11.073 Message concernant l'approbation d'une convention entre la Suisse et les Emirats Arabes Unis contre les doubles impositions du 23 novembre 2011

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation de la convention du 6 octobre 2011 entre la Suisse et les Emirats Arabes Unis en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

23 novembre 2011

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2011-2251

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Condensé La convention en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu a été signée le 6 octobre 2011 avec les Emirats Arabes Unis.

Cette convention, qui, comme son nom l'indique, contient des règles destinées à éliminer les doubles impositions, apportera à la Suisse et à son économie des avantages importants sous l'angle du développement des relations économiques bilatérales, et contribuera notamment à maintenir et à promouvoir les investissements directs réciproques.

Pour l'essentiel, la convention suit le modèle de convention fiscale élaboré par l'Organisation pour la Coopération et le Développement Economiques et la pratique suisse en la matière.

Les cantons et les milieux économiques intéressés ont approuvé la conclusion de cette convention.

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Table des matières Condensé

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1 Considérations générales sur les développements subséquents de la politique conventionnelle suisse en vue d'éviter les doubles impositions

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2 Contexte, déroulement et résultats des négociations

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3 Appréciation

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4 Commentaire des dispositions de la convention

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5 Conséquences financières

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6 Constitutionnalité

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Arrêté fédéral portant approbation d'une convention entre la Suisse et les Emirats Arabes Unis contre les doubles impositions (Projet) 8431 Convention entre la Confédération suisse et les Emirats Arabes Unis en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu

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Message 1

Considérations générales sur les développements subséquents de la politique conventionnelle suisse en vue d'éviter les doubles impositions

Les conventions contre les doubles impositions constituent un élément essentiel de la politique fiscale. De bons accords dans ce domaine facilitent l'activité de l'économie suisse d'exportation, favorisent l'investissement étranger en Suisse et contribuent par là même à la prospérité de la Suisse et de ses pays partenaires.

La politique conventionnelle de la Suisse est guidée depuis toujours par la norme de l'OCDE, la mieux à même de nous permettre d'atteindre la prospérité. Elle vise principalement à une répartition claire des compétences en matière d'imposition des personnes physiques et des personnes morales, à un impôt résiduel aussi bas que possible sur les intérêts, les dividendes et les redevances, et de manière générale, à prévenir tout conflit fiscal qui serait préjudiciable aux contribuables exerçant une activité internationale. De tout temps, la Suisse a dû manier le compromis pour pouvoir à la fois maintenir chez elle des conditions fiscales avantageuses et faire accepter son système fiscal par ses partenaires internationaux. En effet, en l'absence d'une légitimité internationale, la meilleure des fiscalités perdrait tout intérêt.

Le 13 mars 2009, le Conseil fédéral a décidé que la Suisse reprendrait la norme internationale développée par l'OCDE relative à l'échange de renseignements à des fins fiscales.

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Contexte, déroulement et résultats des négociations

Les Emirats Arabes Unis sont membre de l'Organisation Mondiale du Commerce depuis 1996. Ils sont également membre du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe (ci-après CCG) et de l'union douanière dotée d'un tarif extérieur unifié en vigueur depuis 2003 entre les six Etats membres (Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie Saoudite et Emirats Arabes Unis). En outre, les Emirats Arabes Unis et les autres membres du CCG ont signé le 22 juin 2009 avec les Etats de l'AELE, dont la Suisse, un accord de libre-échange et des accords agricoles bilatéraux.

L'économie des Emirats Arabes Unis, au même titre que celle de la plupart des pays du Golfe, est largement dépendante de l'état des réserves de pétrole; ceux-ci possèdent environ 10 % des réserves mondiales. Les avoirs provenant des revenus du pétrole, constitués sous la forme de fonds dits «souverains» sont considérables («Abu Dhabi Investment Authority», établissement public chargé d'investir une partie du revenu du pétrole, disposait d'environ US$ 627 milliards en juin 2011) et les Emirats Arabes Unis se montrent désireux d'investir à l'étranger, notamment en Europe. En outre, depuis quelques années, les Emirats Arabes Unis, soucieux de diversifier leur économie, ont mis en place une politique de privatisation de l'économie afin de favoriser l'émergence d'un secteur privé.

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La Suisse est liée aux Emirats Arabes Unis par l'accord du 3 novembre 1998 de promotion et de protection réciproque des investissements (RS 0.975.232.5). En 2010, la Suisse a exporté vers les Emirats Arabes Unis des marchandises pour un montant annuel de 2,25 milliards CHF. Une grande partie de ces exportations concerne le secteur des instruments de précision, des produits de luxe (bijoux et montres), le secteur chimico-pharmaceutique et celui des machines. Les investissements directs suisses aux Emirats Arabes Unis sont estimés à environ 500 millions CHF. Les investissements directs des Emirats Arabes Unis en Suisse se rapportent quant à eux notamment aux secteurs de l'aviation et des services financiers. Les Emirats Arabes Unis sont notamment actionnaires de la société de services aéronautiques SR Technics, pour un montant de 1,6 milliards CHF (septembre 2006). La «Abu Dhabi Investment House PJSC» et la Banque Nationale d'Abu Dhabi ont également chacune constitué une filiale en Suisse (Genève). Les Emirats Arabes Unis sont le partenaire commercial le plus important de la région du Golfe pour la Suisse (suivis par l'Arabie Saoudite).

La Suisse et les Emirats Arabes Unis avaient entamé en août 2003, à la demande de ces derniers, des négociations en vue de conclure une convention contre les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu. Il s'agissait alors de pourparlers techniques. Après consultation de divers milieux suisses intéressés, l'Administration fédérale des contributions était arrivée à la conclusion qu'un tel accord n'était pas prioritaire, les revenus de résidents n'étant pas imposés aux Emirats Arabes Unis.

Au vu des investissements effectués par les Emirats Arabes Unis en Suisse et de l'importance économique accrue des Pays du Golfe, d'une part, des effets de la crise financière internationale, d'autre part, il a été jugé opportun de donner une suite positive à la demande des Emirats Arabes Unis de continuer dans les meilleurs délais les négociations entamées en 2003. En outre ces dernières années, les Emirats Arabes Unis ont conclu avec de nombreux pays de l'Union européenne des conventions contre la double imposition contenant des taux très favorables aux investissements (la plupart à un taux zéro d'impôt à la source pour les dividendes et intérêts).

Les négociations ont
abouti en août 2008 à l'apposition des paraphes sur un projet de convention en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu entre les Emirats Arabes Unis et la Suisse. Toutefois, au mois de février 2009, les Emirats Arabes Unis ont demandé l'ajout d'une disposition au projet de convention afin que, à l'instar de ce que les Emirats Arabes Unis avaient conclu avec l'Allemagne, les bénéfices tirés des activités d'exploration et d'exploitation de ressources naturelles soient entièrement imposables dans l'Etat contractant où les ressources naturelles sont situées. Peu après, le 13 mars 2009, le Conseil fédéral s'est engagé à reprendre, dans ses conventions contre les doubles impositions, l'art. 26 du Modèle de convention de 2005 de l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (ci-après «OCDE») concernant l'échange de renseignements, et il a retiré en conséquence la réserve que la Suisse avait faite à cet article.

La Suisse et les Emirats Arabes Unis ont décidé d'entamer de nouvelles négociations afin d'inclure dans le projet de convention paraphé en août 2008 une disposition sur l'assistance administrative qui soit conforme à l'art. 26 du Modèle de convention de l'OCDE ainsi qu'une disposition sur l'imposition des bénéfices générés par les activités d'exploration et d'exploitation de ressources naturelles. Ces nouvelles négociations se sont achevées le 1er juin 2011 par l'apposition des para8419

graphes sur le projet de convention complété. La convention a été signée à Dubaï le 6 octobre 2011.

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Appréciation

La région du Golfe compte aujourd'hui encore parmi les régions les plus dynamiques du monde. La capacité d'investissement à l'étranger des Emirats Arabes Unis est importante et devrait s'orienter de plus en plus vers l'Europe. Depuis les premières négociations de 2003, les Emirats Arabes Unis ont conclu avec de nombreux pays de l'Union européenne des conventions contre les doubles impositions contenant des taux très favorables aux investissements (la plupart à un taux zéro d'impôt à la source pour les dividendes et intérêts). Aussi, la conclusion de cette convention vise-t-elle à renforcer la compétitivité de la Suisse, à éviter que les investissements s'orientent vers d'autres pays européens ou transitent par eux, et surtout à renforcer les relations économiques et commerciales entre la Suisse et les Emirats Arabes Unis.

Mis à part les adaptations nécessaires pour tenir compte des particularités du droit des Emirats Arabes Unis, la présente convention correspond dans une large mesure au Modèle de Convention de l'OCDE et à la pratique conventionnelle suisse en matière fiscale y compris la nouvelle norme sur l'assistance administrative. Les solutions retenues en ce qui concerne l'imposition des dividendes et les intérêts doivent s'apprécier de manière globale, puisque cette convention améliorera les conditions fiscales des investissements des Emirats Arabes Unis en Suisse et permettra vraisemblablement de retenir ces derniers. Les conditions générales qu'elle met en place permettront de maintenir et de promouvoir les investissements directs, ce qui est bénéfique au développement économique des deux pays.

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Commentaire des dispositions de la convention

Afin de mieux comprendre les différentes solutions contenues dans les dispositions de la présente convention, il est nécessaire d'exposer brièvement les particularités économiques et juridiques des Emirats Arabes Unis.

Les Emirats Arabes Unis ne disposent pas d'un système fiscal comparable à celui des pays industrialisés occidentaux. Actuellement, il n'existe semble-t-il, aucun besoin de prélever des impôts comparables à ceux des pays occidentaux industrialisés. Aux Emirats Arabes Unis, les personnes physiques ne sont assujetties à aucun impôt sur le revenu ou sur la fortune. En revanche, chaque émirat a ses propres lois fiscales lesquelles prévoient généralement d'assujettir les sociétés à un impôt sur le bénéfice à un taux progressif pouvant aller jusqu'à un maximum de 50 %. Toutefois, ces lois fiscales étant présentement suspendues, les sociétés résidentes ne sont pas imposées. En pratique, seules les sociétés pétrolières et les banques ou succursales de banques étrangères s'acquittent des impôts. En outre, chaque émirat prélève des impôts municipaux sur la valeur locative des locaux commerciaux à un taux de 10 % et un taux de 5 % est prélevé sur les services dans le secteur de l'hôtellerie et du spectacle.

Jusqu'à présent, les Emirats Arabes Unis ont pu couvrir leurs dépenses publiques par les recettes de l'activité pétrolière, y compris de l'imposition des sociétés pétrolières, 8420

et par le rendement de leurs investissements à l'étranger. Des discussions sont cependant en cours depuis un certain temps sur la façon dont leur système fiscal pourrait être modernisé en vue d'une augmentation des recettes fiscales (notamment par l'introduction de la taxe sur la valeur ajoutée).

En raison de cette situation particulière, une convention contre les doubles impositions n'est en soi que partiellement nécessaire. Elle vise principalement à renforcer l'attrait de la Suisse pour les investisseurs des Emirats Arabes Unis. L'imposition limitée aux Emirats Arabes Unis (aux sociétés pétrolières et les établissements bancaires) a pour conséquence qu'une double imposition des mêmes revenus auprès d'un même contribuable, à l'heure actuelle, n'interviendra que rarement. Une éventuelle non-imposition aux Emirats Arabes Unis pourrait toutefois faire craindre que des personnes domiciliées dans des Etats tiers tentent d'obtenir le bénéfice de la convention par une personne interposée. C'est pourquoi une disposition générale prévoyant des consultations en vue d'éviter ce genre d'abus a été introduite dans le protocole de la convention. En ce qui concerne les personnes physiques, les dispositions de la convention prévoient que dans le cas des Emirats Arabes Unis, seules les personnes physiques qui ont une présence substantielle dans cet Etat (cf. art. 4), seront considérées comme des résidents au sens de la convention.

La convention s'efforce de concilier tant les intérêts suisses que les intérêts des Emirats Arabes Unis, compte tenu des particularités des deux systèmes. Cette considération a conduit à prévoir quelques règles spéciales, plus particulièrement à propos de la résidence (art. 4), des pensions (art. 18) mais également des méthodes pour éviter les doubles impositions (art. 22). Au reste, la convention suit en grande partie, tant sur le plan formel que matériel, le Modèle de convention de l'OCDE et la pratique suisse en la matière. Les commentaires qui suivent se limitent aux particularités principales qui dérogent à ce modèle ou à la pratique suisse en la matière.

Art. 2

Impôts visés

Le champ d'application matériel de la convention couvre uniquement les impôts sur le revenu, puisque les Emirats Arabes Unis ne prélèvent pas d'impôt sur la fortune.

L'impôt anticipé suisse sur les gains de loterie est exclu du champ d'application matériel conformément à la pratique conventionnelle suisse.

Art. 3

Définitions générales

Les Emirats Arabes Unis souhaitaient inclure les fonds étatiques, soit les fonds souverains ou les fonds à but non lucratif dans la définition de «personne» puisque ces fonds sont des entités juridiques distinctes. En ce qui concerne le fonds souverain, c'est un fonds d'investissement financé par des fonds publics et de ce fait détenu et contrôlé par l'Etat. Le fonds souverain est donc une entité étatique à part entière qui a pour but d'investir les fonds issus de l'épargne nationale. Ainsi, la notion de «personne» englobe les fonds étatiques, soit les fonds souverains ou les fonds à but non lucratif (par ex. pour la promotion de recherche scientifique, l'enseignement, etc.).

Art. 4

Résident

Compte tenu du système fiscal particulier des Emirats Arabes Unis, comme il a été mentionné ci-dessus, des critères distincts ont été prévus pour les résidents des 8421

Emirats Arabes Unis et les résidents de Suisse. Du côté des Emirats Arabes Unis, est un résident une personne physique qui a à la fois son domicile aux Emirats Arabes Unis et une présence substantielle dans cet Etat. On entend par présence substantielle que la personne physique passe la plupart de son temps dans cet Etat et que ses liens (familiaux, sociaux et professionnels) sont plus étroits avec cet Etat. Une personne morale est un résident des Emirats Arabes Unis si elle est constituée dans cet Etat ou si sa direction effective s'y trouve (par. 1, let. b).

Comme pour la convention entre la Suisse et le Qatar, les institutions gouvernementales constituées conformément au droit public, y compris les fonds souverains et les autres fonds étatiques sont considérés comme des résidents (art. 4, par.2, let b).

Conformément à la politique conventionnelle suisse les fonds de pension sont également considérés comme des résidents (ch. 2, let.a, du protocole).

Art. 7

Bénéfices des entreprises

La convention suit le principe fixé dans le Modèle de convention de l'OCDE selon lequel les bénéfices d'une entreprise ayant un établissement stable dans l'autre Etat contractant ne peuvent y être imposés que dans la mesure où ils se rattachent effectivement à cet établissement stable.

Art. 10

Dividendes

Compte tenu du réseau conventionnel des Emirats Arabes Unis avec des pays membres de l'Union européenne qui prévoient des taux très favorables en ce qui concerne les dividendes et les intérêts, une solution qui s'efforce de concilier tant les intérêts suisses que les intérêts des Emirats Arabes Unis a pu être trouvée pour renforcer la compétitivité de la Suisse et afin d'éviter que les investissements aillent dans d'autres pays européens ou transitent par ceux-ci. Ainsi, les dividendes payés par une société suisse à l'autre Etat contractant ou une institution étatique (notamment les fonds souverains) ne sont imposables que dans l'Etat de résidence. En effet, les dividendes payés à un fonds souverain ou à un fonds étatique sont considérés comme versés à l'Etat puisque ces fonds appartiennent et sont contrôlés par l'Etat.

Conformément à la politique conventionnelle suisse en matière fiscale, le paiement de dividendes à des fonds de pension ou à des institutions de prévoyance bénéficient également du dégrèvement total de l'impôt à la source. Les placements collectifs dans lesquelles investissent uniquement des institutions de prévoyance sont traités de la même manière que les investissements directs effectués par les institutions de prévoyance.

Il a été prévu un taux d'imposition de 5 % pour les sociétés détenant plus de 10 % du capital de la société distributrice et de 15% pour les autres cas. Le protocole (ch. 1) prévoit une disposition générale qui accorde la possibilité pour les autorités compétentes de se consulter pour éviter les abus.

Art. 11

Intérêts

Conformément à la politique conventionnelle suisse, le droit d'imposition des intérêts a été attribué de manière exclusive à l'Etat de résidence. Il est accompagné d'une disposition dans le protocole destinée à prévenir les abus, comme pour les dividendes.

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Art. 12

Redevances

Conformément à la politique conventionnelle suisse, le droit d'imposition des redevances a été attribué de manière exclusive à l'Etat de résidence.

Art. 13

Gains en capital

Cet article prévoit, à l'instar du Modèle de convention de l'OCDE, que les gains provenant de l'aliénation d'actions dans une société dont la fortune est, directement ou indirectement, composée principalement de biens immobiliers situés dans un Etat contractant sont imposables dans cet Etat. Du côté suisse, il a été fixé dans l'article sur les méthodes d'élimination des doubles impositions (art. 22, par. 1, let. a) que la Suisse ne doit exonérer ces gains qu'après justification de l'imposition aux Emirats Arabes Unis.

Art. 18

Pensions

Un droit d'imposition est accordé en faveur de l'Etat de la source et s'appliquera indistinctement aux pensions de source publique et de source privée. La Suisse éliminera une éventuelle double imposition en accordant une imputation pour l'impôt prélevé à la source par les Emirats Arabes Unis. Ainsi, comme dans la convention entre la Suisse et l'Afrique du Sud, le droit d'imposition de la Suisse est préservé puisque les Emirats Arabes Unis n'imposent pas à l'heure actuelle les personnes physiques qui y sont domiciliées.

Art. 22

Elimination des doubles impositions

Les Emirats Arabes Unis appliquent la méthode de l'imputation pour éviter les doubles impositions.

La Suisse applique quant à elle la méthode de l'exonération avec réserve de la progressivité et accorde, le cas échéant, l'imputation forfaitaire d'impôt pour les impôts à la source non récupérables sur les dividendes. Conformément à sa politique conventionnelle, la Suisse se réserve cependant la possibilité d'imposer les gains en capital provenant de la vente des sociétés immobilières si ces gains n'ont pas été effectivement imposés aux Emirats Arabes Unis.

En ce qui concerne les pensions, une imputation sur les impôts suisses est accordée pour les résidents suisses qui recevraient des pensions provenant des Emirats Arabes Unis et imposées dans cet Etat. Cette situation est théorique à l'heure actuelle.

Art. 24

Procédure amiable

Conformément à la politique conventionnelle suisse en matière fiscale, la Suisse a demandé d'introduire dans la convention une clause d'arbitrage inspirée du Modèle de convention de l'OCDE. Toutefois, les Emirats Arabes Unis n'ont pas accepté cette proposition et la convention ne prévoit que le recours à la procédure amiable.

Art. 25

Echange de renseignements

Dans le contexte de la globalisation des marchés financiers, et en particulier de la crise financière, la coopération internationale en matière fiscale revêt une importance accrue. La Suisse soutient depuis toujours les efforts en la matière. Le 13 mars 8423

2009, le Conseil fédéral a décidé de reprendre la norme internationale relative à l'assistance administrative en matière fiscale et a par la même occasion défini les critères devant régir le passage à cette norme, à savoir le respect des droits de procédure, la limitation de l'assistance administrative sur demandes concrètes, des solutions transitoires équitables, l'application limitée aux impôts visés par la convention, le principe de la subsidiarité et l'élimination d'éventuelles discriminations. Ces éléments sont commentés ci-après.

La disposition reprend, dans les grandes lignes, le texte de l'art. 26 du Modèle de convention de l'OCDE. Toutefois, certaines adaptations du texte de celui-ci ont été prévues pour limiter l'échange de renseignements aux impôts couverts par la convention, exclure la transmission des renseignements aux autorités de contrôle, rendre possible l'utilisation des renseignements à d'autres fins sous réserve de l'accord des deux Etats, et donner les pouvoirs nécessaires aux autorités fiscales des Etats contractants pour, d'une part, obtenir les renseignements requis de la part des banques, d'un autre établissement financier, d'un mandataire ou une d'une personne agissant en tant que fiduciaire, et d'autre part, déterminer les droits de propriété relatifs à une personne. Ces modifications apportées aux dispositions sur l'échange de renseignements se fondent sur le commentaire du Modèle de convention de l'OCDE et correspondent à la norme internationale en la matière.

Le par. 1 est consacré au principe de l'échange de renseignements. Il prévoit l'échange des renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la convention ou pour l'administration ou l'application de la législation nationale relative aux impôts visés par la convention. Les renseignements limités à ceux qui sont vraisemblablement pertinents excluent la pêche aux renseignements. En outre, l'Etat requérant est tenu d'épuiser au préalable les sources habituelles de renseignements prévues par sa procédure fiscale interne avant de présenter une demande de renseignements à l'autre Etat. Pour appliquer cette disposition, il n'est pas nécessaire que le contribuable concerné soit un résident de Suisse ou des Emirats Arabes Unis pour autant qu'il y ait un rattachement économique avec l'un des
Etats contractants.

Le par. 2 est consacré au principe de confidentialité. Cette disposition vise l'Etat requérant et prévoit que les renseignements obtenus ne peuvent être communiqués qu'aux personnes ou autorités concernées par l'établissement et le recouvrement des impôts couverts par la convention, par les procédures et poursuites concernant ces impôts, ou par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts. Il s'ensuit que ces renseignements peuvent également être communiqués au contribuable ou à son représentant. De plus, ce paragraphe prévoit que les renseignements reçus peuvent être utilisés à d'autres fins si cette possibilité est prévue par les lois des deux Etats contractants et si l'Etat qui fournit les renseignements donne son consentement.

Ainsi, cette disposition permet d'utiliser les renseignements obtenus par exemple dans le cadre d'une autre procédure pénale tout en respectant les droits de procédure en Suisse de la personne concernée. Elle permet aussi d'éviter de devoir transmettre les mêmes informations en donnant suite à plusieurs demandes de renseignements réitérées à des fins différentes. Dans tous les cas, le consentement de l'Etat qui fournit les renseignements est requis.

Le par. 3 prévoit certaines limitations à l'échange de renseignements en faveur de l'Etat requis. Il est prévu que l'Etat requis n'est pas tenu de prendre des mesures administratives allant au-delà des limites prescrites par sa propre législation ou par sa pratique administrative. En outre, l'Etat requis n'est pas obligé de prendre des 8424

mesures administratives qui ne seraient autorisées par sa législation et ses pratiques, ni de communiquer des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de la législation ou dans le cadre de la pratique administrative normale de l'Etat requérant. Enfin, l'Etat requis peut refuser de fournir des renseignements qui révéleraient un secret commercial ou dont la communication serait contraire à l'ordre public, ce qui pourrait être le cas lorsque les renseignements transmis ne sont pas tenus secrets de manière suffisante dans l'Etat requérant.

Le par. 4 prévoit que l'Etat requis a l'obligation d'échanger des renseignements même dans le cas où il n'a pas besoin des renseignements demandés pour l'application de sa propre législation fiscale. Ainsi, l'échange de renseignements n'est pas limité aux seuls renseignements qui présentent un intérêt pour les autorités fiscales de l'Etat requis.

Le par. 5 contient des dispositions particulières concernant les renseignements détenus par des banques ou d'autres intermédiaires et les renseignements relatifs aux droits de propriété relatifs dans une personne. De tels renseignements doivent être échangés nonobstant les limitations prévues au par. 3. L'Etat requis doit également pouvoir obtenir et transmettre les renseignements demandés même lorsque ces renseignements ne sont pas disponibles en vertu de sa propre législation ou de sa pratique administrative. Par conséquent, la Suisse ne peut refuser de communiquer des renseignements en invoquant uniquement le secret bancaire. Toutefois, cette disposition suppose que les renseignements demandés soient disponibles.

En cas de fraude fiscale, la Suisse dispose, en vertu de sa procédure pénale interne, des moyens nécessaires pour obtenir les renseignements visés par le par. 5.

L'échange de ces renseignements selon les dispositions en question ne présuppose plus toutefois l'existence d'une fraude fiscale. Ainsi, afin d'assurer la mise en oeuvre des nouvelles obligations conventionnelles, les Etats contractants ont créé à la dernière phrase du par. 5 la base légale nécessaire pour disposer des pouvoirs de procédure qui leur permettent d'obtenir les renseignements demandés.

Dans un premier temps, la procédure à appliquer fait l'objet de l'ordonnance du 1er septembre 2010 relative à l'assistance administrative
d'après les conventions contre les doubles impositions (OACDI; RS 672.204), entrée en vigueur le 1er octobre 2010. Cette ordonnance sera remplacée par la loi fédérale sur l'assistance administrative internationale en matière fiscale (LAAF). Le Conseil fédéral a approuvé le message relatif à cette loi le 6 juillet 2011 (FF 2011 5771).

Conformément à l'art. 5, par. 2, let. c, OACDI, en aucun cas la Suisse n'accordera aux Emirats Arabes Unis l'assistance administrative en matière fiscale si la demande d'assistance se fonde sur des données acquises illégalement. Au cours des négociations, la Suisse a fait part de cette position à la délégation des Emirats Arabes Unis, qui en a pris acte.

La demande d'échange de renseignements devra être soumise par écrit (de simples demandes par téléphone sont donc exclues), conformément aux prescriptions de l'OCDE dans ce domaine, en particulier au Module 1 concernant l'échange de renseignements sur demande du Manuel de l'OCDE de mise en oeuvre des dispositions concernant l'échange de renseignements à des fins fiscales.

Des précisions à l'art. 25 sont prévues dans le protocole à la convention (ch. 6 du protocole). Les principes de subsidiarité et de l'interdiction de la «pêche aux renseignements» sont expressément mentionnés (ch. 6, let. a et c).

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Le protocole fixe en détail les conditions auxquelles une demande de renseignements doit répondre (ch. 6, let. b). Ces exigences doivent cependant être interprétées de manière à ne pas faire obstacle à un échange efficace des renseignements (ch. 6, let. c). La convention doit être interprétée de manière à ce qu'il soit donné suite à une demande d'assistance administrative lorsqu'il est démontré qu'il ne s'agit pas d'une «pêche aux renseignements». Conformément à la norme internationale, l'Etat requérant doit clairement identifier le contribuable concerné, cette identification pouvant se faire par d'autres moyens que le nom et l'adresse (ch. 6, let b, i). Le nom et l'adresse du détenteur présumé des informations (p. ex. une banque) doivent en outre être fournis dans les demandes d'assistance administrative, pour autant qu'ils soient connus (ch. 6, let b, v). La norme internationale impose à l'Etat requis de répondre également aux demandes qui ne parviennent pas à identifier le détenteur présumé des renseignements. L'obtention des renseignements pouvant se révéler difficile sans ces indications, la norme admet que des demandes puissent être déclinées pour des raisons de proportionnalité et de praticabilité. Par conséquent, l'Administration fédérale des contributions (AFC), en tant qu'autorité fiscale compétente, n'est pas tenu de s'adresser à la totalité de plus de 300 banques actives en Suisse pour obtenir ces renseignements demandés. Cela dit, si seules quelques banques sont supposées être en possession des renseignements demandés, l'AFC doit s'adresser à elles pour obtenir ces renseignements, même si elle ne dispose pas du nom et de l'adresse ces banques, pour autant que les circonstances soient définies de manière probante et que la «pêche aux renseignements» soit donc exclue.

Conformément aux exigences prévues par la norme internationale en matière de demandes de renseignements, l'échange de renseignements est limité à des demandes concrètes. D'après la norme actuelle, l'échange de renseignements se limite aux demandes portant sur un cas particulier. Au plan international, on cherche cependant à étendre le champ d'application de cette norme en autorisant aussi les demandes concrètes visant un groupe bien défini de contribuables dont on doit supposer sur la base de nombreux indices qu'ils n'ont
pas rempli leurs obligations fiscales dans l'Etat requérant. D'autres commentaires à ce sujet se trouvent au ch. 1.2.1 du message du Conseil fédéral concernant l'adoption d'une loi sur l'assistance administrative fiscale (FF 2011 5771).

L'Etat requérant doit indiquer quelles sont les informations nécessaires, pour quelles périodes fiscales et pour quel but fiscal. Il s'ensuit que l'échange de renseignements est limité aux demandes concrètes. De plus, l'obligation d'un Etat contractant d'échanger des renseignements spontanément ou automatiquement est expressément exclue; néanmoins, la possibilité pour ces Etats de procéder à un échange spontané ou automatique de renseignements en matière d'assistance administrative internationale demeure si leur droit national le prévoit (ch. 6, let. d).

Enfin, les droits de procédure des contribuables sont garantis (ch. 6, let. e). En Suisse, le contribuable concerné peut attaquer la décision finale de l'Administration fédérale des contributions concernant l'échange de renseignements en formant un recours devant le Tribunal administratif fédéral, lequel tranche définitivement la cause. Le recours a un effet suspensif: c'est pourquoi, s'il est fait recours, les renseignements ne peuvent être communiqués que si le recours est rejeté et une fois que la décision de rejet est entrée en force. Néanmoins, cette procédure ne doit pas entraver anormalement l'échange de renseignements.

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La disposition sur l'échange de renseignements s'appliquera aux périodes fiscales commençant le 1er janvier de l'année suivant l'année de l'entrée en vigueur de la convention ou après cette date.

Art. 27

Entrée en vigueur

La convention entrera en vigueur à la date de réception de la dernière des notifications concernant l'achèvement des procédures internes requises en vue de l'entrée en vigueur de la convention. Ces dispositions seront applicables pour les impôts à la source, dès le 1er janvier de l'année au cours de laquelle la convention est entrée en vigueur et pour les autres impôts dès le 1er janvier de l'année qui suit cette date.

L'Accord du 8 janvier 1992 entre la Suisse et le Emirats Arabes Unis concernant l'imposition des entreprises de navigation aérienne (RS 0.672.977.65) sera suspendu et ne produira plus d'effet tant que la convention restera applicable.

Ch. 7 du protocole A la demande des Emirats Arabes Unis et à l'instar de leur convention contre les doubles impositions conclue avec l'Allemagne, une disposition a été introduite dans le protocole qui prévoit que les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant provenant de l'exploration et de l'exploitation de ressources naturelles dans l'autre Etat contractant sera imposable seulement dans l'Etat où les ressources naturelles sont situées.

La notion de «bénéfices provenant de l'exploitation de ressources naturelles» ne comprend pas les bénéfices qu'une entreprise d'un Etat contractant tire des activités de négoce ou de commerce en hydrocarbures ou d'autres ressources naturelles provenant de l'autre Etat contractant lorsque ces activités ne sont pas effectuées sur le territoire de cet autre Etat. Dans ce cas, les dispositions des autres articles de la convention, suivant les cas, sont applicables.

5

Conséquences financières

Dans toute convention contre les doubles impositions, les deux Etats contractants renoncent à certaines recettes fiscales. Pour la Suisse, les pertes qui découlent de la présente convention résultent du remboursement total ou partiel de l'impôt anticipé et, dans la mesure où les bases légales seraient modifiées dans ce domaine en droit interne aux Emirats Arabes Unis, de l'imputation de l'impôt à la source des Emirats Arabes Unis prélevé sur les dividendes en vertu de l'art. 10. Ces pertes, qui ne peuvent être chiffrées par manque d'instruments adéquats, seront partiellement compensées du fait que ces mesures augmenteront l'attrait de la place économique suisse, ce qui devrait se traduire par un apport de recettes supplémentaires dans le cadre des impôts directs.

En revanche, l'imputation forfaitaire d'impôt introduite par l'ordonnance du Conseil fédéral du 22 août 1967 (RS 672.201) n'aura pas d'incidence, du moins pour le moment, sur les finances publiques suisses. Dans l'ensemble, la convention se traduit toutefois par des avantages considérables, et elle devrait supprimer les distorsions de concurrence possibles dont souffrent encore les entreprises suisses par

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rapport à celles d'autres Etats européens présentes sur le marché des Emirats Arabes Unis.

En outre la convention, qui prévoit, d'une part, une assistance administrative pour appliquer le droit national de l'Etat requérant et, d'autre part, un accès aux renseignements bancaires à des fins fiscales, l'une et l'autre sur demande, pourrait certes être considéré d'une certaine manière comme préjudiciable pour la place économique suisse et, indirectement, pour les recettes fiscales du pays. Cependant, au vu des efforts internationaux pour uniformiser les conditions de l'assistance administrative dans l'ensemble des Etats («global level playing field») et pour assurer une application effective de l'échange de renseignements au moyen d'un mécanisme de contrôle adéquat, la nouvelle situation ne devrait pas avoir d'incidences particulières pour la Suisse.

Les cantons et les milieux économiques intéressés se sont prononcés en faveur de la convention. Dans l'ensemble, la convention contribue de manière bénéfique au maintien et au développement des relations économiques bilatérales, ce qui s'inscrit dans le cadre des buts principaux de la politique suisse en matière de commerce extérieur. Enfin, la convention permet de maintenir l'attrait de la place financière suisse pour les investisseurs des Emirats Arabes Unis.

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Constitutionnalité

La convention avec les Emirats Arabes Unis se fonde sur l'art. 54 de la Constitution (RS 101), qui attribue à la Confédération la compétence en matière d'affaires étrangères. L'Assemblée fédérale est compétente pour approuver cette convention en vertu de l'art. 166, al. 2, de la Constitution. La convention est conclue pour une durée indéterminée, mais elle peut être dénoncée en tout temps pour la fin d'une année civile moyennant un préavis de six mois. Elle n'implique pas d'adhésion à une organisation internationale. Conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3 de la Constitution, les conventions qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales sont sujettes au référendum en matière de traités internationaux (depuis le 1er août 2003).

Conformément à l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (RS 171.10), on considère qu'une disposition inscrite dans un traité international fixe des règles de droit lorsqu'elle prévoit des dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Afin de se doter d'une pratique cohérente en ce qui concerne le ch. 3 de l'art. 141, al.1, let. d, de la Constitution et d'éviter que des accords similaires ne soient soumis de façon répétée au référendum, le Conseil fédéral a précisé, dans le message du 19 septembre 2003 relatif à la convention contre les doubles impositions avec Israël (FF 2003 5903), qu'il accompagnerait dorénavant les accords qu'il présenterait au Parlement de la proposition de ne pas les soumettre au référendum en matière de traités internationaux, pour autant que ces accords n'entraînent pas de nouveaux engagements pour la Suisse.

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La convention prévoit une assistance administrative étendue, conformément aux standards du Modèle de convention fiscale de l'OCDE, ce qui est nouveau dans la politique conventionnelle suisse en matière fiscale.

Ainsi, la convention crée de nouveaux engagements importants pour la Suisse.

L'arrêté fédéral portant approbation de la convention entre la Suisse et les Emirats Arabes Unis contre les doubles impositions sera par conséquent sujet au référendum en matière de traités internationaux prévu à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, de la Constitution.

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