation d'une analyse d'ADN dans une procédure pénale hors du CPP ne relève plus de la loi sur les profils d'ADN. Cette réglementation doit désormais être précisée dans une loi spéciale correspondante; dans le cas présent, la PPM est complétée par l'ajout d'une nouvelle Section 10d: Analyse de l'ADN.

Art. 73s

Profil d'ADN. Conditions en général

La teneur de l'al. 1 est identique à celle de l'art. 255, al. 1, CPP. On se référera donc, mutatis mutandis, aux explications relatives à cette norme dans le message CPP164 et, pour l'al. 2, aux explications relatives à l'art. 255, al. 3, P-CPP.

Art. 73t

Prélèvement d'échantillons lors d'enquêtes de grande envergure

La teneur de l'art. 73t est substantiellement identique à celle de l'art. 256 P-CPP. En conséquence, on se référera au commentaire dr cette dernière disposition. À l'al. 1, seule l'autorité qui ordonne les mesures est modifiée: le tribunal des mesures de contrainte civil équivaut, dans le domaine de la procédure pénale militaire, à l'autorité du président du Tribunal militaire de cassation. Quant à la compétence de faire la demande, elle revient au juge d'instruction (militaire) au lieu de son homologue dans le ministère public civil.

164

FF 2006 1223 s. (art. 254)

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Art. 73u

Profil d'ADN de personnes condamnées

L'art. 73u reprend mot pour mot la teneur de l'art. 257 CPP en vigueur. On se référera donc aux explications relatives à cette règle dans le message CPP165. Seul le titre est modifié sur le plan rédactionnel.

Art. 73v

Exécution du prélèvement d'échantillons

L'art. 73v reprend mot pour mot la teneur de l'art. 258 CPP en vigueur. On se référera donc aux explications relatives à cette règle dans le message CPP166.

Art. 73w

Recherche en parentèle

La teneur de l'art. 73w est identique à celle de l'art. 258a P-CPP. On se référera donc au commentaire de cette dernière disposition. La compétence d'ordonner la mesure est attribuée au juge d'instruction (art. 4a PPM) selon la règle générale de l'art. 62 PPM.

Art. 73x

Phénotypage

La teneur de l'art. 73x est identique à celle de l'art. 258b P-CPP. On se référera donc au commentaire de cette dernière disposition. La compétence d'ordonner la mesure est attribuée au juge d'instruction (art. 4a PPM) selon la règle générale de l'art. 62 PPM.

Art. 73y

Applicabilité de la loi sur les profils d'ADN

L'art. 73y reprend mot pour mot la teneur de l'art. 259 CPP. On se référera donc aux explications relatives à cette règle dans le message CPP167.

6

Conséquences

6.1

Conséquences sur les finances et l'état du personnel de la Confédération

Les caractéristiques mises en évidence par le phénotypage sont traitées avec les données relatives à des personnes ou des traces hors du système d'information visé à l'art. 10 de la loi sur les profils d'ADN (CODIS)* et hors du système d'information IPAS*. L'application de ce nouvel instrument de la procédure pénale ne génère donc pas de charge supplémentaire pour la Confédération. Les recherches en parentèle peuvent être mises en oeuvre par fedpol au moyen de l'infrastructure technique existante (système d'information fondé sur les profils d'ADN). Pour sa part, fedpol doit s'at-

165 166 167

FF 2006 1224 (art. 256) FF 2006 1224 (art. 257) FF 2006 1224 (art. 258)

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tendre à une légère charge supplémentaire en personnel en ce qui concerne la coordination des procédures et la coopération policière internationale, mais qui peut être couverte par les ressources existantes.

La nouvelle réglementation des délais d'effacement et la procédure simplifiée qui en découle devraient, selon toute attente, se traduire par une réduction de la charge administrative dans la gestion courante, car l'activité de contrôle relevant du domaine de compétences de fedpol devrait avoir tendance à diminuer. Les nouveautés de la procédure d'effacement exigent toutefois des adaptations de la plate-forme de communication Internet (jMessage Handler) ainsi que du système d'information IPAS.

Les coûts uniques se chiffrent actuellement (2020) à un montant d'environ 50 000 francs. La mise en oeuvre de la disposition transitoire visée à l'art. 23a du projet de loi sur les profils d'ADN génère par ailleurs une charge supplémentaire pour la Confédération. L'attribution des délais d'effacement selon la nouvelle législation aux profils visés par l'ancienne législation relèvera certes en premier lieu de la compétence des cantons (cf. ci-dessous, ch. 6.2, Conséquences pour les cantons), mais il appartient à la Confédération d'accompagner ces adaptations et de veiller à ce qu'elles soient conformes aux prescriptions légales, notamment pour ce qui est des délais.

Cette charge peut être couverte par les ressources existantes.

6.2

Conséquences pour les cantons

Les laboratoires d'analyse d'ADN facturent à l'autorité requérante environ 200 francs pour l'établissement d'un profil de personne et entre 400 et 500 francs pour un profil de trace. Le profil d'ADN se fonde sur l'évaluation de 16 marqueurs*, analysés simultanément selon une procédure standard. Par contre, un phénotypage nécessite l'analyse d'environ 200 marqueurs. Pour déterminer des caractéristiques telles que la couleur des yeux, des cheveux ou de la peau ainsi que l'origine biogéographique d'un donneur de trace, on aura recours aux nouvelles méthodes de séquençage haut débit (next generation sequencing, NGS). Celles-ci permettent d'obtenir les informations génétiques nécessaires grâce à une seule analyse. Ces analyses requierent l'utilisation d'appareils spéciaux, de réactifs et de programmes informatiques. Globalement, on estime que les coûts induits par le phénotypage d'une trace seront compris entre 1000 et 5000 francs, en fonction de la difficulté de l'analyse et de l'interprétation. Des précisions ne seront possibles qu'une fois que les exigences techniques et génético-moléculaires posées aux procédures d'analyse auront été fixées en détail. Ces coûts doivent toutefois être mis en relation avec les économies réalisées lors de l'engagement des ressources par la police, qui résultent d'un travail d'enquête mieux ciblé.

Toutes les recherches en parentèle ont été menées jusqu'ici par les autorités cantonales de poursuite pénale et concernent en majorité des infractions graves portant atteinte à la vie et à l'intégrité corporelle. Cet instrument génère des coûts principalement lors de la phase de l'enquête, qui est menée hors du système d'information de la Confédération et de l'activité du laboratoire, et qui relève uniquement du domaine de compétences de la poursuite pénale (cantonale). Selon la règle en vigueur, les cantons peuvent jusqu'à un certain degré décider eux-mêmes l'ampleur de cet investissement, en fonction de la fréquence à laquelle ils utilisent ces instruments. Parallèlement, il 67 / 76

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est à noter que, grâce aux nouvelles analyses supplémentaires qu'il est désormais possible d'effectuer, la charge de travail actuelle parfois énorme devrait, dans le cas d'espèce, pouvoir être considérablement réduite à l'avenir.

On peut s'attendre à ce que la nouvelle réglementation des délais d'effacement des profils de personnes et la procédure d'effacement simplifiée qui en découle entraînent une réduction de la charge administrative pour les cantons. Celle-ci ne diminuera pas seulement pour ce qui est des profils d'ADN traités dans CODIS, mais aussi en ce qui concerne les données traitées dans le système d'information AFIS (Automated Fingerprint Identification System), donc surtout pour les empreintes digitales et palmaires. En effet, les réglementations en matière d'effacement applicables aux données de ces deux systèmes d'information ont été harmonisées dans l'intervalle (cf. ci-dessus, ch. 4.1.2, in fine). À court ou moyen terme toutefois, la mise en oeuvre de la disposition transitoire visée à l'art. 23a du projet de loi sur les profils d'ADN générera une importante charge de travail pour les cantons.

6.3

Autres conséquences

Aucune conséquence n'est à attendre dans d'autres domaines tels que l'économie, la société ou l'environnement; les questions allant dans ce sens n'ont donc pas été examinées.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

7.1.1

Compétence législative

En vertu de l'art. 123 Cst., la Confédération est habilitée à légiférer dans les domaines du droit pénal et de la procédure pénale.

7.1.2

Conformité avec les droits fondamentaux

Phénotypage (art. 2b du projet de loi sur les profils d'ADN; art. 258b P-CPP et art. 73x P-PPM) Le phénotypage porte atteinte au droit fondamental à la liberté personnelle (art. 10, al. 2, Cst.) et à l'autodétermination en matière d'information (art. 13, al. 2, Cst.). Le TF qualifie l'établissement et le traitement de profils d'ADN à des fins d'identification des auteurs d'infractions, selon le droit en vigueur, de légère atteinte au droit à l'autodétermination en matière d'information. Selon lui, le profil d'ADN serait comparable à une «empreinte digitale classique», du fait que «seules des séquences d'ADN non codantes» sont analysées pour «constater des données génétiques d'ordre

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non personnel»168. Vu sous l'angle de l'atteinte aux droits fondamentaux, le phénotypage se distingue toutefois du profil d'ADN standard en deux points: l'analyse porte sur des caractéristiques personnelles, mais qui sont issues d'une trace, donc de matériel biologique lié à une infraction ne pouvant être attribué à personne à ce moment-là.

Les présents ajouts à la loi sur les profils d'ADN, au CPP et à la PPM permettent de régler le phénotypage dans une loi au sens formel, remplissant par là même l'exigence générale posée aux restrictions graves des droits fondamentaux énoncée à l'art. 36, al. 1, 2e phrase, Cst. Les restrictions des droits fondamentaux nécessitent une base légale, doivent se justifier par un intérêt public et être proportionnées (art. 36, al. 2 et 3, Cst.). La mission générale du droit de la procédure pénale consiste à mettre à disposition les outils procéduraux nécessaires à l'exercice de l'action publique découlant du droit pénal matériel et à celui des autres conséquences juridiques 169. La restriction de la liberté personnelle et de l'autodétermination en matière d'information du donneur de trace présente un intérêt public, car les caractéristiques morphologiques apparentes mises en évidence à l'aide de cet instrument peuvent contribuer à l'élucidation d'un crime. Il est en outre établi que «prévenir des actes criminels et élucider ceux qui ont été commis» est «toujours» dans l'intérêt public170. Le commentaire cidessus de l'art. 2, al. 2, du projet de loi sur les profils d'ADN montre que les analyses forensiques dont on dispose aujourd'hui peuvent fournir des informations sur l'apparence physique d'un donneur de trace d'ADN en rapport avec une infraction, adaptées aux fins de la procédure pénale. Il s'agit donc d'une mesure pertinente pour répondre à un intérêt public. Il est en outre expliqué au ch. 1.1.2, Le phénotypage comme instrument de la poursuite pénale que la poursuite pénale peut avoir besoin de l'instrument qu'est le phénotypage pour élucider certains crimes, notamment lorsque les instruments d'enquête classiques n'ont fourni aucun indice sur l'auteur de l'infraction.

Les restrictions de la liberté imposées à des particuliers ne doivent pas être disproportionnées par rapport au but poursuivi. Le phénotypage n'est ainsi utilisé que pour lutter contre le crime et
cela à condition que les autres instruments d'enquête aient été pleinement exploités et que seul le phénotypage soit en mesure de faire avancer les investigations de manière décisive. Le phénotypage ne permettant que l'analyse de caractéristiques morphologiques apparentes, à l'exclusion d'informations sur l'état de santé ou de caractéristiques personnelles, telles que le caractère, le comportement et l'intelligence, l'atteinte à la liberté personnelle et à l'autodétermination en matière d'information est admissible. Par conséquent, l'atteinte que porte le phénotypage aux droits fondamentaux est proportionnée au sens de l'art. 36, al. 3, Cst.

Par ailleurs, lors de la restriction d'un droit fondamental, il s'agit de vérifier si l'essence même des droits fondamentaux de la personne concernée est préservée (art. 36, al. 4, Cst.). Le phénotypage s'étend généralement sur le génome tout entier. D'un point de vue génético-moléculaire, cette nouvelle forme d'analyse d'ADN va bien audelà du niveau d'analyse atteint lors de l'établissement du profil d'ADN standard.

168 169

ATF 128 II 259 consid. 3.3 Schmid Niklaus/Jositsch Daniel, Handbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, 3e éd., Zurich/Saint-Gall 2017, note 6.

170 ATF 120 Ia 147, consid. 2. d. Cf. aussi: St. Galler Kommentar relatif à l'art. 10 Cst., note 57; BSK StPO-Weber, art. 197 note 3.

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Cette extension en termes de qualité est toutefois soumise à deux restrictions importantes: (a) le phénotypage porte toujours uniquement sur du matériel biologique de traces d'origine inconnue, donc sur du matériel de traces ne pouvant être attribué à personne à ce moment-là. Les résultats du phénotypage ne sont jamais spécifiques à un individu, mais toujours spécifiques à un groupe de personnes; (b) le phénotypage est soumis à la restriction imposée par la loi, selon laquelle seules les caractéristiques morphologiques apparentes peuvent être analysées (art. 2b du projet de loi sur les profils d'ADN). Par conséquent, il ne peut être mis en évidence aucune information concernant une personne qui n'est pas encore connue que cette dernière n'aurait pas déjà révélée, à savoir des informations comme celles que les autorités de poursuite pénale utilisent depuis toujours pour des recherches conformément aux art. 210 s. CPP. Ainsi la présente réglementation légale permet de garantir que l'essence même de la personnalité qui bénéficie d'une protection absolue n'est pas touchée par le phénotypage.

Nouvelles règles en matière d'effacement des profils d'ADN de personnes (art. 16 à 17a du projet de loi sur les profils d'ADN) Comme évoqué précédemment, le TF qualifie l'établissement et le traitement de profils d'ADN à des fins d'identification des auteurs d'infractions, selon le droit en vigueur (art. 13, al. 2, Cst.), de «légère atteinte au droit à l'autodétermination en matière d'information».

Conformément à la jurisprudence du TF notamment, on peut considérer que la réglementation en vigueur en matière d'effacement respecte le principe de proportionnalité.

La présente adaptation de l'art. 16 de la loi sur les profils d'ADN ne change rien au fait que cette norme reste largement différenciée. Dans la mesure où l'art. 16, al. 2, du projet de loi sur les profils d'ADN prévoit de nouveaux délais d'effacement plus longs, ceux-ci n'ont pas pour but une prolongation absolue en comparaison avec le droit en vigueur, mais seulement une prolongation relative: en effet, ces nouveaux délais doivent permettre d'équilibrer le fait que le moment où le délai d'effacement commence à courir est avancé dans le temps. En effet, ce délai commence à courir au moment du jugement et non plus au moment de l'exécution.

Par ailleurs,
il convient de souligner que le système d'information fondé sur les profils d'ADN vise à soutenir d'éventuelles futures enquêtes pénales. Il constitue donc uniquement un instrument d'investigation, tout comme les autres systèmes d'information permettant le traitement de données signalétiques. L'intérêt de la personne concernée à ne pas être identifiée en cas de récidive ou si jamais une infraction antérieure venait à être mise au jour est moins digne de protection que l'intérêt public à élucider rapidement une infraction et à empêcher des récidives. En tant qu'instrument applicable aux enquêtes pénales, le système d'information fondé sur les profils d'ADN est à la seule disposition des autorités de poursuite pénale. Il se distingue du casier judiciaire en ce sens que ce dernier est un outil d'information et de documentation destiné à un large cercle (déterminé) d'autorités et de particuliers, qui s'étend au-delà de la poursuite pénale.

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7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

De nombreux instruments élaborés dans le cadre du Conseil de l'Europe et des Nations Unies concernent des questions de procédure pénale. Parmi eux se distinguent le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II)171 et, à l'échelon européen, la CEDH.

La réglementation proposée est compatible avec le droit au respect de la vie privée (art. 8 CEDH et 17 Pacte ONU II).

Le Pacte ONU II et la CEDH contiennent tous deux une série de garanties qui se recoupent largement et qui doivent être respectées dans le cadre d'une procédure pénale.

Jusqu'ici, la CEDH est celle qui a eu le plus d'importance pour la Confédération et les cantons dans leur activité législative et leur pratique en matière de procédure pénale. Les nouveautés et les adaptations du droit existant proposées dans ce projet de loi sont compatibles avec les obligations internationales précitées.

7.3

Délégation de compétences législatives

En vertu de l'art. 2b, al. 4, du projet de loi sur les profils d'ADN, le Conseil fédéral est habilité à édicter des ordonnances de substitution.

7.4

Protection des données

Dans la mesure où des données personnelles sont traitées sur la base des dispositions modifiées de la loi sur les profils d'ADN, les bases légales nécessaires à cette fin figurent dans le projet (cf. en particulier les art. 3, 9, 9a, 11 et 16 à 17a).

171

RS 0.103.2

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Glossaire ADN Le matériel génétique ADN (acide désoxyribonucléique; angl.: deoxyribonucleic acid, DNA) se trouve dans le noyau de toutes les cellules du corps humain (à l'exception des globules rouges). Il se compose de nucléotides (molécules), qui sont formés à partir d'une des quatre bases suivantes: cytosine, guanine, adénine et thymine, l'adénine s'appariant toujours avec la thymine et la cytosine avec la guanine pour créer une paire de bases. L'«échelle en spirale» résultant de ces liaisons se contorsionne en une double hélice, qui se forme à son tour en chromosomes. L'ensemble de l'information héréditaire est contenu dans 23 paires de chromosomes. La suite des paires de bases est appelée «séquence d'ADN». L'ADN renferme les gènes.

ADN mitochondrial L'ADNmt se trouve hors du noyau cellulaire dans les mitochondries, lesquelles assurent l'apport en énergie d'une cellule. Le résultat de son analyse est la détermination de son haplotype. Si l'analyse de l'ADN mitochondrial n'est effectuée que dans des cas exceptionnels lors de l'examen de traces relevées sur les lieux d'une infraction, elle est d'une utilité toute spécifique. L'ADNmt étant présent en grande quantité dans chaque cellule, il peut être typisé souvent même si l'ADN nucléaire n'est disponible qu'insuffisamment ou est grandement dégradé. Par exemple, si un cheveu prélevé sur une victime n'a plus de racine, il reste possible malgré tout d'analyser l'ADN contenu dans les mitochondries en dehors du noyau. L'ADNmt permet par ailleurs de mettre en évidence des configurations de parenté, puisqu'il est hérité via la lignée maternelle en tant que molécule intégrale, donc de la mère à ses enfants (fils et filles, héritage maternel). S'agissant de la détermination des lignées, l'ADNmt est donc le pendant maternel du chromosome Y.

Allèle Les allèles sont des variations se trouvant à un endroit précis de l' ADN. L'ADN provenant pour moitié de la mère et pour moitié du père, chaque locus présente deux caractéristiques ou, autrement dit, allèles.

Chromosome Les chromosomes sont des parties intégrantes des cellules. Ce sont eux qui portent les informations héréditaires. On distingue les autosomes (chromosomes non sexuels) des gonosomes (chromosomes sexuels). L'être humain possède 46 chromosomes ou 23 paires de chromosomes. Les autosomes représentent
22 paires, la 23 e étant le gonosome. Chez les hommes, le gonosome est constitué d'un chromosome X venant de la mère et d'un chromosome Y venant du père; les femmes quant à elles reçoivent deux chromosomes X, un de leur mère et un autre de leur père.

CODIS (Combined DNA Index System)
Système d'information fondé sur les profils d'ADN

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Gène Un gène est un fragment déterminé localisé sur l'ADN qui contient les informations de base servant à la structure de protéines et formant ainsi le fondement du pilotage des processus biochimiques du métabolisme et donc le développement des caractéristiques. Le génome humain contient 22 500 gènes environ.

Haplotype Un haplotype (mot-valise formé à partir de l'anglais haploid genotype, ou génotype haploïde) est un groupe d'allèles de différents loci situés sur un seul et même brin d'ADN (haploïde), par exemple sur le chromosome Y ou l'ADN mitochondrial, et légués ensemble. Les haplotypes sont transmis tels quels à la descendance; le père lègue son ADN-Y à ses fils et la mère son ADN mitochondrial à ses enfants des deux sexes (fils et filles).

IPAS Le système informatisé de gestion et d'indexation de dossiers et de personnes de fedpol (IPAS) se fonde sur l'art. 19 de la loi fédérale du 13 juin 2008 sur les systèmes d'information de police de la Confédération (LSIP) 172. Les données de personnes et de cas relatives à chaque profil d'ADN enregistré dans CODIS y sont traitées. Le
numéro de contrôle de processus permet de relier ces données avec le profil d'ADN
y afférent.

Locus (pl.: loci; aussi: marqueur) Le locus désigne une position fixe sur l' ADN. On distingue les marqueurs autosomaux (qui se trouvent sur l'un des autosomes [ chromosome]), les marqueurs gonosomaux (fixés sur le chromosome X ou Y) et les marqueurs mitochondriaux (contenus dans l' ADN mitochondrial).

Numéro de contrôle de processus Le numéro de contrôle de processus (process control number, PCN) est un code, actuellement à 9 chiffres, servant à identifier chaque profil d'ADN de personne et de trace ainsi que le matériel biologique y afférent (échantillon). Il est individuel, indissociable et invariable tout au long de sa durée de vie. Le PCN permet à fedpol de relier un profil d'ADN (de personne ou de trace) précis enregistré dans CODIS avec les données de personnes et de cas y afférentes enregistrées dans le système d'information indépendant et physiquement séparé IPAS.

Phénotypage Le phénotypage est l'analyse d'une trace d'ADN dans le but de prévoir l'apparence physique d'une personne. Des séquences d'ADN sont alors examinées, qui sont associées avec des caractéristiques individuelles de cette personne.

172

RS 361

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Polymorphisme Il s'agit d'une variation dans l'information génétique entre des personnes précises.

Single nucleotide polymorphism (SNP); Profil d'ADN; Phénotypage Profil d'ADN Conformément à la définition légale établie à l'art. 2, al. 1, de la loi sur les profils d'ADN, le profil d'ADN est un code alphanumérique. Ce code est composé comme suit: il existe sur les brins d'ADN des positions (loci ou marqueurs) où des unités de paires de bases précises se répètent souvent avec une grande variabilité interindividuelle. Ces répétitions sont appelées «séquences microsatellites», ou short tandem repeats (STR) dans la terminologie anglaise courante. Le nombre de répétitions à un locus précis (soit sa longueur) peut être déterminé. Ces variations de longueur spécifiques diffèrent d'une personne à l'autre («polymorphismes de longueur»; exception: les jumeaux monozygotes). C'est cette caractéristique qui permet d'utiliser les STR à des fins d'identification. Le nombre de répétitions par locus que l'analyse aura mis en évidence est indiqué par des valeurs chiffrées simples (vWA 16-18 par ex.). En vertu de l'art. 1, al. 5, en relation avec l'annexe de l'ordonnance du DFJP du 8 octobre 2014 sur les laboratoires d'analyse d'ADN173, 16 loci peuvent être analysés en Suisse en vue d'établir un profil d'ADN. À quoi s'ajoute l'analyse de l'amélogénine, marqueur spécifique permettant de déterminer le genre. Le profil d'ADN se compose donc de 32 chiffres (16 loci avec chacun 2 allèles), complétés par l'indication du sexe de la personne (XX pour les femmes, XY pour les hommes). On parle de concordance exacte entre deux profils d'ADN standard complets (personne ou trace) s'ils s'accordent entre eux sur l'ensemble des 32 allèles.

Profil d'ADN du chromosome Y Il s'agit d'un profil d'ADN dont les loci sont localisés sur le chromosome Y. Seuls les individus de sexe masculin ont un chromosome Y ( chromosome). Sauf en cas de mutation, le chromosome Y est transmis tel quel du père à ses fils, ce qui signifie que tous les hommes descendant de la même lignée paternelle (père, fils, frères, etc.), indépendamment du degré de parenté et sur toutes les générations, présentent le même profil d'ADN-Y. Celui-ci se distingue donc du profil d'ADN standard puisqu'il n'est pas propre à une personne. À l'instar des chromosomes autosomaux,
le chromosome Y contient lui aussi des séquences microsatellites ( profil d'ADN) dont la longueur est mesurable. Le profil d'ADN-Y est rendu sous la forme d'un code numérique, comme le profil d'ADN standard. Il peut être utilisé dans un système d'information pour des comparaisons de profils exactes (1:1) et des comparaisons 1:n.

Short tandem repeat (STR)
Profil d'ADN

173

RS 363.11

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Single nucleotide polymorphism (SNP) Le polymorphisme nucléotidique est un type particulier de polymorphisme représentant la variation d'une seule paire de bases ( ADN): l'une des quatre bases de l'ADN A, C, G ou T est échangée au sein d'une séquence (par ex. A au lieu de G).

Système d'information fondé sur les profils d'ADN Le système d'information suisse des profils d'ADN se base sur l'art. 10 de la loi sur les profils d'ADN. Les profils d'ADN (de personnes ou de traces) qui y sont traités sont marqués uniquement par un numéro de contrôle de processus. Les données relatives à des personnes ou à des cas y afférentes sont enregistrées dans le système d'information indépendant et physiquement séparé IPAS. Le système d'information est exploité au moyen du logiciel CODIS (Combined DNA Index System).

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Bibliographie Littérature scientifique Donatsch Andreas/Lieber Viktor/Summers Sarah/Wohlers Wolfgang (éd.), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), Zurich, 2020 (cité Zürcher Kommentar StPO-auteur, art. note) Kayser Manfred, Forensic use of Y-chromosome DNA: a general overview.

Human Genetics, vol. 136/2017, p. 621 ss (cité Kayser, Y-chromosome) Niggli Marcel Alexander/Heer Marianne/Wiprächtiger Hans (éd.), Basler Kommentar Schweizerische Strafprozessordnung ­ Jugendstrafprozessordnung, Bâle, 2014 (cité BSK StPO-gestionnaire, art. note) Vuille Joëlle/Hicks Tacha/Kuhn André, Les recherches familiales basées sur les profils d'ADN (ou recherches en parentèle) en droit suisse, Schweizerische Zeitschrift für Strafrecht, vol. 131/2013, p. 141 ss (cité Vuille et al., Recherches familiales) Documentation Message du 8 novembre 2000 relatif à la loi fédérale sur l'utilisation de profils d'ADN dans le cadre d'une procédure pénale et sur l'identification de personnes inconnues ou disparues, FF 2001 19 Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1057 Message du 5 juillet 2017 concernant la loi fédérale sur l'analyse génétique humaine, FF 2017 5253 Institut suisse de droit comparé, Legal Opinion on the Regulation of the Use of DNA in Law Enforcement, avis 20-016, Lausanne, 28 août 2020, sur: www.isdc.ch/media/ 1953/e-2020-02-20-016-use-of-dna.pdf (cité ISDC, Legal Opinion)

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