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21.048 Message concernant une modification de la loi sur l'organisation de la Poste et un arrêté fédéral concernant la garantie de capitalisation de La Poste Suisse du 30 juin 2021

Messieurs les Présidents Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une modification de la loi sur l'organisation de la Poste et le projet d'un arrêté fédéral concernant la garantie de capitalisation de La Poste Suisse, en vous proposant de les adopter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

30 juin 2021

Au nom du Conseil fédéral suisse Le président de la Confédération: Guy Parmelin Le chancelier de la Confédération: Walter Thurnherr

2021-2284

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Condensé Actuellement, PostFinance a l'interdiction légale d'octroyer des crédits et des hypothèques à des tiers à son compte. La présente modification de la loi sur l'organisation de la Poste vise à lever cette interdiction. L'entrée de PostFinance sur le marché des crédits et des hypothèques s'accompagnera de la cession de la majorité de contrôle que la Poste ­ et donc, indirectement, la Confédération ­ détient dans PostFinance. De plus, la Confédération doit octroyer à la Poste une garantie de capitalisation pour combler le découvert des fonds propres d'urgence. Le crédit d'engagement nécessaire s'élève à 1,7 milliard de francs.

Contexte En tant qu'entreprise, La Poste Suisse SA doit faire face à d'importants défis. Sa capacité bénéficiaire diminue rapidement. Les changements de comportement des clients et la numérisation croissante se traduisent par un recul continu des volumes dans le secteur du courrier. Sur celui des colis, où les marges sont faibles, l'augmentation des volumes nécessite d'opérer de gros investissements dans de nouvelles capacités de traitement. De plus, en même temps que la capacité bénéficiaire diminue, les exigences dans le domaine du service universel et les coûts qui en résultent pour la Poste et pour PostFinance SA, qui est une filiale à 100 % de La Poste Suisse SA, se sont encore accrus. Enfin, PostFinance a actuellement l'interdiction légale d'octroyer des crédits et des hypothèques à des tiers, mais elle n'en est pas moins tenue, en tant que banque d'importance systémique nationale, de remplir les exigences de fonds propres plus élevées prévues par la législation dite «too big to fail». Elle est en outre affectée par la faiblesse persistante des taux d'intérêt. Dans ces conditions, sa profitabilité à long terme est menacée.

Contenu du projet Le projet vise à permettre à PostFinance d'octroyer des crédits et des hypothèques à des tiers à son compte, afin de s'assurer un nouveau potentiel de rendement. Cela nécessite d'abroger l'art. 3, al. 3, de la loi sur l'organisation de la Poste (LOP), qui interdit explicitement à PostFinance d'octroyer des crédits et des hypothèques. Toutefois, pour des raisons de constitutionnalité (voir ch. 7.1) et aussi longtemps que PostFinance appartiendra majoritairement à la Poste, la loi devra limiter le volume des crédits et des
hypothèques au volume des fonds des clients détenus en relation avec l'exécution du mandat de service universel en matière de services de paiement.

Tout bien considéré, le Conseil fédéral est d'avis que le projet est conforme à la Constitution.

Compte tenu des préoccupations exprimées lors de la consultation en relation avec la constitutionnalité du projet, ainsi qu'en matière de neutralité concurrentielle, de fédéralisme et de stabilité des marchés financiers, la disposition de la LOP selon laquelle la Poste doit détenir la majorité des voix et des actions de PostFinance sera abrogée. De plus, une nouvelle disposition de la loi donnera à l'Assemblée fédérale la compétence de décider de la privatisation majoritaire ou complète de PostFinance.

Le cas échéant, la privatisation sera ordonnée au moyen d'un arrêté fédéral simple, non sujet au référendum, qui sera soumis plus tard au Parlement.

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De l'avis du Conseil fédéral, les conditions de la privatisation majoritaire ou complète de PostFinance ne seront réunies que lorsque les modalités de fourniture des services postaux et des services de paiement relevant du service universel auront été adaptées à l'évolution des marchés, dans le cadre de la prochaine révision de la loi sur la poste (LPO). Afin de préparer cette révision de la LPO, le Conseil fédéral a d'ores et déjà chargé une commission d'experts de présenter des propositions.

Il importe cependant de lever immédiatement l'interdiction d'octroyer des crédits et des hypothèques, indépendamment de la décision de privatisation. PostFinance doit en effet être autorisée à octroyer des crédits et des hypothèques à des tiers à son compte même en étant encore entièrement la propriété de la Poste.

Pour combler le découvert des fonds propres d'urgence qui subsiste chez PostFinance, la LOP inclura également une nouvelle disposition qui autorisera la Confédération à octroyer au groupe Poste une garantie de capitalisation au montant et à la durée limités. L'Assemblée fédérale devra approuver à cet effet, par la voie d'un arrêté fédéral simple, un crédit d'engagement de 1,7 milliard de francs. Enfin, il est prévu de modifier la LOP de manière à ce que le Conseil fédéral puisse prévoir, dans les objectifs stratégiques assignés à la Poste, des prescriptions relatives à l'octroi de crédits et d'hypothèques en faveur de projets compatibles avec le climat.

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Table des matières Condensé 1

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Contexte 1.1 Nécessité d'agir et objectifs visés 1.2 Solutions étudiées et solution retenue 1.3 Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

6 6 10

2

Procédure préliminaire, consultation comprise

11

3

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

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4

Présentation du projet 4.1 Réglementation proposée 4.2 Adéquation des moyens requis 4.2.1 Interdépendance financière entre la Confédération et la Poste 4.2.2 Satisfaction des exigences de fonds propres réglementaires 4.3 Mise en oeuvre

14 14 15

5

Commentaire des dispositions 5.1 Modification de la loi sur l'organisation de la Poste 5.2 Arrêté fédéral concernant un crédit d'engagement

23 23 33

6

Conséquences 6.1 Conséquences pour la Confédération 6.2 Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne 6.3 Conséquences économiques 6.4 Conséquences sociales 6.5 Conséquences environnementales 6.6 Autres conséquences

35 35

Aspects juridiques 7.1 Constitutionnalité 7.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 7.3 Forme de l'acte à adopter 7.3.1 Modification de la loi 7.3.2 Arrêté fédéral 7.4 Frein aux dépenses 7.5 Conformité aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale 7.6 Conformité à la loi sur les subventions 7.7 Délégation de compétences législatives

42 42 44 44 44 45 45 45 45 46

7

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15 17 21

37 39 41 41 42

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7.8

Protection des données

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Loi fédérale sur l'organisation de La Poste Suisse (Loi sur l'organisation de la Poste, LOP) (Projet)

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Arrêté fédéral concernant la garantie de capitalisation de La Poste Suisse (Projet)

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Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

La Poste Suisse SA (ci-après «la Poste») doit faire face à d'importants défis. Sa capacité bénéficiaire diminue rapidement, en particulier dans le secteur du courrier ainsi que chez PostFinance SA (ci-après «PostFinance»). La fourniture du service universel en matière de services postaux et de services de paiement par la Poste et par PostFinance sur la base d'un financement autonome est donc menacée.

Les principales raisons de la diminution de la capacité bénéficiaire de la Poste sont présentées ci-dessous.

Le bas niveau persistant des taux d'intérêt remet le modèle d'affaires de PostFinance en question. En raison de l'interdiction légale d'opérer dans un domaine important de l'activité bancaire traditionnelle ­ à savoir l'utilisation des dépôts à court terme des clients pour octroyer des prêts à long terme ­, l'actif du bilan de PostFinance se compose presque exclusivement d'immobilisations financières (52 %, en particulier des obligations suisses et étrangères) et de liquidités (33 %, déposées en particulier auprès de la Banque nationale suisse [BNS]). Le modèle d'affaires de PostFinance repose donc sur la différence entre les intérêts créanciers perçus sur les actifs immobilisés et les intérêts débiteurs servis sur les fonds des clients. Tant que la situation des taux d'intérêt était favorable, ces opérations ­ dites opérations d'intérêts ­ assuraient à PostFinance des revenus convenables en comparaison avec les autres acteurs de la branche, mais depuis la crise financière de 2008, les rendements du marché des obligations ont fortement diminué. Aujourd'hui, environ 60 % des obligations suisses présentent un rendement négatif à l'échéance. C'est le cas également, dans des proportions similaires, sur les principaux marchés étrangers, notamment en Allemagne et au Japon. Les intérêts créanciers sur les actifs immobilisés de PostFinance ont donc reculé et continueront à le faire ces prochaines années, car les obligations arrivant à échéance ne peuvent pas être réinvesties à des conditions aussi bonnes que précédemment, ni même parfois avec un rendement positif. Or il n'est possible de compenser le recul des intérêts créanciers par un abaissement des intérêts débiteurs que jusqu'à un certain point. En raison de cette asymétrie, la marge entre intérêts créanciers et intérêts débiteurs subit une forte
pression. Toutes les banques doivent faire face à cette difficulté, mais PostFinance y est particulièrement exposée, car elle dépend beaucoup plus que les autres banques du faible rendement du marché des obligations. Rien n'indique actuellement que la phase de bas niveau des taux d'intérêt prendra bientôt fin.

PostFinance, qui a vu son résultat d'exploitation (EBIT) passer de 591 millions de francs en 2011 à 161 millions en 20201, présente aujourd'hui une rentabilité nettement inférieure à la moyenne de la branche. Fin 2020, le rendement des fonds propres des

1

Voir les rapports financiers de la Poste, informations sectorielles selon les IFRS, disponibles sous: https://geschaeftsbericht.post.ch/20/ar/fr/a-propos-du-rapport/ (état au 4.6.2021).

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trois banques suisses d'importance systémique nationale (selon leurs comptes conformes aux prescriptions comptables pour les banques [PCB]) était le suivant: 2,1 % pour PostFinance, 4,7 % pour le Groupe Raiffeisen et 6,8 % pour la Banque cantonale de Zurich. Selon la Poste, cette tendance négative se poursuivra et PostFinance, à défaut de contre-mesures, sera déficitaire dans un avenir relativement proche. Pour contrer cette évolution négative, PostFinance a décidé de suivre une nouvelle orientation stratégique. Celle-ci prévoit notamment de réduire le bilan ces prochaines années, moyennant une diminution des fonds des clients.

Outre la rentabilité inférieure à la moyenne, deux autres facteurs viennent aggraver la situation. Premièrement, en application de la législation too big too fail (TBTF), PostFinance doit constituer d'importants fonds propres (d'urgence) (voir ch. 4.2.1). Deuxièmement, les charges résultant de la fourniture des services de paiement relevant du service universel tendent à augmenter. La prestation du service universel «virement d'espèces sans propre compte» (art. 43, al. 1, let. c, de l'ordonnance du 29 août 2012 [OPO]2) ne peut en effet être proposée que dans le réseau postal, dont la densité est déterminée selon des critères non pas économiques, mais politiques: les services de paiement en espèces doivent être accessibles en 20 minutes au plus pour 90% de la population de chaque canton. Dans les régions ne disposant que d'une agence postale, la Poste est tenue de proposer le service de paiement en espèces au domicile du client ou d'une autre manière appropriée (art. 44, al. 1bis, OPO). Or, avec la numérisation croissante, le volume des versements en espèces ­ et par conséquent le chiffre d'affaires des prestations du service universel ­ diminue régulièrement. Selon les indications de la Poste, le volume des paiements en espèces effectués dans le réseau postal a reculé de 46 % entre 2012 et 2020, alors qu'en raison des exigences réglementaires, les charges d'exploitation du réseau postal restent globalement les mêmes, ou ne peuvent que difficilement être réduites. De plus, les exigences réglementaires relatives au service universel ont été récemment durcies, notamment par une adaptation des critères d'accessibilité au 1er janvier 2019 et des coûts supplémentaires d'environ
5 millions de francs par année. En outre, les nouvelles prescriptions en matière de distribution des journaux au plus tard à la mi-journée et de distribution à domicile, qui sont entrées en vigueur le janvier 2021, entraînent, à moyen terme, des coûts supplémentaires d'environ 60 millions de francs3, ce qui augmente les coûts de ce service et à restreint la marge de manoeuvre entrepreneuriale de la Poste.

La substitution croissante de formes de communication électroniques au courrier traditionnel entraîne un recul continu du volume du courrier et, partant, du chiffre d'affaires de la poste aux lettres. Fin 2020, par rapport au plus haut historique enregistré en 2002, le nombre de lettres avait diminué de 36 % (ou de 51 % par habitant). Il faut en outre s'attendre à ce que cette tendance négative se poursuive.

L'érosion de la capacité bénéficiaire de PostFinance et du secteur des lettres constitue désormais une menace pour le groupe Poste, car les autres unités du groupe opérant sur le marché ne sont pas en mesure d'en compenser les effets. Grâce au boom du

2 3

RS 783.01 Cf. motions 14.4075 et 14.4091 «La Poste. Distribution du courrier pour tout le monde!» et 16.3848 «Distribution du courrier sur l'ensemble du territoire au plus tard à la mi-journée».

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commerce électronique, le secteur des colis affiche certes de solides taux de croissance, mais son chiffre d'affaires est moins élevé que celui du secteur des lettres, les marges y sont nettement plus faibles et de gros investissements y sont nécessaires pour accroître les capacités de traitement. Swiss Post Solutions ­ qui fournit des solutions système dans le domaine de la gestion de documents numériques et physiques ­ opère aussi sur un marché de croissance, où elle est cependant exposée à des risques plus importants que les services logistiques (lettres et colis) et où les marges sont encore plus faibles. Enfin, CarPostal n'a de possibilités de croissance que ponctuelles et n'a en outre pas le droit de planifier de marge bénéficiaire dans le transport régional de voyageurs subventionné.

Dans un rapport de base publié en 2019, la Poste s'attendait, dans les conditionscadres actuelles et à défaut d'ajustement stratégique, à ce que le résultat du groupe devienne négatif à l'horizon 2030. Cette projection tenait déjà compte du fait que l'habituel potentiel de gain d'efficacité (p. ex. passage à des processus de production numérisés permettant de réduire les coûts) serait continûment et largement exploité.

La Poste concluait donc qu'elle ne serait plus à même, dans un avenir prévisible, de remplir ses mandats de service universel aussi complètement et avec la même qualité qu'aujourd'hui sans subventions des pouvoirs publics. De nombreux pays européens sont déjà dans cette situation. Presque partout, on taille dans l'étendue et dans la qualité du service universel (suppression du réseau postal en Allemagne, diminution des jours de distribution et suppression du courrier prioritaire au Danemark) et les subventions publiques sont devenues une importante source de financement de nombreuses entreprises postales, notamment en Belgique, au Danemark, en France, au Royaume-Uni, en Italie, en Norvège, en Espagne, en Suède et en Tchéquie.

Compte tenu de ce rapport de base, la Poste a élaboré sa stratégie «Poste de demain»4 couvrant la période 2021­2024. Cette stratégie prévoit des investissements visant une croissance organique et non organique des secteurs de la logistique et de la communication, des mesures de gains d'efficacité, des mesures tarifaires ainsi que la co-utilisation des offices de poste avec
des tiers.

Se fondant sur une évaluation de la situation de la Poste, le Conseil fédéral est en outre arrivé à la conclusion qu'il était nécessaire, pour permettre à la Poste de relever avec succès les défis qui l'attendent, de compléter les propres efforts de l'entreprise par une adaptation des conditions-cadres définies au niveau politique. Sa stratégie relative au développement de la Poste s'articule en l'occurrence autour de trois grands axes.

Premièrement, le Conseil fédéral entend assurer la capacité de survie de PostFinance.

De son point de vue, il s'agit d'appliquer à cet effet deux mesures: ­

4 5

d'une part, le modèle d'affaires de PostFinance doit être «normalisé», ce qui signifie qu'il doit correspondre à celui des autres banques axées sur le marché intérieur. Cela implique de lever l'actuelle interdiction légale d'octroyer des crédits et des hypothèques à des tiers (art. 3, al. 3, de la loi du 17 décembre 2010 sur l'organisation de la Poste [LOP]5). PostFinance sera ainsi à

Disponible sous: www.post.ch > Notre profil > Portrait > Mandat > Stratégie (état au 16.6.2021).

RS 783.1

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même d'assurer sa compétitivité et d'obtenir un rendement conforme à la branche sur le long terme; ­

d'autre part, en tant que banque d'importance systémique, PostFinance doit remplir les exigences de fonds propres accrues prévues par la législation TBTF. Or, tant qu'elle ne réalisera pas un rendement conforme à la branche, PostFinance ne sera pas en mesure de se doter par ses propres moyens et dans le délai prescrit des fonds propres nécessaires pour que son plan d'urgence soit exécutable. Le groupe Poste n'est en outre pas en mesure de mettre ces fonds à sa disposition. Il incombe donc à la Confédération, en sa qualité de propriétaire (indirecte) de PostFinance, de combler ce découvert de la dotation en fonds propres (découvert des fonds propres d'urgence). À cette fin, la LOP inclura une nouvelle disposition qui autorisera la Confédération à octroyer au groupe Poste une garantie de capitalisation au montant et à la durée limités.

L'Assemblée fédérale devra approuver un crédit d'engagement à cet effet, par la voie d'un arrêté fédéral simple.

Deuxièmement, le Conseil fédéral entend détacher PostFinance du groupe Poste et lui faire quitter le giron de l'État. En effet, seule la privatisation majoritaire ou complète de PostFinance permettra de respecter l'esprit et la lettre de la législation TBTF, dont le but est que les risques d'entreprise dans le secteur bancaire soient supportés non pas par l'État et les contribuables, mais par les investisseurs privés. De plus, ce n'est qu'à cette condition que la normalisation du modèle d'affaires de PostFinance n'aura aucun effet de distorsion du marché bancaire. La sortie de PostFinance du groupe Poste signifie toutefois que la réglementation du service universel (y compris du réseau postal, qui est aujourd'hui largement cofinancé par PostFinance) devra être revue.

Troisièmement, le Conseil fédéral entend réorganiser le service universel en matière de services postaux et de services de paiement. La consultation relative au présent projet a clairement confirmé qu'il convient d'agir dans ce domaine (voir chap. 2). Il y a lieu en l'occurrence d'ouvrir un large débat politique visant à déterminer la nécessité, l'étendue et la qualité du service universel de demain, ainsi qu'à en clarifier le financement. Dans une première étape, le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) a institué une commission d'experts, chargée d'élaborer des propositions sur la conception et le financement du futur service universel. Le Conseil fédéral fixera la suite de la procédure, sur la base des résultats des travaux de cette commission, probablement d'ici fin 2021.

Le présent projet couvre les premier et deuxième axes ci-dessus de la stratégie de développement de la Poste proposée par le Conseil fédéral. Le troisième axe sera traité ultérieurement, dans un projet de révision de la loi sur la poste (LPO). Cette révision de la LPO permettra d'établir un modèle de service universel viable sur le plan économique.

Même si les deux projets sont étroitement liés quant à leur contenu, la présente modification de la LOP peut et doit être menée indépendamment de la révision de la LPO, et avant elle. Le Conseil fédéral est en effet persuadé que modifier la LOP est prioritaire, tant l'évolution défavorable des résultats de PostFinance requiert d'agir rapidement.

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1.2

Solutions étudiées et solution retenue

Ces dernières années, analysant les défis qui se posent à la Poste et, en particulier, à PostFinance, le Conseil fédéral a examinés différentes solutions. Ces solutions s'articulent autour de quatre grandes approches.

1)

Statu quo: la Poste poursuit son développement sous les conditions-cadres actuelles, ce qui signifie que ni les dispositions légales ni la structure du groupe ne sont modifiées. Elle continue en particulier à remplir son mandat légal de fourniture du service universel par ses propres moyens. Le Conseil fédéral a rejeté cette solution, car malgré les mesures stratégiques qu'elle a prises, la Poste n'est pas en mesure ­ comme indiqué plus haut ­ de surmonter tous les défis du futur en ne comptant que sur ses propres forces.

2)

Transformation de PostFinance en une banque commerciale à part entière propriété de la Confédération: pour rétablir la viabilité économique de l'actuel modèle de service universel, PostFinance est autorisée à étendre ses activités au marché des crédits et des hypothèques, supposé offrir de meilleurs rendements. Elle voit ainsi ses revenus augmenter et peut de nouveau, comme par le passé, contribuer de manière substantielle au financement du réseau postal. Toutes les autres conditions-cadres restent inchangées, en particulier le mandat de service universel et le fait que PostFinance appartienne indirectement à l'État. Le Conseil fédéral a renoncé à poursuivre l'examen de cette approche, car elle présente plusieurs inconvénients par rapport à la solution décrite ci-dessous et prévoyant d'ouvrir l'actionnariat aux investisseurs privés. Ces inconvénients sont notamment un risque financier élevé pour la Confédération ainsi que de possibles distorsions du marché et de la concurrence.

3)

Transformation de PostFinance en une banque commerciale à part entière avec ouverture de l'actionnariat: l'entrée sur le marché des crédits et des hypothèques accroît la capacité bénéficiaire de PostFinance, si bien que l'actuel modèle de service universel en matière de services de paiement peut être maintenu. À la différence de l'approche 2), la transformation de PostFinance en banque commerciale s'accompagne d'un changement des rapports de propriété. La Poste conserve certes la majorité des voix et des actions ­ ce qui signifie que PostFinance continue à faire partie du groupe Poste ­, mais l'actionnariat est ouvert aux investisseurs privés, afin de renforcer l'orientation entrepreneuriale de la banque, tout en réduisant les risques pour la Confédération. Cette solution est celle que le Conseil fédéral a mise en consultation le 5 juin 2020.

4)

Nouvelle réglementation du service universel, avec transformation de PostFinance en une banque commerciale privée à part entière: il est clairement ressorti de la consultation que la transformation visée de PostFinance en une banque commerciale à part entière a pour condition la cession de la majorité de contrôle de l'État. Or cela requiert inévitablement de modifier le modèle de service universel en vigueur, qui repose sur la structure actuelle du groupe Poste avec une banque postale intégrée. C'est pourquoi le Conseil fédéral a

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opté, le 20 janvier 2021, pour la stratégie de développement de la Poste esquissée au ch. 1.1.

1.3

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

Le 5 septembre 2018, le Conseil fédéral avait chargé le DETEC d'élaborer, en collaboration avec l'Administration fédérale des finances (AFF), un projet de consultation portant sur une révision partielle de la LOP et de lui présenter ce projet le 30 juin 2019 au plus tard. Ce calendrier n'a toutefois pas pu être respecté, en raison des nombreuses clarifications auxquelles il a fallu procéder. Dans ces conditions, il n'était pas possible d'intégrer le projet au programme de la législature 2015 à 2019 et inopportun de l'annoncer dans celui couvrant la période 2019 à 20236. Le projet fait cependant partie des objectifs 2021 du Conseil fédéral7.

2

Procédure préliminaire, consultation comprise

La solution 3) décrite au ch. 1.2 ­ transformation de PostFinance en une banque commerciale à part entière avec ouverture de l'actionnariat ­ a fait l'objet d'une large consultation, du 5 juin au 25 septembre 2020. Celle-ci a donné lieu à la remise de 69 avis (26 cantons, 6 partis politiques, 7 organisations faîtières nationales des communes, des villes, des régions de montagne et de l'économie et 30 autres acteurs des milieux intéressés). La consultation a confirmé l'appréciation du Conseil fédéral selon laquelle Poste doit faire face à des défis majeurs, et les participants ont unanimement reconnu qu'il était nécessaire d'agir. Il ressort en outre des avis qu'il existe un large consensus en faveur de l'ouverture rapide d'une discussion politique sur l'avenir du service universel en matière de services postaux et de services de paiement8.

Une proportion importante des participants à la consultation ont toutefois estimé que le projet du Conseil fédéral n'était pas au point ni assez équilibré. De sérieuses réserves ont été exprimées notamment quant à la constitutionnalité du projet, ainsi qu'en matière de neutralité concurrentielle, de fédéralisme et de stabilité des marchés financiers. Il est ainsi apparu que la transformation de PostFinance en une banque commerciale à part entière sans changement des rapports de propriété et sans adaptation du modèle de service universel ne parviendrait pas à réunir une majorité.

Le Conseil fédéral a donc tiré de la consultation les conclusions suivantes: ­

6 7 8

les réserves concernant la constitutionnalité, la neutralité concurrentielle et le fédéralisme sont toutes liées au contrôle de l'État sur PostFinance. Pour lever

FF 2020 1709 et 2020 8087 Voir «Objectifs du Conseil fédéral 2021», disponibles sous: > Documentation > Aide à la conduite stratégique (état au 4.6.2021).

Le rapport sur les résultats de la consultation est disponible sous: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DETEC.

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ces réserves, il y a donc lieu de viser une privatisation majoritaire ou complète de PostFinance; ­

3

le processus politique d'adaptation du modèle de service universel en matière de services postaux et de services de paiement doit débuter immédiatement.

Ce processus devra déboucher en temps utile sur une révision partielle de la LPO, qui, conjointement avec la présente modification de la LOP, assurera la mise en oeuvre d'une réforme globale cohérente.

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

La LPO charge la Poste de fournir les services de paiement relevant du service universel dans toute la Suisse. La Poste doit donc assurer dans toutes les régions du pays un service universel suffisant et à des prix raisonnables par la fourniture de services de paiement (art. 32 LPO). La LOP et en particulier l'OPO délèguent l'exécution de ce mandat à PostFinance, une filiale de la Poste (art. 14, al. 1, LOP en relation avec l'art. 2, al. 2, OPO). Les autorités de surveillance sont la Commission fédérale de la poste (PostCom) et l'Office fédéral de la communication (OFCOM). L'OPO dispose en outre que le service universel doit être financé par les recettes de la Poste et des sociétés du groupe Poste (art. 46 OPO).

Le Conseil fédéral a défini l'étendue du service universel en matière de services de paiement dans l'OPO. Le service universel doit comprendre au moins une offre pour chacun des services de paiement énumérés à l'art. 43, al. 1, let. a à e, OPO. Ces services sont les suivants: l'ouverture et la gestion d'un compte pour le trafic des paiements (let. a), l'ordre de virement du propre compte pour le trafic des paiements sur le compte d'un tiers (let. b), l'ordre de virement d'espèces sur le compte d'un tiers (let. c), le versement en espèces sur le propre compte pour le trafic des paiements (let. d) et le retrait d'espèces du propre compte pour le trafic des paiements (let. e).

Ces services doivent être proposés à toutes les personnes physiques ou morales ayant leur domicile, leur siège ou leur établissement en Suisse. PostFinance met les services de paiement à la disposition de la population sur plusieurs canaux. Outre le réseau postal (guichets desservis) et les distributeurs automatiques de billets, ces canaux incluent des solutions numériques (e-finance). La population se sert de toutes les offres et de toutes les formes d'accès. PostFinance peut cependant refuser à ses clients l'utilisation des services de paiement mentionnés à l'art. 43 OPO. Les raisons justifiant ce refus sont précisées à l'art. 45, al. 1, OPO.

La Poste doit organiser l'accès au trafic des paiements en tenant compte des besoins de la population. De plus, les services de paiement relevant du service universel sont définis de manière technologiquement neutre, afin de permettre à PostFinance de les concevoir en toute
flexibilité et de façon à en couvrir les coûts. Les prescriptions d'accessibilité des points d'accès arrêtées dans l'ordonnance lient cependant la fourniture du service universel en matière de services de paiement à la fourniture de prestations physiques et infrastructurelles, ce qui pose des limites à la conception technologiquement neutre des services de paiement. C'est ainsi que les services de paiement en espèces doivent être accessibles, à pied ou par les transports publics, en 20 minutes au 12 / 46

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plus pour 90 % de la population résidante de chaque canton. De plus, seuls sont considérés comme des points d'accès au sens de l'OPO les points d'accès physiques desservis, tels que les offices de poste et les agences postales. Les distributeurs automatiques de billets ne sont donc pas pris en considération aux fins de l'exécution du mandat de service universel. Dans les régions ne disposant que d'une agence postale, la Poste est tenue de proposer le service de paiement en espèces au domicile du client ou d'une autre manière appropriée.

Importance de PostFinance pour le trafic des paiements en Suisse L'institut de recherche économique BAKBASEL a réalisé en 2016, sur mandat de l'OFCOM, une étude présentant une vue d'ensemble de l'évolution du trafic des paiements en Suisse depuis 2000, de l'utilisation des différents services et moyens de paiement ainsi que de l'importance de PostFinance sur ce marché9. L'étude arrive à la conclusion que PostFinance occupe une position centrale dans le trafic des paiements en Suisse et que, selon toute probabilité, elle la conservera ces prochaines années. Ce rôle de premier plan de PostFinance s'explique par le large éventail de son offre, par le nombre élevé de ses clients, par la densité de son réseau de filiales, ainsi que par son image d'entreprise liée à la Confédération et par conséquent digne de confiance.

Les progrès techniques, en particulier Internet, favorisent l'utilisation de moyens de paiement sans numéraire (e-banking, commerce en ligne), comme en témoigne par exemple le fait qu'entre 2014 et 2018, les virements sans espèces n'ont cessé d'augmenter, tandis que les opérations aux guichets et aux automates se sont au contraire inscrites la baisse. L'étude souligne en outre que la tendance à l'augmentation des transactions sans espèces ne s'observe pas uniquement chez PostFinance, mais s'est accentuée de manière générale. C'est ainsi que le nombre total des transactions effectuées avec des moyens de paiement sans numéraire a plus que doublé entre 2001 et 2014. Dans les commerces, les cartes de débit jouent un rôle de premier plan. De plus, les paiements par carte sans contact et les nouvelles formes de paiement au moyen d'applis (p. ex. Twint) gagneront aussi en importance à l'avenir. Cette évolution se traduit par une diminution des besoins de points
de contact physiques.

L'enquête sur les moyens de paiement réalisée par la BNS en automne 201710 montrait que les transactions en espèces occupent toujours une place importante dans le trafic des paiements en Suisse. Il ressort cependant de l'étude Swiss Payment Monitor 202011 que les services de paiement mobiles ont gagné du terrain et sont de plus en plus utilisés au quotidien, sous toutes leurs formes. Durant la pandémie de COVID-19, cette évolution des habitudes de paiement de la population suisse s'est 9

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Analyse des Schweizer Zahlungsverkehrs (Analyse du trafic des paiements en Suisse), BAKBASEL, 2016 (en allemand); disponible sous: www.bakom.admin.ch > Poste et aide à la presse > Évaluation (état au 4.6.2021).

Enquête sur les moyens de paiement 2017 ­ Enquête sur les habitudes de paiement et l'utilisation du numéraire en Suisse, Banque nationale suisse, 2018; disponible sous: www.bns.ch > Trafic des paiements > Enquête sur les moyens de paiement (état au 4.6.2021).

Gehring, B., Graf, S. et Trütsch, T. (2020): Swiss Payment Monitor 2020, Université de Saint-Gall/Haute École de sciences appliquées de Zurich (ZHAW); disponible sous: www.swisspaymentmonitor.ch/ (en allemand) (état au 4.6.2021).

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encore accentuée et la tendance à la substitution de solutions numériques aux paiements en espèces s'est confirmée. Ces développements n'ont cependant eu jusqu'ici que peu d'écho dans les débats parlementaires concernant le trafic des paiements.

Services de paiement relevant du service universel dans le contexte européen Le mandat de la Poste et de PostFinance en matière de fourniture des services de paiement relevant du service universel est unique en son genre en Europe et peut-être même dans le monde entier. Hormis La Poste française, aucune autre entreprise (banque) postale européenne n'a de mandat légal incluant une offre de comptes pour le trafic des paiements ainsi que de services de paiement liés à ces comptes. En France, La Banque Postale, une sàrl propriété de La Poste française (Groupe La Poste), est donc tenue d'assurer la gestion de comptes. Quelques autres pays disposent certes aussi d'une banque postale proposant des services de paiement en collaboration plus ou moins étroite avec l'entreprise postale nationale, mais il s'agit de solutions à bien plaire. La poste autrichienne détient une participation de 80 % dans Brüll Kallmus Bank AG et propose des services financiers dans ses filiales depuis 2020. Une coopération similaire existe en Belgique, entre bpost banque et BNP Paribas Fortis. bpost banque a toutefois l'intention de vendre ses parts dans la coentreprise à son partenaire BNP Paribas Fortis fin 2021, tout en continuant à proposer des produits financiers dans son réseau. En Allemagne, la marque Postbank fait partie de Deutsche Bank AG depuis 2015. Elle fournit à ses clients une combinaison de produits bancaires simples et de services postaux et peut s'appuyer à cet effet sur les quelque 4000 agences du réseau national de Deutsche Post. En Italie, c'est BancoPosta, une unité d'affaires de la poste italienne, qui propose à ses clients divers services financiers, tels que l'ouverture et la gestion de comptes, les dépôts d'épargne et les services de paiement. En Belgique et en France, les entreprises postales sont indemnisées par l'État pour la fourniture de leurs services financiers.

4

Présentation du projet

4.1

Réglementation proposée

La réglementation qu'il est proposé d'adopter dans la LOP comprend cinq éléments: 1)

abrogation de l'interdiction faite à PostFinance d'octroyer des crédits et des hypothèques à des tiers (art. 3, al. 3), le volume total des crédits octroyés ne pouvant toutefois pas être supérieur au montant total des dépôts des clients relevant du service universel;

2)

abrogation de l'obligation de la Poste de détenir la majorité des voix et des actions dans PostFinance (art. 14, al. 2);

3)

adoption d'une nouvelle disposition selon laquelle la cession de la majorité des voix ou des actions détenues par la Poste à des tiers nécessitera l'approbation de l'Assemblée fédérale (art. 14, al. 2);

4)

adoption, en relation avec la législation TBTF, d'une base légale en vertu de laquelle la Confédération pourra octroyer à la Poste une garantie de capitalisation au montant et à la durée limités (art. 5a à 5c, nouveaux);

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5)

adoption d'une base légale en vertu de laquelle le Conseil fédéral pourra prévoir, aussi longtemps que la Confédération détiendra une majorité de contrôle indirecte dans PostFinance, des prescriptions relatives à l'octroi de crédits et d'hypothèques compatibles pour des projets visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (art. 7, al. 1bis, nouveau).

4.2

Adéquation des moyens requis

Avec ce projet, la Confédération remplit sa mission de propriétaire de la Poste et de garante de la fourniture du service universel.

L'élaboration d'une stratégie d'entreprise appropriée en vue de l'entrée sur le marché des crédits et des hypothèques relèvera de la responsabilité du conseil d'administration de PostFinance, cette stratégie devant cependant bénéficier de l'aval du conseil d'administration de la Poste. Cela vaudra aussi pour le respect des prescriptions de la législation TBTF, pour la réalisation des objectifs stratégiques du Conseil fédéral en matière d'octroi de crédits et d'hypothèques pour des projets visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre ainsi que pour la préparation et l'exécution de la privatisation de PostFinance. En tant que propriétaire de la Poste, le Conseil fédéral suivra de près toutes les étapes de mise en oeuvre des nouvelles dispositions de la LOP et fixera des lignes directrices au moyen de ses instruments de pilotage, à savoir les objectifs stratégiques assignés à la Poste.

4.2.1

Interdépendance financière entre la Confédération et la Poste

Abstraction faite de la séparation claire des tâches respectives du propriétaire (Conseil fédéral) et de la Poste (conseil d'administration), il existe d'étroites imbrications d'ordre financier entre la Confédération et la Poste. Elles concernent pour l'essentiel les trois aspects ci-dessous.

1. Risque En tant qu'actionnaire unique de la Poste, la Confédération assume seule le risque d'entreprise du groupe. Le présent projet permettra de fortement réduire ce risque (voir ch. 6.1). D'une part, PostFinance pourra diversifier ses placements et diminuer ainsi sa dépendance supérieure à la moyenne à l'égard du marché des obligations, sur lequel il n'est actuellement possible d'obtenir des rendements positifs qu'en investissant les fonds des clients principalement dans des emprunts dont la notation est faible et qui présentent par conséquent des risques relativement importants. D'autre part, PostFinance aura accès aux affaires hypothécaires, dont les marges sont plus élevées, ce qui se traduira par une amélioration de sa capacité bénéficiaire et, partant, par une forte diminution du risque de perte.

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2. Exigences de fonds propres réglementaires PostFinance part du principe que l'entrée sur le marché des crédits et des hypothèques s'accompagnera d'une augmentation des actifs pondérés en fonction des risques inscrits à son bilan, avec pour conséquence un relèvement des exigences de fonds propres réglementaires qu'elle devra remplir. PostFinance estime, grosso modo, qu'un transfert de 5 milliards de francs des actifs immobilisés vers le portefeuille hypothécaire entraînera une augmentation des exigences de fonds propres de 150 millions de francs par année en moyenne. À moyen terme, PostFinance sera à même de financer ellemême ces besoins accrus en fonds propres grâce aux revenus générés par l'octroi de crédits et d'hypothèques.

3. Responsabilité découlant de la législation TBTF La législation TBTF vise notamment à accroître la résistance des banques d'importance systémique face à de futures crises financières et à garantir qu'en cas d'insolvabilité pour cause de faillite, ce soit le propriétaire de la banque et non la collectivité qui réponde des engagements de l'établissement failli. À ces fins, les banques d'importance systémique sont tenues de satisfaire à des exigences légales particulières (art. 9 de la loi du 8 novembre 1934 sur les banques [LB]12). Le modèle TBTF suisse repose sur deux piliers: renforcement de la capacité de résistance en matière de capital et de liquidité (exigences dites going concern; cf. art. 128 à 131b de l'ordonnance du 1er juin 2012 sur les fonds propres [OFR]13) et amélioration de la capacité de liquidation (exigences dites gone concern; cf. art. 132 à 133 OFR). Les banques concernées ont l'obligation d'établir un plan de stabilisation ainsi qu'un plan d'urgence exécutable, qui doivent être approuvés par l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) (art. 9 LB en relation avec l'art. 64 de l'ordonnance du 30 avril 2014 sur les banques [OB]14 [plan de stabilidation] et l'art. 10, al. 2, LB [plan d'urgence]).

Selon l'OFR, le capital gone concern doit être constitué progressivement jusqu'en 2026, conformément aux exigences minimales définies pour les ratios de fonds propres pondérés et non pondérés (art. 148j OFR). PostFinance est jusqu'ici parvenue à respecter les étapes de constitution de ce capital prévues par l'OFR. La FINMA estime toutefois,
sur la base d'une évaluation au cas par cas, que pour disposer d'un plan d'urgence exécutable, PostFinance doit être dotée d'un capital gone concern plus élevé, qui garantisse une recapitalisation crédible et, du même coup, la poursuite de ses activités en cas de crise.

Il subsiste donc un découvert du capital gone concern correspondant à la différence entre, d'un côté, les exigences de l'OFR et de la FINMA en la matière et, de l'autre, les fonds propres disponibles pris en compte conformément à l'OFR, que PostFinance peut constituer par ses propres moyens ou avec l'aide de la Poste en sa qualité de propriétaire (cette différence est appelée ci-après «découvert des fonds propres d'urgence»).

12 13 14

RS 952.0 RS 952.03 RS 952.02

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Au 31 décembre 2019, le découvert des fonds propres d'urgence s'élevait à 3,2 milliards de francs. Vu les mesures stratégiques adoptées par PostFinance pour réduire son bilan (fonds des clients), ce découvert devrait diminuer, selon les prévisions actuelles, à 0,6 milliard de francs d'ici fin 2026 (en cas d'allocation de tous les fonds propres disponibles, ainsi que hors volant d'ajustement et réserve pour la gestion, les écarts de planification, etc.). La FINMA considère aujourd'hui comme déterminant, aux fins du calcul du montant minimal du capital gone concern supplémentaire nécessaire, le bilan prévisionnel de PostFinance au 31 décembre 2026, pour autant que la réduction du bilan prévue d'ici là ait effectivement lieu. Le calcul de la garantie de capitalisation se fonde toutefois sur la présomption que le présent projet entre en vigueur en 2023 (voir les commentaires du ch. 5, arrêté fédéral concernant un crédit d'engagement).

4.2.2

Satisfaction des exigences de fonds propres réglementaires

Pour combler le découvert des fonds propres d'urgence, le Conseil fédéral envisage les différentes solutions présentées ci-dessous, qui peuvent être combinées entre elles.

1. Retenue du bénéfice La constitution des fonds propres de PostFinance pourra se faire moyennant la retenue du bénéfice. Cette source de fonds propres n'est cependant guère prometteuse, car le bénéfice de PostFinance continuera à diminuer ces prochaines années. Ce constat vaut même si l'art. 3, al. 3, LOP est abrogé, car l'entrée sur le marché des crédits et des hypothèques se fera progressivement et n'aura d'effet significatif sur le résultat qu'à moyen terme.

2. Réduction du bilan Une autre solution consisterait à largement réduire le bilan de PostFinance par une baisse des fonds des clients, de manière à ce que les exigences de fonds propres réglementaires diminuent et à ce que la BNS ne considère éventuellement plus PostFinance comme étant d'importance systémique. Cela se traduirait toutefois par une destruction de la valeur de l'entreprise, la suppression d'emplois et une diminution massive du portefeuille de clients. Le Conseil fédéral estime donc que cette option doit être écartée.

3. Financement par le groupe Le groupe Poste aide déjà PostFinance à remplir les exigences de fonds propres réglementaires en mettant à sa disposition, outre des fonds propres, des capitaux de tiers destinés à absorber les pertes (environ 200 millions de francs au 31.12.2020), ainsi que par une lettre de patronage, dans laquelle il s'engage à couvrir les exigences going concern, autrement dit à mettre des fonds supplémentaires à disposition en cas de nécessité (1,5 milliard de francs au 31.12.2020). La capacité du groupe à fournir d'autres contributions en faveur de PostFinance est limitée. Les besoins en fonds propres de cette dernière lient déjà une grande part du capital de la Poste, ce qui cons-

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titue un gros risque. Si cette part augmentait encore, les fonds à disposition pour assurer le développement des autres unités du groupe diminueraient d'autant. Or certaines de ces unités doivent elles-mêmes faire face à de gros défis entrepreneuriaux.

Dans ce contexte, force est donc de constater que les fonds propres supplémentaires de PostFinance devront être en partie acquis hors du groupe. Plusieurs possibilités sont en principe envisageables à cet effet. Elles sont présentées ci-dessous.

4. Privatisation (partielle) de PostFinance De l'avis du Conseil fédéral, le moyen le plus sûr et le plus attrayant sur le plan économique d'acquérir des fonds propres hors du groupe est une privatisation (partielle) de PostFinance. À la différence des autres solutions ci-dessus, celle-ci ne briderait pas le potentiel de développement de la Poste et de PostFinance, mais contribuerait au contraire à consolider cette dernière grâce à la participation de tiers. Du fait de la diminution de sa participation, le groupe Poste devrait certes renoncer (en partie) à ses droits au bénéfice de PostFinance, mais ce manque à gagner pourrait être compensé par le produit de la vente de ses parts. Pour la Confédération, la privatisation (partielle) de PostFinance est intéressante en ceci que le risque d'entreprise ainsi que le risque de responsabilité lié à législation TBTF serait transféré à des tiers. Sur le plan du droit, la législation en vigueur permet déjà l'ouverture partielle de l'actionnariat à des tiers (art. 14, al. 2, LOP; exigence de la majorité de contrôle). Toutefois, sur le plan économique, les conditions de cette ouverture ne seront réunies que lorsque les investisseurs potentiels seront convaincus aussi bien de la durabilité du modèle d'affaires de PostFinance que de sa capacité bénéficiaire. Or, à défaut d'entrer sur le marché des crédits et des hypothèques, PostFinance ne sera guère en mesure de dégager les bénéfices usuels dans la branche.

En outre, plus le modèle d'affaires de PostFinance sera gage de succès, plus le produit de la vente devrait être élevé. Cela augmentera donc aussi la probabilité que la vente de ses parts permette à la Poste de réaliser un bénéfice comptable (produit de la vente supérieur à la valeur bilancielle de sa participation dans PostFinance), qui pourra et devra être utilisé
pour combler le découvert des fonds propres d'urgence de PostFinance sans effet négatif sur les fonds propres de la Poste.

5. Capitaux de tiers destinés à absorber les pertes PostFinance pourrait, à titre de mesure à court terme, lever des capitaux de tiers que la réglementation permet de prendre en compte comme fonds propres d'urgence. Les instruments dits de bail-in prévus à cet effet sont par exemple les emprunts à conversion obligatoire, qui sont convertis en capital-actions lorsqu'un seuil de déclenchement prédéfini (trigger) est atteint (art. 27, al. 3, let. b, OFR), ou les obligations assorties d'un abandon de créance (write-off bonds), qui doivent être amorties lorsque le seuil de déclenchement prédéfini est atteint (art. 27, al. 3, let. a, OFR ). Le législateur a en outre prévu des bail-in bonds, pour lesquels il appartient à la FINMA de décider de la conversion ou de l'abandon de créance (art. 126a OFR).

En cas de crise, tant les emprunts convertibles que les bail-in bonds entraîneraient une privatisation partielle spontanée de PostFinance, pour autant qu'ils soient détenus hors du groupe Poste. Les write-off bonds n'auraient pas cet effet, mais ils s'accompagnent de coûts comparativement élevés, car le risque de défaillance accru se répercute sur 18 / 46

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leur rémunération. Les charges d'intérêts supplémentaires qui en résultent grèveraient le bénéfice de PostFinance, diminuant ainsi sa capacité à constituer des fonds propres par ses propres moyens.

Dans le contexte spécifique de PostFinance, le Conseil fédéral considère les instruments de bail-in avec un certain scepticisme. Si une menace d'insolvabilité de PostFinance pointait à l'horizon, la Confédération subirait en effet, en tant que propriétaire (majoritaire) indirecte, de fortes pressions l'invitant à tout mettre en oeuvre pour éviter un tel événement. Le danger pour la Confédération serait alors que les pertes soient tout de même couvertes par la collectivité, si bien que les créanciers des instruments de bail-in ne seraient finalement pas appelés à assumer le risque de pertes pour lequel ils sont rémunérés. Le danger de couverture des pertes par la collectivité serait en outre le même si la Confédération, en tant que propriétaire (majoritaire) indirecte, se portait garante des fonds propres d'urgence de PostFinance, à ceci près qu'il n'y aurait pas de sortie préalable de fonds vers des tiers, à savoir les créanciers des instruments de bail-in.

6. Garantie de capitalisation de la Confédération Le découvert des fonds propres d'urgence de PostFinance doit être comblé prioritairement par cette dernière et par la Poste (retenue du bénéfice, réduction du bilan de PostFinance, contributions du groupe, produit de la privatisation [partielle]). Toutefois, en raison notamment de la capacité bénéficiaire réduite de la Poste et de PostFinance, cette approche ne permettra pas de le combler entièrement dans le délai prescrit. De plus, pour la majorité des participants à la consultation, il est incontestable que la Confédération, en tant que propriétaire de la Poste, doit répondre en dernier ressort du respect des exigences de fonds propres d'urgence par PostFinance (subsidiarité).

Dans ce contexte, le Conseil fédéral propose, à titre de solution transitoire, que le découvert des fonds propres d'urgence de PostFinance soit comblé par la Confédération, moyennant l'octroi d'une garantie de capitalisation conforme aux dispositions de l'art. 132a OFR. La loi autorisera en l'occurrence la Confédération, en tant que propriétaire (majoritaire) indirecte de la Poste et garante de l'exécution des mandats de
service universel en matière de services postaux et de services de paiement, à mettre à la disposition de la Poste des fonds supplémentaires destinés à assurer la recapitalisation de PostFinance si celle-ci était menacée d'insolvabilité. La Confédération n'octroiera cependant ces fonds supplémentaires à PostFinance, par l'intermédiaire de la Poste, que si les fonds propres et les capacités financières de PostFinance et de la Poste ne suffisent pas à couvrir le capital gone concern nécessaire (subsidiarité), ce qui sera selon toute probabilité le cas dans une telle situation. La garantie de capitalisation n'occasionnera pas de coûts de refinancement à la Confédération tant que celle-ci ne devra pas honorer son engagement de paiement.

Ainsi, les nouvelles dispositions de la LOP (art. 5a à 5c) autoriseront le Conseil fédéral à prendre un engagement financier envers la Poste. Dans la pratique, l'octroi de l'autorisation et la fixation du montant maximal de l'engagement seront de la compétence des Chambres fédérales, qui voteront un crédit d'engagement (voir ch. 5, arrêté fédéral concernant un crédit d'engagement). Se fondant sur ce crédit d'engagement,

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la Confédération conclura un contrat avec la Poste. En cas de crise, les Chambres fédérales libéreront le paiement de la contribution de soutien financier en tant que crédit supplémentaire. Pour les crédits supplémentaires urgents, les fonds peuvent être libérés avec l'assentiment de la Délégation des finances (art. 34 de la loi du 7 octobre 2005 sur les finances [LFC])15. La forme concrète de ce soutien financier (prêt ou mesure de recapitalisation au moins équivalente) sera définie le moment venu, en fonction de la situation financière, du bilan et de la dotation en fonds propres de la Poste. Pendant la période courant entre le moment de l'éclatement de la crise avec appel au soutien financier et celui de l'approbation du crédit supplémentaire, la Confédération (AFF) accordera à la Poste un prêt provenant de ses fonds de trésorerie.

Si le présent projet devait être rejeté, que ce soit dans son intégralité ou uniquement pour ce qui est du mécanisme de garantie de capitalisation, le Conseil fédéral envisage de tout de même octroyer une telle garantie en se fondant sur le droit actuel (art. 13 en lien avec l'art. 32 LPO et les art. 5, 6, 13 et 14 LOP), sous la forme d'un crédit d'engagement. Le cas échéant, le Conseil fédéral devra modifier certaines dispositions de l'ordonnance et proposer aux Chambres fédérales d'allouer le crédit d'engagement nécessaire dans un message concernant le budget ou un supplément au budget. Il existe donc déjà une base légale suffisante pour octroyer une garantie de capitalisation, mais l'adoption de la réglementation spécifique proposée dans les art. 5a à 5c LOP apporte davantage de clarté.

La garantie de capitalisation devra dans tous les cas satisfaire aux critères réglementaires ci-dessous, conformément à l'art. 132a OFR.

15

­

Disponibilité: la garantie de capitalisation devra remplir les exigences arrêtées à l'art. 132a, let. b, OFR. Cela signifie qu'en cas de crise, les fonds nécessaires non grevés devront être mis à la disposition de PostFinance de manière irrévocable et dans les plus brefs délais (l'appel de fonds étant déclenché par FINMA). Il faudra s'assurer en particulier que la contribution de soutien financier accordée à la Poste par la Confédération ne puisse être affectée qu'au financement de PostFinance. Cette obligation de transfert des fonds à PostFinance découle de la délégation à cette dernière de l'exécution du mandat de service universel en matière de services de paiement (art. 32, al. 1, LPO en relation avec l'art. 14, al. 1, LOP) et sera encore renforcée par la formulation proposée dans l'art. 5 b, al. 2, let. b, du projet.

­

Montant: le montant de la garantie de capitalisation correspondra à celui du découvert des fonds propres d'urgence (voir ch. 4.2.1), établi à une date de référence déterminée (31 décembre 2023, voir commentaire de l'arrêté fédéral).

S'y ajoutera une réserve appropriée sous la forme d'un volant d'ajustement pour les activités courantes, les écarts de planification et autres (voir ch. 5, arrêté fédéral concernant un crédit d'engagement). Une éventuelle augmentation du découvert des fonds propres d'urgence après la date de référence n'entraînera pas d'augmentation de la garantie de capitalisation; PostFinance et la Poste devront donc prendre leurs propres mesures destinées à couvrir cette éventualité. De plus, la garantie de capitalisation sera conçue de manière à ce que la FINMA puisse l'imputer entièrement au capital gone concern.

RS 611.0

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Indemnisation: la Poste devra indemniser la Confédération aux conditions du marché pour la garantie de capitalisation, afin d'éviter toute distorsion de la concurrence. Elle indemnisera donc la Confédération (et sera elle-même indemnisée par PostFinance) aux conditions du marché pour la part de la garantie de capitalisation effectivement utilisée (jusqu'à concurrence du découvert des fonds propres d'urgence non comblé par d'autres mesures) (voir à ce sujet le commentaire de l'art. 5a, al. 2, LOP).

­

Limitation: la garantie de capitalisation devra être d'un montant et d'une durée limités, afin de circonscrire le risque pris par la Confédération. Elle expirera au moment de la cession de la majorité des voix ou des actions détenues dans PostFinance (moyennant une réduction graduelle, à convenir contractuellement, à partir du début de la privatisation partielle), mais au plus tard après dix ans. Il y aura donc lieu de supprimer la garantie de capitalisation lorsque le découvert des fonds propres d'urgence aura été comblé par la Poste ou par PostFinance elle-même, ou par d'autres mesures (p. ex. réduction du bilan, produit de la privatisation de PostFinance).

4.3

Mise en oeuvre

Il existe, au niveau des contenus, des interdépendances non seulement entre les différents éléments du présent projet, mais également entre ce dernier et d'autres projets de loi, en particulier avec la révision de la LPO concernant la nouvelle réglementation du service universel. Ces interdépendances ont pour conséquence que la mise en oeuvre des divers éléments du présent projet devra avoir lieu en deux étapes.

La première étape de mise en oeuvre pourra débuter immédiatement après l'entrée en vigueur de la présente modification de la LOP, de l'arrêté fédéral concernant le crédit d'engagement et des éventuelles modifications de l'ordonnance. Elle comprendra les trois processus parallèles suivants: ­

entrée de PostFinance sur le marché des crédits et des hypothèques. Responsables: conseil d'administration de PostFinance et conseil d'administration de la Poste (mise en oeuvre); Conseil fédéral (fixation des objectifs stratégiques, contrôle du respect du volume total maximal des crédits et des hypothèques dans le cadre de ces objectifs);

­

octroi d'une garantie de capitalisation de la Confédération en faveur de la Poste, destinée à combler le découvert des fonds propres d'urgence. Responsables: DETEC (en accord avec l'AFF); direction de la Poste; FINMA (conception); Conseil fédéral et Assemblée fédérale (approbation);

­

adaptation des objectifs stratégiques de la Poste en matière de compatibilité climatique du portefeuille de crédits et d'hypothèques de PostFinance. Responsables: Conseil fédéral (fixation des objectifs, contrôle); conseil d'administration de la Poste (mise en oeuvre).

La seconde étape de mise en oeuvre ­ placée sous la responsabilité du conseil d'administration de la Poste, du Conseil fédéral (décision) et de l'Assemblée fédérale

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(approbation) ­ consistera en la cession de la majorité de contrôle de la Poste sur PostFinance. Elle ne pourra débuter que lorsque les deux conditions suivantes seront remplies: ­

prendre une participation dans PostFinance sera suffisamment attrayant pour les investisseurs privés;

­

les conséquences de la sortie de PostFinance du groupe Poste sur la fourniture du service universel en matière de services postaux et de services de paiement seront clarifiées.

Remplir la première condition implique que PostFinance offre des perspectives de croissance convaincantes aux yeux des investisseurs privés. On ne saurait dire pour l'instant si ce sera déjà le cas lorsque la présente modification de la LOP entrera en vigueur ou s'il faudra attendre que PostFinance ait prouvé être à la hauteur de ses ambitions sur le marché des crédits et des hypothèques et que son résultat se soit effectivement nettement amélioré. Il serait cependant inconsidéré, de l'avis du Conseil fédéral, de partir de l'idée que la privatisation de PostFinance pourra avoir lieu en même temps que son entrée sur le marché des crédits et des hypothèques. À cet égard, il est tout à fait possible que les conditions économiques de la privatisation ne soient réunies qu'un certain temps après l'entrée en vigueur de ses conditions juridiques.

Remplir la seconde condition nécessite d'agir au niveau politique, car la sortie de PostFinance du groupe Poste n'est pas conciliable avec l'actuel modèle de service universel. En effet, sans la contribution financière de PostFinance, il ne sera pas possible de maintenir la structure actuelle du réseau postal. La structure actuelle du réseau postal, en particulier la densité des offices de poste en exploitation propre, est largement déterminée par l'obligation de service universel en matière de transactions en espèces (art. 43, al. 1, let. c, OPO) et par les prescriptions d'accessibilité. Le fait que les transactions en espèces ne soient proposées que dans les offices de poste en exploitation propre dépend notamment des prescriptions de la loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d'argent (LBA), dont l'application nécessite du personnel spécialement formé16. Ainsi, pour garantir le financement du service universel en matière de services de paiement et celui du réseau postal, il est indispensable de modifier le modèle de service universel en vigueur. Plusieurs possibilités sont envisageables: accroître les ressources de la Poste (p. ex. mesures tarifaires, nouvelles sources de croissance), diminuer les coûts du service universel (p. ex. neutralité technologique, réduction de l'étendue des prestations, assouplissement des exigences de qualité, exploitation de synergies) ou prévoir un financement public (subventions). Il serait également possible d'opter pour une
combinaison de ces différentes mesures. Cette adaptation du modèle de service universel passe par une révision de la LPO. De plus, en raison de leur interdépendance, la nouvelle réglementation du service universel et la privatisation de PostFinance devront être étroitement coordonnées. En effet, l'obligation de service universel de PostFinance est le fondement non seulement de l'intérêt public que présente la participation indirecte de la Confédération dans l'entreprise, mais également de la garantie de capitalisation octroyée par la Confédération et de l'entrée sur le marché des crédits et des hypothèques (tant que la privatisation ne sera pas majoritaire). Il est prévu que le Conseil fédéral décide fin 2021 de la suite du 16

RS 955.0

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processus de révision de la LPO (sur la base des travaux de la commission d'experts instituée à cet effet).

Vu ce qui précède, on est en droit de se demander pourquoi la modification de la LOP et la révision partielle de la LPO ne sont pas menées de front et adoptées simultanément. Le Conseil fédéral est d'avis que repousser la présente modification de la LOP jusqu'au moment où la révision de la LPO sera mûre et prête à être adoptée retarderait la réalisation de la première des deux conditions mentionnées plus haut. Pour offrir des perspectives de croissance à même de séduire les investisseurs privés, PostFinance se doit en effet de rapidement renverser l'actuelle tendance au recul de sa capacité bénéficiaire. C'est pourquoi le Conseil fédéral considère qu'il est urgent de transformer PostFinance en une banque commerciale à part entière, même si cela signifie que la Confédération, en tant que propriétaire indirecte de PostFinance, exercera ­ pendant une période transitoire ­ une activité entrepreneuriale sur le marché très concurrentiel des crédits et des hypothèques, avec tous les inconvénients que cela comporte pour l'économie (voir ch. 6.3). Toutefois, du point de vue du Conseil fédéral, ces inconvénients pèsent moins lourds qu'une ultérieure dégradation de la capacité bénéficiaire de PostFinance, d'autant que cette dégradation risque d'amener PostFinance, en tant que banque d'importance systémique nationale, à un point critique nécessitant de l'assainir.

5

Commentaire des dispositions

5.1

Modification de la loi sur l'organisation de la Poste

Art. 3, al. 1, let. b, ch. 4bis, et al. 3 L'al. 1 définit les activités commerciales de la Poste et constitue la base légale des trois secteurs d'activité principaux de l'entreprise. Le secteur d'activité des services financiers (al. 1, let. b) est du ressort de PostFinance (cf. art. 14, al. 1, LOP concernant les services de paiement et le mandat de service universel).

Le projet vise à autoriser PostFinance à octroyer des crédits et des hypothèques. L'interdiction actuellement inscrite à l'al. 3 sera donc levée et la liste des services financiers de l'al. 1, let. b, complétée en conséquence par le ch. 4bis. PostFinance opère essentiellement en Suisse. L'activité à l'étranger n'est pas interdite, mais elle ne doit pas mettre l'exécution du mandat de service universel en matière de services de paiement en péril en exposant l'entreprise à un risque accru par rapport à l'activité exercée en Suisse. Cette restriction se justifie pour des raisons de constitutionnalité (cf.

ch. 7.1). La 2e phrase de l'al. 3 n'est pas modifiée.

Art. 3, al. 1bis Cette disposition limite le volume total des crédits et des hypothèques que PostFinance sera autorisée à octroyer au volume total des fonds des clients reçus en relation avec l'exécution du mandat de service universel en matière de services de paiement (pour la constitutionnalité, voir ch. 7.1). Il s'agit en l'occurrence des fonds déposés sur les comptes pour le trafic des paiements, autrement dit les comptes servant à l'exécution des processus de paiement au quotidien et par conséquent non soumis à des délais de 23 / 46

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résiliation. Sur le plan comptable, ces fonds correspondent aux «dépôts à vue en CHF domestiques» (volume au 31.12.2020: 69,1 milliards de francs). Ils correspondent aux dépôts à vue (engagements résultant des dépôts des clients) moins les dépôts à vue domiciliés à l'étranger et les dépôts à vue en devises étrangères17.

La limitation inscrite à l'al. 1bis s'appliquera à tous les postes de crédit figurant à l'actif du bilan bancaire. Il s'agit en l'occurrence des positions du bilan «Créances sur les banques», «Créances sur la clientèle» et «Créances hypothécaires» (cf. annexe 1, ch. 1.2, 1.4 et 1.5, OB). Seront donc concernés par cette limitation en particulier les financements à court terme de l'actif circulant des clients de la banque (crédits d'exploitation), les créances sous forme de crédits en compte courant couvertes par hypothèques et les crédits de construction avant leur consolidation.

Il faut rappeler ici que l'interdiction d'octroyer des crédits et des hypothèques arrêtée à l'art. 3, al. 3, LOP n'exclut pas tous les types de crédits, mais a un but précis. Le message du 20 mai 2009 relatif à la loi fédérale sur l'organisation de l'entreprise fédérale de la poste (Loi sur l'organisation de la Poste, LOP)18 précisait en effet qu'en vertu de l'art. 3, al. 3, LOP, la Poste ne pourrait (toujours) pas «réinvestir les fonds en nom propre sur le marché suisse des crédits ou des hypothèques», ajoutant que cette interdiction concernait «l'octroi de crédits à des entreprises et non les placements des clients visés à l'al. 1, let. b, ch. 4, ni les découverts dans le cadre des services de paiement». Cette interprétation différenciée de l'interdiction d'octroyer des crédits s'applique toujours. Avant de se voir interdire d'octroyer des crédits par l'actuel art. 3, al. 3, LOP, PostFinance était par exemple déjà active dans le domaine des prêts avec titre de créance. Il s'agit de prêts (marché des capitaux) accordés à des contreparties bénéficiant d'une notation reconnue par la FINMA et affectés au financement à long terme de corporations de droit public (cantons, villes, communes, banques cantonales et entreprises liées à l'État). Dans son message du 10 juin 1996 relatif à la loi fédérale sur la poste (LOP)19, en relation avec l'adoption de l'interdiction pour PostFinance d'octroyer des crédits et
des hypothèques, le Conseil fédéral avait examiné le modèle d'affaires de PostFinance et souligné que les placements financiers de cette dernière ne devaient pas être destinés à des particuliers ou à des PME. Ils devaient en outre présenter une notation et pouvoir être revendus plus rapidement que des crédits et des hypothèques. Les prêts avec titre de créance remplissent ces conditions et ne tombent donc pas sous le coup de l'interdiction d'octroyer des crédits. Sur le plan technique, ils sont présentés aux postes du bilan «Créances sur la clientèle» et «Créances sur les banques». En raison de ce classement comptable, les prêts avec titre de créance seront également concernés par la limite prévue à l'al. 1bis (prêts avec titre de créance au 31.12.2020: 3,7 milliards de francs [créances sur les banques] et 12,5 milliards [créances sur la clientèle]). Outre les prêts avec titre de créance, d'autres opérations de crédit ou opérations similaires ne tombant pas sous le coup de la réglementation de l'art. 3, al. 3, LOP sont envisageables. Pour déterminer si un crédit ou une opération

17

18 19

Voir le rapport de gestion de PostFinance 2020, ch. 19, p. 79, disponible sous www.postfinance.ch/content/dam/pfch/doc/440_459/450_01_2020_fr.pdf (état au 4.6.2021).

FF 2009 4731, p. 4756 FF 1996 III 1201

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similaire à un crédit relève ou non du champ d'application de l'art. 3, al. 3, LOP, il faut interpréter cet article dans chaque cas particulier.

Ne seront par contre pas touchées par la limitation les créances résultant d'opérations de financement de titres (p. ex. prêts de titre [securities lending] et opérations de prise en pension [reverse repurchase])20. Dans les prêts de titres ­ à la différence des opérations de crédit ­, l'accent est mis sur le prêt de papiers-valeurs et non sur un financement. Les opérations de mise (prise) en pension sont des instruments du marché monétaire et du marché des capitaux. Elles ne sont donc pas concernées par l'actuelle interdiction d'octroyer des crédits, ni ne tomberont à l'avenir sous le coup de la limite prévue à l'al. 1bis.

Le Conseil fédéral gère les entreprises contrôlées par la Confédération principalement par la fixation d'objectifs stratégiques (art. 8, al. 5, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration [LOGA]21 et 7 LOP). Les expressions «entreprise de l'État», «entreprise étatique», «entreprise liée à l'État», «entreprise contrôlée par l'État», «entreprise de la Confédération», «entreprise fédérale» ou «entreprise publique» ont généralement valeur de synonymes. Elles désignent des entités qui sont responsables de l'exécution de tâches administratives mais ne font pas partie de l'administration fédérale centrale ou décentralisée (art. 2, al. 4, LOGA). Le conseil d'administration de la Poste établit annuellement à l'intention du Conseil fédéral un rapport rendant compte de la réalisation des objectifs stratégiques assignés à l'entreprise (voir art. 7, al. 3, LOP et 8, al. 4 et 5, LOGA).

Le moment venu, le Conseil fédéral inclura dans les objectifs stratégiques assignés à la Poste l'exigence selon laquelle PostFinance devra respecter à tout moment les prescriptions de l'al. 1bis relatives à la limite d'octroi de crédits et d'hypothèques, ce respect devant en outre être contrôlé dans le cadre des comptes annuels et éventuellement des comptes semestriels, par exemple par l'organe de révision ordinaire. La Poste, de son côté, devra rendre compte annuellement au Conseil fédéral du respect de cet objectif stratégique.

L'évaluation de la réalisation de l'objectif stratégique concernant la limitation de l'octroi de
crédits et d'hypothèques reposera sur les dépôts à vue et les postes de crédit (voir ci-dessus). Ces postes sont présentées dans le rapport de gestion de PostFinance et donc contrôlés par l'organe de révision. Le Conseil fédéral devra assortir ce nouvel objectif stratégique de critères de contrôle appropriés (indicateurs) et décrire la technique de contrôle (modalités de contrôle) pour chaque indicateur. Les indicateurs pourront se rapporter par exemple à la conception du processus au moyen duquel la Poste et PostFinance vérifieront le respect de la limite de volume des crédits et des hypothèques (dates de référence, conception du volant d'ajustement, mécanisme d'application de mesures [événement déclencheur], etc.), ou encore à la conception des contre-mesures à mettre en oeuvre en cas de dépassement de la limite. Compte tenu d'un volume de dépôts à vue domestiques en francs d'environ 69 milliards de francs (état au 31.12.2020) et des prévisions de croissance organique des crédits et des hypothèques d'environ 5 milliards par année, il ne devrait pas y avoir de dépassements de la limite durant les premières années suivant la levée de l'interdiction d'octroyer 20 21

Annexe 1, ch. 1.3, OB.

RS 172.010

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des crédits et des hypothèques. Il n'est cependant pas exclu, une fois que la constitution des postes de crédits et d'hypothèques sera bien avancée, que des événements de marché particuliers se traduisent par des retraits d'argent supérieurs à la moyenne.

De telles fluctuations de grande ampleur pourront conduire à des dépassements de la limite22. Le cas échéant, ces dépassements devront être corrigés par des mesures appropriées, qui pourront viser les dépôts à vue (p. ex. acquisition) ou les prêts (p. ex.

diminution des crédits).

Art. 3, al. 2 En raison de l'ajout de l'art. 3, al. 1bis, l'al. 2 doit être adapté sur le plan linguistique (uniquement dans la version allemande de la loi).

Art. 5a

Garantie de capitalisation: principes

Toute banque déstabilisée par une crise est suivie de très près par la FINMA. Si les propres efforts de stabilisation de la banque restent sans effets et qu'il existe un sérieux risque d'insolvabilité (voir art. 25 LB; survenance d'un risque d'insolvabilité [point of non-viability, PoNV]), la FINMA ordonne un assainissement. En exécution du plan d'urgence, elle met en oeuvre les mesures nécessaires pour recapitaliser la banque au moyen des fonds propres d'urgence. Les fonctions d'importance systémique de la banque peuvent ainsi être maintenues.

Dans le cas de PostFinance, le maintien des fonctions d'importance systémique doit s'accompagner de la poursuite de la fourniture du service universel en matière de services de paiement et, indirectement, de services postaux, car l'insolvabilité de PostFinance peut mettre en péril l'ensemble du groupe Poste. Or la responsabilité de l'exécution des deux mandats de service universel incombe en dernier ressort à la Confédération (art. 92 de la Constitution [Cst.]23): conformément à son mandat constitutionnel, la Confédération doit veiller à ce que la Poste (y compris PostFinance) assure le service universel. C'est la raison d'être de la garantie de capitalisation, qui prévoit le versement de fonds à la Poste et à PostFinance en cas d'urgence.

Art. 5a, al. 1 L'al. 1 règle la garantie de capitalisation. Celle-ci prévoit que la Confédération, en tant que propriétaire de la Poste, pourra verser des fonds cette dernière à hauteur du découvert des fonds propres d'urgence (voir art. 5b, al. 2, let. a, et ch. 4.2.1, no 3), mais au plus jusqu'à concurrence du montant approuvé (voir l'arrêté fédéral concernant le crédit d'engagement). Selon un avis de droit non publié de l'Office fédéral de la justice (OFJ) datant de 2018, il n'est pas possible d'octroyer une garantie de capitalisation directement à PostFinance. Le cas échéant, la Poste devra ensuite transférer 22

23

Voir aussi à ce sujet l'avis de droit du 15 février 2019 du professeur Vincent Martenet (Université de Lausanne) sur la constitutionnalité de l'octroi de crédits et d'hypothèques par PostFinance SA, ch. III, let. C/1: «Cette restriction n'exclut pas, dans des circonstances particulières, le dépôt temporaire d'autres fonds. Il est donc important que PostFinance présente un bon fonctionnement général et soit financièrement stable, afin d'être à même de remplir sa mission publique».

RS 101

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ces fonds à PostFinance. Le but est de garantir qu'en cas de crise, PostFinance disposera des fonds propres d'urgence nécessaires pour assurer sa recapitalisation et, partant, la poursuite de ses activités. En versant ces fonds, la Confédération agira donc en exécution de son mandat constitutionnel. Le soin de veiller au respect des exigences de la législation TBTF n'en restera pas moins prioritairement du ressort de la Poste et de PostFinance, qui devront s'assurer par des mesures appropriées que la garantie de capitalisation suffira dans tous les cas à couvrir le découvert des fonds propres d'urgence et que ce découvert n'augmentera pas. La garantie de capitalisation ne s'appliquera donc qu'à titre subsidiaire par rapport à l'ensemble des propres mesures de capitalisation de PostFinance et du groupe Poste.

Le montant de la garantie de capitalisation dépendra de la part du capital de PostFinance détenue par la Poste: tant que la Poste détiendra une participation de 100 % dans PostFinance et que cette dernière sera responsable de la fourniture du service universel en matière de services de paiement, la garantie de capitalisation couvrira 100 % du découvert des fonds propres d'urgence à la date de référence, dans la limite du montant approuvé; si au contraire la participation de la Poste diminue, la garantie de capitalisation sera réduite. Les modalités seront réglées contractuellement (art. 5c).

En cas de privatisation partielle de PostFinance, la garantie de capitalisation sera donc réduite en conséquence, ce qui signifie qu'un éventuel découvert des fonds propres d'urgence devra être comblé par les divers actionnaires de PostFinance en proportion de leur participation. Le cas échéant, la Poste et PostFinance disposeront à cet effet des fonds encaissés en relation avec la diminution de la participation de la Poste (entrée de liquidités résultant du produit de la vente d'actions) (voir ch. 4.2.2, no 4).

Art. 5a, al. 2 La Poste devra indemniser la Confédération aux conditions du marché pour la garantie de capitalisation et répercutera les coûts qui en résulteront sur PostFinance. Cette indemnisation de la Confédération aux conditions du marché et la répercussion des coûts préviendront toute distorsion de la concurrence du fait de la garantie de capitalisation.

L'indemnisation aux conditions du
marché sera déterminée d'après les instruments de capital dont PostFinance disposerait pour constituer des capitaux de tiers destinés à absorber les pertes si elle ne bénéficiait pas de la garantie de capitalisation. Les capitaux de tiers destinés à absorber les pertes sont des capitaux de tiers de conception spéciale, qui, en raison même de cette conception spécifique, peuvent être pris en compte dans les exigences de fonds propres prudentielles (voir aussi ch. 4.2.2, no 5).

Le montant de l'indemnisation reposera donc sur les instruments primaires destinés à absorber les pertes avec clause PoNV (5 % CET1).

L'obligation d'indemniser la Confédération ne portera pas forcément sur l'entier de la garantie de capitalisation (c.-à-d. sur la totalité des fonds approuvés), mais s'appliquera uniquement à la part de la garantie effectivement utilisée par PostFinance, autrement dit au montant correspondant à la part du découvert des fonds propres d'urgence non comblée par d'autres mesures (p. ex. par des fonds du groupe Poste).

Les modalités de la détermination et du calcul de l'indemnisation aux conditions du marché seront réglées par voie d'ordonnance (art. 12 LOP).

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Art. 5a, al. 3 Le Conseil fédéral pourra ordonner à la Poste de constituer une réserve de droit spécial. Cette réserve pourra être alimentée par le bénéfice de l'entreprise, conformément aux décisions de l'assemblée générale de la Poste en la matière. Elle servira à assurer l'éventuelle recapitalisation de PostFinance et, en particulier, à garantir l'engagement pris dans la lettre de patronage émise par la Poste en faveur de PostFinance. Elle sera donc utilisée si cette dernière appelle à l'application de la lettre de patronage.

Art. 5b

Garantie de capitalisation: appel de fonds

Illustration 1: Présentation schématique de l'appel de fonds relevant de la garantie de capitalisation

Art. 5b, al. 1 Si PostFinance est en liquidation, mais qu'il paraît vraisemblable qu'un assainissement aboutira, la FINMA pourra ordonner une procédure d'assainissement (let. a). Si dans le cadre de la procédure d'assainissement, la FINMA ordonne que les fonds propres d'urgence soient mis à la disposition de PostFinance, celle-ci pourra demander l'application de la lettre de patronage. Si la Poste n'est pas en mesure de mettre à disposition le capital garanti dans la lettre de patronage ou ne peut en mettre à disposition qu'une fraction ­ ce qui sera selon toute probabilité le cas dans une telle situation ­ et qu'il subsiste un découvert des fonds propres d'urgence (let. b), la garantie de capitalisation s'appliquera et un prêt sera octroyé.

Art. 5b, al. 2 Lors de l'application de la garantie de capitalisation, la Confédération octroiera un prêt à la Poste en tant que société-mère de PostFinance, sur la base d'un contrat de 28 / 46

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prêt et conformément à la promesse de paiement irrévocable stipulée dans ce contrat.

Le prêt sera octroyé aux conditions suivantes: Let. a Le prêt ne devra pas excéder la garantie de capitalisation, autrement dit les fonds approuvés (voir commentaire de l'arrêté fédéral concernant un crédit d'engagement).

Let. b La Poste sera tenue de transférer les fonds prêtés immédiatement et sans déduction à PostFinance. Cette obligation de transfert des fonds découle également du fait que PostFinance est responsable de l'exécution du mandat de service universel en matière de services de paiement (art. 32, al. 1, LPO en relation avec l'art. 2, al. 2, OPO et l'art. 14, al. 1, LOP).

Let. c Le prêt sera octroyé afin d'assurer la recapitalisation de PostFinance. Cette dernière sera donc tenue d'imputer les fonds ainsi obtenus à la réserve issue du capital conforme à la législation bancaire.

Art. 5b, al. 3 La Confédération pourra aussi octroyer le prêt à la Poste sous la forme d'un prêt sans intérêts conditionnellement remboursable, ou le convertir en un tel prêt ultérieurement. D'autres mesures de moindre portée seront également possibles: octroi du prêt en tant que prêt sans intérêts (mais remboursable), report des échéances de remboursement ou encore suspension du remboursement.

Un prêt sans intérêts conditionnellement remboursable est en principe octroyé pour une durée indéterminée et ne doit être remboursé que dans des cas exceptionnels réglés contractuellement. Les prêts sans intérêts conditionnellement remboursables ont un caractère similaire aux fonds propres, mais sont comptabilisés dans les capitaux de tiers.

Dans le cas présent, la Confédération pourra envisager le remboursement du prêt par exemple si la Poste cède sa majorité de contrôle sur PostFinance après que le prêt lui aura été octroyé.

La Confédération aura également la possibilité de convertir le prêt conditionnellement remboursable en fonds propres, si par exemple la structure du bilan de la Poste l'exige.

Art. 5c

Garantie de capitalisation: modalités d'octroi

Art. 5c, al. 1 Le crédit d'engagement autorise la Confédération à prendre des engagements par le biais de la conclusion d'une convention de droit public entre les autorités concernées et la Poste. Il incombera en l'occurrence au secrétariat général du DETEC (SG-DETEC), conjointement avec l'AFF, de jouer le rôle du propriétaire vis-à-vis de la Poste et d'agir au nom de la Confédération suisse.

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Art. 5c, al. 2 Le crédit d'engagement autorise certes la Confédération à prendre des engagements, mais aucun versement ne pourra être effectué sans avoir été approuvé par l'Assemblée fédérale. C'est pourquoi, en cas d'urgence, le Conseil fédéral pourra ordonner le versement sur autorisation de la Délégation des finances (art. 34, al. 1, LFC).

Les fonds propres d'urgence doivent cependant pouvoir être mis à disposition «dans les plus brefs délais» (art. 132a, let. b, OFR). «Dans les plus brefs délais» signifie généralement 48 heures au plus à compter du moment où la FINMA appelle à l'utilisation des fonds propres d'urgence24. Si ce délai ne peut pas être tenu même en appliquant la procédure d'urgence ci-dessus, il sera possible de couvrir la période courant entre l'appel de la FINMA et le versement du prêt selon l'al. 1 par l'octroi d'un prêt de trésorerie de la Confédération.

Art. 5c, al. 3 Il incombera au DETEC de préparer l'octroi des prêts, notamment en prenant les mesures et en établissant les documents nécessaires, par exemple les documents contractuels. Il devra le faire en concertation avec les autres autorités concernées (AFF, FINMA, etc.).

Art. 7, al. 1bis Le Conseil fédéral juge important que les entreprises liées à la Confédération contribuent de manière significative, dans le cadre des possibilités offertes par une bonne gestion d'entreprise, à la réalisation des objectifs climatiques de la Suisse. Cela vaut aussi pour PostFinance, aussi longtemps que la Confédération détiendra une majorité de contrôle indirecte dans cette dernière.

Le Conseil fédéral pilote les entreprises liées à la Confédération en leur assignant des objectifs stratégiques. Étant donné qu'en entrant sur le marché des crédits et des hypothèques, PostFinance disposera d'un nouveau levier lui permettant de promouvoir efficacement la réalisation des objectifs climatiques de notre pays, il y aura lieu d'adapter en conséquence les objectifs stratégiques assignés à la Poste. L'art. 7, al. 1bis créera la base légale nécessaire à cet effet.

Le Conseil fédéral n'a pas l'intention d'obliger PostFinance à octroyer uniquement des crédits et des hypothèques en relation avec des projets à des projets visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, car la présente modification de la LOP ne vise pas à transformer
PostFinance en une «banque climatique». On n'observe d'ailleurs pas aujourd'hui dans le domaine des crédits et des hypothèques favorisant la protection du climat de défaillance du marché qui nécessiterait de subventionner de tels instruments. Il n'en reste pas moins que même sans défaillance du marché, l'encouragement de l'octroi de crédits et d'hypothèques ad hoc peut contribuer à la réalisation des objectifs climatiques.

24

Cf. commentaires concernant la modification de l'ordonnance sur les fonds propres du 21 novembre 2018, p. 9, disponible sous: www.newsd.admin.ch/newsd/message/ attachments/54635pdf.

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Il s'agit donc plutôt de faire en sorte que PostFinance oriente, dans le cadre des possibilités offertes par une bonne gestion d'entreprise, une part donnée du volume total de ses crédits et hypothèques vers des projets contribuant à la réalisation des objectifs de la Suisse en matière de réduction des émissions de CO2. Le Conseil fédéral s'abstiendra de fixer des exigences détaillées dans les objectifs stratégiques assignés à la Poste, car la définition de la stratégie d'entreprise restera du ressort du conseil d'administration et du management. Le conseil d'administration devra néanmoins rendre compte, dans le cadre du contrôle annuel de la réalisation des objectifs stratégiques, de la mesure dans laquelle les attentes du Conseil fédéral dans ce domaine auront été satisfaites. À cet effet, les services compétents de la Confédération et la Poste devront convenir d'indicateurs appropriés, autrement dit définir les conditions et les critères que devront remplir les crédits et les hypothèques pour être considérés comme contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Art. 14, al. 2 L'actuel art. 14, al. 2 dispose que la Poste doit détenir la majorité des voix et des actions de PostFinance, ce qui fait de la Confédération la propriétaire indirecte de cette dernière. Or l'entrée sur le marché des crédits et des hypothèques d'une PostFinance contrôlée par l'État soulève plusieurs questions délicates, dont un grand nombre de participants à la consultation se sont fait l'écho de manière critique.

Premièrement, de sérieux doutes ont été émis quant au fait que l'activité de PostFinance sur un marché ne présentant aucun signe de défaillance et n'ayant pas de lien direct avec le mandat de service universel en matière de services de paiement soit conforme à la Constitution. Le Conseil fédéral considère quant à lui que l'octroi de crédits et d'hypothèques présente un lien de cohérence avec le mandat de service universel est qu'il est donc conforme à la Constitution (voir ch. 7.1). En dernière analyse, il n'y a que deux manières de résoudre cette problématique de manière entièrement satisfaisante: soit la Constitution est modifiée de manière à ce que la Poste et PostFinance soient explicitement autorisées à opérer sur le marché des crédits et des hypothèques, soit PostFinance quitte le giron
de l'État.

Deuxièmement, la crainte a été exprimée que PostFinance, en ayant la Confédération comme propriétaire indirecte, ne bénéficie d'avantages concurrentiels illicites par rapport aux autres banques commerciales opérant sur le marché suisse des crédits et des hypothèques, sous la forme par exemple de conditions de refinancement plus avantageuses. Cet avantage potentiel ne se concrétisera cependant pas tant que PostFinance ne se refinancera pas sur le marché des capitaux. On peut toutefois objecter à cela qu'il faut également tenir compte, dans l'évaluation de la neutralité concurrentielle de la solution proposée, des charges qu'occasionnent à PostFinance son statut d'entreprise liée à la Confédération ainsi que l'exécution du mandat de service universel.

Mais il n'en reste pas moins vrai que malgré tous les efforts entrepris pour garantir la plus grande neutralité concurrentielle possible entre PostFinance et les autres acteurs du marché bancaire, le scénario selon lequel la Confédération exercera une activité entrepreneuriale sur le marché des crédits et des hypothèques, en concurrence avec les prestataires privés, est problématique du point de vue de la politique de réglementation. En dernière analyse, il n'y a qu'une manière de résoudre définitivement cette question: privatiser PostFinance. Il est tenu compte de cette question en ceci que la 31 / 46

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Confédération exigera d'être indemnisée aux conditions du marché pour la garantie de capitalisation octroyée à la Poste afin que les exigences de fonds propres réglementaires imposées à PostFinance soient remplies et que les coûts de cette indemnisation seront répercutés sur PostFinance (voir ch. 4.2).

Au vu des avis reçus lors de la consultation, le Conseil fédéral considère que PostFinance ne pourra opérer avec succès et à long terme sur le marché des crédits et des hypothèques que si la Confédération cède sa majorité de contrôle indirecte. C'est pourquoi il propose son seulement d'abroger l'art. 3, al. 3, mais également de modifier l'art. 14, al. 2, LOP. L'obligation légale de la Poste de détenir la majorité des voix et des actions de PostFinance sera donc levée et la compétence de décider de la privatisation (majoritaire ou complète) de cette dernière appartiendra en dernier ressort à l'Assemblée fédérale, comme pour l'entreprise d'armement de la Confédération (RUAG)25. On s'assure ainsi de la légitimité démocratique du processus de cession du contrôle de l'État sur PostFinance, tout en laissant au Conseil fédéral et au conseil d'administration de la Poste une certaine marge de manoeuvre pour la détermination du moment opportun de cette cession. Le moment venu, le Conseil fédéral soumettra à l'Assemblée fédérale un arrêté fédéral simple, non sujet au référendum.

II

Dispositions finales

La présente modification de la loi est sujette au référendum (al. 1). Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur (al. 2).

Al. 3: la durée de validité des art. 5a à 5c LOP est limitée à dix ans. Le Conseil fédéral attend en effet de la Poste qu'elle prenne les mesures nécessaires pour s'assurer de la disponibilité des fonds propres d'urgence réglementaires dans ce délai. Si la Poste cède la majorité des voix ou des actions qu'elle détient dans PostFinance, le mandat de service universel en matière de services de paiement ne pourra et ne devra plus être exécuté par PostFinance, qui ne sera plus une filiale avec participation majoritaire de la Poste26. PostFinance ne sera dès lors plus légitimée à bénéficier de la couverture de ses fonds propres d'urgence par la garantie de capitalisation. C'est pourquoi l'al. 3 prévoit que cette dernière expirera automatiquement au moment où la Poste cédera sa majorité de contrôle. Le cas échéant, la fourniture du service universel en matière de services de paiement devra être assurée sur la base d'autres solutions, qui restent à définir (p. ex. concession de service universel avec mandat de prestations). Ces nouvelles solutions sont actuellement discutées au sein de la commission d'experts chargée de présenter des propositions de réorganisation du service universel (voir ch. 1.1).

L'abrogation des art. 5a à 5c LOP n'aura pas de conséquences sur les prêts octroyés.

Le remboursement sera réglé dans les conventions de droit public conclues entre les parties.

25 26

Art. 3, al. 3, de la loi fédérale du 10 octobre 1997 sur les entreprises d'armement de la Confédération; RS 934.21.

Message du 20 mai 2009 relatif à la loi sur la poste: FF 2009 4649, p. 4686.

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5.2

Arrêté fédéral concernant un crédit d'engagement

Sous réserve de l'entrée en vigueur des art. 5a à 5c LOP, le Parlement approuvera, par la voie de arrêté fédéral, le montant total du crédit d'engagement destiné à couvrir la garantie de capitalisation à hauteur de 1,7 milliard de francs. Ce montant correspond au découvert des fonds propres d'urgence au 31 décembre 2023 ­ date à laquelle la présente modification entrera en vigueur au plus tôt ­ calculé à hauteur de 1,4 milliard de francs, plus un volant d'ajustement de gestion de 0,3 milliard de francs, permettant de dépasser les exigences de l'OFR calculées à la même date. Les fonds ne seront libérés qu'à une date ultérieure, sur ordre de la FINMA et mis à la disposition de PostFinance par l'intermédiaire de la Poste.

Calcul du crédit d'engagement destiné à couvrir la garantie de capitalisation

Milliards de francs

Découvert des fonds propres d'urgence selon les exigences de la FINMA (au 31.12.2023)

1,4

Volant d'ajustement de gestion pour dépassement des exigences de l'OFR (au 31.12.2023)

0,3

Crédit d'engagement destiné à couvrir la garantie de capitalisation

1,7

Les valeurs arrondies des différents postes sont déterminées comme indiqué ci-dessous (cf. ch. 4.2.1, no 3, et 4.2.2, no 6).

Découvert des fonds propres d'urgence selon les exigences de la FINMA Pour la Confédération, sont déterminantes aux fins du calcul de la garantie de capitalisation les exigences de fonds propres d'urgence supplémentaires que PostFinance devra remplir selon l'évaluation au cas par cas effectuée par la FINMA. Pour que le plan d'urgence soit exécutable, PostFinance devra en effet disposer d'un capital going concern supérieur aux exigences de l'OFR (dans la situation actuelle: + 0,95 % de l'engagement total ou du ratio d'endettement maximal). Le découvert du capital gone concern (découvert des fonds propres d'urgence) déterminant pour la garantie de capitalisation résulte de la différence entre, d'un côté, les exigences de l'OFR et de la FINMA en la matière et, de l'autre, les fonds propres disponibles pris en compte.

La FINMA considère aujourd'hui comme déterminant, aux fins du calcul du montant minimal du capital gone concern supplémentaire nécessaire, le bilan prévisionnel de PostFinance au 31 décembre 2026, tel qu'approuvé par le conseil d'administration de PostFinance. Ce bilan prévisionnel tient compte d'une réduction stratégique de la taille du bilan (fonds des clients) de près de 20 milliards de francs par rapport au 31 décembre 2019. Si cette réduction ne se réalise pas, il y aura lieu, selon la FINMA, de se baser sur la taille effective du bilan.

La date à laquelle les exigences supplémentaires de la FINMA en matière de capital gone concern devront être remplies a une influence déterminante sur le montant du découvert des fonds propres d'urgence et, partant, de la garantie de capitalisation. Le délai imparti pour présenter un plan d'urgence exécutable à la FINMA a expiré en 2018 déjà. La présente modification de la LOP ne pourra entrer en vigueur, selon toute probabilité, que fin 2023 au plus tôt. Le contrat relatif à la garantie de capitalisation devra en outre être conclu en même temps que l'entrée en vigueur, afin que la 33 / 46

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garantie puisse être prise en compte dans les fonds destinés à combler le découvert des fonds propres d'urgence. Le montant de la garantie de capitalisation doit être calculé de manière à ce que ce découvert soit entièrement comblé à la date de l'entrée en vigueur. Il apparaît donc aujourd'hui que PostFinance disposera de fonds propres suffisants pour assurer l'exécution du plan d'urgence à partir de fin 2023, ce qui revêt également une grande importance en particulier pour l'entrée sur le marché des crédits et des hypothèques.

Se fondant sur l'évaluation de la FINMA, PostFinance part du principe que le découvert des fonds propres d'urgence au 31 décembre 2023 sera d'au moins 1411 millions de francs (exigences: 2886 millions; disponibles: 1475 millions). Ces chiffres incluent le transfert dans les fonds propres conformes aux exigences de la FINMA de l'intégralité des fonds propres selon les exigences de l'OFR qui ne seront plus nécessaires à la suite de la réduction du bilan. Cela signifie que les fonds propres libérés ne seront pas restitués au groupe. De plus, PostFinance ne disposera ainsi d'aucune réserve (volant d'ajustement pour la gestion, les écarts de planification, etc.), puisque les fonds propres disponibles seront déjà entièrement alloués.

Volant d'ajustement Volant d'ajustement de gestion: pour que PostFinance puisse exploiter son modèle d'affaires en toute flexibilité sans constamment mettre en péril la dotation en fonds propres nécessaires, il est indispensable qu'elle dispose d'un volant d'ajustement de gestion. D'après PostFinance, l'excédent de fonds propres selon l'OFR au 31 décembre 2023 s'élèvera à 234 millions de francs (privilégiés). Ces fonds propres devront servir de volant d'ajustement de gestion et ne pas être directement reclassés dans le capital gone concern. Le découvert des fonds propres d'urgence qui subsistera et, partant, la garantie de capitalisation augmenteront donc en conséquence.

Écarts de planification: étant donné que la garantie de capitalisation est calculée sur la base du découvert des fonds propres d'urgence au 31 décembre 2023, autrement dit plus tôt dans la période de réduction du bilan courant jusqu'en 2026, ce découvert est plus élevé de 860 millions de francs par rapport à celui prévu au 31 décembre 2026.

Il en résulte une augmentation de la
marge de manoeuvre à disposition pour continuer à remplir ­ en cas d'écarts de planification concernant la réduction du bilan (fonds des clients) ­ les exigences supplémentaires de fonds propres d'urgence résultant de l'évaluation au cas par cas effectuée par la FINMA.

Octroi de crédits et d'hypothèques: étant donné que l'entrée sur le marché des crédits et des hypothèques aura lieu principalement par des transferts de fonds provenant du portefeuille existant, PostFinance estime actuellement que l'engagement total lié aux exigences de fonds propres d'urgence supplémentaires de la FINMA (autrement dit: la taille du bilan) restera inchangé. L'entrée sur le marché des crédits et des hypothèques n'aura certains effets sur le découvert des fonds propres d'urgence que lorsque le volume approchera les 40 milliards de francs, à partir de 2030. Elle aura par contre des effets significatifs sur les fonds propres nécessaires selon l'OFR (environ 150 millions de francs en moyenne pour 5 milliards transférés), qui devront être couverts par les revenus supplémentaires provenant du nouveau portefeuille ou par d'autres mesures de PostFinance et de la Poste.

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6

Conséquences

6.1

Conséquences pour la Confédération

Il n'est pas possible de chiffrer les conséquences financières du projet pour la Confédération, car elles dépendent d'un grand nombre de facteurs dont l'évolution est incertaine. On peut toutefois les regrouper dans les domaines thématiques ci-dessous.

1. Risque La privatisation de PostFinance se traduira par le transfert des risques d'exploitation et d'insolvabilité de la banque du secteur public vers le secteur privé. Il en résultera un allégement des finances fédérales, car PostFinance, en raison de la taille de son bilan (117,2 milliards de francs au 31.12.2020), représente un gros risque. La lettre et l'esprit de la législation TBTF seront en outre pleinement respectés, en ceci qu'il n'incombera plus à la collectivité d'assumer les conséquences d'une éventuelle liquidation de cette banque d'importance systémique. Durant la période de transition courant jusqu'à la cession de la majorité de contrôle sur PostFinance (ou jusqu'au retrait du statut de banque d'importance systémique), la Confédération pourra être appelée à contribuer, à titre subsidiaire, à la couverture des exigences de fonds propres réglementaires. Le cas échéant, elle le fera par l'octroi d'une garantie de capitalisation de durée limitée en faveur du groupe Poste, destinée à combler le découvert des fonds propres d'urgence qui subsistera (voir ch. 4.2.2).

2. Gouvernement d'entreprise Actuellement, le Conseil fédéral pilote PostFinance indirectement, par le biais des objectifs stratégiques assignés à la Poste. Il existe donc une distance relativement importante entre l'entreprise et son propriétaire (indirect). Tant que le but d'entreprise de PostFinance se limitait pour l'essentiel à mettre à disposition un service d'infrastructure de base ­ trafic des paiements (en espèces) en Suisse ­, l'application des orientations et des principes de la Confédération en matière de gouvernement d'entreprise ne posait pas de difficultés. Ce n'est aujourd'hui plus le cas, en raison de plusieurs développements observés depuis quelque temps. La numérisation, en particulier, a relativisé l'importance des transactions en espèces, qui perdent de plus en plus de terrain face aux substituts numériques (e-banking, etc.) proposés par le secteur bancaire (voir ch. 3). S'ajoutant au changement des conditions-cadres économiques, avec notamment la phase
persistante de faiblesse des taux d'intérêt qui mine l'actuel modèle d'affaires de PostFinance, cette évolution pousse fortement à transformer cette dernière en une banque commerciale ordinaire à part entière. Or assurer le pilotage stratégique d'une telle banque est exigeant et les instruments de gouvernement d'entreprise de la Confédération ne semblent guère appropriés, en l'état, pour remplir cette tâche.

3. Conflits d'objectifs La Confédération joue plusieurs rôles vis-à-vis de PostFinance. D'un côté, elle en est la propriétaire (indirecte) et a donc intérêt à ce que ses affaires soient florissantes. De l'autre, elle est l'autorité de surveillance et de régulation du secteur financier et a donc intérêt à ce que les banques suisses ne s'exposent pas à de trop gros risques dans leur 35 / 46

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recherche de rentabilité. La Confédération est également garante de la liberté économique et a donc intérêt à ce qu'il règne une parfaite neutralité concurrentielle entre PostFinance et les autres acteurs du secteur financier. Enfin, elle est aussi garante du mandat de service universel en matière de services de paiement et a donc intérêt à ce que PostFinance en assure l'exécution avec un bon niveau de qualité et aussi avantageusement que possible (et par ses propres moyens).

Ces différents rôles donnent lieu à des conflits d'objectifs ouverts ou latents, qui ne peuvent pas être résolus tant que la Confédération restera la propriétaire (indirecte) de PostFinance. Ils sont néanmoins gérés convenablement, du fait que ces différents rôles de la Confédération sont assumés par des organes fédéraux indépendants les uns des autres sur les plans juridique, institutionnel et administratif.

Même si ce modèle fonctionne sans grosses difficultés dans la pratique, les conflits d'objectifs évoqués ci-dessus ne pourront être résolus, en ce qui concerne la relation entre la Confédération et PostFinance, que si la responsabilité de l'exécution du mandat de service universel en matière de services de paiement et celle découlant de la propriété publique du fournisseur des prestations ­ actuellement PostFinance ­ sont dissociées. Ce sera l'objet de la révision de la LPO.

4. Valeur et rendement de la participation Même si sa participation dans la Poste a pour objectif prioritaire de garantir l'exécution des mandats de service universel, et non d'obtenir un rendement, la Confédération n'en a pas moins le droit légitime d'être indemnisée pour les risques auxquels son engagement financier l'expose. De 2007 à 2018, la Poste lui a donc versé une part de son bénéfice se montant en règle générale à 200 millions de francs par année. En 2019 et 2020, le dividende versé à la Confédération n'a toutefois été que de 50 millions de francs. Le ratio risque/bénéfice se fait donc nettement moins favorable pour la Confédération et, partant, pour les contribuables. Pour contrer, voire inverser, cette évolution défavorable, le Conseil fédéral propose d'agir sur deux axes complémentaires: il entend, d'une part, renforcer la capacité bénéficiaire de la Poste en autorisant PostFinance à opérer sur le marché des crédits et des hypothèques
et, d'autre part, diminuer le risque pour la Confédération en réduisant la participation de la Poste dans PostFinance, puis en la cédant entièrement. Avec la privatisation de PostFinance, la Poste devra certes renoncer à une source de revenus qui a joué un rôle important dans le passé, mais ce manque à gagner sera compensé, dans l'immédiat, par le produit de la vente de PostFinance.

La privatisation permettra de réaliser et de convertir en liquidités le capital public («patrimoine public») investi dans PostFinance. Ce capital liquide pourra être utilisé de trois manières: a) il est versé au groupe Poste pour être investi dans de nouvelles activités et sources de revenus potentiels; b) il est restitué à la Confédération moyennant le versement du produit de la privatisation à la caisse fédérale, sous la forme d'un dividende spécial ou d'un rachat d'actions de la Poste, pour être affecté à la réduction de la dette publique; c) il est mis à la disposition de PostFinance pour remplir les exigences de fonds propres réglementaires. Il sera bien sûr également possible d'opter pour une combinaison de ces trois utilisations. Le Conseil fédéral est d'avis que le produit de la privatisation devra servir prioritairement à remplir les exigences de fonds

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propres d'urgence imposées à PostFinance, en remplacement de la garantie de capitalisation.

5. Financement du service universel Il incombe à la Confédération de garantir la fourniture du service universel en matière de services postaux et de services de paiement. Il lui incombe donc également de veiller à son financement. Selon le modèle de financement actuel, les coûts du service universel sont à la charge du marché, autrement dit des clients de la Poste. Le groupe Poste considéré dans son ensemble fournit donc le service universel par ses propres moyens. Cela signifie que les excédents réalisés dans les secteurs d'activité rentables sont utilisés pour subventionner les secteurs non rentables, qui sont typiquement ceux liés à la fourniture du service universel, en particulier le réseau postal.

Toutefois, étant donné que les chiffres d'affaires et les résultats du groupe Poste sont en recul depuis plusieurs années et que, dans le même temps, le potentiel d'optimisation de l'exploitation dans le domaine du service universel est limité par les conditions-cadres réglementaires, ce modèle de financement est de plus en plus problématique. Il est par ailleurs décrié pour d'autres raisons également: lors de la consultation, il a été critiqué pour son manque de transparence et d'efficacité.

Le financement du service universel sur une base viable à long terme ne fait toutefois pas partie du présent projet. Cette question sera traitée dans le cadre de la révision de la LPO.

6.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Toutes les régions et les collectivités territoriales de Suisse tirent profit d'une Poste performante et financièrement saine. La stratégie de développement de la Poste esquissée au ch. 1.1 aura des effets positifs pour les cantons comme pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne.

Revêt une importance particulière dans ce contexte le constat selon lequel le service universel en matière de services de paiement peut être assuré indépendamment du fait que PostFinance soit en mains publiques ou non. Le trafic des paiements n'a pas le caractère d'un monopole naturel: il est assuré par de nombreuses banques et autres prestataires (p. ex. plateformes en ligne), en libre concurrence. Le marché ne présente en outre pas de défaillance: chaque habitant et chaque entreprise du pays peut effectuer des paiements par le biais d'un compte bancaire. Aucune des deux principales raisons justifiant l'existence d'une entreprise d'infrastructure publique ne peut donc être invoquée. Cette situation invite par conséquent ­ s'agissant de développer un service universel en matière de services de paiement le plus efficace et le plus convivial possible du point de vue des clients ­ à prendre en considération non seulement les capacités de PostFinance, mais également celles des autres banques et entreprises disposant d'une infrastructure (de paiement) couvrant l'ensemble du territoire. Toutefois, le service universel en matière de services de paiement relève clairement du service

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public, c'est-à-dire d'une prestation que le marché pourrait ne pas proposer dans certaines régions. Il y aura donc lieu de prévoir, pour ce genre de situation, une solution à la charge de la collectivité. Que les infrastructures participant à la fourniture du service universel soient en mains privées ou (en partie) publiques n'a en l'occurrence aucune importance. Il découle de ce qui précède que la privatisation de PostFinance n'aura pas de conséquences sur la desserte des régions en services de paiement relevant du service universel. L'étendue et la qualité de cette desserte dépendra surtout du modèle de service universel que les instances politiques choisiront dans le cadre de la révision de la LPO.

Lors de la consultation, en particulier les cantons ont exprimé la crainte que l'entrée de PostFinance sur le marché des crédits et des hypothèques se fasse au détriment des parts de marché et du potentiel de croissance des banques cantonales. Si les revenus des participations des cantons dans ces banques ainsi que leurs recettes fiscales devaient diminuer, cela aurait effectivement des conséquences négatives sur les finances cantonales. Il faut cependant souligner que le volume global des crédits hypothécaires ne cesse d'augmenter en Suisse, même pendant la pandémie de COVID-1927, et que le risque d'une concurrence d'éviction est nettement moins important sur un marché de croissance que sur un marché stagnant ou en recul. Selon les indications de la BNS, le volume total des crédits hypothécaires s'est accru de 4,6 % en 2020; les années précédentes, la croissance se chiffrait à environ 3 %. Selon la FINMA, une éventuelle correction sur les marchés immobilier et hypothécaire figure toujours parmi les principaux risques (en augmentation) auxquels les établissements financiers assujettis sont exposés. De l'avis du Conseil fédéral, il n'y a donc pas de raisons plausibles justifiant la crainte des cantons de voir la transformation de PostFinance en une banque commerciale leur faire subir un préjudice financier. Le Conseil fédéral ne peut en outre pas adhérer à l'argument, souvent exprimé lors de la consultation, selon lequel il n'y aurait pas besoin d'une banque commerciale de plus en Suisse. C'est en effet au marché, autrement dit aux clients, et non à la politique de déterminer quelle banque a ou n'a
pas de raison d'être. Verrouiller le marché n'est pas la bonne solution pour garantir à l'économie et à la population des offres de financement de qualité à des conditions avantageuses.

Enfin, toujours lors de la consultation, les représentants des régions périphériques et des régions de montagne ont exprimé la crainte que l'entrée de PostFinance sur le marché des crédits et des hypothèques ne mette encore davantage sous pression les banques (régionales) établies, les poussant à déserter ces régions moins lucratives, dont la desserte en services financiers pourrait ainsi globalement se détériorer. Il convient donc de répéter ici que c'est précisément pour ce genre de situations que l'instrument du service universel a été créé: les milieux politiques définissent le niveau de service minimal devant être garanti partout en Suisse et veillent, au moyen d'instruments (financiers) appropriés, à ce que ce niveau minimal soit également assuré là où il ne le serait pas si on s'appuyait uniquement sur le marché. Le fait que PostFinance soit autorisée ou non à octroyer des crédits et des hypothèques et qu'elle soit ou non

27

Voir «Monitorage FINMA des risques 2020», disponible sous: www.finma.ch > Documentation > Publications FINMA > Rapports > Monitorage des risques (état au 4.6.2021).

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en mains publiques n'a strictement rien à voir avec cette problématique. Les préoccupations légitimes des régions périphériques et des régions de montagne doivent être prises en compte dans le cadre de la réorganisation du service universel.

6.3

Conséquences économiques

En raison des nombreuses variables encore inconnues, il est actuellement impossible de quantifier les conséquences économiques du projet, en particulier sur le produit intérieur brut et sur l'emploi. Il faut donc se contenter de commentaires d'ordre qualitatif, que l'on peut regrouper dans les trois catégories ci-dessous.

1. Retrait de l'État d'une activité économique En application du principe de la liberté économique (art. 94, al. 1, Cst.), l'État doit limiter son activité économique aux secteurs que le marché ne dessert pas (ou ne peut pas desservir) dans la mesure souhaitée du point de vue sociétal. Il s'agit typiquement de secteurs en situation de monopole naturel, tels que les infrastructures de transport, d'énergie et d'approvisionnement. Dans ce contexte, une banque publique assurant le trafic des paiements, comme l'actuelle PostFinance, est un cas limite car, comme souligné au ch. 6.2, les banques privées et d'autres prestataires sont également à même d'offrir à chaque habitant et à chaque entreprise du pays la possibilité d'effectuer des paiements. Cela vaut même pour les transactions en espèces, dans la mesure où elles sont liées à un compte bancaire. Le seul service de PostFinance que le marché ne propose pas est le virement d'espèces sans propre compte. Or la question se pose de savoir si, à l'époque de la numérisation et des sévères dispositions de la législation sur le blanchiment d'argent, ce type de transactions présente encore une importance telle qu'il faille en assurer la protection et la fourniture par l'État. La réponse à cette question devra être donnée au niveau politique, lors de la discussion sur la future conception du service universel en matière de services de paiement, qui doit avoir lieu dans le cadre de la révision de la LPO. L'action de l'État n'implique toutefois pas nécessairement l'exercice d'une activité économique par une entreprise publique. L'État peut aussi veiller à ce qu'un service jugé nécessaire, mais délaissé par le marché, devienne lucratif pour les entreprises privées et soit donc volontairement proposé par ces dernières sur la base de simples incitations (financières). Il en découle que si PostFinance, conformément au présent projet, entre sur un marché ne présentant pas les caractéristiques d'un monopole naturel ni aucune défaillance, la problématique
de la légitimité de cette activité économique étatique s'accentuera. C'est d'ailleurs ce que de nombreux avis critiques ont souligné lors de la consultation, mettant ainsi la constitutionnalité du projet en question. Le Conseil fédéral défend quant à lui la position selon laquelle l'entrée de PostFinance sur le marché des crédits et des hypothèques sera parfaitement légitime, tant que la Poste sera tenue de remplir les mandats de service universel par ses propres moyens (voir ch. 7.1). Il ne fait cependant aucun doute qu'en cédant sa majorité de contrôle sur PostFinance (en lien avec une adaptation appropriée du modèle de service universel), l'État se retirera d'une activité économique qui ne requiert de toute façon pas son intervention. L'activité d'intermédiaire financier, qui constitue le coeur de métier des banques opérant en Suisse, sera ainsi laissée ­ abstraction faite des banques cantonales ­ à l'entrepreneuriat privé. Sur le 39 / 46

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plan de la politique de réglementation, il y a lieu de s'en féliciter: la Confédération ne se profilera plus comme une concurrente de l'initiative privée sur ce marché.

2. Stimulation de la concurrence La privatisation de PostFinance résoudrait également la question de la «distorsion illicite de la concurrence» résultant de l'entrée d'une banque contrôlée par l'État sur le marché des crédits et des hypothèques. Et l'adoption du projet aura même un impact positif sur la concurrence, en ceci que l'arrivée d'un nouvel acteur important sur ce marché aura sans aucun doute un effet stimulant. À la différence de certains participants à la consultation, le Conseil fédéral est persuadé que l'intensification de la concurrence aura des conséquences économiques positives. Les entreprises établies devront réagir à la nouvelle concurrence en améliorant leurs offres, ce qui devrait se traduire par une augmentation générale du niveau de qualité des services. Les clients pourront en outre choisir entre un plus grand nombre de prestataires et devraient profiter au final de conditions plus avantageuses. Enfin, du point de vue de la politique de réglementation, il n'existe pas de raisons valables d'exclure PostFinance du marché des crédits et des hypothèques, d'autant moins si le risque est supporté non pas par l'État, mais par des investisseurs privés.

3. Stabilité des marchés financiers Lors de la consultation, l'intensification de la concurrence sur le marché des crédits et des hypothèques a souvent été associée non pas à des effets bénéfiques pour les consommateurs, mais à des risques accrus pour la stabilité du système financier suisse.

La crainte exprimée dans plusieurs avis était que l'entrée de PostFinance sur ce marché ne stimule encore plus la demande d'hypothèques, alors même qu'elle présente déjà depuis longtemps des signes de surchauffe. Quelques participants à la consultation considéraient en particulier comme paradoxal que l'État, d'un côté, prenne des mesures «macroprudentielles» (p. ex. durcissement des exigences de fonds propres pour les crédits hypothécaires, révision des directives d'autorégulation en matière d'exigences minimales applicables aux financements hypothécaires ou encore activation et relèvement du volant de fonds propres anticyclique) pour atténuer le risque de surchauffe et, de
l'autre, contribue ­ selon eux ­ à l'aggraver en levant l'interdiction faite à PostFinance d'octroyer des crédits et des hypothèques. Le Conseil fédéral rejette cette argumentation. En effet, la cause principale du risque d'instabilité du système financier suisse constaté par la BNS28, en particulier des déséquilibres observés sur les marchés hypothécaire et immobilier, réside non pas dans l'intensité de la concurrence sur ces marchés, mais dans la faiblesse persistante des taux d'intérêt. Le bas niveau des taux stimule la demande de crédits et d'hypothèques quel que soit le nombre de prestataires présents sur le marché. De nouveaux prestataires ­ y compris ne faisant pas partie du secteur bancaire, comme les assurances et les caisses de pensions ­ ne cessent d'ailleurs d'y affluer, sans pour autant le fausser. Ainsi, même si l'entrée de PostFinance sur le marché des crédits et des hypothèques devait stimuler la demande globale d'hypothèques, son exclusion sélective de ce marché ne serait pas 28

Voir aussi le «Rapport sur la stabilité financière 2019» de la BNS, fondé sur les données disponibles au 31 mai 2019 disponible sous: /www.snb.ch > Publications > Publications économiques > Rapport sur la stabilité financière (état au 11.11.2019).

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la bonne méthode pour garantir la stabilité des marchés financiers. Celle-ci doit en effet être protégée non pas par une limitation discriminatoire de la concurrence ­ c'està-dire par l'exclusion arbitraire de certains acteurs ­, mais par des mesures réglementaires générales s'appliquant sans distinction à tous les participants au marché.

Abstraction faite de ce qui précède, PostFinance n'est de toute façon pas un acteur assez important pour sérieusement déséquilibrer le marché. Le Conseil fédéral estime sa capacité maximale d'octroi de crédits et d'hypothèques à environ 50 milliards de francs (voir ch. 4.1). Par rapport au volume total du marché suisse des hypothèques d'environ 1000 milliards de francs29, ce montant n'a rien d'excessif. De plus, PostFinance n'exploitera pas toute sa capacité d'un coup, mais la développera progressivement sur plusieurs années. Il paraît réaliste à cet égard de tabler sur une augmentation de son portefeuille hypothécaire de quelque 5 milliards de francs par année. Si la croissance annuelle du marché des hypothèques se maintient à hauteur d'environ 3 %, comme c'est le cas depuis un certain temps ­ y compris pendant la pandémie de COVID-19 ­, PostFinance pourra absorber environ un sixième de cette croissance au grand maximum. Les cinq autres sixièmes se répartiront entre tous ses concurrents.

Le présent projet aura en outre des conséquences positives pour les marchés financiers dans leur ensemble en ceci que la demande d'emprunts en francs suisses par PostFinance diminuera. Avec un portefeuille obligataire d'environ 50 milliards de francs, PostFinance fait en effet partie des plus gros investisseurs institutionnels du pays et se trouve donc en concurrence directe avec les caisses de pensions et les assurances, qui souffrent aussi du bas niveau des taux d'intérêt sur le marché des capitaux.

Enfin, l'adoption du projet améliorera la stabilité du système financier suisse de manière fondamentale, puisqu'elle contribuera à garantir l'existence de plus en plus menacée d'une banque d'importance systémique nationale.

6.4

Conséquences sociales

Le projet n'a pas d'autres conséquences pour la société. On ne s'attend donc pas à ce qu'il ait un impact négatif sur cette dernière, sous la forme par exemples de risques accrus ou d'effets de redistribution indésirables. Le service universel, qui est un facteur de cohésion sociale de première importance, n'est pas remis en question, mais simplement réorganisé. Concrètement, le lien actuel entre le service universel et la propriété publique de PostFinance sera dissous et les conditions-cadres ainsi que les modalités de fourniture du service universel seront redéfinies dans le cadre de la révision de la LPO.

6.5

Conséquences environnementales

Le projet n'aura pas de conséquences environnementales directes et seuls des effets positifs indirects résulteront de l'octroi de crédits selon des critères de durabilité et de 29

Voir le portail de données de la BNS, sous https://data.snb.ch/fr; situation à la fin de 2019 (état au 13.1.2020).

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compatibilité avec le climat, comme prévu à l'art. 7, al. 1bis, LOP. Il faut cependant souligner à cet égard que si PostFinance est privatisée, le Conseil fédéral perdra toute influence sur la politique d'octroi de crédits de cette dernière. Toutefois, si entre le moment où elle entrera sur le marché des crédits et des hypothèques et celui où l'État cédera sa majorité de contrôle, PostFinance se constitue un portefeuille de crédits compatibles avec le climat, les prescriptions du Conseil fédéral continueront de valoir pour ce portefeuille. Vu les tendances dominantes dans ce domaine, il est cependant très peu probable qu'une fois privatisée, PostFinance se détourne radicalement d'une politique d'octroi de crédits compatible avec le climat.

6.6

Autres conséquences

Le projet n'a pas d'autres conséquences.

7

Aspects juridiques

7.1

Constitutionnalité

Selon l'art. 94, al. 1, Cst., la Confédération et les cantons doivent respecter le principe de la liberté économique. Cette disposition doit être comprise comme une obligation de respecter un ordre économique fondé sur le droit privé et sur l'économie de marché.

Il s'ensuit que la Confédération et les cantons doivent laisser le soin de produire des biens et de fournir des services au secteur privé, toute dérogation à ce principe devant se fonder sur une base constitutionnelle expresse (art. 94, al. 4, Cst.). Le présent projet se fonde en l'occurrence sur l'art. 92 Cst., qui dispose que les services postaux relèvent de la compétence de la Confédération, de même que les mandats de service universel. L'art. 92 Cst. habilite donc la Confédération à exercer toutes les activités économiques en rapport avec l'exécution du mandat public défini dans cet article.

S'agissant de la question de savoir si l'octroi de crédits et d'hypothèques fait partie de ces activités, le Conseil fédéral, tout bien considéré et à la lumière de la situation actuelle, adhère à l'avis de droit du professeur Vincent Martenet. Selon cet avis de droit, l'octroi de crédits et d'hypothèques par PostFinance est une activité économique. Considérer que cette activité économique est couverte par l'art. 92 Cst. implique qu'elle soit en rapport (lien de cohérence) avec la tâche fédérale fondée sur cet article et qu'elle ne la mette pas en péril. De plus, l'activité économique ne doit pas faire de la tâche fédérale concernée ­ qui légitime l'existence même de l'entreprise publique ­ une coquille vide. C'est pourquoi il y a lieu, au niveau de la loi, de définir l'activité économique en la délimitant quantitativement. Enfin, l'entrée sur le marché des crédits et des hypothèques doit servir l'intérêt public et respecter les principes de proportionnalité et de neutralité concurrentielle.

Sur cette question de la constitutionnalité de l'accès de PostFinance au marché des crédits et des hypothèques, l'OFJ adhère quant à lui à l'avis de la doctrine qui prévaut

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depuis de nombreuses années. Dans un avis de droit de 200630, l'OFJ relève en effet que, compte tenu de la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons, la Confédération aurait besoin d'une base constitutionnelle pour exploiter une banque postale. Or, de son point de vue, ni l'art. 92 ni les art. 98 et 99 Cst. ne confèrent cette compétence à la Confédération. Les services postaux comprennent certes le trafic des paiements, c'est-à-dire le transport (public) d'argent entre des personnes géographiquement séparées, mais l'activité bancaire à proprement parler, qui inclut en particulier l'octroi de crédits et d'hypothèques, ne relève pas du trafic des paiements.

Il n'existe donc pas actuellement de base constitutionnelle autorisant la Poste à octroyer des crédits et des hypothèques à des tiers. La situation juridique dans ce domaine n'ayant pas évolué depuis 2006, l'OFJ estime que cette analyse est toujours valable31.

Quoi qu'il en soit, le Conseil fédéral estime que l'octroi de crédits et d'hypothèques par PostFinance lorsque celle-ci sera majoritairement en mains privées sera de toute façon légal, ce qui signifie que le débat sur la constitutionnalité du présent projet n'aura plus lieu d'être. Selon l'OFJ, PostFinance ne peut être autorisée à octroyer des crédits et des hypothèques que si elle est complètement privatisée. Tant que la Poste détient des parts dans PostFinance, l'OFJ estime que cette dernière appartient à la Confédération et donc que l'octroi de crédits et d'hypothèques par PostFinance est contraire à la Constitution.

Selon l'art. 92, al. 2, Cst., la Confédération doit veiller à ce qu'un service universel suffisant en matière de services postaux soit assuré à des prix raisonnables dans toutes les régions du pays. Actuellement, le service universel en matière de services postaux comprend également les services de paiement, dont la fourniture est de la compétence de PostFinance (art. 32, al. 1, en relation avec l'art. 2, al. 2, OPO et l'art. 14, al. 1, LOP).

Le mandat de service universel en matière de services de paiement comprend notamment la gestion de comptes pour le trafic des paiements (art. 43 OPO). Dans le même temps, la Poste est tenue, conformément à la volonté du législateur, de fournir le service universel à son compte, autrement dit par ses propres
moyens. PostFinance doit donc gérer les fonds des clients reçus en relation avec son mandat de service universel de manière rentable, mais également sûre. C'est la seule façon pour elle de contribuer à long terme au financement autonome du service universel en matière de services de paiement.

Toutefois, les moyens dont dispose PostFinance pour y parvenir sont limités: elle a le droit d'effectuer des placements financiers (achat d'obligations, d'emprunts, etc.) et d'accorder des prêts à ses clients dans la limite des découverts de compte correspondant aux usages du marché dans le trafic des paiements, mais non d'octroyer des crédits et des hypothèques (art. 3, al. 3, LOP). Au moment où il a décidé de l'interdiction d'octroyer des crédits et des hypothèques, le législateur avait estimé, eu égard à la 30

31

Avis de droit de l'Office fédéral de la justice (OFJ) du 22 novembre 2006 (JAAC 2009, 9, pp. 129 à 140) (en allemand), disponible sous: www.bj.admin.ch > Publications et services > Rapports, avis de droit et décisions > Rapports et avis de droit.

Pour l'avis de la doctrine, voir aussi l'avis de droit du professeur Vincent Martenet, ch. III, let. A/2.

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situation du marché et des taux d'intérêt de l'époque, que PostFinance serait à même d'obtenir un rendement conforme au marché malgré cette restriction pesant sur ses opérations d'intérêts ­ autrement dit sur la seule base autorisée de placements financiers sûrs ­ et que ce rendement serait suffisant à la fois pour rémunérer les fonds des clients et pour dégager un résultat garantissant son autonomie financière. Aujourd'hui, la situation du marché et des taux d'intérêt ­ qui échappe à l'influence aussi bien de PostFinance et de la Poste que du législateur ­ n'est plus du tout la même et cette estimation est caduque. En raison des taux d'intérêt très bas, voire négatifs, appliqués sur les marchés financiers nationaux et internationaux, il n'est pratiquement plus possible d'effectuer des placements qui soient à la fois rentables et sûrs. À moins d'entrer sur le marché des crédits et des hypothèques, PostFinance n'est donc plus à même d'obtenir un rendement approprié. C'est pourquoi il convient de lever l'interdiction légale qui lui est faite d'entrer sur ce marché (art. 3, al. 3, LOP).

Abstraction faite des questions de la constitutionnalité de l'entrée de PostFinance sur le marché des crédits et des hypothèques et de la nécessité économique de cette entrée du point de vue du service universel, on peut se demander dans quelle mesure il est souhaitable que PostFinance entre sur ce marché pour son propre développement. À cet égard, il convient de souligner que l'entrée de PostFinance sur le marché des crédits et des hypothèques est importante dans la perspective de sa privatisation. Celleci ne pourra en effet intervenir que si le modèle d'affaires de l'entreprise aura été solidement fondé sur une base durable, autrement dit si PostFinance pourra opérer sur le marché sans aucune restriction. La question de l'entrée sur le marché des crédits et des hypothèques se pose donc également en vue de la privatisation de PostFinance, indépendamment de la future conception du service universel.

7.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Le projet est compatible avec tous les accords internationaux en vigueur ainsi qu'avec tous ceux déjà négociés et non encore en vigueur.

7.3

Forme de l'acte à adopter

7.3.1

Modification de la loi

Conformément aux art. 164 Cst. et 22, al. 1, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)32, l'Assemblée fédérale édicte toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit sous la forme d'une loi fédérale. Ce sera le cas des dispositions du présent projet de modification de la LOP, qui sont sujettes au référendum.

32

RS 171.10

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7.3.2

Arrêté fédéral

Conformément aux art. 167 Cst. et 25, al. 2, LParl, l'Assemblée fédérale prend les décisions concernant de nouveaux crédits d'engagement sous la forme d'arrêtés fédéraux simples, qui ne sont pas soumis au référendum. Ce sera le cas de l'arrêté fédéral concernant le crédit d'engagement prévu dans le présent projet de loi.

7.4

Frein aux dépenses

En vertu de l'art. 159, al. 3, let. b, Cst., l'art. 1 de l'arrêté fédéral concernant le crédit d'engagement destiné à couvrir la garantie de capitalisation doit être adopté à la majorité des membres de chaque conseil, car il entraîne de nouvelles dépenses uniques de plus de 20 millions de francs.

7.5

Conformité aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale

Le projet respecte le principe de subsidiarité, en ceci que les défis décrits au ch. 1.1 auxquels la Poste doit faire face nécessitent d'agir à l'échelon fédéral.

Le projet respecte le principe d'équivalence fiscale, car ses conséquences financières seront supportées principalement par la Confédération (voir ch. 4.1).

7.6

Conformité à la loi sur les subventions

Le projet ne contient pas de dispositions relatives à des subventions.

La garantie de capitalisation n'est ni une aide financière ni une indemnité au sens de l'art. 3 de la loi du 5 octobre 1990 sur les subventions (LSu)33. Pour qu'elle ait la qualité d'aide financière, il faudrait que le mandat de service universel de PostFinance ait un caractère «volontaire» (art. 3, al. 1, LSu). Il ne s'agit pas non plus d'une indemnité (art. 3, al. 2, LSu), car elle n'est pas destinée à compenser exclusivement les coûts du service universel.

Abstraction faite de ces questions de forme, les réflexions ci-dessous s'opposent également à ce que la garantie de capitalisation soit qualifiée de subvention.

La garantie de capitalisation sera indemnisée aux conditions du marché (art. 5a, al. 2, LOP). De plus, pour garantir sa conformité avec les conditions du marché, l'indemnisation sera déterminée d'après les instruments financiers qui, selon le modèle défini dans l'OFR, ont la qualité de «capitaux de tiers destinés à absorber les pertes» (voir ch. 4.2.2, no 5).

En lieu et place de la garantie de capitalisation, PostFinance pourrait également couvrir tout ou partie des fonds propres d'urgence au moyen de capitaux de tiers destinés 33

RS 616.1

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à absorber les pertes levés sur le marché. Toutefois, dans le contexte spécifique de PostFinance, le Conseil fédéral considère ces instruments financiers avec un certain scepticisme (voir ch. 4.2.2, no 5).

Enfin, à la différence des capitaux de tiers destinés à absorber les pertes, la garantie de capitalisation n'entraîne pas d'augmentation du bilan de PostFinance, ce qui a un effet positif sur le ratio d'endettement. Malgré cet effet économique positif, la rémunération aux conditions du marché, d'une part, et la possibilité de couvrir également les fonds propres d'urgence sur le marché, d'autre part, plaident globalement contre la qualification de la garantie de capitalisation de «subvention».

Ces considérations sont à la base du mécanisme particulier de la garantie de capitalisation, mais ne sont pas directement transposables à d'autres situations similaires.

7.7

Délégation de compétences législatives

Le présent projet comporte à l'art. 5a, al. 3 et 6, une délégation de compétences législative au Conseil fédéral. Cette délégation est nécessaire car elle concerne des règlementations dont le degré de concrétisation dépasse le cadre de la loi elle-même. Les lignes directrices définies dans les articles de loi déterminent le pouvoir de légiférer ainsi délégué avec suffisamment de précision.

7.8

Protection des données

En raison de son mandat de service universel en matière de services de paiement, PostFinance dispose de nombreuses données de clients. Elle traite ces données conformément aux dispositions de la législation sur la protection des données. PostFinance est en outre soumise au secret bancaire (art. 47 LB).

Les mêmes dispositions et règles de comportement s'appliqueront aux données de clients dont PostFinance disposera en relation avec l'octroi de crédits et d'hypothèques.

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