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Samedi 9 juillet 1881

XXXIIIme année. Vote III, N° 30.

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Loi fédérale sur

la responsabilité civile des fabricants.

(Du 25 juin 1881.)

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE

de la CONFÉDÉRATION

SUISSE,

vu l'article 34 de la constitution fédérale et en exécution du premier alinéa de l'article 5 de la loi fédérale du 23 mars 1877 sur le travail dans les fabriques; vu le message du conseil fédéral du 26 novembre 1880, décrète : Art. 1er. Celui qui, selon la définition de la loi fédérale du 23 mars 1877, exploite une fabrique (fabricant) est responsable, dans les limites fixées par la présente loi, du dommage causé à un employé ou à un ouvrier tué ou blessé dans les locaux de la fabrique et par son exploitation, lorsque l'accident qui a amené la mort ou les blessures a pour cause une faute imputable soit à lui-même, soit à un mandataire, représentant, directeur ou surveillant, dans l'exercice de ses fonctions.

Feuille fédérale suisse. Année XXXIII.

Vol. III.

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Art. 2. Le fabricant, lors même qu'il n'y aurait pas faute de sa part, est responsable du dommage causé à un employé ou à un ouvrier tué ou blessé dans les locaux de la fabrique et par son exploitation, à moins qu'il ne prouve que l'accident a pour cause ou la force majeure, ^ ou des actes criminels ou délictueux imputables à d'autres personnes que celles mentionnées à l'article premier, ou la propre faute de celui-là même qui a été tué ou blessé.

Art. 3. Dans les industries que le conseil fédéral, en exécution de l'article 5, lettre d, de la loi sur le travail dans les fabriques, désigne comme engendrant des maladies graves, le fabricant est en outre responsable du dommage causé à un employé ou à un ouvrier par une de ces maladies, lorsqu'il est constaté qu'elle a exclusivement pour cause l'exploitation de la fabrique.

Art.. 4. Le fabricant a droit de recours contre les personnes dont la faute entraîne sa responsabilité.

Art. 5. La responsabilité du fabricant sera équitablement réduite : a. si la mort ou la blessure (non compris les cas prévus à l'article 3) est le résultat d'un accident fortuit; b. si une partie de la faute qui a provoqué l'accident (ou la maladie dans le sens de l'article 3) est imputable à la victime ; en particulier si l'individu, victime de l'accident, a contrevenu aux prescriptions du règlement de la fabrique, ou si, ayant, comme employé ou ouvrier, découvert dans les installations des défectuosités qui ont amené l'accident (ou la maladie), il n'en a pas avisé l'un de ses supérieurs ou le fabricant lui-même ; à moins, toutefois, que le plaignant ne puisse prouver que le fabricant ou le surveillant compétent avait déjà connaissance de cet état de choses défectueux ou dangereux; c. si des blessures antérieurement reçues par la victime ont exercé de l'influence sur la dernière lésion et ses consé-

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quences, ou si la santé du malade a été affaiblie par l'exercice antérieur de sa profession.

Art. 6. L'indemnité qui doit être accordée en réparation du dommage comprend : a. en cas de mort immédiate ou survenue après traitement : les frais quelconques de la tentative de guérison, le préjudice souffert par le défunt pendant sa maladie par suite d'incapacité totale ou partielle de travail, les frais funéraires, le préjudice causé aux membres de la famille à l'entretien desquels le défunt était tenu au moment de sa mort.

Les ayants droit à l'indemnité sont : l'époux, les enfants et petits-enfants, les parents et grands-parents, les frères et soeurs.

b. en cas de blessure ou de maladie: les frais quelconques de la maladie et des soins donnés pour la guérison, le préjudice souffert par le blessé ou le malade par suite d'incapacité de travail, totale ou partielle, durable ou passagère.

Le juge fixe la quotité de cette indemnité, en prenant en considération l'ensemble des circonstances de la cause, .mais, même dans les cas les plus graves (articles 1 et 3), il ne peut allouer une somme supérieure en capital à six fois le montant du salaire annuel de l'employé ou de l'ouvrier, ni excéder la somme de six mille francs.

Le juge n'est pas tenu à ce maximum dans les cas où la lésion corporelle ou la mort de la victime a été causée par un acte du fabricant, susceptible de faire l'objet d'une action au pénal.

Les frais de traitement médical, d'entretien et d'inhumation ne sont pas compris dans ce maximum.

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Le juge peut, avec l'assentiment de tous les intéressés, substituer au paiement d'un capital l'allocation d'une rente annuelle équivalente.

Le fabricant est libéré, dès la date du jugement définitif, de toute obligation à l'égard des réclamations ultérieures.

Art. 7. Les créances des personnes ayant droit à une indemnité contre celui qui est tenu de la payer ne peuvent être ni cédées à des tiers, ni saisies valablement.

De même, les droits à l'indemnité et les fonds en provenant sont soustraits à toute saisie, arrêt ou séquestre et ne rentrent pas dans la masse en faillite de l'ayant droit.

Art. 8. Lorsque, au moment où le jugement doit être rendu, les conséquences d'une blessure ou d'une maladie ne peuvent pas encore être exactement appréciées, le juge peut, par exception, réserver l'allocation d'une somme plus élevée pour le cas de mort ou d'une aggravation notable de l'état de santé du blessé ou du malade. Toutefois, le total des indemnités accordées doit rester dans les limites fixées par l'article 6.

Cette réserve peut être faite expressément par le juge en faveur du fabricant aussi et impliquer une réduction de l'indemnité, lorsque les conséquences des blessures ont été beaucoup moins graves qu'on ne le prévoyait.

Art. 9. Lorsque l'employé ou l'ouvrier tué, blessé ou malade a droit à une assurance contre les accidents, à une caisse de secours et de malades ou à d'autres institutions semblables, et que le fabricant a contribué à l'acquisition de ce droit par des primes, cotisations et subventions, les sommes payées par ces institutions au blessé, au malade et aux ayants droit du défunt sont en totalité déduites de l'indemnité, si la participation du fabricant n'a pas été inférieure à la moitié des primes, cotisations et retenues versées.

Par contre, si la participation du fabricant est inférieure à la moitié, il ne sera déduit de l'indemnité que la part proportionnelle acquise par ces contributions.

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Le fabricant n'a droit à cette déduction que lorsque l'assurance à laquelle il contribue comprend tous les accidents et toutes les maladies.

Art. 10. Les fabricants n'ont pas le droit, par des règlements ou publications, ou par des conventions conclues avec leurs employés et ouvriers, ou avec des tiers (sauf le cas réservé à l'article 9), de limiter ou d'exclure d'avance la responsabilité civile, telle qu'elle est réglée dans la présente loi. Toutes dispositions et conventions contraires sont sans valeur juridique.

Art. 11. En cas de contestation, c'est le juge cantonal qui prononce sur les droits à l'indemnité dérivant de la présente loi, sauf recours au tribunal fédéral, conformément a la loi sur l'organisation judiciaire fédérale.

Art. 12. Les actions en dommages et intérêts prévues par la présente loi se prescrivent par un an, à compter du jour de l'accident qui a amené la mort ou les blessures, ou du jour où la maladie a été constatée officiellement comme affection spéciale engendrée par l'exploitation industrielle.

Toutefois, les intéressés ont le droit, même avant l'ouverture de l'action, de faire constater judiciairement toutes les circonstances de fait se rapportant aux accidents et maladies survenus.

Ait. 13. La prescription d'un an s'applique aussi aux cas prévus par l'article 8, soit à la révision du jugement; elle court du jour où le jugement a été prononcé.Art. 14. En cas de doute si un établissement qui ne figure pas sur la liste des fabriques aurait dû y être porté, et si, par conséquent, un accident ou une maladie survenus dans cet établissement doivent être soumis aux dispositions de la présente loi, c'est le conseil fédéral qui décide en dernier ressort, après avoir pris le préavis du gouvernement du canton (article 1er, deuxième alinéa, de la loi fédérale du 23 mars 1877 sur le travail dans les fabriques).

530 Art. 15. Sont abrogées les dispositions de l'article 5 de la loi fédérale du 23 mars 1877, à, l'exception toutefois de la lettre d dudit article, ainsi que les dispositions des lois et règlements cantonaux contraires à la présente loi.

Art. 16. Le conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874, concernant la votation populaire sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loi et de fixer l'époque où elle entrera en vigueur.

Ainsi décrété par le conseil national.

Berne, le 24 juin 1881.

Le président : A. VESSAZ.

Le secrétaire : SOHIESS.

Ainsi décrété par le conseil des états.

Berne, le 25 juin 1881.

Le président : C. KAPPELER.

Le secrétaire : SOHATZMANN.

Le conseil fédéral arrête : La loi fédérale ci-dessus sera insérée dans la feuille fédérale.

Berne, le 28 juin 1881.

Au nom du conseil fédéral suisse, Le président de la Confédération: DROZ.

Le chancelier de la Confédération : SOHIESS.

NOTE. Date de la publication: 9 juillet 1881.

Délai d'opposition : 7 octobre 1881.

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Loi fédérale sur la responsabilité civile des fabricants. (Du 25 juin 1881.)

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09.07.1881

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