09.474 Initiative parlementaire Flexibilisation de la politique forestière en matière de surface Rapport de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil des Etats du 3 février 2011

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons le projet de modification de la loi sur les forêts que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

3 février 2011

Au nom de la commission: Le président, Rolf Schweiger

2011-0451

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Condensé La politique forestière mise en place en vertu de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur les forêts a globalement fait ses preuves. Le principe de la conservation qualitatif et quantitatif des forêts a en particulier contribué à ce que les aires forestières menacées au XIXe siècle puissent remplir aujourd'hui entièrement leurs fonctions protectrices, économiques et sociales. Constatant d'une part l'efficacité de cette loi et d'autre part la difficulté de concilier les intérêts divergents voire contradictoires en présence, les deux Chambres ont décidé de rejeter la révision partielle de la loi présentée par le Conseil fédéral en 2007­2008. Les modifications proposées visaient notamment à garantir les prestations de la forêt et de l'économie forestières qui profitent à l'ensemble de la collectivité. Les différents protagonistes se rejoignaient toutefois sur un point: des changements s'imposaient, surtout au niveau de la politique forestière en matière de surface. En effet, dans certaines régions, comme les Alpes, les Préalpes et le Jura, qui ont vu les forêts s'étendre de manière importante, le développement de la forêt entre, du fait de l'obligation de compenser les défrichements, toujours plus en conflit avec l'agriculture, les zones d'une grande valeur paysagère ou avec les impératifs de la protection contre les crues. Au vu de ces difficultés et de l'écho très favorable rencontré par les mesures d'assouplissement proposées en matière de compensation du défrichement lors de la procédure de consultation sur la révision de la loi sur les forêts, la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil des Etats a décidé de se saisir du dossier et d'élaborer un projet d'acte dans le cadre d'une initiative de commission.

Le projet qu'elle présente prévoit plusieurs modifications de la loi sur les forêts. Il est clair toutefois qu'une politique visant à résoudre le problème de l'extension indésirable de la forêt ne peut se limiter à la seule législation sur les forêts, mais doit relever d'une approche intégrale tenant compte de l'aménagement du territoire et de la politique agricole. Par conséquent, les dispositions proposées dans le projet de la commission se conçoivent dans l'optique plus large des modifications en cours ou à venir des législations régissant
les deux domaines précités.

Les mesures préconisées par la commission visent à assouplir les règles de compensation du défrichement afin de mieux tenir compte des situations rencontrées sur le terrain. Pour épargner des surfaces agricoles privilégiées et des zones d'une grande valeur écologique ou paysagère, il sera dorénavant possible de renoncer à la compensation en nature. Pour cela, il faut des mesures équivalentes visant à protéger la nature et le paysage. Si les projets mis en place ­ notamment (a) dans le cadre de défrichements pratiqués pour récupérer des terres agricoles en des endroits gagnés par la forêt au cours des 30 dernières années, (b) dans le cadre de la protection contre les crues, de la revitalisation des eaux ou (c) de la préservation des biotopes selon les art. 18a et 18b de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage ­ peuvent être considérés comme des mesures équivalentes, il est possible de renoncer purement et simplement à une compensation.

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Aux termes du projet de modification, les mesures de compensation en nature ne seront plus applicables que dans la région où le défrichement a été effectué. En effet, il est apparu que la réglementation en vigueur ­ qui permettait jusqu'ici de compenser le défrichement d'une aire forestière dans une autre région ­ avait conduit à un reboisement considérable même dans des régions à forte croissance forestière.

Par ailleurs, la notion dynamique de la forêt étant supprimée partiellement, les cantons auront la possibilité de fixer une limite statique dans des zones où ils veulent empêcher une croissance de l'aire forestière. Il sera donc possible de procéder au défrichement des aires forestières s'étendant en dehors de ces limites, sans autorisation préalable; les zones concernées pourront ainsi retrouver l'affectation prévue par le plan d'affectation. Complémentaire à la flexibilisation de la compensation des défrichements, cet assouplissement devrait permettre de freiner l'expansion de l'aire forestière actuelle et d'assurer un développement optimal du paysage.

Une minorité refuse un élargissement de la limite statique de la forêt aux zones inconstructibles. Une autre minorité souhaite limiter l'assouplissement de la compensation du défrichement aux régions où l'aire forestière s'agrandit.

4087

Rapport 1

Rappel des faits

1.1

Initiative de commission

Le 25 juin 2009, la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil des Etats (ci-après: la commission) a décidé, par 8 voix contre 0 et 2 abstentions, d'élaborer l'initiative «Flexibilisation de la politique forestière en matière de surface» (09.474). Celle-ci vise à modifier la loi sur les forêts de manière à assouplir les règles relatives à la compensation du défrichement dans les régions où l'aire forestière augmente, afin de prévenir tout risque de conflit avec les surfaces agricoles privilégiées, les zones d'une grande valeur écologique ou paysagère ainsi que la protection contre les crues. Comme cet assouplissement ne saurait à lui seul empêcher l'augmentation indésirable de l'aire forestière, il convient de prévoir encore d'autres instruments et mesures permettant de lutter contre toute extension préjudiciable de l'aire forestière dans les régions où celle-ci augmente.

Néanmoins, le maintien de la surface forestière totale en Suisse et ainsi du principe de sa protection, inscrite dans la loi sur les forêts, ne sont pas remis en question.

1.2

Genèse du projet

Le 14 octobre 2005, la fondation Helvetia Nostra a déposé l'initiative populaire «Sauver la Forêt suisse», qui avait recueilli 115 464 signatures. Helvetia Nostra entendait ainsi modifier l'art. 77 de la Constitution fédérale de manière à renforcer la protection de la forêt et à restreindre les actuelles possibilités d'exploitation. Elle souhaitait notamment qu'il appartienne désormais à la Confédération et aux cantons de veiller globalement à la diversité biologique et d'organiser l'entretien de la forêt et que, à l'avenir, la Confédération soit tenue de financer plus généreusement qu'aujourd'hui les mesures de conservation de la forêt et de remise en état des forêts endommagées. L'initiative prévoyait également d'introduire dans la Constitution une interdiction de défricher plus stricte que celle qui est en vigueur et une interdiction absolue de procéder à des coupes rases. Le dépôt de l'initiative, laquelle bénéficiait du soutien de certains milieux spécialisés de la forêt, répondait en fait à l'avantprojet du Conseil fédéral concernant la révision partielle de la loi sur les forêts; Helvetia Nostra nourrissait en effet quelques craintes face à la volonté du Conseil fédéral d'assouplir l'interdiction de procéder à des coupes rases en délivrant plus facilement des autorisations de défricher.

Le 28 mars 2007, le Conseil fédéral a proposé au Parlement de modifier la loi sur les forêts en tenant compte des résultats de la consultation. Il précisait alors que la révision partielle proposée constituait sur le plan formel le contre-projet indirect à l'initiative populaire «Sauver la Forêt suisse», dont il recommandait le rejet (07.033, FF 2007 3629). Les principales modifications proposées étaient les suivantes: extension des limites statiques des forêts aux zones autres que les zones à bâtir et assouplissement de l'obligation de compenser tout défrichement; fixation de fonctions prioritaires pour les forêts et possibilité de délimiter certaines surfaces forestières sur cette base; possibilité pour les propriétaires de forêts de commercialiser la prestation

4088

fournie par la forêt en tant que puits de carbone; nouvelles incitations à promouvoir le bois; fixation d'exigences minimales d'une sylviculture proche de la nature afin d'éviter les dégâts écologiques; précision de la répartition des tâches entre la Confédération, les cantons et les exploitants de forêts; adaptation de l'article sur la formation professionnelle eu égard à la suppression des études d'ingénieur forestier à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich et à l'instauration d'un cursus de haute école spécialisée.

Le Conseil national et le Conseil des Etats ont tous deux décidé à l'unanimité, respectivement le 6 décembre 2007 et le 12 mars 2008, de ne pas entrer en matière sur le projet. Ce faisant, chacun d'eux s'est rallié aux propositions de sa commission chargée de l'examen préalable. Les intérêts économiques et écologiques liés à l'exploitation de la forêt, qui divergent passablement et sont même parfois contradictoires, n'avaient en effet pas pu être ramenés à un dénominateur commun susceptible de servir de base à la révision de la loi. Les modifications proposées sous l'angle de l'exploitation économique de la forêt, en particulier, ont suscité une vague d'oppositions: quand certains les percevaient comme un durcissement radical des prescriptions applicables en matière de gestion forestière, d'autres y voyaient un signe de l'abolition du principe de protection. Après le refus des deux conseils d'entrer en matière sur le projet de révision de la loi sur les forêts présenté par le Conseil fédéral, Helvetia Nostra a retiré le 26 mars 2008, comme elle l'avait annoncé, son initiative «Sauver la Forêt suisse» qu'elle avait précisément lancée pour contrecarrer ledit projet.

En dépit de la nette opposition du Parlement au projet de révision de la loi sur les forêts, l'ensemble des députés était d'avis qu'il était nécessaire de légiférer dans ce domaine. Les deux commissions compétentes, comme les conseils, avaient relevé le besoin de rechercher des solutions pragmatiques, notamment au sujet de la flexibilisation de la politique forestière en matière de surface. Du reste, les dispositions proposées à cet égard avaient été très bien accueillies par de nombreux participants à la consultation sur le projet rejeté plus tard. L'interdiction de défrichement inscrite dans la loi sur la police des
forêts en 1876, soit lors de son édiction, constituait une réaction au déboisement qui menaçait gravement la forêt au XIXe s. en raison de l'essor industriel. L'aire forestière a toutefois été rétablie depuis et, dans les régions alpines, elle a même connu récemment une forte extension naturelle. Considérant cette reforestation, l'obligation d'une compensation équivalente dans les régions visées se révèle bien souvent difficile à appliquer et, en définitive, dépassée.

D'ailleurs, les cantons concernés exigent justement qu'un plus grand poids soit accordé aux mesures de compensation alternatives sous forme de mises en valeur de la nature et du paysage, pouvant apporter une contribution à la résolution d'éventuels conflits avec les surfaces cultivables.

Eu égard à ce qui précède, la commission a décidé de se charger elle-même de l'élaboration d'un projet de loi au travers d'une initiative de commission.

1.3

Audition de la Conférence suisse des directeurs cantonaux des forêts et des milieux intéressés

Dans le cadre de l'examen de la révision de la loi sur les forêts, il avait été constaté que plusieurs éléments essentiels méritaient d'être améliorés. Afin de déterminer les mesures à prendre, la commission a décidé de procéder à des auditions. Le 25 juin 4089

2009, elle a auditionné la Conférence suisse des directeurs cantonaux des forêts, Pro Natura, l'Association suisse pour l'aménagement national (ASPAN) ainsi que le comité d'initiative «Sauver la Forêt suisse».

Contrairement aux Chambres fédérales, la Conférence suisse des directeurs cantonaux des forêts avait d'emblée apporté son soutien à la révision de la loi sur les forêts; elle a salué de même l'initiative de la commission, appelant notamment de ses voeux la création d'une base légale qui permette d'introduire la définition statique de la forêt également en dehors des zones à bâtir, d'assouplir les dispositions sur le reboisement ­ sans toutefois remettre en question l'interdiction de défricher ­ et de relever l'âge du peuplement sur une surface conquise par la forêt.

Sachant que les outils légaux et les instruments de planification ne peuvent à eux seuls empêcher la forêt de s'étendre sur des surfaces agricoles abandonnées, Pro Natura et l'ASPAN préconisent de prendre des mesures supplémentaires dans le domaine agricole afin d'encourager le maintien et l'entretien de ces surfaces. Ces deux associations prônent également un engagement ciblé dans le cadre de la loi sur les forêts, qui vise à encourager le maintien des surfaces d'une grande valeur écologique ou paysagère.

Le comité d'initiative «Sauver la Forêt suisse» considère que l'augmentation de la surface forestière n'est pas a priori un élément négatif. En effet, il rappelle que cette augmentation a des effets positifs indéniables, tels que la fixation du CO2, la protection contre les dangers naturels et des réserves en eau potable. Par conséquent, le comité d'initiative demande qu'il ne soit pas dérogé au principe de la conservation de la forêt et de l'interdiction de défricher; tout au plus accepte-t-il l'idée d'une augmentation de l'âge requis pour qu'une surface boisée soit reconnue comme forêt.

Il précise toutefois qu'il y a lieu de prendre en contrepartie des mesures visant à encourager le maintien du paysage ouvert dans le domaine agricole.

1.4

Examen préalable

Le 20 octobre 2009, la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national a approuvé à l'unanimité la décision de son homologue du Conseil des Etats d'élaborer une initiative.

1.5

Interventions récentes et procédures de révision pouvant avoir des conséquences sur la politique forestière en matière de surface

Dans le cadre de la consultation sur la révision totale de la loi sur l'aménagement du territoire (LAT) initialement prévue, plusieurs participants ont demandé que la forêt soit globalement mieux coordonnée avec l'aménagement du territoire. Lors de la préparation de la deuxième étape de révision de la LAT, le rapport entre agriculture, aménagement du territoire et forêt doit être examiné et adapté le cas échéant.

Plusieurs interventions parlementaires sont pendantes qui exigent que soient inscrits dans le droit de l'aménagement du territoire des instruments permettant de protéger efficacement et intégralement les terres cultivables, mais aussi de garantir les surfa-

4090

ces d'assolement, d'intégrer les forêts et de prendre des mesures permettant d'assouplir la protection absolue dont celles-ci jouissent.

1.6

Travaux de la commission

La commission a discuté du projet de modification de la loi le 16 août et le 6 septembre 2010. Par 11 voix contre 1, elle a adopté l'avant-projet et décidé de le mettre en consultation.

Le 3 février 2011, la commission a adopté, par 7 voix contre 1 et 4 abstentions, le projet de loi définitif après légère adaptation suite aux résultats de la consultation.

La commission a bénéficié pour ses travaux de l'assistance du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC).

2

Procédure de consultation

La procédure de consultation a été ouverte le 15 septembre 2010. Elle a duré jusqu'au 15 décembre 2010.

2.1

Résultats de la consultation

Le texte élaboré par la commission est approuvé par une large majorité en ses points principaux. Sur les 67 participants qui se sont prononcés sur le fond, 63 ont approuvé le texte et seulement 4 l'ont rejeté. Les opinions des défenseurs de la flexibilisation de la politique forestière en matière de surface divergent aussi quant au contenu du texte.

Le texte est rejeté pour diverses raisons par le canton de Saint-Gall, par l'UDC et par deux organisations environnementales: la Fondation suisse pour la protection et l'aménagement du paysage (FP) et Helvetia Nostra.

Dans leurs remarques générales, les cantons expliquent surtout leur point de vue régional du problème. Nombre de participants à la consultation soulignent que la modification de loi proposée à elle seule ne peut pas empêcher l'expansion indésirable de la forêt et qu'il faut plutôt créer des incitations pour exploiter des surfaces non rentables afin de préserver des paysages cultivés ouverts variés par le biais de la politique régionale et de la politique agricole.

Nombre de voix insistent sur le fait qu'il est important de maintenir la conservation de la forêt aussi bien en qualité qu'en quantité. Quelques-uns toutefois déplorent le manque de discussion sur un assouplissement de l'interdiction de défricher ou exigent clairement une flexibilisation plus prononcée dans la politique forestière en matière de surface. Par ailleurs, cette même flexibilisation est critiquée pour le Plateau et les remembrements forestiers en faveur des surfaces urbanisées sont rejetés par une majorité.

Les avis issus de la consultation ont souvent évoqué la nécessité de mieux coordonner les politiques forestière, agricole et territoriale. La politique forestière en matière de surface nécessite une vision intégrale intersectorielle pour toute la Suisse, néan4091

moins avec une mise en oeuvre différenciée par région. Parfois, c'est même l'intégration de la forêt dans l'aménagement du territoire en tant que zone de protection et zone d'exploitation qui est exigée. Mais cette option est catégoriquement rejetée par une partie des consultés. Il est aussi souligné que les surfaces agricoles privilégiées ont également besoin d'une protection effective.

L'analyse de la consultation révèle toutefois dans l'ensemble une large approbation du texte de la commission. Seules des adaptations ponctuelles pour préciser ou compléter les dispositions s'avèrent nécessaires.

2.2

Modifications par rapport au projet envoyé en consultation

Les principales modifications apportées par la commission sont les suivantes: La notion de «surfaces agricoles utiles» est remplacée par «terres agricoles» (art. 7, al. 3, let. a). Par ailleurs, dans le même article, le délai pour considérer la récupération de surfaces agricoles conquises par la forêt est ramené de 50 à 30 ans. L'art. 7, al. 4, est ajouté pour exclure tout motif spéculatif à la récupération des terres conquises par la forêt. Par conséquent, si des terres agricoles récupérées sont affectées dans les 30 ans qui suivent à une autre utilisation, la compensation du défrichement doit être apportée a posteriori.

Dans la version française, la terminologie pour les notions de «compensation du défrichement» et de «croissance de la surface forestière» a été rectifiée.

3

Grandes lignes du projet

3.1

Contexte

La Constitution1 consacre à l'art. 77, al. 1, les trois principales fonctions de la forêt (protectrice, économique et sociale) en tant qu'objectifs matériels. Ces objectifs doivent être atteints grâce au principe de conservation des forêts, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. En effet, d'une part, la surface forestière actuelle, selon la définition du droit fédéral, doit être conservée (conservation quantitative des forêts).

D'autre part, la qualité des forêts, essentielle pour remplir les fonctions précitées, doit également être conservée et encouragée (conservation qualitative des forêts).

Le présent projet s'intéresse à la politique de conservation quantitative des forêts, qui, au cours des 130 dernières années, a été couronnée de succès en Suisse. Néanmoins, ces bons résultats se sont accompagnés de conséquences pour d'autres formes d'utilisation du territoire et pour le paysage, dont deux phénomènes sont à relever: ­

1 2

La pratique de l'agriculture pendant des siècles a augmenté la diversité des habitats peuplés d'espèces caractéristiques. C'est ainsi qu'a été aménagé un paysage ouvert, comprenant des petits éléments de structure, là où à l'origine la forêt prédominait.2 Mais lorsque l'exploitation des surfaces agricoles et RS 101 Rapport agricole 2009, p. 101.

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alpestres effectuée jusqu'alors dans les zones non boisées en dessous de la limite de la forêt vient à être abandonnée, généralement, la forêt se développe. Dès lors qu'une surface a été recouverte par la forêt, un retour à l'utilisation initiale ou une autre affectation n'est possible, du fait de l'interdiction de défricher, que si certains critères légaux sont satisfaits.

­

Le développement de l'urbanisation en Suisse depuis la Seconde Guerre mondiale a réduit surtout la surface utilisée pour l'agriculture. Des défrichements destinés à agrandir les zones à bâtir n'ont été autorisés que dans de très rares cas, pour lesquels la preuve du besoin d'acquisition de terrains à bâtir a dû être apportée lors d'une planification.3 La crainte, exprimée dans la Conception globale d'une politique suisse en matière d'économie des forêts et du bois (1975), que davantage de surfaces forestières soient requises pour des immeubles d'habitation et des bâtiments d'artisanat et d'industrie, ne s'est pas vérifiée.4 La politique de conservation des forêts s'est opposée avec succès au postulat d'une répartition des sacrifices entre les forêts et les terres agricoles. La consultation sur la loi (avortée) sur le développement territorial (P-LDTer) en 2009 a toutefois montré clairement que le principe selon lequel l'aire forestière doit être définie et protégée par la législation sur les forêts (art. 18, al. 3, loi sur l'aménagement du territoire), est partiellement remis en question:5 certains participants sont d'avis que la forêt appartient aux zones rurales et doit être intégrée dans l'aménagement du territoire.

D'autres exigent au moins une étude sur une meilleure intégration dans l'aménagement du territoire.

Le fait est que la Suisse, avec sa loi du 4 octobre 1991 sur les forêts (LFo)6, dispose d'une réglementation qui a prolongé de manière conséquente la loi sur la police des forêts de 1902 dans le domaine de la conservation quantitative des forêts et qui depuis a fait ses preuves. Du point de vue de la conservation quantitative des forêts, qui constitue le principe de base essentiel et incontestable de la législation suisse sur les forêts (art. 1, al. 1, let. a, et art. 3 LFo), au premier abord, l'augmentation de l'aire forestière ne semble pas problématique. Mais l'extension de la forêt peut devenir un problème dans la mesure où elle ne tient pas compte de la nature et de la fonction des surfaces conquises. D'un point de vue plus général, une extension de la forêt est indésirable lorsqu'elle entraîne une «monotonisation» du paysage s'accompagnant d'une réduction de la diversité structurelle et d'une diminution de la diversité des espèces, donc lorsqu'elle nuit à des zones précieuses sur le plan écologique et paysager, ou lorsqu'elle va à l'encontre de l'utilisation et de la fonction des surfaces conquises et engendre ainsi des conflits avec l'agriculture. La propagation de la forêt n'est pas non plus souhaitable dans le cadre de la protection contre les crues; en 3

4

5

6

Voir les arrêts correspondants du Tribunal fédéral «Aresol» (ATF 99 Ib 192), dans lequel le Tribunal fédéral s'est prononcé sur l'obligation de procéder à une planification et «Maderni» (ATF 99 Ib 497), dans lequel le Tribunal fédéral a reconnu, lorsque la part de la forêt de la commune atteint 80 %, l'intérêt prépondérant de défricher. Dans le cas de «Ried-Brig», où un défrichement a été requis pour une zone de villégiature, le Tribunal fédéral n'a pas reconnu l'intérêt prépondérant (ATF 199 Ib 397).

Hansjörg Steinlin/Heidi Schelbert-Syfrig/Gérard Crettol; Conception globale d'une politique suisse en matière d'économie des forêts et du bois, éditée par l'Inspection fédérale des forêts. Berne 1975, p. 227.

Rapport rendant compte des résultats sur la consultation relative à une révision de la loi sur l'aménagement du territoire (projet de nouvelle loi sur le développement territorial), sept. 2009, p. 47.

RS 921.0

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effet, si l'espace d'écoulement est envahi par des arbres, pour des raisons de sécurité, il devra être déboisé pour assurer le maintien de la capacité d'écoulement. Par ailleurs, les projets d'assainissement pour la protection contre les crues nécessitent généralement de l'espace en plus et, dans le cas d'une aire forestière, de surfaces de compensation adaptées, qui ne sont quasiment plus disponibles.

Pour remédier à cette augmentation de la surface forestière, la législation sur la forêt en vigueur ne prévoit aucun instrument approprié. La loi sur les forêts s'applique en principe à la forêt au sens juridique du terme. Tant que la progression est en cours sur des surfaces et que l'âge du peuplement de la forêt est de moins de 10 ou 20 ans (art. 1, al. 1, let. c de l'ordonnance du 30 novembre 1992 sur les forêts)7, les surfaces n'entrent pas dans le champ d'application de la loi sur les forêts. Ce qui signifie que des solutions pour contrer une croissance indésirable de la forêt doivent être recherchées, grâce à d'autres instruments, et ce aussi en dehors de la loi sur les forêts.

Dans les régions du Plateau où l'exploitation du sol est intensive et, de manière générale, dans les zones d'agglomération et les centres touristiques, le contexte est complètement différent. Compte tenu de l'avancée inexorable de l'urbanisation, la forêt, mais aussi les surfaces utilisées pour l'agriculture, sont confrontées à une forte pression. Si la forêt parvient à y faire face grâce au dispositif éprouvé de l'interdiction de défricher et l'obligation d'obtenir une dérogation,8 les surfaces utilisées pour l'agriculture accusent, quant à elles, de grosses pertes: 94 % de la disparition de terres agricoles sont imputables à l'extension de l'urbanisation.9 Les surfaces conquises par la forêt peuvent généralement être remises en culture; en revanche, les sols avec constructions sont durablement scellés et perdus à jamais pour la culture.

Les surfaces agricoles privilégiées requièrent donc une protection efficace grâce à des instruments d'aménagement du territoire, qui ne doit pas porter préjudice à la protection de la forêt.

Après que les Chambres fédérales ont refusé d'entrer en matière sur la révision partielle de la loi sur les forêts présentée par le Conseil fédéral10 comme contreprojet indirect à l'initiative
populaire «Sauver la Forêt suisse», des propositions de solutions relatives au problème de la surface forestière, en soi incontestées, n'ont par la suite pas été retenues. Ce projet doit donc exposer les instruments d'une politique forestière en matière de surface, permettant de prendre en compte les différentes évolutions des surfaces forestières en Suisse.

7 8 9 10

RS 921.01 Le troisième Inventaire forestier national IFN3 2004­2007 constate pour le Plateau une croissance stable de la surface forestière.

L'utilisation du sol: hier et aujourd'hui ­ Statistique suisse de la superficie, édité par l'Office fédéral de la statistique. Neuchâtel 2001, p. 17.

Message du 28 mars 2007 relatif à la modification de la loi fédérale sur les forêts et à l'initiative populaire «Sauver la forêt suisse» (FF 2007 3629).

4094

3.2

Bases du projet

L'augmentation de l'aire forestière avait déjà été évoquée en 1975 dans le cadre de la Conception globale d'une politique suisse en matière d'économie des forêts et du bois.11 Celle-ci proposait que les terres en friche naturellement recouvertes par la forêt ne soient pas considérées comme forêt pendant une durée de 30 ans à partir de la mise en jachère et, par conséquent, qu'elles ne soient pas soumises à la législation forestière durant cette période.12 Par ailleurs, elle voyait d'un bon oeil les «déplacements de forêt» dans les régions à forte croissance forestière (Préalpes, Jura, Alpes), mais uniquement dans le «cadre d'un plan d'ensemble contraignant, devant comprendre une planification régionale ainsi que toutes les planifications locales de la région».13 Le Programme forestier suisse (PFS),14 qui a été défini comme base de la future politique forestière dans les années 2002/2003, s'est attaqué à ce problème en formulant des objectifs et des mesures adaptées pour une nouvelle politique forestière en matière de surface. Sous l'intitulé «Autres mesures», il a notamment proposé de compléter le catalogue de critères pour les dérogations à l'interdiction de défricher (mesure 1a1), d'abandonner partiellement la définition dynamique de la forêt dans les régions où, selon l'aménagement du territoire, la surface boisée augmente de façon indésirable (mesure 2a2) et, dans les régions où la surface forestière augmente, de renoncer à la compensation en nature au profit de mesures visant à protéger la nature et le paysage (mesure 2a3).15 En outre, ce projet prend également en considération le projet de révision de 2007,16 qui a prévu des réglementations appropriées au niveau législatif.

Une politique forestière globale en matière de surface, incluant également les zones forestières sous pression, doit aussi prendre en compte des réflexions qui sont à la base du développement du PFS («PFSplus»). Ainsi, de nouveaux thèmes d'actualité sont apparus, tels que le changement climatique, la biodiversité, l'évolution de l'aire forestière et la desserte forestière. Le 21 avril 2010, le Conseil fédéral a approuvé le processus de développement du PFS.

3.3

Nouvelle réglementation de la politique forestière en matière de surface

L'aire forestière est soumise à une forte pression, notamment exercée par les habitations et les infrastructures dans les espaces intensément utilisés. En conséquence, une nouvelle politique forestière en matière de surface doit non seulement se concentrer sur les zones à forte croissance forestière, mais aussi adopter une approche intégrale et plurisectorielle pour toute la Suisse. Le principe d'interdiction de défricher conserve toute sa validité, et donc l'aire forestière totale ne doit pas être 11

12 13 14

15 16

Hansjörg Steinlin/Heidi Schelbert-Syfrig/Gérard Crettol; Conception globale d'une politique suisse en matière d'économie des forêts et du bois, éditée par l'Inspection fédérale des forêts. Berne 1975, p. 334 et ss et 346 et ss.

Loco citato, p. 347.

Loco citato, p. 346.

Programme forestier suisse (PFS) programme d'action 2004­2015, Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage, Cahier de l'environnement n° 363, Berne 2004, p. 24 et 102 et s.

Loco citato, p. 62.

FF 2007 3629 3677

4095

réduite. Des adaptations légales doivent être apportées uniquement lorsque celles-ci s'avèrent nécessaires pour la mise en oeuvre d'une nouvelle politique forestière en matière de surface.

Cette nouvelle politique repose sur quatre piliers: (a) l'assouplissement des règles relatives à la compensation du défrichement, (b) l'abandon partiel de la définition dynamique de la forêt, (c) le renforcement de l'aménagement du territoire lors de la limitation de la croissance de l'urbanisation et de la coordination du développement de la surface forestière (point 3.7.2) et (d) des incitations efficaces pour la préservation de certaines surfaces ouvertes (point 3.7.3).

La mise en oeuvre de la politique forestière en matière de surface doit être différenciée au niveau régional: dans les régions où la surface forestière subit une certaine pression (zones habitées, Plateau), les instruments qui garantissent la répartition de la forêt comme espace vert au sens large doivent être privilégiés. Cela englobe le maintien de l'obligation de compenser les défrichements en nature ainsi qu'une meilleure harmonisation de la politique forestière en matière de surface avec d'autres politiques d'utilisation des sols (notamment l'agriculture) dans le cadre de l'aménagement du territoire.

La protection de la forêt par l'interdiction fondamentale de défricher doit être maintenue; tout abandon nécessiterait une modification de la Constitution. En revanche, le catalogue de critères pour les dérogations à l'interdiction de défricher doit être revu et complété (p. ex. autorisations de défrichement pour récupérer des terres agricoles).

L'avancée inexorable de l'urbanisation aux dépens des surfaces agricoles sur le Plateau génère aujourd'hui des situations où les habitats et les infrastructures se situent directement en limite de forêt. Tout nouvel agrandissement de ces zones urbanisées empiéterait sur l'aire forestière. Deux solutions sont envisageables pour aborder cette problématique: d'une part, une redistribution de petites surfaces forestières permettrait de réaliser des modifications souvent judicieuses des plans d'urbanisation, à condition toutefois que les communes pratiquent un aménagement du territoire anticipatif (p. ex. acquisition préventive de surfaces de compensation adéquates). D'autre part, une gestion régionale
des surfaces urbanisées permettant d'orienter efficacement le développement de l'urbanisation (en premier lieu vers l'intérieur, avant la réalisation d'extensions) devra être mise en place.

La croissance de l'aire forestière en montagne, consécutive à l'exploitation agricole extensive ou à son abandon, peut entraîner des effets indésirables, en particulier pour le tourisme, l'agriculture et la préservation de la biodiversité et de la diversité du paysage rural. La nouvelle politique forestière en matière de surface permet de réagir au développement différencié du territoire forestier, à sa répartition et aux besoins régionaux de la population et de l'économie.

Le projet de révision envisage de fixer dans les secteurs où les cantons veulent empêcher une croissance de la forêt des limites statiques entre les forêts et d'autres zones d'affectation, comme cela existe déjà entre les forêts et les zones à bâtir, à la différence toutefois que la délimitation des forêts par rapport aux zones à bâtir, inscrite à l'art. 13, al. 1, LFo, est obligatoire.

4096

Par ailleurs, l'obligation de compenser les défrichements doit être adaptée dans certains cas pour mettre en oeuvre la nouvelle politique forestière en matière de surface. Dans ces cas, il doit désormais être possible de renoncer à la compensation en nature si des mesures équivalentes sont prises pour protéger la nature et le paysage. A défaut, l'obligation fondamentale de procéder à une compensation en nature dans la même région est maintenue. L'obligation selon laquelle la compensation en nature doit exceptionnellement être effectuée dans une autre région disparaît. Les défrichements ne devront en principe plus être compensés lorsqu'ils sont pratiqués pour récupérer des terres agricoles en des endroits gagnés par la forêt au cours des 30 dernières années. Il en va de même pour les défrichements qui sont pratiqués en lien avec la protection contre les crues et la revitalisation de cours d'eau ou qui sont réalisés pour le maintien et la valorisation de biotopes selon les art. 18a et 18b de la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage (LPN).17

3.4

Solutions examinées

Une modification de la définition de la forêt, selon laquelle des surfaces conquises par la forêt de plus de 20 ans ne constituent pas de forêt au sens juridique et ne sont donc pas soumises à la législation sur les forêts, a été envisagée (art. 2, al. 4, LFo).18 Une telle modification a cependant été exclue, car elle ne résout en rien le problème des surfaces conquises par la forêt. En relevant l'âge à partir duquel une surface conquise serait considérée comme forêt ­ à 30 ou 50 ans, en fonction de la définition du critère d'âge ­ on ne fait que différer le problème. Par ailleurs, une telle réglementation serait difficile à exécuter dans les faits, car les peuplements âgés d'une cinquantaine d'années s'étant étendus hors de la forêt sont difficiles à distinguer de ceux qui se sont développés à partir du rajeunissement de la forêt existante. Pour des raisons d'exécution, la définition de la forêt ne devrait généralement pas trop s'éloigner de ce que l'on entend communément par le terme «forêt».

L'idée d'un assouplissement de l'interdiction de défricher (art. 4, al. 1, LFo) a également été abandonnée. Une telle modification n'est pas compatible avec l'objectif constitutionnel de conservation de l'aire forestière (art. 77 Cst. et art. 1, al. 1, let. a, et art. 3 LFo): la mutation d'une forêt en tout autre chose qu'une forêt ne doit en principe rester possible que par le biais d'une dérogation accordée pour un défrichement. L'interdiction de défricher doit demeurer une conséquence centrale de l'objectif de conservation de l'aire forestière inscrit dans la Constitution fédérale.

Un assouplissement général des conditions pour l'octroi de dérogations (art. 5, al. 2, LFo) a également été abandonné, notamment car la pesée des intérêts à effectuer lors de la procédure d'autorisation de défricher permet déjà, sur la base des critères légaux, le défrichement de surfaces conquises par les forêts. Ce n'est pas tant l'historique de la forêt qui est décisif que le but poursuivi avec le projet de défrichement, l'intérêt prioritaire ainsi que l'emplacement imposé par la destination. De surcroît, un assouplissement de ces conditions est contraire aussi à l'objectif de conservation de l'aire forestière (voir commentaires du point 3.3).

17 18

RS 451 Peter M. Keller, Evaluation der rechtlichen Möglichkeiten der Umsetzung der Ziele des Waldprogramms Schweiz im Bereich Waldfläche. Rapport d'évaluation adressé à l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP). Berne 2004, p. 21 et ss.

4097

3.5

Justification et évaluation de la solution proposée

La présente modification de la loi met en oeuvre l'initiative parlementaire 09.474 «Flexibilisation de la politique forestière en matière de surface» et se réfère essentiellement aux objectifs incontestés d'une nouvelle politique forestière en matière de surface telle qu'elle a déjà été formulée dans les mesures prévues du PFS.19 Le mandat constitutionnel, au sens de l'art. 77, al. 1, Cst., demeure rempli; en particulier, le projet ne porte pas atteinte au principe de conservation quantitative des forêts (art. 3 LFo).

3.6

Mise en oeuvre

Les modifications opérées au niveau de la loi rendent également nécessaires certaines adaptations de l'ordonnance. Les dispositions requises devront être édictées dans le cadre d'une révision partielle de l'actuelle ordonnance du 30 novembre 1992 sur les forêts (OFo)20.

Conformément à l'art. 50 LFo, les cantons exécutent la loi et édictent les dispositions nécessaires, sous réserve des prescriptions d'exécution de la Confédération.

3.7

Nécessité de légiférer dans d'autres domaines juridiques

3.7.1

Remarques préliminaires

Le problème de l'extension indésirable de la forêt et de la pression à laquelle est soumise la surface forestière ne peut pas être résolu à lui seul par la législation sur les forêts. Si solution il y a, celle-ci doit passer par une approche intégrale comprenant une harmonisation des politiques sectorielles et de leur législation. Dans les régions possédant des surfaces forestières soumises à pression, il est primordial d'améliorer la coordination entre les instruments de la politique forestière et ceux de l'aménagement du territoire.

La forêt s'étend essentiellement sur des surfaces situées dans l'espace alpin, où l'exploitation agricole est en recul. Du point de vue du droit de la forêt, les peuplements de croissance récente sont enregistrés et protégés seulement à partir d'un âge pouvant aller jusqu'à 20 ans (variable selon la législation cantonale). Des mesures contre la progression devraient être prises en conséquence avant que les surfaces concernées n'entrent dans le champ d'application de la loi sur les forêts.

Lorsque la priorité est accordée à d'autres fonctions telles que la préservation de paysages ruraux variés comportant une biodiversité importante ou le renforcement de l'agriculture locale, une coordination et une collaboration intersectorielle s'imposent ­ notamment avec l'agriculture, l'aménagement du territoire et la politique régionale ­ pour formuler des objectifs intégrés de développement des paysages, comme l'a aussi suggéré le Programme national de recherche PNR 48 «Paysages et habitats de l'arc alpin» dans sa synthèse (recommandation 4 «mandat de prestations 19 20

PFS, p. 62, «Autres mesures» 1a1, 2a2 et 2a3.

RS 921.01

4098

paysages»).21 De nouvelles stratégies, centrées sur l'exploitation et le maintien de la diversité des paysages, s'imposent. Pour promouvoir des formes d'exploitation d'une grande valeur paysagère, les cantons et la Confédération devront à l'avenir développer de nouveaux instruments et mettre en place des mesures à même de contrer la croissance forestière parfois indésirable.

3.7.2

Aménagement du territoire

L'utilisation d'instruments d'aménagement du territoire doit garantir que la compensation différenciée du défrichement et la possibilité de renoncer à la définition dynamique de la forêt soient mises en oeuvre dans les régions où une augmentation des surfaces forestières doit être empêchée (avant tout dans les Préalpes, les Alpes et sur le versant sud des Alpes). Les cantons doivent par conséquent avoir la possibilité de définir, dans les plans directeurs cantonaux, des secteurs à croissance forestière indésirable. Il incombe ensuite aux autorités cantonales compétentes d'effectuer les constatations de la nature forestière correspondantes et de faire inscrire les limites de la forêt dans les plans d'affectation.

Deux variantes sont alors envisageables: soit permettre de délimiter directement, par le biais des plans directeurs, des zones dans lesquelles les constatations de la nature forestière peuvent être effectuées également en limite de secteur inconstructible; soit de fixer dans le plan directeur des critères pour déterminer à quel moment au niveau des plans d'affectation des constatations de la nature forestière peuvent être ordonnées par rapport aux zones non constructibles.

La définition de zones où la croissance forestière est indésirable dans les plans directeurs cantonaux a déjà fait l'objet de discussions dans le cadre des travaux sur la nouvelle loi sur le développement territorial.22 De plus, de nombreux participants à la consultation ont demandé que des critères sur la place à donner aux forêts dans les plans directeurs cantonaux soient établies.23 Pour parvenir à une meilleure coordination entre politique forestière et aménagement du territoire, et au nom d'une utilisation optimale des ressources, il est nécessaire d'élaborer certains instruments. Ainsi, dans l'intérêt public, il doit être possible, en particulier pour la redistribution territoriale de petites surfaces forestières, de garantir aux plans légal et de l'aménagement du territoire que des surfaces pourront être utilisées pour une compensation en nature ultérieure. En ce qui concerne l'aménagement du territoire, les adaptations législatives correspondantes seront décidées dans le cadre de la deuxième révision de la loi sur l'aménagement du territoire maintenant en cours.

Pour endiguer la pression à l'urbanisation qui
pèse sur les régions non construites, les surfaces d'assolement doivent être mieux protégées. En outre, les dispositions relatives au prélèvement sur la plus-value au sens de la LAT et à la construction en 21 22 23

Bernard Lehmann et al., Paysages et habitats de l'arc alpin ­ Entre valeur ajoutée et valeur appréciée, Zurich 2007.

Requête de l'OFEV vis-à-vis de l'ARE du 8 octobre 2008, dans le cadre de la consultation des offices.

Consultation sur la révision de la loi sur l'aménagement du territoire (projet de nouvelle loi sur le développement territorial): rapport sur les résultats, édité par l'Office fédéral du développement territorial (ARE). Berne 2009, p. 23.

4099

dehors de la zone à bâtir en zone agricole (y compris changements d'affectation et exclusion de doubles affectations) doivent être examinées, car l'exécution est très hétérogène et l'effet visé n'est pas atteint.

3.7.3

Agriculture

Même la combinaison de règles de droit applicables aux forêts et à l'aménagement du territoire ne suffit pas à empêcher l'extension indésirable de la forêt. Si la définition dynamique de la forêt est supprimée par des délimitations fixes de la forêt dans une zone où l'extension de la forêt est indésirable, l'élimination ultérieure du peuplement sera simplement facilitée, mais le maintien ouvert de la surface ne sera pas encore effectif. L'augmentation de l'aire forestière résulte donc moins de la politique stricte de conservation des forêts que de l'abandon de la fauche et du pâturage, ou de leur pratique extensive.

La stricte distinction, en termes d'aménagement du territoire, entre forêt et zones agricoles et l'abandon de la définition dynamique de la forêt en découlant peuvent même s'opposer à l'objectif de maintien d'un paysage ouvert, car le propriétaire foncier n'a plus de raison de combattre la progression en entretenant le paysage rural dans les règles, pour empêcher qu'il y ait forêt au sens juridique du terme. Lorsque la forêt est contiguë à des surfaces agricoles et alpestres exploitables, d'autres instruments s'imposent pour contrer l'augmentation de l'aire forestière, notamment des incitations financières.

Le lien entre l'abandon d'exploitation et l'expansion de la forêt est assez évident, même s'il s'agit d'un processus complexe.24 Il est plus difficile de définir les moyens appropriés pour faire face à un abandon d'exploitation. Entre l'abandon d'exploitation et la constatation d'un peuplement forestier, il s'écoule des périodes de 10 à 30 ans. Une augmentation de l'aire forestière observable aujourd'hui est donc le résultat de causes issues du passé.

On a néanmoins pu constater qu'environ deux tiers des surfaces rendues plus extensives ou abandonnées et, par la suite, embuissonnées ou reprises par la forêt se situaient dans les régions d'estivage. Le reste de la surface reboisée se trouve essentiellement dans les zones de montagne III et IV au sens de l'ordonnance du 7 décembre 1998 sur les zones agricoles.25 Grâce à la politique agricole menée jusqu'ici, qui intègre en Suisse notamment la préservation et le soutien de l'agriculture de montagne, l'augmentation de l'aire forestière sur des surfaces à faible rendement a pu être nettement ralentie et limitée. Le nombre d'incitations
directes au maintien d'une exploitation minimale de régions à rendement marginal a encore augmenté avec la nouvelle politique agricole, mais la croissance forestière n'en sera pas pour autant stoppée. L'une des raisons réside dans le fait qu'actuellement seuls 4 % des paiements directs sont versés à la région d'estivage. En conséquence, la politique actuelle est peu efficace pour ce qui est du maintien visé du paysage rural (incluant la région d'estivage). La force du changement structurel dans l'économie alpestre, mesuré en termes de diminution en pourcentage des exploitations, est en 24

25

Sandra Maag/Josef Nösberger/Andreas Lüscher; Mögliche Folgen einer Bewirtschaftungsaufgabe von Wiesen und Weiden im Berggebiet: Ergebnisse des Komponentenprojektes D, Polyprojekt PRIMALP. Zurich 2001.

RS 912.1

4100

revanche moins significative. Le maintien du nombre d'exploitations n'est donc pas une variable de gestion susceptible d'empêcher une nouvelle augmentation de l'aire forestière.26 Selon le rapport du Conseil fédéral du 6 mai 2009 sur le développement du système des paiements directs, certaines évaluations du système actuel montrent que celui-ci présente en principe une bonne efficacité en ce qui concerne le maintien d'un paysage cultivé ouvert.27 A y regarder de plus près, il apparaît que l'objectif national «Maintien d'un paysage rural ouvert et préservation des terres cultivables» n'est pas réalisé sur l'ensemble du territoire; en particulier dans les zones de montagne les plus élevées, dans la région d'estivage et sur les surfaces à rendement marginal, on constate une lacune en ce qui concerne le maintien d'un paysage ouvert.28 Ainsi le rapport constate-t-il aussi que les fonds pour la région d'estivage devront être augmentés.29 Dans l'actuelle loi du 29 avril 1998 sur l'agriculture (LAgr),30 la contribution de l'agriculture à l'entretien du paysage rural (art. 1 LAgr) est partiellement concrétisée du point de vue quantitatif: pour la protection et l'entretien du paysage rural (maintien d'un paysage ouvert/protection contre la progression de la forêt), la Confédération octroie des contributions pour terrains en pente aux endroits où les conditions de production sont difficiles et des contributions d'estivages dans la région d'estivage (art. 75 et 77 LAgr).

Avec les contributions au paysage cultivé, le nouveau concept de système des paiements directs vise à maintenir un paysage rural ouvert. Le maintien d'un paysage ouvert est réalisé en exploitant l'ensemble des surfaces utilisées à des fins agricoles ou alpestres. Il est la base pour fournir des prestations d'intérêt public. Le montant des contributions doit être calculé de façon qu'une exploitation minimale pour le maintien d'un paysage ouvert soit possible. Les contributions sont différenciées en fonction des conditions naturelles difficiles, selon la zone et la déclivité du terrain.31 Il sera également versé des contributions au paysage cultivé dans les régions d'estivage, celles-ci étant calculées par pâquier normal et non plus en fonction de la surface agricole utile. Cette contribution correspond en principe à l'actuelle contribution
d'estivage. Au vu des objectifs définis, il serait certes logique de restreindre la contribution aux alpages situés en dessous de la limite de la forêt, mais serait difficile à mettre en oeuvre. La contribution d'estivage doit fournir une importante contribution de base à l'exploitation des surfaces affectées à l'économie alpestre et au maintien d'un paysage ouvert sur ces surfaces. De plus, des paiements directs pour la biodiversité et pour la qualité du paysage doivent à l'avenir aussi être octroyés dans la région d'estivage.32 26

27

28 29 30 31 32

Priska Baur/Peter Bebi/Mario Gellrich/Gillian Rutherford; WaSAlp ­ Expansion de la forêt dans les Alpes suisses ­ une analyse quantitative des causes naturelles et socioéconomiques qui prend particulièrement en compte la mutation des structures agricoles (rapport final édité par l'Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL). Birmensdorf 2006, p. 8.

Développement du système des paiements directs, rapport du Conseil fédéral en réponse à la motion du 10 novembre 2006 de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats (06.3635), p. 5.

Loco citato, p. 124 et 164.

Loco citato, p. 166.

RS 910.1 Loco citato, p. 6.

Loco citato, p. 142.

4101

En réponse à la motion 09.3973 «Evolution future du système des paiements directs.

Concrétisation du concept», le Conseil fédéral présentera au Parlement d'ici à fin 2011 un message sur l'évolution future de la politique agricole (politique agricole 2014­2107), dans lequel il s'exprimera sur la question du maintien de surfaces agricoles et alpestres ouvertes et proposera des mesures efficaces en conséquence.

3.7.4

Protection de la nature et du paysage

Dans la mesure où la forêt s'étend dans des sites dignes de protection ou dans des biotopes protégés, se pose la question de savoir si, au-delà des dispositions légales concernant la forêt, le dispositif juridique actuel dans la loi du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage (LPN)33 doit être adapté.

En vertu du droit en vigueur, le débroussaillage de biotopes est une mesure d'entretien, pour laquelle des indemnités globales sont déjà allouées sur la base de conventions-programmes (art. 18d, al. 1, LPN). Dans une étude conjointement publiée en 2009 par l'Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL, Pro Natura et le Forum Biodiversité Suisse, les coûts de la protection efficace des biotopes d'importance nationale ont été comparés avec les fonds publics effectivement alloués. L'étude en a conclu que, pour la protection et l'entretien des biotopes les plus précieux de Suisse au sens des prescriptions légales, il faut deux fois plus de fonds publics. La Confédération et les cantons doivent discuter lors des conventionscadres dans quelle mesure la problématique de la progression de la forêt peut être combattue par un réarbitrage des priorités présidant à l'attribution des fonds. Une éventuelle augmentation des crédits en faveur du débroussaillage de biotopes d'importance nationale, régionale ou locale doit être introduite lors des débats budgétaires.

Concernant les sites dignes de protection, il manque de solides bases de décision pour savoir où et dans quelle mesure la diversité et la qualité de sites attrayants peuvent être affectées par la progression de la forêt. Pour les sites inscrits à l'inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d'importance nationale, les objectifs de protection sont actuellement précisés sur la base d'un rapport de la Commission de gestion et sur le mandat du Conseil fédéral; pour les parcs d'importance nationale, la formulation d'objectifs de développement des paysages fait l'objet d'un projet de parc concret (charte de parc). Pour tous les autres sites, la formulation d'objectifs de protection et de développement incombe aux cantons.

3.7.5

Aménagement des cours d'eau et revitalisation

Afin d'assurer la protection contre les crues, il peut être nécessaire de pratiquer des défrichements sur les rives de cours d'eau ou de plans d'eau pour y bâtir des ouvrages. Mais, en vertu de la loi sur les forêts, tout défrichement doit d'abord être compensé en nature dans la même région. La compensation en nature peut néanmoins aller à l'encontre de l'objectif de protection contre les crues. Désormais, on aura la possibilité de renoncer à compenser les défrichements puisque des mesures de revalorisation doivent être prises dans le cadre des exigences légales en matière 33

RS 451

4102

d'aménagement des cours d'eau (p. ex. pour le maintien ou la création d'une végétation des rives adaptée à la station).

Par ailleurs, la qualification de mesures de protection contre les crues comme fondamentalement conformes à la surface forestière irait plus loin, ainsi que c'est par exemple le cas selon l'art. 4, let. a, de l'ordonnance sur les forêts pour l'affectation du sol forestier à de petites constructions non forestières. Dans ce cas, la nécessité d'une autorisation de défricher disparaîtrait totalement. Néanmoins, une telle solution exigerait une base légale et ­ comme déjà indiqué (3.4) ­ ne serait pas compatible avec l'objectif du projet.

Si, dans le cadre de travaux de revitalisation, on redonne aux cours d'eau plus de liberté de mouvements selon l'art. 38a de la loi fédérale du 24 janvier 1991 sur la protection des eaux (LEaux),34 cela entraîne plus de phénomènes érosifs dans les forêts limitrophes à ces rivières. Ainsi se pose la question du changement de l'affectation du sol forestier, changement soumis à autorisation de défrichement selon l'art. 4 LFo. Aujourd'hui, une demande de dérogation à l'interdiction de défricher au sens de l'art. 4 LFo n'est plus nécessaire pour des projets visant à rétablir la dynamique naturelle d'un cours d'eau si les conditions suivantes sont remplies: 1.

Les interventions se limitent à l'espace naturel du cours d'eau.

2.

A l'intérieur de l'espace réservé au cours d'eau, aucune autre affectation ne sera tolérée.

3.

A l'intérieur de l'espace réservé au cours d'eau, les emplacements adaptés à la forêt seront abandonnés par régénération naturelle (en accord avec d'éventuels plans de développement de la forêt existants).35

En revanche, si des travaux de revitalisation comportent des mesures bâties, une procédure analogue à celle de la protection contre les crues est indiquée.

4

Commentaire par article

4.1

Adaptation de la loi sur les forêts

Chapitre 2 Section 1

Protection des forêts contre les atteintes de l'homme Défrichement et constatation de la nature forestière

La Suisse est actuellement boisée au total sur 31 % de son territoire. Depuis 1870, l'aire forestière s'est développée plus ou moins continuellement, à l'exception de la période des deux guerres mondiales, pour augmenter de plus de 50 %. Cette hausse est surtout le résultat du recul de l'exploitation agricole dans les régions périphériques. L'inventaire forestier national II faisait état, en 1995, d'une surface forestière

34 35

RS 814.20, adopté le 11 décembre 2009 mais pas encore en vigueur.

Protection contre les crues des cours d'eau. Directives éditées par l'Office fédéral des eaux et de la géologie (OFEG). Berne, 2001, p. 53. Dans le cadre de l'initiative parlementaire 07.492 «Protection et utilisation des eaux» l'adaptation au nouveau droit de la protection des eaux est en train d'être élaborée.

4103

totale de 12 340 km2, soit 476 km2 ou 4 % de plus qu'en 1985.36 La croissance n'a toutefois pas été régulière: elle a été plus prononcée dans les Alpes, où la forêt conquiert aujourd'hui les surfaces agricoles à rendement marginal (progression de la forêt). Sur le Plateau et dans les centres alpins (p. ex. Zermatt) au contraire, l'aire forestière reste soumise à une forte pression.

Au cours des dix dernières années, en moyenne quelque 130 ha par an, soit 0,01 % de l'aire forestière suisse, ont été défrichés37. Dans le même temps, l'accroissement de l'aire forestière a avoisiné 0,5 % par an. Comparativement, l'assouplissement des règles relatives à la compensation du défrichement influera donc peu sur l'évolution de la surface forestière.

Figure

[Flächen ha] [Surfaces en in ha]

Défrichements autorisés en Suisse (de 1964 à 2008) et évolution de la moyenne quinquennale (Source: Statistique fédérale des défrichements) 450 400 350 300 250

gleitender Durchschnitt Moyenne mobile

200 150 100 50

1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

0

Art. 7

Compensation du défrichement

En vertu de la loi en vigueur, les défrichements doivent toujours être compensés, à une exception près. La compensation doit se faire en cascade: tout défrichement doit normalement être remplacé par un reboisement sur une superficie équivalente dans la même région. Exceptionnellement, la compensation en nature peut être apportée dans une autre région. Lorsque cela n'est pas possible non plus, des mesures en faveur de la protection de la nature et du paysage peuvent être prises. Ce mécanisme conduit à un reboisement considérable même dans des régions à forte croissance forestière ou à la protection de surfaces naturellement conquises par la forêt.

36 37

Inventaire forestier national, Résultats du deuxième inventaire 1993­1995. Birmensdorf, Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage.

La compensation du défrichement a totalisé ces dix dernières années en moyenne près de 90 ha de reboisement sur place et près de 35 ha de reboisement à un autre endroit.

En outre, des mesures ont été prises en faveur de la protection de la nature et du paysage.

4104

La révision proposée dans le domaine de la compensation du défrichement correspond en partie déjà à la pratique en vigueur. Etant donné que la réalisation de reboisements de compensation dans une autre région, au sens de l'art. 7, al. 2, LFo, peut conduire à des accroissements de surface forestière en des endroits non souhaités, les autorités cantonales d'exécution appliquent déjà à l'heure actuelle de manière large l'art. 7, al. 3, LFo relatif à la réalisation exceptionnelle de mesures en faveur de la protection de la nature et du paysage.

Al. 1: La compensation en nature dans la même région reste la règle générale.

Désormais, la compensation en nature ne peut plus être apportée qu'avec des essences adaptées à la station. Le droit actuelle se limite à exiger principalement des essences adaptées à la station. L'adéquation à la station des essences utilisées pour la compensation en nature s'est entre-temps imposée comme la norme dans la pratique.

Elle correspond à l'art. 1, al. 1, let. b, LFo, dans lequel est inscrit l'objectif de protéger les forêts en tant que milieu naturel.

Al. 2: La compensation en nature dans une autre région pouvait jusqu'à présent avoir pour effet qu'une région présentant un accroissement de surface forestière soit reboisée en plus. Comme la répartition forestière ne doit pas être modifiée au détriment des régions dont les forêts sont de toute manière sollicitées, la règle de la compensation en nature dans une autre région disparaît. Ce niveau d'enchaînement des mesures de compensation est supprimé. Les cas classiques, notamment le défrichement en vallée compensé par un reboisement en montagne, ne seront dès lors plus possibles. Une telle solution permet d'une part de préserver la répartition actuelle des surfaces forestières et d'autre part de ne pas encourager activement une croissance forestière indésirable dans les zones périphériques.

Pour épargner des surfaces agricoles privilégiées et des zones d'une grande valeur écologique ou paysagère, il sera dorénavant possible de renoncer à la compensation en nature, et ce pas uniquement dans des cas exceptionnels. Pour cela, il faut des mesures équivalentes visant à protéger la nature et le paysage. Sont considérées comme équivalentes uniquement les mesures qui ont un effet durable sur la biodiversité de la forêt ou sur
la nature et le paysage. Les soins normaux aux biotopes dignes de protection selon la LPN ne sont pas concernés. Cependant, une mesure plus large peut être considérée comme équivalente si elle permet aux cantons de fournir une compensation pour plusieurs surfaces défrichées de moindres dimensions. Des solutions dites «de pool», car employées par différents cantons dans les domaines de la protection de la nature et du paysage pour la réalisation de mesures de compensation en cas d'atteintes minimes aux biotopes, sont donc possibles. Pour se faire une idée de la valeur des mesures de compensation, on peut se référer à la charge financière théorique qui serait nécessaire pour la réalisation de la compensation en nature par le requérant.

Si des mesures équivalentes en faveur de la protection de la nature et du paysage prises à la place d'une compensation en nature dans la même région sont admises, il faut s'assurer qu'elles sont réalisées aussi dans la même région, afin que la compensation soit effective et efficace.

Les surfaces agricoles privilégiées comprennent notamment des surfaces définies dans le plan sectoriel des surfaces d'assolement du Conseil fédéral. Les zones de protection du paysage et les biotopes comptent parmi les zones d'une grande valeur écologique ou paysagère, protégées par le droit fédéral ou cantonal.

4105

Une minorité souhaite limiter l'assouplissement de l'obligation de compenser en nature aux seuls endroits où la surface de la forêt s'agrandit, afin d'empêcher que la pression qui pèse de plus en plus sur l'aire forestière dans des régions comme le Plateau ne devienne encore plus grande.

Al. 3: Si les deux conditions matérielles au sens de l'al. 3, let. a à c, sont réunies, il est possible de renoncer entièrement à la compensation en nature. Les cantons sont tenus de faire usage de cette compétence lorsque des projets, dont la mise en oeuvre nécessite un défrichement, constituent des mesures équivalentes en faveur de la protection de la nature et du paysage au sens de l'al. 2.

Al. 3, let. a: Cette disposition permet d'assouplir l'obligation de compenser le défrichement, plus particulièrement dans les Alpes, où la forêt a gagné du terrain en raison de l'abandon de l'exploitation agricole. La forêt peut s'étendre de manière non souhaitée, surtout dans les zones où l'homme a renoncé à une autre affectation du sol ou dans celles où les cultures ont été laissées à l'abandon. Désormais, en cas de défrichement de surfaces conquises par la forêt, il est permis de renoncer à la compensation pour récupérer des terres agricoles, si le peuplement a moins de 30 ans. L'âge du peuplement est important en raison de l'obligation constitutionnelle de conserver l'aire forestière. Dans de tels cas, la constatation de la nature forestière ne doit pas faire l'objet d'une procédure complexe. Au contraire, une interprétation des photos aériennes et un examen de certains arbres suffisent.

Al. 3, let. b: Les mesures de construction destinées à garantir la protection contre les crues se fondent sur l'art. 4 de la loi du 21 juin 1991 sur l'aménagement des cours d'eau,38 et celles concernant la revitalisation des cours d'eau procèdent de l'art. 38a de la loi du 24 janvier 1991 sur la protection des eaux (LEaux).39 Ces mesures satisfont la condition matérielle de défrichement. Souvent, les mesures de valorisation exigée par la loi pourront être qualifiées de mesures équivalentes en faveur de la protection de la nature et du paysage et remplissent donc suffisamment la condition de compensation du défrichement.

Al. 3, let. c: Dans de rares cas, un défrichement peut se révéler nécessaire pour valoriser un biotope d'importance
nationale, régionale ou locale; ainsi en est-il du débroussaillage d'un bas-marais. Même dans ces cas, la valorisation de biotopes qui va de pair avec le défrichement devra généralement être considérée comme faisant partie des mesures en faveur de la protection de la nature et du paysage.

Al. 4: Pour que les terres agricoles récupérées sans obligation de compenser en nature restent préservées durablement et ne soient pas affectées rapidement à une autre utilisation, comme zone à bâtir par exemple, une obligation de compenser le défrichement a posteriori est inscrite au registre foncier pour les cas de changement d'affectation durant une période de 30 ans.

Art. 8

Taxe de compensation

La taxe de compensation au sens de l'art. 8 concerne la différence entre la compensation fournie et la compensation en nature équivalente. Compte tenu des modifications apportées à l'art. 7, l'art. 8 peut être abrogé et, partant, le système de compensation du défrichement être encore simplifié. Désormais, l'art. 7 permet soit de 38 39

RS 721.100 RS 814.20

4106

procéder à une compensation en nature ou une compensation de défrichement équivalente sous la forme de mesures en faveur de la protection de la nature et du paysage, soit de renoncer purement et simplement à une compensation. L'exigence d'équivalence autorise les autorités d'exécution à astreindre le requérant à fournir une contribution financière à un grand projet de compensation défini.

Art. 10

Constatation de la nature forestière

Al. 2: La notion dynamique de la forêt peut désormais être supprimée, même en dehors des zones à bâtir, et remplacée par une limite statique dans des zones où les cantons veulent empêcher une croissance de l'aire forestière. A cet effet, les cantons désignent les zones dans lesquelles la croissance de la forêt est indésirable. Ils procèdent à cette désignation dans les plans directeurs. Sauf disposition contraire du canton, ce sont les autorités compétentes en matière de plans d'affectation qui décident finalement sur quelle partie du territoire communal seront introduites des limites statiques de forêts, même en dehors de la zone à bâtir. Pour ce faire, l'autorité cantonale doit dans tous les cas déterminer les limites actuelles de forêts dans le cadre de la constatation de la nature forestière. Les limites statiques de forêt ainsi fixées sont ensuite inscrites dans les plans d'affectation pour chaque parcelle.

La croissance forestière est réputée indésirable si elle rend très difficile la réalisation des objectifs de l'aménagement du territoire. Les critères du cadre cantonal servant à désigner les zones à croissance forestière indésirable devront être précisés dans l'ordonnance sur les forêts.

Une minorité souhaite maintenir l'actuelle forme de la limite statique de la forêt et empêcher ainsi que la notion dynamique de forêt puisse être restreinte hors de la zone à bâtir.

Section 2 Art. 13

Forêts et aménagement du territoire Délimitation des forêts par rapport aux zones d'affectation

Al. 1: La réglementation introduite par la loi sur les forêts de 1991, selon laquelle les cantons devaient délimiter de manière contraignante la forêt par rapport aux zones à bâtir dans les plans d'affectation, a donné de bons résultats dans la pratique et doit dès lors être élargie. Selon la procédure décrite ci-dessus pour l'art. 10 LFo, les limites statiques de forêts même en dehors des zones à bâtir sont reportées dans les plans d'affectation par parcelle lorsque l'avance de la forêt dans des zones avec une croissance de l'aire forestière doit être empêchée. Les nouveaux peuplements situés en dehors de ces limites ne sont pas considérés comme des forêts en sens légal et peuvent donc être supprimés ultérieurement sans autorisation de défrichement. La zone peut ainsi retrouver l'affectation prévue par le plan d'affectation. Cet assouplissement devrait permettre de freiner l'expansion forestière actuelle et d'assurer un développement optimal du paysage.

L'ordonnance sur les forêts précisera les critères définissant les zones à croissance forestière indésirable.

Al. 2: Cette disposition demeure inchangée. Les nouveaux peuplements situés en dehors de ces limites ne sont pas considérés comme des forêts et ne bénéficient d'aucune protection. Exceptionnellement, la législation sur la protection de la nature 4107

et du paysage accorde une protection aux haies et aux bosquets. Les cantons sont compétents pour déterminer dans le détail si un boisement en pleine croissance doit être désigné comme digne de protection et si des mesures de préservation et d'entretien doivent être mises en oeuvre.

Al. 3: Les limites fixes des forêts doivent pouvoir être réexaminées par les cantons dans le cadre de la révision des plans d'affectation, lorsque les conditions effectives ont changé de manière substantielle. Cette possibilité de redéfinir les limites des forêts est nécessaire pour des raisons de sécurité juridique. Les limites des forêts doivent coïncider jusqu'à un certain degré avec les conditions effectives. Si malgré la limite fixée, la forêt conquiert de nouveaux espaces et si le nouveau peuplement n'est pas repoussé pendant plusieurs générations, il en résulte des problèmes considérables pour le régime de la nouvelle forêt ainsi créée dans les faits. Si le nouveau peuplement remplit, par exemple, une fonction de protection, les dispositions de la loi sur les forêts relatives à la gestion et la promotion des forêts protectrices ne sont pas applicables. En pareils cas, les cantons doivent pouvoir réexaminer les limites fixes des forêts.

4.2

Révision de la loi sur l'aménagement du territoire

La première étape de la révision de la loi sur l'aménagement du territoire (10.019 révision partielle de loi sur l'aménagement du territoire) est actuellement en cours de délibération parlementaire. La révision vise en premier lieu à diriger et endiguer l'expansion de l'urbanisation. Préalablement à toute extension, l'urbanisation doit se développer à l'intérieur du milieu bâti. De cette façon, certaines surfaces agricoles privilégiées peuvent être épargnées. Par là même, la pression pesant sur l'aire forestière est également réduite. Conformément au message et au projet correspondant40, les dispositions suivantes sont envisagées: L'art. 8a fixe le contenu minimal du plan directeur dans le domaine de l'urbanisation et définit notamment la dimension totale des surfaces affectées à l'urbanisation, leur répartition dans le canton et la manière de coordonner leur expansion à l'échelle régionale ainsi que la manière de concentrer le développement d'une urbanisation de qualité à l'intérieur du milieu bâti.

L'art. 15 est précisé: il exige désormais que le zonage soit coordonné par-delà les communes et renforce les exigences en matière de nouvelles affectations à la zone à bâtir.

L'art. 15a oblige les cantons à «mobiliser» les terrains à bâtir afin que ces derniers soient réellement utilisés pour la construction.

Selon l'art. 37b, les cantons doivent adapter leurs plans directeurs dans les cinq ans.

Pendant cette période, de nouvelles zones à bâtir ne peuvent être créées que dans la mesure où la surface totale des zones à bâtir légalisées n'augmente pas. Une fois la limite atteinte, aucune nouvelle zone à bâtir ne peut être créée tant que le plan directeur cantonal n'a pas été approuvé par le Conseil fédéral.

40

FF 2010 959 993

4108

Dans le cadre de la première étape de la révision de la loi sur l'aménagement du territoire, la commission entend également concrétiser les dispositions concernant le prélèvement sur la plus-value (art. 5, al. 1, LAT). Il est prévu que les cantons prélèvent une taxe sur la plus-value correspondant au moins au quart de la plus-value résultant du classement d'un terrain en zone à bâtir.

La deuxième étape de la révision de la loi sur l'aménagement du territoire traite le thème de la protection et de l'utilisation des sols. Elle vise à étudier de façon détaillée la relation entre aménagement du territoire et forêt et à accorder l'attention voulue à la protection des terres cultivables, en particulier à la protection des surfaces d'assolement (voir point 2.7.2).

4.3

Adaptation de la loi sur l'agriculture

D'ici à fin 2011, le Conseil fédéral présentera un message en lien avec la révision prochaine de la loi sur l'agriculture, dans le cadre de l'évolution future de la politique agricole (politique agricole 2014­2017). En s'appuyant notamment sur la motion 09.3973 (CER-CE) «Evolution future du système des paiements directs.

Concrétisation du concept», la promotion de l'agriculture doit être axée sur les objectifs suivants: ­

Maintien d'un paysage rural ouvert,

­

Préservation et promotion de la biodiversité,

­

Préservation, promotion et développement de la diversité des paysages cultivés.

La commission examinera ces propositions en temps opportun pour les prendre en compte avec une solution intégrale de flexibilisation de la politique forestière en matière de surface, conformément à l'initiative parlementaire 09.474 et formuler au besoin des propositions rectificatives.

5

Conséquences

5.1

Conséquences financières (frein aux dépenses) et effet sur l'état du personnel

Les modifications de la loi sur les forêts qui sont prévues n'ont pas de conséquences financières ni d'effet sur l'état du personnel en ce qui concerne la Confédération.

Les cantons, cependant, peuvent nécessiter des besoins supplémentairs s'ils font usage de la possibilité de fixer une limite statique entre forêt et paysage ouvert. Les cantons décident eux-mêmes s'ils veulent appliquer ces procédures et comment ils veulent le faire. En raison de la saisie et de la gestion électronique des données (surtout GPS et analyse numérique des prises de vue aériennes), qui sont aujourd'hui courantes, les coûts supplémentaires pour les cantons devraient toutefois rester limités.

Les effets liés aux tâches évoquées sur le plan de l'aménagement du territoire ne sont pas quantifiés. Le montant des coûts sera précisé dans le cadre des deux étapes de révision de la loi sur l'aménagement du territoire.

4109

5.2

Mise en oeuvre

Les modifications prévues sont faciles à mettre en oeuvre. La nouvelle cascade de mesures de compensation du défrichement permet même aux cantons de mieux tenir compte des réalités (art. 7, LFo). Pour déterminer dans quel cas il s'agit d'une surface conquise au cours des 30 dernières années par la forêt (art. 7, al. 3, let. a, LFo), il suffit d'interpréter les prises de vue aériennes et d'examiner certains arbres. La délimitation des forêts en dehors de la zone à bâtir conformément aux art. 10 et 13 LFo passe dans un premier temps par la désignation, dans le plan directeur cantonal, des zones où une croissance de la forêt n'est pas souhaitée. Dans un deuxième temps, les limites de la forêt sont désignées dans le cadre de la procédure en constatation de la nature forestière, qui a fait ses preuves, puis reportées à la parcelle près dans les plans d'affectation. Une étude pilote menée dans le canton du Valais a permis de développer une méthode et un guide visant à délimiter les zones où l'accroissement de la forêt n'est pas souhaité. Ces instruments pourront servir de modèle à d'autres cantons.

5.3

Autres effets

Il n'y a pas d'autres effets à signaler, vu que le principe de l'interdiction de défricher (art. 4 et 5 LFo) et la définition de la forêt (art. 2 LFo) sont maintenus.

6

Relation avec le droit européen

Au sein de l'Union européenne (UE), ce sont les Etats membres qui sont responsables de la politique forestière. L'UE n'a en particulier pas encore légiféré en matière de surface forestière. Il n'existe par conséquent pas de contraintes pour la Suisse découlant du droit international qui seraient incompatibles avec les modifications de loi proposées.

7

Bases légales

7.1

Constitutionnalité et légalité

Le projet se fonde sur l'art. 77 de la Constitution, selon lequel la Confédération veille à ce que les forêts puissent remplir leurs fonctions protectrice, économique et sociale, fixe les principes applicables à la protection des forêts et encourage les mesures de conservation des forêts.

7.2

Délégation de compétences législatives

La présente révision partielle de la loi sur les forêts n'introduit pas de normes de délégation relatives à l'édiction de nouvelles ordonnances. Conformément à la modification des art. 7, 10 et 13 LFo, le Conseil fédéral édictera toutefois, confor-

4110

mément à ses compétences, les dispositions d'exécution nécessaires (art. 49, al. 3, LFo) dans l'ordonnance sur les forêts.

7.3

Forme de l'acte

Vu qu'il s'agit de dispositions importantes qui touchent notamment les droits et obligations des propriétaires fonciers et auteurs de projets concernés, les présentes modifications doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale (art. 164, al. 1, Cst.).

4111

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