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Message concernant la loi fédérale sur le contrôle des biens utilisables à des fins civiles et militaires (Loi sur le contrôle des biens, LCB) du 22 février 1995

Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons un projet de loi fédérale sur le contrôle des biens utilisables à des fins civiles et militaires et vous proposons de l'adopter.

Nous vous proposons en outre de classer l'intervention parlementaire suivante: 1993 P 92.3565 Devoir d'information sur les exportations et le transit d'armes ABC (N 19. 3. 93, Haering Binder).

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 février 1995

1995 - 106

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Villiger Le chancelier de la Confédération, Couchepin

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Condensé Attentif à la menace croissante que représente pour la sécurité internationale la dissémination d'armes de destruction massive et de leurs missiles, le Conseil fédéral a édicté en février 1992 l'ordonnance sur l'exportation et le transit de marchandises et de technologies ayant trait aux armes ABC et aux missiles («ordonnance ABC»). La validité de cette ordonnance, qui repose directement sur l'article 102, chiffres 8 et 9, de la constitution (est.), expire à l'entrée en vigueur d'une loi, mais au plus tard le 31 décembre 1995. La dissémination de ce genre d'armes reste un problème aigu en matière de politique de sécurité; la présente loi fédérale sur le contrôle des biens utilisables à des fins civiles et militaires (loi sur le contrôle des biens, LCB) doit donc constituer avant tout la base légale de mesures jusqu'ici prévues par ['«ordonnance ABC».

La loi sur le contrôle des biens constitue la base légale du contrôle de tous les biens à usage civil et militaire (biens à double usage ou biens «dual-use»). Le contrôle des biens d'armement, quant à lui, reste du domaine de la loi fédérale sur le matériel de guerre et celui des biens nucléaires au sens propre, de la loi sur l'énergie atomique, elle aussi révisée.

La présente loi doit donc permettre de continuer à appliquer les mesures de contrôle actuelles et d'en introduire de nouvelles, en exécution d'accords internationaux auxquels la Suisse a adhéré ou en application d'arrangements internationaux, non obligatoires du point de vue du droit international, auxquels la Suisse participe.

Au nombre des accords internationaux précités, seule entre en ligne de compte, aujourd'hui, la Convention sur les armes chimiques. La présente loi sur le contrôle des biens remplacera donc l'arrêté fédéral du 7 octobre 1994 relatif à l'application de la Convention sur les armes chimiques, qui est limité dans le temps, si le Conseil fédéral décide de l'entrée en vigueur audit arrêté avant que la loi ne soit applicable.

Les mesures de contrôle, non obligatoires du point de vue du droit international, que la Suisse appuie actuellement, se fondent sur les arrangements du Groupe des pays fournisseurs nucléaires, du Groupe d'Australie (dans le domaine des armes B et C) et du Régime de contrôle de la technologie des missiles. Ces arrangements ont pour but la
non-dissémination des armes de destruction massive et de leurs vecteurs. Le nombre d'Etats qui sont parties à ces arrangements ne cesse de s'agrandir; on compte aujourd'hui non seulement les pays industrialisés occidentaux, mais aussi des Etats de l'Europe centrale et orientale ainsi que certains des pays nouvellement industrialisés.

Des négociations sont en cours à propos d'un autre système de contrôle, le Nouveau Forum. Si elles aboutissent, le Conseil fédéral devra décider de l'éventuelle participation de la Suisse à ce forum, qui succédera alors à l'ancien Cocom. Son but sera d'empêcher, par des contrôles coordonnés des exportations, que des Etats qui, par leur armement, représentent une menace pour leur région et au-delà, n'acquièrent des armes conventionnelles ou des biens à double usage qu'ils pourraient utiliser à leur fabrication.

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Le principal instrument prévu par la présente loi sont les mesures de contrôle que le Conseil fédéral sera habilité à arrêter. Les mesures de contrôle en application d'accords internationaux vont plus loin que celles qui viennent appuyer des arrangements non obligatoires du point de vue du droit international. Cette différence résulte de la nature particulière de la Convention sur les armes chimiques qui, outre les règles s'appliquant au commerce international, prévoit des mesures concernant la production, l'entreposage et k transfert de biens, ainsi que des prescriptions sur des inspections. Le principal instrument des contrôles non obligatoires en droit international est le régime du permis s'appliquant aux exportations de biens à double usage. Dans leur grande majorité, ces biens figureront nommément sur des listes, dans l'ordonnance d'exécution de la loi. Mais le Conseil fédéral sera également autorisé à soumettre au régime du permis l'exportation de biens qui n'y figurent pas expressément, si ces derniers sont destinés au développement, à la production ou à l'utilisation d'armes de destruction massive ou de leurs vecteurs.

Le permis sera refusé lorsque l'activité envisagée contreviendra à des accords internationaux ou aux objectifs des mesures de contrôle non obligatoires en droit international.

Les dispositions pénales coïncident avec celles du projet de nouvelle loi sur le matériel de guerre et avec celles de la loi révisée sur l'énergie atomique. La lutte contre la prolifération n'ayant de chance d'aboutir que-si ette est menée en étroite collaboration avec les autres Etats, le projet que nous présentons prévoit la collaboration avec des autorités étrangères.

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Message I

Partie générale

II

Introduction

III

Le danger potentiel actuel

Le présent projet de loi soumet à des mesures de contrôle les biens (marchandises,, technologies et logiciels) utilisables à des fins civiles et militaires (dénommés bien's "à double usage" ou biens "dual-use"). On crée ainsi en une seule loi la base légale du contrôle de tous ces biens.

Les armes atomiques, biologiques et chimiques (armes ABC) sont considérées comme des armes de destruction massive. Leur utilisation peut être à l'origine de destructions et de contaminations terribles. Des conflits locaux peuvent dégénérer et s'étendre du simple fait que ces armes de destruction massive existent.

Dans le rapport 90 sur la politique de sécurité de la Suisse du 1er octobre 1990 (FF 7990 m 811), il est écrit ceci: Comme le montrent clairement les événements survenus en 1990 dans la région du Golfe, du Proche et du Moyen-Orient, ces territoires constituent toujours des foyers de troubles dangereux, notamment parce que la prolifération des armes chimiques et nucléaires n'a pu encore y être enrayée efficacement. Dans ces régions, on court le risque que les armes de destruction massive ne servent plus uniquement à la dissuasion, mais soient considérées ou engagées comme moyens de chantage ou armes de guerre. A cet égard, les conflits du sous-continent indien font également planer de lourdes menaces bien au-delà de cette région.

De nouveaux foyers de conflit pourront surgir à tout moment aussi longtemps que le fossé entre le Nord et le Sud ne se comblera pas. Des potentats régionaux cherchent à mettre la main sur les matières premières et sur les sources de pétrole afin de réaliser leurs ambitions, ce qui suscite des réactions violentes de la part des pays industrialisés.

D'une manière générale, les conflits du Tiers monde doivent être considérés à la lumière de la prolifération insidieuse des armes chimiques et biologiques ainsi que des missiles balistiques, et de la capacité de fabriquer des armes nucléaires. La possibilité d'engager des armes chimiques ou nucléaires au moyen de missiles balistiques de longue portée fait peser de nouvelles menaces, même pour l'Europe.

Le chantage à longue distance doit être désormais envisagé.

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En outre, depuis la publication de ce rapport, l'Union soviétique s'est disloquée. Les armes de destruction massive et les technologies nécessaires à leur fabrication sont disponibles dans plusieurs Etats issus de l'ancienne Union soviétique. L'instabilité politique et économique qui y règne accroît le danger que des biens utilisables pour la fabrication d'armes de destruction massive ne tombent en de mauvaises mains.

L'acquisition d'armes de destruction massive et de leurs vecteurs constitue sans conteste un grand danger pour la sécurité internationale. Directement ou indirectement, la Suisse est, elle aussi, menacée dans sa sécurité par ces armes, puisqu'il faut admettre qu'elle se trouvera, à brève échéance, dans le rayon d'action des vecteurs développés actuellement par des pays critiques. Il faut rappeler à cet égard que la plupart de ces pays ont réussi à mener à bien leurs programmes de développement de ces armes, grâce aux livraisons provenant notamment des pays occidentaux.

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Cet état de fait a amené le Conseil fédéral à prendre des mesures. Le 12 février 1992, se fondant sur l'article 102, chiffres 8 et 9, de la constitution, il a édicté l'ordonnance sur l'exportation et le transit de marchandises et de technologies ayant trait aux armes ABC et aux missiles (RS 946.225; RO 7993 990 2019, 1994 114; ci-après "ordonnance ABC"), avec effet jusqu'à l'entrée en vigueur d'une loi, mais au plus tard jusqu'au 31 décembre 1995. Entrent dans le champ d'application de cette ordonnance les biens "à double usage" (ou "dual-use"), c'est-à-dire les biens utilisables à des fins aussi bien civiles que militaires.

Le présent projet de loi traite de ces biens à double usage. Ceux-ci font l'objet d'accords internationaux, qui engagent la Suisse sur la base de normes contraignantes de droit international, ou d'autres mesures internationales de contrôle, que la Suisse applique, sans y être obligée par le droit international, si le Conseil fédéral le juge nécessaire.

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Actuellement, la situation se présente ainsi: au chapitre des accords internationaux, on ne peut citer pour l'instant que les obligations qui résultent pour la Suisse de la ratification de la Convention sur. les armes chimiques (cf. ch. 112.3). Pour ce qui est des biens qui font actuellement l'objet de mesures internationales de contrôle non obligatoires sur le plan du droit international, il s'agit des biens déjà couverts par l'"ordonnance ABC" mentionnée plus haut. En outre, des substances chimiques et des agents biologiques, présentement soumis à la loi sur le matériel de guerre, seront dorénavant soumis à la présente loi. Le contrôle des biens d'armement proprement dits reste du domaine réservé de la loi sur le matériel de guerre. La manière dont seront traités les biens à double usage pouvant servir à la fabrication des armes conventionnelles, actuellement

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régis par notre législation sur l'économie extérieure, dépendra de l'établissement du Nouveau Forum (régime qui succédera au Cocom) et de l'éventuelle participation de la Suisse à cet arrangement (cf. ch. 113.22).

L'extension des contrôles, en particulier en matière d'exportation de biens à double usage, va à l'encontre des efforts déployés dans le monde entier en vue de libéraliser les échanges internationaux de biens et de services.

Ces contrôles s'imposent pourtant du point de vue de la politique de sécurité, même s'ils ne peuvent totalement empêcher un pays, décidé par exemple à fabriquer des armes de destruction massive, de se procurer les biens nécessaires. Il n'en reste pas moins que l'accès à ces biens deviendra d'autant plus - difficile et coûteux que des pays fournisseurs potentiels participent toujours plus nombreux à ces contrôles. A cet égard, seuls sont efficaces des contrôles à l'exportation harmonisés au niveau international. On peut toujours échapper à des contrôles exercés unilatéralement, en passant par d'autres pays qui ne pratiquent aucun contrôle ou dont les contrôles sont conçus autrement. L'absence d'harmonisation conduirait en outre à d'inacceptables distorsions du commerce.

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Accords de désarmement

Les principaux accords de réduction des armements ou de désarmement de l'après-guerre auxquels la Suisse participe concernent les armes atomiques (Traité de 1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires, en vigueur depuis 1970), les armes biologiques et à toxines (Convention de 1972 sur les armes bactériologiques, en vigueur depuis 1975), enfin les armes chimiques (la Convention déjà mentionnée sur les armes chimiques, datant de 1993).

112.1

Le Traité de non-prolifération

Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires ("Traité de non-prolifération") de 1968 (RS 0.515.03) distingue, quant aux obligations, les cinq pays dotés d'armes nucléaires de ceux qui n'en possèdent pas.

Les Etats dotés d'armes nucléaires s'engagent à ne transférer ni des armes nucléaires et autres dispositifs nucléaires explosifs ni le contrôle de telles armes ou dispositifs. Ils s'engagent de surcroît à ne pas aider, à ne pas encourager et à ne pas inciter un Etat non doté d'armes nucléaires à fabriquer ou à acquérir de quelque autre manière que ce soit des armes

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nucléaires ou autres dispositifs nucléaires explosifs ni le contrôle de telles armes ou de tels dispositifs. Enfin, ils s'engagent à mener des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace.

Les Etats non dotés d'armes nucléaires s'engagent de leur côté à n'accepter de qui que ce soit ni le transfert d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires ni le contrôle de telles armes ou dispositifs, à ne fabriquer ni à acquérir de quelque autre manière que ce soit des armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires explosifs et à ne rechercher ni à recevoir une aide quelconque pour fabriquer de telles armes ou dispositifs.

Ils doivent en outre conclure un accord avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) portant sur le contrôle des matières brutes et des produits fissiles spéciaux. Ces contrôles sont destinés à déceler à temps le détournement de ces matières en faveur de la production d'armes nucléaires ou d'autres dispositifs explosifs nucléaires.

Le Traité confirme expressément le droit inaliénable à la recherche, à la production et à l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques. Les parties s'engagent à favoriser un échange aussi large que possible des matières et des équipements nucléaires ainsi que des informations scientifiques et techniques, afin de faciliter l'utilisation pacifique de l'énergie atomique.

L'article ELI, chiffre 2, du traité est particulièrement important pour la non-prolifération, puisque toutes les parties s'y engagent à ne fournir à un Etat non doté d'armes nucléaires des matières brutes, des produits fissiles spéciaux, des équipements et des matières spécialement conçus ou préparés pour le traitement, pour l'utilisation ou pour la production de produits fissiles spéciaux que si l'utilisation pacifique de telles matières ou de tels produits peut être régulièrement contrôlée dans l'Etat de destination par l'AIEA. En 1971 a été institué, à la demande de la Suisse, le Comité Zangger, du nom de son président, le professeur Claude Zangger (Suisse), au sein duquel les Etats fournisseurs définissent, depuis lors, les équipements et matières mentionnés à
l'article DI, chiffre 2.

Fin 1994, 168 Etats étaient parties au traité. La Suisse l'a signé en 1969 et ratifié en 1977. Du point de vue de la politique de sécurité, la Suisse a intérêt à ce que cet instrument soit maintenu et amélioré.

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112.2

La Convention sur les armes bactériologiques (biologiques)

Dans l'histoire du désarmement, la Convention sur les armes bactériologiques de 1972 (RS 0.515.07) a été le premier accord à interdire complètement toute une catégorie d'armes de destruction massive. D est donc interdit de mettre au point, de fabriquer et de stocker des agents biologiques et des toxines, sinon dans des quantités qui se justifient à des fins de prévention et de protection ou à toute autre fin pacifique. D en va de même pour les armes, équipements ou moyens d'engagement proprement dits. Les agents de combat, équipements et moyens d'engagement existants doivent être détruits. Les parties contractantes s'engagent également à ne pas transférer, directement ou indirectement, des agents, des toxines, des armes, des équipements ou des moyens d'engagement, et à n'aider personne à se procurer les armes proscrites. Chaque Etat est responsable du respect des dispositions du traité; il n'y a pas, dans cette convention, de système de vérification comparable à celui du Traité de non-prolifération.

Fin 1994, 134 Etats faisaient partie de la Convention sur les armes bactériologiques. La Suisse l'a signée en 1972 et ratifiée en 1976.

Au moment où cette convention a été conclue, il paraissait invraisemblable que des armes biologiques puissent être utilisées comme moyens de combat. On était d'avis qu'on pouvait donc se passer d'un système de vérification. Cette conviction appartient au passé. Depuis la fin des années quatre-vingt, plusieurs mesures ont été prises au niveau international pour pallier ces lacunes et empêcher la dissémination des armes biologiques (mesures visant à instaurer la confiance entre les Etats contractants, examen de possibles mesures de vérification de la convention, contrôles à l'exportation indépendants de la convention). Il serait prématuré, à l'heure actuelle, de dire si la Convention sur les armes bactériologiques sera un jour ou l'autre complétée par un système de vérification. En 1994 s'est tenue une conférence extraordinaire des Etats contractants, qui a décidé d'instituer un groupe de travail chargé d'élaborer des propositions sur les mesures de vérification et autres mesures propres à renforcer la convention. Le système de vérification, comme c'est le cas pour le Traité de non-prolifération et pour la Convention sur les armes chimiques, devrait probablement consister
en un système d'inspections et de déclarations portant sur les installations et les activités civiles.

Au début des années nonante, les Etats fournisseurs de biens et de technologies relevant de la biotechnologie ont commencé à convenir de mesures de contrôle à l'exportation pour empêcher la dissémination des armes biologiques. Ces mesures visent les mêmes buts que la Convention sur les armes bactériologiques, mais ne sont pas prévues par celle-ci (cf.

ch. 113.12).

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112.3

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La Convention de 1993 sur les armes chimiques (RO 7995 ...) est le premier accord de désarmement qui interdit toute une catégorie d'armes de destruction massive et qui prévoit .simultanément un système de vérification. Elle oblige les Etats contractants à ne développer, à ne produire, à n'acquérir d'une quelconque autre manière, à ne stocker ou à ne détenir des armes chimiques sous aucun prétexte. Il leur est également interdit d'aider quiconque violerait les dispositions de l'accord. Les armes chimiques existantes et les installations de production d'armes chimiques doivent être détruites, de même que les armes chimiques abandonnées sur le territoire d'un autre Etat. Les substances chimiques utilisées en cas d'émeutes (gaz lacrymogènes) ne doivent pas servir de moyen de combat.

Un important système de vérification doit garantir le respect de la convention. En cas de violation de celle-ci, on pourra décider de sanctions.

Si un Etat contractant est menacé ou attaqué avec des armes chimiques, des mesures internationales de protection seront prises.

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La Convention sur les armes chimiques

La convention entrera en vigueur 180 jours après le dépôt du 65e instrument de ratification. Une nouvelle organisation internationale (l'Organisation internationale pour l'interdiction des armes chimiques) sera créée à La Haye; comparable à bien des égards à l'AIEA, elle se chargera des nombreuses tâches de vérification et d'un certain nombre d'autres activités. Fin 1994, la convention avait été signé par 159 Etats; 18 d'entre eux l'avaient ratifiée. La Suisse l'a signée le 14 janvier 1993 et le Parlement en a approuvé la ratification le 7 octobre 1994 (FF 7994 IH 870).

La Convention a été ratifiée le 10 mars 1995.

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Etant donné que la Suisse ne dispose pas d'armes chimiques à détruire aux termes de la convention, les mesures qu'elle doit prendre se limitent pour elle à des déclarations et à des inspections obligatoires de l'industrie chimique civile. Le type de contrôle varie suivant la nature des produits chimiques fabriqués ou traités dans les installations de production individuelles. Une dizaine d'entreprises suisses devraient être concernées par les contrôles de routine. Des installations militaires ou industrielles mais aussi d'autres installations civiles pourraient faire l'objet d'inspections par mise en demeure. Les procédures de déclaration et d'inspection exigées sont précisées dans la convention et ses annexes; elles ne laissent pratiquement aucune marge de manoeuvre législative.

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Un message du Conseil fédéral a expliqué en détail la Convention sur les armes chimiques et son exécution en Suisse (FF 7994 HI Iss.).

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113

Mesures internationales de contrôle

113.1

Mesures internationales de contrôle relatives aux armes de destruction massive

Trois instances internationales exercent des contrôles sur les armes de destruction massive. Ce sont: le Groupe des pays fournisseurs nucléaires, le Groupe d'Australie (dans le domaine des armes B et C) et le Régime de contrôle de la technologie des missiles. Elles ont pour point commun d'établir des mesures de contrôle portant sur certains biens destinés à l'exportation. Bien que non obligatoires du point de vue du droit international, ces mesures n'en revêtent pas moins un caractère contraignant sous l'angle politique. Toutes les décisions sont prises par consensus. Faire partie de ces institutions, c'est se déclarer prêt à suivre les directives sur le transfert des biens en question, c'est disposer d'une législation efficace sur les contrôles à l'exportation et, plus généralement, appliquer une politique de non-dissémination des armes de destruction massive. Les directives définissent les critères à observer lors de l'examen de demandes d'exportation, ainsi que les conditions auxquelles l'exportation peut être autorisée (notamment les assurances données par le destinataire final quant à l'utilisation et à l'éventuelle réexportation de ces biens). La décision d'autoriser ou non l'exportation appartient toujours aux autorités de contrôle des Etats membres. S'il s'agit de biens particulièrement sensibles relevant du Régime de contrôle de la technologie des missiles (systèmes complets ou systèmes partiels de missiles), il a été convenu de consulter les partenaires préalablement à toute décision.

Au sein des trois régimes, les biens soumis au contrôle sont revus périodiquement et les listes des biens sont adaptées aux développements de la technique.

Si un Etat membre rejette une demande d'exportation, il doit communiquer les motifs de son refus aux autres membres. Ceux-ci sont alors tenus de ne pas livrer de biens identiques aux mêmes destinataires finals pendant trois ans au moins. Des exceptions ne sont autorisées qu'après consultation mutuelle, dont le résultat est à communiquer à tous les Etats membres.

Cette manière de procéder doit empêcher qu'une interdiction d'exporter ne soit transgressée par des livraisons que d'autres Etats membres auraient autorisées. Il s'agit également d'éviter des distorsions du commerce.

Dans chacun des régimes, l'échange d'informations SUT les destinataires finals critiques joue un rôle important. Sans ces inforrtiations, les petits pays surtout ne seraient guère en mesure d'appliquer efficacement les

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contrôles à l'exportation convenus. Lors des réunions des groupes, on échange les coordonnées de destinataires finals critiques, mais aussi des informations sur les importateurs, sur les services d'achat et sur les voies d'acquisition. Cet échange d'informations est capital pour le succès et l'efficacité des régimes.

113.11

Groupe des pays fournisseurs nucléaires (NSG)

L'explosion nucléaire à laquelle l'Inde a procédé en mai 1974 a fait prendre conscience à différents pays fournisseurs nucléaires que les dispositions du Traité de non-prolifération des armes nucléaires n'étaient pas suffisamment sévères pour empêcher la dissémination de ces armes. C'est pourquoi sept grands pays fournisseurs ont pris l'initiative de fonder, en 1975, le Groupe des pays fournisseurs nucléaires (NSG), connu à l'origine sous le nom de "Club de Londres". Ses membres ont décidé de soumettre à des conditions additionnelles (nommées "directives de Londres") la livraison de biens nucléaires aux Etats non dotés d'armes nucléaires, touchant notamment la réexportation de ces biens et le transfert de technologie. Le Club de Londres a repris et élargi la liste des biens soumis à un contrôle qu'avait élaborée le Comité Zangger.

En 1976/1977, huit autres Etats - dont la Suisse, qui est entrée dans le Groupe en avril 1977, en qualité de 15e et alors dernier membre - ont été invités à se joindre aux négociations, qui ont débouché au début de 1978 sur des directives révisées. La Suisse en a repris la teneur dans l'ordonnance du 17 mai 1978 sur les définitions et les autorisations dans le domaine de l'énergie atomique (RO 1978 767), qui a été remplacée par l'ordonnance du 18 janvier 1984 sur les définitions et les autorisations dans le domaine atomique ("ordonnance atomique"; RS 732.11, RO 1994 140; cf. ch. 122).

Après une interruption de plusieurs années, le Groupe des pays fournisseurs nucléaires s'est à nouveau réuni en 1991. Sa réactivation a été notamment provoquée par la découverte du programme irakien de production d'armes nucléaires. Il a décidé alors d'introduire des contrôles à l'exportation des biens qui, normalement, servent à des fins pacifiques, mais qui pourraient être utilisés à la production de dispositifs nucléaires explosifs. Une proposition dans ce sens a été faite sous forme de directives pour la livraison de biens à double usage touchant le nucléaire, et une liste complète de biens a été arrêtée en 1992. La Suisse a intégré les contrôles convenus dans l'"ordonnance ABC".

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Après la session plénière de 1993, la Suisse a présidé pendant une année le Groupe des pays fournisseurs nucléaires, qui comptait 30 membres à la fin de 1994, à savoir tous les pays de l'OCDE (à l'exception de l'Islande, de la Turquie et du Mexique), la Bulgarie, la Pologne, la Roumanie, la Russie, la République tchèque et la République slovaque, la Hongrie et l'Argentine. L'Afrique du Sud a participé à l'assemblée plénière de 1994 au titre d'observateur. Le point de contact pour toutes les activités de contrôle des exportations de biens nucléaires à double usage est la mission japonaise auprès des organisations internationales à Vienne.

113.12

Groupe d'Australie (AG)

Au printemps 1984, plusieurs gouvernements avaient ordonné des contrôles à l'exportation pour toute une série de. substances chimiques pouvant entrer dans la fabrication d'armes chimiques. Leur décision faisait suite au rapport d'irne mission d'enquête mise sur pied par le secrétaire général de l'ONU, établissant que l'Irak, alors en guerre contre l'Iran, avait fait usage d'armes chimiques, ce qui constituait une violation flagrante du Protocole de Genève de 1925. La nécessité d'instituer ces contrôles à l'exportation s'imposait, la preuve ayant été faite que l'Irak s'était procuré sur les marchés internationaux nombre de substances qu'il avait utilisées dans son programme de production d'armes chimiques. Les pays fournisseurs potentiels s'étaient donc vus contraints d'ordonner des contrôles à l'exportation afin d'assurer que leurs industries n'aideraient pas, intentionnellement ou non, d'autres pays à acquérir des substances pouvant entrer dans la production d'armes chimiques.

Mais ces contrôles s'étaient révélés incohérents, tant dans leur portée que dans leur application, d'où les tentatives d'y échapper. L'Australie avait donc proposé en avril 1985 que les pays harmonisent les contrôles qu'ils avaient déjà institués. Lors d'une première réunion, qui eut lieu en juin 1985 à Bruxelles, l'unanimité se fit sur la nécessité de coopérer. Ces pays, connus depuis sous le nom de "Groupe d'Australie", se réunissent deux fois l'an à l'ambassade d'Australie à Paris. Leur nombre est passé de 15 en 1985 (dont la Suisse) à 29 en 1994. Il s'agit des pays de l'OCDE (Turquie et Mexique exceptés), de l'Argentine et de la Hongrie (depuis 1992), de la République tchèque, de la République slovaque et de la Pologne (depuis 1994) et de la Commission de l'UE.

Jusqu'au début des années nonante, le Groupe d'Australie s'est surtout attaché à dresser une liste commune des produits chimiques précurseurs qui peuvent entrer dans la fabrication d'armes chimiques, liste qui sert de

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base'aux contrôles des exportations à effectuer au niveau national. Fin 1992, le nombre des substances soumises à ces contrôles était de 54.

En 1992/1993, le Groupe d'Australie a adopté d'autres contrôles à l'exportation portant sur les agents, les biens d'équipements et les technologies susceptibles de servir à produire des armes biologiques, mais aussi sur les équipements et les technologies susceptibles de servir à fabriquer des armes chimiques. Certains Etats (comme les Etats-Unis et l'Allemagne) procédaient déjà à ces contrôles.

113.13

Régime de contrôle de la technologie des missiles (MTCR)

Après plusieurs années de négociations, les sept grands pays industrialisés occidentaux (les Etats-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne, l'Italie et le Japon) ont fait savoir dans les mêmes termes en avril 1987 qu'ils procéderaient à un contrôle coordonné du transfert de biens d'équipement et de technologies susceptibles de servir à produire des systèmes de missiles nucléaires non pilotés.

Des directives communes, qui régissent le transfert à des Etats non membres de ces biens, répartis en deux catégories, ont été arrêtées.

L'octroi d'une autorisation d'exporter les biens de la catégorie I (systèmes complets ou systèmes partiels de missiles) est subordonné à tout un ensemble de conditions. En règle générale, leur exportation n'est pas autorisée.

L'exportation de biens de la catégorie n (18 catégories de biens à double usage) peut être autorisée si les autorités responsables du contrôle des exportations ont acquis la conviction que ces biens ne seront pas utilisés pour fabriquer des missiles porteurs d'armes de destruction massive.

A l'origine, seuls les missiles d'une portée de 300 km au moins et d'une charge utile de 500 kg ou plus tombaient sous le coup des contrôles. Ces paramètres avaient été fixés uniquement en vue de limiter les dangers de la prolifération nucléaire. Les affrontements du Proche-Orient ont montré qu'il existait une nouvelle menace, celle des armes chimiques. C'est pourquoi il a été décidé, en 1992, d'étendre le régime des contrôles aux missiles dont la charge utile est inférieure à 500 kg et d'adapter les directives en conséquence.

Le MTCR comptait 25 membres à la fin de l'année 1994, à savoir tous les pays de l'OCDE (à l'exception de la Turquie et du Mexique), ainsi que

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l'Argentine et la Hongrie. Avec la Grèce, l'Irlande et le Portugal, la Suisse en est devenue membre en 1992, quand elle a promulgué "l'ordonnance ABC". Plusieurs Etats, qui ne sont pas membres du MTCR, ont déclaré qu'ils appliqueraient aussi les directives sur les contrôles à l'exportation (entre autres la Russie et la Chine, cette dernière s'en tenant aux anciennes directives, qui concernent les missiles dont la charge utile dépasse 500 kg).

En 1995, la Russie et l'Afrique du Sud devraient aussi devenir membres du MTCR.

C'est un modeste secrétariat, domicilié au Ministère français des affaires étrangères, qui sert de point de contact. La Suisse a assumé la présidence du MTCR pour une année, à partir de novembre 1993.

113.2

Mesures internationales de contrôle dans le domaine des armes conventionnelles

113.21

Une rétrospective sur le Comité de coordination pour le contrôle multilatéral des exportations (Cocom)

Le Cocom a été créé en 1949. Au moment de sa dissolution, fin mars 1994, tous les pays de l'OTAN (sauf l'Islande) en faisaient partie, ainsi que le Japon et l'Australie. C'était un comité informel, dont l'existence n'était pas fixée par un accord. En décidant des mesures de contrôle, il visait à compenser la supériorité militaire numérique des pays du Pacte de Varsovie par l'avance technologique des membres de l'Alliance atlantique. En pratiquant une politique d'exportations restrictive, appliquée à un domaine plus vaste que celui des armes de destruction massive, les pays membres du Cocom s'efforçaient de maintenir leur avance technologique et de rendre plus coûteuse la course aux armements à leurs adversaires potentiels.

Outre les pays membres du Pacte de Varsovie, la Chine, la Corée du Nord, le Vietnam, l'Albanie, Cuba et la Mongolie étaient touchés par ces mesures.

Le Cocom avait une triple tâche: II dressait et révisait les trois listes de contrôle des exportations: la liste internationale du matériel de guerre, la liste internationale de l'énergie atomique, la liste internationale des produits industriels, où figuraient les biens (marchandises et technologies) susceptibles de servir à des fins aussi bien civiles que militaires (biens à double usage). Ces listes, qui englobaient en partie les mêmes biens que celles des arrangements informels portant sur le contrôle à

1264

l'exportation des armes de destruction massive, étaient régulièrement remises sur le métier lors de réunions d'experts.

Il statuait sur les demandes d'exportation qui lui étaient soumises par les Etats membres. Les biens soumis au contrôle étaient répartis en trois catégories, selon leur importance stratégique. Les biens de la catégorie la plus sensible ne pouvaient être exportées dans les pays soumis aux restrictions qu'avec l'accord unanime des membres du Cocom ("général exception"). L'exportation de biens relevant de la deuxième catégorie était autorisée si aucun membre du Cocom ne s'y opposait ("favorable considération"). Les demandes concernant les biens les moins sensibles sur le plan stratégique ne devaient pas être soumises au Cocom. L'exportation devait seulement lui être notifiée ("national discrétion").

Il coordonnait les procédures nationales de contrôle des exportations.

Pendant les années septante, années de la "détente", les contrôles du Cocom étaient appliqués de manière assez souple. Mais l'invasion de l'Afghanistan par l'Union soviétique avait incité le Président Carter à revenir à une politique plus restrictive. Par ,la suite, l'Administration Reagan avait non seulement donné une orientation plus stricte encore à la politique américaine du contrôle des exportations, mais elle avait contraint le Cocom à faire de même. En 1985, les Etats-Unis avaient commencé de suggérer aux pays non-membres du Cocom de se montrer eux aussi plus restrictifs. Ils pouvaient le faire, puisque la section "5 k" du nouvel "Export Administration Act" prévoyait que les pays non membres du Cocom, désireux de se procurer de la technologie américaine, pouvaient être assimilés à des pays membres pour autant qu'ils appliquent en pratique des contrôles à l'exportation similaires. Dans la même loi ainsi que dans d'autres textes législatifs, le Congrès américain avait ménagé une série d'allégements en faveur des pays du Cocom demandeurs de technologie américaine. Ainsi ces pays pouvaient se procurer des biens de moindre importance stratégique sans licence individuelle et, lorsqu'une licence était requise, l'Administration américaine était tenue de se prononcer sur la demande dans un délai de deux semaines, faute de quoi la licence était considérée, comme accordée. L'instauration de ce délai légal avait mis fin
aux trop longs délais, qui pouvaient atteindre des semaines, voire des mois.

D'autres allégements de la procédure d'acquisition américaine étaient apparus avec la loi américaine de 1988 Il n'était plus nécessaire d'obtenir préalablement une Etats-Unis pour réexporter des marchandises américaines

82 Feuille fédérale. 147e année. Vol. II

.

de technologie sur le commerce.

autorisation des vers les pays du

1265

Cocom et les "5 k". Les Etats-Unis pouvaient aussi renoncer aux licences d'exportation pour cette catégorie de pays, dans la mesure où ceux-ci disposaient de systèmes efficaces de contrôle des exportations.

Si les Etats du Cocom bénéficiaient d'allégements lors de l'acquisition de technologie américaine, la Suisse quant à elle a figuré pendant une courte période dans un groupe de pays dont les demandes d'exportation concernant des biens sensibles devaient nécessairement être transmises par le Département du commerce au Ministère de la défense, ce qui prolongeait passablement la procédure d'octroi des licences.

Le Cocom avait procédé en janvier 1988 à une importante réorientation et décidé - de réduire les listes des biens, - de renforcer les contrôles portant sur les biens restants et considérés comme critiques d'un point de vue stratégique, - de faciliter davantage le commerce des biens soumis au contrôle entre les différents membres du Cocom et - de renforcer et d'harmoniser les procédures et les contrôles douaniers en vigueur dans chacun des pays du Cocom.

La réduction des listes des biens avait touché d'abord la liste internationale industrielle. Celle-ci avait été réduite en deux étapes, d'abord d'un tiers en 1990, puis encore de moitié en 1991, pour finalement se composer des neuf catégories suivantes: matériaux évolués, traitement des matériaux, électronique, calculateurs, télécommunication et sécurité de l'information, capteurs et lasers, navigation et aéro-électronique, marine, propulsion.

La dissolution du Pacte de Varsovie et la marche vers la démocratie et l'économie de marché entamée par les pays de l'Europe de l'Est et de l'ancienne Union soviétique ont provoqué un assouplissement de la politique du Cocom, perceptible non seulement dans la réduction de ses listes, mais aussi dans la simplification des procédures d'autorisation. Il semble que le Cocom ait approuvé la plupart des demandes d'exportation, bien moins nombreuses ces dernières années, qui lui ont été soumises pour des pays de l'Europe de l'Est et de la CEI. La Hongrie, le premier des pays touchés par le Cocom à avoir introduit des contrôles à l'exportation, a été exemptée de ces contrôJes en mars 1992. Il en est allé de même de la République tchèque et de la République slovaque, qui ne sont plus

1266

soumises aux contrôles du Cocom depuis le 1er janvier 1994. Le Cocom a été dissous le 31 mars 1994.

Le Cocom-Cooperation Forum (CCF), né d'une initiative des Etats-Unis, a siégé pour la première fois en novembre 1992. Il avait pour objectif, à la suite des changements économiques et politiques survenus en Europe de l'Est et dans l'ancienne Union soviétique, d'ouvrir de nouvelles voies à la coopération avec les pays engagés dans des réformes.

Les 17 pays du Cocom ont donc convié 19 pays affectés par leurs contrôles - pays de l'Europe centrale et orientale, la CEI, la Mongolie, ainsi que la Hongrie, qui n'y était plus soumise - à les rencontrer. Les pays neutres d'Europe (Finlande, Suède, Irlande, Autriche et Suisse) ainsi que la Nouvelle-Zélande (appelés pays "5k") étaient présents à titre d'observateurs. La République populaire de Chine, la Corée du Nord, le Vietnam et Cuba n'étaient pas invités.

Les pays membres du Cocom ont dit aux pays concernés par les contrôles qu'ils envisageaient de supprimer par étapes ces derniers et finalement de lever les contrôles à l'exportation, s'ils garantissaient l'usage civil qui serait fait des biens soumis au contrôle et qu'ils introduisaient eux-mêmes des contrôles à l'exportation efficaces. Ces propositions avaient suscité des réactions fondamentalement positives. Le Cocom a toutefois été dissous à la fin mars de 1994, avant que tous les pays concernés ne disposent de contrôles à l'exportation efficaces.

La Suisse n'a pas pu adhérer au Cocom à cause de sa politique de neutralité. Dans l'Accord Hotz-Linder de 1951, elle s'est toutefois engagée envers les Etats-Unis à veiller à ce que son territoire ne soit pas utilisé comme une plaque tournante permettant d'échapper aux contrôles du Cocom. Si la Suisse avait tiré profit des mesures de contrôle, la crédibilité de notre politique de neutralité d'alors, au nom de laquelle notre pays se refusait à participer aux mesures d'embargo prises par certains groupes de pays, aurait été entamée. Le but déclaré de la Suisse était de garantir à son industrie l'accès non discriminatoire à la technologie la plus moderne fournie par les pays du Cocom, Etats-Unis en tête, but qu'elle a atteint, sauf pendant de courtes périodes au milieu des années quatre-vingt. Pour certains biens soumis au contrôle, tels que les ordinateurs
et les semi-conducteurs, la Suisse était très largement dépendante (80 et 95%) des livraisons en provenance des pays du Cocom. Il importait donc de maintenir l'accès à ces biens, pour garder intacte la compétitivité des branches économiques concernées.

1267

Dans cette intention, certaines mesures autonomes de surveillance avaient été mises en place en 1951. La plupart d'entre elles sont encore en vigueur aujourd'hui (cf. ch. 121): Premièrement, l'importation de certaines marchandises a été soumise à une surveillance officielle et leur réexportation autorisée seulement avec l'assentiment du pays fournisseur. A cet effet, des certificats d'importation ont été délivrés, qui garantissaient officiellement au pays fournisseur que les marchandises seraient importées en Suisse et n'en ressortiraient pas sans son accord.

Deuxièmement, des dispositions avaient été adoptées pour empêcher que des mesures de restriction du commerce prises par un bloc envers un autre ne soient réduites à néant par des livraisons de marchandises d'origine suisse. Ce but a été atteint par une sorte d'auto-limitation que s'est imposée l'industrie suisse en matière d'exportation de marchandises soumises au contrôle.

Le système de surveillance a été complété en 1986 par une interdiction partielle, toujours en vigueur, du transit des marchandises répertoriées. Le détournement illégal de marchandises transitant par la Suisse peut donc être prévenu, sans que les possibilités de transit en soient entravées outre mesure.

Enfin, depuis 1991, la réexportation de marchandises étrangères soumises au Cocom peut être refusée, indépendamment de la présentation d'un certificat d'importation.

Ce train de mesures a permis d'assurer l'accès non discriminatoire de l'industrie suisse à des biens extrêmement sensibles. L'entrée en vigueur de la réglementation sur le transit-a été l'occasion pour les Etats-Unis de rayer la Suisse de la liste des pays qui avaient besoin de l'accord du Ministère américain de la défense pour avoir accès à des technologies particulièrement sensibles.

A la mi-1987, la Suisse a été le premier pays à jouir du statut de "5k" (cf.

ch. 113.21). Par la suite, les autres pays neutres d'Europe, la Nouvelle-Zélande, Hongkong et, en 1994, la Corée du Sud, en ont aussi bénéficié.

En 1991, les Etats-Unis ont accepté que la Suisse, de même que l'Irlande, l'Autriche et la Finlande, figurent sur la liste des pays qui, avec ceux du Cocom, pouvaient se procurer 90 pour cent des marchandises figurant sur la liste industrielle en vertu d'une "licence générale", c'est-à-dire sans que

1268

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soient exigés une licence individuelle d'exportation et un certificat d'importation. Depuis lors, les autres pays du Cocom ont aussi accordé à ces pays les mêmes facilités.

113.22

Nouveau Forum

Après avoir établi que les conditions qui avaient rendu nécessaires les restrictions au commerce Est-Ouest n'étaient plus remplies, les 17 Etats membres du Cocom ont décidé en novembre 1993, à La Haye, de dissoudre celui-ci au 31 mars 1994, ce qui a bien sûr mis fin à son rôle d'instance de contrôle des exportations. Il a toutefois été décidé de maintenir au niveau national les contrôles à l'exportation des biens Cocom.

En même temps, pour faire face aux changements intervenus dans la situation internationale en matière de politique de sécurité, les Etats membres du. Cocom ont entamé des négociations en vue d'instituer un nouveau régime multilatéral de contrôle des exportations, qui est depuis lors connu sous le nom de "Nouveau Forum".

Depuis mars 1994, la Nouvelle-Zélande et les cinq Etats neutres d'Europe l'Irlande, l'Autriche, la Suède, la Finlande et la Suisse - prennent part aux négociations.

Le nouveau régime vise à compléter les instances internationales qui exercent leurs contrôles sur les armes de destruction massive et leurs vecteurs. On doit empêcher que les Etats qui représentent une menace sérieuse pour la sécurité régionale ou au-delà ne se procurent des armes conventionnelles, d'autres biens civils utilisables à des fins militaires ainsi que des biens à double usage, destinés à la fabrication d'armes conventionnelles. Les négociations pour établir les listes des biens se basent sur les biens répertoriés dans l'ancienne liste des matériels de guerre et sur l'ancienne liste industrielle du Cocom. La liste industrielle de référence pour la présente loi se composera de trois catégories de biens, à savoir les biens de base, les biens sensibles et les biens ultra-sensibles.

On a renoncé à la liste de l'énergie nucléaire, étant entendu que la plupart des biens qui figurent sur la liste correspondante du Cocom font déjà l'objet des contrôles du Groupe des pays fournisseurs nucléaires.

A côté de ce travail de recensement des biens, les pays engagés dans les négociations mettent au point des directives et des procédures régissant l'exportation d'armes conventionnelles et de biens à double usage utilisables à la fabrication de telles armes. Un système d'information apte à promouvoir la transparence et la responsabilité des membres en matière de

1269

transfert de ces armes et biens devra aussi être mis en place. Il comprendra pour l'essentiel des rencontres périodiques pour favoriser les échanges d'informations et un système de notification agencé différemment selon les catégories de biens. Ces mesures devront permettre de mieux évaluer les risques d'un transfert et de coordonner plus efficacement les efforts prodigués au niveau international pour assurer la paix et la sécurité, tant régionale qu'extra-régionale.

Tout comme le Cocom, le Nouveau Forum devra disposer d'un secrétariat permanent. Son siège ainsi que les ressources qui seront à sa disposition font encore l'objet de négociations.

En principe, peuvent participer au Nouveau Forum tous les pays produisant des armes conventionnelles ou des biens à double usage qui mènent une politique cohérente de non-prolifération et qui disposent d'un système national efficace de contrôle des exportations. La Russie et les Etats de l'Europe centrale et orientale devraient être admis aux négociations aussi rapidement que possible. La Chine et certains pays nouvellement industrialisés comme l'Afrique du Sud, le Brésil ou l'Argentine sont aussi des membres potentiels.

Puisque la mise en place du Nouveau Forum touche des questions de politique économique extérieure et de politique de sécurité, la Suisse participe activement aux négociations et défend notamment les deux principes suivants. Premièrement, le régime doit reposer sur deux piliers, impliquant des directives et des procédures comparables tant pour les armes conventionnelles que pour les biens à double usage. Aucun des membres du Nouveau Forum ne doit livrer d'armes à un Etat tiers vers lequel l'exportation de biens à double usage est soumise à des contrôles sévères. Deuxièmement, le Nouveau Forum doit s'ouvrir aussi vite que possible au plus grand nombre possible de pays fournisseurs potentiels répondant aux critères d'admission. Seule une orientation globale du nouveau régime permettra d'atteindre les objectifs de politique de sécurité sans entraîner de distorsions de la politique commerciale.

Les négociations en vue d'établir le Nouveau Forum s'avèrent plus difficiles que prévu et devraient prendre encore un certain temps.

Si le Nouveau Forum devait ne pas voir le jour, il faudrait probablement s'attendre à ce que les Etats qui participent
à la négociation s'accordent sur une surveillance autonome des exportations des anciens biens Cocom. Ces mesures autonomes sont d'ores et déjà appliquées sur le plan national à titre transitoire.

1270

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Le Conseil fédéral décidera en temps voulu, et compte tenu des résultats des négociations, de l'adhésion de la Suisse au Nouveau Forum, respectivement du développement sur le plan national des mesures de contrôle actuelles.

12

Contrôles actuellement exercés par la Suisse l'exportation de biens à usage civil et militaire

121

Législation sur l'économie extérieure

lors

de

La loi fédérale du 25 juin 1982 sur les mesures économiques extérieures (RS 946.201) et ses ordonnances d'exécution constituent la base légale des contrôles exercés lors de l'importation, de l'exportation et du transit avant tout de biens stratégiques qui étaient soumis aux règles du Cocom. Aux termes de l'article premier de la loi, le Conseil fédéral peut, aussi longtemps que les circonstances l'exigent, surveiller l'importation, l'exportation et le transit de marchandises, ainsi que le trafic de services, les soumettre au régime de l'autorisation, les limiter ou les interdire, si des mesures prises à l'étranger ou des conditions extraordinaires régnant à l'étranger ont, sur le trafic des marchandises, des services ou des paiements de la Suisse avec l'étranger, des effets tels que des intérêts économiques suisses essentiels s'en trouvent affectés. Les principales ordonnances d'exécution de la loi fédérale sur les mesures économiques extérieures sont l'ordonnance du ,7 mars 1983 sur le trafic' des marchandises avec l'étranger (RS 946.201.1), l'ordonnance du 7 mars 1983 concernant la surveillance des importations (RS 946.211), et l'ordonnance du 22 décembre 1993 sur l'exportation et le transit de produits (RS 946.221; RO 1994 426).

L'ordonnance sur le trafic de marchandises avec l'étranger contient, outre une clause de délégation au DFEP, les principes applicables à l'octroi des permis et les mesures de contrôle. L'ordonnance concernant la surveillance des importations règle la remise aux fournisseurs étrangers de déclarations relatives à la destination finale.

L'ordonnance du 22 décembre 1993 sur l'exportation et le transit de produits 1 ) pourvoit en principe au maintien de la surveillance des Elle a remplacé le 1er mars 1994 l'ordonnance du 7 mars 1983 sur l'exportation et le transit de marchandises (RO 1983 363, 1984 913, 1985 2023, 1990 147, 1991 33)

1271

exportations en vigueur depuis 1951, qui préserve les possibilités d'approvisionnement de notre économie en biens stratégiques respectivement technologiques. Elle vise les biens, c'est-à-dire les marchandises autant que la technologie. Leur exportation vers tous les pays est subordonnée à l'obtention d'un permis2); en outre, une interdiction partielle de transit les frappe.

En vertu de cette ordonnance, les demandes d'exportation de marchandises d'origine purement suisse ne peuvent être refusées. L'ordonnance permet seulement d'en contrôler l'exportation. Si, pour des motifs politiques, il convenait d'empêcher l'exportation de marchandises d'origine suisse, le Conseil fédéral ne pourrait en règle générale le faire qu'en se référant à l'article 102, chiffre 8, de la constitution.

122

Législation sur l'énergie nucléaire

La base légale des contrôles à l'exportation de combustibles nucléaires et de certains équipements et matériaux relevant de la technologie nucléaire, base créée suite à la ratification par la Suisse du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et à sa participation au Comité Zangger et au Groupe des pays fournisseurs nucléaires (cf. ch. 112.1 et 113) se trouve aux articles 4 et 5 de la loi sur l'énergie atomique du 23 décembre 1959 (RS 732.0; FF 7995 I 700). L'article 4 énumère les objets pour lesquelles une autorisation de la Confédération est requise, entre autres quand il s'agit de leur exportation, ou de certaines transactions que le Conseil fédéral peut également soumettre au régime de l'autorisation.

Depuis 1987 est ainsi soumise à cette réglementation l'exportation de technologie quand elle concerne des installations et des méthodes d'enrichissement, de retraitement de matières nucléaires et de production d'eau lourde. L'article 5 de la loi sur l'énergie atomique précise les conditions d'octroi d'une autorisation.

Les articles 4 et 5 de la loi sur l'énergie atomique trouvent leur application concrète dans les articles 11 et suivants de 1''ordonnance du 18 janvier

2)

1272

La modification, en date du 27 novembre 1990, de l'Ordonnance du DFEP du 30 mars 1983 sur l'exportation et le transit de marchandises (RO 1983 381, 1985 2045, 1990 226, 1991 34) a suspendu le régime du permis pour l'exportation des marchandises moins critiques vers les pays de l'OCDE. Dans l'ordonnance du DFEP du 20 juin 1994 sur l'exportation et le transit des produits (RS 946.221.2; RO 1994 1458) le régime du permis a été supprimé pour ces pays.

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1984 sur les définitions et les autorisations dans le domaine de l'énergie atomique (RS 732.77, RO 7994 140). Les articles 11 à 14 réglementent l'importation, l'exportation et le transit ainsi que le placement dans un entrepôt douanier - de combustibles nucléaires et de résidus; - de réacteurs nucléaires et de leurs équipements annexes ainsi que d'installations et d'équipements de production de combustibles;

.

- d'autres installations, équipements et matériaux et - de technologie.

1

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Ces dispositions couvrent pour l'essentiel les objets spécialement conçus , ou produits pour des équipements et des matériels sensibles. Repris des listes internationales déjà mentionnées, ils sont recensés dans les annexes 2 et 3 de l'ordonnance et ont été adaptés plusieurs fois aux modifications des listes.

Les plus sévères dispositions pénales de la loi sur l'énergie atomique (art.

34o et 35; cf. FF 7994 I 1341) ont été approuvées par le Parlement le 3 février 1995. Le présent projet de loi et le projet de nouvelle loi sur le matériel de guerre prévoient les mêmes disposition pénales.

123

Législation sur le matériel de guerre

Comme nous l'avons dit plus haut (cf. ch. 113.12), le Groupe d'Australie coordonne depuis 1985 les contrôles à l'exportation des substances chimiques. En tant que membre de ce groupe, la Suisse était tenue d'introduire de tels contrôles à l'exportation, ce qui n'était possible que dans le cadre de la législation sur le matériel de guerre, puisque la loi fédérale sur les mesures économiques extérieures n'offrait pas une base juridique suffisante.

Selon l'article la introduit en 1987 dans l'ordonnance du 10 janvier 1973 sur le matériel de guerre (RS 514,511), sont aussi considérées comme matériel de guerre les substances chimiques qui, une fois exportées, peuvent servir à la fabrication d'armes chimiques. Le Département militaire fédéral (DMF) détermine quelles sont ces substances, d'entente avec le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et le Département fédéral de l'économie publique (Office fédéral des affaires économiques extérieures). Leur exportation est soumise au régime du permis. Celui-ci

1273

sera refusé si l'on a des raisons de supposer que ces substances serviront à la fabrication de gaz de combat. Les substances mêmes sont énumérées dans l'ordonnance du DMF du 20 novembre 1991 concernant la désignation des substances chimiques soumises à autorisation (RS 514.511.1; RO 7992 2209).

L'article Ib, introduit le 25 novembre 1992 dans l'ordonnance sur le matériel de guerre, désigne aussi comme matériel de guerre les agents biologiques et les toxines qui peuvent être employés comme gaz de combat.

La désignation des agents, la procédure d'autorisation et les motifs de la refuser sont réglés de la même manière que pour les produits chimiques.

Les agents biologiques, dont le contrôle a fait l'objet d'une entente au sein du Groupe d'Australie, sont énumérés dans l'ordonnance du DMF du 28 juin 1993 concernant les agents biologiques soumis à autorisation (RS 514.511.2; RO 79932268).

Que ce soient des substances chimiques ou des agents biologiques, il s'agit de marchandises qui peuvent être utilisées à des fins aussi bien civiles que militaires. Elles ne devraient donc pas être soumises à la nouvelle loi sur le matériel de guerre mais à la présente loi.

124

"Ordonnance ABC"

L'ordonnance du 12 février 1992 sur l'exportation et le transit de marchandises et de technologies ayant trait aux armes ABC et aux missiles (RS 946.225; RO 7995 990 et 2019, 7994 114) soumet au régime du permis l'exportation et le courtage de marchandises et de technologies, spécifiées dans les quatre annexes, qui peuvent servir au développement, à la production et à l'utilisation d'armes ABC et de missiles. Elles correspondent à celles qui figurent sur les listes dressées par le Groupe des pays fournisseurs nucléaires, le Groupe d'Australie et le Régime de contrôle de la technologie des missiles. Ne relèvent pas de l'ordonnance les substances chimiques et les agents biologiques, pas plus que les produits nucléaires proprement dits, dont l'exportation est réglementée par la loi sur le matériel de guerre ou la loi sur l'énergie atomique (cf. ch. 122 et 123).

Aucune autorisation n'est requise pour l'exportation et le courtage de marchandises et de technologies des domaines BC si le pays de destination est membre de l'OCDE. Est habilité à délivrer les permis l'Office fédéral des affaires économiques extérieures (OFAEE, Division des importations et des exportations). Pour les demandes d'exportation d'importance majeure, POFAEE décide en accord avec les services compétents du DFAE, du DMF

1274

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et du DFTCE (domaine nucléaire) et après consultation du DFJP (Ministère public de la Confédération). En cas de divergences, le Conseil fédéral tranche.

S'il y a des raisons de supposer que les marchandises, les composants et les technologies serviront au développement, à la fabrication ou à l'utilisation d'armes BC, l'autorisation sera refusée. Elle sera aussi refusée s'il y a lieu de présumer que ces marchandises serviront au développement, à la fabrication ou à l'utilisation d'armes A ou d'engins volants non pilotés destinés à l'engagement d'armes ABC et, partant, qu'elles contribueront à leur prolifération. Enfin, l'autorisation sera refusée si l'exportation ou le courtage sont contraires à des accords internationaux. L'exécution de ce genre de contrôle à l'exportation nécessite la prise en considération de la situation prévalant à l'étranger, c'est pourquoi l'ordonnance permet la collaboration avec des autorités étrangères.

Les dispositions pénales de l'ordonnance prévoient, dans les cas graves, des peines de prison allant jusqu'à trois ans (art. 36 du code pénal, CP; RS 311.0) et des amendes allant jusqu'à cinq millions de francs.

De février 1992 à la fin de 1994, 3436 demandes - pour une valeur de 1300 millions de francs - ont été traitées, dont 299 demandes pour une valeur de 122 millions de francs en référence à l'annexe 1 de l'ordonnance (missiles), 214 demandes pour une valeur de 87 millions de francs en référence à l'annexe 2 (biens chimiques) et 2923 demandes pour une valeur de 1100 millions francs en référence à l'annexe 4 (biens nucléaires).

Il n'y a pas eu dé demandes d'exportation touchant le domaine B (annexe 3). Sur les 3436 demandes, 36 ont été des demandes d'autorisation de courtage. Nonante pour cent des demandes d'exportation ont concerné des pays de l'OCDE. Quelque 35 demandes ont été retirées par les requérants ou refusées par l'office.

13

Procédure de consultation

131

Résultats de la procédure de consultation

La procédure de consultation s'est achevée le 15 mars 1994. Ses résultats ont montré que la nécessité de contrôler les exportations de biens à double usage est admise à la quasi-unanimité. L'avant-projet de loi a été approuvé par une importante majorité des cantons, des partis et des organisations consultés.

1275

Une partie des cantons (ZH, OW, GL, FR, ES, SH, AR, AI) admettent largement la création d'une nouvelle loi, certains même, sans réserve (SZ, ZG, SO, BL, SG, TG). D'autres lancent un appel à la prudence; ils s'inquiètent pour l'avenir de la place industrielle et de la recherche suisse et craignent que quelques entreprises ne transfèrent leurs activités à l'étranger (GR, AG, TI, GÈ, JU). Pour cette même raison, trois cantons jugent inacceptable le projet mis en consultation et en demandent un remaniement complet (LU, NW, VD).

Des huit partis qui ont pris part à la consultation, deux apportent leur appui à l'initiative "Pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre", sans pour autant refuser le projet de loi qui leur a été soumis (PSS, PES). Les autres acceptent en principe le projet (PRD, PDC, UDC, PSL, Adi, PLS).

Dans leur majorité, les organisations consultées (USSA, SSIC, USAM, USCI (Vorort), FSE, VSIG, VSM) sont d'accord avec les lignes de force du projet. Le VSM, la SSIC et l'USCI (Vorort) soulignent cependant la nécessité de s'entendre sur des mesures internationales pour prévenir des désavantages qui en résulteraient, en comparaison, pour notre industrie et ils exigent une réglementation claire, transparente et fiable de tels contrôles à l'exportation. Seul l'USS se montre extrêmement critique à l'égard du projet, ce qui s'explique par la préférence qu'elle donne à l'initiative "Pour l'interdiction d'exporter du matériel de guerre".

132

Réponse aux principales objections

132.1

But et champ d'application

Plusieurs organes consultés demandent que le but de la nouvelle loi, qui est d'empêcher le développement, la production et la dissémination d'armes de destruction massive et de leurs vecteurs, figure explicitement dans l'article intitulé "But". A ce propos, le canton des Grisons et le Vorort sont d'avis que la formulation de cet article dans le projet est trop vague et qu'elle doit être précisée. Quelques organes adressent le même reproche à l'article consacré au champ d'application, redoutant qu'il en résulte des conséquences nuisibles à la place industrielle suisse. Ils demandent donc que le champ d'application soit strictement limité aux biens directement liés à la prolifération d'armes de destruction massive et de leurs vecteurs.

En revanche, le PSS et le PES exigent que le domaine d'application de la loi soit conçu de telle sorte que le Conseil fédéral soit investi de la compétence, en dehors des accords internationaux et des autres mesures internationales de contrôle, de contrôler les exportations de nouvelles

1276

inventions techniques et de le faire aussi dans d'autres cas urgents qui se présenteraient en liaison avec la prolifération d'armes de destruction massive.

Il faut préciser ici que la nouvelle loi ne doit pas uniquement permettre de contrôler juridiquement les biens à double usage pouvant servir à produire des armes de destruction massive et leurs vecteurs et qu'elle doit englober aussi les biens à double usage qui pourraient être utilisés à la production d'armes conventionnelles. A la condition toutefois, dans un cas comme dans l'autre, que la Suisse ait pris des engagements internationaux ou qu'elle applique des mesures internationales de contrôle.

132.2

Transfert de technologie

Le canton de Zoug et le PSS approuvent le principe de soumettre à la loi le transfert de technologie, mais proposent de compléter le 1er alinéa de l'article 3 par "indépendamment du mode de transfert", afin d'inclure dans la loi le transfert par télécommunication. Les cantons de Schaffhouse et des Grisons estiment que la définition de la technologie, telle qu'elle figure dans ce 1er alinéa est trop vague, donc trop large. A leur avis, elle nuit à la recherche suisse, dont les résultats, selon les circonstances, pourraient ne pas être exploités, en vertu de cette disposition.

Il convient de préciser ici que la définition du terme de "technologie", adoptée dans le projet de loi, est reprise des différents régimes de non-prolifération. Le transfert de technologie, d'autre part, s'entend quel que soit le mode de transmission.

132.3

Courtage et Financement

La soumission du courtage à la loi suscite la critique de quelques-uns des organes consultés, qui arguent de la quasi- impossibilité de contrôler effectivement ce genre d'affaires. Le Vorort et le VSM émettent des doutes quant à la légitimité du principe consistant à étendre le régime du permis aux affaires de courtage. Ils estiment que le contrôle général du courtage est disproportionné, attendu que beaucoup d'entreprises y dépenseraient en formalités administratives un temps et une énergie excessifs et que, de surcroît, il ne serait pas possible de s'assurer que cette disposition a été respectée. En revanche, le PS, par exemple, est satisfait de constater que le contrôle du courtage est inclus dans la loi et il souhaite même le renforcement de la réglementation proposée dans Pavant-projet.

1277

Actuellement, le contrôle du courtage, autrement dit l'application du régime du permis au courtage, n'est prévu ni par les accords internationaux ni par les régimes de contrôle non obligatoires en droit international. Le Conseil fédéral est néanmoins autorisé par le présent projet de loi à imposer le régime du permis aux affaires de courtage. Mais il ne pourrait faire usage de cette prérogative que si l'exécution d'un accord ou le soutien à des i mesures de contrôle non obligatoires du point de vue du droit international l'exigeaient.

Il est vrai que les affaires de courtage, quand elles concernent des pays n'appartenant pas à l'OCDE, font déjà l'objet d'un contrôle dans le cadre de 1'"ordonnance ABC". Cette exigence du permis s'explique par le fait que. l'ordonnance a été rédigée à un moment où l'on supputait que certains régimes internationaux de contrôle instaureraient des mesures de contrôle du courtage. Ils ne l'ont pas fait. Les raisons en sont triples: ces affaires doivent relever de la responsabilité du pays exportateur, d'une part, et le courtage des biens à double usage pose généralement moins de problèmes que celui du matériel de guerre, d'autre part. A quoi s'ajoute que le contrôle du courtage n'est guère possible. Nous avons toutefois renoncé à supprimer cette disposition, considérant la validité limitée de l'"ordonnance ABC" et le fait que les demandes de permis relatives à des affaires de courtage n'excèdent pas 1 pour cent du total.

Il faut par ailleurs relever que toutes les activités, dont le courtage d'armes ABC et de biens à double usage, lesquels sont destinés au développement ou à la production de ces armes tombent sous le coup de l'interdiction stipulée à l'article 7, 1er alinéa, lettres a et c, du projet de nouvelle loi sur le matériel de guerre. Une violation de cette interdiction serait punie de la réclusion jusqu'à dix ans ou de la prison, aux termes de l'article 32 de cette même loi. Le courtage de biens à double usage susceptibles, par exemple, de servir à développer ou à fabriquer des armes de destruction massive serait donc ainsi interdit, même si son contrôle n'est pas envisagé au niveau international.

Il a été proposé, toujours dans le cadre de la procédure de consultation, de donner au Conseil fédéral la compétence de soumettre aussi au régime du permis le
financement de marchandises et de technologies par des personnes physiques et juridiques établies en Suisse, indépendamment du lieu où sont effectués le transfert et le courtage.

Les instances internationales de contrôle des exportations n'envisagent pas, quant à elles, de contrôler le financement du commerce des biens à double usage. De tels contrôles n'empêcheraient guère les financements illégaux. De plus, ils induiraient pour les banques un surplus de travail

1278

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administratif tout à fait disproportionné. Il faudrait d'interminables investigations pour arriver à clarifier si la marchandise financée tombe ou non sous le coup de la nouvelle loi, à moins que la banque n'éprouve des doutes fondés ou ait même connaissance de la véritable nature du marché en question. Pour ce qui est des machines-outils, principaux biens à double usage exportés par la Suisse, la réponse dépend de différents paramètres techniques, qui ne peuvent être fournis qu'une fois la machine terminée, quand la question du financement est depuis longtemps résolue. Et surtout, quand il s'agit d'un bien qui ne touche pas le territoire de la Suisse, il est pratiquement impossible à la banque de se rendre compte si ce bien tombe ou non sous le coup de la présente loi puisque les pays qui ne font pas partie du groupe des pays fournisseurs nucléaires seraient bien incapables de déterminer si ladite machine - pour s'en tenir à cet exemple - est soumise au régime. Enfin, il serait impossible de mettre en pratique une autre exigence exprimée au cours de la procédure de consultation, à savoir l'inclusion, dans la notion de financement, des mouvements de fonds qu'impliqué le trafic des paiements (demandes de bonification, confirmation d'accréditifs, garanties, encaissements documentaires). Quand les banques servent seulement d'offices de paiement, elles ne savent généralement pas à quelle affaire se rapporte un paiement.

Renoncer, dans là présente loi, à contrôler le financement ne signifie pas pour autant autoriser celui de biens à double usage destinés à la fabrication d'armes de destruction massive. Comme on l'a dit plus haut, l'article 7, 1er alinéa, lettre c, du projet de nouvelle loi sur le matériel de guerre interdit d'encourager toute activité liée aux armes de destruction massive. Il couvre le financement intentionnel ou par négligence de biens à double usage pouvant servir à fabriquer des armes ABC.

132.4

Mesures visant certains pays de destination

Le PSS et l'USS craignent que les mesures prévues par le projet de loi à l'encontre de certains pays de destination ne rendent plus difficile, pour ne pas dire impossible, l'accès de pays peu développés à la haute technologie occidentale. Ils veulent éviter que la loi sur les biens à double usage n'entraîne une discrimination des Etats peu développés. Les associations économiques, de leur côté, veulent bénéficier de tolérances et de licences générales, pour autant qu'elles existent au niveau international. Elles demandent aussi que les éventuelles mesures d'embargo, en raison de leur portée, soient appliquées de manière très restrictive et qu'elles soient limitées dans le temps.

1279

Le transfert dans des pays peu développés d'une technologie liée à des projets civils n'est nullement limité de manière discriminatoire par le présent projet de loi. Ce ne sont pas les seuls pays de l'OCDE qui pratiquent des mesures internationales de contrôle, mais tout aussi bien des pays de l'ancien bloc soviétique et des pays nouvellement industrialisés. Les régimes sont ouverts en principe à tous les Etats qui veulent bien en respecter les engagements. Mais il est de fait qu'un certain nombre de pays du Tiers monde, s'inspirant d'une politique de puissance, font tout ce qu'ils peuvent pour développer des armes de destruction massive; et quand ces efforts aboutissent, presque toujours sous le couvert d'activités "civiles", on a beau jeu, en Suisse, d'accuser ouvertement des contrôles insuffisants.

Enfin, il faut préciser très clairement que le refus total de permis pour certaines destinations (embargo) ne peut intervenir que dans une concertation internationale, telle que la prévoit, par exemple, la Convention sur les armes chimiques.

132.5

Retrait du permis

Divers cantons (ZH, LU, ZG, SH, GR, TI, VD), partis (PRD) et organisations (Vorort, VSM, FSE) demandent qu'une réglementation permette à la Confédération de dédommager le détenteur d'un permis qui se le verrait retirer pour des raisons politiques, sans que sa bonne foi soit en cause.

A cela, il faut répondre que l'exercice des droits en dommages et intérêts est du domaine de la responsabilité civile de l'Etat (loi sur la responsabilité, RS 170.32). En vertu de cette loi, la Confédération répond des dommages qu'un fonctionnaire dans l'exercice de sa fonction cause à des tiers en violation du droit, sans égard pour la culpabilité de ce fonctionnaire (art. 3, 1er al., de la loi sur la responsabilité). L'extension de cette responsabilité civile de l'Etat à des dommages causés sans qu'il y ait eu violation du droit créerait un précédent aux conséquences imprévisibles.

Pour s'assurer contractuellement contre le retrait d'un permis, un exportateur devrait dans tous les cas faire les réserves adéquates sur la livraison. Quant au reste, la réglementation prévue par la loi correspond à celle de F"ordonnance ABC", laquelle a donné toute satisfaction jusqu'ici.

Les exportateurs connaissent les pays critiques et savent que les livraisons à destination de ces pays présentent des risques plus élevés, puisqu'il faut y inclure celui d'un possible retrait du permis.

1280

132.6

Obligation de renseigner et contrôles

Les organes consultés critiquent les contrôles prévus, qui vont à leur avis trop loin puisque, effectués en partie sans autorisation judiciaire, ils empiètent sur des droits fondamentaux inscrits dans la constitution.

La réglementation prévue correspond à l'article 12 de l'"ordonnance ABC".

On trouve dans d'autres lois des dispositions comparables (cf. ch. 224.2).

133

Modifications par rapport à l'avant-projet

La plupart des dispositions du présent projet de loi ont été modifiées, en partie quant au fond, en partie quant à la forme, suite à la procédure de consultation et à l'évolution constatée sur le plan international. Le projet s'articule en outre différemment. Dans la mesure du possible, on a fait coïncider avec le projet de nouvelle loi sur le matériel de guerre le texte des articles correspondants.

Les deux articles consacrés au but et au champ d'application ont été remaniés, ce qui les rend plus compréhensibles. L'article 3 a été complété par la définition du terme de "biens". Sont considérés comme des "biens", les marchandises, les technologies et les logiciels. Là où c'était possible, le texte a été simplifié. Aux articles 4 et 5 on ne parle plus que d'accords internationaux et de mesures de contrôle non obligatoires du point de vue du droit international puisque les articles 1er et 2 précisent clairement le but et le champ d'application; L'article 6 de l'avant-projet mis en consultation (Cas d'urgence) a été biffé puisqu'il a été décidé d'exercer des contrôles sur l'utilisation finale de biens ne figurant pas nommément dans l'annexe d'une ordonnance d'exécution de la loi (cf. ch. 213). L'article 6 (art. 7 de l'avant- projet) a été rendu plus explicite par l'adjonction de l'adjectif "envisagée": activité envisagée. Les lettres b et c ont en outre été fondues en une seule, pour marquer le lien avec les articles 4 et 5. A l'article 8, 2e alinéa (art. 9, 2e al., de l'avant-projet), on spécifie maintenant clairement les Etats qui peuvent bénéficier d'allégements ou faire l'objet d'exceptions prévues par le Conseil fédéral. Dans l'article 10 (art. 11 du projet mis en consultation), sur le modèle de la nouvelle loi sur le matériel de guerre, un nouvel alinéa 4 a été introduit, qui concerne la préservation du secret de fonction.

L'article 12 (émoluments) de l'avant-projet a été purement et simplement supprimé, puisque les émoluments prélevés dans le domaine des biens à double usage ne concernent plus que certaines prestations spéciales, et

83 Feuille fédérale. 147e année. Vol. II

1281

reposent sur l'article 4 de la loi fédérale instituant des mesures destinées à améliorer les finances fédérales (RS 611.010). Par analogie avec le projet de nouvelle loi sur le matériel de guerre, l'article 14, 1er alinéa (art. 15, 1er al., de Pavant-projet) s'est enrichi des lettres c et e. L'article 20, 1er alinéa (art. 21, 1er al., de F avant-projet) a été complété par un "devoir de discrétion" qui équivaut au secret de fonction.

2

Partie spéciale

21

Principaux éléments du projet de loi

En dépit du Traité de non-prolifération, de la Convention sur les armes bactériologiques et de celle sur les armes chimiques, le nombre des Etats qui veulent produire eux-mêmes des armes de destruction massive et des vecteurs ne cesse d'augmenter. Au chapitre des armes conventionnelles aussi, certains pays essaient de fabriquer ou de se procurer au marché noir les biens d'armement qu'ils ne peuvent pratiquement plus acquérir par les voies officielles, en raison de la menace qu'ils font peser sur leur région et au-delà. Cette course aux armements n'est pas sans conséquences sur la situation de la politique de sécurité internationale, partant, sur celle de la Suisse.

La loi que nous vous proposons doit contribuer à faire échec à ce développement puisqu'elle autorise le Conseil fédéral à prendre les mesures de contrôle adéquates. Celles-ci découlent d'une part de l'exécution d'accords internationaux que la Suisse a ratifiés. Il s'agit d'autre part de mesures que la Suisse n'est pas contrainte de prendre du point de vue du droit international, mais qu'elle juge nécessaire d'appliquer pour appuyer, dans l'intérêt même de notre pays, des mesures internationales de contrôle portant sur les armes, conventionnelles et non conventionnelles.

Les deux domaines ont pour point commun qu'ils impliquent des procédures internationales de contrôle dans le domaine des produits de la technologie de pointe. A l'origine, il y a la conviction que ces contrôles, qui touchent un domaine éminemment délicat, ne sont efficaces que s'ils disposent d'un soutien multilatéral aussi étendu que possible, que celui-ci prenne la forme d'accords internationaux ou de mesures similaires, non obligatoires du point de vue du droit international, mais adoptées par un très grand nombre de pays, qui en sont convenus au sein d'organes de contrôle internationaux.

1282

211

Application d'accords internationaux

Parmi les accords internationaux dont l'application passe par la présente loi, on ne compte pour l'heure que la Convention sur les armes chimiques (cf. ch. 112.3). La loi, qui remplacera l'arrêté fédéral du 7 octobre 1994 concernant l'exécution de la convention sur les armes chimiques (FF 1994 lu 1856), pour autant que le Conseil fédéral en décide la mise en vigueur avant celle de la présente loi, constituera aussi la base juridique autorisant l'exécution de décisions des organes de ladite convention, tels que la conférence des Etats parties, par exemple.

L'application du Traité de non-prolifération (cf. ch. 112.1) intervient, en revanche, par le biais de la législation sur l'énergie nucléaire. Jusqu'à nouvel ordre, la présente loi ne s'appliquera pas non plus à la Convention sur les armes bactériologiques (cf. ch. 112.2) puisque celle-ci, du moins dans sa version actuelle, n'institue pas de mesures de contrôle. Mais on peut imaginer une évolution qui irait dans ce sens, l'application de ces contrôles tombant alors sous le coup de cette loi.

212

Soutien d'autres mesures internationales de contrôle

Le Conseil fédéral doit aussi être autorisé à soutenir, par des mesures adéquates, les mesures internationales de contrôle, non obligatoires du point de vue du droit international, et portant sur les biens à usage militaire aussi bien que civil. Au premier chef figurent les mesures mises au point dans des régimes internationaux de contrôle, avec la participation de la Suisse.

Actuellement, la Suisse fait partie du Groupe des pays fournisseurs nucléaires (cf. ch. 113.11), du Groupe d'Australie (cf. ch. 113.12) et du Régime de contrôle de la technologie des missiles (cf. ch. 113.13). Ces régimes ont pour but de coordonner les mesures de contrôle relatives à l'exportation de biens susceptibles de servir à la dissémination d'armes de destruction massive et de leurs vecteurs. Comme on l'a déjà dit, ils jouissent d'un appui étendu. La présente loi devra permettre au Conseil fédéral d'arrêter des mesures qui tiennent compte des mesures de contrôle convenues au sein de ces groupes, afin d'en assurer la coordination internationale.

Les trois régimes de contrôle cités se proposent d'empêcher la dissémination des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, ou de les interdire. Mais la Suisse doit aussi tenir compte de mesures de contrôle

1283

prônées par d'autres régimes internationaux. A ce propos, il convient de rappeler le régime qui doit succéder au Cocom, dissous le 31 mars 1994 (cf. ch. 113.3). Le Conseil fédéral décidera en temps voulu si, et dans quelle mesure, il convient de procéder aux contrôles préconisés par ce régime.

213

Genre de mesures de contrôle et biens qui y sont soumis

Ne sont compris dans le champ d'application de la loi que les biens qui peuvent servir à des buts civils aussi bien que militaires. On fait ainsi une délimitation claire par rapport au projet de nouvelle loi sur le matériel de guerre et par rapport à la loi sur l'énergie atomique. La première saisit les biens à usage militaire qui, en principe, ne sont pas utilisés à des fins civiles, alors que la seconde constitue la base légale pour les biens nucléaires au sens propre. Donc, s'il s'agit de biens qui ne sont pas soumis à la loi sur l'énergie atomique niais qui peuvent servir à fabriquer des armes nucléaires, c'est la présente loi qui s'applique.

Sont soumis à la présente loi les biens que la Suisse s'est engagée à contrôler sur la base des accords internationaux. Dans l'immédiat, ces engagements découlent exclusivement de la Convention sur les armes chimiques, qui a été ratifiée le 10 mars 1995. En dehors des obligations de droit international, le Conseil fédéral décide des mesures que la Suisse appliquera en vertu des divers régimes internationaux de contrôle, et quels biens en particulier tombent sous le coup de la présente loi.

Pour ce qui est de la Convention sur les armes chimiques, le présent projet de loi doit donner au Conseil fédéral la compétence d'édicter les mesures d'exécution nécessaires. Vu la nature spéciale de cette convention, qui ne se limite pas aux contrôles transfrontaliers, cette compétence va plus loin que celle de promulguer des prescriptions en vue de soutenir d'autres mesures internationales de contrôle. Comme le prévoit la Convention sur les armes chimiques, le Conseil fédéral peut, en sus des règles relatives au commerce international, ordonner des mesures concernant la fabrication, le stockage et le transfert de biens, ou édicter des prescriptions concernant des inspections. Cette compétence ne lui appartient pas, par contre, quand il s'agit de mesures internationales de contrôle que la Suisse soutient alors même qu'elles ne relèvent pas du droit international.

Quant à savoir quelles mesures prévues par la loi il convient d'ordonner, cela dépend des prescriptions des accords et des arrangements dont sont convenus les régimes internationaux de contrôle. La principale est sans doute le régime du permis appliqué aux exportations. Et là, il faut

1284

distinguer entre les exportations vers des Etats partenaires, qui peuvent être exemptées du permis, et les exportations vers des Etats tiers, qui requièrent en général des licences individuelles. Il convient alors d'examiner si des exportations vers des Etats tiers ne posant pas de problèmes peuvent bénéficier d'allégements, tels que des procédures facilitées ou des licences générales.

Dans l'ordonnance d'application de la loi, la plupart des biens à double usage soumis à un contrôle seront énumérés et spécifiés. L'ordonnance contiendra également une clause précisant que l'exportation de biens qui ne figurent pas nommément dans les listes de l'ordonnance d'application est, dans certains cas, soumise au régime du permis, s'il est présumé que les biens en question serviront au développement, à la production ou à l'usage d'armes de destruction massive ou de leurs vecteurs. Le désir légitime de prévenir le mauvais usage de ces biens sera comblé par un contrôle de l'utilisation finale. Uri tel contrôle implique d'une part que l'exportateur sera informé à l'avance par les autorités qu'un bien sensible destiné à un certain pays requiert un permis d'exportation, parce qu'on suppose qu'il est destiné, par exemple, au développement ou à la fabrication d'armes de destruction massive ou de leurs vecteurs. D'autre part, il exige de l'exportateur qu'il demande un permis d'exportation aux autorités compétentes, s'il sait ou devait savoir que le bien destiné à l'exportation sera utilisé, par exemple, pour le développement ou la fabrication d'armes de destruction massive ou de leurs vecteurs. On ne demande pas à l'exportateur de se livrer à dés recherches particulières. Le simple fait de savoir devrait suffire, comme c'est le cas en Allemagne.

Pour ce qui est des biens soumis au régime du permis, un exportateur est tenu aujourd'hui déjà d'avertir les autorités suisses chargées du contrôle des exportations, s'il sait qu'un bien est destiné à la fabrication d'armes ABC ou de leurs vecteurs. Il s'agit ici d'étendre cette obligation aux biens dont on peut présumer, alors qu'ils ne figurent pas sur une des listes relevant de cette loi, que, dans un cas concret, ils seront utilisés pour fabriquer des armes de destruction massive ou leurs vecteurs. On pourrait imaginer, par exemple, qu'un tunnelier ou une haveuse pour,
qui pourrait servir à la construction d'une usine souterraine de production de gaz de combat, donne lieu à un contrôle de son utilisation finale, puisque l'exportateur a connaissance de cette utilisation possible ou en a été informé par les autorités responsables de l'octroi des permis. En revanche, des exportations non sensibles, comme celles de matériel de bureau, par exemple, ne seraient pas soumises au contrôle de l'utilisation finale, étant entendu que ce matériel ne peut pas servir au développement, à la fabrication ou à l'utilisation d'armes de destruction massive ni de leurs vecteurs. Dans ce contexte, il faut rappeler que cette clause est de toute

1285

manière sans objet pour la plupart des pays, qu'on ne saurait soupçonner de développer ce genre d'armes.

Quand il est difficile d'évaluer la situation, le contrôle de l'utilisation finale devrait inciter l'exportateur à rechercher le dialogue avec les autorités responsables du contrôle des exportations. C'est un moyen pour lui de s'assurer qu'il ne contrevient pas à l'article 7, 1er alinéa, lettre c, du projet de nouvelle loi sur le matériel de guerre, donc d'augmenter sa sécurité juridique. Une telle mesure d'intervention permet aux autorités, de leur côté, de réagir rapidement à des situations particulières, sans devoir adapter sans cesse les listes de biens. Elle permettra aussi de les réduire au minimum. C'est notamment dans le caractère préventif d'une telle disposition .que réside sa valeur particulière.

A l'exception du Canada, tous les pays industrialisés occidentaux appliquent les contrôles de l'utilisation finale (Etats-Unis, UE probablement à partir du 1er juillet 1995, Argentine) ou travaillent à en mettre au point (Japon, Australie). Compte tenu du fait que, dans un proche avenir, presque tous les pays industrialisés occidentaux effectueront des contrôles de l'utilisation finale, il est important pour la Suisse de disposer d'un tel instrument, pour ne pas devenir une plaque tournante pour des exportations illégales.

En élaborant une ordonnance d'exécution, le Conseil fédéral tiendra compte des expériences que les autres pays ont faites dans ce domaine. Un échange régulier d'informations sur cette clause se pratique au sein des régimes internationaux de contrôle. L'ordonnance fera de toute façon l'objet d'une procédure de consultation.

214

Raisons justifiant le refus du permis

La loi précise les critères justifiant le refus du permis. Il ne s'agit pas de dispositions facultatives. Si les faits indiqués dans la loi sont avérés, aucun permis n'est délivré, à condition évidemment que les biens soient soumis au régime du permis.

On refusera le permis si l'activité envisagée contrevient aux accords internationaux. La Convention sur les armes chimiques, par exemple, interdit l'exportation de certains produits chimiques vers des Etats non contractants, et pour certains d'entre eux, prévoit un délai d'attente de trois ans.

1286

On refusera également le permis "si l'activité envisagée contrevient aux objectifs de mesures de contrôle internationales non obligatoires du point de vue du droit international soutenues par la Suisse". La Suisse soutient présentement les mesures de contrôle préconisées par le Groupe d'Australie, le Groupe des pays fournisseurs nucléaires et le Régime de contrôle de la technologie des missiles, qui ont pour but la non-dissémination d'armes de destruction massive et de leurs vecteurs, ou leur interdiction. Une fois les négociations terminées, le Conseil fédéral décidera de l'éventuelle adhésion de la Suisse au Nouveau Forum. Celui-ci a pour objectif d'empêcher les Etats qui, par leur armement, représentent une menace militaire pour la région alentour et au-delà, de se procurer des armes conventionnelles ainsi que des biens à double usage permettant d'en fabriquer. Lors de l'examen des demandes de permis d'exportation, on se basera notamment sur les renseignements concernant des destinataires finals et des intermédiaires critiques, qui s'échangent dans le cadre de ces régimes.

A ce propos, s'est posée la question de savoir si le fait de restreindre des exportations vers des pays qui, par l'usage militaire qu'ils pourraient faire des biens qu'ils ont acquis, constitueraient une menace pour la paix régionale et au-delà, pourrait être interprété comme une violation de notre neutralité. D'une manière générale, on peut dire que les mesures de contrôle visant à préserver la paix globale ou régionale ne sont pas en contradiction avec le principe de la neutralité. Le droit de la neutralité ne connaît pas un devoir explicite de neutralité économique. D laisse la pleine liberté aux pays neutres de formuler leur politique économique extérieure comme bon leur semble. La neutralité suisse pourrait être touchée si une instance non universelle décrétait des sanctions contre une des parties à un conflit armé,, c'est-à-dire des sanctions qui ne présenteraient pas le caractère d'une action internationale de police. Dans un conflit armé, le droit de la'neutralité exige que les parties au conflit bénéficient de l'égalité de traitement, si l'Etat neutre limite ou interdit le commerce des biens qui, par essence, servent principalement ou exclusivement à des objectifs militaires. Il est évident que, dans ce cas, les devoirs découlant pour la Suisse de sa neutralité reconnue en droit international primeraient.

1287

22

Commentaire des dispositions

221

But et champ d'application (art 1er et art 2)

Aux termes de l'article 7er, la loi vise le contrôle des biens utilisables à des fins civiles aussi bien que militaires (biens à double usage), en application de mesures internationales de contrôle.

Le champ d'application se limite aux biens à double usage qui font l'objet d'accords internationaux ou qui sont désignés par le Conseil fédéral, en application des mesures internationales de contrôle non obligatoires du point de vue du droit international.

Parmi les accords internationaux mentionnés à l'article 2, 1er alinéa, on ne compte actuellement que la Convention sur les armes chimiques (cf. ch.

112.3 et 223.1). Quant aux mesures internationales de contrôle auxquelles fait allusion l'article 2, 2e alinéa, la Suisse applique actuellement celles du Groupe d'Australie, du Groupe des pays fournisseurs nucléaires et du Régime de contrôle de la technologie des missiles, lesquels coordonnent les contrôles à l'exportation dans le domaine des armes de destruction massive et de leurs vecteurs. Le Conseil fédéral doit décider s'il convient de soutenir les mesures de contrôle préconisées par d'autres régimes internationaux et si oui, dans quelle mesure. Il s'agira notamment de la participation au Nouveau Forum, pour autant que certaines conditions soient remplies (cf. ch. 212). Les Etats participant aux négociations ont l'intention de contrôler et, si nécessaire d'interdire, l'exportation des armes conventionnelles et des biens à double usage pouvant servir à en fabriquer, vers certains pays qui menacent la paix.

Les listes de biens suivants devraient faire l'objet des mesures de contrôles prévues par la nouvelle loi: Listes de biens

Base internationale

1.

Produits chimiques (listes 1 à 3)

Convention sur les armes chimiques

2.

Substances chimiques

Groupe d'Australie

3.

Agents biologiques

Groupe d'Australie

4.

Installations chimiques

Groupe d'Australie

1288

jf

5.

Installations biologiques

Groupe d'Australie

6.

Matériaux nucléaires à double usage

Groupe des pays fournisseurs nucléaires

7.

Technologie des missiles

Régime de contrôle de la technologie des missiles

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; f j'

j

1

A l'exception de quelques substances figurant sur les trois listes de produits chimiques (liste 1), ces biens sont déjà soumis à des mesures de contrôle, soit en vertu de la loi actuelle sur le matériel de guerre (listes 2 et 3), soit de ('"ordonnance ABC" (listes 4 à 7). Si le Nouveau Forum voit le jour et que le Conseil fédéral décide d'y adhérer, des biens industriels propres à la fabrication d'armes conventionnelles et d'autres biens civils utilisables à des fins militaires, pour autant qu'ils fassent l'objet d'un contrôle par les pays membres de ce régime, tomberaient sous le coup de la loi. Ces biens correspondraient à peu de choses près à ceux de la liste de la partie 111 de l'annexe de l'ordonnance du 22 décembre 1993 sur ·l'exportation et le transit de produits (RS 946.221; RO J994 426). Mais cette nouvelle liste devrait comporter moins de rubriques.

L'article 2, 3e alinéa précise que la loi ne s'applique que dans la mesure où ni la loi fédérale du ... sur le matériel de guerre (RS 514.51) ni la loi fédérale sur l'énergie atomique du 23 décembre 1959 (RS 732.0) ne sont applicables.

222

Définitions (art 3)

Dans la présente loi, la notion de biens comprend les marchandises, les technologies et les logiciels.

La notion de technologie correspond à la définition actuellement utilisée dans les divers arrangements sur les contrôles à l'exportation non obligatoires en droit international. Il s'agit d'informations qui servent à développer, à produire ou à utiliser un bien. Elles incluent la documentation et l'appui techniques.

Pour définir le courtage, on a repris la formulation de la loi sur l'énergie atomique et du projet de nouvelle loi sur le matériel de guerre.

1289

223

Mesures de contrôle

223.1

Application d'accords internationaux (art 4)

L'article 4 sert de fondement national à l'application des accords internationaux ratifiés par la Suisse. A l'heure actuelle, cela ne concerne que la Convention sur les armes chimiques, qui prévoit le contrôle de certains produits chimiques (fabrication, entreposage, transfert, importation, exportation), des installations de production et autres installations (cf. message concernant la Convention sur les armes chimiques in FF 1994 DI Iss.). Cette convention s'adresse aux Etats en soi, non aux personnes qui lui sont juridiquement soumises. Elle n'est donc pas directement applicable ("self-executing").

Les mesures d'exécution de la Convention sur les armes chimiques sont si précisément énoncées (mode et étendue des déclarations, procédures d'inspection, etc.), qu'elles ne laissent aux Etats membres qu'une marge de manoeuvre législative très étroite. Comme le Conseil fédéral est seulement autorisé à faire appliquer la convention et qu'il ne peut prendre aucune mesure allant au-delà, la compétence qui lui est déléguée est des plus restreintes. Mais elle lui permettra de soumettre également à la présente loi l'application de mesures de contrôle découlant d'autres accords éventuels.

Il ne sera donc plus nécessaire de créer à chaque fois la base juridique d'application de tels accords.

223.2

Soutien d'autres mesures internationales de contrôle (art 5)

Le Conseil fédéral est également habilité, en dehors des obligations de droit international, à soutenir des mesures internationales. Mais cette compétence est plus limitée que celle qui lui est accordée pour appliquer des accords.

La principale mesure prévue par les articles 4 et 5 est le régime du permis.

Celui-ci est notamment requis pour l'exportation de biens. Quand le pays étranger fournisseur de ces biens exige une déclaration officielle sur la destination finale, la Suisse doit pouvoir délivrer un certificat d'importation, comme c'est déjà le cas depuis 1951. C'est par ce moyen que l'Etat contrôle l'importation de ces biens. Le transit doit également être surveillé, au moins par sondages, comme on le fait déjà, afin que la Suisse ne serve pas de ,voie de contournement permettant d'échapper aux restrictions à l'importation décidées par les pays d'origine. Enfin, le

1290



:

Conseil fédéral est également autorisé à contrôler les opérations de courtage (cf. ch. 132.3).

La prise de toutes ces mesures présuppose leur coordination ou, comme dans le cas du contrôle de l'utilisation finale, leur application au niveau international.-Dans les deux cas, si la Suisse restait en marge, elle pourrait être utilisée comme plaque tournante.

Comme on l'a indiqué à plusieurs reprises, les régimes internationaux sont actuellement le Groupe des pays fournisseurs nucléaires, le Groupe d'Australie et le Régime de contrôle de la technologie des missiles. Pour les biens servant à fabriquer des armes conventionnelles, la tâche du contrôle reviendra au Nouveau Forum, régime successeur du Cocom, pour autant qu'il devienne réalité et que la Suisse en fasse partie.

De plus, l'article 5 (de même que l'art. 4, si la chose est prévue par les accords internationaux) autorise le Conseil fédéral à instituer, par voie d'ordonnance, un contrôle de l'utilisation finale. Comme on l'a expliqué au chiffre 213, l'exportation de biens qui ne sont pas répertoriés individuellement dans une ordonnance d'exécution de la présente loi est soumise au régime du permis, si l'exportateur a été préalablement informé par les autorités du pays que ces biens serviront au développement, à la fabrication ou à l'utilisation d'armes de destruction massive ou de leurs vecteurs ou si l'exportateur sait ou devait savoir qu'ils sont destinés à cet usage.

223.3

Refus et retrait de permis (art 6 et 7)

Selon l'article 6, lettre a, le permis est refusé si l'activité envisagée contrevient à des accords internationaux. Il s'agit en l'occurrence de la Convention sur les armes chimiques. Celle-ci ne permet pas, par exemple, qu'on livre certains produits chimiques à des Etats non contractants ou qu'on les leur livre en les faisant transiter par un pays tiers. Des demandes de permis portant sur ces produits devraient donc être refusées, qu'il y ait lieu ou non de supposer que, dans tel cas particulier, ceux-ci seront utilisés à la fabrication d'armes chimiques.

Le refus de permis selon ['article 6, lettre b, à la différence de la lettre a, n'intervient pas sur la base des accords de droit international, mais sur celle des mesures internationales de contrôle non obligatoires du point de vue du droit international, que la Suisse appuie. Un permis est refusé quand l'activité envisagée contrevient aux objectifs de ces mesures.

1291

Selon l'article 7, un permis doit être retiré si, depuis son octroi, les circonstances ont changé de sorte que les conditions de son refus selon l'article 6 sont remplies. Un permis peut être retiré si les conditions et les charges qui l'assortissent ne sont pas respectées. Les circonstances justifiant le retrait d'un permis selon le 2e alinéa doivent être examinées cas par cas. La réglementation prévue dans la loi coïncide avec celle de l'"ordonnance ABC". Les expériences faites dans ce domaine sont satisfaisantes.

223.4

Mesures visant certains pays de destination (art 8)

Dans son éventail de mesures, le projet de loi ne prévoit pas l'interdiction pure et simple qui, appliquée à des biens à double usage, serait inadéquate et disproportionnée. Il est vrai cependant que la Convention sur les armes chimiques ne permet pas l'exportation de certains produits vers des Etats non contractants. Pour ces cas, l'article 8, 1er alinéa, donne au Conseil fédéral la compétence nécessaire. Cette compétence ne vaut que si la présente loi est applicable. Par exemple, les mesures d'embargo décrétées par l'ONU ne tombent pas sous le coup de la loi, si elles n'entrent pas dans son champ d'application.

L'article 8, 2e alinéa, est l'opposé du 1er alinéa. Par cette disposition le Conseil fédéral est autorisé à prévoir des allégements et des exceptions aux mesures de contrôle, notamment en faveur des Etats parties aux accords internationaux selon l'article 4 ou qui appliquent les mesures internationales de contrôle au même titre que la Suisse. Cette disposition répond au principe de proportionnalité. Les allégements, sous forme de licences générales pour les Etats partenaires ou autres pays non critiques, et les exceptions aux mesures de contrôle portant sur de petites quantités par exemple, déchargent aussi bien ceux qui y sont juridiquement soumis que l'administration. Jusqu'à maintenant, dans le cadre de l'"ordonnance ABC", on pouvait dans certains cas (annexes 2 et 3) renoncer à exiger des permis pour les exportations destinées aux pays de l'OCDE. Mais, comme tous les pays de l'OCDE ne font pas partie des régimes de non-prolifération, il faut substituer au critère de l'appartenance à l'OCDE celui de l'appartenance aux régimes.

1292

·S

224 224.1

Surveillance , Obligation de renseigner (art 9)

!

L'obligation, d'après Varitele 9, de fournir des renseignements ou d'accepter des contrôles à la différence de ce que prévoit le projet de nouvelle loi sur le matériel de guerre n'incombe pas uniquement à ceux qui déposent une demande de permis (1er al.), mais à tous ceux qui sont soumis d'une autre manière aux mesures de contrôle de la loi (2e al.). Ces renseignements sont indispensables, non seulement pour juger les demandes de permis, mais surtout pour appliquer la loi dans son ensemble.

Par exemple, le service chargé des contrôles doit pouvoir juger si c'est à juste titre qu'une machine-outil a été exportée sans permis. D faut tenir notamment compte du fait que les contrôles à la frontière se résument aujourd'hui à des sondages, de sorte qu'il n'est pas possible de renoncer aux contrôles à l'intérieur du pays.

224.2

;

1

;

Attributions des organes de contrôle (art. 10)

Les mesures de contrôle prévues au 1er alinéa reflètent la réglementation de l'article 12 de l'"ordonnance ABC". D'autres lois prévoient des contrôles similaires, par exemple l'article 39, 1er et 2e alinéas, de la loi sur l'énergie atomique (RS 732.0), l'article 7, 2e alinéa, de la loi fédérale sur l'alcool (RS 680) et l'article 36, 1er alinéa, de la loi fédérale sur les douanes (RS 631.0). L'article 26, 1er alinéa, du projet de nouvelle loi sur le matériel de guerre prévoit également une disposition identique.

Le 3e alinéa limite le traitement des données. Les organes de contrôle ne peuvent en traiter que dans les limites des objectifs de la loi. En ce qui concerne les données personnelles sensibles, telles qu'elles sont définies à l'article 3, lettre c, de la loi sur la protection des données (RS 235.1), seules peuvent être traitées celles qui concernent des poursuites et des sanctions administratives ou pénales. Les autres données sensibles ne pourront être traitées que si un cas d'espèce l'exige absolument. D faut songer par exemple à la situation qui pourrait être déterminante où, dans un Etat qui engendre la suspicion (voir plus haut, ch. 1), l'intermédiaire ou le destinataire se trouve être un proche du régime, son ennemi, ou appartient à un clan fondamentaliste adepte de la violence.

L'obligation, stipulée au 4e alinéa, de respecter le secret de fonction serait déjà couverte par l'article 320 du CP. Cet alinéa, qui correspond d'ailleurs

1293

à l'article 26, 4e alinéa, du projet de nouvelle loi sur le matériel de guerre, trouve tout de même sa place à l'article 10 afin que soit définie clairement la responsabilité des organes de contrôle, et il contribue de plus à éliminer certaines préoccupations exprimées par l'industrie.

225

Procédure et rapport

225.1

Compétence et procédure (art 11)

Les compétences et les procédures seront réglées par les ordonnances d'exécution de la présente loi. Ces ordonnances auront notamment pour objet la mise en oeuvre de la Convention sur les armes chimiques (contrôles à l'exportation, déclarations, inspections) et les modalités des contrôles des exportations et du transit, à l'appui des mesures internationales de contrôle, non obligatoires en droit international.

Au chapitre des exportations, il est prévu de reprendre la réglementation de l'"ordonnance ABC", qui a fait ses preuves dans la pratique: l'instance responsable de délivrer les permis reste l'Office fédéral des affaires économiques extérieures (Division des importations et des exportations).

Pour les demandes de permis d'une portée fondamentale, notamment politique, FOFAEE décide d'entente avec les services compétents du DFAE, du DMF et du DFTCE et après consultation du DFJP. Des séances interdépartementales de coordination, auxquelles est représentée la Direction générale des douanes, compétente pour le contrôle à la frontière, ont lieu en général tous les quinze jours. Si aucune entente n'est possible, le Conseil fédéral est appelé à trancher sur proposition du Département de l'économie publique.

225.2

Voies de droit (art 12)

Les dispositions de l'article 12 sur les voies de droit obéissent à la procédure administrative ordinaire stipulée à l'article 72 de la loi fédérale sur la procédure administrative (PA; RS 172.021) en liaison avec l'article 100, lettre a, de l'organisation judiciaire (OJ; RS 173.HO). Le Conseil fédéral est désigné comme l'autorité de recours puisqu'il est surtout question ici de politique étrangère et de sécurité. Ces deux domaines sont de la compétence du Conseil fédéral et de ce fait soustraits par l'article 100, lettre a, de l'OJ au domaine d'application du recours de droit administratif au Tribunal fédéral.

1294

.*

225.3

Rapport (art. 13)

Selon cette disposition, le Conseil fédéral renseigne l'Assemblée fédérale sur l'application de la loi dans ses rapports sur la politique économique extérieure. En ce qui concerne les biens. à double usage actuellement soumis à contrôle, il l'a déjà fait, en résumé, dans les rapports 92/1+2 et 93/1+2, et de manière plus complète dans le rapport 94/1+2.

226

Dispositions pénales

226.1

Crimes et délits (art. 14); contraventions (art. 15)

Les peines comminatoires en cas d'infraction correspondent à celles qui punissent des violations comparables du projet de nouvelle loi sur le matériel de guerre. Les délais de prescription valables pour l'article 14 se réfèrent aux articles 70 et ss. du CP.

Un acte peut être délictueux parce qu'il viole la présente loi, mais aussi une ou plusieurs autres lois, comme la loi sur les douanes, la loi fédérale sur les mesures économiques extérieures ou la loi sur le matériel de guerre. Il appartient au juge d'examiner, selon les circonstances propres à un cas particulier, si la sanction d'après les dispositions de la présente loi vaut aussi pour le tort causé par des violations d'autres prescriptions (comsomption) ou si 'l'inculpé doit être jugé d'après plusieurs lois (concours idéal). Si l'action punissable a contribué ou contribue, intentionnellement ou par négligence, à la promotion de projets d'armes de destruction massive, les dispositions pénales de l'article 32 en liaison avec l'article 7, 1er alinéa, lettre c, du projet de nouvelle loi sur le matériel de guerre sont applicables, sur la base de considérations pénales et de la clause de la primauté énoncée à l'article 2, 3e alinéa, de la présente loi. Si des mesures de contrôle sont appliquées suite à une infraction présumée contre l'article cité, elles sont, dans le cas des biens à double usage, du ressort de l'OFAEE, qui sera probablement chargé de délivrer les permis et d'exercer les contrôles. L'OFAEE portera plainte le cas échéant.

226.2

Confiscation de matériel (art. 17)

Afin d'éviter des problèmes d'interprétation quant à la notion de matériel à confisquer qui "menace la sécurité d'êtres humains", comme le présuppose l'article 58 du CP dans sa forme révisée, l'article 17 ne ramène pas la confiscation à cette notion, mais à l'absence de garantie qu'un bien à

1295

double usage sera ultérieurement utilisé conformément au droit. Comme la Confédération est seule compétente en droit administratif et assume donc les frais d'exécution et que la juridiction pénale lui revient, le matériel confisqué lui est dévolu, ou le produit éventuel de sa liquidation.

Le juge prononce la confiscation de valeurs patrimoniales sur la base du nouvel article 59 CP. Une prescription spéciale ne s'impose pas ici. Les valeurs confisquées sont dévolues à la Confédération ou au canton, selon qui dispose (art. 381 CP). Cette réglementation est une sorte de compensation qui bénéficie aux cantons, lesquels n'ont pas la jouissance du matériel réalisé au sens de l'article 17 de la loi.

226.3

Juridiction et obligation de dénoncer (art. 18)

La poursuite et le jugement des infractions sont du ressort de la juridiction pénale fédérale selon le 1er alinéa, comme c'est déjà le cas dans la loi fédérale sur le matériel de guerre, la loi sur l'énergie atomique et, pour des délits, dans l'"ordonnance ABC". Au 2e alinéa est stipulée une obligation de dénoncer les infractions au Ministère public de la Confédération, obligation qui figure également à l'article 19, 2e alinéa de la loi fédérale sur le droit pénal administratif (RS 313.0).

227

Collaboration des autorités

227.1

Entraide administrative (art. 19 et 20)

Ces deux articles règlent l'entraide administrative en Suisse, d'une part, et avec les ' autorités étrangères, les organisations et institutions internationales, d'autre part. Par organisations internationales et instances internationales, il faut entendre celles dont les membres sont des Etats.

L'article 20, 2e alinéa, a pour objet la demande de renseignements à des autorités étrangères et à des organisations internationales. A cette fin, la Suisse peut fournir des données à des services étrangers, qui pourront éventuellement les compléter et donner aux autorités suisses les renseignements nécessaires à une procédure qui a lieu dans notre pays. La fourniture de données telle qu'elle est prévue constitue donc une aide administrative accordée par dès autorités étrangères ou des organisations internationales à la Suisse. Les données (par exemple informations sur les biens, le lieu de destination ou d'utilisation, les personnes impliquées dans la production, la livraison ou le courtage) ne peuvent être ; communiquées

1296

*

que si les autorités étrangères ou les organisations internationales sont liées par le secret de fonction ou un devoir de discrétion équivalent.

Les 3e et 4e alinéas de l'article 20 règlent les conditions de l'aide administrative accordée par la Suisse au bénéfice de l'étranger. Les autorités suisses doivent pouvoir communiquer à certaines conditions des données à des autorités étrangères ou à des organisations internationales, de sorte qu'elles puissent servir dans une procédure étrangère. L'entraide administrative avec les autorités étrangères et les organisations internationales repose sur l'idée de la réciprocité: les autorités suisses ne recevront de l'étranger les renseignements leur permettant d'appliquer la loi que si la Suisse met à la disposition de l'étranger les données nécessaires à l'application des prescriptions étrangères correspondant à la présente loi.

227.2

Service d'information (art 21)

Le Ministère public de la Confédération assure le fonctionnement d'un service d'information. Celui-ci est chargé d'acquérir, de traiter et de transmettre des données, selon les critères indiqués dans la présente loi, le code de procédure pénale, la loi sur la protection des données et les textes juridiques concernant le maintien de la sécurité intérieure, dans la mesure où ces données sont nécessaires à l'application de la loi, à la prévention des infractions et à la poursuite pénale. L'échange de données avec les autorités nationales et étrangères chargées de la poursuite pénale et de la · sécurité y occupe une place prépondérante.

3

Conséquences financières et conséquences sur l'état du personnel

En ce qui concerne le volume d'activités futures, il est difficile de prévoir quel surplus de travail entraîneront la ratification de la Convention sur les armes chimiques et une participation éventuelle au Nouveau Forum.

Toutefois, on peut partir du principe que les services compétents du DFAE, de l'OFAEE, du laboratoire AC de Spiez du DMF et, dans un premier temps, également du ministère public de la Confédération, pourront venir à bout de ces tâches supplémentaires avec les moyens en personnel existants ou grâce à des réallocations internes. S'agissant notamment du Ministère public de la Confédération on peut néanmoins se demander si, à l'avenir, l'établissement prévu d'un service d'information et les nouvelles activités

84 Feuille fédérale. 147e année. Vol. II

1297

en relation avec la prévention des infractions et la poursuite pénale pourront être assurés grâce aux mesures mentionnées plus haut.

4

Législature

Le projet de loi a été annoncé dans le programme de la législature 1991-1995 (FF 7992 m 173).

5

Relation avec le droit européen

En matière de non-prolifération, l'Union européenne (UE) poursuit les mêmes buts que la Suisse. Les Etats de TUE participent activement à l'application des mesures internationales de contrôle. Jusqu'au 1er juillet 1995, les mesures de contrôle ont été mises en oeuvre directement dans les Etats membres de l'UE, puisque sur le plan de l'UE il existait seulement le règlement No. 428/89 du Conseil du 20 février 1989 concernant l'exportation de certains produits chimiques (JOCE No. L 50 du 22 fév.

1989, p. 1). Selon ce règlement, l'exportation de huit substances chimiques nécessitait une autorisation des instances nationales compétentes en matière d'exportation.

En décembre 1994, le Conseil a approuvé le Règlement instituant un régime communautaire du contrôle des exportations à double usage et la Décision relative à l'action commune, adoptée sur la base de l'article J.3 du traité, concernant le contrôle des exportations de biens à double usage. Ils entreront en vigueur le 1er juillet 1995. Cette répartition de la réglementation en un règlement et une action commune dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) se justifie du fait que les décisions concernant le contenu des listes de biens et les destinations, de même que les critères déterminant l'octroi de permis d'exportation, présentent un caractère stratégique et relèvent par conséquent de la compétence des Etats membres. Rappelons à cet égard que les dispositions du nouveau titre V du traité sur l'Union européenne (TUE) instituent une politique étrangère et de sécurité commune (PESC), laquelle s'étend à toutes les questions relatives à la sécurité commune. Il s'agit ici d'une coopération intergouvernementale. Les actions communes engagent les Etats membres dans leurs prises de position et dans la conduite de leur action (art. J. 3, 4e par., TUE).

1298

Dans le cadre du marché intérieur, ces deux actes constituent un premier pas vers la mise en place d'un système commun de contrôle des exportations de biens à double usage.

Les différentes listes communes auxquelles il est fait référence dans le règlement sont annexées à"la décision du Conseil.

Le règlement a pour but d'assurer dans tous les Etats membres un contrôle efficace de l'exportation de biens à double usage. Il s'agit en même temps de garantir la libre circulation de ces biens à double usage au sein de l'UE.

La principale des mesures de contrôle imposées par le règlement figure à l'article 3, qui dit que l'exportation des biens énumérés à l'annexe I de la décision concernant l'action commune est soumise au régime du permis.

L'article 4 ajoute que l'exportation de biens à double usage qui ne sont pas répertoriés dans la liste susmentionnée peut, à certaines conditions, être elle aussi soumise au régime du permis (contrôle de l'utilisation finale).

C'est le cas, d'une part quand l'exportateur a été averti par les autorités de son pays que ces biens sont destinés en tout ou en partie à la fabrication d'armes de destruction massive ou de leurs vecteurs, ou qu'ils pourraient l'être; c'est le cas, d'autre part, quand l'exportateur sait que les biens en question, en tout ou en partie, serviront les mêmes objectifs. Il doit alors en informer les autorités de son pays; celles-ci décident ensuite si la marchandise doit être soumise au régime du permis.

Le permis d'exportation est octroyé conformément aux articles 6 et suivants par les autorités compétentes de l'Etat membre où l'exportateur est établi. Il est valable dans toute la Communauté. Chaque permis d'exportation ou de réexportation est délivré individuellement. Les Etats membres sont autorisés à prévoir des formalités simplifiées pour certains biens ou groupes de biens, par exemple une autorisation générale pour certains pays de destination énumérés dans l'annexe FI de la décision sur l'action commune ou une autorisation globale accordée à un exportateur déterminé. La Suisse figure sur la liste non exhaustive d'Etats de l'annexe IL Les autorités compétentes, pour décider de l'octroi d'un permis d'exportation, tiennent compte des directives communautaires énoncées dans l'annexe III de la décision concernant l'action commune.

Si les
biens qui font l'objet d'une demande de permis d'exportation individuel se trouvent dans un autre Etat membre ou qu'ils s'y trouveront, il faut l'indiquer dans la demande. Dans un tel cas, les autorités responsables de l'octroi du permis dans le premier Etat membre sont tenues de consulter sans délai celles de l'autre Etat. Celles-ci ont dix jours ouvrables pour communiquer aux premières leur éventuelle réserve à

1299

l'octroi du permis, laquelle lie l'Etat membre saisi de la demande d'autorisation.

Si une exportation est susceptible de léser les intérêts essentiels d'un Etat membre, celui-ci peut demander à un autre Etat membre de refuser un permis ou de retirer un permis déjà accordé. Des consultations sans engagement doivent être entamées sans délai et prendre fin également dans un délai de dix jours ouvrables.

Le projet de loi est compatible avec le règlement du Conseil. Cette concordance, notamment dans le domaine des mesures de contrôle et suite à l'introduction d'un contrôle de l'utilisation finale, contribue à ce que la Suisse ne soit pas utilisée comme plaque tournante permettant de se soustraire aux contrôles et à ce que l'économie suisse ne soit pas désavantagée face à la concurrence de l'UE.

6

Constitutionnalité

61

Compétence

La présente loi repose sur la compétence de la Confédération en matière de relations extérieures et sur sa compétence de légiférer en matière de droit pénal, telle qu'elle est prévue à l'article 64bis de la constitution.

En doctrine et en pratique, la Confédération, outre la compétence qui lui est dévolue de conclure des traités de droit international avec les Etats étrangers, est encore tacitement habilitée, de par sa compétence générale en matière de relations extérieures inscrite dans la constitution, à édicter des lois fédérales concernant les relations avec l'étranger (cf. FF 1991 IV 634, 1980 I 1185, 7979 I 664,1973 I 895). Les mesures prévues par le projet de loi servent à préserver les intérêts de la politique étrangère et de sécurité de la Suisse. Elles doivent surtout contribuer à juguler le danger que fait courir à la Suisse aussi l'utilisation inconsidérée des ressources de la haute technologie dans le domaine des armes ABC et de leurs vecteurs.

62

Délégation du droit de légiférer

Le projet de loi autorise le Conseil fédéral à édicter des prescriptions complémentaires par voie d'ordonnance dans les limites posées par la loi.

Dans la mesure où cette autorisation se rapporte à l'exécution d'accords internationaux, elle est limitée aux engagements pris par la Suisse en vertu

1300

de ces accords. Ceux-ci doivent être approuvés par les Chambres fédérales. Pour ce qui est des autres mesures exposées dans le projet, elles présupposent l'existence de mesures internationales de contrôle qu'il est dans l'intérêt même de la Suisse de soutenir. Il faut donc déléguer au Conseil fédéral le droit de légiférer dans ce domaine, afin qu'il ait les moyens de réagir d'une manière rapide, souple et adéquate aux modifications du contexte international et au développement de la technologie de pointe.

1301

Loi fédérale sur le contrôle des biens utilisables à des fins civiles et militaires

Projet

(Loi sur le contrôle des biens, LCB) du

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse,

vu la compétence de la Confédération en matière de relations extérieures; vu l'article 64bis de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 22 février 19951\ arrête:

Section 1: Dispositions générales Article premier

But

La présente loi vise, en application de mesures internationales de contrôle, à contrôler les biens utilisables à des fins aussi bien civiles que militaires (biens à double usage).

Art. 2 Champ d'application 1 Relèvent de la présente loi les biens à double usage qui font l'objet d'accords internationaux.

2 Le Conseil fédéral détermine les biens à double usage qui, faisant l'objet de mesures de contrôle internationales non obligatoires du point de vue du droit international, relèvent de la présente loi.

3 La présente loi ne s'applique que dans la mesure où la loi fédérale du .. .2) sur le matériel de guerre ou la loi fédérale du 23 décembre 19593' sur l'énergie atomique n'est pas applicable.

Art. 3 Définitions 1 Par biens, on entend les marchandises, les technologies et les logiciels.

2 Par technologie, on entend les informations, non accessibles au public et ne servant pas à la recherche scientifique fondamentale, qui sont nécessaires au développement, à la fabrication ou à l'utilisation d'un bien.

3 Par courtage, on entend la création des conditions essentielles en vue de passer des contrats, ou la conclusion elle-même de contrats, lorsque les prestations sont fournies par des tiers, quel que soit le lieu où se trouvent les biens.

") FF 1995 II 1251 > RO . . . (FF 1995 II 1054) > RS 732.0

2

3

1302

Loi sur le contrôle des biens

Section 2: Mesures de contrôle Art. 4 Application d'accords internationaux En application d'accords internationaux, le Conseil fédéral peut: a. instaurer le régime du permis et l'obligation de déclarer, et ordonner des mesures de surveillance concernant: 1. la fabrication, l'entreposage, le transfert et l'utilisation de biens, 2. l'importation, l'exportation, le transit et le courtage de biens; b. établir des prescriptions sur les inspections.

Art. 5 Soutien d'autres mesures de contrôle internationales Afin de soutenir les mesures de contrôle internationales qui ne sont pas obligatoires du point de vue du droit international, le Conseil fédéral peut, pour l'importation, l'exportation, le transit et le courtage de biens: a. instaurer le régime du permis et l'obligation de déclarer; b. ordonner des mesures de surveillance.

Art. 6 Refus du permis Le permis est refusé si l'activité envisagée contrevient: a. à des accords internationaux; b. aux objectifs de mesures de contrôle internationales non obligatoires du point de vue du droit international soutenues par la Suisse.

Art. 7 Retrait du permis 1 Le permis est retiré si, depuis son octroi, les circonstances ont changé de sorte que les conditions du refus, mentionnées à l'article 6, sont remplies.

2 Le permis peut être retiré si les conditions et les charges l'assortissant ne sont pas observées.

Art. 8 Mesures visant certains pays de destination 1 En application d'accords internationaux, le Conseil fédéral peut prévoir qu'aucun permis ne sera délivré pour certains pays de destination.

2 Le Conseil fédéral peut prévoir des allégements ou des exceptions aux mesures de contrôle à l'égard de certains pays de destination, notamment pour: a. les parties contractantes des accords internationaux; ou b. les pays qui participent aux mesures de contrôle internationales non obligatoires du point de vue du droit international soutenues par la Suisse.

1303

Loi sur le contrôle des biens

Section 3: Surveillance Art. 9 Obligation de renseigner 1 Quiconque dépose une demande de permis ou est titulaire d'un permis est tenu de fournir aux organes de contrôle tous les renseignements et documents nécessaires à l'appréciation globale d'un cas ou à un contrôle.

2 Quiconque est assujetti d'une autre manière aux mesures de. contrôle de la présente loi est tenu de fournir les mêmes documents et renseignements.

Art. 10 Attributions des organes de contrôle 1 Les organes de contrôle sont autorisés à pénétrer dans les locaux commerciaux des personnes tenues de fournir des renseignements et de les visiter, pendant les heures habituelles de travail et sans préavis; ils ont aussi le droit de prendre connaissance de tous les dossiers et documents utiles. Ils séquestrent les pièces à conviction. En cas de présomption d'actes punissables, sont réservées des prescriptions plus rigoureuses du droit de procédure.

2 Pour leurs contrôles, ils peuvent faire appel aux organes de police des cantons et des communes ainsi qu'aux organes d'enquête de l'administration des douanes.

En présence d'indices d'infraction à la présente loi, ils peuvent faire appel aux organes de police compétents de la Confédération.

3 Les organes de contrôle sont habilités, dans la limite des objectifs de la présente loi, à traiter des données personnelles. En ce qui concerne les données personnelles sensibles, seules peuvent être traitées les données sur des poursuites ou des sanctions pénales et administratives. Le traitement d'autres données personnelles sensibles est autorisé lorsqu'il est indispensable au règlement d'un cas.

4 Les organes de contrôle sont tenus au secret de fonction.

Section 4: Procédure et rapport Art. 11 Compétence et procédure Le Conseil fédéral désigne les services compétents et règle le détail de la procédure. Le contrôle à la frontière incombe aux organes de douane.

Art. 12 Voies de droit Les décisions sur recours qui se fondent sur la présente loi peuvent faire l'objet d'un recours devant le Conseil fédéral conformément aux articles 72 et suivants de la loi sur la procédure administrative1'.

') RS 172.021 1304

Loi sur le contrôle des biens

Art. 13 Rapport Le Conseil fédéral renseigne l'Assemblée fédérale sur l'application de la présente loi par le biais des rapports sur la politique économique extérieure.

Section 5: Dispositions pénales Art. 14 Crimes et délits 1 Sera puni de l'emprisonnement ou d'une amende de 1 million de francs au plus quiconque, intentionnellement: a. sans être titulaire d'un permis, fabrique, entrepose, transfère, utilise, importe, exporte, fait transiter ou se livre au courtage des marchandises ou n'observe pas les conditions et les charges prévues dans un permis; b. sans être titulaire d'un permis, transfère des technologies ou des logiciels à des destinataires à l'étranger ou se livre à leur courtage ou n'observe pas les conditions et les charges prévues dans un permis; c. dans une demande, donne des indications fausses ou incomplètes alors qu'elles sont essentielles pour l'octroi d'un permis, ou utilise une telle demande faite par un tiers; d. ne déclare pas ou déclare de manière inexacte l'importation, l'exportation, le transit ou le courtage des biens; e. fait ou fait faire le courtage des biens, les livre ou les fait livrer, les transfère ou les fait transférer à un destinataire ou vers un lieu de destination autre que celui qui figure dans le permis; f.

fait parvenir des biens à un tiers, dont il sait ou doit présumer qu'il les transmettra, directement ou indirectement, à un utilisateur final auquel ils ne doivent pas être livrés.

2 En cas d'infraction grave, la peine sera la réclusion pour dix ans au plus. La peine privative de liberté pourra être assortie d'une amende de 5 millions de francs au plus.

3 Si l'auteur a agi par négligence, la peine sera l'emprisonnement pour six mois au plus ou une amende pouvant s'élever jusqu'à 100 000 francs.

Art. 15 Contraventions 1 Sera puni des arrêts ou d'une amende de 100 000 francs au plus, quiconque, intentionnellement: a. refuse de fournir les renseignements, les documents ou l'accès aux locaux commerciaux prévus par les articles 9 et 10, 1er alinéa, ou fait de fausses déclarations; b. contrevient d'une autre manière à la présente loi, à l'une de ses dispositions d'exécution dont la violation est déclarée punissable, ou encore à une décision se référant aux dispositions pénales du présent article, sans que son comportement soit punissable en vertu d'une autre infraction.

1305

Loi sur le contrôle des biens

2

La tentative et la complicité sont punissables.

Si l'auteur agit par négligence, la peine sera une amende de 40 000 francs au plus.

4 L'action pénale se prescrit par cinq ans. En cas d'interruption de la prescription, ce délai ne peut être dépassé de plus de la moitié.

3

Art. 16 Infractions dans les entreprises En cas d'infraction commise dans une entreprise, l'article 6 de la loi sur le droit pénal administratif1^ est applicable.

Art. 17 Confiscation de matériel Le juge prononce, alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable, la confiscation du matériel en cause si aucune garantie ne peut être donnée pour une utilisation ultérieure conforme au droit. Le matériel confisqué ainsi que le produit éventuel de sa liquidation sont dévolus à la Confédération.

Art. 18 Juridiction, obligation de dénoncer 1 La poursuite et le jugement des infractions relèvent de la juridiction pénale fédérale.

2 Les autorités habilitées à délivrer les permis et chargées du contrôle, les organes de police des cantons et des communes, ainsi que les organes des douanes sont tenus de dénoncer au Ministère public de la Confédération les infractions à la présente loi qu'ils ont découvertes ou dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de leurs fonctions.

Section 6: Collaboration des autorités entre elles Art. 19 Entraide administrative en Suisse Les autorités compétentes de la Confédération et les organes de police des cantons et des communes peuvent se communiquer entre eux et faire connaître aux autorités de surveillance compétentes les données nécessaires à l'exécution de la présente loi.

Art. 20 Entraide administrative entre des autorités suisses et étrangères 1 Les autorités fédérales compétentes en matière d'exécution, de contrôle, de prévention des infractions et de poursuite pénale peuvent collaborer avec les autorités étrangères compétentes, ainsi qu'avec des organisations et des enceintes internationales, et coordonner leurs enquêtes, dans la mesure où: >) RS 313.0

1306

Loi sur le contrôle des biens

a.

b.

l'exécution de la présente loi ou de prescriptions étrangères comparables l'exige; et les autorités étrangères, organisations et enceintes internationales en question sont liées par le secret de fonction ou par un devoir de discrétion équivalent.

2

Elles peuvent notamment requérir des autorités étrangères ainsi que des organisations et enceintes internationales la communication des données nécessaires. Pour les obtenir, elles peuvent leur fournir des données sur: a. la nature, la quantité, le lieu de destination et d'utilisation, l'usage, ainsi que les destinataires des biens; b. les personnes qui participent à la fabrication, à la livraison-ou au courtage des biens; c. les modalités financières de l'opération.

3

Si l'Etat étranger accorde la réciprocité, elles peuvent communiquer les données mentionnées au 2e alinéa, d'office ou sur demande, dans la mesure où l'autorité étrangère donne l'assurance que ces données: a. ne seront traitées qu'à des fins conformes à la présente loi, et b. ne seront utilisées dans une procédure pénale qu'à la condition d'être ultérieurement obtenues conformément aux dispositions relatives à l'entraide judiciaire internationale.

4

Les autorités fédérales mentionnées au premier alinéa peuvent également communiquer les données en question à des organisations internationales ou à des enceintes internationales si les conditions prévues au 3e alinéa sont réunies, nonobstant l'exigence de réciprocité.

5 Les dispositions relatives à l'entraide judiciaire internationale en matière pénale sont réservées.

Art. 21 Service d'information Le Ministère public de la Confédération assure le fonctionnement d'un service d'information chargé de l'acquisition, du traitement et de la communication des données nécessaires à l'application de la présente loi, à la prévention des infractions et à la poursuite pénale.

Section 7: Dispositions finales Art. 22 Exécution Le Conseil fédéral arrête les dispositions d'exécution.

Art. 23 Référendum et entrée en vigueur 1 La présente loi est sujette au référendum facultatif.

2

Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur.

N37488

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Message concernant la loi fédérale sur le contrôle des biens utilisables à des fins civiles et militaires (Loi sur le contrôle des biens, LCB) du 22 février 1995

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Bundesblatt

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Feuille fédérale

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1995

Année Anno Band

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19

Cahier Numero Geschäftsnummer

95.016

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

16.05.1995

Date Data Seite

1251-1307

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