04.439 Initiative parlementaire Loi sur les stupéfiants. Révision (procédure d'amende d'ordre) Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 2 septembre 2011

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (loi sur les stupéfiants, LStup), que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

2 septembre 2011

Pour la commission: La présidente, Thérèse Meyer-Kaelin

2011-1962

7523

Condensé En vertu du droit suisse en vigueur, la consommation de cannabis est punissable.

Cependant, pour lutter contre ce phénomène au moyen d'une procédure pénale, la police et la justice doivent déployer des efforts très importants, souvent considérés comme disproportionnés par rapport à la gravité du délit; cela est particulièrement vrai lorsque les auteurs sont des adultes dont la consommation est modérée et ne pose pas de problème social particulier. De surcroît, les pratiques en matière de répression divergent fortement d'un canton à l'autre, tant au niveau de la sévérité des peines infligées que du nombre de dénonciations effectives par an.

Le présent projet vise à permettre à la police, lorsqu'elle constate un cas de consommation de cannabis par un adulte, de sanctionner ce dernier sur place par une amende d'ordre de 100 francs, à condition que le contrevenant n'ait pas plus de 10 grammes de cannabis en sa possession; elle établit alors une contravention comme elle le ferait en cas d'infraction routière. Si le consommateur ne conteste pas l'amende et s'en acquitte, il ne sera pas nécessaire de procéder à une dénonciation, voire d'ouvrir une procédure pénale.

Les organes de police disposeront ainsi d'un moyen simple et efficace pour sanctionner de manière adéquate la consommation de cannabis, ainsi que l'a souhaité le législateur. Outre l'allégement des tâches dévolues à la police et à la justice, cette mesure permettra non seulement de réaliser des économies, mais également d'harmoniser les pratiques en matière de sanctions. Enfin, l'introduction de la procédure d'amende d'ordre ne compromettra en rien l'efficacité des mesures de prévention prévues dans la loi.

7524

Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Délibérations concernant le régime de sanctions applicable à la consommation de cannabis et travaux de la commission

Le régime de sanctions applicable à la consommation de cannabis fait depuis longtemps l'objet d'un débat. Le 9 mars 2001, le Conseil fédéral a soumis au Parlement un message1 concernant la révision de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (loi sur les stupéfiants, LStup)2. Le projet visait essentiellement à inscrire définitivement dans la loi les quatre piliers ­ prévention, thérapie, réduction des risques et répression ­ de la politique que pratiquait alors la Suisse en matière de drogue, d'une part, et le traitement avec prescription d'héroïne, d'autre part. Le Conseil fédéral proposait aussi de mettre en place une réglementation de la culture, de la fabrication et du commerce du cannabis et d'en dépénaliser la consommation. Il considérait en effet qu'il n'était plus guère possible de continuer à mener la politique de répression mise en place, qui s'avérait trop lourde en rapport avec le nombre de consommateurs réguliers ou occasionnels de cannabis en Suisse, estimé à 500 000 personnes. Estimant en outre qu'une consommation modérée ne mettait pas la santé plus en danger que la consommation de certaines substances licites, le Conseil fédéral soulignait dans son message que la répression ne se justifiait plus non plus du point de vue de la santé publique. En revanche, il proposait des mesures de prévention et de protection de la jeunesse afin de prévenir une éventuelle banalisation de la consommation.

A la session d'été 2004, le Conseil national a définitivement refusé d'entrer en matière sur cet objet, une majorité de députés ayant considéré que la dépénalisation proposée conduirait à banaliser la consommation. La majorité du conseil a en outre estimé que l'interdiction en vigueur demeurait la meilleure mesure de prévention pour dissuader en particulier les jeunes de consommer cette substance gravement nuisible à la santé tant physique que psychique. La majorité craignait aussi une augmentation du «tourisme de la drogue» si la Suisse devait dépénaliser la consommation.

En février et en mai 2005, les Commissions de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national et du Conseil des Etats (CSSS-N et CSSS-E) ont décidé de déposer une initiative (05.470) reprenant les éléments du projet du Conseil fédéral qui n'avaient pas été contestés
et qui seraient ainsi susceptibles d'obtenir une majorité d'avis favorables; en était notamment exclue la question des sanctions applicables à la consommation de cannabis, qui devait être réglée ultérieurement. Le projet de révision de la loi sur les stupéfiants élaboré par le Parlement a été adopté en votation populaire le 30 novembre 2008.3 Parallèlement, le peuple et les cantons ont rejeté à 63,3 % l'initiative populaire «Pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse»4, qui visait à légaliser la consom1 2 3 4

FF 2001 3537 RS 812.121 FF 2006 8141, 2009 499; RO 2009 2623 FF 2008 2049, 2009 500

7525

mation de cannabis et à en dépénaliser la possession, l'acquisition ou la culture pour son propre usage. Les opposants à l'initiative, qui rejetaient le principe même de la libéralisation des drogues douces, ont également avancé comme argument qu'il était nécessaire de garantir la protection de la jeunesse.5 Le 25 mars 2009, après avoir réexaminé la question, la CSSS-N a décidé que la consommation de cannabis serait soumise à la procédure d'amende d'ordre, ainsi que l'avait proposé le groupe démocrate-chrétien dans son initiative parlementaire du 16 juin 2004 (04.439). La CSSS-E s'est ralliée à cette décision le 18 janvier 2010. Dans le développement de son initiative, le groupe démocrate-chrétien a relevé qu'il n'était pas indiqué de lancer la machine judiciaire à l'encontre des consommateurs de cannabis et que, par conséquent, la consommation de cette drogue devait dorénavant être sanctionnée par des amendes d'ordre; cette solution serait simple, compréhensible et univoque pour toutes les personnes concernées.

Par la suite, la CSSS-N a chargé sa sous-commission «Politique de drogue»6 de préparer un projet, faisant appel à des experts de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) et de l'Office fédéral de la justice (OFJ) afin qu'ils la secondent dans ses travaux. Le 3 mai 2010, elle a entendu des spécialistes des dépendances ainsi que des représentants du corps enseignant, de la justice pénale des mineurs, des fonctionnaires de police et du canton de Saint-Gall. Enfin, elle a consacré ses séances du 29 juin 2010 et du 30 août 2010 à la rédaction d'un avant-projet et d'un rapport explicatif à l'intention de sa commission.

Le 21 janvier 2011, la CSSS-N a approuvé ledit projet assorti de son rapport explicatif par 15 voix contre 5 et 2 abstentions et a décidé de le mettre en consultation auprès des cantons, des partis politiques et des milieux intéressés. Une minorité de la commission a, pour sa part, rejeté fondamentalement le projet et proposé de ne pas entrer en matière sur celui-ci.

La consultation a été lancée le 28 février 2011 et clôturée le 31 mai 2011. En vertu de l'art. 6, al. 2, LCo, la commission a fait appel à l'OFSP pour en rassembler les résultats7.

Le 17 août 2011, la sous-commission s'est penchée sur les résultats de la consultation. Se fondant sur les réponses des participants
à cette dernière (cf. ch. 1.2), la CSSS-N a ensuite réexaminé notamment la question de la limite d'âge et décidé d'appliquer la procédure d'amende d'ordre uniquement aux adultes. Elle a alors approuvé, le 2 septembre 2011, le présent projet de rapport et d'acte par 14 voix contre 8 et 3 abstentions.

5 6 7

Analyse VOX des votations fédérales du 30 novembre 2008; gfs.berne, Université de Genève, Université de Zurich et Université de Berne, pp. 29 à 37.

Fehr Jacqueline, Meyer Thérèse, Baettig, Cassis, Dunant (remplacé par Frehner à partir de mars 2011), Prelicz-Huber, Schenker Silvia Voir «Initiative parlementaire 04.439 ­ Rapport sur les résultats de la procédure de consultation concernant la révision de la loi sur les stupéfiants ­ Procédure relative aux amendes d'ordre en cas de consommation de cannabis» , Office fédéral de la santé publique, juillet 2011

7526

1.2

Résultats de la procédure de consultation

Sur les 105 participants à la consultation, 73 se déclarent favorables à l'introduction de la procédure d'amende d'ordre en cas de consommation de cannabis. Parmi eux, 20 cantons, 5 partis (PDC, PLR, PS, les Verts et PCS) et 34 organisations8 soutiennent le projet sur le fond. A leurs yeux, la révision proposée simplifie la procédure, notamment pour les ministères publics, et contribue à uniformiser les sanctions applicables à la consommation de cannabis en Suisse. Certains participants considèrent simplement que l'introduction de la procédure d'amende d'ordre est un pas dans la bonne direction.

Au contraire, 5 cantons (AI, BS, GR, TG et TI), 2 partis (UDC et UDF) et 13 organisations9 sont opposés à la procédure relative aux amendes d'ordre en cas de consommation de cannabis. Plusieurs d'entre eux relèvent que l'introduction de ce régime de sanctions risque de banaliser la consommation de cannabis et de compliquer l'identification des trafiquants. D'autres estiment qu'un tel système créerait davantage de problèmes qu'il n'en résoudrait par rapport aux principes reconnus du droit et qu'il ne déchargerait les autorités, si tant est qu'il le fasse, que dans une moindre mesure.

En outre, 46 participants à la consultation ­ dont 15 cantons ainsi que le PLR et l'UDF ­ rejettent l'idée d'infliger une amende d'ordre aux mineurs qui consomment du cannabis. Ils jugent en effet que cette façon de procéder ne permettrait pas de détecter suffisamment tôt les problèmes de drogue, sans compter que les titulaires de l'autorité parentale ne seraient alors même plus informés de la situation. Certains10 estiment qu'il en va autrement du droit pénal des mineurs, qui est axé sur la protection et l'éducation de la jeunesse et grâce auquel une influence positive peut être exercée sur celle-ci à l'aide de mesures appropriées.

De leur côté, 16 participants à la consultation ­ dont 7 cantons ainsi que le PDC et les Verts ­ sont favorables à une limite d'âge fixée à 16 ans, notamment parce que cette limite s'applique aussi à l'alcool et au tabac11. D'autres ­ dont 2 cantons ainsi que le PS et le PCS ­ privilégient la limite de 15 ans, âge à partir duquel le droit pénal des mineurs autorise la sanction par l'amende.

S'agissant du montant de l'amende d'ordre, 30 participants à la consultation ­ dont 12 cantons ainsi que
le PDC, le PLR et le PCS ­ sont d'avis qu'un montant de 100 francs serait adéquat. Par contre, ils sont 20 ­ principalement issus des milieux spécialisés dans le traitement de la toxicomanie ­ à plaider en faveur d'un montant inférieur, à l'instar du PS (50 francs) et des Verts (30 francs). Pour leur part, 17 participants ­ dont 8 cantons ­ se sont prononcés pour un montant de 200 francs.

Les partisans d'amendes réduites font valoir qu'une amende d'ordre trop élevée 8

9

10 11

Arbeitsgruppe Rauschgift, Avenir Social, Contact Netz, COROMA, CFPD, CFEJ, Fachverband Sucht, FMH, FNA, Fondation du Levant, FOSUMOS, Promotion Santé Suisse, GREA, Médecins de famille Suisse, infodrog, kf, CDCT, CAPS, SEC Suisse, CPA, pharmasuisse, Pro Juventute, Public Health, Radix, REPER, Croix-Bleue suisse, Addiction Info Suisse, CDVD, SSDP, SSAM, UVS, Suchtpräventionsstelle Freiburg, USIE, VSND ARCD, Centre Patronal, DDS, Eltern gegen Drogen, Médecins suisses contre la drogue, USAM, CSC, SSDPM, Universität Basel, Université de Genève, association Jeunesse sans drogue, VEVDAJ, FSFP Notamment CFEJ, Fachverband Sucht et GREA, infodrog, Conférence des autorités de poursuite pénale de Suisse (CAPS), Société suisse de droit pénal des mineurs (SSDPM) Tous les cantons n'appliquent pas la même règle.

7527

pourrait inciter les consommateurs de cannabis à exiger une procédure ordinaire.

Plusieurs participants à la consultation ont en outre proposé différents systèmes d'amendes, certains incluant par exemple des barèmes échelonnés.

Aux termes de l'art. 19b LStup, celui qui se borne à préparer des stupéfiants en «quantités minimes», pour sa propre consommation ou pour permettre à des tiers de plus de 18 ans d'en consommer simultanément en commun après leur en avoir fourni gratuitement, n'est pas punissable. A cet égard, 66 participants à la consultation ­ dont 19 cantons ainsi que le PS, le PLR, les Verts et le PCS ­ approuveraient que la loi définisse la notion de «quantités minimes» de stupéfiants ayant des effets de type cannabique, ce qui permettrait une uniformisation au niveau national.

Plus précisément, 44 participants souhaitent qu'il soit question de «quantités minimes» jusqu'à 10 grammes, tandis que 30 autres considèrent qu'il devrait s'agir d'une quantité inférieure.

2

Grandes lignes du projet

2.1

La situation actuelle

L'art. 19a, ch. 1, de la loi sur les stupéfiants (LStup) prévoit que celui qui, sans droit, consomme du cannabis, en détient ou en cultive pour sa consommation personnelle, est passible de l'amende. Dans les cas bénins, l'autorité compétente peut suspendre la procédure ou renoncer à infliger une peine (art. 19a, ch. 2). Jusqu'en 2002, le nombre de dénonciations pour consommation de produits issus du chanvre a fortement augmenté, passant de 12 422 en 1990 à 32 261 cette année-là. Depuis, ce chiffre n'a plus subi de variations notables12. Parallèlement, la consommation de cannabis est restée relativement stable: lors des quatre enquêtes sur la santé réalisées par l'Office fédéral de la statistique entre 1992 et 2007, la proportion de personnes entre 15 et 50 ans ayant déclaré avoir consommé des produits issus du chanvre au cours des six mois précédents s'est maintenue entre 4,4 et 4,6 %,13 ce qui représenterait environ 350 000 personnes, au vu de la population totale actuelle.

La lutte contre la consommation de cannabis par des sanctions pénales nécessite, pour la police et la justice, des efforts considérables, souvent considérés comme disproportionnés par rapport à la gravité du délit; cela est particulièrement vrai lorsque les auteurs sont des adultes dont la consommation est modérée et ne pose pas de problème social particulier. Pour qu'une procédure pénale puisse être ouverte, il faut qu'un organe de police verbalise le consommateur; ensuite, une autorité de poursuite pénale ou une autorité judiciaire statue sur le cas. Souvent, les consommateurs adultes sont condamnés à payer une amende n'entraînant pas d'inscription au casier judiciaire, à quoi s'ajoutent les frais de procédure. Généralement, l'autorité compétente renonce à infliger une peine aux jeunes consommateurs, ou alors elle se contente de prononcer une réprimande;14 en revanche, il est fréquent qu'elle les

12 13 14

Office fédéral de la statistique, statistique suisse des stupéfiants, chiffres de 2009.

Office fédéral de la statistique, enquêtes suisses sur la santé, 1992 à 2007.

Commission fédérale pour les questions liées aux drogues, «Cannabis 2008. Mise à jour du rapport 1999 sur le cannabis», octobre 2008, p. 23. (www.ofsp.admin.ch)

7528

contraigne à suivre un cours traitant des risques liés à la consommation de cannabis (cette pratique des autorités pénales des mineurs est répandue dans tout le pays).15 Outre l'importance des moyens nécessaires, le régime actuel de sanctions frappant la consommation de cannabis présente un autre aspect problématique, qui concerne l'égalité juridique; en effet, les modalités de mise en oeuvre de l'interdiction de consommer diffèrent considérablement d'une région à une autre. Il ressort ainsi d'une enquête portant sur l'année 2008 menée par Addiction Info Suisse ­ anciennement Institut suisse de prévention de l'alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA) ­ que le nombre de dénonciations varie fortement selon les cantons:16 Bâle-Campagne (1,3 dénonciation pour 1000 habitants), Zoug (1,5) et Genève (1,8) sont lanterne rouge, tandis que Schaffhouse et le Valais (5,3), Zurich (5,0) et Vaud (4,9) forment le peloton de tête. Si certains facteurs (par ex. proximité de la frontière, aéroport international, scènes de la drogue suprarégionales) peuvent en partie expliquer ces écarts, il faut aussi relever que les polices cantonales ont des pratiques différentes.

En outre, il ressort d'une comparaison des directives et recommandations de sept cantons (AG, FR, LU, NE, SH, TI et ZH) que de grandes différences existent au niveau de la sévérité des peines infligées: si la majorité de ces cantons prévoient que la consommation de cannabis peut parfois être considérée comme un cas bénin au sens de l'art. 19a, ch. 2, LStup ­ aucune amende n'est alors infligée ­, les critères sur lesquels ils se fondent varient fortement (pour certains, c'est la quantité de cannabis que le consommateur porte sur lui qui est déterminante; pour d'autres, c'est l'âge du consommateur ou la fréquence de consommation). Idem pour le montant des amendes infligées dans les cas graves: dans certains cantons, il est fixé en fonction de la quantité de cannabis détenue; dans d'autres, c'est le fait que le consommateur soit récidiviste ou non qui est déterminant. C'est ainsi qu'une personne appréhendée avec 10 à 100 grammes de cannabis dans le canton de Fribourg sera condamnée à une amende de 50 francs, alors qu'un détenteur de plus de 100 grammes de cannabis devra s'acquitter d'une amende de 3000 francs dans le canton du Tessin.17 Il est rare que la
consommation de cannabis à elle seule fasse l'objet d'une sanction.18 En résumé, cela fait un certain temps que le régime de sanctions pénales applicable à la consommation de cannabis se révèle, en pratique, insatisfaisant tant du point de vue de l'efficacité de l'action de l'Etat que de celui de l'égalité juridique. Eu égard au fait que la dépénalisation de la consommation de cannabis n'obtiendrait pas l'adhésion d'une majorité politique, la commission propose de résoudre les problèmes actuels grâce à l'introduction d'un système d'amendes d'ordre.

15

16

17 18

D'après les déclarations du président de la Société suisse de droit pénal des mineurs devant la sous-commission «Politique de drogue» de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national, mai 2010 Dénonciations pour consommation de cannabis effectuées par les cantons en 2008; calculs réalisés par Addiction Info Suisse sur la base de la statistique suisse des stupéfiants 2008, établie par l'Office fédéral de la police (fedpol), ainsi que sur la base de la statistique de l'état annuel de la population (ESPOP) 2008, établie par l'Office fédéral de la statistique (OFS); cf. www.sucht-info.ch/fr.

D'après les informations transmises à la sous-commission «Politique de drogue» par l'Office fédéral de la justice le 9 août 2010.

Commission fédérale pour les questions liées aux drogues, «Cannabis 2008. Mise à jour du rapport 1999 sur le cannabis», octobre 2008, p. 25.

7529

2.2

La nouvelle réglementation proposée

2.2.1

Principes

Le projet prévoit de soumettre la consommation de cannabis par les adultes à la procédure d'amende d'ordre. Lorsque la police constate un fait de ce genre, elle peut le sanctionner sur place, dans le cadre d'une procédure simplifiée, par une amende d'ordre de 100 francs, à condition que le contrevenant n'ait qu'une quantité minime de cannabis en sa possession, soit pas plus de 10 grammes; elle établit alors une contravention comme elle le ferait en cas d'infraction routière. Si le consommateur ne conteste pas l'amende et s'en acquitte, il n'est pas nécessaire de procéder à une dénonciation, voire d'ouvrir une procédure pénale. Mais si le contrevenant détient plus de 10 grammes de cannabis, une plainte est déposée contre lui dans tous les cas.

Les organes de police disposeront ainsi d'un moyen simple pour sanctionner efficacement la consommation de cannabis, ainsi que l'a souhaité le législateur. Outre l'allégement des tâches dévolues à la police et à la justice, cette mesure permettra de réaliser des économies tout en mettant fin aux pratiques très hétérogènes que l'on constate aujourd'hui dans le domaine des sanctions.

La commission a procédé à une analyse approfondie afin de savoir si le nouveau système aurait des conséquences négatives sur la protection de la santé et la sécurité routière.

2.2.2

Protection de la santé

La Commission fédérale pour les questions liées aux drogues (CFLD) considère que, sur le plan physique, le principal danger encouru par les consommateurs de cannabis est l'augmentation du risque de développer un cancer; les troubles de l'humeur ainsi que la limitation de la perception et de la capacité de réaction constitueraient les conséquences psychiques. La CFLD souligne que, pour l'heure, rien ne prouve que le risque accru de troubles psychiques soit imputable à la consommation de cannabis ou à une prédisposition des personnes concernées. Enfin, elle précise qu'entre 3 et 6 % des consommateurs réguliers deviennent dépendants.19 Avec la modification du 20 mars 2008 de la LStup20, le législateur a renforcé les mesures de protection destinées aux consommateurs de drogue qui représentent un danger élevé pour eux-mêmes ou pour les autres: ainsi, en vertu de l'art. 3c nLStup, les services de l'administration et les professionnels oeuvrant dans les domaines de l'éducation, de l'action sociale, de la santé, de la justice et de la police peuvent annoncer aux institutions de traitement ou aux services d'aide sociale compétents les cas de personnes souffrant de troubles liés à l'addiction ou présentant des risques de troubles. Cette compétence en matière d'annonce sera maintenue même si le système d'amendes d'ordre est introduit.

19 20

Commission fédérale pour les questions liées aux drogues, «Cannabis 2008. Mise à jour du rapport 1999 sur le cannabis», octobre 2008, pp. 15 à 18.

RO 2009 2623; entrée en vigueur le 1er juillet 2011.

7530

2.2.3

Sécurité routière

Le cannabis au volant pose un problème particulier. Une analyse de quelque 4800 échantillons de sang et d'urine prélevés en 2005 chez des automobilistes soupçonnés d'être sous l'influence de drogues ou de médicaments a révélé la présence d'une ou plusieurs substances psychotropes dans 89 % des cas: le cannabis arrive en tête (48 %), suivi de l'alcool (35 %), de la cocaïne (25 %), des opiacées (10 %) et des amphétamines (7 %). La détection de cannabis dans le sang ­ la plupart du temps dans de fortes concentrations ­ permet de conclure que les conducteurs ont consommé la drogue immédiatement avant de prendre le volant, voire durant le trajet. La police a réalisé 35 % des contrôles suite à des accidents de la circulation.21 L'introduction d'un système d'amendes d'ordre pour la consommation de cannabis ne change rien à la tolérance zéro ordonnée par le Conseil fédéral concernant les stupéfiants au volant.22 Demeure également valable la disposition de la LStup qui prévoit que si un service de l'administration craint qu'une personne affectée de troubles liés à l'addiction ne présente, du fait de ces troubles, un risque pour la circulation routière, il en avise l'autorité compétente (art. 3h LStup), laquelle peut ensuite retirer le permis de conduire à la personne concernée. La nouvelle disposition proposée n'aura donc aucune conséquence négative sur la sécurité routière.

2.2.4

Procédures cantonales comparables

2.2.4.1

Saint-Gall

En 2003, le canton de Saint-Gall a introduit un régime de sanction comparable à celui prévu par la nouvelle réglementation proposée. La perception immédiate des amendes («Bussenerhebung auf der Stelle»), régie par l'ordonnance cantonale sur la procédure pénale, ne s'applique toutefois pas qu'à la consommation de cannabis, mais à plus de 80 délits. La consommation et la possession de cannabis pour usage personnel jusqu'à 5 grammes est passible d'une amende de 50 francs.

Selon les déclarations de Thomas Hansjakob, premier procureur du canton de SaintGall,23 l'expérience est concluante. Le passage au système d'amendes d'ordre se fondait sur l'idée que la priorité absolue devait revenir à la lutte contre le trafic de cannabis, car c'est à cet échelon que sont réalisés la plupart des profits dégagés de la prohibition; en revanche, poursuivre pénalement les consommateurs n'est guère judicieux, sachant que, dans nombre de cas, les efforts nécessaires sont largement supérieurs aux bénéfices retirés.

En vertu de l'art. 24, al. 1 du Droit pénal des mineurs (DPMin)24, les mineurs qui n'ont pas encore atteint l'âge de 15 ans ne peuvent pas être punis de l'amende; en conséquence, ils sont toujours dénoncés au procureur des mineurs, même dans le canton de Saint-Gall. D'après M. Hansjakob, les éventuelles sanctions n'ont pas un but principalement répressif; elles visent plutôt à alerter les jeunes sur les risques 21 22 23 24

Maria-Cristina Senna et al., «First nationwide study on driving under the influence of drugs in Switzerland», Forensic Science International, vol. 198, no 1 (2010), pp. 11 à 16.

Voir à ce sujet le rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national relatif à l'initiative parlementaire 05.470, FF 2006 8141, ch. 3.1.9.3.2.

Monsieur Hansjakob a été entendu par la sous-commission à la séance du 3 mai 2010.

RS 311.1

7531

que la consommation de cannabis entraîne pour la santé. Il est en revanche apparu que la protection de la santé des adultes revêtait un caractère moins urgent, car la consommation problématique est plutôt exceptionnelle dans ce groupe cible; le cas échéant, il s'agirait plutôt de protéger l'ordre public en évitant l'apparition de «scènes ouvertes». La procédure d'amende d'ordre permet alors de sanctionner rapidement et facilement les comportements indésirables.

D'après M. Hansjakob, l'introduction du nouveau système n'a pas eu d'influence directe sur le tourisme de la drogue; si les consommateurs des régions frontalières viennent en Suisse, c'est principalement parce qu'il reste plus facile de s'y approvisionner en cannabis qu'en Autriche, par exemple. Aussi est-il nécessaire de combattre résolument le trafic pour pouvoir mettre un terme au tourisme de la drogue.

2.2.4.2

Neuchâtel

Le canton de St-Gall n'est pas le seul à disposer d'un régime de sanction simplifié, celui de Neuchâtel s'étant également doté d'un tel système. En cas de consommation de drogue, l'art. 16 du code de procédure pénale neuchâtelois25 autorise la police à percevoir une amende immédiatement, pour autant que le contrevenant soit pris sur le fait et qu'il consente à régler aussitôt le montant de l'amende. L'agent de police remet au contrevenant une quittance et communique la transaction au ministère public. Ce dernier a la possibilité d'annuler la transaction dans les trois jours suivant sa réception et d'engager une procédure ordinaire. Le contrevenant peut également demander, dans les trois jours par déclaration écrite au ministère public, l'ouverture d'une procédure ordinaire.

La liste des amendes26 établie par le procureur général prévoit une amende de 150 francs pour la consommation ou la détention de drogue dite «douce». La consommation ou la détention de drogue dite «dure» est, quant à elle, punie d'une amende de 300 francs. La procédure simplifiée est appliquée uniquement aux prévenus majeurs.

D'après le procureur général neuchâtelois, ce n'est que depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, de la révision de la partie générale du code pénal (CP)27 et la suppression des courtes peines privatives de liberté que la procédure de transaction est appliquée à la consommation de drogue. L'amende étant devenue la seule sanction possible, il a été décidé d'en fixer d'emblée les différents montants: la procédure s'en trouve simplifiée aussi bien pour les prévenus que pour la police et le ministère public.

Le canton de Neuchâtel ne connaît aucun tourisme de la drogue, et ce pour deux raisons principales: l'approvisionnement en cannabis y est plus difficile que dans d'autres cantons et la consommation de drogue n'y est pas tolérée.

25 26 27

Recueil systématique de la législation neuchâteloise (RSN) 322.0 Recueil systématique de la législation neuchâteloise (RSN) 322.0 RS 311.0. Dans le cadre de la révision du code pénal, l'art. 19a, ch. 1, de la loi sur les stupéfiants a été adapté en conséquence (RS 812.121).

7532

2.2.5

Propositions de minorité

Plusieurs propositions de minorité ont été déposées dans le cadre de l'examen de l'objet par la CSSS-N: 1. Ne pas entrer en matière Rejetant fondamentalement le projet, une minorité de la commission (Baettig, Borer, Bortoluzzi, Glur, Parmelin, Scherer, Stahl) propose de ne pas entrer en matière sur celui-ci. Elle considère que les risques de la consommation de cannabis sur la santé et la sécurité routière ne doivent pas être sous-estimés et qu'il est par conséquent important que ces délits fassent systématiquement l'objet de poursuites pénales. Elle estime en outre que l'interdiction perdrait son effet dissuasif si la procédure d'amende d'ordre était introduite. Enfin, elle souligne que les milieux politiques envoient ainsi des signaux contradictoires: le projet tendrait en effet à banaliser la consommation de cannabis en la soumettant à la procédure d'amende d'ordre, alors que cette substance est beaucoup plus dangereuse que le tabac, dont la consommation n'a pourtant de cesse d'être combattue.

2. Définition de la quantité minime de cannabis (art. 19b, al. 2) (nouveau) Une minorité de la commission (Baettig, Borer, Bortoluzzi, Estermann, Frehner, Meyer Thérèse, Parmelin, Stahl) souhaiterait que la quantité minime de cannabis dont la détention n'est pas punissable aux termes du droit en vigueur (art. 19b LStup) ne soit pas définie dans la LStup, considérant qu'il est en pratique quasiment impossible à la police de déterminer sur place la quantité de cannabis détenue par une personne. En outre, elle estime qu'une quantité donnée de cannabis peut être considérée comme minime uniquement en fonction de la situation personnelle du contrevenant: une procédure ordinaire serait par conséquent indispensable pour définir s'il y aura ou non sanction.

3. Pouvoir d'appréciation dans les cas bénins (art. 28b, al. 1bis) (nouveau) Dans le cadre de la procédure en vigueur, de nombreux cantons renoncent à infliger une peine dans les cas bénins de consommation de stupéfiants, comme le leur permet l'art. 19a, ch. 2, LStup (voir ch. 2.1). Pour que l'introduction de la procédure d'amende d'ordre ne conduise pas à un durcissement de la pratique actuelle en matière de sanctions ou à une discrimination des consommateurs de cannabis par rapport aux consommateurs d'autres stupéfiants, une minorité de la commission (Cassis,
Fehr Jacqueline, Gilli, Goll, Prelicz-Huber, Rielle, Rossini, Schenker Silvia, Weber-Gobet) propose d'accorder à la police un pouvoir d'appréciation tel que celui prévu pour le juge du fond dans la procédure ordinaire. Elle rappelle que l'art. 19a, ch. 2, LStup prévoit d'ores et déjà la possibilité, dans les cas bénins, de suspendre la procédure ou de renoncer à infliger une peine; dès lors, la police devrait elle aussi avoir le choix de renoncer à sanctionner par une amende d'ordre les cas bénins.

4. Montant de l'amende (art. 28b, al. 2) (nouveau) Une minorité de la commission (Baettig, Borer, Bortoluzzi, Estermann, Parmelin, Stahl) souhaite fixer à 200 francs le montant de l'amende d'ordre; selon elle, une violation de l'interdiction de consommer du cannabis devrait avoir des conséquences financières notables, faute de quoi la peine encourue perdrait son effet dissuasif. Elle a aussi ajouté que fixer un montant trop bas reviendrait à banaliser la consommation de cannabis.

7533

5. Prise en considération des antécédents et de la situation personnelle (art. 28b, al. 3) (nouveau) Une minorité de la commission (Baettig, Borer, Bortoluzzi, Estermann, Parmelin, Stahl) propose qu'il soit tenu compte des antécédents et de la situation personnelle du contrevenant dans la procédure d'amende d'ordre, au même titre que dans la procédure ordinaire, l'objectif étant d'éviter que des cas de consommation problématique ne soient pas décelés et, partant, ne donnent pas lieu à des mesures ad hoc.

6. Limite d'âge (art. 28c, let. c) Une minorité de la commission (Schenker Silvia, Cassis, Fehr Jacqueline, Gilli, Goll, Heim, Rielle, Robbiani, Rossini, Weber-Gobet, Weibel) propose que la procédure d'amende d'ordre soit également applicable aux jeunes âgés de 16 ans au moins. Ainsi, lorsque la police constaterait que des jeunes de 16 ou 17 ans consomment du cannabis, elle aurait le choix entre deux sanctions: soit l'amende d'ordre, dans les cas les plus simples, soit la dénonciation au procureur des mineurs, dans les autres cas. Celui-ci pourrait alors, au besoin, prononcer des mesures éducatives ou thérapeutiques au sens de l'art. 10 DPMin. S'agissant de la protection de la jeunesse, il convient en outre de ne pas oublier l'importance de la compétence en matière d'annonce visée à l'art. 3c LStup. En vertu de cette disposition, les situations où des jeunes souffrent de troubles liés à la consommation de cannabis, à l'école, au travail ou au sein de groupements de jeunesse, peuvent en effet être annoncées aux institutions de traitement ou aux services d'aide sociale compétents. Or, la police pourrait elle aussi procéder à de telles annonces.

7. Amendes d'ordre, amendes et procédure ordinaire (art. 28k et 28l) Une minorité de la commission (Schenker Silvia, Fehr Jacqueline, Goll, Heim, Rielle, Rossini, Weber-Gobet) propose qu'une amende d'ordre puisse également être infligée dans la procédure ordinaire. Selon elle, permettre au procureur général ou au tribunal d'infliger une amende d'ordre de 100 francs, conformément à l'art. 28b, al. 2, nLStup, empêcherait qu'une personne ne soit punie parce qu'elle a fait usage de son droit à une procédure ordinaire selon l'art. 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée le 4 novembre 1950 (CEDH)28. Si
cette personne était déclarée coupable, elle devrait en sus payer les frais de procédure (cf. art. 353, al. 1, let. g, CPP). La même minorité est en outre opposée à l'art. 28l nLStup, selon lequel l'amende dans la procédure ordinaire ­ où la situation personnelle et financière du contrevenant est prise en considération ­ correspond au minimum au montant de l'amende d'ordre.

3

Commentaire des dispositions

3.1

Structure

L'amende d'ordre proposée est une amende pour des contraventions au sens de l'art.

19a, ch. 1, LStup qui sera prononcée dans une procédure spéciale (la procédure d'amende d'ordre). Les dispositions qui règlent la procédure d'amende d'ordre seront classées parmi les règles de procédure correspondantes au chap. 4: Disposi28

RS 0.101

7534

tions pénales. Comme la poursuite pénale incombe aux cantons (art. 28, al. 1, LStup), la procédure relative aux amendes d'ordre est réglée à la suite de l'art. 28a LStup, aux art. 28b à 28l nLStup.

3.2

Commentaire

3.2.1

Quantité minime (art. 19b, al. 2) (nouveau)

L'art. 19b LStup stipule que celui qui prépare des stupéfiants en quantités minimes, pour sa propre consommation ou pour permettre à des tiers de plus de 18 ans d'en consommer simultanément après leur en avoir fourni gratuitement, n'est pas punissable.

La procédure relative aux amendes d'ordre pour consommation de cannabis est uniquement appliquée si aucune autre infration à la LStup ou à d'autres lois n'a été constatée (cf. art. 28c, let. a nLStup). En effet, il ressort des art. 49 et 344 CP que le droit pénal prévoit de juger l'auteur de plusieurs infractions selon une procédure uniforme afin que la question de la fixation de la peine et de la prescription d'une mesure fasse l'objet d'une décision uniforme et d'une exécution cohérente. Le fait que l'auteur de l'infraction consomme également des stupéfiants peut avoir une influence déterminante sur la fixation de la peine et sur la prescription d'une mesure thérapeutique. Pénaliser isolément la consommation de cannabis par une amende d'ordre est inadéquat dans de tels cas.

Pour que la procédure d'amende d'ordre soit appliquée, il faudrait chiffrer cette quantité minime non punissable de stupéfiants ayant des effets de type cannabique (cannabis). De cette façon, la police peut décider sur place si la consommation de cannabis observée doit être sanctionnée par une amende d'ordre ou si une procédure ordinaire doit être engagée. La fixation d'une quantité minime de cannabis à l'art. 19b, al. 2, nLStup, permet de régler ce point de façon uniforme à l'échelle nationale.

La détention d'une quantité supérieure à la quantité minime prescrite est punissable au sens de l'art. 19 LStup (soupçon de commerce de stupéfiants) et la condamnation à une amende d'ordre selon l'art. 28c, let. a, nLStup, n'entre pas en ligne de compte dans un tel cas.

La quantité de 10 grammes de cannabis (détention non punissable) proposée correspond à une moyenne de ce qui est considéré comme une quantité minime dans certains cantons29 et au niveau international30.

La fixation de la quantité minime n'est pas basée sur une différenciation des produits de type cannabiques disponibles sur le marché et destinés à la consommation. Les enseignements tirés, ces dix dernières années, des valeurs mesurées par la médecine légale sur des produits confisqués montrent que la teneur moyenne
en THC est à peu près aussi élevée pour la marihuana, le haschisch, les «médaillons de chanvre», etc.

Elle se situe généralement entre 9 et 11 %, des taux de 30 % de THC étant toutefois

29 30

La quantité minime est variable; p. ex.: 5 g (ville de Zurich); 10 g (canton de Fribourg); 30 g (Bâle-Ville). Cf. à ce sujet ATF 124 IV 184.

2,5 g par jour (Portugal); 5 g (Italie et Pays-Bas); 5 à 15 g (Allemagne); 1 g de THC, soit env. 50 g de cannabis contenant 10 % de THC (Rép. tchèque); 20 g de THC (Autriche).

7535

possibles quoique très rares. Ce constat vaut également pour l'huile de haschisch, qui est très rarement proposée dans la rue.

3.2.2

Principe (art. 28b) (nouveau)

L'art. 28b nLStup soumet la consommation de cannabis à la procédure relative aux amendes d'ordre et la traite dès lors comme un cas particulier de consommation de stupéfiants. La procédure relative aux amendes d'ordre consiste en une procédure simple dans laquelle, contrairement à la procédure ordinaire, la peine sera prononcée par un organe de police sans prendre en considération les antécédents et la situation personnelle de l'auteur (voir art. 47 et 106 al. 3 CP). Cela est possible, car en vertu de l'art. 333, al. 1 CP, les dispositions du code pénal ne sont applicables qu'à moins que la loi spéciale ne contienne des dispositions en la matière31. De plus, l'art. 1, al. 2 du Code de procédure pénale suisse (CPP)32, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2011, réserve expressément l'applicabilité de dispositions de procédure prévues par d'autres lois fédérales. Les procédures d'amendes d'ordre sont comprises parmi celles-ci (voir Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1057, ch. 2.1.1). Tel est le cas de l'art. 28b ss nLStup, qui prévoit la possibilité de frapper d'une amende d'ordre la consommation de cannabis.

L'al. 1 renvoie à l'art. 19a, ch. 1, LStup, qui règle de manière générale la consommation de stupéfiants. L'amende prévue à l'art. 19a, ch. 1, LStup, contrairement à celle prévue aux art. 28b ss nLStup, s'inscrit dans le cadre d'une procédure ordinaire qui prend en compte les antécédents et les conditions personnelles des contrevenants. Alors que, selon l'art. 19a, ch. 2, LStup, la consommation de stupéfiants peut ne pas être réprimée dans des cas bénins, la consommation de cannabis, avec l'introduction de la procédure d'amende d'ordre, ne pourrait plus être dépénalisée, à moins d'être examinée dans le cadre d'une procédure ordinaire (art. 28e, al. 5, et 28j, al. 2, nLStup).

Al. 2: Le montant de l'amende d'ordre est fixe et n'est pas adapté en fonction de la gravité du délit. Il s'élève à 100 francs et sanctionne uniquement la consommation de cannabis (frais administratifs compris), indépendamment de la quantité consommée ou de la teneur en THC. Le montant de l'amende d'ordre a été fixé en fonction des peines qui sont infligées aujourd'hui en Suisse en cas de consommation de cannabis dont le montant varie cependant
fortement d'un canton à l'autre.

Al. 3: Sachant, comme indiqué plus haut, que la procédure d'amende d'ordre ne tient compte ni des antécédents ni de la situation personnelle des contrevenants, ceux-ci n'ont notamment pas la possibilité de faire valoir des circonstances atténuantes qui influencent positivement l'ampleur de la sanction (art. 19a, ch. 2, LStup).

Al. 4: Dans un premier pas, la police saisit le produit contenant du cannabis et inflige l'amende. Par le paiement, l'amende acquiert force de chose jugée. Le produit contenant du cannabis est alors réputé confisqué (art. 28e, al. 4, nLStup).

31 32

Voir aussi art. 26 LStup RS 312.0

7536

3.2.3

Exceptions (art. 28c) (nouveau)

Cette disposition règle de manière exhaustive les exceptions à la procédure d' amende d'ordre.

Let. a: La procédure relative aux amendes d'ordre ne peut être appliquée que si la consommation de cannabis est le seul délit à réprimer. Si en plus de consommer du cannabis le contrevenant a commis d'autres infractions à la LStup ou à une autre loi, la procédure ordinaire s'applique à toutes les infractions (consommation de cannabis comprise), notamment pour des raisons d'économie de procédure. Par exemple, si en plus de consommer du cannabis le contrevenant détient sans autorisation une quantité de cannabis qui ne peut être considérée comme minime au sens de l'art. 19b, al.2, nLStup, l'amende d'ordre ne peut être infligée. Dans ce cas, une procédure ordinaire doit être engagée pour juger à la fois la consommation de cannabis en vertu de l'art. 19a, ch. 1, LStup, et la détention non autorisée de stupéfiants en vertu de l'art. 19, al. 1, let. d, LStup.

Let. b: Pour qu'une procédure relative aux amendes d'ordre soit appliquée, l'infraction doit avoir été constatée par un agent d'un organe de police habilité à cet effet. Cette procédure ne peut pas être appliquée, p. ex., sur simple dénonciation d'un tiers. Une disposition dans ce sens figure à l'art. 2, let. b, de la loi du 24 juin 1970 sur les amendes d'ordre (LAO)33.

Let. c: Les mineurs qui sont supris en train de consommer du cannabis, ne doivent pas être puni au sens de la procédure d'amende d'ordre. En effet, la protection des jeunes est garantie aussi bien au sens de l'art. 3c LStup qu'au sens de l'art. 19a LStup en relation avec la procédure ordinaire du droit pénal des mineurs.

3.2.4

Organes de police compétents (art. 28d ) (nouveau)

Al. 1: Comme les questions de police relèvent de la compétence des cantons, c'est à eux qu'il incombe de désigner l'organe de police compétent.

L'al. 2 a pour but d'exclure d'emblée toute forme de doute ou de discussion concernant l'habilitation d'un fonctionnaire, ce qui a conduit à préciser que les agents n'ont le droit de percevoir des amendes d'ordre que s'ils sont en uniforme de service.

3.2.5

Paiement (art. 28e) (nouveau)

Al. 1: Un délai de réflexion de 30 jours est accordé pour les amendes d'ordre, faute de possibilité de paiement comptant. Cette disposition tient compte du fait que de nombreuses personnes ne règlent leurs factures qu'une fois par mois.

Al. 2: Lors du paiement de l'amende d'ordre, le contrevenant reçoit une quittance relative au montant de cette dernière. Ainsi, elle peut lui servir de titre de preuve dans le cadre de la procédure au sens de l'art. 28k nLStup.

33

RS 741.03

7537

Al. 3: Lorsque le contrevenant ne paie pas l'amende immédiatement, une formule de délai de réflexion lui est remise. La copie de celle-ci est détruite en cas de paiement dans les délais.

Al. 4: En règle générale, la police ne peut opérer qu'une simple saisie. L'art. 70 CP prévoit que la confiscation doit être prononcée par un juge. En dérogation à ce principe, la présente règle spéciale permet à la police de confisquer directement le produit contenant du cannabis («joint», gâteau au cannabis, boisson à base de cannabis, etc.) avec le prononcé de l'amende. Cette disposition répond aux exigences de l'art. 70 CP, car la personne concernée peut être jugée par un tribunal si elle s'oppose à la procédure de l'amende d'ordre (art. 28j) ou si elle ne paie pas l'amende d'ordre dans le délai de réflexion (art. 28e, al. 5). La confiscation des objets saisis n'intervient que quand l'amende a force de chose jugée (voir art. 28e al. 4, nLStup). Seul peut être saisi le produit de type cannabique, qui est réellement consommé au moment de la constatation de l'infraction. Le cannabis détenu sans autorisation au sens de l'art. 19, al. 1, let. d, LStup, ne peut être confisqué dans le cadre d'une amende d'ordre: les produits doivent être saisis par la police et confisqués par un tribunal, dans le cadre d'une procédure ordinaire. Lorsque le contrevenant ne détient qu'une quantité minime de cannabis, le produit peut ne pas être confisqué, car selon l'art. 19b, al.1, nLStup, la détention d'une quantité minime de stupéfiants n'est pas punissable.

La saisie du produit contenant du cannabis se prolonge tant que le contrevenant est encore susceptible de payer l'amende d'ordre. Pour éviter qu'un juge doive prononcer la confiscation du produit saisi en cas de paiement de l'amende, l'art. 28e, al. 4, nLStup contient la règle suivante: «Le produit contenant du cannabis qui a fait l'objet de la saisie est réputé confisqué par le paiment de l'amende».

Al. 5: Au cas où l'amende d'ordre n'aurait pas été payée au plus tard 30 jours après son prononcé (al. 1), la police doit engager une procédure ordinaire. Le législateur entend ici toutes les «procédures ordinaires» du CPP. Le cas échéant, il appartiendra au juge de prononcer la confiscation du produit saisi qui contient du cannabis.

3.2.6

Formules (art. 28f ) (nouveau)

En précisant le contenu des formules et en obligeant tous les cantons à les accepter, le Conseil fédéral contribue à une exécution uniforme en matière d'amendes d'ordre sur le plan suisse. Une telle réglementation se trouve dans la législation relative aux amendes d'ordre (art. 12 LAO et art. 3 de l'ordonnance sur les amendes d'ordre34) et dans l'art. 353 du CPP.

3.2.7

Frais (art. 28g) (nouveau)

Les frais dus aux organes de contrôle étant déjà inclus dans le montant de l'amende, des frais supplémentaires ne peuvent être perçus.

34

RS 741.031

7538

3.2.8

Force de chose jugée (art. 28h) (nouveau)

Une fois payée, l'amende a force de chose jugée. Les moyens de droit ordinaires ne s'appliquent donc pas contre l'amende d'ordre, à moins que le contrevenant ne se réfère à l'art. 28k nLStup en indiquant une violation de l'art. 28c nLStup.

3.2.9

Contrevenants non domiciliés en Suisse (art. 28i ) (nouveau)

Si le contrevenant non domicilié en Suisse s'acquitte immédiatement de l'amende, la procédure est close. Dans le cas contraire, il doit en consigner le montant ou fournir d'autres sûretés suffisantes, faute de disposer d'assez d'argent liquide sur place.

Si les sûretés ne sont pas fournies pour le paiement de l'amende encourue ou que le montant n'en est pas consigné, une procédure ordinaire est ouverte: en application de l'art. 217, al. 3, let. b, CPP, il peut alors être procédé à l'arrestation provisoire du contrevenant, pour une durée maximale de 24 heures. Il s'agit toutefois de s'assurer avant tout du paiement de l'amende: l'arrestation ne devra être que le dernier recours avant la séquestration de biens prévue à l'art. 263, al. 1, let. b, CPP (commentaire bâlois du CPP, Gianfranco Albertini/Thomas Armbruster, art. 217 CPP N 9). L'art. 263, al. 3, CPP disp ose en effet que, lorsqu'il y a péril en la demeure, la police peut provisoirement mettre en sûreté des objets et des valeurs patrimoniales (téléphones mobiles, montres, bijoux, etc.) à l'intention du ministère public ou du tribunal. L'art. 268, al. 1, let. b, CPP admet également un tel procédé, à savoir que le patrimoine d'un prévenu peut être séquestré dans la mesure qui paraît nécessaire pour couvrir les amendes.

3.2.10

Refus de payer (art. 28j) (nouveau)

Al. 1: Selon l'art. 6 CEDH, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal. Comme la procédure relative aux amendes d'ordre prévoit d'infliger la peine sans appréciation judiciaire, l'accord du prévenu est ici nécessaire.

Al. 2: Si le prévenu devait refuser la procédure relative aux amendes d'ordre destinée à sanctionner sa consommation de cannabis, celle-ci sera appréciée au cours d'une procédure ordinaire devant le tribunal, selon l'art. 19a LStup et le CPP.

3.2.11

Amende d'ordre et procédure ordinaire (art. 28k ) (nouveau)

Au cas où une amende d'ordre aurait été infligée alors même qu'elle n'était pas recevable en vertu de l'art. 28c nLStup, le contrevenant qui est déjà jugé pour une autre infraction à la LStup ou à d'autres lois peut indiquer au tribunal que l'amende d'ordre doit, le cas échéant, être annulée. La procédure relative aux amendes d'ordre ne prévoyant pas d'enregistrement, le tribunal est donc dépendant de l'indication des contrevenants.

7539

3.2.12

Montant de l'amende dans la procédure ordinaire (art. 28l ) (nouveau)

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue au cours d'une procédure ordinaire et par tribunal ordinaire (art. 6, CEDH). Une personne condamnée à une amende peut donc demander, en laissant expirer le délai de réflexion (art. 28e, al. 5, nLStup) ou en refusant explicitement la procédure de l'amende d'ordre (art. 28j, al.

2, nLStup), à être jugée dans le cadre d'une procédure ordinaire. Au cours de cette procédure, l'amende est calculée selon l'art. 19a LStup, en relation avec l'art. 106 CP, d'après la situation personnelle et financière de la personne amendable. Ainsi, l'amende dans la procédure ordinaire ne doit pas être moins élevée que pour la procédure d'amende d'ordre. Dès lors, cette dernière est fixée à 100 francs au minimum. Naturellement, si la personne est reconnue coupable, elle devra payer également les frais de la procédure (cf. la procédure de l'ordonnance pénale appliquée pour ces cas art. 353, al. 1, let. g, CPP).

4

Conséquences pour la Confédération et les cantons

4.1

Conséquences financières

Les modifications préconisées pour la nLStup n'auront aucune incidence ­ ni d'ordre financier, ni sur le personnel ­ pour la Confédération.

La possibilité de sanctionner la consommation de cannabis par une amende d'ordre permettra aux cantons d'augmenter leurs recettes tirées des amendes et de réaliser des économies au titre des procédures ordinaires. On ne peut toutefois pas prédire l'ampleur de ces recettes et économies.

4.2

Conséquences pour le personnel

Sur le plan fédéral, l'introduction de la procédure d'amende d'ordre n'aura aucune conséquence pour le personnel. La charge supplémentaire pour le personnel semble être faible au niveau des cantons également.

5

Rapports avec le droit international

5.1

Compatibilité avec la Convention des Nations Unies

Il est vrai que ni la Convention unique sur les stupéfiants de 196135, ni la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (Convention de 1988)36 ne prescrivent de punir la consommation de stupéfiants. Par contre, il existe une controverse quant à la compatibilité entre la non-punissabilité des actes préparatoires à la consommation personnelle (soit la possession, la culture et l'acquisition) et les conventions internationales. Aussi la Suisse a-t-elle émis une réserve en 2005, lorsqu'elle a ratifié la Convention de 35 36

RS 0.812.121 RS 0.812.121.03

7540

1988.37 Par conséquent, il appartient au législateur de décider sous quelle forme le caractère répréhensible de la consommation est réalisé et comment la sanctionner.

La consommation de cannabis demeure une infraction, même avec l'introduction de la procédure d'amende d'ordre.

5.2

Compatibilité avec le droit européen

La modification de loi proposée est conforme à l'accord d'association à Schengen38 et aux engagements qui en découlent.

De même, la compatibilité est avérée avec les exigences de la CEDH, notamment son art. 6 (droit à un procès équitable). En particulier, chacun est libre d'engager la procédure ordinaire.

6

Bases juridiques

6.1

Constitutionnalité

La base constitutionnelle du présent projet figure à l'art. 118, al. 2 et à l'art. 123, al. 1, de la Constitution39.

6.2

Délégation de compétences législatives

Le projet ne prévoit pas de délégation de compétences législatives.

6.3

Forme de l'acte à adopter

Le présent projet constitue la révision d'une loi fédérale.

37 38 39

Art. 1, al. 1, de l'AF du 16 mars 2005 (RO 2006 529) FF 2004 5593, 5727 ss, 5790 ss RS 101

7541

7542