11.043 Message relatif à la loi fédérale sur l'imposition d'après la dépense du 29 juin 2011

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons avec ce message le projet de loi sur l'imposition d'après la dépense, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

29 juin 2011

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2011-0969

5605

Condensé L'imposition d'après la dépense s'inscrit dans une longue tradition. C'est un instrument politique de promotion de la place économique qui a un impact sur son développement. Le Conseil fédéral veut apporter des améliorations à cette institution pour en renforcer l'acceptation. Il propose de tenir compte des réflexions sur la place économique et la justice au moyen d'adaptations ciblées de la loi. En même temps, ces amendements accroîtront la sécurité juridique et poursuivront l'harmonisation du droit fiscal de la Confédération et des cantons.

La loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD) et la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) prévoient l'une et l'autre que les ressortissants étrangers qui ont leur domicile en Suisse sans y exercer d'activité lucrative ont le droit d'être imposés sur la base de leur train de vie. En l'occurrence, il s'agit d'un mode de calcul spécifique du revenu et de la fortune.

Ce régime fait l'objet de débats de plus en plus nombreux ces dernières années, en particulier depuis que le canton de Zurich a abrogé l'imposition d'après la dépense par décision du peuple. Le Conseil fédéral s'appuie sur la longue tradition et l'impact économique de l'imposition d'après la dépense pour défendre son maintien.

Il considère cependant qu'une réforme est nécessaire, afin d'améliorer la mise en oeuvre de l'imposition d'après la dépense et d'en renforcer ainsi l'acceptation.

Le Conseil fédéral propose donc les modifications qui suivent: 1.

Inscrire expressément que c'est la dépense universelle qui est déterminante.

2.

Le seuil de la dépense universelle sera fixé dans le cadre de l'impôt fédéral direct et des impôts cantonaux à sept fois le montant du loyer ou de la valeur locative du logement du contribuable chef de ménage ou trois fois le prix de la pension pour le logement et la nourriture.

3.

Le seuil de l'assiette de l'impôt sera fixé à 400 000 francs et adapté chaque année en fonction de l'indice suisse des prix à la consommation pour l'impôt fédéral direct, les cantons devront également définir un montant minimal de leur choix.

4.

Les époux qui vivent en ménage commun ne peuvent prétendre à l'imposition d'après la dépense que si chacun d'entre eux remplit les conditions.

5.

L'imposition d'après la dépense pour les ressortissants suisses l'année de leur arrivée est supprimée.

6.

Les cantons auront l'obligation expresse de tenir compte de l'impôt sur la fortune pour déterminer le montant de l'impôt prélevé d'après la dépense.

7.

Pour tous les contribuables déjà imposés d'après la dépense à l'entrée en vigueur de la loi, les conditions actuelles seront maintenues pendant une période transitoire de cinq ans.

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Ces modifications entraînent une augmentation de l'impôt pour une forte majorité des personnes qui sont imposées d'après la dépense aujourd'hui. D'un point de vue statique (c'est-à-dire si les personnes imposées d'après la dépense ne quittent pas la Suisse), les recettes fiscales de la Confédération passeraient de 131,6 millions de francs à 255,7 millions de francs (d'après les données de 2007). Il est certes vraisemblable qu'une partie des contribuables imposés d'après la dépense émigrera en raison de l'augmentation de l'impôt. Des scénarios réalistes et prudents permettent cependant de supposer que les recettes de la Confédération provenant de l'imposition d'après la dépense augmenteront.

L'imposition d'après la dépense demeurera attrayante pour les ressortissants étrangers fortunés. C'est la raison pour laquelle on peut supposer que la réforme n'aura que d'infimes répercussions négatives sur l'économie. L'imposition d'après la dépense reste un instrument pour renforcer l'attrait de la place économique suisse en comparaison internationale aux yeux de particuliers fortunés et très mobiles. Les emplois liés à cette forme d'imposition devraient être en grande partie maintenus.

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Message 1

Grandes lignes du projet

1.1

Situation

1.1.1

Historique

Depuis de nombreuses années, l'imposition d'après la dépense fait partie du système fiscal suisse, marqué par le fédéralisme. En 1862, le canton de Vaud a été le premier à proposer une forme d'imposition spéciale aux ressortissants étrangers n'exerçant pas d'activité lucrative, tant par intérêt touristique qu'économique. Genève connaît l'imposition d'après la dépense depuis 1928, et la Confédération depuis 19341.

Cependant, l'imposition d'après la dépense n'est véritablement née que le 10 décembre 1948, lorsque les cantons se sont unis pour conclure un «Concordat entre les cantons de la Confédération suisse sur l'interdiction des arrangements fiscaux» et convenir d'une réglementation standard sur l'application de l'imposition d'après la dépense, qui fut suivie moins d'un an plus tard par la Confédération. Ce concordat avait surtout pour objet de réduire la lutte que se livraient les cantons et les communes entre lesquels la concurrence s'était accrue, car il existait pendant la première moitié du XXe siècle un véritable foisonnement de réglementations cantonales dont étaient issues les dispositions légales les plus variées. Parallèlement, le concordat comprenait aussi une disposition qui attribuait aux cantons signataires la compétence d'octroyer à des groupes de contribuables définis des allégements fiscaux réglés par une loi. L'imposition d'après la dépense en faisait partie. La plupart des cantons ont introduit des dispositions relatives à l'imposition d'après la dépense suite à leur entrée dans le concordat.

Le 14 décembre 1990, l'imposition d'après la dépense fut finalement inscrite dans la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11) et dans la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID; RS 642.14).

1.1.2

Droit en vigueur

Les bases légales de l'imposition d'après la dépense sont l'art. 14 LIFD et l'art. 6 LHID. Pour l'essentiel, la teneur de ces deux dispositions est identique. D'après l'art. 14 LIFD, les personnes physiques qui, pour la première fois ou après une absence d'au moins dix ans, prennent domicile ou séjournent en Suisse au regard du droit fiscal, sans y exercer d'activité lucrative, ont le droit, jusqu'à la fin de la période fiscale en cours, de payer un impôt calculé sur la dépense au lieu de l'impôt sur le revenu. Dans les cantons, l'imposition d'après la dépense remplacera non seulement l'impôt sur le revenu mais aussi l'impôt sur la fortune. En ce qui concerne l'impôt fédéral direct, les ressortissants étrangers, pour autant qu'ils remplissent les conditions, peuvent opter pour l'imposition d'après la dépense au-delà de l'année de leur arrivée en Suisse. Les cantons peuvent octroyer l'imposition d'après la dépense au1

Cf. Bernasconi, Marco (1983), Die Pauschalbesteuerung. Zurich: Schulthess Polygraphischer Verlag.

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delà de cette limite. À l'exception du canton de Zurich2, toutes les législations cantonales prévoient la possibilité d'étendre le droit des ressortissants étrangers à l'imposition d'après la dépense au-delà de l'année de leur arrivée en Suisse.

L'impôt sur la dépense est calculé en fonction des frais annuels liés au train de vie du contribuable, de ses conjoint et enfant(s) sous autorité parentale et de toute autre personne à l'entretien de laquelle il subvient pendant la période de calcul.

L'ensemble des coûts doit être pris en compte, qu'ils soient survenus en Suisse ou à l'étranger. La somme de ces dépenses effectives doit cependant égaler au minimum cinq fois le loyer ou la valeur locative du logement du contribuable, pour les contribuables chefs de ménage, ou le double du prix de la pension pour le logement et la nourriture pour les autres contribuables, pour ce qui est de l'impôt fédéral direct. Le calcul de contrôle permet de déduire, dans le cadre de l'impôt fédéral direct, les frais d'entretien des immeubles et les frais usuels d'administration des capitaux mobiliers, pour autant que leur rendement soit imposé (voir les art. 1 et 2 de l'ordonnance du 15 mars 1993 sur l'imposition d'après la dépense en matière d'impôt fédéral direct; RS 642.123).

De nombreuses législations cantonales renvoient à l'ordonnance du Conseil fédéral en ce qui concerne le seuil de la dépense, quand elles n'en reprennent pas la teneur.

Dans certains cantons, ce seuil est en outre défini sous la forme d'un montant exprimé en francs.

Conformément à la LIFD et à la LHID, le montant d'impôt calculé d'après la dépense doit être au moins égal au montant qui est obtenu dans le cadre de la taxation ordinaire des revenus bruts en Suisse et d'autres revenus énumérés à l'art. 14, al. 3, LIFD («calcul de contrôle»). Cela signifie que le montant d'impôt calculé d'après la dépense est comparé au montant obtenu dans le cadre du calcul de contrôle. C'est le montant le plus élevé des deux que doit acquitter le contribuable.

Le droit à l'imposition d'après la dépense s'éteint lorsque le ressortissant étranger acquiert la nationalité suisse. Dans ce cas, il est soumis à l'imposition ordinaire. Il en va de même lorsqu'il prend une activité lucrative en Suisse.

Enfin, on notera que les conventions contre les doubles impositions
avec l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Canada, l'Italie, la Norvège et les EtatsUnis prévoient une forme modifiée d'imposition d'après la dépense. D'après celleci, il n'est possible de prétendre aux avantages de la convention que si tous les revenus imposables d'après le droit suisse (et en Suisse d'après la convention contre les doubles impositions) et provenant des Etats contractants sont traités de la même manière que s'il étaient soumis à l'imposition ordinaire en Suisse et aux taux d'imposition généraux de la Confédération, des cantons et des communes (voir l'art. 5 de l'ordonnance sur l'imposition d'après la dépense en matière d'impôt fédéral direct; RS 642.123).

1.1.3

Impact fiscal et économique

L'imposition d'après la dépense renforce l'attrait de la Suisse en comparaison internationale aux yeux de ménages privés fortunés et très mobiles, dont la demande en biens immobiliers et biens de consommation a des retombées positives sur l'emploi.

2

L'imposition d'après la dépense a été abolie le 1er janvier 2010 dans le canton de Zurich.

5609

Un rapport de l'Administration fédérale des contributions3 estime à 2,3 millions de francs en moyenne le prix qu'un nouveau contribuable imposé d'après la dépense est prêt à débourser pour un bien immobilier. Pour un nombre annuel de 400 nouveaux contribuables imposés d'après la dépense, il en résulterait 0,9 milliard d'investissements dans l'immobilier, dont 0,6 milliard de francs dans le bâtiment (auxquels 5467 postes à plein temps dans le secteur de l'immobilier et de la construction sont liés). Quant aux biens de consommation, c'est une valeur ajoutée de 1,4 milliard qui serait ainsi générée (à laquelle 11 030 postes à plein temps sont liés). En outre, les contribuables imposés d'après la dépense emploient directement du personnel pour l'entretien de leur ménage et de leur jardin, ainsi que dans d'autres domaines. Ces emplois sont estimés à quelque 6000 postes à plein temps4. En tout, jusqu'à 22 497 postes à plein temps sont liés à l'imposition d'après la dépense. Toutefois, il existe de nombreuses incertitudes quant à l'estimation des effets de l'imposition d'après la dépense sur l'emploi, aussi les valeurs mentionnées dans le rapport s'entendent-elles comme valeurs maximales.

Outre l'impact économique de l'imposition d'après la dépense, cet avantage fiscal lié à la place suisse amène des recettes fiscales qui se sont élevées à quelque 668 millions de francs en 2010 (CDF 2011)5. Une part de 45 % revenait aux cantons, à savoir 300 millions de francs, et la part restante était divisée entre la Confédération (204 millions) et les communes (165 millions). Ces recettes fiscales ont une grande importance pour certains cantons et certaines communes. Par exemple, 73,9 % des personnes imposées d'après la dépense sont regroupées dans les quatre cantons de Vaud, du Valais, du Tessin et de Genève, et fournissent ensemble 77,8 % des recettes des cantons et des communes provenant de l'imposition d'après la dépense.

1.1.4

Interventions parlementaires

Ces dernières années, diverses interventions parlementaires ont eu pour objet de durcir ou d'abolir l'imposition d'après la dépense. Soit ces interventions ont été rejetées, soit aucune suite ne leur a été donnée:

3

4 5

­

03.458 initiative parlementaire Leutenegger Oberholzer «Imposition d'après la dépense. Suppression»

­

06.421 initiative parlementaire Leutenegger Oberholzer «Imposition d'après la dépense. Pour une fiscalité plus équitable»

Rapport de l'AFC du 25 janvier 2010 «Die Besteuerung nach dem Aufwand aus ökonomischer Sicht» (en allemand), http://www.estv.admin.ch/dokumentation/00075/00803/index.html?lang=fr Association Plus-value Suisse, Données relatives à l'impôt d'après la dépense en Suisse, Berne, 2009.

Voir à ce sujet le communiqué de presse publié le 14 juin 2011 par la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CDF). Ces chiffres reposent sur une étude menée auprès des administrations fiscales cantonales et se rapportent à la période fiscale 2010. Par contre, les calculs dont il est question au chiffre 3, reposent sur les statistiques de l'AFC pour l'impôt fédéral direct et pour la période fiscale 2007. Il s'agit des chiffres publiés les plus récents. Pour obtenir la meilleure qualité possible en ce qui concerne les données (état de la taxation dans les cantons généralement supérieur à 95 %), il faut compter avec un retard d'environ trois ans.

5610

­

07.3491 motion Leutenegger Oberholzer «Suppression de l'imposition selon la dépense»

­

09.3064 motion Leutenegger Oberholzer «Impôt forfaitaire. Éliminer tous les paradis fiscaux.»

­

08.309 initiative cantonale SG «Suppression de l'imposition forfaitaire pour les étrangers. Égalité de traitement avec les contribuables suisses.»

­

09.455 initiative parlementaire Leutenegger Oberholzer «Imposition forfaitaire. Limiter le pouvoir d'appréciation des autorités de taxation»

1.1.5

Efforts pour abroger l'imposition d'après la dépense dans les cantons

Dans le canton de Zurich, l'initiative populaire visant à abolir l'imposition d'après la dépense a été acceptée le 7 février 2009.

En outre, des interventions parlementaires visant à supprimer l'imposition d'après la dépense ont été déposées dans plusieurs cantons, ces derniers mois. Un certain nombre d'entre elles ont déjà été rejetées par le gouvernement ou le Parlement (voire par les deux), d'autres sont encore en suspens.

Dans le canton de Glaris, la Landsgemeinde a rejeté le 1er mai 2011 un projet visant à supprimer l'imposition d'après la dépense. Dans le canton de Thurgovie, le peuple a rejeté l'abrogation de l'imposition d'après la dépense le 15 mai 2011, mais accepté le contre-projet du gouvernement, qui prévoit de définir ainsi le seuil de la dépense: soit un montant d'impôt de 150 000 francs, soit, si ce montant est plus élevé, le décuple du loyer ou de la valeur locative du logement ou le quadruple de la pension pour le logement et la nourriture.

Les initiatives populaires déposées dans les cantons de Saint-Gall, de Lucerne, de Bâle-Ville, de Berne et de Bâle-Campagne pour supprimer l'imposition d'après la dépense ont abouti. Dans le canton de Saint-Gall, la votation est prévue le 27 novembre 2011. Les dates des autres votations n'ont pas encore été arrêtées.

Dans les cantons de Zoug, d'Argovie et de Schaffhouse, des récoltes de signatures ont été lancées concernant des initiatives populaires pour supprimer l'imposition d'après la dépense. Dans le canton de Vaud, le nombre de signatures nécessaires n'a pas été atteint.

1.1.6

Propositions de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances

La Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CDF) s'est également penchée sur la question ces dernières années. En 2007, elle a émis des recommandations à l'intention des cantons, dont celle de fixer un seuil analogue à celui de la disposition fédérale, soit le quintuple de la valeur locative, pour l'application de l'imposition d'après la dépense, et d'exécuter en outre des calculs de contrôle en ce qui concerne le revenu brut produit en Suisse.

5611

La CDF s'est à nouveau penchée sur la question de l'imposition d'après la dépense le 29 mai 2009. Elle s'est prononcée en faveur de son maintien, tout en reconnaissant qu'il était nécessaire de la réformer. C'est pourquoi elle a chargé la Commission pour l'harmonisation des impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes (CHID) de lui soumettre des propositions pour améliorer la mise en oeuvre de l'imposition d'après la dépense et d'en renforcer ainsi l'acceptation au sein de la population. La CHID a remis son rapport à la CDF le 14 janvier 2010.

Le 29 janvier 2010, la CDF a annoncé qu'elle continuerait à défendre l'imposition d'après la dépense, puisque celle-ci a une utilité économique (emplois) et produit des recettes fiscales. Néanmoins, elle a recommandé de durcir les conditions d'application de l'imposition d'après la dépense et demandé par la même occasion au DFF de soumettre au Conseil fédéral une réforme de la loi en ce sens.

1.1.7

Consultation

Le 8 septembre 2010, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral des finances de procéder à une consultation sur son avant-projet de loi fédérale sur l'imposition d'après la dépense auprès des cantons, des partis politiques et des associations faîtières de l'économie.

La procédure de consultation s'est déroulée du 8 septembre au 17 décembre 2010. En tout, 58 participants se sont prononcés sur le projet: tous les détails ont été consignés dans le rapport sur les résultats rédigé en janvier 2011 (www.dff.admin.ch/actualites).

1.2

La nouvelle réglementation proposée

L'imposition d'après la dépense s'inscrit dans une longue tradition. C'est un instrument essentiel de la politique fiscale qui a un impact économique. Le Conseil fédéral veut apporter des améliorations à cette institution pour en renforcer l'acceptation. Il propose de tenir compte des réflexions sur la place économique et la justice au moyen d'adaptations ciblées de la loi. En même temps, ces amendements accroîtront la sécurité juridique et harmoniseront le droit fiscal de la Confédération et des cantons. Le Conseil fédéral propose donc les modifications qui suivent.

­

Inscrire expressément que c'est la dépense universelle qui est déterminante.

­

Le seuil de la dépense universelle sera fixé dans le cadre de l'impôt fédéral direct et des impôts cantonaux à sept fois le montant du loyer ou de la valeur locative ou trois fois le prix de la pension pour le logement et la nourriture.

­

Pour l'impôt fédéral direct, le seuil de l'assiette de l'impôt sera fixé à 400 000 francs et adapté chaque année en fonction de l'indice suisse des prix à la consommation; les cantons devront également définir un montant minimal de leur choix.

­

Les époux qui vivent en ménage commun ne peuvent prétendre à l'imposition d'après la dépense que si chacun d'entre eux remplit les conditions.

­

L'imposition d'après la dépense pour les ressortissants suisses l'année de leur arrivée est supprimée.

5612

­

Les cantons auront l'obligation expresse de tenir compte de l'impôt sur la fortune pour déterminer le montant de l'impôt prélevé d'après la dépense.

­

Pour tous les contribuables déjà imposés d'après la dépense à l'entrée en vigueur de la loi, les conditions actuelles seront maintenues pendant une période transitoire de cinq ans.

1.3

Motivation et évaluation de la solution proposée

1.3.1

Résultat de la consultation

La procédure de consultation relative à la réforme de la loi fédérale sur l'imposition d'après la dépense s'est déroulée du 8 septembre au 17 décembre 2010.

La majorité des participants à la consultation reconnaît la nécessité de prendre des mesures et considère qu'il est indispensable de durcir et d'harmoniser les dispositions régissant l'imposition d'après la dépense (24 cantons et la CDF, 2 partis, le PDC et le PRD, ainsi que 18 organisations et associations).

Alors que tous les cantons (excepté le JU) approuvent le durcissement des dispositions proposé et que quelques cantons (AG, BS, GE, LU, OW, SG, UR, ZG) et le PDC plaident même en faveur de dispositions allant au-delà des mesures proposées par le Conseil fédéral, c'est-à-dire un seuil de l'assiette de l'impôt plus élevé ou une même réglementation (obligatoire) pour la Confédération et les cantons en ce qui concerne ce seuil, à l'inverse, le PRD et de nombreuses organisations et associations (economiesuisse, l'ASB, l'USP, l'ACS, l'USAM, l'USF, la Chambre fiduciaire, la FRI, le SAB, la ZVDS, la FER, la CCiG, la CVCI, Info Chambres, PME bernoises et MW) revendiquent l'atténuation des mesures proposées ou l'adoption de mesures complémentaires pour modérer le désavantage concurrentiel qui en résulterait pour la place financière suisse en comparaison internationale.

Une minorité rejette les dispositions modifiant l'imposition d'après la dépense (JU, UDC, CP, Association vaudoise des Banques et FIABCI). Elle fonde ce rejet sur le fait que les modifications prévues entraîneraient des hausses d'impôts, ainsi qu'un impact négatif sur la situation actuelle et future de l'emploi et sur l'économie locale, en particulier pour les PME. Si l'on devait tenir compte de la dépense universelle, le principal avantage de l'imposition d'après la dépense, c'est-à-dire la simplification de la procédure, serait anéanti et la charge administrative augmenterait considérablement. Considéré dans son ensemble et à la lumière du verdict clair du peuple sur l'initiative pour des impôts équitables, ce projet doit être jugé inopportun et inutile.

Il devrait être loisible aux cantons de proposer ou non l'imposition d'après la dépense et de l'aménager à leur convenance.

Une autre minorité demande l'abrogation de l'imposition d'après la dépense (PSS, PCS, Les Verts, PEV,
USS et Travail Suisse). Si cette institution doit être maintenue, ils revendiquent un durcissement allant au-delà des mesures proposées par le Conseil fédéral dans le projet soumis à la consultation. La revendication d'abroger l'imposition d'après la dépense est principalement fondée sur le fait qu'elle serait injuste et contraire au principe de l'imposition d'après la capacité économique prévu par la Constitution. Elle constituerait un allégement pour un petit groupe à la charge de la société en discriminant de manière ciblée les ressortissants nationaux. Son impact économique serait complètement surestimé. La Suisse, même sans l'impo5613

sition d'après la dépense, est un pays qui exerce déjà un attrait considérable pour les hauts revenus et les grandes fortunes. On peut s'attendre à une augmentation des recettes fiscales, même dans le cas où l'imposition d'après la dépense serait abrogée.

1.3.2

Appréciation des résultats de la consultation

La majorité des participants à la consultation reconnaît la nécessité de prendre des mesures et de réformer l'imposition d'après la dépense. La CDF et avec elle la majorité des cantons soutiennent pleinement le projet. Les partisans, quant au principe, de la réforme ont soulevé diverses réserves (voir ch. 1.3.1). Le Conseil fédéral juge que la revendication d'un seuil de l'assiette de l'impôt plus élevé ou obligatoire pour les cantons (et en partie analogue à celui de la réglementation de la Confédération) n'est pas susceptible de rallier la majorité pour les raisons qui suivent. Le seuil de 400 000 francs appliqué à l'impôt fédéral direct constitue un compromis de la part des directrices et directeurs cantonaux des finances. Si l'on augmente ce seuil, il n'est pas certain que la majorité des cantons continue de soutenir la réforme de la loi. Plus le seuil est élevé, plus l'imposition d'après la dépense perd de son attrait.

Compte tenu du fait que cette institution doit être maintenue, les conditions ne doivent pas être élevées au point de rendre faible ou nul l'intérêt de sa mise en oeuvre. La définition d'un seuil obligatoire pour les cantons affecterait leur autonomie fiscale et entraînerait donc leur résistance. Les revendications concernant l'atténuation des mesures proposées ou l'adoption de mesures complémentaires pour les modérer n'ont guère davantage de sens: l'objectif de la réforme ne pourrait en effet être atteint avec des mesures atténuées.

En raison de la longue tradition et de l'impact économique de l'imposition d'après la dépense dans certains cantons, sa suppression n'est pas non plus envisageable.

Une minorité rejette la réforme (JU, UDC et trois associations). Mais cela non plus n'est pas envisageable. La nécessité d'une réforme est clairement établie de l'avis du Conseil fédéral. La CDF s'est également prononcée clairement en faveur d'une réforme de l'imposition d'après la dépense (cf. ch. 1.1.6).

Aussi controversés que paraissent les résultats de la consultation sur certains points, on retiendra cependant qu'une majorité des milieux consultés veut maintenir l'imposition d'après la dépense et considère le durcissement et l'harmonisation des dispositions qui la régissent nécessaires pour améliorer l'acceptation de cette institution au sein de la population. Le Conseil fédéral
y voit la confirmation de ses propositions. Elles constituent un compromis aux diverses revendications concernant des modifications plus poussées ou au contraire atténuées. C'est pourquoi le Conseil fédéral maintient ses propositions soumises à la consultation. À part quelques améliorations rédactionnelles apportées au texte de loi, le Conseil fédéral propose avec le présent message deux modifications quant au contenu. La première concerne le traitement réservé aux époux. La pratique qui avait cours jusqu'ici sera durcie, en ceci qu'il sera inscrit dans la loi que les époux ne peuvent prétendre à l'imposition d'après la dépense que si chacun d'entre eux remplit toutes les conditions, y compris de nationalité (voir à ce sujet ch. 2.1). La seconde porte sur la reformulation de l'art. 6 LHID pour tenir compte du fait que l'imposition d'après la dépense dans les cantons couvre à la fois l'impôt sur la fortune et l'impôt sur le revenu.

5614

1.4

Comparaison avec le droit étranger et européen

En ce qui concerne les personnes physiques, il existe plusieurs formes différentes d'imposition spéciale des ressortissants étrangers: ­

L'imposition est fondée sur un choix de critères définis tels que la dépense présumée du contribuable (Suisse, Liechtenstein). La principauté de Liechtenstein prévoit une réglementation similaire à celle de la Suisse. Les ressortissants étrangers retraités qui ne perçoivent pas de revenu provenant d'une activité lucrative exercée dans la principauté de Liechtenstein peuvent opter pour un impôt de 5 % sur leur dépense. À cet impôt s'ajoutent les impôts communaux.

­

Une partie du revenu de certains contribuables qui sont en principe assujettis à l'impôt de manière illimitée (par exemple les revenus et le rendement de la fortune qui proviennent de l'étranger) n'est imposée que si elle est effectivement transférée dans le pays de résidence (Grande-Bretagne, Irlande).

­

Un abattement fiscal (par exemple 30 %) sur le salaire imposable (Pays-Bas, Belgique) ou des déductions spéciales (Suisse) sont accordés à la maind'oeuvre étrangère (expatriés).

Ces réglementations spéciales ont été conçues pour différents profils de contribuables. En ce qui concerne les personnes imposées d'après la dépense, il s'agit en principe de personnes fortunées qui n'exercent plus d'activité lucrative et prennent résidence dans un lieu qui offre une imposition modérée et une bonne infrastructure (logement, santé, transports). Le système des transferts est avantageux pour les personnes exerçant une activité lucrative qui disposent en outre d'une fortune dont le rendement est considérable mais dont elles n'ont pas besoin pour vivre et qu'elles ne transfèrent par conséquent pas dans l'Etat où elles sont imposées.

Dans ce qui suit, on trouvera une description plus détaillée du système existant en Grande-Bretagne6, qui est le système qui présente la plus grande similarité avec le système suisse, sinon du point de vue de son aménagement, du moins du point de vue du sens. Du reste, l'Irlande connaît un régime fiscal en grande partie identique à celui de la Grande-Bretagne.

Concept et réglementation en vigueur En Grande-Bretagne, les personnes désignées comme «resident but not domiciled» ont un statut fiscal particulier. Une personne acquiert ce statut lorsqu'elle séjourne pendant une période prolongée en Grande-Bretagne mais n'y a pas le centre de ses intérêts vitaux ni n'a l'intention d'y prendre résidence durablement7. Elle est alors imposée sur la base du revenu de son activité lucrative en Grande-Bretagne et des revenus provenant de sources étrangères qu'elle y a transférés.

La modification suivante s'applique depuis le 6 avril 2008: les personnes ayant le statut fiscal de «resident but not domiciled», qui ont séjourné pendant au moins sept ans en Grande-Bretagne au cours des neuf années précédentes et désirent conserver

6 7

Ces informations sont le résultat des recherches de l'AFC et de l'ambassade suisse à Londres.

Voir l'article de BAUER-BALMELLI Maja et MAAS Sanna dans zsis, juin 2006: Aufwandbesteuerung und englisches Konzept des Steuerstatus «resident but not domiciled» ­ ein Vergleich.

5615

ce statut, doivent acquitter un forfait annuel de 30 000 livres sterling supplémentaires. À défaut de cela, elles sont imposées d'après la dépense universelle.

Modifications qui ont été proposées dans le cadre du budget 2011 Le gouvernement de la Grande-Bretagne a annoncé dans le cadre de l'adoption du budget pour l'année 2011 qu'elle modifiait l'imposition des personnes ayant le statut fiscal de «resident but not domiciled». Il a inscrit dans le budget du 23 mars 2011 que le fait que les revenus provenant de sources étrangères transférées en GrandeBretagne soient imposés limitait les investissements directs étrangers («inward investment») et a résolu d'améliorer ce point dans le cadre du budget 2011 destiné à stimuler la croissance en proposant les réformes suivantes: ­

les revenus ou la fortune en provenance de sources étrangères et transférés en Grande-Bretagne afin d'y être investis dans des entreprises britanniques sont exonérés d'impôt;

­

le système en vigueur doit être simplifié du point de vue administratif;

­

le forfait actuel de 30 000 livres sterling supplémentaires doit être relevé à 50 000 livres pour toutes les personnes ayant le statut fiscal de «resident but not domiciled» qui vivent en Grande-Bretagne depuis au moins douze ans et souhaitent conserver ce statut. Le forfait de 30 000 livres sterling est maintenu pour toutes les personnes qui ont séjourné en Grande-Bretagne au moins sept ans au cours des neuf dernières années et qui ont le statut fiscal de «resident but not domiciled» depuis moins de douze ans.

Le gouvernement ouvrira en juin 2011 une consultation sur ces propositions afin que la réforme puisse entrer en vigueur dès avril 2012. En outre, le gouvernement a assuré qu'il n'entreprendrait pas d'autre modification importante jusqu'à la fin de la législature.

Données statistiques On dispose de peu de données statistiques récentes. Le ministre britannique délégué aux questions fiscales David Gauke a communiqué les informations suivantes sur les personnes ayant le statut fiscal de «resident but not domiciled» alors qu'il répondait à une question parlementaire le 14 février 2011:

2004/05 2005/06 2006/07 2007/08 2008/09

Nombre de personnes concernées

Produit de l'impôt en milliards de livres sterling

110 000 111 000 117 000 140 000 123 000

3,3 4 5 6,9 5,9

En 2008/2009, quelque 5400 contribuables ont acquitté le forfait annuel supplémentaire de 30 000 livres sterling.

5616

Une étude publiée par l'entreprise Stonehage en mars 20108 présente en détail les effets du statut fiscal de «resident but not domiciled» sur l'économie britannique.

Elle montre que les personnes présentant ce statut fiscal dépensent, en dehors de leurs impôts, environ 19 milliards de livres sterling par an et paient en moyenne plus de 8,3 milliards de livres sterling par an d'impôts (revenus, rendement du capital, droits de timbre et TVA). Elle révèle également une tendance à la baisse au cours des deux dernières années (17 000 «resident but not domiciled» de moins après les changements de 2008). L'avenir nous dira si la réforme annoncée par le gouvernement renversera cette tendance et contribuera à augmenter l'attrait de ce statut fiscal.

Les réglementations spéciales pour des groupes de personnes définis que nous avons évoquées sont typiques de pays qui, compte tenu de la concurrence fiscale internationale, souhaitent exercer un attrait pour les contribuables de l'étranger. Le principe du transfert et les systèmes pour les expatriés offrent des avantages fiscaux considérables. Aucun de ces systèmes n'est cependant directement comparable avec l'imposition d'après la dépense qui a cours en Suisse (et au Liechtenstein). C'est la raison pour laquelle il est difficile de tirer des conclusions de cette comparaison avec le droit étranger; en particulier, il est impossible de dire quel système est plus ou moins avantageux (pour les contribuables). Les avantages dépendront avant tout de la situation particulière du contribuable (exercice ou non d'une activité lucrative, situation du revenu et de la fortune).

1.5

Mise en oeuvre

À l'échelon fédéral, il conviendra d'adapter aussi bien l'ordonnance du 15 mars 1993 sur l'imposition d'après la dépense en matière d'impôt fédéral direct (RS 642.123) que de la circulaire no 9 de l'AFC du 3 décembre 1993.

Les cantons dont la législation prévoit l'imposition d'après la dépense devront adapter leurs lois fiscales et, le cas échéant, leurs ordonnances d'exécution, leurs circulaires, etc. aux nouvelles dispositions de la LHID.

2

Commentaire des articles

2.1

Loi fédérale sur l'impôt fédéral direct

Art. 14

Imposition d'après la dépense

L'art. 14 présente trois changements quant au fond par rapport au droit en vigueur. Il s'agit de la limitation du champ d'application aux ressortissants étrangers (al. 1), de la réglementation concernant les époux (al. 2) et des modifications concernant la fixation de l'assiette de l'impôt (al. 3).

Al. 1 L'al. 1 contient toujours les conditions à remplir pour pouvoir prétendre à l'imposition d'après la dépense. D'après cet alinéa, toute personne qui, pour la première fois ou après une absence d'au moins dix ans, est assujettie en Suisse de 8

http://www.stonehage.com/opinions/all

5617

façon illimitée (art. 3) et n'y exerce pas d'activité lucrative, peut demander à être imposée d'après la dépense.

D'après le droit en vigueur, les ressortissants suisses ont également le droit d'être imposés d'après la dépense, aux mêmes conditions que les ressortissants étrangers.

Cela ne vaut cependant que pour l'année de leur arrivée en Suisse, jusqu'à la fin de la période fiscale en cours au moment de leur arrivée. Dans la pratique, cette réglementation ne s'applique quasiment jamais. C'est pourquoi, pour simplifier le droit fiscal, cette disposition est abrogée. Ainsi, l'imposition d'après la dépense ne concerne plus que les ressortissants étrangers. En raison de ce changement, l'al. 2 actuel est abrogé ou plutôt sa teneur est modifiée.

D'après la pratique actuelle, un ressortissant étranger qui remplit les conditions subjectives pour l'imposition d'après la dépense peut choisir à chaque période fiscale entre l'imposition d'après la dépense et la taxation ordinaire (circulaire no 9 de l'AFC, ch. 1.1). Le contribuable a cette liberté de choix jusqu'à ce que la taxation soit entrée en force. Cette pratique est maintenue. La seule chose qui change, c'est que l'imposition d'après la dépense ne sera plus possible dans tous les cantons. Si un ressortissant étranger s'établit en Suisse dans le canton de Zurich, par exemple, il ne pourra pas y être imposé d'après la dépense pour ce qui est des impôts cantonaux.

S'il déménage ensuite dans un autre canton dans lequel l'imposition d'après la dépense est possible, il lui sera loisible à son nouveau domicile d'opter pour l'imposition d'après la dépense, pour autant qu'il remplisse les autres conditions (être un ressortissant étranger et ne pas exercer d'activité lucrative) au moment de son arrivée dans ce canton.

Al. 2 L'al. 2 est nouveau à la fois par rapport au droit en vigueur et par rapport à l'avantprojet soumis à la consultation. La question du traitement des époux vivant en ménage commun n'était pas réglée expressément dans la LIFD jusqu'ici. La question qui se pose avant tout est celle de la nationalité. Lorsqu'un seul des époux a la nationalité suisse, d'après la pratique actuelle de l'AFC, les deux époux ont droit à l'imposition d'après la dépense. Les autres conditions pour obtenir l'imposition d'après la dépense, en particulier l'absence
d'activité lucrative, doivent être remplies par les deux époux (circulaire no 9 de l'AFC). Cette pratique est discutée. La doctrine fonde sa critique sur le fait que cette pratique viole le principe de la légalité, puisque l'art. 14, al. 2, LIFD exclut clairement le droit des citoyens suisses d'être imposés d'après la dépense au-delà de l'année de leur arrivée en Suisse9. Le Conseil fédéral est d'avis qu'on ne doit pas s'en remettre à la pratique pour trancher cette question importante qui doit être réglementée par le législateur. C'est pourquoi il propose que le règlement suivant soit inscrit à l'art. 14 LIFD: les époux ne peuvent prétendre à l'imposition d'après la dépense que si chacun d'entre eux remplit toutes les conditions. Il est clair que ce règlement constitue un durcissement supplémentaire de la loi. Il permet d'éviter des situations choquantes, comme le fait qu'un ressortissant suisse qui revient en Suisse après une absence de plus de dix ans et est marié avec une ressortissante étrangère puisse être imposé d'après la dépense.

9

Yersin D./Noël Y., Commentaire romand de la loi sur l'impôt fédéral direct, Bâle, 2008, ad art. 14 LIFD, N 7.

5618

Al. 3 L'impôt sur la dépense est calculé en fonction des frais annuels en Suisse et à l'étranger liés au train de vie du contribuable et des personnes à l'entretien desquelles il pourvoit. Parmi ceux-ci, les frais de logement, d'habillement et de nourriture, les impôts, les frais de formation, y compris les frais de scolarité des enfants à l'étranger, les frais liés aux divertissements, activités sportives et voyages et les frais d'entretien d'animaux domestiques coûteux.

La précision selon laquelle il s'agit de la dépense universelle du contribuable est également nouvelle. Cette disposition est conforme à la pratique de l'AFC10. Comme, dans la doctrine aussi11, quelques voix plaident en faveur de la seule prise en compte de la dépense en Suisse, la mention explicite du caractère universel de la dépense permet de la définir clairement.

La dépense ainsi calculée ne doit pas descendre au-dessous d'un certain seuil. Afin de garantir ce point, la législation en vigueur prévoit déjà dans l'ordonnance sur l'imposition d'après la dépense en matière d'impôt fédéral direct (RS 642.123) que le seuil de l'assiette de l'impôt s'élève au quintuple des frais de logement ou au double du prix de la pension. En outre, l'assiette de l'impôt doit correspondre au moins à la somme des éléments bruts de revenu de source suisse (énumérés à l'art. 14, al. 3, LIFD, sur la base desquels est effectué le «calcul de contrôle»).

Désormais, les montants qui définissent le seuil seront augmentés. C'est pourquoi il est dorénavant prévu que l'assiette de l'impôt soit au moins égale à 400 000 francs pour la perception de l'impôt d'après la dépense. Comme auparavant, les frais de logement constituent un deuxième seuil. Le montant minimal en sera relevé et prescrit obligatoirement aux cantons également (cf. art. 6, al. 3, let. b et c, P-LHID).

Pour les contribuables chefs de ménage, le seuil est fixé au septuple de la valeur locative (d'immeubles ou de parties d'immeubles dont le contribuable se réserve l'usage en raison de son droit de propriété ou d'un droit de jouissance obtenu à titre gratuit, d'après l'art. 21, al. 1, let. b, LIFD) ou du loyer (pour les objets loués). Pour les contribuables qui ne sont pas chefs de ménage, le seuil est nouvellement fixé au triple du prix de la pension pour le logement et la nourriture. En
outre, comme c'était le cas jusqu'ici, l'assiette de l'impôt doit correspondre au moins à la somme des éléments bruts de revenu de source suisse («calcul de contrôle»). Le plus élevé des quatre montants ainsi fixés ­ la dépense universelle, le seuil de 400 000 francs, le septuple des frais de logement en Suisse et la somme des éléments bruts de revenu de source suisse ­ sera pris en compte au titre de l'assiette de l'impôt Al. 4 L'impôt pour l'assiette déterminée d'après l'al. 3 est perçu selon le barème ordinaire de l'impôt inscrit à l'art. 214 LIFD. La nouveauté est le renvoi au barème de l'art. 214 LIFD (taxation annuelle postnumerando) au lieu du renvoi à l'art. 36 LIFD (taxation bisannuelle praenumerando). Depuis la période fiscale 2003, seul s'applique le barème annuel de la taxation postnumerando. Il convient en outre d'exclure l'application du barème parental, en vigueur depuis le 1er janvier 2011 (art. 214, al. 2bis, LIFD). La deuxième phrase de l'al. 4 est destinée à établir clairement que le barème parental ne s'applique pas dans le cadre de l'imposition d'après 10 11

Circulaire no 9, ch. 2.1 Zwahlen dans: Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht I/2a, art. 14 LIFD no 23, avec des remarques complémentaires.

5619

la dépense, puisque les charges liées aux enfants qui donnent droit à des déductions dans le cadre de la taxation ordinaire ne sont pas prises en compte dans le cadre de l'imposition d'après la dépense.

Al. 5 D'après l'art. 14, al. 4, LIFD, selon le droit en vigueur, le Conseil fédéral peut prévoir des bases d'imposition et un mode de calcul de l'impôt dérogeant à l'al. 3 si cela est nécessaire pour permettre aux contribuables mentionnés aux al. 1 et 2 d'obtenir le dégrèvement des impôts d'un Etat étranger avec lequel la Suisse a conclu une convention en vue d'éviter les doubles impositions (imposition d'après la dépense modifiée). Le règlement ainsi édicté se trouve à l'art. 5 de l'ordonnance sur l'imposition d'après la dépense en matière d'impôt fédéral direct (RS 642.123).

Désormais, le principe de l'imposition d'après la dépense modifiée est directement inscrit dans le nouvel al. 5 de la loi pour une plus grande transparence.

L'ordonnance sur l'imposition d'après la dépense en matière d'impôt fédéral direct sera complétée en conséquence et continuera de régler les dispositions d'exécution, comme par exemple les déductions admises. Comme il s'agit là de dispositions d'exécution générale, aucune règle de délégation de compétences au Conseil fédéral n'est nécessaire.

Al. 6 Le Département fédéral des finances est chargé d'adapter le seuil de l'assiette de l'impôt, fixé initialement à 400 000 francs, chaque année en fonction de l'indice suisse des prix à la consommation. L'art. 215, al. 2, s'applique par analogie, c'est-àdire que le DFF procède à une adaptation chaque année; l'indice au 30 juin précédant le début de la période fiscale est déterminant.

Art. 205d (nouveau) L'art. 205d introduit une période transitoire de cinq ans pour les contribuables qui étaient imposés d'après la dépense à l'entrée en vigueur des présentes dispositions, pour lesquels la réglementation actuellement en vigueur s'appliquera pendant encore cinq ans. Cela permet de garantir la protection de la bonne foi, d'une part, et d'accorder suffisamment de temps aux contribuables concernés pour s'adapter à la nouvelle situation, d'autre part.

Cette disposition ne s'applique qu'aux ressortissants étrangers, car les ressortissants suisses ne peuvent être imposés d'après la dépense que pendant l'année de leur arrivée en Suisse,
d'après le droit actuellement en vigueur.

Dispositions de coordination Le 6 avril 2011, le Conseil fédéral a soumis aux Chambres fédérales le message relatif à la loi fédérale sur la mise à jour formelle de l'imposition dans le temps des impôts directs sur les personnes physiques (FF 2011 3381). L'objectif de cette révision formelle est de remplacer les dispositions relatives à la taxation bisannuelle praenumerando qui ne s'applique plus par les dispositions relatives à la taxation annuelle postnumerando.

5620

Si la loi fédérale sur la mise à jour formelle de l'imposition dans le temps des impôts directs sur les personnes physiques est adoptée préalablement à la présente réforme ou en même temps, les renvois que contient l'art. 14, al. 4 et 6, LIFD seront adaptés.

2.2

Loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID)

Art. 6 La réglementation concernant l'imposition d'après la dépense de la LIFD et celle de la LHID coïncident fondamentalement. C'est pourquoi nous renvoyons au commentaire de l'art. 14 LIFD. Dans ce qui suit, seules les différences sont expliquées.

Al. 1 Comme auparavant, le choix de prévoir ou non l'imposition d'après la dépense est laissé à l'appréciation de chaque canton. Les cantons qui la prévoient sont soumis aux dispositions de l'art. 6 LHID. Actuellement, tous les cantons prévoient l'imposition d'après la dépense, à l'exception du canton de Zurich12.

Al. 2 L'al. 2 correspond à l'art. 14, al. 2, LIFD de même teneur.

Al. 3 et 4 D'après le droit en vigueur, les cantons fixent librement le montant déterminant de la dépense (assiette de l'impôt). La plupart des cantons suivent en cela l'ordonnance sur l'imposition d'après la dépense en matière d'impôt fédéral direct (RS 642.123) et fixent comme seuil le quintuple du montant du loyer ou de la valeur locative. Dans certains cantons, ce seuil est en outre défini sous la forme d'un montant exprimé en francs. Le droit en vigueur prévoit cependant ici aussi une imposition minimale sur la base d'un certain nombre d'éléments bruts (art. 6, al. 3).

Ce qui est nouveau, c'est que le respect de certains seuils est désormais prescrit aux cantons. Une harmonisation est nécessaire en ce qui concerne ce point essentiel de l'imposition d'après la dépense.

Les al. 3 et 6 de l'art. 6. fixent des montants seuil pour le calcul de la dépense, c'està-dire de l'assiette de l'impôt prise en compte pour la perception de l'impôt, de manière analogue à l'art. 14, al. 3, LIFD. D'abord, les cantons devront également définir le montant minimal en francs de l'assiette de l'impôt. Les cantons fixent ce seuil librement. Cela permet de tenir compte des situations particulières de chaque canton, notamment en matière de coût du logement. Ensuite, comme pour la Confédération, la dépense universelle doit s'élever au moins à sept fois le montant du loyer ou de la valeur locative du logement ou à trois fois le prix de la pension pour le logement et la nourriture. Enfin, la somme d'un certain nombre d'éléments bruts du revenu et de la fortune constitue le troisième seuil (al. 6). Voir aussi à ce sujet le commentaire de l'art. 14, al. 3, LIFD.

Le fait que l'impôt est perçu d'après le barème de l'impôt ordinaire a été inscrit dans un nouvel alinéa distinct pour des raisons de logique formelle.

12

L'imposition d'après la dépense a été abolie le 1er janvier 2010 dans le canton de Zurich.

5621

Al. 5 Pour inclure l'impôt sur la fortune dans l'imposition d'après la dépense, les cantons peuvent adopter des réglementations différentes. Dans les cantons d'Appenzell Rhodes-Intérieures, de Lucerne, de Nidwald, de Schaffhouse, de Schwyz et de SaintGall, par exemple, la fortune imposable est fixée en tenant compte du revenu imposable déterminant et doit être supérieure ou égale à la somme de plusieurs éléments bruts tels que ceux énumérés à l'art. 6, al. 3, LHID. Dans le canton de Bâle-Ville, pour la fixation de la fortune correspondant à la dépense, la dépense qui a été prise en compte pour l'impôt sur le revenu est capitalisée de manière appropriée. L'impôt sur la fortune ainsi calculé doit aussi être supérieur ou égal à l'impôt sur plusieurs éléments bruts tels que ceux énumérés à l'art. 6, al. 3, LHID. Dans le canton de Berne, l'impôt sur la fortune est pris en compte de la manière suivante: les valeurs officielles des immeuble bernois servent à définir l'assiette de l'impôt.

Les cantons doivent pouvoir continuer de définir librement de quelle manière ils incluent l'imposition de la fortune. Néanmoins, ils ont l'obligation de régler explicitement dans le droit cantonal la façon dont l'impôt sur la fortune (en plus de l'impôt sur le revenu) doit être acquitté dans le cadre de l'imposition d'après la dépense.

Pour ce faire, ils ont toute latitude quant à la méthode. Une possibilité serait de prendre pour base le montant de la dépense calculé d'après l'al. 3 et de l'augmenter de manière appropriée. Une autre possibilité consisterait à calculer le montant de la fortune en se fondant sur la dépense et à le soumettre au barème ordinaire de l'impôt sur la fortune.

Al. 6 L'al. 6 correspond à la deuxième phrase de l'al. 3 en vigueur quant au fond. Cela signifie que le calcul de contrôle sera toujours effectué. Le calcul de la dépense d'après les al. 3 et 5 est contrôlé de la manière suivante: on le compare avec le montant des impôts ordinaires sur le revenu et sur la fortune qui serait perçu si les éléments bruts de revenus et de fortune de source suisse énumérés à l'al. 6 constituaient l'assiette de l'impôt.

Al. 7 Cette disposition correspond à l'art. 14, al. 5, P-LIFD de même teneur.

Art. 72m La nouvelle réglementation concernant l'imposition d'après la dépense doit entrer en vigueur simultanément
pour ce qui est de l'impôt fédéral direct et des impôts cantonaux. Les cantons auront besoin de temps pour adapter leur droit aux modifications de la LHID. Par expérience, on peut supposer qu'un délai de deux ans devrait suffire.

Art. 78e Nous renvoyons au commentaire de l'art. 205d LIFD.

5622

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

Les recettes fiscales de la Confédération provenant de l'imposition d'après la dépense s'élevaient en 2007 à 131,6 millions de francs (voir tableau 1)13. La réforme fiscale augmentera l'assiette de l'impôt de presque tous les contribuables imposés d'après la dépense. D'un point de vue statique (c'est-à-dire si les personnes qui sont aujourd'hui imposées d'après la dépense ne quittent pas la Suisse et conservent leur statut fiscal même après l'augmentation de l'impôt), les recettes fiscales de la Confédération seront multipliées par deux et passeront à peu près à 255,7 millions de francs (d'après les données de 2007). L'excédent de recettes fiscales par rapport au statu quo s'élèverait ainsi à 124,1 millions de francs.

Cependant, il est vraisemblable qu'une partie des contribuables imposés d'après la dépense dont le revenu imposable est inférieur à 400 000 francs émigreront. Si tous les contribuables imposés d'après la dépense dont le revenu imposable est inférieur à 200 000 francs quittent la Suisse, alors les recettes fiscales de la Confédération présenteront tout de même un excédent de 48,9 millions de francs. La réforme serait presque neutre du point de vue des recettes, si tous les contribuables imposés d'après la dépense dont le revenu imposable est inférieur à 300 000 francs quittaient la Suisse (excédent de 3,2 millions de francs).

En raison de l'augmentation de cinq à sept fois le montant du loyer (ou de la valeur locative), ce qui correspond à une hausse de 40 % de l'assiette de l'impôt, une partie des contribuables imposés d'après la dépense dont le revenu imposable est actuellement supérieur à 400 000 francs devrait aussi quitter la Suisse. Si 25 % de ce groupe de contribuables quitte la Suisse, l'excédent de recettes fiscales par rapport au statu quo s'élève encore à 103,2 millions de francs. Mais même si le taux d'émigration de ce groupe était de 50 %, les recettes dépasseraient les pertes de 82,4 millions de francs.

Par l'examen des scénarios conjugués (voir le tableau ci-contre), on démontre que, même en partant d'hypothèses très conservatrices (conjugaison des scénarios 2 et 4: départ de tous les contribuables disposant d'un revenu inférieur à 300 000 francs et de la moitié des contribuables disposant d'un revenu supérieur à 400 000 francs), la diminution des recettes fiscales
de la Confédération ne s'élève qu'à 38,5 millions de francs. Des scénarios plus réalistes, mais encore assez prudents (par exemple la conjugaison des scénarios 1 et 3), permettent de supposer que les recettes de la Confédération augmenteront grâce à la réforme de l'imposition d'après la dépense.

On peut s'attendre à ce que quelques contribuables optent pour la taxation ordinaire après la réforme si celle-ci est devenue plus avantageuse que l'imposition d'après la dépense. Les scénarios du tableau 1 ne tiennent pas compte de ces effets, car l'assiette de l'impôt qui s'appliquera alors est encore inconnue. C'est pourquoi il est possible que l'évaluation statistique des excédents de recettes fiscales à 255,7 millions de francs (d'après les données de 2007) soit quelque peu élevée. Par ailleurs, dans les cantons qui présentent une fiscalité avantageuse, la taxation ordinaire constitue une alternative à la migration vers un autre canton ou pays qui mérite 13

Il s'agit des chiffres publiés les plus récents. Pour obtenir la meilleure qualité possible en ce qui concerne les données (état de la taxation dans les cantons généralement supérieur à 95 %), il faut compter avec un retard d'environ trois ans.

5623

réflexion, c'est pourquoi il est assez improbable que les scénarios deux et quatre, qui sont les plus défavorables, se réalisent.

Brülhart (2011) parvient à un résultat comparable à ces scénarios pour le canton de Zurich14. D'après ce résultat, les recettes fiscales seraient en augmentation dans ce canton si moins de deux tiers des personnes imposées d'après la dépense quittent le canton suite à l'abrogation de cette forme d'imposition. En tout, 92 ménages imposés d'après la dépense (sur 201 recensés en 2008) ont quitté le canton avant le 31 décembre 2010, suite à l'abrogation de cette forme d'imposition. Ceci équivaut à un taux d'émigration de 46 %.

L'émigration des ménages suite à la réforme de l'imposition d'après la dépense n'affectera pas que l'impôt sur le revenu mais également d'autres genres d'impôt.

Pour ce qui est de la Confédération, on retiendra en particulier la taxe sur la valeur ajoutée. Cependant, les répercussions devraient être minimes.

14

Cf. Marius Brülhart: «Könnte sich eine schweizweite Abschaffung der Pauschalsteuer lohnen?», BATZ.ch Le forum de politique économique suisse, 14 janvier 2011, et, du même auteur: «Abschaffung der Pauschalsteuer: ein Eigentor?», idem, 20 janvier 2011.

5624

Tableau 1 Scénarios des conséquences de la réforme de l'imposition d'après la dépense pour l'impôt fédéral direct

Total

4 528 131,6 124,1

48,9

Scénarios 2 + 4

0,2 1,5 0,1 12,1 3,7 1,5 0,1 0,3 0,2 1,3 0,3 0,7 3,6 2,2 16,7 1,7 2,5 0,1

Scénarios 1 + 3

0,3 5,1 1,7 17,6 6,3 2,8 0,2 2,4 0,2 1,4 2,9 1,5 16,3 30,0 29,1 2,1 4,0 0,2

Scénario 4 50 % des contribuables à revenu > 400 000 fr.

Scénario 1 100 % des contribuables à revenu < 200 000 fr.

0,3 4,9 0,4 40,3 7,2 2,9 0,2 1,8 0,3 4,1 1,4 1,0 12,9 12,1 33,7 3,0 5,0 0,1

Scénario 3 25 % des contribuables à revenu > 400 000 fr.

Excédent de recettes par rapport au statu quo en millions de francs pour un taux d'émigration de

14 166 52 645 248 106 8 82 11 45 97 61 593 992 1 171 88 141 8

Scénario 2 100 % des contribuables à revenu < 300 000 fr.

Recettes 2007 de la Confédération en millions de francs

AR BE FR GE GR LU NE NW OW SZ SG TG TI VS VD ZG ZH1 BL et UR2

Canton

Nombre de contribuables imposés d'après la dépense

Scénarios: excédent de recettes par rapport au statu quo en millions de francs pour un taux d'émigration de ...

­0,1 0,3 ­0,4 9,4 ­0,9 0,2 0,0 ­0,3 ­0,1 1,3 ­0,5 ­0,7 ­2,3 ­5,8 1,9 ­0,2 1,4 ­0,1

0,3 4,1 1,7 10,0 5,4 2,3 0,2 2,1 0,2 0,4 2,9 1,5 14,7 29,2 23,3 1,8 2,8 0,2

0,3 3,2 1,7 2,5 4,6 1,8 0,2 1,8 0,2 ­0,5 2,8 1,4 13,2 28,4 17,5 1,4 1,7 0,2

0,2 0,6 0,1 4,6 2,8 1,0 0,0 0,0 0,2 0,4 0,3 0,7 2,0 1,5 10,9 1,4 1,3 0,1

­0,1 ­1,5 ­0,4 ­5,7 ­2,6 ­0,8 ­0,1 ­0,9 ­0,2 ­0,6 ­0,6 ­0,8 ­5,4 ­7,4 ­9,6 ­0,9 ­0,9 ­0,1

3,2 103,2

82,4

28,0 ­38,5

Source: Administration fédérale des contributions (2010), statistique de l'impôt fédéral direct en 2007, Berne.

Remarques concernant le tableau 1: 1 L'imposition d'après la dépense a été abolie par décision du peuple le 1er janvier 2010 dans le canton de Zurich. La majeure partie des contribuables imposés d'après la dépense qui ont quitté ZH de ce fait s'est installée dans un autre canton. Au demeurant, les ménages restés à ZH peuvent continuer à opter pour l'imposition d'après la dépense pour ce qui est de l'impôt fédéral direct. Ce scénario reste donc représentatif à l'échelle de la Confédération.

2 Pour des raisons ayant trait à la protection des données (faible nombre de contribuables imposés d'après la dépense), les deux cantons de BL et d'UR ont été réunis ici.

5625

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

La nouvelle loi prévoit que les cantons définiront un seuil de l'assiette de l'impôt.

Les conséquences de la réforme seront très différentes selon la valeur à laquelle aura été fixé ce seuil et le barème ordinaire de l'impôt sur le revenu (lequel varie beaucoup d'un canton à l'autre et d'une commune à l'autre) qui devra donc s'appliquer.

C'est la raison pour laquelle il n'est pas possible d'établir les scénarios pour les cantons et les communes.

Néanmoins, on peut classifier les conséquences de la réforme sur le produit de l'impôt fédéral direct en fonction du canton dont proviennent les recettes (voir tableau 1). Il en résulte de premiers jalons concernant les divers effets fiscaux de la réforme sur les cantons. Le tableau 2 montre les modifications des recettes de l'impôt fédéral direct en pourcentage et par canton. On observe que, d'un point de vue statique, les excédents de recettes qui connaissent la plus forte hausse sont ceux des cantons dont les contribuables imposés d'après la dépense présentent le revenu imposable le moins élevé. Inversement, même si cela dépend aussi de la proportion de contribuables imposés d'après la dépense qui partiront, les diminutions des recettes seront d'autant plus considérables dans ces cantons. La nouvelle loi fédérale sur l'imposition d'après la dépense tient compte de ces conditions différentes en laissant une marge de manoeuvre aux cantons quant à la fixation du seuil déterminant de l'assiette de l'impôt pour ce qui est des impôts cantonal et communal directs et de l'impôt sur la fortune.

Par ailleurs, les scénarios présentés dans les tableaux 1 et 2 ne tiennent pas compte du fait que certaines communes ou certains cantons pourront engranger des recettes fiscales supplémentaires suite à l'immigration des personnes imposées d'après la dépense, si les biens immobiliers devenus libres que détenaient ces ménages fortunés venus d'autres communes et cantons pour s'y installer sont repris. Cependant, cet avantage ne vaut que pour des communes ou des cantons isolés (mais pas pour toute la Confédération), dans la mesure où l'installation de ménages fortunés dans une commune (et l'excédent de recettes fiscales qui y est lié) implique le départ d'une autre commune (et les pertes de recettes fiscales qui y sont liées).

Le départ de certains ménages suite à la
réforme de l'imposition d'après la dépense a des conséquences non seulement sur l'impôt sur le revenu mais aussi sur d'autres impôts. Dans les cantons et les communes, elles peuvent concerner l'impôt sur les donations et sur les successions. Elles ne devraient cependant pas être importantes quantitativement.

5626

Tableau 2 Scénarios des conséquences de la réforme de l'imposition d'après la dépense pour l'impôt fédéral direct exprimées en pourcentage

Excédent de recettes par rapport au statu quo en %

Scénario 1

Scénario 2

Scénario 3

Scénario 4

Scénarios 1+3

Scénarios 2+4

AR BE FR GE GR LU NE NW OW SZ SG TG TI VS VD ZG ZH BL et UR

235 243 314 572 148 794 587 702 311 875 303 730 227 738 260 321 304 364 827 618 192 025 221 956 254 718 177 641 313 735 352 623 354 181 213 450

127 % 103 % 392 % 44 % 87 % 95 % 153 % 138 % 74 % 33 % 204 % 146 % 126 % 248 % 86 % 71 % 80 % 161 %

65 % 31 % 21 % 30 % 51 % 52 % 45 % 18 % 74 % 32 % 21 % 69 % 28 % 19 % 49 % 58 % 49 % 98 %

­26 % 7% ­81 % 23 % ­12 % 7% ­8 % ­18 % ­45 % 32 % ­37 % ­64 % ­18 % ­48 % 6% ­6 % 27 % ­58 %

121 % 84 % 387 % 25 % 75 % 78 % 137 % 120 % 65 % 10 % 201 % 141 % 114 % 241 % 69 % 59 % 57 % 161 %

115 % 65 % 383 % 6% 63 % 60 % 120 % 103 % 56 % ­13 % 198 % 136 % 102 % 234 % 52 % 47 % 34 % 161 %

59 % 12 % 16 % 11 % 39 % 35 % 29 % 0% 65 % 9% 18 % 64 % 16 % 12 % 32 % 46 % 26 % 98 %

­39 % ­31 % ­91 % ­14 % ­36 % ­27 % ­40 % ­53 % ­63 % ­14 % ­43 % ­74 % ­42 % ­61 % ­29 % ­30 % ­19 % ­58 %

Total

314 733

94 %

37 %

2%

78 %

63 %

21 %

­29 %

Canton

Revenu imposable moyen en francs

Scénarios: excédent de recettes par rapport au statu quo en % pour un taux d'émigration de ...1)

Source: Administration fédérale des contributions (2010), statistique de l'impôt fédéral direct en 2007, Berne.

1 Voir la définition des scénarios dans le tableau 1.

3.3

Conséquences pour l'économie

D'après la statistique de l'impôt fédéral direct en 2007, 80 % des contribuables imposés d'après la dépense présentaient un revenu imposable de moins de 400 000 francs par an. Pour la majeure partie d'entre eux, une augmentation de l'assiette de l'impôt est synonyme d'une augmentation des impôts. Il n'est pas possible d'estimer combien de personnes imposées d'après la dépense quitteront la Suisse suite à l'introduction du seuil de 400 000 francs. Cependant, il est probable que les person5627

nes imposées d'après la dépense dont le revenu imposable est nettement inférieur à 400 000 francs émigreront en raison de l'augmentation notable des impôts, si elles n'optent pas pour la taxation ordinaire. Par ailleurs, il s'agit de ménages qui ont un pouvoir d'achat relativement faible, comparé à celui d'autres personnes fortunées imposées d'après la dépense. On peut donc supposer que l'introduction du seuil de 400 000 francs n'aura que des conséquences négatives minimes pour l'économie.

À peine 20 % des personnes imposées d'après la dépense ont un revenu imposable supérieur à 400 000 francs. Si l'on calcule aujourd'hui le revenu imposable de ces contribuables d'après le quintuple du loyer (ou de la valeur locative) ­ et non pas selon le calcul de contrôle qui donne un résultat plus élevé ­ l'assiette de l'impôt de ce groupe augmente de 40 %, si l'on passe au septuple du loyer (ou de la valeur locative). En raison de la progressivité de l'impôt fédéral direct, la charge fiscale de ces contribuables imposés d'après la dépense augmente ainsi certainement de bien plus que 40 %. C'est pourquoi il est probable qu'une partie des contribuables les plus fortunés imposés d'après la dépense quittera également la Suisse. Ces contribuables peuvent diminuer leur charge fiscale en emménageant dans un immeuble dont le loyer (ou la valeur locative) est moins élevé. Quelques-uns de ces contribuables devraient opter pour la taxation ordinaire au lieu de l'imposition d'après la dépense.

Ensuite, il y a également quelques ménages très fortunés qui, aujourd'hui, sont déjà imposés sur une base de calcul plus élevée que le quintuple, voire le septuple du loyer (ou de la valeur locative), en raison du montant très élevé de la somme des éléments bruts visés à l'art. 14, al. 3, let. d. Pour ce groupe, rien ne change après la réforme de l'imposition d'après la dépense; à l'avenir, les mêmes conditions fiscales lui seront appliquées en Suisse. Ces personnes seront imposées soit d'après le calcul de contrôle (art. 14, al. 3, let. d, P-LIFD et art. 6, al. 6, P-LHID) soit sur la base des frais annuels en Suisse et à l'étranger liés au train de vie du contribuable s'ils sont beaucoup plus élevés.

Enfin, il faut nommer les groupes de personnes qui ne pourront désormais plus être imposées d'après la dépense. Il s'agit d'abord
des époux qui vivent en ménage commun et qui ne peuvent plus prétendre à l'imposition d'après la dépense parce que l'un d'entre eux ne remplit pas toutes les conditions. Il faut partir de l'idée que seule une minorité des ménages est concernée par cette mesure et que, pour ces ménages, d'autres raisons que la seule imposition d'après la dépense sont déterminantes pour l'installation en Suisse (par exemple le désir de revenir à leur ancien domicile). Ensuite, les Suissesses et les Suisses (qui remplissaient jusqu'ici les autres conditions) ne pourront dorénavant plus bénéficier du choix de cette forme de taxation pendant l'année de leur arrivée en Suisse. Cependant, cette modification ne devrait avoir aucune conséquence financière.

Dans l'ensemble, on peut prévoir que la demande concernant la forme de taxation forfaitaire devrait régresser peu après la réforme. L'imposition d'après la dépense demeurera toutefois attrayante pour les ressortissants étrangers très fortunés. C'est la raison pour laquelle on peut supposer que la réforme n'aura que d'infimes répercussions négatives sur l'économie. L'imposition d'après la dépense reste donc un instrument pour renforcer l'attrait de la place économique suisse en comparaison internationale aux yeux de ménages fortunés et très mobiles. Les emplois liés indirectement à cette forme d'imposition devraient être en grande partie maintenus. Il est également possible que la demande en biens immobiliers de luxe recule quelque peu à court terme, en raison de l'augmentation de l'assiette de l'impôt qui passera du 5628

quintuple au septuple du loyer (ou de la valeur locative), et que la demande en biens immobiliers plus avantageux augmente. À moyen terme cependant, le recul de cette demande devrait entraîner une pression sur les prix dans le secteur de l'immobilier de luxe, ce qui aura pour corollaire de rétablir en partie la demande dans ce domaine.

4

Lien avec le programme de la législature

Le projet n'est annoncé ni dans le message du 23 janvier 2008 sur le programme de la législature 2007 à 201115 ni dans l'arrêté fédéral du 18 septembre 2008 sur le programme de la législature 2007 à 201116. Il n'était pas encore possible alors de prévoir qu'une adaptation de l'imposition d'après la dépense serait nécessaire.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

A son art. 127, al. 2, la Constitution (Cst.) prévoit que l'imposition respecte les principes de l'universalité, de l'égalité de traitement et de la capacité économique.

Dans la doctrine, la question de savoir si l'imposition d'après la dépense respecte ces principes constitutionnels soulève des controverses. D'un côté, on fait valoir que l'utilité économique de l'imposition d'après la dépense et sa grande facilité d'application pour l'imposition des personnes étrangères peuvent justifier un écart par rapport aux principes de l'imposition d'après l'art. 127, al. 2, Cst. De l'autre côté, on oppose à cela l'argument selon lequel l'imposition d'après la dépense conduirait à une discrimination des ressortissants suisses, laquelle ne saurait en aucune façon être légitimée uniquement par des intérêts fiscaux17.

L'avis du Conseil fédéral sur la constitutionnalité de la loi est le suivant.

Il est certes indéniable qu'en pratiquant l'imposition d'après la dépense, l'on doit prendre son parti de ce que des contribuables dont la capacité économique est à peu près la même soient imposés différemment en raison de leur nationalité. Cet écart par rapport au principe de l'imposition selon la capacité économique est cependant justifié par les points qui suivent: ­

15 16 17

Il est vrai que les intérêts fiscaux ne peuvent à eux seuls justifier une imposition différenciée. L'utilité économique de l'imposition d'après la dépense (voir ch. 1.1.3 supra) sert l'intérêt public, ce qui peut justifier certaines inégalités de traitement, si l'aménagement de l'imposition d'après la dépense respecte le principe de la proportionnalité. Le législateur et les cantons ont depuis toujours admis l'importance économique de l'imposition d'après la dépense, laquelle est relative selon les régions, et par conséquent l'intérêt public prépondérant qu'elle sert.

FF 2008 639 FF 2008 7745 Cf. U. Cavelti, Besteuerung nach dem Aufwand, in IFF, Forum für Steuerrecht, 2010/2, p. 144 et suivantes, avec des remarques complémentaires.

5629

­

L'inégalité de traitement apparaît proportionnelle, dans la mesure où certains éléments bruts perçus en Suisse sont imposés d'après le barème ordinaire quoi qu'il en soit, et dans la mesure où, en outre, les revenus de l'activité lucrative exercée à l'étranger sont soumis à l'impôt à la source étranger selon la procédure régulière, et, ainsi, ne peuvent de toute façon plus être imposés en Suisse (en principe, en vertu des conventions contre les doubles impositions, variable d'une convention à l'autre). C'est pourquoi on peut partir de l'hypothèse que l'inégalité de traitement fiscal entre les Suisses et les ressortissants étrangers à revenus élevés liée à l'imposition d'après la dépense est contenue dans des limites raisonnables.

­

Le nouveau postulat, à savoir le durcissement de la réglementation légale en ce qui concerne l'octroi de l'imposition d'après la dépense, contribue par ailleurs considérablement à mieux tenir compte du principe de l'imposition d'après la capacité économique et à défendre le principe de la proportionnalité au sens de l'acceptabilité d'un traitement différent des ressortissants suisses et étrangers se trouvant dans une situation économique analogue, dont on ne peut cependant pas dire qu'il constitue une discrimination pour les ressortissants nationaux.

5.2

Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse

Le remaniement proposé de l'imposition d'après la dépense n'est en rien contraire aux engagements internationaux de la Suisse.

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