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Message du

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant la fabrication et la vente des allumettes phosphoriques.

(Du 21 novembre 1879.)

Monsieur le Président et Messieurs, En date du 18 février dernier, vous avez adopté le postulat suivant : « Le Conseil fédéral est invité à examiner s'il n'y aurait « pas lieu d'interdire la fabrication et la vente des allumettes « phosphoriques. » Le 14 mai de la même année, nous vous avons transmis nos vues à ce sujet, en vous proposant « de ne pas donner suite, pour le moment, au postulat en question. » Cette proposition se basait principalement sur le fait que l'on devait attendre des études circonstanciées sur la question de cette interdiction, et que ce n'était que plus tard que les inspecteurs des fabriques seraient à même de fournir des renseignements sur la fabrication des allumettes phosphoriques.

Le 26 juin 1878, vous vous êtes rangés à notre manière de voir, en adoptant toutefois le postulat suivant : « Le Conseil fédéral est, invité à vouer une attention spé« ciale à la fabrication des allumettes phosphoriques, à l'occa« sion de l'exécution de la loi sur les fabriques, et à présenter,

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en les
« les « en

temps opportun, à l'Assemblée fédérale un rapport sur renseignements et les données qu'il aura recueillis, sur mesures qui auront été prises et sur les résultats qu'on aura obtenus. »

Dans l'intervalle, les inspecteurs des fabriques ont procédé à des inspections dans tous les Cantons, et ils ont voué toute leur attention aux industries dangereuses et insalubres, et en particulier à la fabrication des allumettes phosphoriques.

Dans un rapport spécial très-circonstancié sur la fabrication des allumettes pbosphoriques, les inspecteurs des fabriques arrivent à la conclusion que « l'emploi du phosphore jaune doit être interdit dans cette branche d'industrie. » Pour le cas où l'on n'admettrait pas leur conclusion, ils proposent les prescriptions suivantes pour la fabrication des allumettes phosphoriques : 1° II doit y avoir des locaux séparés : a. pour -la préparation du bois ; 6. pour la mise en cadres; c. pour la préparation de la masse inflammable (y compris le soufre) et pour sa distribution sur les allumettes ; d. pour le séchage ; e. pour le triage et l'empaquetage ; f. pour l'emmagasinage des allumettes empaquetées.

Il ne doit y avoir en aucun cas communication directe entre ces locaux, à l'exception de ceux qui sont désignés sons les lettres c et d.

2* Les locaux désignés sous les lettres 6, c et e ne doivent pas avoir une hauteur inférieure à 3.5 mètres. Chaque ouvrier doit avoir à sa disposition un espace de 5 mètres carrés au moins.

3° Dans tous les locaux, la ventilation doit être organisée de telle façon que l'on puisse y renouveler l'air au moins deux fois par heure. Elle doit se faire au moyen d'installations fonctionnant constamment et uniformément pendant toute la durée du travail.

La vapeur de phosphore étant 4'/a fois plus pesante que l'air atmosphérique, la sortie de l'air doit avoir lieu de haut en bas.

4° Le plancher des locaux où l'on manipule le phosphore doit être uni et recouvert de pierre ou de métal. On doit le nettoyer au moins deux fois par jour.

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5° La masse inflammable ne doit pas renfermer plus de 6 (7 ?) °/0 de phosphore ; on n'y emploiera pas de gélatine, mais bien des substances dont le mélange se fait a froid. Celui-ci doit avoir lieu dans un vase fermé..

6° Les enfants au-dessous de 16 ans sont exclus de la fabrication des allumettes phospboriques ; les jeunes gens au-dessous de 18 ans ne peuvent être employés à la préparation et à la distribution de la masse inflammable.

7° La durée du travail, dans les locaux désignés sous les lettres c et f, ne peut dépasser 9 heures par jour, avec 3 interruptions, dont deux d'une demi-heure au moins et une, à midi, d'une heure au moins.

8° Les locaux destinés au travail doivent être abandonnés pendant les intervalles de repos, mais les ouvriers doivent préalablement se laver les mains et la bouche. Il est interdit de manger dans les locaux de travail.

9° Pendant les heures de travail, les ouvriers doivent porter des vêtements couvrant complètement le corps ; en quittant le travail, ils doivent les ôter.

10° Tous les mois, on procédera à la visite médicale officielle de tous les ouvriers. Le médecin a le droit, et éventuellement lo devoir, de renvoyer tout ouvrier d'un travail qui l'expose aux vapeurs du phosphore, dès qu'il observe des symptômes d'affections dues à cette substance.

11° Le patron est responsable de tontes les maladies internes et externes qui seraient exclusivement et évidemment la conséquence des effets du phosphore.

Presque aucune de ces propositions n'est nouvelle. Plusieurs Gantons suisses ont depuis longtemps fait des essais dans ce sens, par exemple Zurich en ce qui concerne la séparation et la ventilation des locaux destinés aux ouvriers, la réduction de la durée .du travail, l'exclusion des enfants et la surveillance médicale. Berne a un certain nombre de prescriptions concernant la construction des bâtiments servant à la fabrication des allumettes phosphoriques, ainsi que le maintien de la propreté.

. Les prescriptions ci-dessus énumérées ne pourraient avoir do succès que si elles étaient exécutées strictement. Il serait nécessaire d'exercer la surveillance la plus sévère. Or, cette surveillance serait extrêmement difficile, attendu que nous avons, en général, à faire à de petites fabriques disséminées. Une surveillance rigoureuse aurait aussi pour conséquence que la fabrication des allumettes phosphoriques se ferait à domicile et amènerait des abus plus graves que

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ceux que l'on veut écarter. Si, au contraire, on. interdit l'emploi du phosphore jaune pour cette fabrication et partant la vente des allumettes fabriquées avec cette sorte de phosphore, on est sûr de parer aux inconvénients signalés. Les dépenses qu'occasionnerait la transformation des fabriques ensuite de l'adoption des prescriptions ci-dessus ne seraient guère moindres que celles qui seraient nécessaires pour transformer ces établissements ensuite de l'interdiction de l'usage du phosphore jaune.

Toutefois, on peut se demander si cette interdiction est constitutionnelle. En résolvant cette question affirmativement, nous nous référons à l'art. 31, lettre c, de la Constitution fédérale, qui, tout en posant le principe de la liberté de commerce et d'industrie, réserve les dispositions touchant l'exercice des professions commerciales et industrielles, et à l'art. 34, qui donne à la Confédération le droit de statuer des prescriptions sur la protection à accorder aux ouvriers contre l'exercice des industries "insalubres et dangereuses.

En conséquence, nous vous recommandons l'adoption du projet de loi ci-après, qui interdit la fabrication, l'importation et la vente des allumettes pour lesquelles on emploie du phosphore jaune, et d'après lequel le Conseil fédéral est autorisé à édicter les prescriptions ultérieures au sujet de la fabrication des.allumettes sans phosphore et des allumettes au phosphore rouge (phosphore amorphe).

L'arrêté entrerait en vigueur le 1er janvier 1881. Dans l'opinion des inspecteurs des fabriques, un délai assez long est nécessaire pour employer les provisions de matières premières en magasin pour la fabrication actuelle et pour exécuter les installations pour la nouvelle fabrication. En tout cas, le délai jusqu'au 1er janvier 1881 suffirait, alors même que l'arrftté ne devrait être discuté et adopté par vous que dans la session de décembre prochain.

Agréez, Monsieur le Président et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 21 novembre 1879.

Au nom du Conseil fédéral suisse, Le Président de la Confédération: HAMMER.

Le Chancelier de la Confédération : SCHIESS.

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Projet.

Loi fédérale concernant la fabrication des allumettes phosphoriques.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE ^

de la CONFÉDÉRATION SUISSE, vu le message du Conseil fédéral du 21 novembre 1879; en exécution des articles 31, lettre c, et 34 de la Constitution fédérale, arrête : 1. La fabrication, l'importation et la vente des allumettes pour lesquelles on emploie du phosphore jaune sont interdites à partir du 1« janvier 1881.

Quiconque fabrique des allumettes de ce genre est puni d'après les dispositions de l'art. 19 de la loi fédérale sur le travail dans les fabriques ; ceux qui en introduisent ou en vendent sont passibles d'une amende de 5 à 100 francs. Les allumettes fabriquées, introduites ou destinées à la vente seront détruites.

2. Le Conseil fédéral adoptera, pour la fabrication des allumettes, un règlement renfermant les conditions auxquelles on pourra fabriquer les allumettes sans phosphore ou celles au phosphore ronge.

8. Le Conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874, concernant la votation populaire sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loi.

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Message du Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant la fabrication et la vente des allumettes phosphoriques. (Du 21 novembre 1879.)

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29.11.1879

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