09.510 Initiative parlementaire Maintien des exportations suisses de bétail Rapport de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national du 21 mars 2011

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons le projet d'une modification de la loi fédérale sur l'agriculture et de l'arrêté fédéral sur les moyens financiers destinés à l'agriculture pour les années 2012 et 2013 que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet de l'acte ci-joint.

21 mars 2011

Au nom de la Commission: Le président, Hansruedi Wandfluh

2011-0615

3307

Condensé Le projet de loi prévoit de réintroduire les aides à l'exportation d'animaux d'élevage suisse. La base légale pour de telles aides a été abrogée fin 2009 dans le cadre de la politique agricole 2011. La suppression de toutes les subventions à l'exportation est en principe chose décidée pour 2013 dans le cadre du cycle de Doha de l'OMC.

Au vu des difficultés d'écoulement du bétail surtout en automne après la désalpe et des rapports de concurrence inégaux avec l'UE un montant de 4 millions de francs par an doit être mis à disposition pour promouvoir l'exportation de bétail. La mise en oeuvre serait identique à 2009. La contribution par animal devrait se situer à 60 pourcent du montant versé auparavant, du moment que l'écart de prix par rapport à l'étranger a diminué.

Il est prévu d'assurer le financement des aides à l'exportation en transférant des moyens tirés du compte des paiements directs à l'intérieur du compte financier destiné à l'agriculture. Cette réallocation nécessite une correction des crédits-cadre pour l'agriculture pour les années 2012 et 2013. Les réductions toucheraient les contributions pour la détention d'animaux de rente consommant des fourrages grossiers.

3308

Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Exigences de l'initiative parlementaire

Le 11 décembre 2009, Elmar Bigger, conseiller national, a déposé une initiative parlementaire qui demande de revenir sur l'abrogation de l'art. 26 de la loi du 29 avril 1998 sur l'agriculture (LAgr; RS 910.1) intervenue début 2010. Cet article permettait à la Confédération de subventionner l'exportation de produits agricoles et de leurs produits de transformation. L'initiative parlementaire exige en outre que le Conseil fédéral assure la promotion de l'exportation d'animaux jusqu'à la réintroduction de la base légale.

1.2

Analyse préliminaire de l'initiative parlementaire

La Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (CER-N) a, lors de sa séance du 28 juin 2010, décidé par 14 voix contre 11 de donner suite à l'initiative parlementaire. La Commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats (CER-E) a approuvé cette décision le 22 octobre 2010 par 3 voix contre 2 et 2 abstentions. La CER-N a donc le mandat de préparer un projet (art. 111, al. 1, LParl).

Le 17 janvier 2011, par 12 voix contre 12 et la voix prépondérante du président, la CER-N est entrée en matière sur le présent avant-projet et l'a approuvé par 13 voix contre 11. Elle a décidé d'organiser une procédure de consultation parmi les milieux concernés.

Cette procédure s'est déroulée du 20 janvier au 4 mars 2011. Sur l'ensemble des participants, 36 soutiennent le projet, 12 le rejettent et 2 ont renoncé à se prononcer (cf. ch. 2.6). Après avoir examiné les résultats de la consultation, la commission a décidé, par 13 voix contre 10 et 1 abstention, de soumettre à son conseil le projet qui avait été mis en consultation. Une minorité rejette globalement le projet et propose de ne pas entrer en matière sur cet objet.

2

Grandes lignes du projet

2.1

Situation initiale sous l'optique juridique et économique

Etant donné que, sur le plan économique, les subventions à l'exportation sont jugées comme des instruments faussant massivement le marché et n'incitant nullement à une production de qualité orientée vers la demande, les aides à l'exportation de produits agricoles et d'animaux d'élevage ont été abolies dans le cadre de la politique agricole 20111. A l'appui de cette décision, le Conseil fédéral a, par décision du 1

RO 2007 6095

3309

14 novembre 2007, abrogé l'art. 26 LAgr avec effet au 1er janvier 2010. La base légale pour promouvoir l'exportation d'animaux d'élevage avec des aides faisait désormais défaut.

Précédemment, la Confédération a soutenu l'exportation de bovins, ovins, chèvres et chevaux avec un montant annuel de 5,6 millions de francs (moyenne 2005 à 2009).

Cette somme a permis d'allouer une aide fédérale de près de 1000 francs par animal aux 4000 à 5000 bovins exportés. Grâce aux moyens financiers supplémentaires alloués en 2009, il a été possible d'exporter près de 5800 bovins. De plus, les exportateurs pouvaient bénéficier d'une aide pour quelques centaines d'animaux des autres espèces. Seuls 555 animaux de l'espèce bovine ont été exportés en 2010 suite à la suppression des aides.

2.2

Nécessité d'intervenir: Considérations de la commission

2.2.1

Arguments de la majorité

La majorité se prononce en faveur de la réintroduction des aides à l'exportation pour le bétail d'élevage. Elle est d'avis qu'en abrogant l'art. 26 LAgr, on a imprudemment renoncé à un précieux instrument pour le maintien et la promotion de l'agriculture suisse. De l'avis de la majorité de la commission, l'exportation de bétail d'élevage est nécessaire pour garantir la pérennité de l'économie animale sur l'ensemble du territoire Suisse et notamment dans les régions des collines et de montagne.

La majorité argumente par ailleurs que les subventions à l'exportation avaient été abolies dans le cadre de la révision des bases légales agricoles en partant de l'hypothèse que l'OMC prenne une décision finale demandant d'abolir tout instrument visant à encourager l'exportation. Du moment que le cycle de Doha n'a pas abouti, une différence est apparue avec l'UE, car elle accorde toujours des ristournes à l'exportation pour les animaux vivants.

La majorité argumente par ailleurs que la réintroduction des aides à l'exportation permet de promouvoir l'exportation de 4000 à 5000 animaux de l'espèce bovine, ce qui permet de désengorger le marché du bétail suisse, surtout en automne après la désalpe. D'autre part, les relations commerciales avec les acheteurs étrangers s'en trouveraient fortifiées. Privés des aides à l'exportation, les marchands de bétail suisses voient le réseau des relations commerciales s'amenuiser. Les regagner ultérieurement ne serait possible qu'au prix d'un très grand effort.

Tant qu'aucun accord OMC n'aura été mis en oeuvre, la protection tarifaire dont bénéficie la viande de boeuf reste élevée, de sorte que les prix pratiqués en Suisse pour le bétail de boucherie restent nettement supérieurs à ceux pratiqués au sein de l'UE. Ceci a une influence directe sur les prix des animaux de rente, qui sont également nettement plus élevés que dans les pays voisins. Sans aides à l'exportation, la Suisse n'est pas compétitive.

Le budget de l'agriculture ne doit pas être augmenté pour mettre en oeuvre la réglementation proposée. Le montant nécessaire peut être réalloué à l'intérieur du budget de l'agriculture, par un transfert des paiements directs vers le soutien du marché (cf.

ch. 2.5).

3310

2.2.2

Arguments de la minorité

La minorité (Fässler, Favre Charles, Fehr Hans-Jürg, Gysin, Leutenegger Oberholzer, Müller Philipp, Rechsteiner Paul, Rennwald, Schelbert, Theiler, Thorens Goumaz, Zisyadis) conteste la nécessité d'agir et propose de ne pas entrer en matière sur le projet de loi. Elle déclare que les aides à l'exportation sont sur le plan international classées comme mesure économiquement inefficace et provoquant de graves distorsions sur le marché. C'est pourquoi le principe d'abolir tous les instruments de promotion des exportations pour 2013 a été décidé dans le cadre du cycle de Doha de l'OMC.

Aux yeux de la minorité, l'agriculture doit être soutenue par le biais d'incitations à fournir des prestations d'intérêt général et non par le biais d'instruments inefficients déstabilisant le marché. Les aides à l'exportation profiteraient en premier lieu non pas aux agriculteurs, mais à quelques marchands de bétail. Un autre effet serait de renchérir les prix pour les acheteurs indigènes. C'est pourquoi le soutien des régions de montagne doit se faire par le système des paiements directs.

En outre, la minorité considère que la réintroduction des aides à l'exportation pour le bétail d'élevage irait à l'encontre des décisions déjà prises par le Parlement et donnerait un signal négatif par rapport aux négociations actuelles et futures dans le domaine économique international. Ce serait aussi créer un préjudice et d'autres secteurs pourraient aussi exiger par la suite de bénéficier de subventions semblables.

Finalement, la minorité de la commission argumente que l'UE ne soutient financièrement l'exportation de bétail qu'à destination de pays non membres de l'UE et que le commerce entre les pays membres de l'UE ne peut pas être subventionné. Les exportateurs suisses peuvent donc opérer sur leur principal marché, celui de l'UE, aux mêmes conditions.

2.3

Grandes lignes de la réglementation proposée

Des aides de 4 millions de francs par an seront alloués pour promouvoir l'exportation de bétail d'élevage. L'instrument touchera les mêmes catégories d'animaux et comprendra les mêmes conditions qui étaient valables en 2009. Sur cette base, le Conseil fédéral arrêtera les principes dans l'ordonnance du 14 novembre 2007 sur l'élevage (OE; RS 916.310). Les contributions par animal, échelonnées selon l'espèce, la race, le sexe, le pays destinataire et selon d'autres critères, devront être fixées dans l'ordonnance de l'Office fédéral de l'agriculture du 7 décembre 1998 sur l'octroi de contributions dans l'élevage (RS 916.310.31). L'Office fédéral de l'agriculture déterminera en outre les exigences qualitatives que les animaux exportés doivent remplir. La contribution par animal peut être réduite à 60 pourcent du montant versé en 2009 parce que l'écart de prix entre la Suisse et l'étranger a diminué. A titre d'exemple, l'exportation de vaches et de génisses portantes pourrait être soutenue avec une aide de 630 francs par animal pour l'Italie et de 750 francs par animal pour la Géorgie.

Les organisations d'élevage concernées seraient de nouveau chargées de l'exécution, comme cela a été le cas jusqu'à fin 2009. Ces organisations contrôlent le droit aux contributions et les versent aux exportateurs.

3311

2.4

Calendrier parlementaire et entrée en vigueur

En raison de l'allégement escompté du marché du bétail d'élevage après la désalpe, une entrée en vigeur en automne 2011 serait judicieuse.

Compte tenu du délai référendaire de trois mois, réintroduire les aides à l'exportation à l'automne 2011 suppose que la présente modification de la loi sur l'agriculture, de même que l'arrêté fédéral concernant la modification de l'arrêté fédéral sur les moyens financiers destinés à l'agriculture pour les années 2012 et 2013, soient adoptés par le Conseil national lors de la session spéciale d'avril 2011. Le Conseil des Etats pourrait ensuite examiner le projet lors de la session suivante, à savoir la session d'été. Or, la mise en oeuvre de ce calendrier nécessite impérativement de raccourcir, à titre exceptionnel, le délai de consultation, qui est en principe de trois mois. Pour formuler cette proposition, la commission se fonde sur l'art. 7, al. 3, de la loi sur la consultation2, lequel prévoit qu'il est possible de raccourcir le délai en question lorsqu'il y a urgence.

La modification de la loi entraîne une adaptation des ordonnances. Les dispositions y relatives doivent entrer en vigueur simultanément avec la mise en vigueur de la modification de la loi.

2.5

Financement

L'entrée en vigueur pour l'automne 2011 impliquerait que les moyens financiers nécessaires devraient être requis par une procédure de crédit supplémentaire au budget 2011.

Il est prévu de financer les aides à l'exportation dès 2012 en réallouant des moyens destinés aux paiements directs à l'intérieur des crédits-cadres 2012 et 2013 destinés à l'agriculture. Des réductions inéluctables des paiements directs toucheraient les contributions pour la détention d'animaux de rente consommant des fourrages grossiers visées à l'art. 73 LAgr.

2.6

Résultats de la consultation

16 cantons (AI, AR, FR, GL, GR, LU, NE, NW, OW, SG, SO, TG, TI, UR, VD et VS), 3 partis (PDC, PCS, UDC) et 17 organisations et associations approuvent la réintroduction des aides à l'exportation pour le bétail d'élevage à l'automne 2011 ainsi que, sur le principe, le type de financement prévu pour le montant de 4 millions de francs par année. D'autres solutions sont parfois proposées concernant le financement: recettes provenant de la mise en adjudication des contingents d'importation de viande, moyens financiers fédéraux supplémentaires, fonds provenant de la promotion des ventes au sens de l'art. 12 LAgr et réallocation d'autres paiements directs. Les partisans du projet soulignent que ce soutien pourrait renforcer la rentabilité de la production de bétail, surtout dans la région de montagne et des collines.

En outre, des aides à l'exportation doivent de nouveau être introduites car aucune conclusion du cycle OMC de Doha dans le cadre de l'OMC n'est en vue pour le 2

RS 172.061

3312

moment et l'UE encourage encore financièrement ses exportations de bétail vers les pays tiers (dont la Suisse). Les aides à l'exportation pourraient rétablir la compétitivité sur les marchés étrangers, ce qui aurait des effets positifs sur les relations commerciales. 8 cantons (AG, BE, BL, BS, GE, LU, SH et ZH), 2 partis (PLR.Les Libéraux-Radicaux et PS) et 2 organisations et associations rejettent le projet. Ils avancent l'argument selon lequel les aides à l'exportation entraînent une distorsion du marché et que l'agriculture indigène peut être soutenue de manière plus efficace et plus efficiente par des paiements directs. Par ailleurs, la politique agricole suisse doit être conséquente et crédible et il serait par conséquent peu judicieux de modifier le droit en vigueur, une année et demie après avoir supprimé les aides à l'exportation. La réintroduction d'un instrument d'aide à l'exportation en faveur de la production animale risque d'inciter d'autres secteurs à déposer le même type de demande.

3

Commentaire article par article

Art. 53

Exportation d'animaux d'élevage

Des aides en vue de soutenir l'exportation peuvent être versées pour des animaux d'élevage des espèces bovines, équines, ovines et caprines. Le Conseil fédéral arrête les dispositions d'exécution sur la base de l'art. 177 LAgr. Ce faisant, il se réfère aux conditions-cadre valables en 2009.

Avec la modification de l'arrêté fédéral sur les moyens financiers destinés à l'agriculture pour les années 2012 et 2013, 8 millions de francs seront transférés des paiements directs vers les mesures destinées à promouvoir la production et les ventes. Les chiffres dans le projet de l'arrêté fédéral sur la modification de l'arrêté fédéral sur les moyens financiers destinés à l'agriculture pour les années 2012 et 2013 se basent sur l'arrêté tel que modifié par le Conseil des Etats le 17 mars 20113.

4

Conséquences

4.1

Conséquences financières et effet sur l'état du personnel

Il faut transférer 4 millions de francs par an, à l'intérieur du crédit pour l'agriculture, des paiements directs vers le soutien du marché. Il est prévu de réaliser les économies sur le compte des paiements directs en réduisant les contributions pour la détention d'animaux consommant des fourrages grossiers visées à l'art. 32 de l'ordonnance du 7 décembre 1998 sur les paiements directs versés dans l'agriculture (OPD; RS 910.13) de 5 francs par unité de gros bétail fourrages-grossiers.

3

http://www.parlament.ch/ab/frameset/d/s/4817/350673/d_s_4817_350673_350706.htm

3313

S'agissant d'une dépense nouvelle et récurrente, elle tombe sous le coup du frein aux dépenses. Il est par conséquent nécessaire que les deux chambres l'adoptent à la majorité des membres (majorité qualifiée).

L'application de la mesure occasionne un certain surcroît de travail dans les organisations d'élevage et à l'Office fédéral de l'agriculture.

4.2

Mise en oeuvre

La réintroduction d'un instrument opérationnel durant de longues années ne pose pas de problème particulier quant à son exécution.

5

Relation avec le droit international et européen

Le droit européen en vigueur prévoit la possibilité de promouvoir l'exportation d'animaux d'élevage de race dans les pays non membres de l'UE. Cette dernière a alloué pour des animaux de l'espèce bovine en décembre 2010 environ 100 francs par tête.

Les aides à l'exportation sont qualifiées internationalement comme une distorsion du marché. Dans les négociations en cours à l'OMC, lors de la conférence des ministres en 2005, il a été décidé d'abolir les subventions à l'exportation au plus tard d'ici 2013. Les négociations OMC n'ont pour l'instant pas abouti, mais il faut s'attendre que les aides à l'exportation devront être abolies rapidement si le cycle de Doha aboutit.

6

Bases légales

6.1

Constitutionnalité et légalité

La modification s'appuie sur l'art. 104 de la Constitution (Cst.; RS 101).

6.2

Délégation de compétences législatives

La présente modification de la loi sur l'agriculture n'engendre pas de délégation de compétences en vue de l'adoption d'une ordonnance supplétive. Le Conseil fédéral édictera les dispositions d'exécution nécessaires (art. 177 LAgr) dans l'OE et l'OPD conformément à ses compétences.

6.3

Forme de l'acte

Conformément à l'art. 164, al. 1, CF, c'est l'Assemblée fédérale qui édicte les dispositions importantes qui fixent des règles sous la forme d'une loi fédérale.

3314