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21.049 Message concernant la modification de la loi sur le génie génétique (prolongation du moratoire sur la mise en circulation d'organismes génétiquement modifiés) du 30 juin 2021

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une modification de la loi sur le génie génétique, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

30 juin 2021

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Guy Parmelin Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2021-2311

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Condensé Depuis 2005, il existe en Suisse un moratoire sur la mise en circulation d'organismes génétiquement modifiés à des fins agricoles, horticoles ou forestières. Celuici a été introduit à la suite de l'adoption de l'initiative populaire «pour des aliments produits sans manipulations génétiques». Par la présente modification, le Conseil fédéral entend prolonger ce moratoire jusqu'au 31 décembre 2025.

Contexte Depuis 2005, le Parlement a prolongé trois fois le moratoire sur la mise en circulation d'organismes génétiquement modifiés (OGM). La dernière prolongation a reporté l'échéance de 2017 à 2021. Pour l'heure, il n'existe toujours pas de consensus politique sur la nécessité de lever le moratoire et d'édicter une réglementation équilibrée et durable permettant de cultiver des OGM. Les développements récents en matière de génie génétique peuvent apporter des innovations contribuant au développement durable; ils peuvent également rendre la matière plus complexe et conduire à de nouveaux risques. Bien que de nouvelles techniques en la matière doivent satisfaire à la législation sur le génie génétique, des questions toujours plus nombreuses se posent quant à l'application de la réglementation en vigueur, et de nouveaux défis se présentent en ce qui concerne la séparation des flux des produits et le libre choix des consommateurs. Il s'avère nécessaire de disposer de plus temps afin de faire face de manière adéquate à ces défis et de créer simultanément la sécurité juridique nécessaire.

Contenu du projet Dans ce contexte, le Conseil fédéral propose de prolonger le moratoire actuel jusqu'au 31 décembre 2025, en adaptant l'art. 37a de la loi sur le génie génétique.

Ce délai supplémentaire permettra d'examiner comment répondre aux questions juridiques qui se posent dans le domaine des nouvelles techniques de modification génétique. Le Conseil fédéral dressera un état des lieux en la matière dans son rapport en exécution du postulat 20.4211 Chevalley «Critères d'application du droit sur le génie génétique. Les développements opérés dans l'Union européenne dans le domaine des nouvelles techniques de modification génétique feront également partie intégrante du rapport.

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Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

En acceptant l'initiative populaire «pour des aliments produits sans manipulations génétiques» le 27 novembre 2005, le peuple et les cantons ont approuvé une nouvelle disposition constitutionnelle (art. 197, ch. 7, de la Constitution [Cst.]1), qui prévoyait que l'agriculture suisse n'utiliserait pas d'organismes génétiquement modifiés (OGM) durant cinq ans et qui suspendait l'application de certaines parties de la loi du 21 mars 2003 sur le génie génétique (LGG)2 durant ce délai. Ce moratoire interdisait jusqu'au 27 novembre 2010 en particulier l'importation et la mise en circulation de plantes, de parties de plantes ou de semences génétiquement modifiées qui peuvent se reproduire et sont destinées à être utilisées dans l'environnement à des fins agricoles, horticoles ou forestières de même que d'animaux génétiquement modifiés destinés à la production d'aliments et d'autres produits agricoles3.

La recherche a été explicitement exclue du moratoire. En d'autres termes, tant les essais recourant à des OGM en milieu confiné que la dissémination expérimentale d'OGM étaient admis si les conditions fixées par le droit sur le génie génétique étaient remplies. Cette exclusion devait permettre l'évaluation du potentiel et des risques liés aux OGM en vue de la phase post-moratoire. Le moratoire devait en outre servir à l'acquisition de nouvelles connaissances scientifiques en matière d'OGM et à l'adoption de dispositions protégeant de manière optimale l'agriculture conventionnelle4.

Conformément à l'initiative populaire, la disposition constitutionnelle ne disait pas si, dans le cadre d'une agriculture qui n'utilise pas d'OGM, les aliments pour animaux, les engrais, les produits phytosanitaires et les médicaments vétérinaires devaient également tomber sous le coup du moratoire. Le Conseil fédéral considérait que tel n'était pas le cas. Par le biais du moratoire, les auteurs de l'initiative avaient voulu avant tout donner à l'agriculture suisse la possibilité de se profiler et de se positionner sur le marché des produits exempts d'OGM et tenir compte du rejet par la majorité de la population des aliments génétiquement modifiés.

Le 19 mars 2010, avant l'échéance du moratoire visé à l'art. 197, ch. 7, Cst., les Chambres fédérales ont décidé de prolonger celui-ci de trois ans, jusqu'au 27 novembre 2013, en
modifiant la LGG, sans toutefois en changer la portée matérielle (cf.

art. 37a LGG). La teneur de la disposition a été simplement clarifiée et alignée sur la terminologie et la systématique de la LGG, et l'interdiction de cultiver et de mettre en circulation des OGM a été remplacée par une interdiction de délivrer des autorisations pour la mise en circulation d'OGM à des fins agricoles, horticoles ou forestières.

1 2 3 4

RS 101 RS 814.91 La mise en circulation de vertébrés génétiquement modifiés n'est autorisée qu'à des fins scientifiques, thérapeutiques ou de diagnostic (art. 9 LGG).

Cf. message du 18 août 2004 concernant l'initiative populaire «pour des aliments produits sans manipulations génétiques», FF 2004 4629, 4633.

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Depuis lors, le Parlement a prolongé le moratoire à deux reprises. En 2013, la prolongation s'est inscrite dans le cadre de la politique agricole 2014­2017 et a reporté l'échéance de quatre ans, au 27 novembre 20175. Elle a été justifiée par le rejet des OGM par la population ainsi que notion d'une Suisse exempte d'OGM comme gage de qualité pour l'agriculture suisse. En 2017, le Parlement a prolongé le moratoire une nouvelle fois de quatre ans, jusqu'au 31 décembre 2021, rejetant ainsi clairement une adaptation de la LGG proposée par le Conseil fédéral et visant à créer des «zones avec OGM» et à concrétiser les dispositions régissant la coexistence entre OGM et nonOGM dans l'agriculture6. En revanche, les délibérations intensives dans le cadre de la politique agricole 2018­2021, fondées sur les arguments avancés précédemment, ont abouti à une nouvelle prolongation du moratoire7. Simultanément, le Parlement a supprimé le mandat inscrit à l'art. 37a LGG pour la période du moratoire 2014­2017, en vertu duquel le Conseil fédéral devait élaborer pendant le moratoire les dispositions d'exécution nécessaires.

L'art. 7 LGG exige les OGM soient utilisés de manière à exclure toute atteinte à une production exempte d'OGM ainsi qu'au libre choix des consommateurs. De plus, il faut empêcher que des OGM se répandent dans l'environnement et mettent ainsi en danger l'être humain, les animaux ou l'environnement et portent atteinte à la diversité biologique (art. 6 LGG).

Depuis l'entrée en vigueur de la LGG, en 2004, la technologie génétique et, par conséquent, les possibilités de modifier le patrimoine génétique des organismes ont évolué rapidement. Ces avancées technologiques sont dues, d'une part, aux nouvelles connaissances scientifiques sur la structure et le fonctionnement des gènes pris individuellement mais aussi des gènes dans leur ensemble (génome) et, d'autre part, aux progrès réalisés dans la numérisation (p. ex. traitement des données, modélisation, automatisation, apprentissage automatique [machine learning]). Les méthodes telles que CRISPR/Cas (cf. ch. 1.2) ont également contribué à accélérer l'évolution technologique ces dernières années.

Pour l'heure, il n'est pas possible d'évaluer définitivement l'effet a) sur la santé de l'homme et de l'animal, b) sur l'environnement et c) sur le libre choix
des consommateurs que pourraient avoir les OGM issus des nouvelles techniques de modification génétique et destinés à être utilisés dans l'environnement (p. ex. semences), les données et les valeurs empiriques actuelles étant insuffisantes. La prolongation du moratoire (art. 37a LGG) permettra également de garantir pour les quatre années à venir la liberté de choix vis-à-vis du génie génétique comme particularité qualitative de l'agriculture suisse, la protection des consommateurs et de l'environnement et répondra ainsi à l'attitude encore largement négative de la population. De plus, il sera possible de collecter plus de données sur les produits issus des nouvelles techniques de génie génétique et d'acquérir davantage d'expérience durant cette période.

5 6 7

Nouvelle teneur selon l'annexe, ch. 7, de la modification du 22 mars 2013 de la LF, en vigueur depuis le 1er novembre 2013 (RO 2013 3463; FF 2012 1857).

FF 2016 6301 Nouvelle teneur selon le ch. I de la LF du 16 juin 2017, en vigueur depuis le 1er janvier 2018 (RO 2017 6667; FF 2016 6301).

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Le contexte, notamment la perception au sein de la population du risque émanant des produits OGM, n'a pas évolué depuis la décision en 2016 relative à la dernière prolongation du moratoire8. La Suisse reste en effet très attachée à une production agricole et à un environnement exempts d'OGM. La prolongation du moratoire permettrait de prendre en considération les avancées dans le génie génétique et les éventuels développements du droit sur le plan international, en particulier au sein de l'Union européenne (UE). Sur cette toile de fond, la prolongation du moratoire de quatre années supplémentaires est justifiée et permettrait au Conseil fédéral de dresser un état des lieux pour répondre adéquatement aux questions juridiques relatives aux nouvelles techniques de génie génétique.

1.2

Nouvelles techniques de modification génétique

Les nouvelles techniques de modification génétique ont un dénominateur commun: la modification ciblée du génome. Elles permettent de modifier ce dernier de sorte que les méthodes de détection couramment utilisées ne suffisent plus à identifier la technique utilisée dans le produit. Seules subsistent les modifications du patrimoine génétique, c'est-à-dire les mutations. Ce procédé est connu sous le terme d'édition génomique. La preuve publiée en 2012 qu'un ciseau génétique naturellement présent dans des bactéries (la «méthode CRISPR/Cas9») pouvait être reprogrammé de telle manière qu'il coupe le patrimoine génétique à un endroit précis et y insère la modification souhaitée a contribué à une ascension fulgurante de l'édition génomique dans tous les domaines de la technologie génétique. Très vite, les techniques d'édition génomique ont été améliorées pour diverses applications et différents organismes. Les États-Unis et l'Amérique du Sud cultivent et commercialisent depuis une dizaine d'années des plantes ainsi produites. Selon toute attente, des variétés de plantes plus résistantes aux maladies et présentant de nouvelles propriétés, notamment en matière de qualité, seront développées dans un avenir proche pour la culture dans les champs, grâce à la méthode CRISPR/Cas par exemple.

Pour de nombreux domaines d'application, l'édition génomique offre des possibilités inédites concernant les propriétés des OGM, la précision, l'importance de l'intervention, la transmissibilité et les cibles de l'application, ce qui soulève aussi des questions de biosécurité, d'éthique et de société, surtout si l'application concerne l'être humain ou les animaux. Contrairement aux techniques de génie génétique dites «classiques», les nouvelles techniques de modification génétique permettent d'effectuer simultanément plusieurs modifications ciblées sur le génome. Le type d'intervention, les nouvelles propriétés et les risques qui en résultent peuvent varier en fonction du groupe d'organismes (p. ex. bactéries, plantes, insectes, vertébrés) et du domaine d'application. Actuellement, les données scientifiques et empiriques ainsi que les valeurs de référence ne permettent pas une analyse des risques liés à ces nouvelles modifications et aux propriétés qui en résultent.

8

Cf. sondage Univox, en allemand: https://gfs-zh.ch/wp-content/uploads/2016/04/ Univox_Umwelt-2015.pdf; résultats Smartvote 2019 au sujet de la prolongation du moratoire sur les OGM: https://smartvote.ch/de/group/2/election/19_ch-nr/home.

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Un défi majeur réside dans la traçabilité des modifications du patrimoine génétique au moyen des nouvelles techniques. La technique classique de modification génétique, c'est-à-dire la transgénèse, introduit des gènes étrangers au hasard à un ou à plusieurs endroits du génome. Le gène ainsi introduit et l'endroit de l'introduction sont par conséquent reconnaissables et identifiables. Il a donc été possible de développer des méthodes de détection fiables à 99,9 %. S'agissant des petites modifications ponctuelles apportées par l'édition génomique, les méthodes couramment utilisées ne permettent pas d' identifier la technique appliquée9. Un produit quasi identique à un autre du point de vue génétique, présentant des propriétés similaires, pourrait également être développé sans intervention génétique, par exemple par la simple sélection des plantes ou par des mutations spontanées. Actuellement, seules certaines applications des nouvelles techniques peuvent être identifiées moyennant des procédés très complexes et onéreux. Eu égard aux techniques de détection actuelles, la traçabilité, la désignation, le contrôle et la reconnaissance de la conformité des différentes réglementations internationales constituent un véritable défi pour les autorités d'exécution.

Les nouvelles techniques de modification génétique sont largement utilisées dans la recherche-développement, en particulier aussi dans la sélection végétale. Dans le domaine des semences, la Suisse dépend fortement des variétés développées dans d'autres pays (notamment dans l'UE, avec laquelle il existe une reconnaissance mutuelle des variétés non génétiquement modifiées dans le cadre de l'accord agricole bilatéral10). Il est par conséquent important de pouvoir s'appuyer sur une définition uniforme des produits issus de techniques de modification génétique et donc soumis au champ d'application de la LGG et de disposer de méthodes de détection ou de traçabilité correspondantes.

Des plantes cultivées qui sont par exemple plus résistantes à la sécheresse ou aux maladies fongiques pourraient contribuer, sur le moyen à long terme, à une agriculture plus durable et préservant les ressources. Les nouvelles techniques de modification génétique permettraient, le cas échéant, de concevoir des plantes destinées à la production alimentaire, qui s'adapteraient
plus rapidement aux changements climatiques11 et pourraient générer une plus-value pour les consommateurs. Cependant, les données scientifiques sont encore insuffisantes pour permettre une évaluation des risques.

1.3

Solutions étudiées et solution retenue

Dans son avis sur la motion 19.4050 «Autoriser l'édition génomique, technologie qui profite à la protection de l'environnement», déposée par le groupe libéral-radical, le Conseil fédéral a déclaré que les nouvelles techniques de modification génétique 9

10 11

Bundesinstitut für Risikobewertung: Fragen und Antworten zum Genome Editing und CRISPR/Cas9, www.bfr.bund.de/de/fragen_und_antworten_zum_genome_ editing_und_crispr_cas9-199684.html.

Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif aux échanges de produits agricoles (RS 0.916.026.81).

Cf. IPCC Special report on climate change and land, chap. 5; www.ipcc.ch/srccl/.

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étaient considérées comme du génie génétique du point de vue technique et juridique.

Pour l'heure, il ne juge pas opportun de créer la base légale qui serait nécessaire pour soustraire certains produits issus de l'édition génomique au champ d'application de la LGG12.

En effet, conformément à la définition donnée à l'art. 5, al. 2, LGG, les nouvelles techniques de génie génétique génèrent une modification du génome qui ne se produit pas naturellement par multiplication ou par recombinaison naturelle. Le droit actuel13 prévoit une exception pour les organismes traités par des techniques de mutagénèse, une technique qui vise à augmenter le taux de mutation dans le génome d'un organisme par le traitement avec des produits chimiques ou des radiations. Cette disposition dérogatoire ne s'applique toutefois qu'aux techniques et produits dont la sécurité était avérée, au moment de l'adoption de la disposition, grâce à l'expérience acquise en la matière (history of safe use). À ce jour, les données ne suffisent pas pour justifier l'exclusion de l'édition génomique et des organismes issus de celle-ci du champ d'application de la législation sur le génie génétique.

Dans une note de discussion du 18 novembre 2018, le Conseil fédéral a annoncé un examen des bases légales existantes en vue d'adapter la législation sur le génie génétique pour l'axer sur les risques14. Le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication et le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche ont depuis rempli ce mandat. Les résultats montrent que les bases légales offrent la flexibilité nécessaire pour garantir le respect des principes de la LGG tout en tenant compte du risque au regard des nouvelles techniques de modification génétique. En l'absence de données et de valeurs empiriques (plus complètes) sur les nouvelles techniques de modification génétique, un assouplissement n'est pas justifié pour l'heure.

Néanmoins, cet examen a fait apparaître un autre aspect. Actuellement, certaines techniques de modification génétique sont décrites ou nommées au niveau des ordonnances. Au vu du développement des nouvelles techniques, il est nécessaire de les y définir. En outre, il faut répondre à certaines questions concernant l'exécution dans le domaine des nouvelles techniques
de modification génétique, notamment au sujet de la détection ou de la traçabilité ou encore du monitoring environnemental.

Les discussions menées avec les différents groupes d'acteurs concernés ont montré qu'un consensus en matière de portée et de densité normatives est pour l'instant impossible du fait des avis très divergents. Cette situation s'explique en grande partie par le fait que les acteurs n'arrivent parfois pas, ou pas assez, à évaluer les opportunités et les risques actuels que recèlent les produits issus des nouvelles techniques de modification génétique, ni d'ailleurs leurs répercussions sur la pratique agricole. En outre, ils sont nombreux à vouloir connaître d'abord l'évolution des produits issus de 12

13

14

Cf. avis du Conseil fédéral sur la motion 19.4050, déposée le 27 novembre 2019 par le groupe libéral-radical: www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?

AffairId=20194050.

Cf. annexe 1, al. 3, let. a, de l'ordonnance du 10 septembre 2008 sur la dissémination dans l'environnement (RS 814.911) et de l'ordonnance du 9 mai 2012 sur l'utilisation confinée (RS 814.912).

Nouvelles technologies génétiques: le Conseil fédéral examine une adaptation de la législation (admin.ch).

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techniques de modification génétique et de leur réglementation dans les autres pays, notamment au sein de l'UE. Bien que la législation sur le génie génétique ne soit soumise à aucune obligation imposée par le droit international, il est dans l'intérêt de la Suisse de tenir compte des évolutions à l'échelle européenne et des futures adaptations de la réglementation dans les autres pays.

1.4

Résultats de la consultation15

La consultation a duré du 11 novembre 2020 au 25 février 2021. Au total, 274 destinataires ont été invités à se prononcer sur le projet mis en consultation; 119 ont répondu à l'invitation, dont 3 en renonçant explicitement à prendre position. La proposition de prolonger le moratoire a été soutenue par 80 % des participants et rejetée par 11 %, 9 % défendant d'autres positions.

En tout, 25 cantons ont donné leur avis sur le projet. Ils sont tous favorables à la prolongation du moratoire. Le canton de Saint-Gall exclut cependant les nouvelles techniques de modification génétique de l'application du moratoire.

Sur 8 partis politiques ayant participé, 6 se sont prononcés en faveur de la prolongation (Umweltfreisinnige St. Gallen, PS, UDC, PEV, le Centre, les VERT-E-S). 1 parti la rejette (PLR.Les Libéraux-Radicaux), tandis que 1 autre (vert'libéraux) exige que le moratoire soit prolongé pour les OGM «classiques» tout en refusant son application aux nouvelles techniques de modification génétique.

La majorité des organisations agricoles et des organisations de production ou de traitement de denrées alimentaires, le commerce de détail et les associations des consommateurs soutiennent la prolongation du moratoire. SWISSCOFEL (Association Suisse du Commerce Fruits, Légumes et Pommes de terre) a adopté une position neutre en la matière.

Diverses organisations humanitaires et organisations de protection de la nature, de l'environnement, du paysage et des animaux de même que la Commission fédérale d'éthique pour la biotechnologie dans le domaine non humain appuient la prolongation du moratoire.

Cette dernière se heurte toutefois à l'opposition des organisations économiques et autres organisations spécialisées, abstraction faite de pharmaSuisse. La Commission fédérale d'experts pour la sécurité biologique rejette elle aussi la prolongation.

Les organisations de recherche, les Académies suisses des sciences, le Fonds national suisse, les universités suisses et Innosuisse ne se sont pas prononcés explicitement sur la question du moratoire, argumentant que la décision en la matière ne reposait pas sur des critères scientifiques. Agroscope refuse explicitement la prolongation du moratoire, alors que l'Institut de recherche de l'agriculture biologique y est favorable.

Les opinions exprimées sur les nouvelles techniques de modification génétique sont très divergentes. Elles vont du rejet fondamental d'une modification du droit actuel 15

Les résultats de la consultation sont présentés dans le rapport correspondant, disponible sous www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2020 > DETEC.

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au souhait d'une réglementation plus différenciée et d'un changement de paradigme dans la réglementation du génie génétique. Aucun consensus ne peut être dégagé des opinions exprimées. D'autre part, environ la moitié des participants à la consultation demandent que les questions ouvertes soient clarifiées pendant la période de prolongation.

1.5

Relation avec le programme de la législature et avec le plan financier, ainsi qu'avec les stratégies du Conseil fédéral

Le présent projet n'a été annoncé ni dans le message du 29 janvier 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202316 ni dans l'arrêté fédéral du 21 septembre 2020 sur le programme de la législature 2019 à 202317.

Le moratoire arrive à échéance à fin 2021. Il est indiqué de modifier la LGG afin de pouvoir faire face de manière adéquate aux défis qui se poseront à l'avenir dans le domaine du génie génétique.

1.6

Classement d'interventions parlementaires

Aucune intervention parlementaire ne doit être classée. Les interventions en cours de traitement dans le domaine du génie génétique sont les suivantes:

16 17

­

motion 19.4050 «Autoriser l'édition génomique, technologie qui profite à la protection de l'environnement», déposée par le groupe libéral-radical le 18 septembre 2019; le Conseil fédéral a proposé de rejeter cette motion le 27 novembre 2019; l'objet n'a pas encore été traité par les conseils;

­

motion 19.4225 Aebi «Moratoire sur les OGM. Prolongation» du 26 septembre 2019; le Conseil fédéral a proposé d'adopter cette motion le 11 novembre 2020; le Conseil national a adopté la motion le 17 juin 2021;

­

postulat 20.4211 Chevalley «Critères d'application du droit sur le génie génétique» du 25 septembre 2020; le Conseil national a adopté le postulat;

­

interpellation 21.3358 Eymann «Insécurité juridique entourant les techniques de sélection végétale novatrices» du 18 mars 2021; l'objet n'a pas encore été traité par les conseils.

FF 2020 1709 FF 2020 8087

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Comparaison avec le droit étranger, notamment européen

La législation suisse sur le génie génétique est largement identique à celle de l'UE (directive européenne 2001/18/CE18). Cependant, contrairement à la législation suisse, le droit de l'UE ne connaît pas de moratoire, mais admet des restrictions nationales spécifiques. Sur la base du complément à la directive 2001/18/CE (art. 26ter)19 et compte tenu de la divergence d'opinions au sein de la population européenne à l'égard de la question du génie génétique, les États membres de l'UE sont autorisés depuis 2015 à restreindre sur leur territoire la culture de certains OGM admis au sein de l'UE (possibilité «opt out»). Le droit européen prévoit à ce titre une procédure en plusieurs étapes. Dans un premier temps, la procédure d'autorisation des OGM permet à chaque État membre de s'adresser au notifiant afin que celui-ci retire la demande d'autorisation (notification) qu'il lui a adressée ou en réduise la portée.

Dans un second temps, soit après que l'UE a autorisé la culture d'un OGM, seuls les États membres ayant tenté en vain d'obtenir une modification ou un retrait de la notification lors de la première étape pourront interdire la culture de ces OGM. Une telle interdiction doit être dûment motivée par l'État membre concerné. Sont admis au sens de l'art. 26ter, par. 3, de la directive 2001/18/CE des motifs sérieux tels que ceux liés: a) à des objectifs de politique environnementale; b) à l'aménagement du territoire; c) à l'affectation des sols; d) aux incidences socio-économiques; e) à la volonté d'éviter la présence d'OGM dans d'autres produits; f) à des objectifs de politique agricole; g) à l'ordre public. Cette possibilité est donc étudiée au cas par cas et s'applique à la culture de certains produits OGM admis au sein de l'UE. En Suisse, à l'inverse, le moratoire porte sur l'interdiction de délivrer des autorisations pour la mise en circulation de tous les produits OGM à des fins agricoles, horticoles ou forestières. De plus, il s'impose dès la procédure d'autorisation.

Dans son arrêt de principe du 25 juillet 201820, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a précisé que, selon l'interprétation statique du droit, les organismes issus des nouvelles techniques de modification génétique relevaient du champ d'application de la directive 2001/18/CE et étaient, par conséquent, réglementés de
la même manière que les OGM issus des techniques classiques. La question était de savoir si les organismes issus de l'édition génomique étaient des OGM au sens de la directive 2001/18/CE et si, du fait de leur nature de produits issus d'une mutagénèse ciblée et en raison de la disposition dérogatoire en la matière, ils étaient exclus du champ d'application de cette directive. La CJUE a précisé à cet égard que les organismes issus de procédés de mutagénèse sont eux aussi des OGM au sens de la directive. Elle a en outre précisé que le législateur de l'UE avait prévu la dérogation uniquement pour les «organismes obtenus au moyen de techniques/méthodes qui ont été 18

19

20

Directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil, JO L 106 du 17.4.2001, p. 5.

Modifiée par la directive (UE) 2015/412 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2015 modifiant la directive 2001/18/CE en ce qui concerne la possibilité pour les États membres de restreindre ou d'interdire la culture d'organismes génétiquement modifiés (OGM) sur leur territoire. Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE, JO L 68 du 13.3.2015, p. 1 ss.

CJUE, affaire C-528/16, Confédération paysanne e.a., JO C 328 du 17.9.2018, p. 4 ss.

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traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps21». Or, toujours selon la CJUE, cette sécurité (history of safe use) n'existe pas pour les produits issus des nouvelles techniques de modification génétique, qui doivent donc être considérés comme des OGM au sens de la directive et ne sont pas couverts par la dérogation. Par conséquent, les variétés créées ou à créer par des procédés de mutagénèse ciblée ne devraient être admises également à l'avenir que «si toutes les mesures appropriées ont été prises pour éviter les risques pour la santé humaine et l'environnement»22.

Dans sa réponse à une question parlementaire demandant si la procédure Epibreed entrait dans le champ d'application du droit européen sur le génie génétique23, la Commission européenne a estimé que les dispositions de la directive 2001/18/CE s'appliquaient aux organismes issus de nouvelles technologies de mutagenèse non ciblée puisque, au moment de l'adoption de cette directive, la technique n'était pas traditionnellement utilisée dans un certain nombre d'applications et, partant, ne bénéficiait pas d'une expérience d'utilisation sûre24.

Le Conseil de l'UE a chargé la Commission européenne de soumettre, jusqu'à fin avril 2021, un rapport d'étude sur le statut des nouvelles techniques génie génétique (NTG) dans le droit de l'Union et de préciser les mesures qui s'imposent sur la base des résultats obtenus25. À la demande du Conseil, la Commission européenne a publié une étude sur les nouvelles techniques de génie génétique le 29 avril 202126. L'étude clarifie le fait que ces techniques sont soumises à la législation sur les OGM. L'étude conclut que la législation actuelle sur les OGM datant de 2001 pose des difficultés pour ces nouvelles technologies en termes de mise en oeuvre et d'application dans l'UE. Selon l'étude, ces nouvelles techniques, qui impliquent la modification du génome d'un organisme, auraient le potentiel de contribuer à la réalisation de la stratégie «Green Deal / Farm-to-Fork» pour un système alimentaire plus durable. Toutefois, certaines parties prenantes qui ont contribué à cette étude estiment que ces avantages sont hypothétiques et peuvent être obtenus par d'autres moyens que la biotechnologie.

En outre, les préoccupations concernant les produits NGT et
leurs applications actuelles et futures ont également été explorées. Il s'agit notamment de l'impact potentiel sur la sécurité et l'environnement, par exemple sur la biodiversité, la coexistence avec l'agriculture biologique et sans OGM, et l'étiquetage. La Commission va maintenant lancer un processus de consultation large et ouvert afin d'examiner les options 21 22

23 24 25

26

CJUE, affaire C-528/16, ch. marg. 51, avec référence au considérant 17 de la directive 2001/18/CE.

Art. 4, par. 4, de la directive 2002/53/CE du Conseil du 13 juin 2002 concernant le catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles, JO L 193 du 20.7.2002, p. 1 ss.

www.europarl.europa.eu/doceo/document/P-9-2020-003885_DE.html Réponse donnée par Mme Kyriakides au nom de la Commission européenne le 9.9.2020 à la question parlementaire P-0038857/2020.

Décision (UE) 2019/1904 du Conseil du 8 novembre 2019 invitant la Commission à soumettre une étude à la lumière de l'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire C-528/16 concernant le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l'Union, et une proposition, le cas échéant pour tenir compte des résultats de l'étude, JO L 293 du 14.11.2019, p. 103 s.

European Commission: Study on the status of new genomic techniques under Union law and in light of the Court of Justice ruling in Case C-528/16.

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politiques pour la réglementation des plantes cultivables produites à l'aide de certaines nouvelles techniques génomiques (NGT). La Norvège, membre de l'Espace économique européen, étudie elle aussi la question de l'appréciation juridique des nouvelles techniques de modification génétique27. Cet état des lieux n'est pas encore achevé.

Au plan international, il convient de faire la différence entre les États plutôt restrictifs et sceptiques quant au génie génétique (notamment les États européens, y c. l'UE), qui suivent une approche axée sur la technique de modification génétique appliquée, et ceux suivant une approche essentiellement orientée sur le produit (États-Unis, Argentine, Australie, Canada, entre autres). La seconde approche prévoit une procédure d'autorisation uniforme pour tous les produits, qu'ils soient cultivés de manière conventionnelle ou issus d'une technique de modification génétique. Les réglementations correspondantes se concentrent sur le produit et ses nouvelles propriétés et font abstraction de la façon dont il a été fabriqué. Les législations suisse et européenne, en revanche, font la distinction entre OGM et non-OGM en ce qui concerne leur réglementation. Le commerce avec les pays appliquant avant tout une réglementation axée sur le produit s'en trouve affecté, certains produits issus des nouvelles techniques de modification génétique n'y étant pas autorisés et désignés comme OGM.

3

Présentation du projet

3.1

Réglementation proposée

Il est proposé de prolonger le moratoire visé à l'art. 37a LGG jusqu'au 31 décembre 2025. Les dispositions de la LGG s'appliquent également aux organismes et aux produits issus des nouvelles techniques de modification génétique.

Le pôle suisse de recherche et d'innovation ainsi que la stratégie qualité de l'agriculture et de la filière alimentaire suisses seront affectés par la prolongation du moratoire comme jusqu'à présent28.

Prolonger le moratoire de quatre années supplémentaires permettrait d'examiner comment répondre aux questions juridiques qui se posent actuellement dans le domaine des nouvelles techniques de modification génétique. Le Conseil fédéral dressera un état des lieux en la matière dans son rapport en réponse au postulat 20.4211 Chevalley «Critères d'application du droit sur le génie génétique». Les développements dans l'UE dans le domaine des nouvelles techniques de modification génétique feront également partie intégrante du rapport.

3.2

Adéquation des moyens requis

La prolongation du moratoire sur les OGM maintient le statu quo et ne nécessite aucune adéquation des moyens requis.

27 28

The Norwegian Biotechnology Advisory Board ­ The Gene Technology Act ­ Final statement (4.12.2018), www.bioteknologiradet.no/english/.

www.qualitaetsstrategie.ch/fr/

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3.3

Mise en oeuvre

La mise en oeuvre de la prolongation du moratoire n'appelle pas de mesures nouvelles ou particulières. L'adaptation, temporelle, de la LGG correspond matériellement au droit en vigueur et signifie que les autorités fédérales compétentes ne peuvent accorder aucune autorisation de cultiver des OGM jusqu'au 31 décembre 2025.

4

Commentaire de l'art. 37a LGG

Il s'agit uniquement de prolonger le moratoire inscrit à l'art. 37a LGG jusqu'au 31 décembre 2025. La disposition reste donc matériellement identique, c'est-à-dire qu'aucune autorisation ne peut être délivrée jusqu'à l'échéance du moratoire pour la mise en circulation, à des fins agricoles, horticoles ou forestières, de plantes et de parties de plantes génétiquement modifiées qui peuvent se reproduire, de semences et d'autre matériel végétal de multiplication génétiquement modifiés, ou d'animaux génétiquement modifiés.

Comme à présent, le moratoire ne touche pas les activités en milieu confiné (laboratoire, serre, etc.), ni les essais de dissémination et les domaines d'application suivants: médicaments, aliments pour animaux, denrées alimentaires et engrais. La recherchedéveloppement est donc admise durant le moratoire dans les domaines concernés par celui-ci.

La réglementation adaptée ne pourra entrer en vigueur qu'après l'échéance du moratoire actuel, le 31 décembre 2021.

5

Conséquences

5.1

Conséquences pour la Confédération

Le projet n'aura pas de conséquences directes pour la Confédération.

5.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Le projet n'aura pas de conséquences pour le personnel et les finances des cantons et des communes, ni pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne.

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5.3

Conséquences économiques

Prolonger le moratoire suspendrait les prescriptions en matière de mise en circulation d'OGM destinés à être utilisés dans l'environnement jusqu'au 31 décembre 2025. Aucune autorisation ne pourrait être accordée avant ce délai pour la mise en circulation, à des fins agricoles, horticoles ou forestières, de plantes et de parties de plantes génétiquement modifiées, de semences et d'autre matériel végétal de multiplication génétiquement modifiés, ou d'animaux génétiquement modifiés. Le moratoire n'a pas eu jusqu'ici de conséquences notables pour l'économie suisse, ce qui pourrait notamment être dû aux réticences à l'égard de la culture d'OGM à des fins agricoles dans le contexte européen général.

Agriculture et économie forestière suisses La prolongation du moratoire concerne directement l'agriculture suisse. D'une part, les organisations agricoles souhaitent renoncer à la culture et à l'utilisation d'OGM au moins durant les années à venir; les produits fabriqués à partir d'OGM disponibles à l'étranger ne soulèvent d'ailleurs pas d'intérêt en Suisse auprès des consommateurs et des agriculteurs à l'heure actuelle. D'autre part, aucune demande d'autorisation d'importer des semences génétiquement modifiées n'ayant été déposée à ce jour en Suisse, il est vraisemblable qu'aucune variété d'OGM ne sera autorisée avant l'échéance de la prolongation du moratoire. Il est aussi possible de faire une demande d'autorisation durant le moratoire. L'art. 9 LGG interdit la production en Suisse de vertébrés génétiquement modifiés, hormis à des fins scientifiques, thérapeutiques ou de diagnostic médical ou vétérinaire, si bien que, moratoire ou non, ils ne peuvent pas être produits ou mis en circulation à des fins agricoles. Selon les associations et les entreprises du secteur, l'actuel moratoire s'est révélé avantageux tant sur le marché suisse qu'à l'exportation, parce qu'il a engendré la confiance dans les produits suisses et qu'une agriculture exempte d'OGM est gage de qualité aux yeux d'un grand nombre de clients. Il faut noter que, pour l'heure, le secteur renonce de lui-même à importer des aliments pour animaux génétiquement modifiés autorisés29. Or l'évolution des conditions climatiques et la pression qui s'exerce sur l'agriculture pour que celle-ci produise de manière plus durable pourraient avoir des
répercussions à l'avenir sur l'intérêt pour la sélection végétale au moyen de nouvelles techniques de modification génétique. En raison des fonctions attribuées à la forêt et de la manière dont celle-ci est gérée, l'utilisation d'OGM dans les forêts n'a pas suscité d'intérêt en Suisse. Par conséquent, le moratoire n'a aucune incidence sur l'économie forestière.

Autres branches concernées, y c. recherche et développement dans le secteur privé Les producteurs de semences et les entreprises de sélection végétale proposant des produits OGM font également partie des milieux directement concernés par une prolongation du moratoire. Il s'agit d'un petit nombre de grandes entreprises actives sur le plan international. Ces entreprises ne doivent toutefois pas s'attendre à des pertes financières significatives en cas de prolongation du moratoire, car, considéré d'un point de vue global, le marché suisse est petit. La prolongation du moratoire pourrait en outre avoir des conséquences pour les producteurs de semences et les entreprises 29

www.qualitaetsstrategie.ch/images/charta/charta_f.pdf.

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de sélection végétale intéressés par les nouvelles techniques de modification génétique.

Les PME des autres branches du domaine de la biotechnologie ne sont guère touchées directement par la prolongation du moratoire, car elles ne sont pas actives dans le domaine du génie génétique vert (biotechnologie végétale). Dans le cadre des précédentes prolongations du moratoire, certaines associations et sociétés du domaine des denrées alimentaires et des aliments pour animaux (boulangeries, Union professionnelle suisse de la viande, Gastrosuisse) redoutaient que, en cas de culture d'OGM en Suisse, leurs produits pourraient subir un désavantage économique compte tenu du scepticisme à l'égard des OGM qui règne dans une partie de leur clientèle.

Recherche publique Même si le moratoire n'allait pas affecter la recherche de manière directe, le Conseil fédéral a estimé en 2004, dans son message concernant l'initiative populaire «pour des aliments produits sans manipulations génétiques», que la Suisse pourrait perdre indirectement de son attrait comme pôle de recherche sur le plan international, que l'économie risquerait de réduire ses investissements dans la recherche génétique et que les perspectives incertaines pourraient inciter les chercheurs à émigrer, privant ainsi la Suisse de leur savoir30.

Dans son message du 1er juillet 2009 relatif à la modification de la loi sur le génie génétique (Prolongation du moratoire sur l'utilisation d'OGM dans l'agriculture)31, le Conseil fédéral a montré dans le détail que le moratoire n'avait pas eu d'effets négatifs sur la recherche génétique en Suisse, au contraire; un constat qui n'a pas été infirmé par les résultats du PNR 59 (2007­2011). Des essais de dissémination sont régulièrement effectués avec des plantes génétiquement modifiées sur le site d'essai protégé Agroscope de Reckenholz (ZH), unique en Europe, en service depuis 2014 (huit essais autorisés réalisés jusqu'ici avec du blé d'été et d'hiver, de l'orge, des pommes, des pommes de terre et du maïs)32. Là non plus, aucun recul significatif des essais de dissémination n'est constaté. Ces essais ont jusqu'ici été menés principalement à des fins de recherche fondamentale. Ils contribuent aussi à la recherche sur la biosécurité.

Pour l'heure, aucune autorisation n'a été demandée en Suisse pour des essais de
dissémination impliquant des plantes issues des nouvelles techniques de modification génétique.

Abstraction faite des essais de dissémination, la recherche en génie génétique en Suisse se déroule en milieu confiné (laboratoires, serres, installations de production).

En vertu des art. 8 et 9 de l'ordonnance du 9 mai 2012 sur l'utilisation confinée33, tous les projets de recherche comportant des OGM doivent être annoncés au Bureau de biotechnologie de la Confédération et examinés par les offices fédéraux de la santé publique et de l'environnement et d'autres services spécialisés. Chaque année, un 30 31 32

33

FF 2004 4629, 4639 s.

FF 2009 4887, 4907 ss.

Registre de l'OFEV sur les disséminations expérimentales d'OGM: www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/biotechnologie/info-specialistes/ disseminations-experimentales/disseminations-experimentales-dorganismesgenetiquement-modifies.html.

RS 814.912

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grand nombre de projets déclarant des OGM font l'objet d'une notification ou d'une demande d'autorisation. On n'a pas constaté d'effet négatif du moratoire sur les activités de recherche en milieu confiné.

5.4

Conséquences sociales

Les consommateurs suisses de produits provenant de l'agriculture, de l'économie forestière et de l'horticulture n'ont pas à craindre de conséquences économiques en cas de prolongation du moratoire. La charte sur la stratégie qualité de l'agriculture et de la filière alimentaire suisses, qu'ils plébiscitent régulièrement dans les sondages, sera maintenue. En parallèle, l'importation de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux contenant des OGM reste admise durant le moratoire.

5.5

Conséquences environnementales

L'art. 6, al. 1 et 3, LGG précise les atteintes et les mises en danger qu'il faut éviter pour l'être humain et l'environnement. Ces exigences sont de facto satisfaites par l'interdiction de délivrer des autorisations pour des produits OGM destinés à des fins agricoles, horticoles ou forestières jusqu'à fin 2025. Il sera en outre possible de continuer de développer le monitoring en matière d'OGM, notamment en relation avec la traçabilité des produits contenant des OGM issus des nouvelles techniques de modification génétique et donc difficiles à détecter34.

Il faut donner la priorité à l'élaboration de nouvelles méthodes de détection de ces produits afin de garantir l'exécution du monitoring en matière d'OGM à des coûts modérés. L'administration fédérale soutient activement ces efforts, d'une part, en contribuant financièrement à des projets de recherche menés au sein d'établissements publics et, d'autre part, en collaborant avec ces derniers sur les questions de fond.

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

Matériellement, le projet se fonde sur l'art. 120, al. 1, Cst., qui dispose que l'être humain et son environnement doivent être protégés contre les abus en matière de génie génétique. Le moratoire vise à protéger l'être humain, ses biens et son environnement contre les abus en matière de génie génétique. Il constitue une interdiction partielle et limitée dans le temps, qui concerne presque uniquement l'agriculture. La protection contre les abus signifie non seulement que les OGM ne doivent être dangereux ni pour la santé, ni pour l'environnement, mais également que la coexistence entre productions agricoles avec et sans OGM doit être garantie en tout temps. Contrairement à 34

Information de l'OFEV sur le monitoring en matière d'OGM: www.bafu.admin.ch/bafu/fr/home/themes/biotechnologie/info-specialistes/monitoringen-matiere-dorganismes-genetiquement-modifies.html.

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une interdiction générale, une prolongation du moratoire limitée sur le plan tant du contenu que de la durée jusqu'au 31 décembre 2025 n'outrepasse pas le cadre de la Constitution.

Formellement, le projet se fonde sur l'art. 120, al. 2, Cst., qui attribue à la Confédération la compétence de légiférer sur l'utilisation du patrimoine germinal et génétique des animaux, des plantes et d'autres organismes. Comme il constitue une disposition importante fixant des règles de droit, le moratoire doit être édicté sous la forme d'une loi fédérale (art. 164, al. 1, Cst.). La LGG réglant essentiellement la procédure technique du génie génétique, elle est le cadre adapté à une prolongation du moratoire. Le moratoire restreint la liberté économique au sens de l'art. 27 Cst.35, car il interdit jusqu'au 31 décembre 2025 de délivrer, à des fins agricoles, horticoles ou forestières, des autorisations de mise en circulation de plantes et de parties de plantes génétiquement modifiées, de semences génétiquement modifiées et d'autre matériel végétal de multiplication et d'animaux génétiquement modifiés. Une telle restriction est admissible aux conditions de l'art. 36 Cst. L'art. 37a LGG constitue la base légale nécessaire à la restriction de droits fondamentaux (art. 36, al. 1, Cst.). Cette interdiction étant édictée afin de protéger en particulier la production de produits non génétiquement modifiés, l'intérêt public fondant une restriction à la liberté économique est suffisant (art. 36, al. 2, Cst.). Par ailleurs, l'interdiction n'étant que partielle et limitée dans le temps, la restriction est proportionnée (art. 36, al. 3, Cst.).

6.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

6.2.1

Organisation mondiale du commerce (OMC)

Le Conseil fédéral a déjà exposé dans ses messages du 18 août 200436, du 1er juillet 200937 et du 29 juin 2016 les rapports qui existent entre le moratoire et les normes de l'OMC. Il considère qu'on ne peut pas dire de manière définitive si le moratoire frappant le matériel végétal de multiplication génétiquement modifié dans le cadre de l'agriculture est ou non compatible avec les accords pertinents de l'OMC (en particulier le GATT et l'accord OTC, éventuellement l'accord SPS).

La jurisprudence actuelle de l'OMC à propos des mesures concernant les OGM38 n'est pas forcément ni directement transposable au moratoire suisse. Celui-ci se rapporte uniquement à la mise en circulation, et plus particulièrement à la culture, de matériel végétal de multiplication génétiquement modifié. Il ne porte pas sur les OGM pris globalement comme le moratoire qui s'appliquait à l'origine sur le territoire de l'actuelle UE, au sujet duquel le groupe spécial désigné par l'OMC a constaté, en 2006, deux violations du droit de l'OMC.

35 36 37 38

Voir le message concernant l'initiative populaire «pour des aliments produits sans manipulations génétiques», FF 2004 4629, 4643.

FF 2004 4629 4640 s.

FF 2009 4887 4910 s.

FF 2009 4887 4910

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Comme pour les précédentes, la Suisse a notifié à l'OMC la prolongation du moratoire proposée ici et l'a motivée. Les États-Unis et le Canada ont réagi à la non-conformité, à leur sens, au droit de l'OMC au caractère protectionniste de la nouvelle prolongation du moratoire.

6.2.2

Union européenne (UE)

Comme cela a déjà été explicité dans les messages du 18 août 200439 et du 1er juillet 200940, ainsi qu'au ch. 2, le moratoire suisse ne correspond pas, sur le fond, au droit européen actuel. La directive 2001/18/CE prévoit que la mise en circulation de matériel végétal de multiplication génétiquement modifié sera décidée de cas en cas, après examen. Bien que certains États membres de l'UE interdisent de mettre des OGM en circulation sur leur territoire, l'UE ne connaît plus, depuis 2004, de moratoire de fait interdisant la mise en circulation d'OGM. Néanmoins, depuis 2015, les États membres de l'UE peuvent interdire (opt out) au cas par cas la culture d'OGM admis dans l'UE pour d'autres motifs que des risques sanitaires et environnementaux, par exemple des raisons socio-économiques.

L'accord agricole du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif aux échanges de produits agricoles (accord agricole)41 ne s'oppose pas à une prolongation du moratoire: d'après son annexe 6, le commerce bilatéral de semences est certes libéralisé, mais les variétés génétiquement modifiées sont explicitement exclues des dispositions pertinentes (annexe 6, art. 5, al. 4).

6.2.3

Protocole de Cartagena

Le Protocole de Cartagena du 29 janvier 2004 sur la prévention des risques biotechnologiques42 règle au premier chef des aspects des mouvements transfrontières d'OGM43. Le protocole de Cartagena et l'ordonnance de Cartagena du 3 novembre 200444 doivent garantir que les organismes vivants modifiés génétiquement pouvant constituer un danger pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique sont transportés et utilisés de manière sûre. La Suisse, en qualité d'État partie, peut statuer sur les demandes d'autorisation relatives à l'importation ou au transit d'OGM soit selon sa propre législation, qui est conforme au protocole, soit selon une procédure prévue par le protocole (cf. art. 9, ch. 2, let. c, et 3, 10 et 14, ch. 4 du protocole). Des évaluations scientifiques des risques permettant de tenir compte également du principe de précaution sont effectuées pour ce type d'importations (cf.

art. 1 et 10, ch. 6, et annexe III du protocole). La Suisse peut ainsi invoquer le principe de précaution pour justifier une interdiction temporaire d'importer ou d'autoriser des 39 40 41 42 43 44

FF 2004 4629 4642 s.

FF 2009 4887 4911 RS 0.916.026.81 RS 0.451.431 Voir message concernant l'initiative populaire «pour des aliments produits sans manipulations génétiques», FF 2004 4629, 4643.

RS 814.912.21

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plantes et parties de plantes vivantes et des semences génétiquement modifiées. La prolongation du moratoire n'a donc aucune incidence sur le protocole de Cartagena.

6.3

Forme de l'acte à adopter

La mise en oeuvre du projet s'effectuera par l'adaptation de l'art. 37a LGG. Comme elle constitue une disposition importante fixant des règles de droit, la prolongation du moratoire doit être édictée sous la forme d'une loi fédérale (art. 164, al. 1, Cst.). À l'origine, le moratoire a été inscrit dans la Constitution à la suite d'une initiative populaire (art. 197, ch. 7, Cst.). Toutefois, dans la mesure du possible, la Constitution ne doit pas être encombrée de réglementations temporaires. C'est pourquoi il a été décidé, dès la première prolongation du moratoire en 2004, d'inscrire celle-ci dans la LGG, considérée comme le cadre formel adapté. La nouvelle prolongation suit le même principe.

6.4

Frein aux dépenses

L'adaptation prévue de l'art. 37a LGG ne prévoit ni nouvelles dispositions relatives aux subventions (entraînant des dépenses supérieures à l'un des seuils) ni crédits d'engagement.

6.5

Conformité aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale

La prolongation du moratoire ne touche ni la répartition ni l'exécution des tâches par la Confédération et les cantons.

6.6

Conformité à la loi sur les subventions

La prolongation du moratoire n'affecte pas la législation en matière de subventions.

6.7

Délégation des compétences législatives

Le projet ne comporte aucune disposition concernant la délégation des compétences législatives.

6.8

Protection des données

La prolongation du moratoire n'a pas d'incidence sur la protection des données.

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