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ad 17.400 Initiative parlementaire Imposition du logement. Changement de système Rapport du 27 mai 2021 de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des États Avis du Conseil fédéral du 25 août 2021

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 112, al. 3, de la loi sur le Parlement, nous nous prononçons comme suit sur le rapport du 27 mai 2021 de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des États relatif au changement de système en matière d'imposition du logement.1 Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

25 août 2021

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Guy Parmelin Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

1

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Avis 1

Contexte

Le 9 janvier 2017, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des États (CER-E) a relancé l'idée de supprimer la valeur locative dans le droit fiscal suisse et déposé à cette fin une initiative parlementaire (iv. pa. 17.400). Dans le cadre de la procédure d'examen préliminaire, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (CER-N) a donné suite à ladite initiative le 14 août 2017.

Le projet mis en consultation se fonde sur un changement de système partiel dans lequel l'imposition de la valeur locative du logement occupé par son propriétaire à son domicile serait supprimée dans la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD)2 et dans la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID)3. Compte tenu des intérêts fiscaux des cantons touristiques, la valeur locative des résidences secondaires à usage personnel devrait en revanche rester imposable. Dans la logique du système, renoncer à imposer la valeur locative aurait pour corollaire la non-déductibilité des frais d'entretien des immeubles. Pour ce qui est de la déduction des intérêts passifs, cinq options ont été examinées. Toutes ont en commun le fait qu'elles limitent la déductibilité des intérêts passifs en fonction du rendement imposable de la fortune, même si la cinquième option prévoit une interdiction absolue de déduire les intérêts passifs privés.

Pour les déductions d'ordre extra-fiscal (mesures visant à économiser l'énergie et à ménager l'environnement, travaux de restauration de monuments historiques), le droit à la déduction devrait être maintenu dans la LHID en tant que disposition potestative, mais abrogé dans la LIFD. Enfin, la déduction pour l'acquisition d'un premier logement introduirait dans le droit fiscal suisse un nouvel allègement fiscal dont la durée de validité et le montant seraient limités.

La procédure de consultation a duré du 5 avril au 12 juillet 2019. Le rapport sur ses résultats4 renvoie un tableau mitigé: pour 21 cantons et la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CDF), la réforme proposée apparaît insatisfaisante par rapport au statu quo; à l'inverse, 5 partis politiques (PBD, PDC, PLR, PVL et UDC) se disent foncièrement favorables au projet; au sein des associations faîtières
et des autres organisations, les avis favorables et défavorables s'équilibrent.

Le 27 mai 2021, la CER-E a adopté un projet de loi qui, selon son rapport5, s'écarte du projet mis en consultation sur trois points: ­

2 3 4

5

Par 7 voix contre 4, la commission préconise de supprimer la déduction générale des intérêts passifs (= cinquième option du projet de consultation); une

RS 642.11 RS 642.14 Disponible sous www.fedlex.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2019 > Parl. > Loi relative au changement de système d'imposition de la propriété du logement.

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minorité de la commission souhaite limiter la déductibilité des intérêts passifs à concurrence de 70 % du rendement imposable de la fortune.

­

La déductibilité des frais occasionnés par des travaux de restauration de monuments historiques est maintenue non seulement dans la LHID (comme disposition potestative), mais également dans la LIFD dans les mêmes conditions.

­

La déductibilité des coûts liés aux mesures destinées à économiser l'énergie et à ménager l'environnement est conservée dans la LHID sous la forme d'une disposition potestative; toutefois, cet encouragement fiscal n'est valable que jusqu'à ce que les objectifs visés à l'art. 3, al. 1, de la loi du 25 septembre 2020 sur le CO26 soient atteints.

Lors du vote sur l'ensemble, le projet de loi a été adopté par 9 voix contre 2 et 1 abstention.

2

Avis du Conseil fédéral

Le système actuel d'imposition de la valeur locative est contesté depuis des années.

Les propriétaires de logements, notamment, se demandent pourquoi ils se voient imposer un revenu qu'ils considèrent comme «fictif».

Récemment, le Conseil fédéral s'est plusieurs fois montré ouvert à l'idée de réformer l'imposition de la propriété du logement, pour autant que les solutions proposées soient équilibrées, cohérentes et finançables. Lors de projets de réforme antérieurs (train de mesures fiscales 20017 et contre-projet indirect à l'initiative populaire «Sécurité du logement à la retraite»8), il n'a jamais caché que le système actuel présentait de nombreux défauts: notamment absence de limitation des incitations à l'endettement privé, complexité technique de l'imposition de la valeur locative, absence d'adaptations périodiques dans la définition de la valeur locative et conséquences qui en résultent pour les paiements de transfert étatiques (bourses, réductions des primes, etc.).

Enfin, nul ne saurait ignorer la critique persistante des rentiers à l'égard du système actuel d'imposition de la propriété du logement. En effet, dans leur cas, le solde entre la valeur locative et les déductions peut représenter une part substantielle des revenus totaux, dans la mesure où les propriétaires arrivés à l'âge de la retraite ont généralement déjà amorti une bonne partie de leurs dettes hypothécaires.

Au cours des 20 dernières années, les cantons se sont montrés de plus en plus sceptiques quant à l'éventualité de changer le système d'imposition de la propriété du logement. Lors de la consultation sur la partie consacrée au logement dans le train de mesures fiscales 2001, on comptait encore 15 cantons prêts à soutenir un changement de système. Un peu moins de dix ans plus tard, la majorité a basculé puisque 17 cantons se sont exprimés contre la suppression de la valeur locative dans le cadre de la consultation sur le contre-projet indirect à l'initiative populaire «Sécurité du logement 6 7 8

FF 2020 7607 Cf. www.parlament.ch > Numéro de l'objet: 01.021 Cf. www.parlament.ch > Numéro de l'objet: 10.060

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à la retraite». La récente consultation a montré que la résistance des cantons s'est encore renforcée depuis. La baisse significative des recettes fiscales que pourrait entraîner la suppression de l'imposition de la valeur locative dans le contexte actuel de taux d'intérêt très bas joue certainement un rôle essentiel à cet égard.

2.1

Proposition: entrée en matière sur le projet

Les échecs successifs de tout projet visant à supprimer la valeur locative ­ que ce soit devant le Parlement ou par l'intermédiaire de votations populaires ­ avaient incité le Conseil fédéral à ne plus intervenir sur ce sujet. Le 10 juin 2016, il a ainsi déclaré, dans un communiqué de presse concernant le rapport sur les incitations à l'endettement des ménages, rédigé par un groupe de travail mixte composé de représentants de l'administration fédérale et de la Banque nationale suisse, qu'il renonçait pour le moment à proposer de lui-même une modification du système d'imposition de la valeur locative9.

Pour le Conseil fédéral, il y a aujourd'hui fondamentalement d'autres projets fiscaux qui sont prioritaires: la réforme de l'impôt anticipé, la suppression du droit de timbre d'émission (ci-après droit d'émission) ainsi que la suppression des droits de douane sur les produits industriels; trois projets propres à renforcer l'attrait de la place économique suisse et présentant un rapport coûts-bénéfices comparativement favorable.

S'ajoutent à cela le passage à une imposition individuelle, exigé par les Chambres fédérales dans le cadre du programme de la législature 2019 à 2023 et susceptible, selon la configuration choisie, de se traduire par une diminution conséquente des recettes, ainsi que l'éventuelle abolition des droits de timbre, que le Parlement préconise dans le cadre de l'initiative parlementaire 09.503. Enfin, le projet de l'OCDE sur l'imposition de l'économie numérique peut aussi nécessiter la mise en place de mesures visant à contrer une possible perte de l'attractivité de la place financière. Cela étant, compte tenu des défauts évoqués au deuxième paragraphe du ch. 2, le Conseil fédéral estime que des mesures suffisantes doivent être prises pour changer le système d'imposition du logement.

Les projets de politique fiscale de la Confédération ayant un impact financier important (dans chaque cas, diminution récurrente de recettes estimée à plus de 100 millions de francs par an) sont présentés succinctement ci-après (situation au 13 août 2021): Projet et entrée en vigueur probable

Diminution estimée des recettes pour la Confédération en millions de francs

Suppression du droit d'émission (dès 2022)10

­ 250

Loi fédérale sur l'impôt anticipé.

Renforcement du marché des capitaux de tiers (dès 2023)11

­ 180

9 10 11

www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-62128.html Cf. www.parlament.ch > Numéro de l'objet: 09.503 Cf. www.parlament.ch > Numéro de l'objet: 21.024

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Projet et entrée en vigueur probable

Diminution estimée des recettes pour la Confédération en millions de francs

Suppression des droits de douane sur les produits industriels (dès 2024)12

­ 55013

Abolition du droit de timbre de négociation et du droit de timbre sur les primes d'assurance (dès 2025)14

­ 2000

Augmentation des déductions forfaitaires de l'impôt fédéral direct liées aux primes d'assurance-maladie (dès 2025)15

­ 230

Introduction de l'imposition individuelle (dès 2025) selon l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202316

Montant impossible à quantifier faute de valeurs de référence arrêtées17

Projet OCDE sur l'imposition de l'économie numérique (date d'entrée en vigueur non définie)

Montant impossible à quantifier faute de valeurs de référence arrêtées

D'une manière générale, la situation financière s'est dégradée en raison de la pandémie de COVID-19. Au vu des dépenses engagées pour maîtriser la crise sanitaire, la Confédération s'attend pour 2021 à un déficit similaire à celui de 2020. Les dépenses extraordinaires entraînent aussi un endettement qui doit être réduit en vertu du droit en vigueur. Partant des dépenses autorisées pour l'année 2021, le découvert du compte d'amortissement à fin 2021 pourrait se monter à quelque 30 milliards de francs. Dans ce contexte, la marge de manoeuvre pour financer des projets qui ne constituent pas une priorité est nulle.

Le changement de système proposé par la CER-E se traduit à court terme par une diminution des recettes pour la Confédération, les cantons et les communes. Avec un taux hypothécaire de 1,5 %, cette diminution se monterait à un peu plus de 100 millions de francs pour l'impôt fédéral direct. Si elle peut paraître relativement minime dans l'environnement de taux bas actuel, cette baisse de recettes coûte toutefois très cher sur le plan constitutionnel, car la commission est prête à opérer des entorses sévères au principe de l'imposition selon la capacité économique. Le Conseil fédéral considère qu'il n'est pas correct de sacrifier ce principe au profit d'intérêts fiscaux à court terme. Dans le cadre d'un changement de système, la déduction des intérêts passifs devrait être conforme au principe de la capacité économique, la contrepartie étant toutefois que la réforme entraînerait alors une baisse générale des recettes publiques de plusieurs milliards dans l'environnement de taux bas actuel.

12 13 14 15 16 17

Cf. www.parlament.ch > Numéro de l'objet: 19.076 Ce montant se compose d'une diminution des recettes de 530 millions de francs pour les droits de douane et de 20 millions de francs pour la taxe sur la valeur ajoutée.

Cf. www.parlament.ch > Numéro de l'objet: 09.503 Cf. www.parlament.ch > Numéro de l'objet:17.3171 FF 2020 8087 Dans le message du 21 mars 2018 relatif à la modification de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (Imposition équilibrée des couples et de la famille), la perte de recettes liée à la mise en oeuvre du modèle «Barème multiple avec calcul alternatif de l'impôt» est estimée à 1200 millions de francs (FF 2018 2173).

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S'agissant de l'instauration d'une déduction pour l'acquisition d'un premier logement, il faut rappeler qu'à la suite de l'adoption de son contre-projet indirect à l'initiative populaire «Sécurité du logement à la retraite», le Conseil fédéral avait lui aussi proposé cet instrument incitatif. Celui-ci permet d'encourager l'accession à la propriété en général (art. 108 Cst.) et la prévoyance individuelle (art. 111, al. 4, Cst.). En tant que mesure d'encouragement, la déduction en question ne doit et ne peut pas nécessairement respecter pleinement le principe de l'égalité de traitement; limiter la durée de validité et le montant de cette déduction constitue une solution acceptable et défendable.

L'instauration d'une déduction pour l'acquisition d'un premier logement produit cependant d'importants effets d'aubaine, car cet instrument favorise en partie les personnes qui achèteraient leur logement même sans bénéficier d'un allègement fiscal.

De plus, un tel allègement fiscal se trouve en contradiction avec l'objectif de la stabilité du système financier, puisque les primo-accédants doivent souvent financer le logement qu'ils occupent grâce à un niveau élevé de capitaux de tiers et que la mesure considérée facilite l'accès à la propriété du logement justement pour les personnes se situant au seuil de la solvabilité. Au vu des interactions étroites qui existent entre la déduction générale des intérêts passifs et la déduction pour l'acquisition d'un premier logement, on ne saurait effectuer une quelconque évaluation finale de la seconde sans connaître les modalités de la première.

Compte tenu de ce qui précède, le Conseil fédéral ne propose pas de modifier ou de supprimer la déduction pour l'acquisition d'un premier logement. Il invite toutefois le Parlement à réexaminer celle-ci, notamment s'il devait suivre sa proposition concernant la déduction générale des intérêts passifs.

Le Conseil fédéral propose d'entrer en matière sur le projet malgré les réserves suscitées par la diminution des recettes fiscales à court terme et par le système tel qu'il est conçu actuellement. Si le Parlement devait entrer en matière, le Conseil fédéral soumet les propositions de modifications ci-après.

2.2

Propositions de modifications

2.2.1

Changement de système complet

Seul un changement de système complet, qui supprimerait aussi l'imposition de la valeur locative des résidences secondaires, pourrait convaincre sur le plan conceptuel.

Sans cela, on se retrouve avec deux systèmes parallèles à gérer séparément, ce qui implique une lourde charge administrative. Le potentiel de simplification lié à un changement de système resterait par conséquent inexploité.

Il convient en outre de considérer que seul un remaniement complet du système permet de garantir l'égalité de traitement avec l'utilisation à titre personnel d'autres biens sans rendement (voitures de luxe, yachts, camping-cars, tableaux). Dans son expertise

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succincte du 10 mai 201918 à l'attention de la CDF, René Matteotti, professeur à l'Université de Zurich, a relevé que le fait de différencier la propriété du logement à usage personnel au domicile et la résidence secondaire à usage personnel contredit le principe d'équité du système établi par les dispositions du droit fiscal. Cette distinction est aussi problématique en termes d'incidence sur la neutralité des décisions. Les propriétaires de plusieurs immeubles seraient notamment incités à déplacer temporairement leur domicile pour des raisons fiscales, afin de pouvoir déduire des travaux d'entretien effectués sur le logement à usage personnel au domicile initial.

Globalement, le professeur Matteotti estime qu'il est ainsi justifié de qualifier d'anticonstitutionnel le maintien de l'imposition de la valeur locative des résidences secondaires. Lors de la procédure de consultation, 18 cantons ont également estimé qu'un changement de système partiel, qui institue un traitement différent de situations objectivement identiques (l'utilisation à usage personnel de la propriété du logement), est difficilement justifiable au regard du droit constitutionnel.

Conclusion: il convient de rejeter une suppression de l'imposition de la valeur locative limitée à la propriété du logement à usage personnel au domicile, eu égard au potentiel de simplification apporté par un changement de système complet et du fait que la constitutionnalité même de la proposition pose problème. Si l'on veut ménager les cantons qui présentent un taux élevé de résidences secondaires, il faut alors trouver un autre mode de compensation financière.

2.2.2

Déduction des intérêts passifs

Le Conseil fédéral s'est déjà exprimé, il y a plus de dix ans, pour une réduction des incitations à l'endettement privé dans le cadre du contre-projet indirect à l'initiative populaire «Sécurité du logement à la retraite», en approuvant une limitation de la déductibilité des intérêts passifs privés à concurrence de 80 % du rendement imposable de la fortune. La décision de la commission, qui envisage la suppression intégrale de la déduction générale des intérêts passifs et correspond à la cinquième option du projet mis en consultation, dépasse toutefois nettement l'objectif visé, puisqu'elle rendrait impossible la déduction des intérêts passifs même lorsque ceux-ci présentent le caractère de frais d'acquisition du revenu, c'est-à-dire lorsqu'ils servent à obtenir un revenu imposable.

Le fait de ne plus pouvoir déduire, à l'avenir, des intérêts passifs privés défavorise, de manière injustifiée sur le plan constitutionnel, les propriétaires de résidences secondaires à usage personnel ou d'immeubles loués ou affermés. Ces propriétaires seraient toujours imposés sur l'usage personnel de leur bien, sous la forme de la valeur locative, ou sur les recettes tirées de la location ou de l'affermage de leurs biens, mais ne pourraient plus déduire les charges d'intérêts nécessaires à la réalisation de ces revenus. Dans le cas de la fortune mobilière (par ex. pour un portefeuille d'actions financé

18

Disponible au téléchargement sous: www.fdk-cdf.ch > Thèmes > Politique fiscale > Imposition de la propriété du logement > 13.6.2019: 17.400 Iv. parl. CER-CE. Imposition du logement. Changement de système. Prise de position.

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par un crédit), les intérêts passifs peuvent aussi dans certains cas avoir le caractère de frais d'acquisition du revenu.

Dans son expertise, le professeur Matteotti, constate qu'une option aussi radicale viole le principe du produit net qui découle de celui de la capacité économique, et s'avère ainsi contraire à la Constitution. C'est ce qui explique pourquoi aucun canton n'a soutenu cette réglementation en matière d'intérêts passifs lors de la procédure de consultation. Dans ce cadre, l'option qui a obtenu le plus de soutien est celle qui limite la déductibilité des intérêts passifs à concurrence de 80 % du rendement imposable de la fortune, même si près de la moitié des cantons a préconisé une limitation encore plus sévère de la déductibilité.

Interdire de manière générale toute déduction des intérêts passifs dans la fortune privée est également délicat du point de vue économique, car il faut s'attendre à des effets d'adaptation sur les marchés du logement locatif. D'une part, les loueurs privés qui financent leur immeuble de rendement grâce à des capitaux de tiers vont chercher à transposer l'augmentation des coûts sur les loyers. D'autre part, l'interdiction de déduire les intérêts passifs pourrait influencer les décisions de placement des ménages privés et écarter les placements de capitaux constitués d'importants fonds de tiers ­ souvent utilisés dans les locations. Ces deux effets ont des conséquences indirectes sur les ménages locataires: soit l'offre en logements loués se raréfie, soit le prix des loyers augmente.

Conclusion: bien qu'il n'existe pas de formule mathématique exacte pour classer les intérêts passifs, ceux-ci doivent être déductibles lorsqu'ils ont le caractère de frais d'acquisition du revenu. La suppression de la déduction décidée par la CER-E doit être rejetée avant tout pour des raisons d'ordre constitutionnel. Une limitation de la déductibilité des intérêts passifs privés à concurrence de 70 % du rendement imposable de la fortune, comme le demande la minorité de la commission, est acceptable.

2.2.3

Déductions relatives aux mesures visant à économiser l'énergie et à ménager l'environnement

Le renvoi à la loi sur le CO2 effectué par la CER-E dans une disposition transitoire (art. 78h, al. 2, P-LHID) est devenu caduc à la suite du rejet de cette loi en votation populaire le 13 juin 2021. Une adaptation est donc nécessaire.

Le 28 août 2019, le Conseil fédéral a décidé que la Suisse ne devait plus émettre de gaz à effet de serre d'ici 2050, autrement dit atteindre zéro émission nette. La Suisse se conforme ainsi à l'objectif convenu au niveau international de limiter le réchauffement climatique mondial à 1,5 °C au maximum par rapport à l'ère préindustrielle. L'objectif climat 2050 constitue la pierre angulaire de la Stratégie climatique 2050 de la Suisse, qui a été adoptée par le Conseil fédéral le 27 janvier 2021. La Suisse respecte en cela un engagement pris en signant l'Accord de Paris19. L'assainissement énergétique du parc immobilier suisse prendra du temps, c'est pourquoi cet 19

RS 0.814.012; www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/climat/communiques.

msg-id-76206.html; https://www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/documentation/ communique/anzeige-nsb-unter-medienmitteilungen.msg-id-82140.html.

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encouragement fiscal doit être maintenu dans la LHID jusqu'à ce que l'objectif climat 2050 soit atteint.

2.2.4

Conséquences financières des propositions de modifications du Conseil fédéral par comparaison avec le projet de la CER-E

Les effets sur les recettes fiscales qui sont indiqués ci-après correspondent à des taux d'environ 1,5 % et 3,5 %. Les ajustements comportementaux des sujets économiques ne sont pas pris en compte. Dans son rapport, la CER-E a déjà appelé l'attention sur le caractère limité de la base de données utilisée20. Les indications suivantes se fondent sur un modèle de taux d'environ 1,5 %: Propositions de modifications du Conseil fédéral

Conséquences financières pour la Confédération, les cantons et les communes

Suppression de la valeur locative des résidences secondaires à usage personnel et des déductions directement liées à celle-ci applicables aux frais d'acquisition du revenu (notamment aux frais d'entretien)

Baisse des recettes fiscales non quantifiable par rapport au projet de la CER-E

Déduction des intérêts passifs à concurrence de 70 % du rendement imposable de la fortune

Baisse estimée des recettes fiscales d'un milliard de francs supplémentaires par rapport au projet de la CER-E

Déductions relatives aux mesures visant à économiser l'énergie et à ménager l'environnement

Pas d'effets supplémentaires sur les recettes fiscales par rapport au projet de la CER-E aussi longtemps que la disposition transitoire sera applicable

La CER-E a estimé à 660 millions de francs la réduction des recettes fiscales en se fondant sur un taux de 1,5 %. Celle-ci serait d'environ 1,66 milliard de francs avec les modifications proposées par le Conseil fédéral. En outre, un changement de système s'agissant des résidences secondaires entraînerait une baisse non quantifiable de recettes pour la Confédération, les cantons et les communes.

Les indications suivantes se fondent sur un modèle de taux d'environ 3,5 %: Propositions de modifications du Conseil fédéral

Conséquences financières pour la Confédération, les cantons et les communes

Suppression de la valeur locative des résidences secondaires à usage personnel et des déductions directement liées à celle-ci applicables aux frais d'acquisition du revenu (notamment aux frais d'entretien)

Baisse des recettes fiscales non quantifiable par rapport au projet de la CER-E

Déduction des intérêts passifs à concurrence de 70 % du rendement imposable de la fortune

Baisse estimée des recettes fiscales de 1,86 milliard de francs supplémentaires par rapport au projet de la CER-E

20

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Propositions de modifications du Conseil fédéral

Conséquences financières pour la Confédération, les cantons et les communes

Déductions relatives aux mesures visant à économiser l'énergie et à ménager l'environnement

Pas d'effets supplémentaires sur les recettes fiscales par rapport au projet de la CER-E aussi longtemps que la disposition transitoire sera applicable

Selon les estimations, le projet de la CER-E permettrait d'accroître les recettes fiscales de 2,01 milliards de francs. Celles-ci augmenteraient d'environ 150 millions de francs avec les modifications proposées par le Conseil fédéral. En outre, un changement de système s'agissant des résidences secondaires entraînerait une baisse non quantifiable de recettes pour la Confédération, les cantons et les communes, si bien que les effets sur les recettes se chiffreraient au total à plus de 150 millions de francs.

2.3

Mise en oeuvre

Si le Parlement adopte le projet, les points suivants devront être considérés lors de la mise en oeuvre: les propriétaires d'immeuble ont besoin d'un délai de transition adéquat pour s'adapter au changement des conditions-cadres (endettement hypothécaire, entretien d'immeuble). Cela est d'autant plus important si le Parlement opte pour la variante radicale consistant à supprimer complètement la déduction des intérêts passifs, car cette modification législative va bien au-delà des logements destinés à l'usage personnel des propriétaires à leur domicile et parce que, précisément dans le contexte actuel de faibles taux d'intérêt, les contrats de crédit hypothécaire sont souvent conclus à long terme. Les cantons également ont besoin d'un délai transitoire adapté, qui leur laisse suffisamment de temps pour mettre en oeuvre les nouvelles dispositions dans le droit cantonal. S'il revient au Conseil fédéral de fixer la date d'entrée en vigueur, il consultera la CDF sur ce point.

3

Propositions du Conseil fédéral

3.1

Proposition: entrée en matière

Le Conseil fédéral propose d'entrer en matière sur le projet de loi de la commission.

3.2

Propositions de modifications

3.2.1

Proposition 1: changement de système complet

1. Loi fédérale sur l'impôt fédéral direct Art. 21, al. 1, let. b, et 2 Abrogés

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Art. 32a, titre et al. 1, phrase introductive Immeubles loués ou affermés Pour les immeubles loués ou affermés détenus dans la fortune privée, sont déductibles: 1

2. Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes Art. 7, al. 1, 1re phrase L'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques, en particulier le produit d'une activité lucrative dépendante ou indépendante, le rendement de la fortune, les prestations d'institutions de prévoyance ainsi que les rentes viagères. ...

1

Art. 9a, titre et al. 1, phrase introductive Immeubles loués ou affermés Pour les immeubles loués ou affermés détenus dans la fortune privée, sont déductibles: 1

3.2.2

Proposition 2: déduction des intérêts passifs

1. Loi fédérale sur l'impôt fédéral direct Art. 33, al. 1, let. a, 1re phrase 1

Sont déduits du revenu: a.

les intérêts passifs privés à concurrence de 70 % du rendement imposable de la fortune au sens des art. 20, 20a et 21. ...

2. Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes Art. 9, al. 2, let. a 2

Les déductions générales sont: a.

les intérêts passifs privés à concurrence de 70 % du rendement imposable de la fortune au sens des art. 7 et 7a;

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3.2.3

Proposition 3: déduction des investissements destinés à économiser l'énergie et à ménager l'environnement

2. Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes Art. 78h, al. 2, 1re phrase Tant que l'objectif d'équilibrer le bilan des gaz à effet de serre n'est pas atteint, mais jusqu'en 2050 au plus tard, les cantons peuvent prévoir des déductions pour les mesures d'économie d'énergie et la protection de l'environnement.

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