359

# S T #

Message du

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant l'article 65 de la Constitution fédérale (peine de mort).

(Du 7 mars 1879.)

Monsieur le Président et Messieurs, I. Le Conseil fédéral ne croit pas de son devoir de discuter» au point do vue des principes, la légitimité, l'admissibilité et l'utilité de la peine de mort. La science, non pas seulement la jurisprudence, mais aussi la psychologie, la théologie et la médecine, ont examiné et éclairé la question de la peine de mort à tant de points de vue, qu'une nouvelle discussion ne pourrait guère amener des résultats nouveaux et féconds.

Le Conseil fédéral doit s'en tenir aux conclusions auxquelles ont abouti les débats qui ont eu lieu au sein des deux Conseils de la Confédération en 1871, 1872, 1873 et 1874, à l'occasion de la révision de la Constitution fédérale, conclusions qui ont trouvé leur expression dans l'art. 65 de la Constitution du 29 mai 1874, adoptée par le peuple suisse. Nous ferons aussi observer que les deux opinions ont été défendues avec chaleur et d'une manière très-complète, bien qu'alors déjà le côté théorique de la question n'eût pas pris trop d'extension.

D'une part, on faisait valoir qu'il existe des hommes d'une perversité telle que la société ne peut se protéger que par leur Feuille fédérale suisse. Année XXXI.

Vol L

28

360

mort ; qu'il était d'autant moins nécessaire d'introduire à cet égard une disposition absolue dans la Constitution, que les tendances humanitaires jJe notre époque avaient déjà restreint l'application de la peine de mort au meurtre prémédité et intentionnel; que les juges et les jurés faisaient usage des circonstances dites « atténuantes » dans une mesure aussi humaine que possible, et que la peine de mort n'était pas non plus prononcée sur de seuls indices; que la condition de l'unanimité ou d'une forte majorité des juges, comme aussi l'exercice du droit de grâce, donnait fréquemment des garanties spéciales.

D'autre part, on rappelait qu'après avoir fait le premier pas en abolissant la peine de mort pour les délits politiques, il fallait faire le second ; on montrait que l'Etat, tout en ayant le droit de mettre le criminel hors d'état de nuire, n'avait pas celui de^ le tuer, ce qui serait un acte de pure vengeance, et l'on ajoutait que la peine de mort avait été abolie dans plusieurs Cantons et que dans d'autres elle n'avait plus été exécutée depuis de longues années, sans que pour cela les crimes précédemment punis de mort eussent augmenté.

Aux yeux de plusieurs, l'admission, dans la Constitution, d'une disposition abolissant la peine de mort semblait discutable, attendu que d'autres peines encore devraient être rejetées comme trop barbares, et que ce point pouvait exercer une influence considérable sur le résultat du vote du peuple suisse. Cependant l'opinion prévalut enfin que la Constitution devait accorder, vis-à-vis de la législation, cette garantie en matière pénale, comme elle en accordait aussi en matière civile.

II. Aujourd'hui la question se pose de la façon suivante : « Les expériences qui ont été faites depuis que la nouvelle « Constitution est entrée en vigueur ont-elles, comme le pretensi dent les pétitionnaires et la motion de M. Freuler, démontré « que le peuple suisse n'est pas en état de supporter à la longue « l'abolition de la peine de mort, et qne le rétablissement de cette « dernière paraît en conséquence nécessaire. » Pour pouvoir répondre à cette question, il a fallu recueillir dans les Cantons différents renseignements statistiques qui permissent d'apprécier avec quelque certitude si l'on peut constater une augmentation véritablement inquiétante des crimes précédemment
punis de mort, en comparant les résultats des années qui se sont écoulées depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution fédérale avec celui d'un certain nombre d'années l'ayant précédée.

En demandant ces renseignements, dont la recherche est, en Suisse

861

aussi, entourée de nombreuses difficultés, nous n'avons pas dû perdre de vue que les autorités cantonales ne pourraient, vu le peu de temps qu'il était possible de leur accorder pour transmettre leurs réponses, fournir que les données les plus saillantes. Nous avons dtì, en conséquence, nous contenter de leur .transmettre un questionnaire peu compliqué et laisser de côté plusieurs questions intéressantes, telle que l'âge des condamnés, leur conduite antérieure, leur « penchant au crime », l'ivrognerie, la débilité d'esprit, la sévérité avec laquelle la peine était exécutée, la qualité des pénitenciers, les circonstances de lien et de temps qui pouvaient avoir exercé une influence sur les crimes, l'extension que prennent parmi le peuple l'amour des jouissances et l'habitude du port d'armes, la nationalité des condamnés, etc., etc. Nous avons aussi laissé au bon vouloir des différentes autorités le soin d'apprécier s'il y avait lieu de caractériser les cas les plus graves, de donner quelques détails sur la durée des peines prononcées, de faire connaître leur opinion sur l'influence exercée par le concours des jurés, et de nous renseigner sur les conditions et les garanties auxquelles était soumise la prononciation des condamnations à mort, ainsi que les dispositions concernant le droit de grâce, etc., etc.

Le questionnaire, communiqué aux autorités cantonales par la circulaire de notre Département de Justice et Police, du 9 janvier l'879, remontait jusqu'à l'année 1851, parce que, précisément pendant les années 1851 à 1853, la misère avait été générale; il comprenait encore l'année 1878 et se divisait en trois rubriques principales : A. Nature et nombre des crimes, savoir: Assassinat, meurtre, infanticide et incendie ayant entraîné mort d'hommes, crimes généralement punis de mort autrefois.

A chacun de ces 4 crimes correspondaient les 3 colonnes suivantes : 1. Cas signalés.

2. Personnes condamnées : a. à mort; &. à la détention.

B. Exécution des condamnations à la peine de mort : a. Exécutions.

b. Commutations de peines.

0. Observations. (Indication des. cas dans lesquels les auteurs des crimes indiqués plus haut n'avaient pu être découverts.)

362

Nous posions encore les questions suivantes : 1. La peine de mort était-elle abolie dans votre Canton lorsque la Constitution fédérale du 29 mai 1874 est entrée en vigueur?

2. La peine de mort avait-elle été abolie a une époque antérieure ; pendant quelles périodes et pour quels motifs avait-elle été rétablie ?

3. Quels étaient les crimes pour lesquels la peine de mort était prévue par la législation en vigueur en dernier lieu, dans votre Canton, jusqu'au 27 mai 1874 ?

Les réponses faites à ces questions présentent des lacunes et des défectuosités considérables et dénotent quelquefois aussi des interprétations différentes. C'est ainsi que quelques Cantons ont indiqué, dans la première colonne des subdivisions de la rubrique A (cas signalés), tous les cas d'assassinat, de meurtre, etc., tandis que d'autres n'ont indiqué que les cas suivis d'une condamnation; le Canton de Berne n'a môme pas rempli cette colonne. Quelques Cantons aussi ont distingué entre les crimes consommés et les tentatives, tandis qu'à l'égard d'autres Cantons il est incertain si leurs données indiquent les premiers seulement ou bien aussi les tentatives. Le Canton du Tessin, qui de 1851 à 1868 n'a signalé que 6 condamnations à mort, n'a pas ajouté combien de ces condamnations ont été exécutées ou commuées*). L'autorité centrale paraît ne pas pouvoir donner d'indications précises à cet égard, parce qu'autrefois les exécutions avaient lieu par district. Le Canton de Pribourg n'a pas rempli la colonne des incendies ayant entraîné mort d'hommes.

Le Conseil d'Etat fait observer qu'il n'a pas pu recueillir de rensaignements sur les cas de cette nature.

Le peu de temps dont nous pouvions disposer ne nous a pas jperrnis, sauf quelques exceptions, de faire compléter ces rapports, ce qui, du reste, n'aurait pas modifié notablement la valeur des conclusions que l'on en peut tirer. En effet, l'indication des cas signalés n'a quelque importance que quand on peut les comparer avec les condamnations. Si on les prenait comme seule base pour calculer le nombre des crimes dirigés contre la vie humaine, on arriverait à des conclusions tout à fait fausses. La simple dénonciation d'un crime ne fournit aucune preuve au sujet des faits réels *) D'après une notice de M. Chicherio. directeur du pénitencier à Lugano, dans la « Rivista di discipline
carcerarie. 1877 », p. 14, disant « que depuis 1853 le bourreau a disparu, toutes les condamnations k mort ayant dès lors été commuées », on pourrait tout au plus supposer que le jugement prononcé en 1852 a été exécuté. Dans le rapport du Canton du Tessin pour la « Capital Punishment Commission» (Report 1860, p. 556), il est dit que, depuis 1840 et même depuis plus longtemps encore, deux jugements seulement ont été exécutés.

363

(il se peut que l'enquête prouve que la mort d'un homme que l'on avait attribuée, en la signalant à l'autorité, à un assassinat, était la suite d'un suicide ou d'un accident ou même d'une cause inconnue) et peut encore moins permettre de qualifier le crime dénoncé d'assassinat, de meurtre, d'homicide commis dans une rixe ou d'homicide par négligence, ce que seul le jugement peut faire d'une manière certaine.

Nous devons, en conséquence, en raison des matériaux qui ont été fournis, nous borner à prendre en considération les condamnations.

Les deux tableaux ci-joints (I. Eécapitnlation, par Cantons, des 4 catégories susindiquées de crimes punis de mort dans la période de 1851 jusqu'à 1873 inclusivement ; II. Récapitulation, par Cantons, des mêmes crimes commis dans la période de 1874 jusqu'à 1878 inclusivement) donnent les résultats suivants : Ont été condamnées de 1851 à 1873, c'est-à-dire pendant une période de 23 années : A mort.

Ala détention.

Ensemble.

Nombre Nombre Nombre de personnes, de personnes, de personnes.

166 Pour assassinat.

66 100 » meurtre .

.

!

4 233 229 11 258 » infanticide 247 » incendie ayant entraîné mort d'hom13 35 mes 22 » incendie 'sans mort d'hommes (AppenzellRh. ext.)

. . .

> vol (Argovié) .

96 598 694 Ont été condamnées de 1874 jusqu'à la fin de 1878 : Ensemble.

A mort.

A la détention.

Nombre Nombre Nombre de personnes. de personnes. de personnes.

Pour assassinat (gracié au , commencement de 57 1874) 1 56 -- 96 » meurtre .

96 60 » infanticide 60 -- .

» incendie ayant entraîné mort d'hommes 15 -- 15 1 227 228

A page 363.

Récapitulation. De 1851 jusqu'à 1873 inclusivement.

UVature et nom/bre des crimes.

en C« O

10

5

38

10 3 3 1

16 5

cS

1

·53

a m jrt.

.1

j

ES

à

OD o3 O

mort.

Personnes condamnées

GQ

-
a

.SP 'cQ

à mort.

M CS O

Observations.

Ont été exécutés.

-

§ o

à mort.

CO

-
Il y a eu commutation de peine.

.SP "55

Personnes condamnées

Personnes C andamnées

ayant entraîné mort d'hommes.

à la détention.

Ts a

1 co ·<» öS ÙO

à la détention.

Personnes condamnées

M ·«

à la détention.

Cantons.

Incendie

Infanticide.

à la détention.

Mei irtre.

Assassinat.

Exécution des condamnations à la peine de mort.

j Zurich

20 . . ' . . .

a

uri Schwyz Unterwalden-le-Haut . . .

Unterwalden-le-Bas Glaris . .

15 2 2 1 4 1

| Berne . .

1 4 1

Zoucr

Soleure Baie-Ville ^ Baie-Campagne .

Scbaffhouse Appenzell-Eh. ext Appenzell-Eh. int 8t-Gall

10

10 4 51

3

"i

7 3 1 1 14'

37 a

1

29 1 9 3 4 4 1 22

1

--

21 18 .

9 3 4 3 1 22

3 19

2 12

8

6

7'

6*

62

123 Î

113

4 I 1 j 32 !

4 1 9

14 1 6

14 6

7 17

12

Thurgovie

12«

5

,î.|

6 2 3

6 8 11*

30 162 36

~

32 12 18

2

6 2

8 10

1

8 9

Tessin j Vaud

Nenehâtel

'"i 7 4

1 \

112 -12»

·

i 1

66

100

1 !

7

.

i I

233 --41 4

11

229 I,

il

248 -1«

! 247 1

10

5

7 4

Grisons Arsovie

a

a

la

a

12

1

a

Le 10me assassin s'est soustrait à l'exécution par le suicide.

N'a pas été indiqué.

-

l1

1

'

4 22

-- 2

1

^_

_ 3' 2 1

1

~~

1

14 1

5

_ --

2 7 2 1 12

2

7 4

1 1 5 22

-

1

i t \

4

2 7 2 2 15'

6 1

5 6

2

2 1

1

5

62

14»

3~5 j

a a

79 15 2 4

2



17

6a

4

a

|

31

-

30 TM



1 6

.1

~6

2

N'a pas été indiqué.

' Tentative d'assassinat ; 5 cas.

1

2 2

3

1 4

31 2

3 1

3 2

1

1

2

1

3.

1

a

a 1

i 3

2

!

|

2

i

2

dont 3 tentatives dans les

Incendie n'ayant pas entraîné mort d'hommes.

' Les cas dans lesquels l'auteur n'a pas pu être découvert ne sont indiqués par St-Gall qu'à partir de 1865.

23

a

2

1

Entre autres un condamné a mort et exécuté pour plusieurs tentatives de vol qualifié.

Y 8compris 6 tentatives ; 2 y compris 1 tentative ; y compris 1 tentative.

N'a pas été indiqué.

Dont 1 tentative ; 2 dont 4 tentatives.

IJont 1 tentative ; 2 dont 3 tentatives ; 8 un des condamnés à mort est décédé avant, d'avoir pu être exécuté.

i

* Tentatives.

1

14

22 j

37'

51

Tessin !

non compris, j 1' i

1

Dont 1 pour incendie S«HS mort d'hommes et 1 pour récidives de vol (2 sont morts avant d'avoir pn ótre exécutés).

1

A page 363.

I

Récapitulation. De 1874 jusqu'à 1878 inclusivement.

VI

MD

.00 'm

à

m a O

mort.

à la détention.

"c8 1

.EP !

03

à,

m câ 0

mort.

Personnes condamnées

w

^QJ

ajant entraîné mort d'hommes.

Personnes cô *a> condamnées c8

cS "I



O

à mort.

1

·S" '55 3 o

à la détention.

Personnes condamnées

·à

Incendie

Infanticide.

à la détention.

Cantons.

Meurtre.

i Personnes condamnées i

a la détention.

Assassinat.

a

mort.

Exécution des condamnations à la peine de mort.

Ont été exécutés.

Observations.

II y a eu commutation de peine.

IVatvire et nombre des crimes.

1

Zurich Berne Lucerne Uri ' Schwyz .

Unterwalden-le-Haut .

Unterwalden-le-Bas . . .

i Glaris Zoug > Pribourg ' Soleure | Bàie-Ville i Bàie- Campagne Schaffhouse !

Appenzell-Rh. ext. . .

i Appenzell-Rh. int : St- Gali ; Grisons ; Argovie ' Thurgovie Tessin 1 "Vaud Valais . .

. . . . .

Neuchâtel Genève . .

8

a

4 1 3

9

O

2

2

3 2' 3 1

2 2» 3 1

7 l1 7 2

71 14

5

-

] 3 2 2

5' 31 2

57 -1' 1

56'

1

9 7 2 5 7 1

5

5

18

18

a _

ï

2' 2 2 1 12 1

6 22 6 5 10'

2' 2 2 1 1-- Ì

! r r

;i . -ti

9 1

2

7 19 1

1

1

1

1

1 2

1 2

7 a

1

1 a

a

5

5

3

3

i

_

1 i 6 22

1 3 1

i l i

--

--

j

96

4 5 5

.

3 1

N'a pas été indiqué.

1

Y compris une tentative.

1

N'a pas encore été jugé ; j«gë-

1 1

Dont 2 tentatives ; 2 dont 1 tentative.

Un cas n'a pas encore été jugé.

1

Dont 2 tentatives.

1

Tentative.

1

Trois cas n'ont pas encore été jugés ; pas encore été jugé.

1

5

5

i i

I

a

i

3 1

100 -4'

3

Un cas n'a pas encore été jugé.

| a N'a pas été indiqué.

1

i

9 1 4 5 10'

1

1

_

5 5 60

~~5

--

5

15

1

-

60*

; _

i5 i

'.

--

1

2

1 cas n'a pas encore été

5

un eas n'a

364 La moyenne de ces différents crimes réunis est donc : dans > » »

la » » »

première période, seconde » première » seconde »

de 30.17 condamnations annuellement; » 45.8 » » » 150.87 » pour cinq ans; » 228 » » » »

Les condamnations à mort (le Canton du Tessin excepté) ont été exécutées dans 37 cas; elles n'ont pas été exécutées (ensuite de grâce) dans 51 cas.

Deux condamnés sont morts avant d'avoir pu être exécutés.

Si, dans les 6 cas du Canton du Tessin, les condamnés ont été graciés, le nombre des condamnations qui n'ont pas été exécutées s'élèverait à 57. Il y aurait ainsi 39,5 °/0 d'exécutions, ce qui est en tout, cas une proportion élevée.

Il est particulièrement intéressant d'indiquer les Cantons qui avaient aboli la peine de mort déjà avant la nouvelle Constitution fédérale, ou qui du moins ne la faisaient plus exécuter, soit qui n'ont point signalé d'exécutions.

a. Avant l'entrée en vigueur de la nouvelle, Constitution, la peine de mort était abolie dans les Cantons de : 1. Fribourg (art. 8 de la Constitution de 1848). La Constitution révisée, du 7 mai 1857, interdisait d'appliquer la peine de mort aux délits politiques, laissant à la législation ultérieure le soin d'apprécier s'il y avait lieu d'y revenir, en cas de nécessité, pour les crimes communs. Un meurtre d'une férocité inouïe, commis dans le district du Lac en 1862, provoqua des pétitions demandant le rétablissement de la peine du mort. Une Commission nommée par le Grand Conseil voulut l'admettre pour l'assassinat, et le Conseil d'Etat se joignit à cette manière de. voir ; le Grand Conseil décida que cette question serait étudiée lors de la discussion du nouveau Code pénal, alors en préparation. Le projet de 1868 admit la peine de mort dans plusieurs cas, et cette disposition passa dans le'nouveau Code pénal entré, en vigueur le 1er janvier 1874, en même temps que le nouveau tJode de procédure pénale.

La peine de mort n'a donc existé légalement, dans ce Canton, que du 1er janvier 1874 jusqu'au 29 mai de la même année.

2. NeucMtel. Loi (décret du Grand Conseil) du 13 juin 1854; confirmée par le Code pénal du 19 janvier 1858, en vigueur depuis le 1er janvier 1862, lequel n'admet pas la peine de mort.

365

3. Zurich. Art. 5 de la Constitution de 1869; confirmé par le Code pénal entré en vigueur le 1er février 1871, lequel ne connaît pas la peine de mort.

4. Genève. Loi du 24 mai 1871; confirmée par le Code pénal du 21. octobre 1874, en vigueur depuis le 30 octobre de la même année, lequel n'a pas admis la peine de mort, 5. Baie-Ville. Code pénal du 17 juin 1872, en vigueur depuis le 1er janvier 1873.

6. Sale-Campagne. Code pénal du 3 février 1873, en vigueur depuis le 1er juin 1873.

7. Tessin. Le Grand Conseil a décrété, le 3 mai 1871, l'abolition de la peine de mort; confirmé par le Code pénal du 3 février, en vigueur depuis le 1er mai 1873, qui n'a pas admis la peine de mort.

Nous ajouterons encore que dans le Canton de Soleure, le Grand Conseil avait décrété, le 19 mai 1873, lors de la discussion du nouveau Code pénal, par 70 voix contre 11, d'abolir la peine de mort; le nouveau Code pénal confirmant ce décret n'a été soumis au vote du peuple que le 12 juillet 1874; il a été accepté.

b. Aucune exécution n'a eu lieu- depuis 1851 (ou depuis plus longtemps) dans les Cantons de : Sale-Ville (depuis 1819), Fribourg (depuis 1832), Glaris (depuis 1836), Schwyz (depuis 1840 environ), St-Gall (depuis 1843), Grisons (depuis 1847), Schaffhouse (depuis 1847), les deux Unterwalden, Zoug, Appenzell-Rh. int., Valais, Neuchâtel, et probablement aussi dans le Canton du Tessin.

Ainsi donc quatorze Cantons, qui forment la moitié du territoire de la Confédération et qui contiennent environ 4 / 3 de ses habitants, n'ont, pendant les 33 années au moins (et beaucoup depuis plus longtemps encore) qui ont précédé la Constitution fédérale de 1874, pas eu recours à l'échafaud.

Les dernières exécutions ont eu lieu : en 1851 (Sale-Campagne), 1854 (Thurgovie), 1855 (Soleure), 1861 (Uri et Berne), 1862 (Genève et Appenzell-Rh. ext.), 1863 (Argovie). 1865 (Zurich), 1867 (Vaud et Lucerne).

Pendant la période de 1868 à 1873, il y a eu 40 assassinats et 3 tentatives; des condamnations à mort ont été prononcées contre 11 personnes, mais toutes ont été commuées.

366

De même, les Cantons qui avaient aboli la peine de mort déjà avant 1874 ne fournissent aucunement de mauvais résultats, au contraire, et bien des Cantons ne signalent point d'augmentation, même après 1874.

D'après le rapport du Conseil d'Etat du Canton de Fribourg, 19 crimes punis de mort ont été commis pendant les 15 années qui ont précédé l'abolition de la peine de mort dans ce Canton, savoir de 1833 jusqu'à 1847 inclusivement; dans les 15 années suivantes, par contre, de 1848 jusqu'à 1862 inclusivement, il en a été commis 41. Le tableau de ce Canton indique, pour la période de 1851 à 1873, 10 assassinats et 22 meurtres ; par contre, de 1874 à 1878, aucun assassinat, mais 18 meurtres. L'assassinat commis à Fribourg à la fin de l'année 1878, et qui a fait grand bruit, n'a pas été compris dans ces chiffres, parce qu'il n'avait pas été jugé en 1878.

Le Canton de Neuchâtel indique 3 condamnations pour assassinat, de 1857 à 1859, une seulement en 1876 et une aussi en 1878; aucune condamnation pour meurtre de 1851 à 1855, de 1860 à 1866, en 1868, 1869, de 1871 à 1873 et en 1875.

Le Canton de Zurich n'accuse aucune condamnation pour assassinat en 1870, 1871 et 1876, une par contre en 1872, 3 en 1873, 3 en 1874, 1 en 1875 et 3 en 1877; plus, en 1878, un cas qui n'est pas encore jugé; en outre, il y a eu 9 meurtres de 1874 jusqu'à 1878 inclusivement, contre 29 de 1861 à 1872.

Genève n'indique aucune condamnation pour assassinat depuis 1866 Tessin » » » » » » 1869 Unterwalden-le-Haut n'indique aucune condamnation pour assassinat depuis 1863.

Unterwalden-le-Bas n'indique aucune condamnation pour assassinat depuis 1871.

Zoug n'indique aucune condamnation, pour assassinat depuis 1851.

Appenzell n'indique aucune condamnation pour assassinat depuis 1862.

Grisons n'indique aucune condamnation pour assassinat depuis 1866 Glaris f » 1857 Schaffhouse signale, en 1872, une condamnation pour assassinat à 12 ans de travaux forcés, et, en 1876, une condamnation pour le même crime à 20 ans de travaux forcés.

Argovie indique, de 1865 à 1870, 9 condamnations pour assassinat, » » » 1874 à 1878, 8 » » ee qui prouve que, même là où existe la peine de mort, il peut y

367"

avoir des périodes pendant lesquelles la vie humaine est l'objet d'attentats beaucoup plus fréquents.

Si ces courtes notes ne suffisent pas pour prouver avec unegrande probabilité que la peine de mort, comme aussi son exécution, est sans influence sur les crimes dont les mobiles sont des passionset des penchants qui s'emparent parfois des individus avec une violence infernale plus forte que la crainte inspirée par la peine de mort ou par. la détention à vie ou autre, -- les expériences faitesdans d'autres pays pourront le confirmer. M. le professeur Teichmann, à Baie, a réuni dans le résumé suivant toutes les données qu'il a pu recueillir à ce sujet.

De 1863 à 1877, 374 condamnations à mort ont été prononcéespour assassinat en Angleterre et dans le pays de Galles; 206 de ces «ondamnations (55 °/0) ont été exécutées, 168 (45 °/0) commuées.Année.

Condamnations à mort.

15 13

1870 1871

Exécutions, 6 4

1872 30 15 1873 18 11 1874 26 16 1875 33 18 1876 32 . 22 1877 34 22 Ces chiffres prouvent que, même dans les pays qui appliquent la peine de mort, il peut y avoir des fluctuations allant du simpleau double et môme au triple.

En France, on trouve les chiffres suivants : Année.

Condamnations à mort.

Exécutions,

1872 31 24 1873 34 15 1874 31 13 1875 33 12 1876 22 8 1877 31 12 Les accusations indiquent les fluctuations suivantes : Assassinats Parricides Empoisonnements Meurtres

1872.

1873.

1874.

1875.

1876.

200 11 22 162

213 8 20 138

188 5 17 143

193 12 17 149

222 13 13 137

368

Pour 1557 crimes (54 empoisonnements, 568 assassinats, 383meurtres, 552 incendies) commis pendant une période de 3 ans, de 1874 à 1876, on a pu constater les mobiles suivants : Cupidité 278,' adultère 35, dissensions domestiques 294, amour contrarié 36, haine, vengeance 431, concubinage, débauches 97, querelles de cabaret 50, rixes fortuites 72, motifs inconnus 264.

A côté de cela, il y a eu : Suicides Morts accidentelles

1872.

1873.

1874.

1875-

5,275 12,018

5,525 12,411

5,617 11,753

5,472 13,089

17,370

18,561

17,293 17,936 chiffres qui, certainement, donnent à penser.

La Hollande (population en 1876 : 3,865,456) a aïoli la peine de mort par loi du 17 septembre 1870, mais, déjà depuis 1860, aucune exécution n'avait eu lieu, bien que 9 condamnations à mort eussent été prononcées en 1862 et 13 en 1863. En comparant le chiffre des crimes précédemment punis de mort avec celui des mêmes crimes qui se commettent depuis l'abolition de cette peine, on trouve : de 1863 à 1869.: 191 condamnations, parmi lesquelles damnations à mort; de 1871 à 1877: 173 condamnations, parmi lesquelles tant réclusion à vie. En 1874, 57 condamnés à mort vaient dans les pénitenciers; en 1875, 56; en 1876, 1877, 48.

63 con13 porse trou51; en

Le (Jode pénal de la Belgique de 1867 (population en 1875: 5,403,006, la plus dense de l'Europe) menace de mort plusieurs crimes, mais depuis 1863 aucune exécution n'a eu lieu. Il a toutefois été prononcé 32 condamnations à mort en 1861, 19 en 1862, 13 en 1863, 20 en 1864, 10 en 1865. Les dernières statistiques qui ont été publiées montrent bien les fluctuations qui se produisent dans les crimes dirigés contre la vie humaine :

Accusations.

Assassinats Tentatives Empoisonnements Parricides Meurtres Tentatives

1868.1869.1870.1871.1872.1873.1874.1875.

20 6 1 -- 9 26

10 9 1 -- 15 3

17 13 2 2 3 5

15 14 -- -- 11 8

7 8 -- -- 9 6

12 6 -- 1 7 6

10 11 5 -- 13 9

18 16 -- 1 14 12

369

De 848 condamnations prononcées dans la période de 1868 à 1875, 58 étaient des condamnations à mort (qui n'ont pas été exécutées), moyenne annuelle 7 ; ' 5 l aux travaux forcés à vie, moyenne annuelle 6; 178 aux travaux forcés à temps, moyenne annuelle 23.

Ce sont précisément les crimes contre les personnes qui accusent une augmentation : 66 accusations en 1869, 63 en 1870, 71 en 1871, 85 en 1872, 65 en 1873, 84 en 1871, 92 en 1875.

M. Berden, directeur des prisons, a porté, en 1877, à la connaissance de la Howard Association que 127 hommes et 9 femmes étaient détenus à vie pour assassinat ; un de ces condamnés a passé 32 ans dans le pénitencier, trois 31 ans, un 30 ans, deux 29 ans, un 28 ans, sept de 25 à 27 ans, onze de 20 à 24 ans, vingt-huit de 15 à 19 ans. 101 étaient en bonne santé, 14 avaient une mauvaise santé ou étaient infirmes, 17| avaient une santé passable ou délicate. Ceci, soit dit en passant, montre qu'un Etat peut, avec une bonne organisation pénitentiaire, s'assurer de la personne des détenus.

IS Autriche présente des résultats fort intéressants, attendu que, dans l'exercice du droit de grâce, on cherche avec soin à tenir compte des degrés de culpabilité. Sur 423 condamnations à mort prononcées de 1874 à 1877, huit seulement ont été exécutées. La grande diversité dans la durée des détentions en lesquelles la peine de mort est commuée montre combien nombreuses sont les gradations de la culpabilité, précisément dans l'assassinat. Nous croyons que ceci mérite une entière considération dans la réponse à la question de savoir s'il y a lieu d'introduire de nouveau une peine aussi absolue que l'est la peine de mort.

En Italie, 392 condamnations à mort ont été prononcées de 1867 a 1876, soit en moyenne 39 par an. Jusqu'à 1874, 34 de ces condamnations ont été exécutées, aucune depuis. Ensuite de cassation du premi«- jugement dans 222 cas, 20 accusés ont été absous et 202 condamnés à d'autres peines, savoir : 151 aux travaux forcés à vie, 48 aux travaux forcés à temps, 1 à la détention dans une forteresse et 2 à la réclusion.

En Danemarclc aussi nous trouvons, sous l'empire du Code pénal de 1866, des fluctuations dans les assassinats et les meurtres : 9 en 1871, 7 en 1872, 11 en 1873, 3 en 1874, 5 en 1875.

En Allemagne, nous constatons une forte augmentation dans le nombre des crimes,
bien que la peine de mort existe et qu'elle ait été exécutée en Bavière, par exemple, 7 fois de 1871 à 1876 (3 fois en 1876). Les chiffres saivants n'ont pas besoin de commentaire :

1872.

Bavière.

(De 1871 à 1875 la population a augmenté de 33 %.)

Crimes Condamnations Assassinat et meurtre Wurtemberg.

(Même augmentation de la population.)

Condamnés par les assises Condamnations, en général Assassinat et tentative d'assasinat .

Coups et blessures .

Sade.

(3s% d'augmentation de la population.)

Assassinat et meurtre Saxe.

(7 % d'augmentation de la population.)

Assassinat e t meurtre .

. . . .

Prusse.

(4,68 % d'augmentation de la population.)

370

Accusations Accusations

. . . .

1873.

1874.

1875.

1876.

6,127 5,368 3,555 5,273 5,103 229,725 254,392 274,988 267,404 301,987 52 57 64 47 61

1877.

Augmentalion »/o.

48,3 31,5 36,2

. .

76«D

125 8,386 3 746

183 9,626 2 877

283 10,301 9 1,046

224 12,815 6 1,809

307 14,655 7 2,420

119,3 83,5 133,3 215,9

29 12

34 1.6

44 22

39 21

31 13

49 17

69,0 41,7

53

64

59

58

71

74

39,6

142 128 50 44

50 34 72 62

166 161 ' 84 76

221 187 78 75

205 183 88 80

140 7,987

54,2 219 58,6 203 107 114,0 91 106,8

371

Néanmoins, pfesque tous les Etats de l'Allemagne continuent l'exercice du droit de grâce. De même, les Etats étrangers qui avaient aboli la peine de mort ne l'ont pas reprise. Ce sont : 1. La Toscane (aucune exécution depuis 1830 ; abolie en 1859).

Ce pays, qui forme t/lt du territoire du Royaume d'Italie, ne participe que pour Y20 aux homicides commis dans le Royaume. A la Toscane on peut joindre la République de Saint-Marin.

2. La Hollande (voir plus haut), .

3. Le Porhtgal (aucune exécution depuis 1846, abolie en 1867).

4. La Boumanie (abolie en 1864).

5. Le Michigan (abolie en 1847). Bien que la population ait quadruplé, il n'y aurait, d'après un rapport datant de 1877, point eu d'augmentation dans le nombre des crimes.

6. Bhode Island (abolie on 1852). Il s'y commettrait, en propor* tion de la population, 62 °/0 moins d'assassinats que dans l'Etat du Connecticut, qui a conservé la peine de mort.

7. Wisconsin (abolie en 1853).

8. Jowa (abolie en 1872).

9. Maine (abolie en 1876, après qu'aucune exécution n'avait eu lieu depuis 1837, ensuite d'une loi disposant que l'exécution ne pouvait se faire qu'un an après la condamnation).

10. Illinois (abolie en 1876).

11. La Russie, ne punit de mort que les délits politiques, mais pas les crimes communs. Le parricide (art. 1449 du Code pénal de 1866) est puni par la déportation, avec travaux forcés, sans limite de temps, dans les mines, et l'art. 1454 punit l'assassinat de 12 à 15 ans de travaux forcés dans les mines.

Nous pourrions encore citer différents Etats de l'Amérique du Sud, 'ainsi qu'un Etat de l'Oceanie, qui ont aboli la peine de mort.

En Pensyh'anie, la peine de mort a été remplacée non pas par la détention à vie, mais par une détention dont la durée peut aller jusqu'à 12 ans. La détention à vie n'est appliquée qu'à l'assassinat du 2e degré en cas de récidive.

Ainsi, d'après des renseignements dignes de foi, 27 millions d'hommes habitent des pays dans lesquels la peine de mort est abolie, et 153 millions des pays dans lesquels la peine de mort, existant encore légalement, n'est plus appliquée. Le peuple suisse,

372

qui compte 2,700,000 âmes, peut-il donc craindre de ne pas être en sûreté sans peine de mort ?

Si nous examinons enfin, au point de vue psychologique, le& mobiles des crimes survenus ces dernières années et sur lesquels les autorités nous ont donné quelques détails, ainsi que les circonstances dans lesquelles ils ont été commis, nous n'y trouvons rien qui permette la conclusion que la tendance aux attaques contre la vie humaine ait augmenté ou que la brutalité se soit accrue parmi la population de notre pays. Il est vrai que des assassinats d'une nature fort grave et qui ont produit une grande sensation ont été commis récemment, mais des crimes tout aussi graves l'ont été aussi à des époques antérieures. Le peu de temps qui nous était accordé, ne nous permettait pas de recueillir, dans tous les Cantons, des informations détaillées sur chaque crime commis, et nous devons, en conséquence, nous borner à vous communiquer seulement quelques détails caractéristiques.

Le Canton de Sale-Campagne dit, dans son rapport, que,l'individu qui a commis l'assassinat de 1875 n'aurait, même sous l'empire de l'ancienne législation, probablement pas été ^condamné à mort, -- d'autant plus qu'il niait opiniâtrement, -- attendu que l'on n'aurait guère pu appliquer la peine de mort à la mère de l'individu assassiné, bien qu'elle eût été moralement plus coupable.

Dans un autre cas, survenu en 1878, l'ancienne loi n'aurait pas permis l'application de la peine de mort, attendu que l'on n'avait que des indices.

En ce qui concerne les malheureux faits qui se sont passés en 1876 dans le pénitencier de Baie, il est douteux que les deux détenus, dont l'un a échappé à la peine par le suicide, aient eu, dès l'abord, l'intention de recourir aux moyens les plus violents et de tuer leurs gardiens. En tout cas, différentes circonstances ont influencé leurs actes et donné à cette tentative d'évasion des suites affreuses, il est vrai, mais non comprises dans le plan primitif. Il est toutefois à espérer que les améliorations qui ont été apportées préviendront à l'avenir de tels faits.

Cinq des assassinats commis dans le Canton d'Argovie avaient des Suisses pour auteurs, 2 des ouvriers italiens, 1 un Allemand, qui a tenté de tuer une femme qu'il aimait, parce qu'il la soupçonnait de lui être infidèle. Les mobiles des premiers cas
étaient la cupidité et l'intention de se débarrasser d'enfants illégitimes devenus gênants.

Un des cas survenus dans le Canton de St-Gall et qui avait pour auteur un individu adonné à la boisson, est très-caractéristique. Cet individu, qui, non seulement avait abusé de jeunes en-

373

iänts, mais encore fait des tentatives d'e vol à main armée, avait volé et s'était rendu coupable de coups et blessures, n'était accessible à aucun sentiment de repentir et voulait prouver un refuge dans un pénitencier, parce qu'il était dégoûté de la vie. Un autre criminel nous est dépeint comme étant assez borné d'esprit, mais rusé, plus semblable à une bête qu'à un être humain. Chez un troisième, un garçon de 15 ans, le sens génital avait été éveillé prématurément .par les discours obscènes de ses condisciples et avait dégénéré en véritable passion. Il rencontra malheureusement une personne qui se donna à lui sans difficultés, et qu'il tua après, parce qu'elle l'avait souvent menacé de le dénoncer à ses parents, s'il ne lui donnait pas d'argent. Les autres cas d'infanticide ne présentent rien de particulier.

Berne n'a donné aucuns détails.

III. Revenant maintenant à l'examen du résultat des recherches que nous avons faites, nous deyona dire d'abord que l'on ne saurait, de l'avis de tous les statisticiens, attacher une grande importance à une période de cinq années seulement. On ne peut comparer avec profit que des périodes d'une certaine durée, qui permettent aux perturbations amenées par des circonstances momentanées de s'égaliser mutuellement. En outre, les lacunes et le peu d'étendue des matériaux statistiques que nous avons sous les yeux diminuent la valeur des conclusions que l'on pourrait en tirer. Nous croyons cependant pouvoir, d'une manière générale, formuler les conclusions suivantes : 1. Les crimes, en particulier l'assassinat, ont subi, en Suisse, quelque augmentation pendant les cinq dernières années.

2. Cette augmentation, comparée à celle qui s'est produite dans des Etats voisins où là peine de mort est appliquée, n'a rien d'exceptionnel ni d'inquiétant; proportionnellement, elle est, au contraire, moindre.

3. Aucun fait positif ne prouve que l'augmentation incontestable des crimes en Suisse soit la conséquence de l'abolition de la peine de mort.

La raison doit plutôt en être cherchée dans des causes plus générales, qui, actuellement, se font sentir dans l'Europe entière.

Partout on a pu remarquer avec regret que le respect de la vie humaine diminue toutes les fois qu'une guerre sanglante est venue enflammer les passions, que l'éducation avait réussi avec peine à adoucir et
à comprimer. A cela, il faut ajouter un état général de misère des classes inférieures, qui se fait sentir beaucoup plus vivement qu'on ne le croit dans une grande partie de !a Suisse, et qui

374 ëmousse les meilleurs sentiments. L'accroissement d'un esprit avide de jouissances et de dissipations et les progrès incessants des idées matérialistes peuvp^jP'âeuls, avec la misère générale, expliquer le nombre effrayant des suicides, qui font des victimes jusque parmi les enfants. Les plus récentes publications sur le mouvement delà population en Suisse, en 1877, parlent de 600 suicides (dont 530 de citoyens suisses) sur une population de 2,776,035 âmes, contre 108 homicides criminels (parmi lesquels 28 infanticides) et 1663 .accidents. La Prusse, par contre, dont la population est presque neuf fois aussi considérable, n'avait, en 1874, que 3075 suicides et 3278 en 1875!

On devient de plus en plus .attentif aux progrès que fait malheureusement Yivrognerie, et l'on a aussi pris, daus quelques pays, des mesures sévères contre ce mal. Le Dr Baer (der Alkoholismus, seine Verbreitung und seine Wirkung auf den individuellen und sozialen Organismus, Berlin 1878, p. 351) raconte, d'après les observations qu'il a faites en Allemagne, que 46 °/0 des assassinats et 63 °/0 des meurtres se commettent en état d'ivresse ! De 32,837 individus détenus en Allemagne, 13,706 (41,7 °/0) étaient des ivrognes, dont 7269 (22,1 %) buveurs d'occasion, et 6437 (19,6 °/o) bu" veurs d'habitude. 53,6 °/0 des hommes étaient buveurs d'occasion et 46,4 °/0 buveurs d'habitude. Ces chiffres se rapprochent assez de ceux indiqués par les rapports présentés par la Suis.se au Congrès pénitentiaire de 1872. Bien que les résultats récents de la psychiatrie ne puissent pas être considérés à tous égards comme absolument inébranlables, il résulte cependant, des rapports fie quelques pénitenciers qu'il y a, en réalité, parmi .les condamnés -un nombre assez considérable d'aliénés. Enfin, il est clairement prouvé aujoud'hui qu'il y a peu de crimes dans lesquels la culpabilité comporte autant de gradations que les homicides, et en particulier l'assassinat, ainsi que nous l'avons déjà fait voir en parlant ·des résultats statistiques en Autriche.

IV. Si, malgré toutes ces considérations, on décidait de supprimer l'art. 65 de la Constitution fédérale, la question ne serait pas épuisée, et il y aurait encore à considérer quelles garanties la Confédération pourrait exiger des Cantons, dans le cas où ceux-ci voudraient de nouveau introduire
la peine de mort, au sujet des jugements, de l'exercice du droit de grâce et de l'exécution de la peine de mort.

Les points suivants devraient être pris en considération : 1. Interdiction de la peine de mort pour les délits politiques.

2. Limitation de son application aux crimes les plus graves.

375 3. Prescription que la peine dé mort ne peut pas être prononcée d'après une pratique arbitraire, mais seulement en application d'un Code' pénal convenable et d'une procédure criminelle qui ouvrent à la défense un champ suffisant.

4. Nécessité d'admettre la cassation pour vices de forme et d'édicter des prescriptions y relatives.

5. Admission de circonstances atténuantes, qui permettent de commuer la peine en détention à vie ou à temps.

6. Nécessité de meilleures garanties en ce qui concerne la ma" jorité ou l'unanimité des juges et des jurés. A cet égard, il serait difficile d'exclure la valeur de la preuve par indices, attendu qu'il est maintenant généralement admis que les jurés doivent pouvoir librement former leur conviction ; d'autre part, on ne pourrait pas non plus considérer l'aveu comme moyen de preuve décisive.

7. Prescription que l'exécution ait lieu intra muros; mais, à cet égard, on rencontrera, en Suisse aussi comme ailleurs, une répulsion bien compréhensible chez les personnes qui devront assister comme témoins à l'exécution, et il faudra considérer s'il n'y a pas lieu de changer les procédés employés pour les exécutions.

Ces différents- points devraient être précisés dans une loi fédérale, par exemple d'après les propositions qui ont été faites en 1865. Les Cantons auraient alors à se décider avî sujet du rétablissement de la peine de mort, et, cas échéant, à édicter de nouvelles lois pénales, les anciennes ayant été abrogées après l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, et plusieurs même avant. Ces nouvelles lois pénales devraient être conformes aux dispositions fédérales et être ratifiées par les autorités fédérales. De cette façon, l'agitation pour et contre la peine de mort se maintiendrait au sein de la Confédération et serait en outre transplantée dans les Cantons, où elle ne cesserait certainement pas de sitôt. Nous doutons, en conséquence, que cela contribuât beaucoup à la moralisation de notre peuple et à l'honneur de la Suisse.

V. Mais c'est finalement du côté constitutionnel de la question que surgissent les objections les plus graves.

L'abolition de la peine de mort a été, dans le temps, érigée en principe constitutionnel. Etait-ce à tort ou à raison, c'est ce que nous n'avons pas à examiner ici, comme nous l'avons dit plus haut.

Mais, pour mettre ce principe de côté ou pour le modifier, il faut recourir à une révision.

Feuille .fédérale suisse. Année XXXI.

Vol. I.

29

376 Or, dans la règle, une modification du droit public est entourée de nombreuses difficultés matérielles et provoque une agitation profonde, en sorte qu'un Etat bien constitué ne doit y procéder qu'avee la plus grande circonspection et la plus grande modération. Généralement, on attend qu'un laps de temps suffisant se soit écoulé avant de revêtir d'une forme légale les opinions qui se sont modifiées dans le cours des années et les nouveaux besoins qui se sont fait sentir.

Ces conditions sont-elles remplies dans la question qui nous »occupe actuellement? Non. L'abolition de la peine de mort en ,1874 peut être considérée comme une innovation hardie. Mais nous n'avons pas, dans le peu de temps qui s'est écoulé depuis, fait des expériences qui prouvent d'une manière absolument convaincante que l'on ait, en le faisant, adopté un principe préjudiciable ou qui menace la sécurité publique, et que, au lieu de continuer l'expérience, on doive l'abandonner et en revenir au point où nous étions précédemment. Il ne faut pas oublier non plus que l'opinion est soumise, à l'égard de la peine do mort, à bien des fluctuations et des hasards.

Nous ne saurions, du reste, attribuer à l'art. 65 de la Constitution une importance telle qu'elle justifie une révision, à un moment surtcrut où l'on doit désirer quelque repos dans le développement de nos institutions fédérales.

On croit, il est vrai, pouvoir borner la révision à l'art. 65r mais on ne cite pas de raisons bien positives. Aussitôt que la question de révision aura pris son cours, d'autres désirs révisionnistes surgiront et sauront trouver assez de matières et de défenseurs. La Constitution elle-même ne donne aucun moyen de l'empêcher, ni de circonscrire dès l'abord le mouvement à une révision partielle. Cela ne se peut ni en ce qui concerne le droit d'initiative des membres des Conseils, ni on ce qui concerne le droit d'initiative du peuple. Si un conflit surgit entre les deux Conseils ou entre leur refus de réviser la Constitution et l'initiative populaire, la question de savoir si la Constitution sera révisée doit, dans le sens · de l'art. 120, être soumise au peuple d'une manièro générale, par oui ou par non. Quant à savoir quel serait le résultat final, si plusieurs, ou quelques-uns, ou seulement un article, subiraient des modifications, c'est ce que l'on
ne saurait dire d'avance avec certitude.

Même une discussion sur l'art. 65 pourrait facilement dépasser les limites de sa rédaction« actuelle. On pourrait être tenté de dire que cet article ne constitue qu'une demi-mesure, et de faire valoir, comme on l'a déjà fait en 1874, que le soûl principe à suivre serait de placer tout le droit pénal dans la compétence de la Confédération.

377

Le Conseil foderai non plus ne croit pas devoir conseiller d'entrer dans cette voie ; il estime plutôt que la situation politique de la Suisse exige que l'on reste pour le moment sur le terrain de la Constitution de 1874, dont l'exécution renferme vraiment encore assez de tâches à remplir.

Aucune nécessité extérieure n'oblige les Conseils de la Confédération à entrer en matière sur la révision de l'art. 65, attendu que les pétitions, adressées à ce sujet, ne remplissent les conditions de l'art. 120 de la Constitution fédérale ni quant à leur objet, ni en ce qui concerne le nombre des signatures qu'elles renferment*).

Dans ces circonstances, et comme nous arrivons à une conclusion négative, nous croyons'pouvoir nous abstenir, pour le moment, d'entrer dans des détails sur les différentes éventualités qui pourraient se présenter, nous réservant toutefois de vous faire connaître notre manière de voir par un message spécial, selon le cours que suivra la question de la révision que l'on a soulevée.

Nous avons l'honneur, pour terminer, de vous proposer de ne pas entrer en matière sur la motion de M. Freuler, |Conseiller aux Etats**), ni sur les pétitions de citoyens suisses concernant la révision de la Constitution fédérale et le rétablissement de la peine de mort.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, l'assurance renouvelée de notre haute considération.

Berne, le 7 mars 1879.

Au nom du Conseil fédéral suisse, Le Président de la Confédération : HAMMER.

Le Chancelier de la Confédération : SCHIKSS.

*) Jusqu'à,.aujourd'hui, les pétitions parvenues à la Chancellerie fédérale sont couvertes de 31.503 signatures.

**) Texte de la motion de M. Preuler : « L'Assemblée fe'dérale de la Confédération suisse,

arrête : 1. L'art. 65 de la Constitution fédérale est supprimé.

2. Il est remplacé par l'article suivant : , « La peine de mort ne peut être appliquée, sur le territoire de la Confédération suisse, aux crimes et délits politiques. » Ü. Cet arrêté doit être promulgué comme loi nouvelle, modifiant la Constitution.

4. Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution du présent arrêté. »

378

# S T #

Message du

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant la motion de MM. von Buren et Häberlin, Conseillers nationaux, relativement au règlement d'exécution pour la taxe d'exemption du service militaire.

(Du 7 mars 1879.)

Monsieur le Président et Messieurs, Le 4 décembre 1878, MM. von Buren et Häberlin, Conseillers nationaux, ont présenté la motion suivante : « Le Conseil national, « considérant : 1° Que l'art. 1er du règlement d'exécution rendu par le Conseil fédéral pour la taxe d'exemption du service militaire sort des limites de cette loi, dont l'art. 1er détermine: « Tout citoyen suisse en âge de servir, habitant le terri« toire ou hors du territoire de la Confédération et qui ne c fait pas personnellement de service militaire est soumis * par compensation, au paiement d'une taxe annuelle en L'art. 1er de l'ordonnance d'exécution, au contraire, soumet à la taxe, outre les hommes exemptés complètement ou partiellement, ceux qui, étant incorporés, ne font pas leur service telle ou telle année.

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

Message du Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant l'article 65 de la Constitution fédérale (peine de mort). (Du 7 mars 1879.)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1879

Année Anno Band

1

Volume Volume Heft

12

Cahier Numero Geschäftsnummer

---

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

15.03.1879

Date Data Seite

359-378

Page Pagina Ref. No

10 065 274

Das Dokument wurde durch das Schweizerische Bundesarchiv digitalisiert.

Le document a été digitalisé par les. Archives Fédérales Suisses.

Il documento è stato digitalizzato dell'Archivio federale svizzero.